Le Tribunal de Commerce d`Abidjan, en son audience publique

Transcription

Le Tribunal de Commerce d`Abidjan, en son audience publique
KF/AB/OE
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
-----------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN
----------------------TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN
---------------------RG N° 3179/2014
du 12/02/2015
JUGEMENT CONTRADICTOIRE
--------------------Affaire :
Monsieur TCHAKOTE Joachim
(SCPA BLESSY et BLESSY)
Contre
AUDIENCE PUBLIQUE DU 12 FEVRIER 2015
Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique
ordinaire du jeudi douze février de l’an deux mil quinze tenue
au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient :
DOCTEUR KOMOIN FRANCOIS, Président du tribunal ;
Madame ESSO épouse ABANET, Messieurs KACOU
Bredoumou, FOLOU Ignace, SILUE Daoda, N’GUESSAN
Gilbert et NIAMKEY Kodjo Paul
Assesseurs
Avec l’assistance de Maître ANGUI Atsé, Greffier ;
La SOCIETE PARKING SERVICE
INTERNATIONAL
(SCPA ANTHONY-FOFANA et Associés)
-----------------------DECISION :
Contradictoire
Avons rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause
entre :
Monsieur TCHAKOTE Joachim, né le 20 janvier 1957 à
Douala (Cameroun), de nationalité Camerounaise, employé de
Déclare monsieur TCHAKOTE Joachim
la BAD, demeurant à Abidjan cocody les II plateaux SIDELE
recevable en son action ;
villa N°20 ;
L’y dit partiellement fondé ;
Condamne la Société PARKING SERVICE
à lui restituer le véhicule de marque
Mercedes immatriculé 5078 EB 01 sous
astreinte de cinq cent mille (500.000) FCFA
par jour de retard à compter de la
signification de la présente décision ;
Condamne également la Société PARKING
SERVICE à lui payer les sommes de deux
millions (2.000.000) de francs CFA au titre
des frais de location de véhicule et un
million (1.000.000) de francs CFA à titre de
dommages et intérêts ;
Demandeur représenté par la SCPA BLESSY et BLESSY,
Avocats à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant à KM 4
boulevard de Marseille face à Bernabé, tel : 21 35 33 34 / 21
35 32 31, fax : 21 35 33 34 ;
D’une part ;
Et ;
La SOCIETE PARKING SERVICE INTERNATIONAL, SA,
société de transit et de déménagement, demeurant à Abidjan
Le déboute du surplus de sa demande ;
Biétry G 30, rue des Majorettes, 07 BP 66 Abidjan 07, tel : 21
Déclare la société Packing Service 25 27 17 ;
recevable
en
reconventionnelle ;
sa
demande
L’y dit cependant mal fondée ;
L’en déboute ;
Défenderesse, représentée par la SCPA ANTHONY-FOFANA
et Associés, Avocats à la cour d’Appel d’Abidjan ;
D’autre part ;
Ordonne l’exécution provisoire de la
présente décision en ce qui concerne la
restitution du véhicule ;
Enrôlée pour l’audience de référé du mardi 11 novembre 2014,
l’affaire a été appelée et mise en délibéré pour le 18 novembre
Condamne la Société PARKING SERVICE 2014.
aux dépens.
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Advenue cette audience, le délibéré a été rabattu et l’affaire
renvoyée au 25 novembre 2014 pour conclusions sur la
compétence puis au 27 novembre 2014 devant la première
chambre en application de l’article 229 du code de procédure
civile, commerciale et administrative. A la date du 27 novembre
2014, la cause a fait l’objet de renvois successifs dont le
dernier au 15 janvier 2015 pour les répliques réciproques. En
état de recevoir jugement, ladite cause a été mise en délibéré
pour décision être rendue le 12 février 2015.
Advenue cette audience, le Tribunal a vidé son délibéré
comme suit.
