Le cyberespace, champ de bataille des

Transcription

Le cyberespace, champ de bataille des
Le cyberespace, champ de bataille des
technologies, ou des idéologies ?
Par le général (C.R.) François Chauvancy
Si le cyberespace est bien un champ de bataille, est-il un lieu où s’affrontent
d’abord des technologies, ou bien des idéologies ? La question se pose avec une acuité
renforcée depuis le 7 janvier 2015 – le 11 septembre psychologique français – et les
récentes cyberattaques sur TV5 Monde. La technique semble bien avoir permis le réveil des
idéologies ; celles-ci, au demeurant, ne se résument pas au seul péril djihadiste, mais soustendent aussi les stratégies d’influence d’États comme la Russie ou la Chine.
Appliquée au cyberespace, la notion de champ de bataille soulève toutefois, dans le
prolongement de la première, nombre d’autres questions. Dans ce contexte, à quel moment
la guerre commence-t-elle ? À quel moment finit-elle ? Peut-on encore qualifier cet
affrontement virtuel de “guerre” ? Ne sommes-nous pas entrés dans une ère de guerre
permanente des esprits qui vise à agir sur les perceptions pour “construire” une réalité
devenant “vérité” ?
Cyberespace et idéologies, une intégration incontournable ?
À une époque où – hormis par métaphore dans les domaines de l’économie ou du
politique – tout terme guerrier est pudiquement écarté, la réponse à ces questions exige au
préalable d’en préciser les termes.
Qu’appelle-t-on bataille ? Selon le Littré, une bataille est le combat de deux armées,
le lieu où se livre le combat, l’ordre d’une armée disposée pour combattre. Aujourd’hui,
elle se définit comme “une combinaison d’engagements ou de combats particuliers livrés
entre deux ou plusieurs forces armées organisées et visant à la dislocation et le plus
souvent la destruction d’une partie déterminée des forces adverses”.1 Elle s’intègre dans
une campagne militaire définie comme un “ensemble d’opérations militaires planifiées et
conduites pour atteindre un objectif stratégique dans un délai et une zone géographique
donnés, impliquant généralement des forces maritimes, terrestres et aériennes”.2
Le cyberespace peut-il être considéré comme un simple champ de bataille technologique au sein d’une société civile “officiellement” en paix, ou n’est-il pas de fait,
désormais, partie intégrante de la stratégie générale de l’État ? En effet, par les technologies innovantes, des armées virtuelles se créent, y compris structurellement dans des
armées bien réelles. Dès lors que la stratégie générale de l’État ne cesse de s’appuyer sur le
continuum sécurité intérieure – sécurité extérieure qu’évoquent les Livres Blancs de 2008
et de 2013, ne sommes-nous pas engagés dans une guerre permanente et finalement dans
1
2
PIA-7.2.6-3, Glossaire Interarmées de terminologie opérationnelle, 2012.
Ibid.
Publié in Res Militaris (http://resmilitaris.net), hors-série “Cybersécurité”, juillet 2015
Res Militaris, hors-série “Cybersécurité”, juillet 2015
2
une campagne politico-militaire sans fin, aux champs de bataille multiples, à la fois
physiques et immatériels, où une nouvelle stratégie générale doit être imaginée ?
Au sein du corpus doctrinal français, la stratégie était jusqu’à présent définie de la
manière suivante : “Dans le domaine des relations internationales, art, pour un État, de
coordonner l’action de ses forces politiques, économiques, sociales et militaires dans le
but d’atteindre, par la persuasion ou la force, un objectif déterminé”.3 Or, le cyberespace a
créé un nouvel espace de bataille à la fois immatériel et matériel, à la fois technique et
“intellectuel”, dans lequel l’information et les actions d’influence trouvent toute leur place.
Elle inclut de fait la cyberstratégie sans que cette dernière n’y soit formellement intégrée.
Du cyberespace, je retiendrai parmi tant d’autres la définition suivante :
Le cyberespace est l’espace constitué des systèmes informatiques de toute sorte
connectés en réseaux et permettant la communication technique et sociale
d’informations par des utilisateurs individuels ou collectifs.4
Outre Internet et l’interconnexion de tous les réseaux informatiques, il englobe
donc bien l’information. Comme tout espace occupé par l’homme, il permet la guerre sous
une forme spécifique, et laisse une place aux stratégies d’acteurs étatiques, de groupes ou
d’individus avec des buts à atteindre, une stratégie générale à concevoir, donc des effets à
obtenir, y compris virtuels.
