Entretien Louis Cozan 1
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Entretien Louis Cozan 1
Ecouter les phares : la mémoire des gardiens Entretien avec Louis Cozan Le jeudi 24 février 2010 0.03. 20 : Début du métier de gardien de phare Mon grand-père était gardien de phare au Stiff et son père était gardien de phare au Stiff et probablement son grand-père aussi. Cela dit, j’étais d’abord marin de commerce et je n’ai pas trop pensé à ce métier-là avant mon service militaire. C’est là que j’y ai songé le plus sérieusement. Non pas que je voulais rentrer spécialement dans les Phares et Balises mais je ne voulais plus naviguer à la marine marchande. J’étais mécanicien par défaut car j’ai un œil qui n’est pas de bonne qualité. Mais je ne suis pas un mécanicien dans l’âme. Pour moi naviguer c’était le nez dans le vent et les embruns et comme je savais que je ne pourrais jamais accéder à la passerelle ou quelques fonctions sur le pont, je n’avais pas envie de passer ma vie de marin dans une machine, donc il fallait que je trouve autre chose : un métier maritime avec vue sur mer. J’avais mon oncle, Jean Cozan, qui était à l’époque le gardien-chef de St Mathieu. Pendant les fêtes de Noël 1967, je suis allé le voir et je lui ai demandé de me parler de son métier. Il m’en a parlé avec tellement de ferveur que je me suis vraiment intéressé à cet espace extraordinaire qu’est un phare. Je voyais le côté romantique. Je me suis dit cela ne va pas être mal de s’asseoir au milieu de la mer. Ça c’est la vue de l’extérieur. Je savais que le service des phares, qui était mondialement reconnu, était une institution qui impressionnait. C’est un monde de rigueur, un monde de responsabilité. J’avais des copains qui étaient fils de gardiens de phare et j’étais allé au Créac’h souvent. J’avais en tête ces bruits de machine, ces odeurs, ces gens qui travaillaient au service des marins. Je n’étais pas du tout naïf à ce point-là. Quand j’ai fini mon service militaire en juin 1968 je suis allé me présenter aux Phares et Balises de Brest pour passer les fameux tests de pré-sélection et ensuite lorsqu’on avait fait une année comme auxiliaire, on avait l’autorisation de préparer le concours. 0.07.00 : Test de pré-selection Cela consistait à savoir si on était capable de rédiger un compte-rendu de mer qui tenait la route, qu’on savait compter, calculer, dessiner aussi (dessin industriel). Cela m’avait surpris. C’est un domaine que j’ai dû travailler pour le concours parce qu’il y avait un coefficient assez important. Cela se comprend car les moyens de communication de l’époque étaient le courrier. Pour réparer, il fallait pouvoir faire un dessin correct et précis. L’administration n’allait pas envoyer un dessinateur pour prendre les mesures au phare et pour fabriquer ensuite en atelier. Il fallait qu’on soit capable, qu’on fasse une commande sérieuse aux ateliers. J’ai fait ce test de pré-selection en juin 1968, le jour où il y avait une petite fête pour le baptême de la Velléda IV. J’ai rencontré Henri Le Gall ce jour-là. C’était un marin de grande valeur et c’était aussi un homme de grande valeur. Quand on me l’a présenté, c’est vrai que l’homme m’a impressionné d’autant plus qu’Auguste Malgorn, qui était mon instructeur et s’occupait de moi m’en a fait l’éloge. Ils étaient en train de baptiser un bateau qu’il avait voulu lui. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 1 C’était la première fois qu’on mettait dans le Finistère, une vedette entièrement pontée avec une timonerie solide, plus qu’un abri pour la pluie. Le bateau était basé à l’île de Sein. 0.09.25 : Temps d’auxiliaire Une fois les tests passés, on me dit qu’on m’appellera quand on aura besoin de moi. Et on m’a appelé le 24 décembre de la même année. Généralement, les embauches c’était en décembre. Il y avait deux centres de formation, l’école des Phares, le centre de formation des électromécaniciens. Une école à Brest et une à St Nazaire. La formation durant 18 mois, il y avait une année à Brest et une année à St Nazaire. Année paire à Brest, année impaire à St Nazaire. A la Jument, il y avait un auxiliaire, Jean-Claude Roger qui avait été admis au concours et qui descendait juste avant Noël et là il a fallu le remplacer. J’ai un copain, qui, après ses tests de pré-selection a postulé sur le baliseur Georges de Joly et a embarqué comme matelot. Moi j’ai travaillé dans un garage à Ouessant en attendant d’être appelé, car quand on dit on vous appellera, c’était qu’on vous appellera. Une semaine avant le 24, le responsable de l’équipement sur l’île m’a appelé pour me dire que je monterai mardi prochain à la Jument. Et donc, le mardi 24 décembre 1968, je suis monté à la Jument. Premier contact avec ce métier que je n’avais pu qu’imaginer jusqu’à ce jour-là. Je suis en compagnie d’un ancien qui a 30 ans même pas ! C’est une personne qui est titulaire, confirmée déjà. A l’Armen et la Jument, on trouvait rarement des anciens qui avaient fait 20 ans ou 25 ans de mer. La majorité des gens, dans ces phares-là, faisaient 2 ou 3 ans. Mais il y a des exceptions comme Germain Kervall à l’Armen qui a fait 20 ans, puis est allé à la Vieille. Jean Donnart a fait que des phares en mer, à la Vieille et avant à la Teignouse. Comme Jean Malgorn à l’île Vierge et avant à la Jument. Celui qui m’a accueilli, s’appelait Nicolas Malgorn. Il est décédé depuis longtemps hélas. Un Ouessantin aussi. A la sortie du cours, il y avait deux autres Malgorn qui sont arrivés à la Jument, Jean et Michel. Et dans le même temps à Kéréon il y avait Jean Malgorn. Il y avait deux Jean Malgorn pour les phares d’Ouessant et il y avait trois Malgorn titulaires. Malgorn descend et Malgorn monte. Le Jean Malgorn de Kéréon, on lui a rajouté Bernard parce que c’était son deuxième prénom. 