ingenierie des dispositifs de formation a l`international

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ingenierie des dispositifs de formation a l`international
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MINISTERE DES AFFAIRES
ÉTRANGÈRES
Direction générale de la
coopération internationale et du
développement
INGENIERIE DES DISPOSITIFS DE FORMATION A
L’INTERNATIONAL
Actes
CINQUIEMES JOURNEES D’ETUDES
09-10 novembre 2000
AGROPOLIS-INTERNATIONAL – MONTPELLIER – FRANCE
Avec la collaboration de
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
2
Sommaire
Page
Problématique et objectifs
2
Programme
4
Allocution de M. Weiss, Agropolis
7
Allocution de M. Da Dalt,
11
Ministère des Affaires Etrangères
Allocution de M. Lasnel,
14
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche
Intervention de M. Fritz,
17
Intervention de M. Boulier
32
Compte rendu des Ateliers
38
Table ronde
45
Allocution de M. Nago
63
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Problématique et objectifs
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Problématique des Journées d’Etudes
Dans la période actuelle de profondes mutations, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur notre capacité
à assurer de façon durable la production agricole et alimentaire, en particulier dans les régions soumises aux
pressions démographiques où les écosystèmes sont souvent les plus fragiles.
Les enseignements agricoles ont pour mission d’assurer les meilleures formations possibles pour tous
ceux qui interviennent dans le développement rural.
Le ministère de l’Agriculture et de la Pêche et Agropolis, avec l’appui du ministère des Affaires
étrangères, se sont proposés depuis 1996, au travers de journées d’études, d’analyser, de capitaliser et de
structurer l’expérience acquise à l’international dans le domaine de l’expertise, du conseil et de l’appui à la
création et la rénovation de dispositifs de formation.
Cette réflexion a été approfondie lors de ces journées 2000 en étudiant notamment l’articulation entre les
programmes des institutions internationales (sur la base de l’exemple de ceux de l’Union Européenne) et l’offre
de compétences de l’enseignement agricole français. Dans le cadre de la préparation de ces cinquièmes journées,
une étude sur les programmes de l’Union Européenne a été réalisée et a donné lieu à la rédaction d’un document
qui a été présenté et distribué au cours des journées d’études.
Objectifs
1.
Participer à la construction progressive d’une expertise française et à son positionnement dans
l'espace européen et international ;
2.
Articuler les différents types d’acteurs français intervenant dans la réalisation de programmes de
création ou de rénovation de dispositifs de formation agricole et rurale ;
3.
Passer d’une logique d’offre à une logique d’appui à la construction de la demande dans le cadre des
programmes des institutions internationales.
4.
Articuler l’offre française et la construction de la demande dans le cadre des programmes des
institutions internationales.
Public
Toutes personnes participant à des activités de conseil, d’expertise, d’appui, de formation pour la création
ou la rénovation de dispositifs de formations agricoles et agroalimentaires, ou l’accompagnement de projets de
développement rural.
Comité de Pilotage
Boulier Fabien, Agropolis - Da Dalt Bernard, Ministère des Affaires Etrangères - Giroux François,
Ensia/Siarc - Lasnel Gérard, Ministère de l’Agriculture et de la Pêche - Latham Marc, Cnearc Maragnani Alain, Inspection de l’Enseignement Agricole - Metge Jean, Enfa - Souffflet Jean-François,
Enesad - Weiss Martin, Agropolis.
Coordination
Maragnani Alain - Tél : + 33 (0)467 61 70 00 [email protected] - Weiss Martin – Tél : : +33 (0)467
04 75 76 [email protected]
Logistique
Soudais Claudine – Tél : +33 (0)467 04 75 75 – [email protected]
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Programme
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
Programme
Jeudi 9 novembre 2000
LES PROGRAMMES DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES
Matin
09h00
Ouverture des journées : Accueil des participants, remise des documents, café
09h30
Animateur : François GIROUX - ENSIA - SIARC
Allocutions d’ouverture :
Martin WEISS - Agropolis, Bernard DA DALT - Ministère des Affaires étrangères, Gérard
LASNEL -Ministère de l’Agriculture et de la Pêche.
10h00
Conférence « La politique de coopération en matière de développement et ses conséquences
sur la formation » : Jean Claude FRITZ - Centre d'Etude et de recherche Politique de la
Faculté de Droit de Dijon.
12h30
Déjeuner
Après-midi
Animateur : Gérard LASNEL - DGER/BCI
14h30
« Présentation de l’étude sur les programmes de l’Union Européenne en matière de
développement et de formation agricoles » : Fabien BOULIER.- Agropolis.
16h00.
Pause café.
16h30
Première réunion des ateliers thématiques
CIRAD/ENSIA - SIARC : « Projet de renforcement des formations post-graduées en agroalimentaire dans les pays du Mercosur » (Programme ALFA). François GIROUX - Directeur
ENSIA/SIARC, Patricia LEMA - Université de Montevideo. Animatrice : Anne-Marie
GRANIE, ENFA
CFPPA de Beaune : « Système d’analyse des formations continues agricoles en Roumanie viticulture/œnologie, agriculture et forêt». (Programme Léonardo). Florence ZITO Formatrice CFPPA, Mihaela MURESAN - Vice-présidente ANS. Animatrice : Isabelle
D’ORGEVAL - CNEAP
ENESAD - AVFA : « Appui à la rénovation de la formation professionnelle tunisienne pour
l’agriculture et pour la pêche » (Programme MEDA + Coopération française). Alain JAZE ENESAD, Hassine BOUZOUITA - Directeur pédago-technique AVFA. Animateur : Michel
BROCHET - CNEARC.
CFPPA des Pyrénées-Atlantiques : « Mise en place d’une formation d’éleveurs porcins
ukrainiens ». (Programme Tacis). Bernard LACAZETTE - Directeur CFPPA, Roman
KLOYZ – éleveur. Animateur : Allain BREMARD - SRFD Nord-Picardie.
18h30
Visite d’Agropolis-Museum avec un conférencier ;
Présentation de la mallette d’information (plaquette + vidéo + transparents + disquette) sur
l’enseignement agricole français à destination de l’étranger. Gérard LASNEL (DGER-BCI)
19h30
Dîner en commun
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Vendredi 10 novembre 2000
L’OFFRE FRANÇAISE ET LA CONSTRUCTION DE LA DEMANDE
Matin
9h00
Suite de la discussion en ateliers thématiques.
Au cours de chacun des ateliers ont notamment été étudiés :
•
La demande initiale et le programme de l’Union Européenne dans lequel il s’inscrit ;
•
Le contexte général, les finalités du projet, les différents partenaires concernés ;
•
L’organisation du projet (partenaires, structuration, programmation) ;
•
L’analyse des besoins de formation et les méthodologies éventuellement utilisées ;
•
Le dispositif de formation proposé (institutions concernées, objectifs, contenus,
programmation, moyens, méthodes et outils d’apprentissage, méthodes d’évaluation
pédagogique) ;
•
Les premiers résultats, les problèmes rencontrés, les outils méthodologiques élaborés,
l’évaluation.
Animateur : Jean-François SOUFFLET - ENESAD
11h00
Bilan des ateliers par les rapporteurs de chacun des ateliers et synthèse.
1.
2.
3.
4.
12h00
Amérique latine
Roumanie
Tunisie
Ukraine
Joël MAGNE - LEGTA Marmilhat
François DENYS - CFPPA Carpentras
Jean METGE - ENFA
Isabelle TOUZARD - CNEARC
Déjeuner
Après-midi
14h00
Table ronde
Animateur : Alain MARAGNANI - DGER
« Comment s’organiser pour valoriser la compétence française à l’international dans le
domaine des formations agricoles, agro-alimentaires et rurales ?
Comment passer d’une logique d’offre à une logique participative de construction de la
demande ? ».
Participants : Véronique BAILLEUL - EduFrance, Bernard DA DALT - MAE, JeanClaude DEVEZE - AFD, Christian FAULIAU - Banque Mondiale, Lavinia GASPERINI FAO, Georges GOSSET - DGER/FOPDAC, Ludovic PROTIN - Agence Universitaire de la
Francophonie, Charles RAFFIN - SFERE
16h00
Discours de clôture
Animateur : Marc LATHAM - CNEARC/Agropolis
Allocution de Mathurin NAGO, Doyen de la Faculté des Sciences Agronomiques au Bénin.
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Allocution de M. Weiss, Agropolis
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
Allocution de M. Martin WEISS
Secrétaire général d’Agropolis
J’ai le plaisir de vous accueillir à Agropolis au nom de son Président, Michel de NUCE de
LAMOTHE, qui participe en ce moment à l’Assemblée Générale de NATURA, réseau de quarante
universités et facultés européennes concernées par l’agriculture, au sens large, des zones à climats
tropicaux et subtropicaux. Agropolis vient d’être chargé d’assurer le secrétariat général de NATURA,
ce qui conforte notre image internationale et constitue un atout supplémentaire pour les actions de
coopération de notre pôle agronomique français dont la vocation est de contribuer au développement
économique et social des zones chaudes.
