Considérations générales sur les 7e professionnelles Université de
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Considérations générales sur les 7e professionnelles Université de
Considérations générales sur les 7e professionnelles Université de Liège, Professeur A. Roosen Objectifs de la recherche L’objectif général de la recherche consistait à analyser les différents paramètres de l’action pédagogique à mettre en oeuvre dans les classes terminales de l’enseignement professionnel en vue d’optimaliser les choix institutionnels et la qualité de l’enseignement. La recherche s’appuie également sur une enquête réalisée auprès d’un échantillon d’élèves, de manière à mieux cerner l’hétérogénéité du public des 7èmes, particulièrement au point de vue du passé scolaire, de la motivation et des objectifs professionnels formulés par les élèves. INTRODUCTION Cet article synthétise les éléments principaux qui se dégagent de l’étude menée par le service de Méthodologie de l’université de Liège sur les 7° professionnelles dépendant du réseau d’enseignement de la Communauté Française; des parallèles ont été établis avec les autres réseaux d’enseignement. Les bases de cette recherche reposent sur les entretiens avec des enseignants, des élèves, des représentants du Forem et de l’entreprise. Une large « enquête-courrier » a été lancée auprès de quatre promotions d’élèves ayant obtenu le C.E.S.S. à l’issue de cette année supplémentaire de l’enseignement professionnel. Elle a pris pour objectifs principaux de déterminer le devenir des jeunes et leur réussite dans l’enseignement supérieur, de préciser le profil scolaire et motivationnel des élèves de 7° professionnelle et de solliciter leur appréciation sur cette année supplémentaire d’enseignement. Les données ont été collationnées dans 2 rapports de recherche 1 . Nous présentons quelques éléments-clés de ces rapports et des pistes de réflexions inspirées par une mise-à-jour récente. TROIS TYPES DE 7° Les 7° professionnelles délivrant le C.E.S.S. ont vu le jour en 1987. Les élèves de l’enseignement professionnel étaient dès lors autorisés à poursuivre des études dans l’enseignement supérieur de type court. Trois types de 7° professionnelles ont été crées : - Les 7° de type A -anciennes 7° de perfectionnement ou de spécialisation ne délivrant pas le C.E.S.S. - essentiellement axées sur la formation professionnelle, sont actuellement en voie de disparition pour l’ensemble de la Communauté Française et Germanophone, tous réseaux confondus. - Les 7° de type B délivrant à la fois le C.E.S.S. et une qualification supplémentaire. Ce type de 7° a pour spécificité de conjuguer formation professionnelle et formation générale; dans la mesure où 2 elles permettent l’obtention des deux certifications, elles sont de loin les plus répandues (219) pour l’ensemble de la Communauté Française et Germanophone, tous réseaux confondus). - Les 7° de type C délivrant que le C.E.S.S.. Souvent qualifiée de propédeutique, la 7° C axe l’essentiel de sa formation sur les cours généraux et se veut une meilleure préparation à l’enseignement supérieur de type court. Elle est nettement moins représentée que la 7° B (27 pour l’ensemble de la Communauté Française et Germanophone, tous réseaux confondus). 1 D. Carpentier, Enseignement professionnel, les 7° professionnelles, rapport de recherche réalisé pour le Ministère de l’Éducation de la Communauté Française, Organisation des Études, Service de méthodologie de l’Université de Liège sous la direction du Pr. A. ROOSEN, juillet 1990 et 1991. 2 Les chiffres datent de l’année scolaire 1990/1991; nous savons qu’ils sont en accroissement. QUELLE PHILOSOPHIE POUR LES 7° ? Dès le projet de création, l’obtention du certificat d’enseignement secondaire supérieur par les élèves des sections professionnelles a provoqué de multiples contreverses qui ne sont pas sans rappeler celles occasionnées, en leur temps, par la certification des jeunes de l’enseignement technique ou comme aujourd’hui en France celles menées à propos du Bacpro. En effet, les résistances sont profondes dès qu’il s’agit d’octroyer un diplôme, identique à celui délivré dans d’autres sections, à des jeunes qui jusqu’alors en avaient été privés. Selon nous, l’obtention du C.E.S.S. s’inscrit dans la logique de la prolongation de la scolarité jusqu’à 18 ans, dans la perspective de l’équivalence des diplômes du marché européen de 1993 et, surtout, dans la perspective de promotion sociale exigée par notre société. Comment, en effet, justifier l’exclusion de principe, pour toute une catégorie de la population scolaire, de l’accès à une promotion par l’étude ? Il reste que deux philosophies différentes de 7° cohabitent, et dans certains cas