0. 14. 20 : Premier travail à la Jument Dans les tests de pré-selection, il y avait une formation très minimaliste du feu à pétrole parce que tous les feux étaient à pétrole. Auguste m’avait montré le fonctionnement du feu à pétrole mais moi je ne me l’imaginais pas. Je ne me rendais pas compte qu’il y avait des feux à pétrole, je croyais que dans les phares, il y avait des groupes électrogènes et des ampoules électriques. Alors que je suis issu d’une famille de gardiens de mer, mais j’ignorais que tous les phares en mer étaient encore au pétrole. J’ai découvert le fonctionnement à l’allumage. On est monté plus tôt. J’ai découvert comment ça fonctionnait car c’était quand même très sophistiqué. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 2 On m’a montré les procédures et cela m’a permis d’assurer en toute sécurité ce que j’avais à faire. J’ai fait 15 jours à la Jument. La deuxième semaine, c’était Michel Berthelet qui est monté (c’était le dernier gardien de phare du Stiff). Je n’ai pas été surpris de l’organisation du service. Les quarts, chacun fait la moitié de la nuit parce qu’il y a une veille permanente. Mais j’ai été surpris de l’organisation physique du phare, le lieu m’a déçu. Je ne m’en suis jamais défait de cette première déception. 0.18.00 : Description de la Jument C’est une belle tour avec un encorbellement très élégant avec des balustres au-dessus. Des pierres taillées, des gargouilles rouges. J’imaginais un escalier d’un côté qui desservirait des chambres avec des poignées de cuivre qui luiraient doucement dans la pénombre. C’est pas ça du tout. L’escalier est omni-présent dans la tour, il est dans toutes les pièces qui sont des paliers. Il y a des plafonds très hauts alors que je m’attendais à une petite cabine douillette. En bas il y a un vestibule, 3 chambres, et la salle d’honneur qui était la pièce la plus jolie, non pas par sa décoration, mais elle était moins haute de plafond et à taille plus humaine et après la salle des machines. Et c’est cette pièce-là que j’ai adoptée. Je faisais tous mes quarts là-haut parce que j’étais bien. Il y avait deux fenêtres, cela donne plus de lumière. On est juste en-dessous la lanterne. C’est là qu’on faisait le quart. J’aimais bien être là dans un fauteuil déglingué. Du temps du feu à pétrole il y avait les bouteilles à air comprimé mais après c’était quand même une machinerie bruyante. La corne de brume, on s’y fait vite avec les trois premiers sons qui font vibrer un peu la poitrine mais après on oublie. Moi je venais de la machine marchande, donc en décibels ça va j’étais habitué. C’est ce qui fait que je suis à moitié sourd aujourd’hui et j’ai aussi des problèmes de visions. 0. 21.30 : Accident au phare Une fois à terre, ça passe très vite car dans la nuit, il y a un accident au phare. Nicolas, qui vient de remonter, a chuté dans l’escalier et s’est fracassé la tête et il fait très mauvais. Du vrai mauvais temps. Le phare a lancé un May Day dans la nuit et St Mathieu a dû prendre contact avec le médecin de l’île. Et le médecin de l’île est allé au Créac’h car c’est la seule façon d’avoir une liaison radio avec la Jument. Le matin, en écoutant la vacation en prenant mon petit-déjeuner, car étant rentré dans les phares je me suis acheté un poste de radio, je devine qu’il y a une tension et ce n’est pas la détente habituelle. Et j’apprends qu’il y a eu cet accident dans la nuit. Le médecin est au Créac’h et demande à Michel si les soins sont bien appliqués à Nicolas. Il est convenu d’une deuxième vacation à 10h. Pour cette deuxième vacation, je décide d’aller au Créac’h et là je retrouve le gars titulaire de Kéréon qui est à terre et qui a eu le même réflexe que moi. A la deuxième vacation est décidé de le descendre car le temps est encore en train de fraîchir, il fait déjà mauvais. Intervention hélico ce n’est pas possible car trop de choses ; mât de charge et tout… Donc il est décidé de faire une intervention avec les canots de sauvetage. A 14h à la cale, on embarque et allons-y. Ça piaule dur. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 3 En sortant de la baie, on voyait plein de gens qui allaient vers Feunten Velen, la pointe de la Jument. On apprendra plus tard qu’il y avait à peu près 300 personnes qui allaient voir l’intervention du canot de sauvetage. Tout le monde écoutait les vacations. La voix des phares. Il ne fallait pas qu’on raconte n’importe quoi. On ne risquait pas d’avoir des conversations très intimes. C’est d’ailleurs la première fois que je partais avec le canot pour une opération de sauvetage. Cela ne m’était jamais arrivé. Ça s’est bien passé mais il y a eu quelques moments de tension. C’est Michel Berthelet qui est là-haut au phare et il va donc être seul pour me hisser. On commence d’abord à hisser le montant. En définitive, on a decidé de monter à deux, le gars de Kéréon qui est de repos et moi. On décide de me monter en premier parce que je suis le plus léger. Michel va être seul au treuil et a refusé de dédoubler le treuil. Le cartahu, on pouvait le faire passer dans deux poulies pour monter les grosses charges. Ça divise par deux l’effort à fournir, mais ça multiplie par deux le temps de monter. Moi j’avais entièrement confiance et ça s’est passé comme ça, sauf qu’au moment où je suis monté sur le ballon et j’ai croché le hale-bas on est monté sur une vague et on est arrivé à hauteur du plateau et le câble tout mou devant. J’ai cru que le câble allait passer sous l’étrave du canot mais ça ne s’est pas passé comme ça. Le canot de sauvetage est parti en arrière. J’avais à côté de moi ce que la mer porte de mieux en termes d’expérience maritime dans un endroit comme ça ; le canot de sauvetage d’Ouessant et l’équipage de la vedette est venu aussi. Auguste Perrehrin était à côté du patron à la barre Jean Kervall et Martin Perrot était devant à la manœuvre. Ce genre de situation, avec beaucoup d’adrénaline, quand on est jeune on aime. Et ça s’est magnifiquement passé d’ailleurs. A un moment, j’ai pensé que j’avais exagéré la hauteur des vagues, tout ceci était d’une beauté absolue et en même temps sauvage. Je me suis dit que peut-être, j’ai amélioré ça au fil du temps. J’ai magnifié. Tout récemment, j’ai entendu parler par un ancien qui était à bord avec des phrases plus brèves, que ce jour n’était pas un temps à sortir. On a descendu notre blessé dans des conditions spéciales. On l’a mis dans un sac de ravitaillement. Les deux anciens (titulaires) ont décidé qu’il irait dans le sac. Pour aller dans le ballon, il faut être conscient et physiquement en pleine forme pour monter et pour descendre. C’est le gardien qui sait à quel moment il va lâcher et le marin est là pour le prendre. Tout ça se passe très, très vite. Il faut avoir l’esprit clair et être absolument en pleine forme. L’affaire s’est bien terminée. Il s’en est parfaitement remis. Je me suis retrouvé au phare pour une nouvelle semaine. Le gars de Kéréon a passé sa semaine à la Jument aussi. A la descente il a pris son repos. Tous les tours étaient bouleversés. Et il y avait qu’un seul remplaçant disponible, c’était moi. 0.33. 20 : De la Jument à Kéréon Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 4 J’ai fait une semaine. C’étaient mes premières expériences assez intenses. J’ai découvert les deux phares d’Ouessant en même temps. Kéréon l’intérieur du phare est exceptionnel en taille égalé nulle part ailleurs. Il a presque 8 mètres de diamètre à l’intérieur. On pourrait mettre l’Armen à l’intérieur. C’est le phare le plus opposé de l’Armen qui est en Iroise et qui est le plus étroit. Kéréon avait des fenêtres des deux côtés ce qui donne une lumière. Il était ouvert côté Ouest alors que les autres sont tous fermés côté Ouest. Forcément cela donne à l’intérieur du phare une lumière différente. Ce n’est pas sombre. L’escalier est séparé des chambres. L’escalier est sur le côté, comme l’Armen, comme les Pierres Noires, comme le Four, la Vieille, comme tous les autres. Il n’y a que la Jument qui a l’escalier métallique dans les pièces. Les autres sont des escaliers en colimaçon en pierres qui courent sur un côté de la muraille. La Vieille est un phare carré sauf côté nord où il y a un arrondi pour l’escalier. Il y a une face qui est partiellement arrondie. C’est là où passe l’escalier. 0.36.10 : Remplacements au Stiff, au Créac’h et aux Pierres Noires J’ai fait un remplacement au Stiff et au Créac’h et je remonte à la Jument. J’avais la réputation d’avoir une tronche de mauvais temps. Ça s’est vérifié jusqu’en juin, à tel point qu’un gars de Kéréon a changé son tour pour ne plus fréquenter ma tronche de tempête. Il a pris des congés en mars pour ne plus être avec moi. Cela dit, cela s’est confirmé. Je ne suis jamais monté par beau temps ni descendu. Puis deux titulaires sont montés à La Jument, donc je faisais plus que les remplacements, les congés. Je suis allé aux Pierres Noires et au Créac’h où j’ai travaillé avec des anciens qui avaient fait la Jument, Kéréon avant la guerre, sans frigo, avec du poisson salé. La viande, ils la rôtissaient le premier jour et la gardaient à pendre dans un garde-manger dans un courant-d’air. A l’époque, ils faisaient un mois de phare. Ça permettait la première semaine de faire des repas de viande. Ils mangeaient que des salaisons après. Cela pouvait être de la viande aussi et beaucoup de poisson salé. Du cochon salé et de la pêche fraîche. Ils faisaient un mois au phare et dix jours de repos à terre. Après la guerre, c’est passé à 20 jours, pas tout de suite après la guerre. Et on est passé de 20 jours à 14 jours après mai 1968. De l’influence de la plage sous les pavés, au temps de travail des gardiens de phare il y avait quelques avancées sociales. 0. 