Pour ouvrir ces cinquièmes Journées d’études sur l’ingénierie des dispositifs de formation à
l’international, je voudrais rappeler les objectifs d’origine, souligner le contexte actuel de nos travaux
et évoquer quelques enjeux pour l’avenir.
Mais auparavant, et au nom du comité de pilotage, je remercie tous les participants,
nombreux, pour leur contribution à cette réflexion qui nous concerne tous. Nous remercions tout
particulièrement, et très chaleureusement, les participants étrangers qui nous font l’honneur de
participer à nos travaux. Ils représentent des institutions de leur pays ou des organisations
internationales et votre expérience, vos analyses, constituent des apports importants à une réflexion
commune sur les démarches de l’ingénierie des dispositifs de formation. Je voudrais citer :
¾
Mmes Lavinia GASPERINI, Fonctionnaire Principale pour l'éducation agricole et pour le
développement rural du Service de l'éducation, de la vulgarisation et de la communication de la
FAO, Dounia ALAMI et Fatima BENADI, du Ministère de l’Agriculture du Maroc, Patricia LEMA
de l’Université de Montevideo, Mihaela MURESAN, Vice-présidente de l’ANS de Roumanie,
¾
MM Hassine BOUZOUITA, Directeur pédago-technique, Agence de Vulgarisation et de Formation
Agricoles de Tunisie, Alexis KEMANHON du ministère de l’agriculture de Côte d’Ivoire, Roman
KLOYZ, éleveur en Ukraine, Mathurin NAGO, Doyen de la Faculté d’agronomie du Bénin, Zana
OUATTARA de l’Ecole Supérieure d’Agriculture de Côte d’Ivoire…
Revenons brièvement à l’historique.
Début 1995, le Bureau de la Coopération Internationale de la Direction Générale de l’Enseignement et
de la Recherche (DGER) du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche et Agropolis avaient réuni quelques acteurs
de projets internationaux de formation pour confronter leurs expériences afin d’en dégager les constantes, dans
les problématiques comme dans les démarches. Rappelons que c’est Alain MARAGNANI qui avait réussi à
convaincre tout le monde d’entamer ces réflexions et depuis, sans doute grâce à sa ténacité, les journées d’études
connaissent un succès grandissant. Je constate aussi que les initiatives se multiplient maintenant dans le domaine
qui nous réunit aujourd’hui. J’en citerai deux :
1.
La mise en place conjointe, par le ministère des Affaires étrangères et la DGER, d’un groupe de
travail, groupe de travail dont la création avait été annoncée ici même il y a un an.
2.
L’organisation, à l’initiative de la DGER, de sessions de formation à la conduite de projets
internationaux pour les personnels de l’enseignement agricole public. Ces sessions associent
plusieurs établissements de la DGER : d’une part Agropolis, le CNEARC, l’ENESAD et l’ENFA
et, d’autre part, le CEP de Florac et le CEMPAMA de Fouesnant.
Très vite ces journées d’études ont contribué à mettre en évidence la richesse et la diversité des
expériences internationales du service public d’enseignement agricole (qu’il s’agisse du supérieur, du technique
ou de la formation professionnelle) mais aussi des organisations professionnelles ou des ONG, dans la conduite
d’actions de conseil, d’expertise et de réalisation de formations.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Très vite aussi, les journées ont mis en évidence des besoins de mise en synergie des
compétences, de capitalisation des acquis, de promotion de l’offre française et d’organisation de la
réponse française à la demande.
Nous sommes aujourd’hui dans un contexte de mondialisation des activités économiques, y
compris, comme on peut le lire quelquefois, de la formation. Le contexte mondial est marqué par les
défis concernant la sécurité alimentaire dans de nombreux pays et l’environnement. L’évolution des
pratiques crée un besoin de nouvelles compétences, de nouveaux métiers. Parallèlement se mettent
en place de nouvelles politiques nationales et internationales de coopération et nous devons nous y
intégrer. Ce sera le thème de réflexion de cette première journée. Jean-Claude Fritz traitera des
conséquences de ces politiques sur la formation et Fabien Boulier du cas particulier des programmes
de l’Union Européenne.
Quels sont les enjeux ? Lors de la table ronde de demain, nous nous interrogerons, avec la participation
d’organisations internationales, la FAO, l’Agence Universitaire de la Francophonie, mais aussi de nos ministères
de tutelle et d’opérateurs comme SFERE et EduFrance, sur la manière de s’organiser pour valoriser les
compétences françaises en ingénierie des dispositifs de formation à l’international.
Lors du colloque organisé récemment par SFERE pour son quinzième anniversaire, nous avons pu
constater que certains pays mettaient en place des politiques particulièrement offensives pour conquérir des parts
du marché de la formation. Nous avons aussi à élaborer une politique de présence à l’international répondant à
nos spécificités thématiques comme de nos démarches et nous disposons sans doute d’avantages comparatifs. Je
souhaite que ces journées contribuent, comme les précédentes, à enrichir la réflexion en faveur de la mise en
place d’une telle politique.
Agropolis a montré, dans le domaine de la recherche, qu’il était un outil au service de la politique
internationale de la communauté scientifique française. Sa fonction est d’associer, pour l’action, les compétences
complémentaires de plusieurs établissements, qu’ils soient nationaux ou étrangers, mais aussi d’entreprises du
secteur privé. Sa fonction est aussi d’assurer la lisibilité, à l’international, de ces compétences ainsi réunies. Il est
reconnu comme tel à l’étranger et les retombées pour ses membres sont de plus en plus perceptibles.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Allocution de M. Da Dalt,
Ministère des Affaires Etrangères
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
Allocution de M. Bernard DA DALT
Ministère des Affaires Etrangères
Direction Générale de la Coopération internationale et du développement
Direction du développement et de la coopération technique
Bureau de la formation professionnelle et de l'enseignement technique.
Pour le Ministère des Affaires Etrangères ces
souhaitons vivement, à un véritable tournant.
cinquièmes journées d'études se situent, nous le
D'abord elles constituent la deuxième édition depuis la fusion du Ministère de la Coopération
et de la Direction Générale des Relations Scientifiques et Techniques survenue, rappelons-le, le
premier janvier 1999. Et depuis l'année dernière nous avons pu :
•
quasiment digérer les turbulences liées à cette fusion (un tel chantier n'avait pas été conduit depuis
très longtemps au sein de la fonction publique)
•
appréhender notre zone géographique de travail qui n'est rien de moins que le monde entier. Ce qui
s'est traduit par une considérable diversification des modalités de travail au niveau des partenaires
rencontrés. A côté des pays de la ZSP avec lesquels nos efforts sont toujours intenses il y a aussi
des coopérations avec les pays d'Europe de l'est notamment des pays candidats à l'adhésion mais
aussi avec les pays du continent américain, du continent asiatique.
•
préciser nos procédures déconcentrées de travail.
•
esquisser un projet d'entreprise.
Même s'il reste encore beaucoup à faire, le panorama se précise.
Bref, le MAE, espérons le, entre dans une phase de stabilisation et de mise au point
stratégique.
Ensuite, anticipant ces changements, le MAE et le MAP ont souhaité mettre en place un groupe de
travail sur l'Ingénierie des dispositifs de formation à l'international. Ce groupe de travail que nous annoncions ici
même l'année dernière est en place, travaille et va bientôt produire. Nous lui avons donné comme objectifs : le
développement des compétences prévisibles à court terme, nécessaires à l'évolution et/ou à la création d'emplois,
en vue d'améliorer les résultats de l'activité économique.
Cet objectif général peut se décliner en deux objectifs spécifiques :
•
identifier les compétences nécessaires, prévisibles à court terme,
A partir de l'état des lieux de la situation économique du pays1 par grands secteurs, et des compétences
qui y correspondent, un travail de prospective à court terme doit permettre d'identifier les compétences
prévisibles rassemblées par métiers ou familles de métiers. Ce travail doit déboucher prioritairement au niveau
des emplois stratégiques, sur des référentiels professionnels. Les sources d'informations sont multiples et
disparates et très rarement exhaustives : prescripteurs/employeurs, utilisateurs/employés, formateurs/enseignants,
représentants professionnels. Un travail fondamental, que seul un spécialiste est capable de mener à bien, de
recueil d'informations, de mise en cohérence et de synthèse doit être réalisé dans la plus complète indépendance
de " l'Offre de formation " afin de rester le plus proche possible de l'objectivité.
1
Appréhendé, dans le domaine agricole, par l'analyse des systèmes agraires.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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•
former les ressources humaines nécessaires afin qu'elles maîtrisent ces compétences
Avec comme point de départ les référentiels professionnels le travail d'Ingénierie Pédagogique doit
construire l'offre de formation en l'adaptant qualitativement et quantitativement aux publics concernés. Un
important travail interdisciplinaire doit définir, selon les niveaux d'intervention, les objectifs de capacités à
atteindre, les pré-requis nécessaires et assurer la validation des pré-acquis. C'est à partir de cette trame que doit
se constituer le dispositif de formation dans ses 6 composantes2
Pour la mise en œuvre de chacun ces deux objectifs spécifiques il est nécessaire de se référer à
différents concepts tournant autour de la notion de compétences prévisibles, de disposer des outils adéquats et
des ressources humaines capables de les mettre en œuvres. Il faut surtout que tout cet ensemble se fasse
connaître des bailleurs de fonds et soit rapidement disponible pour répondre à une demande, souvent urgente, de
coopération internationale.