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier ;
Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
Ouï le demandeur en ses prétentions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit de maître ASSEY Roger, huissier de justice à
Abidjan, en date du 31 octobre 2014, monsieur TCHAKOTE
Joachim a assigné la société PARCKING SERVICE
INTERNATIONAL à comparaître le 11 novembre 2014 par
devant le Président du Tribunal de Commerce d’Abidjan
statuant en matière de référés pour s’entendre contraindre à lui
restituer le véhicule de marque Mercedes immatriculé 5078 EB
01 sous astreinte de cinq cent mille (500.000) FCFA par jour de
retard ;
La procédure a été renvoyée conformément à l’article 229 du
code de procédure civile, commerciale et administrative au
tribunal qui l’a poursuivie sans autre assignation ;
Au soutien de son action, monsieur TCHAKOTE Joachim
expose que dans le cadre d’un déménagement de Tunis à
Abidjan, il a pris contact avec la Société PARCKING SERVICE
à l’effet de procéder au dédouanement et à la remise desdits
effets qui comprenaient, entre autres, deux véhicules ;
Il explique que le 27 avril 2014 il a réglé la somme de 5.290
Euros représentant les frais d’emballage et d’expédition sur
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Abidjan de ses effets personnels et des deux véhicules ;
Que le 17 juin 2014, après avoir fourni tous les documents à la
Société PARCKING SERVICE, il recevait d’elle les
connaissements ; que courant juillet 2014, la Société
PARCKING SERVICE lui réclamait ses honoraires qu’elle
évaluait à quatre millions cinq cent soixante dix huit mille cinq
cent soixante dix neuf mille (4.578.579) FCFA, qu’il réglait le 14
juillet 2014 ;
Il fait noter que le bateau contenant ses effets personnels est
arrivé à Abidjan le 02 juillet 2014 ;
Il précise cependant qu’il n’a reçu que livraison de ses effets
personnels et d’un véhicule que le 02 Aout 2014 alors que le
transitaire disposait d’une franchise de vingt un (21) jours pour
livrer les marchandises ;
Que pis, la Société PARCKING SERVICE l’informait le 18 Aout
2014 de ce qu’elle retenait le second véhicule pour, dit-elle,
obtenir paiement de la somme de trois millions deux cent
quatre vingt quinze mille (3.295.000) FCFA représentant des
frais de surestaries, alors qu’il n’est pas responsable de ces
frais ;
Il soutient que, privé ainsi de son moyen de transport, il a dû
louer un autre véhicule pour assurer ses déplacements ;
En réplique, la Société PARCKING SERVICE, conclut au
débouté du demandeur et sollicite du Tribunal qu’il déclare
monsieur TCHAKOTE Joachim tenu au paiement des frais de
surestaries et dire et juger que le véhicule est légitimement
détenu par la Société PARCKING SERVICE ;
Elle explique que dans le cadre du retour de la BAD en Côte
d’Ivoire, elle a été sollicitée par monsieur TCHAKOTE Joachim
à l’effet d’effectuer le dédouanement de ses affaires dont le
véhicule litigieux ;
Qu’ainsi le 07 mai 2014, elle lui réclamait les documents
pouvant lui permettre d’effectuer les opérations de
dédouanement ;
Que cependant, malgré plusieurs relances à lui faites,
monsieur TCHAKOTE ne lui a remis l’ensemble des
documents que le 14 juillet 2014 ;
Elle ajoute que, dès réception, les documents du véhicule
litigieux ont été communiqués à la BAD qui avait mis en place
un comité de suivi des opérations pour le compte de son
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personnel, afin d’être transmis au guichet unique pour
l’ouverture d’un dossier ;
Qu’entre temps, elle a lancé la demande d’ouverture du dossier
à la société Côte d’Ivoire logistique et communiqué à monsieur
TCHAKOTE Joachim les frais d’immatriculation qui ont été
payés le 25 juillet 2014 ;
Elle fait noter que les documents ayant été transmis le 14 juillet
2014 et les frais d’immatriculation acquittés le 25 juillet 2014,
l’accomplissement des formalités au guichet unique devait
nécessairement dépasser le délai de franchise de vingt un
jours ;
Qu’elle a donc par courriel en date du 09 aout 2014, invité son
client à solliciter de la compagnie maritime un délai de
franchise supplémentaire à l’effet d’éviter les surestaries ; ce
qui n’a pas été fait ;
Qu’ainsi, en raison du dépassement de délai constaté, la
compagnie maritime a exigé le paiement de la somme de trois
millions deux cent quatre vingt quinze mille (3.295.000) FCFA
correspondant aux frais de surestaries ;
Elle explique que pour pouvoir prendre possession des effets,
elle a dû s’acquitter desdits frais et a sollicité le remboursement
au demandeur ;
Qu’en réaction, monsieur TCHAKOTE Joachim a, par courriel
en date du 19 septembre 2014, subordonné le remboursement
de ces frais à la production préalable des factures de la
compagnie maritime ;
Que bien qu’ayant produit lesdites factures, monsieur
TCHAKOTE Joachim refuse de rembourser les frais de
surestaries et réclame plutôt la restitution de son véhicule ;
Elle fait valoir qu’elle a donc exercé le droit de rétention
reconnu au créancier par les articles 67 et 68 de l’acte
uniforme sur les sûretés pour garder le véhicule litigieux ;
Elle sollicite donc du Tribunal qu’il juge qu’elle détient
légitimement ledit véhicule et dise que monsieur TCHAKOTE
Joachim est tenu au paiement des surestaries.
