quand la mer monte
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quand la mer monte
WEBMAG N° 54 - MAI 2013 DÉBATS & OPINIONS QUAND LA MER MONTE Dans sa dernière livraison, le mensuel Terra Eco publie un entretien avec Anny Cazenave, climatologue et spécialiste de la montée des océans. Extrait. Vous avez contribué au dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Depuis sa parution, on sait que les prévisions de hausse du niveau de la mer étaient sous-estimées. Pourquoi ? A. C. : Le dernier exercice du GIEC a commencé en 2003 et a été publié en 2007. Et, en effet, nous savons aujourd’hui que les prévisions de l’exercice précédent étaient sous-estimées. Car, en 2003, les phénomènes de perte de glace des calottes polaires commençaient à peine à être observés. Nous n’avions pas le recul nécessaire et nous ne savions pas si ça allait durer. Quand le GIEC fait une évaluation des connaissances, il prend ce qu’il y a dans les publications scientifiques. Et, à l’époque, aucune publication ne tenait compte de ces phénomènes-là, que nous n’avions pas encore compris. Il faut bien voir que, il y a quinze ans, la contribution des calottes polaires à la hausse du niveau de la mer ne représentait rien. Ces écoulements extrêmement rapides ont commencé à se manifester au début des années 2000. On les a découverts grâce aux satellites, qui nous ont permis de les mesurer. On sait aujourd’hui que la fonte des glaces en général représente deux tiers de la hausse du niveau de la mer : un tiers vient des glaciers de montagne et un tiers du Groenland et de l’Antarctique. En 2007, les articles du quatrième rapport du GIEC consacrés à l’augmentation du niveau de la mer étaient englobés dans un chapitre sur l’océan, qui parlait aussi de l’acidification et de tout un tas de problèmes. Mais la communauté internationale a réalisé que cette hausse était une des conséquences majeures du changement climatique. Dans l’exercice en cours, qui sera publié en 2013, elle fait l’objet d’un chapitre particulier, pour lequel nous sommes 14 rédacteurs. Toutes ces nouvelles connaissances ontelles fait évoluer vos prévisions de manière importante ? De fait, ce qui va sortir cette année sera bien au-dessus des précédentes projections. Dans le cadre d’un scénario moyen de réchauffement, nous avions, à l’époque, annoncé une hausse moyenne se situant entre 20 et 60 centimètres d’ici à 2100. Pour cette édition, nous allons probablement prédire entre 50 et 80 centimètres de hausse. Ces mesures valent pour un scénario moyen. Or, on ne sait pas très bien ce qu’il va se passer en termes d’émissions ! Le prochain rapport donnera également des projections de variabilité régionale qui se superposent à cette hausse moyenne. Régionalement, tous les phénomènes que nous connaissons maintenant et que nous avons évoqués plus haut peuvent amplifier la hausse moyenne de 30 % à 50 % ! Par ailleurs, on parle toujours de 2100 comme si tout s’arrêtait à cette date. Mais ça va continuer ! Au-delà des impacts locaux, Photo : Futura-Sciences qui sont très importants et dont il faut prendre la mesure pour se préparer, la hausse du niveau de la mer est une preuve du réchauffement climatique. La mer, d’ailleurs, ne fait pas de pause : elle continue à monter. WWW.RENOUVELLE.ORG 05