Enfin parce que les méthodes de travail des coopérations qu'elles soient bilatérales ou multilatérales
s'infléchissent sensiblement ces derniers temps. La période des programmes d'ajustements structurels et des
grands projets exogènes de relance économique s'achève. On ne peut pas dire que ce soit un grand succès. Pour
la plupart des pays la croissance économique n'est pas au rendez-vous. La pauvreté s'est plutôt aggravée avec un
accroissement des inégalités, enfin, et c'est le plus grave, ces réformes, incitant fortement à la privatisation, ont
profondément déstabilisé et même démembré les Etats et les pouvoirs publics, quand elles n'ont pas fait
purement et simplement disparaître leur capacité à assurer les fonctions régaliennes notamment d'éducation,
santé, Etat de droit, et à organiser la vie sociale et économique du pays. Le traitement de la dette des pays
pauvres les plus endettés (PPTE), qui est le thème d'actualité, est probablement l'occasion de remettre à plat les
modalités d'intervention de la coopération pour le développement et l'utilisation de l'Aide publique au
développement.
Un récent rapport de la CNUCED paru à la mi-octobre fait ce constat et propose quelques pistes qui
seront débattues du 14 au 20 mai 2001 à Bruxelles lors de la conférence des Nations Unies.
Parmi les pistes, on voit apparaître le paradigme "d'appui programme sectoriel ". En deux
mots, cette nouvelle approche consiste à aider un pays à construire une stratégie prospective de
développement sectoriel (par exemple stratégie 2020 du développement rural au Maroc). Les
autorités du pays sont ensuite appelées à opérationnaliser ce programme stratégique en
composantes c'est-à-dire en sous-ensembles (par exemple réhabilitation du dispositif de formation
agricole afin qu'il contribue au développement rural) permettant ainsi de formuler "une demande"
globale, systémique et coordonnée.
Les bailleurs de fonds sont alors invités à constituer un tour de table, afin de contribuer, selon
leurs capacités et leurs priorités au financement de ces opérations. Ils sont ainsi amenés à abonder
directement, dans le cadre de conventions financières, le budget de l'Etat qui reste alors le maître
d'œuvre. Dans le cas du traitement de la dette il serait possible de négocier une telle utilisation des
annuités restant à courir. Les pouvoirs publics du pays ainsi appuyés sont alors en mesure de lancer
les appels d'offre auprès des opérateurs potentiels ayant pignon sur rue au niveau du marché
international et de passer les marchés correspondants. On le voit, cette nouvelle approche changerait
complètement la manière de travailler de la coopération bilatérale française et la rapprocherait
sensiblement des méthodes de la coopération multilatérale notamment européenne.
Que ces journées soient l'occasion, pour l'enseignement agricole français, de négocier avantageusement
ce virage permettant ainsi à l'expertise française en Ingénierie des dispositifs de formation, dont on ne dira
2
1- Connaissance prospective, actualisée régulièrement, des compétences nécessaires au
développement économique du secteur
2- Itinéraires techniques, amélioratifs des pratiques en vigueur dans le secteur en vue d'améliorer son
efficacité
3- Formateurs qualifiés à la fois techniquement au regard de 1 et 2 mais aussi pédagogiquement
(formation d'adultes, pédagogie par objectifs, validation des acquis professionnels ....)
4- Gestionnaires qualifiés, capables de mettre en œuvre les trois formes d'autonomie souhaitables
pour un établissement de formation (financière, administrative, pédagogique)
5- Moyens matériels adéquats (financements, locaux, centre de ressources, réseaux de partenaires
...)
6- Autorité académique d'évaluation, de certification et de régulation, assurant pleinement les
fonctions régaliennes liées au Service Public d'éducation et de formation..
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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jamais assez qu'elle est de qualité, de faire jeu égal avec celle d'autres pays qui ont su mieux et plus rapidement
s'organiser que nous. C'est par exemple le cas du Canada, de la Grande Bretagne, de l'Allemagne ou des pays du
Nord de l'Europe.
Allocution de M. Gérard Lasnel,
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
Allocution de M. Gérard LASNEL
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche
Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche
Bureau de la coopération internationale
Le dépouillement de l’enquête effectuée dans l’année 99/2000 auprès des établissements
d’enseignement technique et professionnel agricoles, publics et privés sous contrat, souligne la très
grande importance des actions de coopération internationale au sein du service public :
1.
Des activités très importantes par leur nombre : plus de 400 établissements intègrent dans leur
projet d’établissement des activités de coopération internationale, 1300 activités ont été recensées
touchant plus de 20000 personnes !
2.
Des activités variées dans leurs formes (des activités d’éducation au développement aux activités
d’expertise en ingénierie des dispositifs de formation, en passant par les échanges d’élèves,
d’enseignants, les voyages d’études, les actions de développement…), variées par les pays
concernés (65% des actions s’effectuent en Europe dont 50% dans l’Union Européenne, près de
20% en Afrique, près de 10% en Amérique du nord…), variées dans les motivations (1/3
pédagogique, 1/3 culturelle, ¼ technique), variées dans les partenaires (collectivités territoriales,
organisations professionnelles, ONG…) ;
3.
Des activités conduites sur une base volontaire : plus de 400 jumelages avec des établissements
étrangers assurant la pérennité des actions dans le temps, des recherches de financement
diversifiées…
L’enseignement supérieur est également très intégré dans les actions de coopération internationale,
notamment avec les échanges d’étudiants et d’enseignants, les activités de recherche, d’expertise scientifique ou
pédagogique…
Les activités de coopération internationale sont donc une composante essentielle de la vie de nos
établissements répondant ainsi aux termes de la loi d’orientation agricole de juillet 1999. Cette très riche
expérience est un socle fondamental pour le développement des activités éducatives des établissements
notamment d’éducation à la citoyenneté, pour l’insertion professionnelle des élèves, apprentis, stagiaires et
étudiants dans un monde de plus en plus ouvert à l’international…
L’enseignement agricole français possède des atouts importants par rapport à l’international :
1.
une notoriété mondiale de l'école française des systèmes agraires, fondement indispensable d’une
bonne Ingénierie de formation des métiers d'agriculteur ;
2.
des compétences techniques dans les secteurs de l’agriculture mais aussi des bio-industries, qui font
de la France un des tous premiers exportateurs mondiaux ;
3.
Enfin, comme je viens de le rappeler, des activités internationales qui sont une composante
essentielle de la vie de nos établissements et en particulier une expérience confirmée en matière
d'ingénierie des dispositifs de formation en formation initiale comme en formation professionnelle.
Il faut rappeler que l’ingénierie est une composante de la coopération et ne peut être
déconnectée des autres activités. Il est essentiel de se connaître, de travailler dans la confiance et le
respect mutuel. C’est un élément indispensable à la construction participative de la demande en
ingénierie et à la réussite des actions avec nos partenaires. N’oublions jamais de nous poser la
question des retombées sur le système enseignement agricole : « Quel intérêt pour le dispositif de
formation agricole à se positionner sur le marché international de l’expertise ? »
Très sollicité, l’enseignement agricole peut se mobiliser dans le cadre de notre coopération
bilatérale mais aussi dans le cadre des coopérations multilatérales en répondant aux appels d'offre
internationaux lancés sur ces thèmes comme aux demandes d’appui de nos partenaires étrangers.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Les programmes mis en place par l’Union Européenne participent de plus en plus au financement de
cette coopération.
L’un des objectifs de ces journées d’études, comme de celles de l’année passée, est de
participer à la construction progressive d’une expertise française. Au cours du discours de clôture, des
propositions avaient été faites et des lignes directrices tracées, notamment en matière d’ingénierie
des dispositifs de formation. Où en est-on un an après ?
1.
La nécessité de s’organiser pour mobiliser les compétences afin d’être présents sur les projets
internationaux avait été fortement soulignée l’année passée… Un début de réponse a été mis en
place avec un consortium d’établissements : CNEARC, ENFA, ENESAD.
2.
Cependant la coordination de nos interventions doit être améliorée notamment la collaboration
entre les établissements techniques et professionnels et les établissements d’enseignement supérieur
agronomique et vétérinaire.
3.
La professionnalisation des acteurs, par la capitalisation de nos expériences sous la forme
d’échanges mutuels sur nos pratiques, pour élaborer des concepts et des démarches d’intervention
est une autre de ces exigences. La DGER soutient l’offre de formation aux activités internationales
notamment par le développement de ces activités (12 sessions seront proposées en 2001). D’autre
part, le bureau Coopération internationale a mis en place une commission de travail sur ce sujet
avec les établissements concernés.
4.
Mais il nous faut aussi assurer une évaluation des activités internationales. A ce sujet, l’inspection
de l’enseignement agricole a été chargée d’évaluer les conditions d’exercice de la mission de
coopération internationale au sein du service public d’enseignement agricole, c’est un premier pas
vers la mise en place de procédures d’évaluation.
5.