40.00 : Ecole des phares J’ai une année à faire au jour près. Je sais que je pourrais rentrer à l’école le 1er janvier si je réussis le concours. J’ai préparé le concours en envoyant une lettre à la direction des Phares et Balises qui m’a envoyé une liasse de devoirs à faire. J’ai préparé mon concours pendant les congés périodiques et au phare aussi. Je découvre qu’il y a du dessin industriel d’un niveau sérieux. Et là ,je trouve un professeur admirable à Ouessant qui est Dédé Boulic qui était mécano à terre à Ouessant. A Ouessant, l’équipement des Ponts et Chaussés et Phares et Balises c’est la même équipe. Quand je suis à terre, je vais le voir un jour et le lendemain je retourne lui remettre mes devoirs. Et on travaille comme ça. Je passe le concours et j’ai des bonnes notes mais je ne suis pas pris. Le niveau était très élevé et j’ai le droit à une nouvelle année de remplacement à Ouessant et ses environs. L’année suivante, j’ai eu le concours et du coup je ne suis pas rentré à l’école de Brest mais à celle de St Nazaire, le 1er janvier 1971. J’y suis resté jusqu‘à juin 1972. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 5 L’examen final se déroule en juin, en raison d’une séance tous les matins. On revoit tout. On savait bien qu’il fallait être autonome dans un grand nombre de discipline. L’électricité était le gros point et on a un peu parlé d’électronique. On évoquait les semiconducteurs, ce qui était pas mal pour l’époque. Maçonnerie, menuiserie, peinture, comment monter un échafaudage. Il fallait être très polyvalent. On avait une formation en secourisme de 2ème niveau de la sécurité civile de l’époque. On devait être capable de répondre à des situations de secours en autonomie parce qu’on est encore à l’époque avec très peu de moyens de communication et pas de moyen d’intervention. On ne peut pas débarquer un toubib si facilement que ça. Dieu merci, je n’ai jamais été dans une situation comme ça. Ce sont les pompiers qui nous faisaient la formation. Ils nous disaient : « Rassurez-vous lorsque vous serez confronté à une situation, vous trouverez les ressources en vous de parer aux premiers soins et le reste de ce que vous aurez appris reviendra et se déclenchera tout seul. » En fait, je me rends compte qu’on était toujours en bonne santé et qu’il n’y avait pas de malade. On était à l’abri des microbes aussi. 0. 47. 40 : Titulaire à l’île de Sein Le premier du cours a choisi Kéréon. En ce temps-là les derniers choisissaient la Corse ou Armen. La Corse parce que c’est loin. Les gardiens de phare étaient tous de la pointe de Bretagne. Dans les années 1980 sur les 311 postes qu’il y avait en France il y avait 103 d’Ouessant. Le reste, c’est du Cap Sizun ou de l’île de Sein et un petit peu de Lampaul-Plouarzel. En Corse, en Guyane ou ailleurs vous trouverez des gardiens de l’île de Sein, d’Ouessant et du Cap Sizun. Le seul que j’ai connu de Molène, c’est Jean-Philippe Rocher. Je choisis l’île de Sein parce que c’est un phare à terre même si aujourd’hui c’est devenu un phare en mer. Je ne suis resté qu’un an pour des raisons personnelles, familiales. Et puis je voulais retourner dans un phare en mer. Le phare de Sein était un établissement important et on faisait beaucoup d’heures. Il fournissait l’électricité à l’île, ce qui demandait beaucoup d’attention et d’énergie parce qu’il n’y avait aucun automate. Et puis, on avait envie de retourner à Ouessant. Un an plus tard, je suis allé à Kéréon. Je suis arrivé en 1973 et parti en décembre 1976. J’aurais voulu rester plus longtemps, je voulais faire 10 ans. Pas plus, non plus, parce que je sais qu’on ne peut plus revenir à terre. C’est ce que je crois encore mais d’autres ont démontré que ce n’est pas vrai. On passait deux fois plus de temps au phare qu’à la maison, ce qui n’est pas sans poser de problème d’ailleurs. 0.52.00 : Bonheur au phare et mission pour les marins, conscience de la grandeur du métier Quand on est au phare, il est important de trouver du bonheur dans ce que l’on fait. Ce n’est pas du tout trahir ceux qu’on aime à terre, que d’être heureux dans son travail, même si ce travail implique qu’on soit séparé d’eux. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 6 J’ai trouvé même des moments tellement heureux au phare, que je me disais, lorsque j’allais descendre, que j’étais heureux de descendre mais qu’ici au phare j’allais encore cassé un truc. La semaine à terre passe très vite et on en est à se dire que si on restait au phare encore un peu plus longtemps ce serait super. Il y a un danger que de se dire en fait, on est mieux au phare. La particularité dans ce métier de gardien de phare, c’est que cette deuxième vie là (au phare) était deux fois plus longue que la vie à terre et qu’elle se vivait dans une quasisolitude. On est au milieu de la mer, des vagues et on ne rencontre personne. Et l’autre, il dort quand on est de quart. On a trop de temps pour penser et il faut faire attention. Il faut s’occuper l’esprit. Je lisais beaucoup ou je faisais de la musique. C’est un piège dont il fallait se méfier. J’étais arrivé à un équilibre qui ne me m’était pas en danger. Heureux d’être au phare mais pas coupé de mes affections. J’avais du mal à me soustraire de tout ça parce que je me disais qu’un jour, je préférai rester dans la contemplation des vagues alors que je savais que je n’étais pas un solitaire du tout, mais je prenais du plaisir à m’isoler. Il n’y a rien qui encombre l’esprit