SUR CE
En la forme
Sur le caractère de la décision
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La Société PARKING SERVICE a fait valoir ses moyens de
défense. Il convient donc de statuer par décision contradictoire.
Sur le taux du ressort
L’article 8 de la loi organique n°424/2014 du 14 Juillet 2014
portant création, organisation et fonctionnement des juridictions
de commerce dispose que : « les Tribunaux de commerce
statuent :
-
en premier ressort, sur toutes les demandes dont
l’intérêt du litige excède un milliard ou est indéterminé ;
-
en premier et dernier ressort, sur toutes les demandes
dont l’intérêt du litige n’excède pas un milliard de
francs ».
En l’espèce, le litige qui porte aussi sur la restitution d’un
véhicule, est en partie indéterminée ; il convient dans ces
conditions de statuer en premier ressort.
Sur la recevabilité
L’action de monsieur TCHAKOTE Joachim et la demande
reconventionnelle de la société Parcking Services ont été
initiées dans le respect des conditions légales de forme et de
délai ; il convient de les déclarer recevables.
AU FOND
Sur la demande principale
Monsieur TCHAKOTE Joachim sollicite que le tribunal
contraigne la Société PARKING SERVICE à lui restituer le
véhicule de marque MERCEDES immatriculé 5078 EB 01 ;
La société Parking Services s’y oppose, arguant qu’elle le
détient légitimement dans le cadre de l’exercice de son droit
de rétention ;
Il y a lieu de voir si en l’espèce la défenderesse peut se
prévaloir d’une telle sureté.
L’article 68 de l’acte uniforme portant organisation des suretés
qui la prévoit dispose : « Le droit de rétention ne peut s’exercer
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que :
- si la créance de rétenteur est certaine, liquide et
exigible ;
- s’il existe un lien de connexité entre la naissance de la
créance et la détention de la chose retenue ;
- et si le bien n’a pas été saisi avant d’être détenu par le
rétenteur. »
La créance en l’espèce revendiquée par la défenderesse est le
remboursement des frais de surestaries, dont elle a dû
s’acquitter selon elle aux lieu et place du demandeur.
Il résulte des pièces produites au dossier que la défenderesse
a transmis au demandeur une offre de contrat acceptée par
celui-ci, appuyée par le document ainsi libellé : « Dans le but
d’améliorer les conditions de votre retour vers Abidjan, votre
partenaire JAF/PACKING SERVICE veille à obtenir les
meilleurs avantages pour rendre le déménagement facile à
gérer et sans stress ;
Notre partenaire PACKING SERVICE est aujourd’hui le leader
à Abidjan pour le dédouanement des effets personnels et
véhicules.
PACKING SERVICE est le seul déménageur et transitaire à
Abidjan à posséder son propre entrepôt sous-douane ce qui
vous évite deux risques :
1/ le vol / perte de vos effets personnels
2/les frais supplémentaires de port, surestaries et magasinage
En effet sans un entrepôt sous douane les effets doivent rester
dans le port pendant la procédure de dédouanement
Il en est de même pour le véhicule pendant le passage au
guichet unique.
Avec l’entrepôt sous douane vos effets personnels et vehicules
sont en sécurité des leur arrivée à Abidjan.