Enfin, nous attendons des résultats du groupe de travail conjoint MAE/MAP mis en place en cours
d’année et qui doit capitaliser des expériences et produire des documents d’appui, mais aussi des
supports de communication en direction des assistants techniques et des partenaires étrangers,
mettre en place des sessions de formation sur ce thème.
La DGER prépare une circulaire ministérielle sur la mission de coopération internationale de
l’enseignement agricole qui doit renforcer les moyens au niveau des établissements mais aussi au niveau
régional. Par ailleurs, ce texte devrait aussi apporter une réponse à nos interrogations et aux exigences de la loi
d’orientation agricole : favoriser la mobilité des divers usagers de l’enseignement agricole et participer
activement à l’essor de l’expertise française dans le monde.
Cela passe sans doute par la mise en place d’un pôle responsable au niveau national des actions
d’ingénierie des dispositifs de formation.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Intervention de M. Jean-Claude Fritz
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
La politique de coopération en matière de développement
et ses conséquences sur la formation
Intervention de M. Jean-Claude Fritz
CERPO - Université de Bourgogne
CADRE INTRODUCTIF
Quelques réflexions historiques et conceptuelles en guise d’introduction d’un domaine :
-
Où les enjeux sont essentiels : rapports Nord-Sud, et plus largement, réorganisation des rapports planétaires.
-
Où existe, qu’elle soit reconnue ou non, une situation de crise tant en ce qui concerne le développement que
la coopération, aussi bien au niveau des notions que des réalités..
-
Qui se traduit par une certaine dévalorisation au niveau des politiques officielles des idées de
développement et de coopération.
-
Qui conduit aussi à de multiples malentendus, avec des faux consensus, et de faux conflits dans la mesure où
l’on donne à toutes les séries d’expression un sens différent.
Cette étude s’organise selon le plan suivant :
I – Les réflexions sur l’objectif à atteindre : les ambiguïtés de la notion de développement
II – L’évolution de la signification de la coopération : continuité et changements dans les discours et les
politiques.
III – La complexité de la formation à la coopération internationale : choix de base et diversité des
terrains (et des secteurs).
I – Les réflexions sur l’objectif à atteindre : les ambiguïtés de la notion de développement
1-1. L’apparition du Tiers-monde et du discours sur le sous-développement par rapport au
développement :
Autour de 1960, début de la première décennie du développement mais surtout moment où la grande
phase de décolonisation africo-asiatique se termine.
Vision eurocentrique, ″nous par rapport à eux″, thème du décalage.
Vision principalement économique (malgré des travaux importants, comme ceux de F. Perroux, aspect
qualitatif, social et culturel ; ou de Y. Lacoste : aspects sociaux, sanitaires, éducatifs, culturels).
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Accent mis sur le PIB/habitant avec des problèmes divers des plus simples aux plus complexes.
(Problèmes de la moyenne par rapport à la réalité ; Problème du pouvoir d’achat des monnaies; problème de la
non prise en charge du bénévolat, de l’échange social, et de l’économie du don et du contre-don pratiquée dans
de nombreuses sociétés ; problème de la prise en compte de l’utilité sociale ; des nuisances sociales à long terme
pouvant être associées à une activité micro-économique rentable à court terme ; des effets dommageables pour
l’environnement, etc.).
Accent mis sur la croissance, vision économique et technique centrée sur l’accumulation de capital.
1-2. Les réactions du début des années 1970
ƒ La réaction ambivalente du nouvel ordre économique international, centrée sur les idées de
souveraineté et coopération, émanant des pays en développement.
-
Affirmation du pluralisme et de la liberté des choix.
-
Volonté de réformer et de renforcer les relations économiques internationales au service du développement.
-
Parmi les textes essentiels : résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU en 1973 et Charte des droits et
devoirs économiques des Etats adoptée fin 1974.
ƒ L’approche des “ besoins essentiels ” : chercheurs et certaines organisations internationales. (alimentation,
santé, éducation, logement, transport et communication, participation à la société par le travail et par la
participation de chacun-chacune aux prises de décision affectant directement ou indirectement son destin).
-
Intérêt principal double : se centrer sur les difficultés de la population pauvre ; orienter l’idée de sousdéveloppement vers le décalage entre les besoins essentiels d’une population et les ressources effectivement
disponibles pour les satisfaire.
-
Limites : la difficulté de conceptualisation des besoins, le problème de la prise en compte des besoins
collectifs d’une communauté ou d’un Etat.
1-3. L’hégémonie néo-libérale
Sa mise en place, préparée par diverses institutions économiques soutenues par les milieux d’affaire et
par la Commission trilatérale mise en place progressivement depuis 1973. Elle réunissait des hommes politiques,
des hommes d’affaires et des universitaires des trois centres principaux de l’occident. (Etats-Unis, Europe,
Japon), tout d’abord, puis s’est un peu élargi par la suite.
La prise de pouvoir politique se fait entre 1979 et 1982 avec les changements politiques dans les
grandes puissances occidentales, élections de Mme Thatcher en 1979 en Grande Bretagne, de Reagan aux Etats
Unis en 1980 (début présidence : janvier 1981) et de Kohl en RFA en 1982. Premier acte symbolique, Reagan
supprime une ordonnance de son prédécesseur Carter concernant la limitation de l’exportation de produits
toxiques vers les pays en développement.
Forte action pour bloquer les travaux des Nations-Unies sur divers dossiers concernant les entreprises
transnationales et les relations internationales (des cibles privilégiées : l’UNESCO, la CNUCED, le CTC, etc.).
Ses caractéristiques :
La vision néo-libérale, parfois aussi qualifiée d’ultra-libérale, pour la différencier de ce qui précède,
s’appuie sur un individualisme accentué et sur une prééminence accrue de l’approche économique, dont les
dimensions financières et monétaires sont privilégiées.
Elle s’exprime dans les politiques de libéralisation, avec leurs trois piliers que sont la privatisation,
l’internationalisation et la déréglementation ; elle remet aussi en cause le rôle de l’Etat (plus ou moins
radicalement) :
-
Comme producteur de biens et de services.
-
Comme souverain défenseur d’un intérêt général national global.
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-
Comme pouvoir normatif responsable de l’élaboration, de l’adoption et de l’application des règles de droit,
expressions potentielles d’un projet collectif particulier (législations et réglementations au nom de la
collectivité nationale).
Parmi ses fondements théoriques, on trouve en prolongement de l’allocation optimale des ressources
que le marché mondial est censé réaliser, certaines théories du “choix rationnel”, révisées dans un sens de plus
en plus individualiste. Elles reprennent la position “amorale” de certains économistes néo-classiques, et la
radicalisent parfois comme chez certains de ses idéologues prônant des “marchés de l’adoption” pour les enfants
abandonnés, et valorisant l’idée d’investissement matériel différentiel des parents dans les enfants (“ l’enfant
cadillac ” et “ l’enfant chevrolet ”).
Les réactions :
Dès le milieu des années 1980, on note des réactions très vives mais peu diffusées dans certains milieux
scientifiques dénonçant le vide et la manipulation de langage (Southall), le dogmatisme (Hirschman), l’ignorance
des réalités et l’inconscience de la gravité des choix proposés (Helleiner). De manière moins vigoureuse dans la
forme mais ferme quant au fond, les critiques sont reprises par certaines organisations internationales comme
l’UNICEF (Cornia, Jolly, Stewart). La critique éthique se développe à partir de courants divers, mais se centre
souvent sur l’idée de “ bien commun ” (Cobb, Daily) et sur la contestation d’une conception estimée réductrice
de l’homme, avec la référence à une forme particulière de rationalité, discutable, et à l’évacuation ou à la
dérision des autres caractéristiques morales, affective, de l’homme être social.
De manière en partie convergente, en partie parallèle, se développe une critique centrée sur la protection
de l’environnement, considérée comme une des priorités planétaires depuis la Conférence de Stockholm (1972),
mais peu prise en compte jusqu’à la fin des années 1980. C’est la notion de “ développement durable ” (ou
soutenable, “ sustainable development ”) qui se cristallise à partir d’approches critiques variées de la conception
dominante, à la recherche d’alternatives : en synthétisant, on peut dégager quatre caractéristiques de cette
approche du développement durable conçue comme une critique du système contemporain :1) La protection de
l’environnement, 2) La justice trans-générationnelle (droits des générations futures) 3) La justice intragénérationnelle (meilleure répartition entre pays et entre groupes sociaux, dans une même génération. 4) La
participation rejoignant l’idée de démocratie participative.
1-4. Consensus ambigu et contestation
•
L’expression développement durable a été reprise par tous, dans la Grande Bretagne de Mme
Thatcher, comme aux Etats-Unis ou dans les pays de l’Europe occidentale ; même aux débuts des
années 1990 par les Etats de l’ASEAN (ou ANASE) en Asie du Sud-Est , où les politiques nationales
étaient dans certains cas parmi les plus destructives de l’environnement. L’expression est employée
dans un autre sens, rendre le système économique actuel, jugé le meilleur, le plus durable possible.
S’opposent ainsi les idées de la défense de “ notre développement, à rendre durable ” et de la recherche
“ d’un autre développement qui puisse être durable ” et qui corresponde aux quatre exigences
énumérées précédemment.