Dès lors qu’elle implique la défense de la souveraineté numérique d’un État, il n’est
plus possible de dissocier la cyberstratégie de la stratégie en général même si le cyberespace,
qui ne connaît pas les frontières, est partagé entre les individus, les groupes, les États. Le
Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale l’a heureusement identifié comme un
champ de confrontation à part entière. Il faut néanmoins sortir d’une vision trop
“techniciste”, sinon neutre, du cyberespace qui conduit au manque d’imagination et à des
organisations pas toujours adaptées. Cette cyberstratégie appelle l’anticipation, l’innovation,
l’imagination, la surprise – surprise stratégique incluse.
Cette vision stratégique est d’autant plus nécessaire que les États occidentaux sont
contestés par de nouvelles puissances visant à promouvoir leur propre leadership, souvent
dans un esprit de revanche, mais aussi en raison de leur perception de notre possible
affaiblissement. Ils le sont encore par des groupes radicaux, notamment islamistes, qui
combattent ouvertement les démocraties occidentales au moyen d’actions terroristes et
d’une propagande bien organisée au service de leurs idéologies respectives.
Publics ou privés, ces acteurs mènent pour la plupart des “guerres” sur la base
d’une information dirigée contre notre système politique et nos valeurs démocratiques. La
menace d’une possible “désinformation générale propagée sur les médias et via Internet”
était déjà identifiée dans le Livre Blanc en 2008, qui précisait même : “Pourront aussi être
visées par de telles actions les communautés françaises à l’étranger et les communautés
étrangères en France”, menaçant ainsi la cohésion nationale. Cette propagande contre les
3
4
Ibid.
Olivier Kempf, Introduction à la cyberstratégie, Paris, Economica, 2013.
Res Militaris, hors-série “Cybersécurité”, juillet 2015
3
démocraties occidentales, favorisée par le principe de liberté, diffuse rumeurs et désinformations, instille le doute dans nos sociétés – le doute pour une minorité importante de
personnes sur la réalité des attaques du 11 septembre en est une preuve –, et fragilise la
crédibilité du discours gouvernemental.
Or, la fin d’une stratégie reste toujours, semble-t-il, de vaincre ou du moins
d’atteindre le but politique fixé. Il ne suffit pas d’être informé et de savoir, il faut aussi être
en mesure d’agir et d’obtenir la supériorité sur l’adversaire, notamment dans le domaine de
l’information.
Quelle réalité donnée à la guerre dans le cyberespace et la stratégie ?
La guerre et la propagande sont ainsi officiellement de retour. Les termes utilisés
façonnent l’approche stratégique des gouvernants et des armées. Choisir le terme de
“Daech” ou celui d’“État islamique” n’a pas la même portée.
Plusieurs interrogations apparaissent : quels sont les enjeux ? Que signifie gagner
une guerre dans le cyberespace, initialement espace de liberté, de communication et
d’échanges, pas vraiment d’affrontement ? Dans les guerres physiques, les notions de
victoire ou de défaite ont été éliminées des discours occidentaux. La réconciliation doit
toujours être envisagée. La guerre elle-même a-t-elle le même sens qu’hier ? Ce terme est
d’ailleurs remplacé par ceux de “crises”, “opérations de stabilisation”, “conflits”, “maintien
de la paix”. L’ennemi n’existe plus. À la place, nous avons des adversaires, des terroristes,
surtout pas des djihadistes – comme on l’a vu au Mali – sauf lorsque le politique se laisse
aller à donner vraiment le fond de sa pensée.
Dans tous les cas, l’un des principes du succès dans les guerres contemporaines est
celui de la légitimité de l’action. Celle-ci se construit, s’entretient, s’adapte. Chaque acteur
de la violence s’efforce de démontrer que sa cause est juste, non pas au niveau des
gouvernants, non pas par les médias (dont, tout comme leur crédibilité, le pouvoir
d’influence est désormais réduit), mais au niveau du citoyen et des groupes, notamment à
travers le cyberespace, espace partagé sans filtre, presque par tous.