quand on est en mer. On est là. C’est beau. Il se passe toujours quelque chose, même s’il ne se passe rien. C’est le métier non spectaculaire par excellence, même si on vit des trucs intenses pendant les relèves et qui sont des intermèdes très courts à la vie quasi-monacale du phare. On est plus proche d’un moine que d’un sauveteur en mer. On est là pour qu’en principe, le sauveteur en mer n’ait pas besoin de sortir. Cette dimension-là de prévenir les accidents qui étaient la nôtre, moi j’ai mis quelques temps à m’en imprégner et à comprendre sa grandeur. Il faut trouver un peu de grandeur dans ce que l’on fait, sinon, on s’emmerde. Moi j’ai trouvé de la grandeur dans ce que l’on faisait, dans nos actes répétitifs, réglementés, quotidiens, calés au quart de poil, codifiés et anonymes et à l’attention au service de gens qu’on ne connaît pas non plus. La devise de l’école de St Nazaire était : « Tous les marins du monde comptent sur ton aide » Elle était peinte sur le fronton de la classe au-dessus du tableau. Je l’ai eu devant mes yeux pendant 18 mois. J’ai eu le temps de m’imprégner de ce qu’elle signifiait. On n’allait pas faire ce métier-là par hasard. Il y avait dans la démarche de ceux qui ont construit des phares dans des endroits absolument impossibles, il y a tout cet humanisme qui fait la grandeur d’un pays, des hommes. On a fait ça pour préserver des vies, même s’il y a eu des phares construits ici ou là pour des raisons commerciales. Ce qui a permis à des gens d’aller sauter sur la roche d’Armen avec une pointe et une massue sur la Jument aussi d’ailleurs, pour creuser les premiers trous dans lesquels on mettait les organeaux sur lesquels ils allaient s’accrocher pour ne plus être sur les vagues et pour pouvoir après je ne sais combien de temps, poser les premiers moellons qui seraient la base d’un phare et qu’une lumière s’allume sur la mer et permet à un bateau de savoir où il est. Ce qui animait ces gens-là c’était une foi incroyable en l’humain. Je ne vois pas d’autres explications. Il fallait être un peu plus que de bien souvent vouloir gagner sa croûte. Et même pour nous après. On portait ça. C’est Jean Donnart qui disait que c’était un peu plus que de seulement vouloir gagner sa croûte. Il a passé toute sa vie dans les phares en mer. Ça je le comprends complètement. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 7 Ce métier il y a aucune gloire à en tirer. On le fait dans l’anonymat. Mais on a pleinement conscience de l’importance de ce que cela représente. Et cette conscience-là suffit largement à trouver du bonheur à être là. Le bien être aussi. D’être bien dans sa tête et bien dans son métier. Ce que je fais là, c’est important. Simplement c’est ce feu qui s’allume sur la mer. Il y avait de la grandeur, de la noblesse à faire ça mais sans pour autant se prendre pour des héros. C’est un métier qui avait une raison d’être. C’était d’autant plus perceptible et sensible chez les gardiens de phare de ma génération, c’est qu’on venait tous de la mer et des bateaux. On avait tous navigué avant. On ne pouvait pas rentrer avant 21 ans et comme on travaillait tous à 15 ans. On savait l’indicible réconfort qu’il y a à apercevoir entre deux vagues quand on vient du large, un éclat qui d’un seul coup vous dit, c’est le Créac’h ou Belle-île ou c’est Goulphare ou le phare du Pilier mais on sait que la terre n’est pas loin et que la navigation que l’on vient de faire est bonne. Ce n’est pas par hasard qu’on utilise le mot phare pour dénommer quelque fois « un projet phare ». Les produits en Bretagne on choisit un phare comme symbole. Ce métier fait en sorte qu’on se retrouve là dans cet état d’esprit. C’était d’une beauté incroyable, les manœuvres que l’on faisait au pied du phare lorsqu’il y avait du mauvais temps. Là, il y avait toute la science maritime. Toute l’intelligence des hommes dans un univers qui était le leur. C’était incroyable de voir avec quelle apparente facilité, alors que rien n’est vraiment facile. C’est juste que les gens qui étaient là, avaient appris, avaient mis en application et ils avaient mis leur touche personnel leet avaient avancé. Combien de fois j’ai eu envie de pleurer tellement c’était beau. C’est incroyable ! Incroyable ! J’ai fait mon service militaire à l’école navale où l’on apprenait la manœuvre aux futurs officiers de la marine nationale. J’ai passé 15 mois à faire ça. J’ai baigné dans cette culture de la marine nationale qui est d’emmener toujours l’élégance dans une manœuvre qui se fait avec le moins de marche arrière possible. Le fait qu’un bateau accoste par exemple sans heurt, sachant que derrière, il y a énormément de travail, c’est ce qu’on appelle l’élégance marine. Avec une grâce et peut-être moins de forme, j’ai vu des trucs au pied du phare incroyable. Et là-dedans j’associe complètement les gardiens de phare dans la synchronisation. Quand ça piaule on ne peut plus se parler. Il n’y a plus de communication entre le bateau et le phare. Et ça coule tout seul. C’est rien du tout mais en même temps c’est énorme. C’est complètement humain, c’est marin jusqu’au cœur des hommes qui sont là. Je trouve ça magnifique. Ce sont des instants de grâce et il y en a tellement ! La mer, c’est une histoire, une histoire d’hommes. On n’est pas fait pour vivre au milieu de la mer. C’est pas trop prévu qu’on aille faire l’andouille là-dedans. Déjà construire un phare ! Mais des gens osaient faire ça parce que derrière, ils avaient l’idée de sauver des vies. Et ils ont appris à déposer les gens là, à les récupérer et à inventer des systèmes comme la relève au ballon. Il y avait rien de plus sûr que ça. C’est un pan de notre histoire maritime qui a une valeur énorme comme tout le reste. 