•
Sur le plan de la critique, les ouvrages se sont multipliés considérant le développement comme “ trahi ”
(Nörgaard), “ fuyant ” (Wolfe), voire même “ pervers ” (Feder), conduisant à un “ mal développement ”
(Dumont, Alschuler, Chevalier), rejoignant parfois les thèse plus anciennes de “ développement et de
sous-développement ” (A. G. Frank), à distinguer des références au d-développement (Roy), dans des
situations particulières (Gaza sous occupation israélienne) dont l’approche théorique est différente.
Le changement de rapport de force politique lié à l’effondrement du bloc socialiste (1989-1991) et à la
guerre du Golfe explique sans doute que le nouveau paradigme du “ développement durable ” n’ait pas supplanté
l’approche néo-libérale, contrairement aux analyses de tendances réalisées par certains politologues américains à
la fin des années 1980 (Porter, Evans). Le Président George Bush a au contraire affirmé la naissance d’un
nouvel ordre mondial, sous leadership américain, couvrant non seulement la dimension économique, mais aussi
la dimension politico-militaire. Ses fondements sont contradictoires avec ceux du Nouvel ordre économique
international adopté en 1973-1974 aux Nations-Unies sous l’impulsion des pays en développement.
Malgré le néo-libéralisme politiquement triomphant, la prise de conscience de la nécessité de
changements dans le système mondial s’est poursuivie.
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Amorcée dès la deuxième partie des années 1980 dans certaines organisations internationales, elle s’est
manifestée dans le discours par l’émergence de la visibilité plus grande des priorités proclamées comme
“ l’éradication de la pauvreté ” et “ la protection de l’environnement ”, situation qui persiste avec des variantes
jusqu’à aujourd’hui.
L’élaboration d’indicateurs de développement plus riches et significatifs que le classique PIB/h a été
stimulée. On pense bien sûr à l’indicateur du développement humain, mis en place par le PNUD regroupant des
éléments de nature économique (PIB/h corrigé), éducative (alphabétisation) et sanitaire (espérance de vie).
D’autres études menées dans diverses institutions (WRI, Banque Mondiale, etc.) ont progressé dans la
proposition de réforme du PIB (correction en fonction du pouvoir d’achat réel des ménages, refus de
comptabiliser seulement le “ coté positif ” de ce qui est la destruction du capital naturel, par ex.. ressources
minières et forestières). En 1995, des travaux émanant de chercheurs de la Banque Mondiale ont proposé un
classement des ressources en quatre catégories : capital naturel, capital humain, capital représenté par les
équipements et actifs fixes, capital social (lié à l’organisation d’une société et ses institutions). Un groupe de
chercheurs américains travaillait parallèlement à la mise au point d’un “ Indicateur de progrès authentique ”
incluant, outre des éléments classiques du PIB, l’épuisement des ressources naturelles, les coûts économiques de
la criminalité, des divorces et de la pollution, la valeur du travail domestique et bénévole, et bien d’autres
éléments dont l’inégalité de répartition des revenus (travaux de Holstead, présentés dans le Financial Times du
28 septembre 1995) : la déclaration de ce groupe “ Redéfinir le progrès ” est claire dans ses objectifs : le produit
intérieur brut ignore les coûts sociaux et environnementaux et est de ce fait “ inadéquat et trompeur comme
mesure d’une “ vraie prospérité ”, en conséquence “ on a un besoin urgent de nouveaux indicateurs de progrès
pour guider notre société ”. En tout cas, les premiers essais d’application de cet indice en construction font
apparaître la différence potentielle avec le PIB/h : de 1950 à 1995, le PIB/h aux Etats-Unis serait passé de 80000
à 17000 US$, alors que selon l’indice de progrès authentique, le chiffre serait passé de 6000 à 4000 pendant la
même période.
•
Si certains rejettent “ le développement ” de manière plus ou moins radicale (Alvarez, Escobar,
Latouche, etc.), ce n’est pas toujours pour les mêmes raisons. En outre, leur analyse rejoint parfois
largement celles de défenseurs de conceptions alternatives du développement et la différence de
position apparente peut être due à la différence de conceptualisation du développement.
Sur le plan international, le “ droit au développement ” (ou aux développements ”) a été reconnu à
diverses reprises, notamment en 1993 lors de la Conférence de Vienne sur les Droits de l’Homme. Le droit au
développement a été réaffirmé récemment par une résolution de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, avec
une seule voie contre, celle des Etats-Unis refusant la compétence des Nations-Unies dans ce domaine et refusant
surtout que ce “ droit au développement ” entraîne une remise en cause du cadre juridique actuel des relations
économiques internationales, mis en place sous leur impulsion pendant les deux dernières décennies. Il faut
rappeler que fin 1996, lors du sommet mondial de la FAO, les Etats-Unis avaient émis une réserve à la
déclaration finale qui proclamait le droit de tout être humain d’être libre de la faim, en indiquant qu’ils refusaient
que ce principe puisse modifier le droit existant des relations économiques internationales. Le consensus
apparent autour du développement n’est donc qu’une fiction, même si l’intérêt des relations internationales et les
pressions extérieures éventuelles dissimulent souvent les conflits de conception et d’intérêts sous-jacents derrière
une unanimité de façade.
II – L’évolution de la signification de la coopération : continuité et changements dans les discours et les
politiques.
2-1. La restructuration du cadre international de la coopération
Au-delà des ambiguïtés et des glissements sémantiques affectant la notion de coopération, on peut
percevoir une évolution historique des acteurs et de leur rôle qui permet de déceler plusieurs glissements,
certains importants, entre la “ première décennie du développement ”, c’est-à-dire les années 1960, et la période
contemporaine. De manière schématique, l’évolution tend à se faire, au niveau des fournisseurs de coopération,
selon trois axes : des Etats aux organisations internationales ; au sein des organisations internationales de la
famille des Nations-Unies aux Institutions financières internationales ; et enfin des organismes publics vers des
groupes privés, associations ou entreprises. Les mouvements sont complexes et parfois ambivalents et
demandent des précisions et des nuances qui dépasseraient le cadre de ce travail : il est cependant important d’en
présenter ce qui paraît l’essentiel.
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2-1-1 Le renforcement de la coopération multilatérale.
A la naissance des nouveaux Etats, en particulier dans la grande vague de décolonisation afro-asiatique
de la période 1947-1964, notamment autour de 1960, la coopération apparaissait comme la suite naturelle du
transfert de souveraineté, pour assurer une certaine continuité, économique et souvent politico-administrative.
L’ancienne métropole signait de nombreux de nombreux accords avec le nouvel Etat, dès les premiers jours de
l’Indépendance, démontrant clairement qu’ils avaient été préparés avant la fin officielle de la période coloniale.
Ils faisaient partie d’un “ paquet ” d’accords négociés entre la Métropole et certaines responsables politiques
représentant le futur Etat et étaient étroitement liés au processus d’indépendance ; pour certains d’entre eux, on
peut même penser qu’ils la conditionnaient. Suivant les conceptions, ces accords étaient considérés comme une
étape logique permettant la transition inévitable accompagnant l’important événement historique de la
décolonisation, ou comme la volonté de maintien de la domination de l’ancienne Métropole par d’autres moyens,
le « néo-colonialisme ». Ces accords étaient le signe que la décolonisation s’était faite plutôt pacifiquement (par
ex. Sénégal) ou que s’il y avait eu des affrontements importants, des négociations avaient pu rétablir des
relations telles que les deux partenaires considéraient le maintien de relations étroites comme de leur intérêt
mutuel (par ex. Algérie).
Dans les années 1960, l’essentiel de l’aide publique au développement était fournie par les Etats
industrialisés de l’OCDE, généralement en priorité à leurs anciennes colonies ou aux pays faisant partie de leur
zone d’influence, les organisations internationales ne jouaient qu’un faible rôle.
Au fil des années, cette situation a été critiquée à partir de préoccupations diverses : pour certains, elle
mettait en jeu la réalité de l’Indépendance de nombreux pays, réduite à des symboles comme l’hymne national et
le drapeau, et laissait la réalité du pouvoir relativement inchangée ; Pour d’autres, elle faussait les relations
économiques internationales en assurant des zones privilégiées d’approvisionnement et de débouchés à certaines
grandes puissances aux dépens des autres ; pour d’autres enfin, elle représentait le risque d’une aide inadaptée,
partant des modèles de production et de consommation du fournisseur, et parfois surévaluée financièrement,
compte-tenu de l’absence de concurrence internationale. Ces divers points de vue pouvaient d’ailleurs se
combiner, même si la préoccupation première n’était pas la même.
Les plaidoyers se sont multipliés pour que la coopération ne soit pas conçue d’abord en fonction de
l’Etat fournisseur mais plutôt en fonction des besoins et des demandes de l’Etat en développement. L’idée d’une
coopération passant davantage par les organisations internationales a été de plus en plus défendue.