En outre, dans le monde connecté d’aujourd’hui, un accord d’arrêt des hostilités n’a
que peu de chances d’être effectif. La guerre ne s’éteint jamais totalement. Toute action,
même conduite par peu d’acteurs, est exploitable médiatiquement et contribue à donner le
sentiment que la “guerre” continue. La bataille des perceptions, la guerre du sens, sont
désormais permanentes, et jettent un doute constant sur la parole publique. Ainsi, la moitié
des Français croient aux théories du complot.5
Enfin,
“pourquoi ?”.
combattre au
l’ennemi soit
5
6
à force de penser la technique6 et donc le “comment ?”, on en oublie le
Le cyberespace est un moyen, et le véhicule d’idées qu’il faut savoir
sein d’une stratégie générale où la réflexion doit primer sur l’outil. Que
conventionnel (la Russie en Ukraine), agisse indirectement (la Chine avec
Le Monde, 4 mai 2013.
Jacques Ellul, Propagandes, Paris, Economica, 1990.
Res Militaris, hors-série “Cybersécurité”, juillet 2015
4
son “soft power”), ou par la subversion (le djihadisme), la conquête des esprits est au cœur
des stratégies de puissance.
Or, dans toute stratégie, il faut être capable de désigner l’ennemi, acte majeur de la
guerre idéologique. L’humain est en effet au cœur de notre problématique. Qui est
l’ennemi : le virus informatique qui paralysera notre système de commandement civil et
militaire, ou celui qui a mis le virus ? Le facteur humain des conflits et l’engagement
notamment idéologique de ceux qui n’acceptent pas nos sociétés démocratiques sont à
prendre en considération. Cela a été redécouvert, bien tardivement, avec nos djihadistes
radicalisés. L’arme, y compris informatique, n’est qu’un outil et n’a une action positive ou
négative que par la volonté humaine qui l’anime. En cela, la cyberguerre ne peut être
dissociée d’une vision plus globale des enjeux idéologiques et de la stratégie à mener.
Certes, désigner aujourd’hui un individu, un groupe, un État, comme “ennemi”
inspire la crainte en démocratie. Pourtant, l’ennemi physique, humain sinon inhumain par
ses actes, existe en dépit du refus de le voir. Malgré des Livres Blancs qui auraient dû
l’identifier, l’ennemi n’existe pas pour la France. Son absence n’est certes pas récente.
Les Livres Blancs de 1994, de 2008 et de 2013 n’emploient pas le terme “ennemi”,
privilégient celui d’adversaire, évoquent essentiellement les risques et les menaces devenus
la norme pour ne désigner personne. Le Livre Blanc de 2013 se limite même à évoquer
seulement, à une reprise, la radicalisation ou l’auto-radicalisation d’un adversaire potentiel.
Le politique a choisi de ne pas avoir d’ennemi. Or, ce choix politique rend toute
mobilisation et tout engagement bien difficiles. Il entretient un flou qui empêche toute
distinction entre le bien et le mal, la loyauté et éventuellement la trahison qui, abritée
derrière la liberté de conscience et d’autres libertés individuelles, s’insinue peu à peu au
sein des sociétés occidentales.
Au contraire, nommer l’ennemi est le premier pas vers une prise de conscience
réaliste : celle de l’existence de volontés humaines identifiées qui peuvent nuire gravement
à la survie de nos institutions et de la Nation. En ce sens, cette identification donne une
réalité physique sans ambiguïté à la menace initialement bien virtuelle. Elle permet la
sensibilisation et la préparation morale du citoyen et du soldat. Cette perception de
l’ennemi doit être partagée par le plus grand nombre. La construction de l’image de
l’ennemi ne peut s’affranchir du cyberespace et de sa capacité à influencer les perceptions.
Le phénomène djihadiste le prouve aujourd’hui. L’islamisme radical s’appuie sur
un Islam apparemment mal compris par ses plus ardents prosélytes. Il appuie sa guerre
sainte sur les techniques de la guérilla, du terrorisme, sinon de la subversion, modes
d’action traditionnels des mouvements idéologiques, que démultiplie le cyberespace. Il
pratique avec aisance l’art de la propagande, pourtant dénoncé depuis la guerre
d’Afghanistan sans qu’on n’ait pris beaucoup de mesures pour le contrer. Il a parfaitement
saisi que l’information mondialisée était sa meilleure arme contre l’Occident et qu’il
pouvait mobiliser les diasporas, notamment au nom de la discrimination supposée envers
l’islam. Fort d’une véritable cyberstratégie, il utilise le cyberespace pour véhiculer son
idéologie, recruter, endoctriner, faire douter, terroriser.