s’affrontent; celles-ci traversent les différents réseaux d’enseignement. Pour les uns, la 7° B est une gageure; il est impossible de concilier un C.E.S.S. et une qualification de bon niveau. Il s’agit donc d’un C.E.S.S. bradé risquant de déprécier le diplôme en lui-même, et on préconise de choisir entre la 7° A et la 7° C. Cette position est le reflet de l’opposition, consciente ou non, à la promotion des élèves de l’enseignement professionnel. Pour les autres, la 7° B est la légitime reconnaissance, d’une part, d’un cycle complet de formation et, d’autre part de savoir et savoir-faire pratiques ou technique jusqu’alors méprisés. Dans cette logique on ne préconise nullement le rattrapage systématique des matières prévues par les programmes de l’enseignement secondaire général. Le schéma ci-après synthétise les courant qui traversent l’enseignement en 7° : LE PUBLIC DES 7° Les élèves fréquentant cette année supplémentaire de l’enseignement ont obligatoirement obtenu le certificat d’enseignement secondaire inférieur et réussi le troisième degré de l’enseignement professionnel. Notre enquête à révélé une moyenne d’âge des élèves de 20 ans et 5 mois. Cette donnée est révélatrice d’un faible retard scolaire soit environ 1 an; la grande majorité des élèves a obtenu le certificat d’étude de l’enseignement fondamental et a connu une scolarité régulière. Nous avons constaté que les élèves sont généralement motivés et souvent porteurs d’un projet d’avenir explicite ou implicite. La caractéristique fondamentale de la composition des classes de 7° est l’hétérogénéité se situe au moins à trois niveaux : 1° niveau : hétérogénéité des trajectoires scolaires. Le passé scolaire des élèves est varié; certains sont dans l’enseignement professionnel depuis la 1° accueil; d’autres ont fréquenté l’enseignement général ou technique pendant plusieurs années, certains ont réussi avec fruit le deuxième degré technique et se sont dirigés vers le professionnel faute de troisième degré technique de qualification correspondant organisé dans la section et dans l’établissement qu’ils avaient choisis; enfin quelques)uns sont déjà détenteurs du C.E.S.S.. La conséquence directe de cette hétérogénéité est une grande diversité dans les niveaux scolaires et les prérequis. Cette étude du profil scolaire des élèves a mis en évidence deux points critiques du fonctionnement de notre enseignement qui portent à réfléchir : - La transition, souvent difficile, école primaire, école secondaire et certaines réorientations hâtives sinon abusives des élèves; - L’absence de certains troisièmes degrés techniques de qualification et le manque d’information objective des élèves par crainte d’une perte d’effectif en faveur d’établissements « concurrents ». 2° niveau : hétérogénéité des intérêts. Dans la majorité des cas, des élèves de sections différentes sont regroupés pour les cours généraux; c’est ainsi que peuvent cohabiter des élèves d’ébénisterie, d’hôtellerie et d’emploi de bureau. Cela pose des problèmes du point de vue de la motivation des élèves et, à l’instar du premier niveau, des différences de prérequis : l’élève de la section emploi de bureau est généralement plus compétent en langue maternelle que l’élève en commande numérique, qui par contre le domine en mathématique. 3° niveau : hétérogénéité des objectifs. Certains élèves donnent la priorité à la qualification supplémentaire, d’autres privilégient le C.E.S.S.. En outre, ils s’inscrivent en 7° pour raisons variées : insertion professionnelle performante, attente du service militaire, postposition de l’entrée dans la vie active, ouverture d’un commerce ou enfin poursuite d’études supérieures. En conséquence, les attentes et besoins des jeunes sont très variables. Ces trois niveaux d’hétérogénéité rendent la gestion de la classe difficile pour le professeur et mécontentent de très nombreux élèves qui ne trouvent pas de véritables réponses à leurs besoins. Ces difficultés pourraient être atténuées par une structure souple et un enseignement différencié. DEVENIR DES JEUNES AYANT OBTENUS LE C.E.S.S.A L’ISSUE D’UNE 7° PROFESSIONNELLE. L’enquête concerne l’ensemble des étudiants ayant obtenu le C.E.S.S. dans le réseau d’enseignement de la Communauté Française, pour les trois premières années depuis la création des 7°. Quelques 729 questionnaires ont été envoyés et nous avons obtenu 399 réponses, soit 55%. Nous ferons état des résultats concernant le devenir socioprofessionnel des jeunes. RÉSULTAT GLOBAUX PAR CATÉGORIES. TRAVAIL ÉTUDES COMPLÉMENTAIRE CHÔMAGE SERVICE MILITAIRE 47% 27% 16% 10% Constatons qu’à l’issue de leur certification en 7° professionnelle, la moitié des élèves trouve du travail, le pourcentage de chômeur est relativement