Le transfert des Etats vers les organisations internationales s’est traduit de deux façons : d’une part, la
proportion de l’aide publique au développement multilatéral, passant par les organisations, est passée d’environ
10% ou moins dans les années 1960 à plus de 30% récemment avec une évolution proche pour les autres
financements publics du développement, dépassant parfois 40% ces dernières années ; d’autre part, l’orientation
des politiques de coopération est de fait de plus en plus décidée par les organisations internationales (Union
européenne, OCDE, Banque Mondiale, F.M.I., etc.) aux dépens des Etats fournisseurs (avec leur
consentement…). Des nuances seraient bien sûr à apporter à cette analyse, certains Etats gardant une politique
indépendante, comme les Etats-Unis (comme on l’a vue dans les initiatives concernant le Mexique et les
Philippines, pour ne pas parler d’Israël et de l’Egypte) et dans une moindre mesure les anciennes puissances
coloniales, comme la France dans certains pays d’Afrique noire. Ce transfert de politique vers les organisations
internationales est donc très variable et inégal, reflétant les rapports de force internationaux.
2-1-2. Le glissement de compétences au sein des organisations internationales :
Même si depuis longtemps des organismes comme la Banque Mondiale ont joué un rôle
important dans la coopération pour le développement, l’Organisation des Nations-Unies, surtout après
la grande phase de décolonisation des années 1960, a joué un rôle significatif dans la discussion de
la politique de coopération et des principes qui devraient la sous-tendre. L’Assemblée générale, le
Conseil économique et social, la CNUCED (Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le
développement), rattachée à l’Assemblée générale, mais aussi de diverses institutions spécialisées
(OIT, FAO, UNESCO, etc.) ont adopté diverses positions de principes et facilité l’adoption de
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conventions internationales concernant le sujet. Ce rôle apparaissait normal pour une organisation
internationale à visée universaliste, de conception pluraliste et respectant au niveau de l’Assemblée
générale le principe égalitaire fondamental : un Etat : une voix, traduction de l’égalité souveraine des
Etats (au point de vue de la théorie seulement…). A l’ONU se retrouvaient, de façon explicite et
délibérée, des Etats à niveau de développement inégal et à systèmes économiques et sociaux
différents : en d’autres termes, le Nord et le Sud, l’Ouest et l’Est.
Or, depuis les années 1980, à la suite de l’affaiblissement de l’Union Soviétique (accentué par
l’invasion de l’Afghanistan en 1979) puis à sa disparition, et surtout de la crise de l’endettement du Tiers-Monde
(révélée au grand jour par la cessation de paiement du Mexique en 1982), les pays occidentaux ont organisé le
dessaisissement relatif des Nations-Unies sur les questions de coopération pour le développement et ont renforcé
le rôle (sinon les compétences juridiques) des grandes organisations économiques internationales qu’ils
contrôlent : la Banque mondiale sur le plan financier, le FMI sur le plan monétaire, le GATT puis l’OMC sur le
plan du commerce. Même si les institutions financières internationales étaient nées en liaison avec les NationsUnies, elles étaient dès leur naissance apparues comme rivales idéologiques. En effet, il s’agissait
d’organisations contrôlées par les grandes puissances occidentales pour trois raisons :
-
Statutairement : se sont des organisations ayant fait le choix d’un développement capitaliste mondial libéral
(ce qui n’excluait pas dans la pratique des positions protectionnistes et un interventionnisme étatique
variable et sélectif).
-
Au niveau du rapport de force : L’union soviétique et la plupart des pays du bloc socialiste n’en ont pas été
membres ou n’y ont pas siégé au moins dans les premières décennies (jamais pour l’Union Soviétique).
-
La procédure de prise de décisions est fortement inégalitaire pour deux d’entre elles : la Banque Mondiale
et le FMI : les voix sont essentiellement réparties en fonction des efforts de ressources et 10 pays développés
de l’OCDE détiennent la moitié des voix, pour des organisations ayant environ 180 Etats membres. Pour
certaines décisions extrêmement importantes, une majorité de 85% des voix est exigée : un seul pays,
disposant de plus de 15% des voix, jouit d’une minorité de blocage : seuls les Etats-Unis ont en fait ce
privilège. Au GATT et à l’OMC, la situation est différente avec chaque Etat membre ayant une voix, mais
par divers mécanismes, on retrouve le même type d’inégalités, mais moins formalisées. Derrière ces trois
organisations, le pouvoir clé est détenu par l’OCDE, regroupement exclusif des pays capitalistes développés
de sa création en 60-61 au début des années 1990 : au sein de cette organisation, des groupes restreints de
grandes puissances, le G5 et le G7, ont exercé l’influence essentielle.
Ce glissement est significatif, en contradiction avec le projet pluraliste des Nations-Unies, et le droit de
chaque Etat à choisir son système économique et social. Vers 1995, une réaction a commencé à se manifester sur
le plan institutionnel pour réaffirmer la compétence et le rôle des Nations-Unies dans ce domaine.
2-1-3. L’évolution vers la privatisation de la coopération
Cette évolution se manifeste tant au niveau des apports de ressources que de l’orientation des politiques. Le
secteur privé est désormais privilégié : les apports privés de ressources aux conditions du marché représentent
ces dernières années jusqu’à 80% des apports de ressources aux pays en développement alors qu’ils ne
représentaient guère qu’un tiers en 1960-1962.
L’effort d’Aide publique au développement a sensiblement diminué : il se situe pour les pays industrialisés (du
CAD de l’OCDE) autour de 0,25% de leur PIB, loin des 0,70% fixés comme objectif souhaitable, alors qu’il
atteignait près de 0,75% vers 1970 (avec des définitions différentes, il est vrai, ne rendant pas les pourcentages
directement comparables). L’affectation de cette aide s’est modifiée dans l’optique de laisser la priorité au
capital privé international et d’intervenir de plus en plus dans un but de complément de ce dernier, ne s’y
substituant que quand il est défaillant pour diverses raisons. L’aide accrue à “ l’ajustement structurel ” rentre de
cette logique de soutien au capital privé, national, mais surtout international.
En outre, des fonds publics de coopération sont mis à la disposition des processus de privatisation dans divers
pays, en même temps qu’au niveau du personnel, dans des pays comme la France, une proportion de plus en plus
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importante de volontaires du Service National Actif s’est retrouvée en coopération au sein d’entreprises privées
françaises dans les pays en développement.
Le mouvement vers la “ privatisation ” de la coopération ne concerne cependant pas que le secteur des
entreprises. Il comporte une autre composante, souvent mieux acceptée par les militants de la solidarité avec les
pays en développement, le transfert de ressources et de responsabilités à des organisations non gouvernementales
diverses, considérées comme des représentants de la “ société civile “ (encore une notion à définitions
contradictoires).
Si les ONG existaient déjà en nombre au début des années 1960, elles se sont multipliées mondialement pendant
les deux dernières décennies : parties souvent comme concurrentes, rivales critiques de la coopération publique,
elles se trouvent de plus en plus en situation de partenaires, de compléments, voire de quasi-déléguées des Etats
et des organisations internationales. La redéfinition de leur rôle et la réflexion sur leur place est un des thèmes
dominants des deux ou trois dernières années : problèmes de représentativité, de légitimité, d’efficacité, etc.
Dépendant pour certaines de plus en plus d’importants financements publics, elles sont parfois inquiètes pour
leur autonomie. En fait, tout dépend de leur conception et de la logique qu’elles défendent : instruments du néolibéralisme ou éléments d’alternatives populaires (Revue Alternative Sud). Les débats concernent dans ce cadre
la nécessité de les “ professionnaliser ” ou de leur redonner leur souffle de solidarité militante, voire pour
certains de les “ déprofessionnaliser ”. L’intensité de la discussion a conduit à de nombreux numéros spéciaux de
revues ou dossiers sur ce thème très récemment (IDS Bulletin, Third World Quarterly, Development in Practice,
etc.). Pour certains se pose la question de ce qu’on pourrait traduire par “ l’ONG-isation ”, que se soit dans la
perspective de la gestion de fonds publics plus importants ou au contraire dans celle de la “ fin de l’aide ”,
annoncée de sources variées ; d’autres sont plus sceptiques qui se demandent quelle est leur place exacte à la
table des donneurs : hôte ou serviteur ?(Hudock).
2-2. La souveraineté en question
La mise en question de la souveraineté des Etats et les enjeux qui y sont liés ont été abordés autour de
1970 sous l’angle de l’importance du rôle des entreprises transnationales (Vernon), et dans une autre perspective
à propos des engagements des Etats dans les traités et les organisations internationales.
Pour les pays en développement, dont beaucoup étaient devenus récemment indépendants, cette
question avait une résonance particulière : pour eux, le processus de décolonisation était à continuer et à
approfondir par la conquête d’une certaine souveraineté économique (terminologie très débattue chez les
juristes). Or quelques années après avoir revendiqué avec force un progrès dans ce sens dans l’organisation des
relations économiques internationales, ils se retrouvent pour beaucoup d’entre eux fortement endettés, à la merci
de l’attitude de puissants créanciers. L’endettement du Tiers-monde a été un des éléments essentiels de sa “ mise
au pas ”, après la décennie turbulente et revendicatrice des années 1970 ; il a en plus conduit les divers pays à
jouer “ chacun pour soi ” compte tenu des règles du jeu existant.