1. 14. 00 : Antifer en Normandie et Lorient Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 8 J’ai demandé cette mutation sous la pression de mon épouse. Il y avait quelqu’un proche de sa famille qui partait en retraite d’Antifer et ils avaient passé 30 ans là-bas. Ils avaient tellement vanté le bonheur de vivre là-bas, que ma femme s’est dit mais à terre on serait mieux. Il y a une opportunité incroyable. Si tu postules, tu es sûr de l’avoir. Et j’ai été le seul candidat. Elle m’a convaincu et je suis parti, mais à regret, car je voulais faire 10 ans en mer. J’ai rompu cet équilibre entre Kéréon et la terre et j’étais heureux comme ça. Peut-être la crainte de recommencer une nouvelle vie ailleurs. Le Pays de Caux c’est différent, une autre culture. Les insulaires ont vraiment une identité très forte. Là-bas, on a été vraiment bien accueilli, mais la première année on a vraiment eu du mal. On a eu une autre vie où tout le monde habite au phare. Ça a fait des souvenirs extraordinaires. Trois familles, 9 enfants isolés. La première ferme était à quelques kilomètres. Que les femmes et les enfants s’entendent entre elles. C’est une micro-communauté. Ça a permis de faire des supers souvenirs à mes filles qui sont arrivées là-bas à 5 et 6 ans. Elles ont passé toute leur enfance là-bas. Moi aussi ça m’a fait une expérience que je ne regrette absolument pas. J’ai rapidement trouvé le moyen de trouver un bateau et de naviguer là-bas. Il y a une falaise et en dessous, pas très loin ,j’avais un bateau. La mer est devant, mais elle est en dessous. J’ai eu du mal avec ça. Il y avait le port d’Antifer qui venait d’être construit avec les remorqueurs et les pétroliers. On est resté 7 ans ½. J’ai eu envie de revenir en Bretagne et de revenir à Concarneau. A partir des années 1980, on allait en vacances à Penfret, on avait un ami gardien de phare à Penfret, sur les Glénans. Dès la première année où l’on est venu passer une semaine ou deux à Penfret, on avait envie de revenir en Bretagne. Que mes amis Normands me pardonnent. Le rapport à la mer surtout dans un archipel de paradis comme les Glénans que l’on fréquentait qu’en été. Il n’y avait pas de place à Penfret mais une place au CEI de Concarneau. Le CEI de Concarneau fournissant les remplaçants des gardiens à l’occasion des congés. J’ai postulé pour deux postes, le CEI de Concarneau et le CEI de Lorient qu’il fallait créer. Je n’ai pas eu Concarneau, mais je me suis retrouvé à Lorient contre mon gré mais c’était déjà pas mal car j’étais déjà en Bretagne. Je suis depuis 1983 à Lorient. J’avais des a priori sur Lorient et pourtant j’y suis resté. J’ai eu un autre bateau et on allait souvent à Penfret aussi entre autre. On a continué d’aller à Penfret jusqu’à ce que le phare soit désarmé. L’île de Penfret a perdu beaucoup de son charme. C’est là que l’on se rend compte que dans la beauté des choses, il y a la présence humaine qui participe. Car quand on y va, on sait qu’on est attendu. On ne va pas juste s’extasier de la nature, il y a un rapport humain. Ce n’est pas uniquement moi mais tous les gens du Belon, ils allaient aux îles parce que c’est beau mais aussi parce qu’ils allaient partager un petit instant, ne serait-ce que de voir le gardien. Et puis j’ai fini ma carrière à Lorient. 1. 22. 50 : Sur quel phare préférez-vous travailler ? J’ai préféré travailler sur Kéréon sans hésitation. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 9 1. 23. 25 : Description service du matin - Activité au phare Dans mon bouquin, j’ai décrit le service du matin. p. 44. J’ai travaillé sur des phares à pétrole à la Jument et Kéréon et sur l’île de Sein. Et lorsque je suis revenu à Kéréon, il avait été électrifié. Il était passé en éolienne 24 volts avec des lampes de 150 watts. Donc le pétrole, je l’ai eu pendant 2 ans, plus pendant mes stages à St Nazaire. (La Banche, le Charpentier était électrique, le Four) 1. 26.25 : L’entretien de l’optique et du système de rotation Le coup de chiffon quotidien du matin et surtout du soir. L’optique est protégée par une housse et la lanterne est protégée par des rideaux. Avant l’allumage, on enlève la housse de l’optique et on laisse les rideaux. Et 20 minutes avant l’heure officielle, on allume le feu. Généralement on est tous les deux. Quand les gens s’entendent bien on est tous les deux à faire ça. Celui qui est de repos fait un peu d’exercice, il monte. Le feu ne tourne pas encore, il est stoppé. Il est allumé fixe protégé par les rideaux. Par contre, quand il est allumé, les gardiens voient tous les défauts, toutes les taches et là, tout en discutant, on met un petit coup. Et quand arrive l’heure, on enlève les rideaux et c’est parti pour la nuit. Quand il y a un feu à pétrole dans une optique, ça salit