modeste 3 et un nombre non négligeable d’entre eux s’engage dans des formations complémentaires. Nous n’avons pas mesuré la qualité de l’insertion professionnelle, mais uniquement si les élèves avaient obtenu un emploi; nous avons par contre étudié leurs trajectoires dans les formations complémentaires et plus particulièrement leur devenir dans l’enseignement supérieur de type court. Ce sera l’objet du chapitre suivant. DEVENIR DES JEUNES DANS LES FORMATIONS COMPLÉMENTAIRES. Le choix du terme « formations complémentaires » n’est pas dû au hasard, en effet un nombre important d’élèves s’engagent dans des études qui n’imposent pas nécessairement le C.E.S.S.. Nous les avons relevées car elles sont le signe d’un objectif de formation continuée de la part des élèves. Les principales formations sont : la promotion sociale (cours normaux techniques, cours de langues, secrétariat), autres 7°. 38 élèves ont choisi ces types de formation: elles leur permettent parfois de travailler ensemble, en outre ce choix est peut-être le signe d’une auto-limitation de leurs propres ambitions, ce qui est sans doute le cas des élèves qui cumulent plusieurs 7°. Globalement, les étudiants réussissent facilement, les abandons sont souvent dus, non pas à quelque difficulté, mais à la découverte d’un emploi correspondant aux objectif professionnels des jeunes. Quelques 71 élèves ont entrepris des études supérieures de type court, il s’agit principalement de graduats agricoles, graduats économiques, graduats industriels, graduats en hôtellerie, ainsi que de 3 L’étude porte sur quatre promotions. Des contacts pris avec le Forem montre que ce taux est inférieur à celui généralement admis dans la catégorie d’âge 18-25 ans. Malheureusement les comparaisons ne sont pas aisées dans la mesure où les statistiques de chômage sont régionalisées et l’enseignement communautarisé. l’enseignement supérieur pédagogique ou social. Depuis la création de la 7° année délivrant le C.E.S.S., le nombre d’élèves s’engageant dans l’enseignement supérieur est en net accroissement: en 1988/1989 et en 1989/1990 ils étaient 16, l’année scolaire 1990/1991 ils étaient 19, pour 1991/1992 ils sont 36. L’année scolaire 1991/1992, nous avons révélé 3 élèves en troisième année, 11 élèves en deuxième année, 42 élèves en 1° année, soit un total de 56 étudiants. Dans ce type d’enseignement la réussite des étudiants s’avère plus difficile; cependant, malgré le nombre limité d’élèves sur lequel nous travaillons, nous pouvons contredire une affirmation souvent entendue selon laquelle les élèves issus de l’enseignement professionnel n’auraient aucune chance de réussite dans l’enseignement supérieur de type court. Le constat revêt pour nous quelque importance, en effet, combien de fois n’avons nous pas entendu qualifier de « leurre » le C.E.S.S. délivré dans l’enseignement professionnel? Combien de fois ne nous a-t-on pas reproché de nous intéresser à des « incapables » qui n’avaient aucune chance de réussir des études supérieures...? Comme nous l’avons déjà souligné, nous pensons d’ailleurs qu’à l’avenir la présence dans le supérieur d’élèves du professionnel sera aussi banale que la présence d’élèves du technique à l’université. Bien sûr, il serait tout aussi illusoire de prétendre que tous y réussissent facilement. S’il est vrai que les étudiants semblent réussir plus aisément dans l’enseignement pédagogique que dans les graduats, on ne peut nullement prétendre que les élèves de l’enseignement professionnel bénéficient de faveurs particulières. Nombre de personnalités de l’enseignement pédagogique interrogées sur cette question nous ont expliqué que les élèves de l’enseignement professionnel ne devraient pas être les victimes d’une forme de discrédit a priori qui risquerait de les enfermer dans une spirale d’échec (effet autoréalisateur de la prédiction). Les problèmes de dysorthographie qu’ils doivent parfois résoudre ne sont pas nécessairement plus délicats que ceux de leurs condisciples du technique de qualification, voire de l’enseignement général; il est vrai qu’ils souffrent souvent d’un manque d’esprit de synthèse, qu’ils maîtrisent mal l’abstraction et que la plupart d’entre eux manquent de référents culturels. Par contre, leurs professeurs observent chez eux une plus grande motivation : leurs études résultent d’un premier choix vocationnel à la différence de certains dont le parcours, dans l’enseignement supérieur, s’organise au départ d’un ou de plusieurs échecs. Dans le régendat technique, par exemple, les professeurs reconnaissent le niveau supérieur des élèves issus de 7° professionnelle dans les différents cours techniques, même si certaines difficultés apparaissent dans les cours généraux. Ces réflexions