En effet, chaque pays qui se trouvait obligé de demander des réaménagements face à des échéances
auxquelles il ne pouvait faire face se trouvait contraint à une course d’obstacles. Il fallait négocier avec les Etats
créanciers, au sein de ce qu’il est convenu d’appeler le “ club de Paris ” ; ensuite, si l’on avait des dettes auprès
du secteur financier privé, il fallait négocier avec les banques et entreprises dans ce qu’on appelle parfois le
“ club de Londres ”. Mais souvent les accords obtenus étaient soumis à la condition d’une troisième négociation,
avec le Fonds Monétaire International. C’est lui qui par son accord donnait en quelque sorte son “ imprimatur ” à
la politique économique du pays, approbation attendue pour que les autres créanciers et financiers reprennent des
relations positives avec ce dernier. Contrairement à la Banque Mondiale, le F.M.I. ne fournit en général que des
sommes limitées et à court terme : il joue le rôle de catalyseur, de chef d’orchestre (L’hériteau, George et
Sabelli, etc.) pour le financement international.
Face aux difficultés rencontrées par les Etats endettés, le F.M.I. a été conduit à mettre en place des
mécanismes nouveaux, comme la facilité d’ajustement structurel, puis la facilité d’ajustement structurel
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renforcée qui permettent l’accès à des ressources financières à des conditions favorables (normalement, le F.M.I.
fournit des fonds à un taux d’intérêt légèrement supérieur à celui auquel il les obtient). Mais plus les conditions
sont favorables, plus la conditionnalité qui s’attache aux apports de ressources est forte. Les plans ou
programmes “ d’ajustement structurel ” sont négociés entre l’Etat et le F.M.I. : ils visent à faire de l’Etat un
partenaire plus sûr dans les relations économiques internationales, en luttant contre certains déséquilibres dans la
balance des paiements ou les budgets. Le développement n’est pas la préoccupation première, ce qui est
d’ailleurs conforme aux statuts du F.M.I. qui n’a pas un rôle particulier en ce domaine.
Un des problèmes est que ces “ accords ” ont un caractère confidentiel et ne sont pas publiés
par les intéressés ; cela signifie que contrairement aux traités internationaux classiques, ils ne sont
pas discutés par le parlement ou le Congrès pour être ratifiés. Alors que ce sont des accords qui, en
dehors des accords de paix ou des décisions de guerre, sont sans doute les plus importants pour les
populations concernées, ils ne sont pas débattus publiquement et contradictoirement. Pour justifier ce
résultat, on invoque un double caractère, très contestable ; il s’agirait de décisions techniques,
signées par le gouverneur de la Banque Centrale et le Ministre des finances, et non pas des décisions
politiques, avec signature du Président ou du Premier ministre ; il ne s’agirait pas d’un vrai accord,
mais d’un engagement unilatéral et volontaire de l’Etat : et en effet, formellement, l’Etat adresse une
lettre d’intention au F.M.I. s’engageant sur de nombreux points avec un échéancier précis, et le F.M.I.
lui répond par un mémorandum dans lequel il prend note de ces engagements et sous réserve de leur
exécution, met certaines ressources à la disposition de l’Etat, par tranches, en contrôlant le respect
des engagements pris. En réalité, ces deux documents résultent de négociations plus ou moins
serrées entre le F.M.I. et le gouvernement de l’Etat, pour définir la politique à suivre. Vu l’inégalité des
forces en présence et la situation précaire de l’Etat demandeur, la négociation est généralement très
déséquilibrée et contribue à la généralisation mondiale de la vision néo-libérale évoquée
précédemment.
Les Etats concernés sont pratiquement sous la tutelle des créanciers et des organisations
économiques internationales, puisque les négociations ne débouchent sur des solutions que pour des
périodes très courtes, et que tout peut être à recommencer 2 ou 3 ans plus tard. On est en présence
pour de nombreux Etats d’un “ contrôle continu ” qui existe depuis plus d’une décennie. Ils ne sont pas
maîtres de leur destin, et les politiques d’ajustement permettent à certains dirigeants autoritaires et
corrompus un jeu subtil de manœuvres et de dénonciations de boucs émissaires, que ce soit du côté
de leurs peuples ou de leurs opposants, ou des organisations internationales. Les discriminations
évidentes dans le contrôle et l’application de la conditionnalité montrent que, contrairement à leurs
statuts, certaines organisations économiques internationales ont politisé au sens étroit du terme leur
attitude (au Zaïre, Soudan, Kenya, Zimbabwe) suivant les relations existant entre les grandes
puissances et ces pays (cf. aussi le Vietnam dans les années 1980).
Il ne faut pas dès lors s’étonner que ce qui est vu par les uns comme un processus de mondialisation
dans l’intérêt de tous, avec son mélange d’homogénéisation des règles et de diversité des situations, soit
interprété par d’autres comme un processus de colonisation en cours (cf. Raghavan, et l’ancien ouvrage,
prophétique sur plusieurs points, de T. Mende). D’où l’urgence d’une réflexion sur la notion de coopération, qui
puisse déboucher sur des pratiques peut-être contradictoires, mais choisies en connaissance de cause.
2-3. Le sens de la coopération
Coopérer, c’est en principe à l’origine “ travailler ensemble ”, agir ensemble ; cela peut être un but en
soi, mais c’est souvent un moyen au service d’un but, ici le développement. La question de la place de chacun
dans la coopération surgit tout de suite si on replace l’apparition de la notion comme élément clé des relations
internationales Nord-Sud dans son contexte historique. Après tout, agir ensemble pouvait être la vision qui
animait l’expansion coloniale européenne, si on en lit certaines présentations, y compris celle des manuels
scolaires au lendemain de la deuxième guerre mondiale : “ la mise en valeur ” et “ l’exploitation ” des ressources
de l’Outre-mer étaient considérées comme des phénomènes positifs, accompagnés par “ la Mission civilisatrice ”
de l’Europe. Il y avait l’idée d’un travail impliquant tout le monde, mais à des places très différentes, et une
répartition très inégale des bénéfices, même si certains groupes colonisés minoritaires ont pu en tirer partie. Or
cette prise de possession du monde s’est faite à partir du 16ème siècle, non pas comme on le croit parfois au nom
du droit à évangéliser, mais du “ jus communicationis ”, de la liberté de communiquer, en réalité essentiellement
de la liberté de commercer et d’utiliser les richesses existantes, où qu’elles soient. Si on n’était pas parfois frappé
par ce qu’un chercheur indien (Kothari) a appelé “ l’amnésie du développement ”, il serait inutile de rappeler ce
que cette mise en relation, souvent brutale, a entraîné comme conséquences pour les sociétés non européennes :
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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dépossessions et migrations, mais aussi destructions démographiques considérables délibérées ou accidentelles,
vraisemblablement plus de 80% de la population indigène de l’Amérique latine et de l’Australie en un siècle et
demi, et plus près de nous, destruction en quelques années de 50 à 75% de certains groupes de populations (en
Afrique centrale et australe par exemple). C’est pourquoi il est compréhensible que certains auteurs parlent de
confrontations avec le développement dans ce contexte historique (Escobar). Et si parfois cela paraît lointain, il
ne faut pas oublier que dans certaines régions, des parents des adultes actuels ont vécu ces époques (p. e.
Namibie, République Centre Africaine, etc.).
La coopération apparaît donc comme une manière de travail en commun dans un cadre officiellement
plus égalitaire, et dans le respect de la souveraineté des nouveaux Etats qui prend tout son sens symbolique dans
cette perspective historique. Au début, on parla surtout “ d’aide aux pays sous-développés ” ; mais l’expression
mettait l’accent sur la relation déséquilibrée qui existait, l’absence apparente d’action commune, et le mot aide
fut remplacé par le mot de coopération. Pour beaucoup, ce n’était qu’un changement de langage pour satisfaire
les susceptibilités, du même type que la transformation des “ nomades ” en “ sédentaires en déplacement ” (C.
Marker) où l’essentiel est le changement de désignation, et non pas de réalité. L’aide devenait coopération.
Pourtant, pour certains, la coopération apparaissait vraiment comme une idée potentiellement nouvelle
et féconde pouvant fonder des actions communes, fondées sur la solidarité, et où, au-delà des apparences, chacun
pouvait apporter à l’autre, c’est-à-dire où existaient échanges et réciprocité, même si c’était sur des plans
différents (voir Henry, Hessel). Dans les réalités, au niveau des décideurs, l’idée de la coopération dépendait des
motifs qui la déterminaient : pour schématiser, trois types de motivation intervenaient : l’une de nature
humaniste, fondée sur la solidarité, la fraternité, la justice ; une autre de nature économique, fondée sur l’intérêt
de garder ou de construire des relations privilégiées avec un partenaire riche de ressources naturelles ou de
débouchés potentiellement importants ; la dernière de nature politique, fondée sur la volonté de garder une zone
d’influence forte susceptible d’appuyer ses positions dans les grands forums internationaux et de renforcer le
prestige des pays fournisseurs (cf. p.e. l’Afrique noire francophone pour la France).
La coopération, fondée sur des motivations hétérogènes et composites, et couvrant des modalités fort
diverses (aide alimentaire, assistance technique, soutien à des projets, etc.), a été soumise à des critiques
d’origine fort diverses, voire opposée. Si beaucoup sont pertinentes, elles ne sont pas toujours généralisables et
surtout, elles oublient souvent le cadre général des relations économiques internationales dans lequel elle
s’inscrit, générateur de certains problèmes attribués à la coopération (dépendance, inégalités croissantes,
corruption et “ gaspillage ”, transfert de modèles de production et de consommation, etc.).