très, très vite. A la Jument, on faisait une demie optique par semaine. Elle doit être faite au minimum une fois par mois entièrement et comme elle est très grande. C’est une très grande optique qui est magnifique d’ailleurs. On fait la moitié à chaque fois. En réalité elle est toujours en nettoyage. Il y a 6 faces. L’escalier a une rampe de cuivre et la rampe est nettoyée à fond toutes les semaines mais elle n’est jamais salie. Il n’y a pas une trace de doigt dessus. Un gardien ne mettait jamais sa main sur le cuivre. Ou, on prenait un chiffon ou on prenait les montants de l’escalier. Les traces de doigts c’est terrible sur le cuivre. Même sur l’optique, il n’y avait pas de trace de doigts. En une semaine, il pouvait y avoir un voile terne sur l’optique si on ne faisait pas attention. Un cuivre bien astiqué peut commencer à rougir avec le gaz de pétrole. Et dès que ça approche la teinte rose/rouge on se dit qu’on a déjà du retard sur le nettoyage. Il faut qu’il y ait de la profondeur. Il faut qu’on puisse voir à l’intérieur. Ce n’était pas que des manies. En même temps ça a une capacité telle à capter la lumière. Un phare éteint. Les rideaux sont mis, l’optique est sous la housse. Vous pénétrez dans la lanterne et il y a une atmosphère difficile à décrire. Mais vous savez que là il y a la lumière qui vibre. Chaque parcelle de lumière qui traverse difficilement les rideaux et capté par l’optique derrière sa housse et elle arrive à irradier un truc, une atmosphère que moi, qui me touchait profondément et qui est l’atmosphère d’un phare, parfaitement entretenu, simplement entretenu. Il y a cette vibration de la lumière. C’est l’endroit l’après-midi d’été quand on a besoin de repos, qu’on est allé à la pêche, qu’il y a du soleil, qu’on a un peu cramé, aller s’asseoir là-haut, pour moi c’était un bonheur incroyable. 1. 32. 50 : Allumage des feux à pétrole Le phare de la jument a été électrifié tardivement juste avant l’automatisation. Comme la Vieille, ils ont fonctionné au pétrole jusqu’au dernier moment. A Antifer c’était un phare à terre avec alimentation EDF. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 10 On avait du 3000 volts qu’on transformait. On avait des lampes de 6KWatts. Un système de grand phare d’atterrissage qu’on trouvait partout sur le littoral. Compte tenu de sa position, Antifer n’avait que 3 Kwatts. Le feu est à 130 mètres au-dessus de la mer. La tour n’est pas très grande, à environ 30 mètres. Ils ont quand même dû construire une tour assez haute pour qu’elle soit visible de la mer. Pas complètement sur le bord car la falaise s’effrite. Comme ce n’est pas régulier, cela varie de 100 à 120 mètres. Je crois que c’est 36 mètres, la tour. Des grosses installations, sirène de brume, air comprimé, groupes électrogènes de secours, des batteries dans une salle de batteries énormes qui est capable de fournir du 127 volts en dépannage, en 3e secours. Radiophare… Ce qu’on appelait un grand phare à terre. Le radiophare, on avait appris à l’école mais le système du TORRENS, sili 10. Après j’ai fait des formations TORRENS. J’ai fait des semaines et des semaines sur ces systèmes-là, mais seulement en arrivant à Lorient où là, j’étais chargé de les dépanner. 1. 36. 00 : Les feux à pétrole aux Pierres Noires, Kéréon, La Jument La Jument et les Pierres Noires avaient le même brûleur de 50, Kéréon était un gros phare, c’était une optique d’horizon qui avait un brûleur de 80. C’était le plus gros brûleur qui existait. Kéréon consommait plus. A Kéréon, on ne faisait pas une nuit d’hiver avec un jeu de bouteilles. Bien réglé à la Jument comme à l’Armen, on fait la nuit même en hiver. Un plein de pétrole et de bouteilles d’air. Les tranches pour les brûleurs étaient 30/ 50/ 80. C’est le diamètre de la base du manchon. Entre un 50 et un 80, on a 30% de consommation de différence. Les bouteilles d’air et de pétrole sont les mêmes partout quelque soit le brûleur. Sur un brûleur de 30 avec les mêmes bouteilles, on fait deux nuits et un brûleur de 80, on fait une demie nuit en hiver. Aux Pierres Noires comme à la Jument c’était 50. En Loire Atlantique à la Banche, il y avait un brûleur de 30. 1. 38. 30 : Le système de rotation, la cuve à mercure Il fallait qu’on le contrôle à chaque démarrage mais on ne le faisait pas mais au moins une fois par semaine, on contrôlait la vitesse de rotation pour être sûr que le phare prenne bien son rythme et qu’il montrait bien son signal. Pour une optique tournante il était important de chronométrer. Même à Kéréon à l’époque du pétrole c’est une optique d’horizon la plus grosse qui n’est jamais été construite. Elle fait 0,80 m de focale plus d’1,80m de diamètre intérieur. L’optique d’horizon veut dire que l’optique est fixe. La lumière, que le marin perçoit, est une période de lumière plus longue que la période d’obscurité. La lampe est masquée régulièrement comme la Vieille. On dit qu’elle est d’horizon parce que les prismes sont horizontaux, tandis que sur un feu tournant les prismes sont concentriques. C’est un type de construction. Pourquoi Kéréon a une optique d’horizon. Le Créac’h est à éclats, le Stiff est à éclats, la Jument est à éclats. Ils ont choisi Kéréon à occultations pour le différencier des autres. Il y a