En plus de l’entrepôt sous-douane à Abidjan, nous vous offrons
le garde-meuble à Tunis gratuitement pour 03 mois (cet
avantage vous sera utile dans le cas ou vous voudriez quitter
Tunis pour aller vous organiser à Abidjan avant d’envoyer votre
conteneur), ajoutant à cela un accord officiel avec MAERSKLINE qui est le leader mondial du transport maritime, de nous
fournir au moins 50 conteneurs / mois pour pouvoir satisfaire
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vos besoins ».
Ayant ainsi rassuré le demandeur quant à l’absence de risque
de paiement des surestaries, elle ne peut de son propre chef
modifier les conditions du contrat et exiger à présent le
paiement de ces surestaries.
Ne disposant donc pas à l’encontre du demandeur d’une
créance certaine, liquide et exigible, elle ne peut légitimement
retenir son bien dans le cadre de l’exercice d’un droit de
rétention.
Des lors, il convient de condamner la société PACKING
SERVICE à restituer le véhicule qu’elle détient au demandeur
sous astreinte de cinq cent mille (500.000) FCFA par jour de
retard à compter de la signification de la présente décision.
Monsieur TCHAKOTE Joachim sollicite la condamnation de la
société Packing Services à lui payer les frais de location et de
réparation du véhicule qu’il a loué. Il produit des pièces dont
l’analyse atteste qu’il a effectivement exposé des frais à
hauteur de deux millions (2.000.000) FCFA du fait de la
rétention jugée illégitime du véhicule litigieux ; de sorte qu’il
convient de condamner la société Packing Services à lui
rembourser la somme de deux millions (2.000.000) FCFA
exposée à cet égard ; mais de le débouter du surplus de ses
demandes que les pièces qu’elle a produites ne justifient pas.
Monsieur TCHAKOTE Joachim réclame aussi la somme de
deux millions(2.000.000) de francs CFA à titre de dommages et
intérêts ;
La rétention du véhicule de monsieur Tchakoté par la société
Packing Service International, jugée sans titre ni droit, a privé
le demandeur de l’usage de son bien et lui a de ce fait causé
un préjudice qu’il convient de réparer ;
Il y a lieu cependant de ramener ses prétentions à de justes
proportions et condamner la société Packiing Service
International à lui payer la somme de un million ( 1.000.000) de
francs à titre de dommages et intérêts ;
Sur la demande reconventionnelle de la Société PARKING
SERVICE
La société Packing Service International sollicite, à titre
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reconventionnel, la condamnation de monsieur TCHAKOTE
Joachim à lui payer le montant de la facture des surestaries.
Il a été cependant susjugé que dans le cadre des offres faites
par cette société au demandeur et acceptées par celui-ci, elle
lui avait garanti l’absence de risque de surestaries. Elle ne peut
donc à présent les lui réclamer.
Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de
paiement des surestaries comme n’étant pas fondée.
Sur l’exécution provisoire
Monsieur TCHAKOTE Joachim sollicite l’exécution provisoire
de la décision à intervenir.
L’exercice du droit de rétention par la défenderesse n’étant pas
légitime, il y a extrême urgence à ce que le véhicule du
demandeur lui soit restitué, la nature du droit de propriété
s’opposant à toute atteinte injustifiée au bien sur lequel il
s’exerce. Il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la
présente décision en application de l’article 146 du code de
procédure civile, commerciale et administrative en ce qui
concerne la restitution du véhicule.
Sur les dépens
La Société PARKING SERVICE succombe en l’instance, il
convient de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant
ressort ;
publiquement, contradictoirement
et
en
premier
Déclare monsieur TCHAKOTE Joachim recevable en son
action ;
L’y dit partiellement fondé ;
Condamne la Société PARKING SERVICE à lui restituer le
véhicule de marque Mercedes immatriculé 5078 EB 01 sous
astreinte de cinq cent mille (500.000) FCFA par jour de retard à
compter de la signification de la présente décision ;
Condamne également la Société PARKING SERVICE à lui
payer les sommes de deux millions (2.000.000) de francs CFA
8
au titre des frais de location de véhicule et un million (
1.000.000) de francs CFA à titre de dommages et intérêts ;
Le déboute du surplus de sa demande ;
Déclare la société Packing Service recevable en sa demande
reconventionnelle ;
L’y dit cependant mal fondée ;
L’en déboute ;
Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision en ce
qui concerne la restitution du véhicule ;
Condamne la Société PARKING SERVICE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an
que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier. / .
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