Res Militaris, hors-série “Cybersécurité”, juillet 2015
5
Cette propagande qu’il faut combattre se définit comme…
l’ensemble des actions menées dans l’environnement informationnel en vue
d’altérer, de contraindre et de contrôler les perceptions, les attitudes et les
comportements. Son objet est de porter délibérément atteinte au libre arbitre
individuel ou collectif par la dégradation ou la falsification de l’information.
Pour atteindre ses objectifs, elle propose une compréhension volontairement
dénaturée d’un fait. La propagande privilégie la manipulation de l’affectif et des
émotions au détriment des facultés de raisonnement et de jugement. Elle recourt
entre autre à la menace, à la violence, à la terreur, au mensonge. Elle peut
utiliser des méthodes visant à soumettre, à embrigader et à endoctriner. De
nature coercitive, la propagande agit d’une manière malveillante qui la place
hors du champ acceptable de l’influence.7
Le cyberespace est donc un vecteur efficace qui permet la diffusion de cette
propagande, par une théâtralisation des actes terroristes que favorise la mondialisation des
médias, une propagation à l’infini des messages 24 heures sur 24, le bon usage des réseaux
sociaux. Ainsi, l’étude des images des décapitations de pilotes syriens en 2014 ou de
chrétiens coptes en 2015 montre que leur mise au point s’est étalée sur plusieurs jours. Il
s’agissait de prendre les bons angles pour faire une “bonne” vidéo, donc d’avoir le
maximum d’impact. Si le cyberespace n’avait pas existé, cet impact aurait-il été le même ?
J’en doute. La propagande répond aux besoins de ceux qu’elle attire. Notre contrepropagande devra y répondre.
La guerre de l’information dans le cyberespace
Terme communément utilisé depuis de nombreuses années, la “guerre de l’information” recouvre de multiples domaines, au point qu’aucune définition officielle n’en a été
retenue. En revanche, elle exprime bien la notion de conflit et la place qu’y tient
l’information. Elle couvre à la fois la dimension technologique de la guerre dans le
cyberespace, et la dimension humaine de la guerre des idées dont il est le véhicule. Ce
nouveau champ de bataille est donc celui de l’information8 et des effets qui contribuent à
construire la guerre du sens. Celle-ci vise, en démocratie, à faire comprendre et faire
adhérer le citoyen à la politique choisie notamment dans le cadre d’une intervention
militaire. A contrario, le camp adverse – l’ennemi – agit sur ce même champ de bataille
pour instiller le doute et affirmer sa propre légitimité.
Les stratégies qui s’affrontent dans les conflits en cours ou à venir expriment les
enjeux des nouveaux rapports de force entre États, ou entre États et acteurs non gouvernementaux. Il s’agit bien, pour chaque État, civilisation ou acteur non étatique, d’une
guerre du sens interprétée comme la compréhension de son avenir, de la défense de ses
intérêts.
7
PIA-7.2.6-3, op.cit.
François Chauvancy, “Guerre du sens, cyberguerre et démocraties”, in Daniel Ventre (ss.dir.), Cyberguerre
et guerre de l’information, Paris, Hermès, 2010.
8
Res Militaris, hors-série “Cybersécurité”, juillet 2015
6
L’information devient un enjeu (il faut l’acquérir, la protéger – la loi sur le
renseignement en France en est un bon exemple…) et comme une arme pour conquérir,
dissuader, déstabiliser, convaincre les autres acteurs. Elle devient un mode privilégié
d’exercice des rapports de force dans les champs tant politique qu’économique ou culturel,
et naturellement dans le champ militaire. Elle est permanente et multiforme. Elle ignore le
plus souvent les frontières des États. Elle vise aussi pour les uns à expliquer, pour les
autres à inhiber, désinformer, donc à atteindre ses objectifs en évitant une guerre coûteuse.