sont loin de nous surprendre : l’étude réalisée sur le profil des jeunes ayant obtenu le C.E.S.S. nous a éclairé sur leur passé scolaire, leur niveau de scolarité et leur motivation. Ces jeunes ne présentent qu’un faible retard scolaire et ont connu peu d’échecs. Dans de nombreux cas, ils auraient pu réussir dans l’enseignement technique, nombre d’entre eux ont, au demeurant, terminé la quatrième technique de qualification et se sont orientés dans le professionnel, faute de la section technique qu’ils souhaitaient dans le troisième degré. Les étudiants qui se sont engagés dans un graduat semblent éprouver des difficultés plus importantes, en particulier en mathématiques et dans les différents cours de sciences. C’est notamment une des principales causes d’échec dans le graduat en agronomie. De manière générale, ces élèves sont peu préparés à assumer la quantité considérable de matière qui leur est imposé dans le supérieur, leur scolarité secondaire a été facile, ils se découragent très vite ou sont inhibés devant les difficultés auxquelles ils sont subitement confrontés. Certains d’entre eux manifestent un sentiment d’infériorité, voire un complexe, face à ceux qui bénéficient de l’ « aura » de l’enseignement général. Certains ont d’ailleurs honte d’ « avouer » qu’ils proviennent du « professionnel ».4 4 Pour d’autres, il s’agit d’une légitime prudence : le « halo » professionnel risque de les pénaliser aux yeux de certains de leurs enseignants... De plus, graduats et régendats techniques sont conçus comme la suite logique de l’enseignement général, c’est ainsi qu’en première année, les « connaissances générales » (mathématiques, physique, biologie...) sont considérées comme des prérequis obligatoires tandis que les savoir-faire pratiques et techniques sont peu valorisés. Enfin, nous voudrions attirer l’attention, une fois de plus, sur le fait qu’environ 1/3 des élèves ayant obtenu le C.E.S.S. s’engagent dans des études complémentaires et que 2/3 s’engagent dans l’enseignement supérieur ou assimilé. Le nombre d’élèves poursuivant des études est depuis 4 ans en accroissement. Il est donc indubitable que la 7° année ne constitue pas pour ces élèves une fin en soi, mais bien un tremplin pour des certifications plus valorisantes d’un point de vue social ou professionnel. Nombre de ces élèves que nous avons contactés ne manquent d’ailleurs pas d’ambition. Dès lors, il est faux de dire que seule la qualification supplémentaire compte au yeux de ces jeunes et que le C.E.S.S. constitue simplement un plus qui leur permettra des équivalences de statut et de salaire lors d’une insertion professionnelle immédiate : les élèves s’en servent et valorisent leur diplôme. Beaucoup d’élèves engagés dans le supérieur déplorent que la 7° ne les ait pas suffisamment préparés à faire face aux exigences de l’enseignement supérieur. Néanmoins, il faudra se garder de vouloir transformer cette année supplémentaire uniquement en fonction d’une minorité d’élèves qui ont pour objectif de s’engager dans l’enseignement supérieur; leur nombre n’étant cependant, nullement négligeable, on ne pourra éluder le problème. Notre étude a permis de lever un préjugé largement répandu selon lequel le C.E.S.S. pour les élèves de 7° était un leurre et qu’aucun d’entre eux ne pourrait réussir dans l’enseignement supérieur. La problématique des 7° nous interpelle donc sur le fonctionnement de tout notre enseignement. Comme peut-on admettre des orientations hâtives vers l’enseignement professionnel, particulièrement lors de la transition parfois difficile du primaire vers le secondaire ? Comment peuton accepter les orientations peu pertinentes données à certains élèves à l’issue de la 4° technique de qualification, souvent pour maintenir les effectifs dans leur établissement? L’obtention du C.E.S.S. à l’issue de la 7°, sans résoudre les questions de base, permet non seulement de récupérer certaines « erreurs » mais aussi de revaloriser l’enseignement professionnel, élément indispensable dans le cadre de la prolongation de la scolarité, du processus inéluctable de démocratisation de l’enseignement et de la future équivalence des diplômes dans le grand marché européen. D. CARPENTIER Service de Méthodologie de l’Université de Liège 7° B Certificat de qualification + C.E.S.S. 7° C 7° A Certificat de qualification C.E.S.S. Priorité à la quali-Priorité au C.E.S.S. fication Renforcement desRenforcement des cours généraux stages axée sur Evaluation axée Evaluation sur les savoir-faireles savoirs théoriques professionnels Remise à niveau Cours généraux liés étroitement à la qualification Insertion professionnelle Accès à l'enseignement supérieur Accès à l'enseignement + supérieur Insertion professionnelle