aussi les couleurs mais je suppose que ce choix a été fait pour ça. Kéréon a un secteur rouge Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 11 Il est plus facile de sectoriser un feu à occultation qu’un feu à éclats ,même si l’analyse purement technique nous dirait qu’en mettant des vitres rouges ici ou des vitres blanches là. Que tu sois à éclats ou à occultations, tu auras le même effet. Kéréon a un secteur rouge qui couvre tout l’archipel de Molène. Quand on monte pour prendre le Fromveur, on va faire cap sur Créac’h, La Jument qui est rouge, le Créac’h qui est blanc au dessus de la falaise. On voit le Stiff et Kéréon qui sont rouges. On a du rouge qui signifie du danger. Et le Créach qui est lui le grand atterrissage, la Jument est un feu de jalonnement. On fait route sur le Créach et au moment où Kéréon passe blanc, on sait qu’on peut prendre le Fromveur. Et là on a un autre secteur sur Men Korn qui va nous dire qu’on est bien. Dans l’Ouest d’ Ouessant il y a un secteur de MenKorn qui nous dira qu’on est bien dans le Fromveur. L’exemple le plus frappant, c’est la navigation dans le Raz de Sein, les gros navires, qui à l’époque, passaient le Raz de Sein, ne pouvaient pas le prendre tout droit où il y a de l’eau partout. Le Raz de Sein, il y a des changements de cap à faire. La Vieille, le Chat, Tévennec sont là pour ça. C’est important, pas pour les risques de talonner pour des petits bateaux, mais les remous au-dessus de ces basses sont importants. Cela peut-être très dangereux pour des navires même avec du tonnage assez conséquent. Dans ce coin d’Iroise, l’exemple de la coloration des feux, c’est le passage du Raz de Sein. Les trois couleurs sont présentes, il y a une logique absolument imparable pour s’en servir pour comprendre comment on navigue dans le Raz, en rajoutant à ça le courant qui est important et comment les phares sont utilisables. De nuit toutes les indications physiques sont là pour passer le Raz de Sein. A Kéréon, il y a un brûleur de 80 et un gros éclipseur et une cuve à mercure. L’éclipseur, ce sont des masques de taule qui tournent pour faire l’occultation. A la Vieille, ils ont conservé l’éclipseur. La lampe électrique qui brille au milieu de la Vieille est allumée en permanence et l’éclipseur a été gardé. A Kéréon, tout a été enlevé et c’est une lampe LED à occultation qui est installée. L’automatisation a pris du temps car il fallait aussi valider les installations des automates. Voir si tout ça fonctionnait durablement. Avant de virer tout le monde, attendons de voir si ça marche vraiment. 1.47. 00 : L’entretien courant Les vidanges moteurs et l’entretien mécanique si on est à la Jument ou à Kéréon. Il y avait aussi l’éolienne à entretenir car parfois elle ne fonctionnait plus. On allait à cheval sur son dos pour la réparer. Et on aimait ça d’ailleurs quand il faisait beau. L’entretien courant, ce sont les vidanges moteur, l’entretien des batteries. Des trucs d’une banalité mais qu’il fallait faire. Dès le printemps, il y avait les gros travaux, toute la peinture extérieure du phare. Pas à Kéréon ni à la Jument mais à l’Armen il repeignait tous les 2, 3 ans. Tout ceci était ordonnancé, il y avait toujours quelque chose à faire. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 12 Par exemple à Kéréon, on repeignait la coupole, tout ce qui est métallique à l’extérieur, entièrement tous les 2 ans et entre ces deux années-là, on reprenait tous les petits défauts. Il y avait une année, c’était retouche et l’autre année c’était complet, cela représentait 3 mois ½ de travail. Ce sont des parties métalliques qui souffrent beaucoup car elles sont exposées en pleine mer. Tout ce qui est potence, mât de charge, treuil, rambarde. Au début des années 1970 on a mis des câbles inox. Il y a eu des accidents avec les câbles acier qui ont pétés nets avec le gars dessus en général. Le treuil n’était pas protégé, il était sous l’eau à chaque paquet de mer. Ça c’était fait tous les ans. Sur la coupole, il y a aussi des mélanges de fonte d’acier. Qui rouille aussi. Il n’y a que le toit qui est en cuivre, la coupole. Elle a ses décorations, ses ornements, ses gargouilles qui eux ne rouillent pas car c’est en cuivre ou en laiton. Ça il y a juste qu’à nettoyer. Le rouf, le montant des glaces, ce sont des alliages, de la fonte d’acier. Ça rouille moins que de l’acier pur mais ça rouille quand même un peu. Sur le rouf, il y a quand même des taules d’acier, parfaitement entretenues. C’était toujours beau de regarder les photos aériennes de Kéréon à quelques moments que ce soit. Les autres phares comme la Jument aussi. C’étaient les grands travaux de Printemps qui s’étendaient jusqu’à l’été. On voulait finir avant le 1er juillet, car commençaient les congés. On n’avait pas envie que les remplaçants fassent ce gros boulot et nous voulions le terminer. 1. 52. 50 : L’outillage A la Jument, l’atelier était dans la forge. En haut à la galerie, il y avait une forge. On l’appelait comme ça car apparemment il y avait eu une forge là. C’était une cabane sur la galerie à l’extérieur. Il n’y avait plus de forge quand j’y étais. Il y avait juste l’établi, je ne sais plus s‘il y avait l’enclume. Ecouter les phares du Parc naturel marin d’Iroise Page 13