Les modalités pratiques sont extrêmement diverses : modelage de l’opinion internationale par la diabolisation des adversaires, l’émotion, l’image (Irak, Balkans, Syrie…),
l’atteinte à la réputation (des candidats aux élections, des entreprises en concurrence, les
écarts déontologiques d’une armée en opération…), la mobilisation populaire par les médias
sociaux (Libye, 2011 ; Égypte, 2011…), les usages offensifs ou défensifs des systèmes qui
véhiculent et stockent l’information (attaques des “hacktivistes” d’Anonymous), ou encore
une propagande plus classique, mais bénéficiant des derniers progrès technologiques (sites
de propagande islamiste). Comment ignorer le lien aujourd’hui entre le cyberespace et ces
guerres idéologiques ?
Si l’on se réfère au dictionnaire Larousse, l’idéologie est “l’ensemble des idées
philosophiques, sociales, politiques, morales et religieuses, etc., propres à une époque ou à
un groupe social”. Elle peut aussi être comprise comme “l’ensemble des idées constituant
l’esprit sinon l’âme de la stratégie menée par un groupe social, un État ou un groupe
d’États dans l’atteinte des objectifs à long terme correspondant aux idées auxquelles il
s’identifie et peut adhérer”. Elle est le moteur de l’engagement total d’un certain nombre
d’acteurs de la violence. Ainsi, l’éveil djihadiste montre l’importance retrouvée de la
confrontation des idéologies.
Par la guerre des idées et des mots, les idéologies expriment des visions du monde.
Celles que nous affrontons aujourd’hui ont au moins un point commun : elles contestent la
place dominante acquise depuis la fin du 15e siècle par l’Occident, qu’il soit européen ou
transatlantique. À nouveau, les enjeux sont ceux de la représentation de la réalité, de la
place que chacun des acteurs occupe ou revendique, et finalement, la survie, la transformation ou la destruction des sociétés qui sont les nôtres.
La perception de la légitimité des conflits aujourd’hui est essentielle. Elle devient
un objectif majeur à définir puis à maintenir ou à renforcer, et le cyberespace y contribue
largement. Ainsi, nous avons assisté à la fin du 20e siècle au retour des principes de la
“guerre juste” s’appuyant sur une légitimité rapidement érodée, en démocratie, si le conflit
n’est pas terminé dans de brefs délais. Le stratège décide de l’image qu’il faut présenter à
l’opinion, essaie de la construire selon son projet afin d’obtenir le maximum de soutien à
l’intervention et ne pas permettre aux sources d’opposition de bénéficier du même capital
de soutien.
Res Militaris, hors-série “Cybersécurité”, juillet 2015
7
Conclusion
Face à ces nouvelles guerres idéologiques, la nécessité pour nous est d’agir en
stratèges. L’objectif doit être défini dans une approche à long terme : par exemple, à
l’extérieur de nos frontières ou sur le territoire national, les djihadistes doivent être
convaincus de notre volonté de les éradiquer, et défaits. La guerre implique et affecte aussi
bien les corps que les esprits. Une prise de conscience est en cours, et il faut s’en féliciter.
Laurent Fabius ne twittait-il le 17 septembre 2014 – dès avant les attentats de janvier
suivant à Paris : “Il faut mener un combat idéologique pour dire que Daech n’a rien à voir
avec la religion musulmane qui est une religion de paix”.
La stratégie à mettre en œuvre vise à influencer les perceptions des différentes
parties prenantes au conflit. Elle ne peut pas ignorer le cyberespace, car les conflits sont
aujourd’hui menés dans ce nouveau champ de bataille, élément d’une vraie campagne
militaire, sans durée définie, ni certitudes sur son issue. Cette guerre sans frontières
nécessite aussi des expertises et des ressources humaines aujourd’hui insuffisamment
présentes dans les armées. En dépit des dénégations dogmatiques dont la notion fait l’objet
en France depuis des années, c’est enfin une guerre de civilisation, qui qu’on le veuille ou
non est devenue aujourd’hui partiellement réelle. L’enjeu est en effet de faire douter de nos
valeurs et de notre société. Notre défi est de faire la preuve de nos convictions et de notre
capacité de résistance à la propagande notamment diffusée par le cyberespace.