La peur... au ventre héritée

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La peur... au ventre héritée
La peur... au ventre héritée ?
Écrit par Ngo Nyobe
Mardi, 21 Décembre 2010 23:42
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L'histoire du peuple basaa est principalement marquée par cette terreur qui a régné dans notre
pays à la fin des années soixante.
La lutte pour la souveraineté du peuple camerounais fut
sévèrement réprimée par les autorités françaises et leurs subalternes locaux. De ces atrocités,
on n’a pas fini de mesurer ni l'ampleur - du fait de la confiscation de certaines archives - ni les
dégâts - aussi bien matériels que psychologiques.
L'un des dégâts les plus marquants de ces événements est bien la peur.
Il siège dans notre inconscient collectif, un sentiment. Ce dernier, engendre des comportements
que beaucoup déplorent, notamment venant de la part de nos élites. Il n'est pas certains que
quiconque se soit un jour penché sur la question. Il serait pourtant utile de comprendre pourquoi
beaucoup de nos frères engagés en politique ont déçu et continuent de décevoir. Pourquoi les
bambombok se sont retranchés dans la forêt et se sont résignés, laissant par exemple le sort
de Ngok Lituba entre les mains de l'église catholique. Ou, pourquoi nous ne nous unissons
jamais pour défendre nos intérêts communs.
Selon Achille Mbembe et d'autres historiens, après son assassinat, il était interdit à toute
personne de parler du Mpôdôl, de publier ses écrits, de chanter des chants mentionnant son
nom. Il a même été interdit à sa famille de faire son deuil selon nos rites basaa. Dans votre
entourage, vous connaissez sans doute des UM ou des NYOBE de naissance qui ont été
contraints de se refaire un acte de naissance. Des jeunes filles étaient raflées si on les prenait à
jouer le « Mbañ ». Des parents, pour protéger leurs filles, ont fait le choix de leur ôter le « Ngo»
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qui marque l'appartenance à un peuple en particulier. Il ne faisait ainsi pas bon être basaa dans
la république d'après l'indépendance. Pourtant, cette loi ne s'est pas limitée dans son temps,
celui de terreur. Aujourd'hui encore, certains de nos parents ayant participé aux maquis (lutte
pour l’indépendance) sont stigmatisés dans nos villages, quand ils n'ont pas tout simplement
été exclus. Il serait injuste de ne pas rappeler que l'on ne les exclus pas par haine ou méfiance,
mais bien de peur d'être dénoncé aux autorités, d'être accusé de collaboration avec les «
anarchistes ». Un exemple parmi tant d'autres.
Mais pourquoi cette situation tant d'années après ? En effet il n'est pas rare aujourd'hui encore
de constater des comportements proches de ceux-là, voire identiques. Des gens qui se défilent
face à leur responsabilité de peur de … S'il est désormais possible de s'appeler UM sans
craindre la foudre, il reste néanmoins difficile de prendre publiquement position pour la
construction de notre communauté, de se montrer attaché à son développement, ou de
réclamer la reconstitution de notre histoire. Face à ceux qui prennent ce type d’initiative, se
trouvent généralement nos propres frères basaa. Il n'y a pas plus difficile à fédérer de nos jours,
que le peuple Basaa ; des voix sortent toujours en interne pour créer la dispersion. Certaines
langues confessent que l'idée d'un peuple basaa debout ferait encore peur. Alors au nom de la
tranquillité avançons divisés. La peur règne.
A titre d'exemple : Dans le cadre de l'extension de l'Alucam aux fins d'augmenter sa production,
il est prévu la construction d'un ou plusieurs barrages hydroélectriques supplémentaires sur l'un
des affluents de la Sanaga, autour d'Edéa. Sakbayémi et Song Mbengue sont les localités en
ligne de mire. Elle est consternante, l'indifférence dans notre communauté face aux
conséquences annoncées des voies optées par les autorités camerounaises pour satisfaire la
société ALCAN RIO TINTO. Les ressortissants de Sakbayémi sont abandonnés à leur sort.
C'est pourtant le moment pour nos députés de se montrer proches des populations, nos élites
de se montrer attachées à leur bien-être, nos patriarches de prouver qu'ils sont réellement
gardiens de notre patrimoine, non seulement traditionnel, mais historique également. Au lieu de
nous unir autour de cette cause, nous nous comportons comme s'il ne s'agissait là que d'une
affaire de Bikok.
C'est après ce même constat que quelqu'un se plaignait de l'absence de commentaires à
l'égard du Mpôdôl sur LLB en septembre dernier. En effet, alors que sur d’autres plateformes
de la toile, les langues se déliaient pour dénoncer l’assassinat de l’un de nos héros nationaux,
le silence régnait dans notre communauté. Eviter d’enfermer la mémoire de Ruben Um Nyobe
dans une ethnie nécessite t-il une telle indifférence ?
D’autre part, l’on aurait espéré qu’un projet tel que celui de la construction d’un centre culturel
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du peuple basaa, même conçu par un seul et unique mbombok, soit porté, si ce n’est par toute
une communauté, au moins par l’ensemble ou un groupe de patriarches. Ce n’est
malheureusement pas le cas, puisque cela fait des années que Mbombok Mbog BASSONG
cavale en solo à la recherche de financements et autre type de soutien pour ce projet qui serait
pourtant plus que bénéfique pour tous.
Mais derrière cette dispersion, se cache t-il vraiment comme nous aimons l’affirmer, l’égo
démesuré des basaa ? Les scientifiques parlent de mémoire génétique. Ne seraient-ils pas
inscrits dans notre ADN, les marques de l'oppression subie par nos ancêtres pendant et après
la colonisation? Aurions-nous hérité de cette peur et cela n’expliquerait-il pas notre quasi
indifférence ou fuite face aux problèmes qui ont besoin de notre engagement sans condition ?
Cela expliquerait-il pourquoi notre génération, celle qui n'a pas été témoin de la terreur, a des
comportements similaires à ceux de la génération précédente ?
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