La coopération dans les années 1970 impliquait non seulement une action commune, mais
aussi l’acceptation d’inégalités compensatrices et d’avantages non réciproques considérés comme le
seul moyen de progresser vers une situation de fait moins inégalitaire. L’Europe de la CEE avait en
partie intégré cette perspective lors des premières conventions de Lomé, avec les Etats associés ACP
(Afrique, Caraïbe et Pacifique), ce qui pouvait apparaître comme un pas dans la bonne direction. De
même, sous la pression de pays comme la Suède, le Comité d’aide au Développement (CAD) de
l’OCDE avait tenté de clarifier son vocabulaire : des opérations commerciales et financières lucratives
qui étaient comptabilisées dans “ l’aide ” étaient désormais qualifiées “ d’apport de ressources ” ;
seule l’aide publique au développement et les dons des organisations non gouvernementales peuvent
être qualifiés au sens courant d’aide, c’est-à-dire que ce sont des dons, ou des prêts comportant un
élément de libéralité non négligeable. Notons en passant une fois de plus les pièges de la langue,
puisque les apports de ressources à des conditions libérales sont ceux qui ne sont pas réalisé aux
conditions du marché, alors que l’adjectif “ libéral ” est utilisé par ailleurs dans les relations
économiques internationales pour caractériser le fonctionnement du marché.
Les essais pour “ dégonfler ” les statistiques de l’aide, pour “ effeuiller l’artichaut ”, pour arriver à sa
partie réellement comestible (T.Mende), ont eu quelques succès mais se heurtent à des résistances : si en
principe, l’effort de guerre d’un pays colonisateur pour réprimer ses mouvements de libération dans ses colonies
ne peut être considéré comme une aide (comme cela était le cas du Portugal de Salazar dans sa répression en
Afrique), l’aide de soutien stratégique a continué à être comptabilisée, en dehors de l’aspect purement militaire
(p.e. les Etats-Unis au Vietnam, au Salvador, voire en Israël). L’aide publique versée à des territoires encore
colonisés, reliés constitutionnellement au territoire national, est encore souvent incluse dans cet effort d’aide
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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apparemment inter-national (en France, les départements d’Outre-mer ont été inclus jusqu’au début des années
80, les Territoires d’Outre-mer le restent aujourd’hui, mais des exemples équivalents peuvent être pris pour
d’autres pays). La coopération avec des territoires non souverains peut-elle être assimilée à celle à des Etats
souverains ? Juridiquement, non..
Les éléments clés de la coopération quand elle s’est mise en place comme projet de réorganisation
internationale étaient la souveraineté des interlocuteurs, impliquant, au moins théoriquement, leur égalité et leur
autonomie de décision, et donc la possibilité de travail en commun d’acteurs autonomes, la perspective de
réaliser quelque chose ensemble, dans le respect de l’autonomie de chacun, mais dans un but commun qui
pouvait sembler altruiste, ou refléter la prise de conscience des intérêts communs à long terme de l’humanité,
suivant les opinions.
La coopération pour le développement, dans son esprit originel, n’est pas un échange ponctuel et
ordinaire, mais c’est un type d’action qui délibérément ne cherche pas l’équilibre des prestations au sens strict,
mais privilégie les intérêts d’une des parties (les pays en développement dans notre cas), bien entendu sans
sacrifier obligatoirement les intérêts de l’autre.
Or, l’évolution récente avec l’apparition d’un nouveau vocabulaire à la mode, gouvernance, partenariat,
contractualisation, etc. laisse en place de nombreuses ambiguïtés, et sous certains aspects, renforcent la crainte
d’une régression. Ceux qui défendaient le slogan “ trade not aid ” ne sont plus forcément les mêmes, et leurs
raisons diffèrent.
Les mots eux-mêmes ont des sens et des connotations variables : le partenariat peut être conçu comme
la mise en place de rapports plus étroits, de complémentarités entre les divers auteurs d’un projet et apparaître
comme très positif : mais comment s’évalue cette complémentarité ? L’objectif commun est-il clair, les objectifs
particuliers éventuellement hiérarchisés ? Est-il légitime de mettre sur le même plan Etats, organisations
internationales, associations, entreprises pour la conception d’un projet ? L’intérêt général de l’humanité, les
intérêts nationaux particuliers, les intérêts particuliers ne sont-ils pas à articuler d’une manière hiérarchisée,
même si la tâche est difficile ?
La “ gouvernance ” de même paraît une idée positive si l’on parle de compétence, de transparence,
d’équité, de non-discrimination, etc. Mais parfois la gouvernance se transforme en “ bonne gestion ” au service
d’objectifs fixés par ailleurs : demander aux Etats en développement la “ gouvernance ” dissimule parfois la
volonté de leur enlever la “ gouvernementalité ”, c’est-à-dire le pouvoir de se fixer des objectifs propres, de
permettre l’expression d’une sorte de volonté générale là où des processus de démocratisation sont en cours.
Comme le faisait remarquer il y a quelque temps un auteur anglo-saxon face à l’euphorie montante d’une
démocratie transnationale en marche, dans le cadre actuel, il n’y a pas de démocratie sans souveraineté (Clark),
la réciproque n’étant malheureusement pas vraie.
Si la bonne “ gouvernance ” est tout à fait souhaitable, ce ne peut être au profit de la capacité de libre
choix des peuples concernés : ce serait contraire aux idées de démocratisation et de promotion des droits
humains, dont on a tendance à faire un élément de conditionnalité apparemment indiscutable, mais dont
l’interprétation particulière, occidentale, matérielle et individualiste, ajoutée à l’utilisation sélective et
discriminatoire qui en est faite peut mettre en péril la légitimité. L’inégalité manifeste dans la gestion du système
mondial de coopération va dans le même sens, avec le risque de confusion entre occidentalisation et
mondialisation, c’est-à-dire d’un faux universalisme renvoyant à des périodes théoriquement dépassées, où une
douzaine d’Etats-Nations, tous occidentaux, ont fixé les règles du jeu pour l’ensemble de l’humanité. La majorité
des voix du F.M.I. ou de la banque mondiale représente moins de 15% de la population mondiale ; et
indirectement, la volonté politique supposée de 5 à 6% de l’électorat de la planète, parfois moins ; et la décision
de cette minorité est de confier la politique de développement à l’action du marché international, sous l’influence
essentielle d’un groupe encore plus restreint constituant 0,1% de la population mondiale, mais avec une fortune
dont le montant représente 70% du PIB mondial actuel (sources bancaires, Financial Times, May 17, 1999 et
May 2, 2000). Ceux qui composent ce groupe sont passés de 6 millions à 7 millions et la fortune qu’ils
contrôlent a augmenté en 1 an de 2 000 milliards de dollars, c’est-à-dire à peu près la dette totale des pays en
développement… Peut-être ne faut-il pas être surpris que la méthodologie économique dominante calcule la
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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valeur de la vie humaine en termes financiers, et de façon très inégalitaire, que ce soit à propos des effets de la
pollution, ou du réchauffement climatique. Un rapport préliminaire estimait sur ce dernier thème que les pays du
Nord subiraient les deux-tiers des dommages liés aux changements climatiques, tout simplement parce que la vie
d’un indien était évaluée à 10 ou 15 fois moins que celle d’un nord américain : une évaluation égalitaire aurait
renversé la proportion. La conférence des parties à la Convention sur les changements climatiques a pris une
position éthique plus claire, en rejetant le rapport et refusant que la vie humaine soit réduite à une valeur
financière (Third Word Economics), réaffirmant une vision éthique fondée sur une philosophie humaniste.
Ce n’est pas un changement de vocabulaire qui redonnera un souffle à l’idée et à la pratique de la
coopération, mais un effort réel pour introduire davantage d’égalité, au niveau des Etats et des habitants de la
planète, dans les mécanismes de prise de décision et pour admettre davantage de pluralisme, tant dans les
objectifs à atteindre que dans les moyens à utiliser.
III – La complexité de la formation à la coopération internationale : choix de base et diversité
des terrains (et des secteurs).
3-1. Clarification des objectifs
La conception de base de la coopération et les objectifs suivis devraient déterminer les modalités et le
contenu de la formation. L’évolution récente traduit des changements significatifs ; alors qu’il y a trois
décennies, les formations et les recherches liées au développement avaient une triple préoccupation :
scientifique, morale, opérationnelle, ces dernières années, on se contente facilement de la dernière dimension.
C’est d’ailleurs parfaitement cohérent si l’on raisonne en terme de projet à faire aboutir concrètement, et de
moyens à obtenir, indépendamment d’une perspective plus globale et à plus long terme.
La coopération est-elle une relation au service du développement ou un outil de compétition
internationale ? Prendre l’avantage sur des concurrents par des relations privilégiées, voire captive, d’une part ;
maintenir des partenaires en développement dans des spécialisations qui ne concurrencent pas trop sa propre
économie d’autre part, peuvent être deux manifestations d’une coopération, simple instrument de politique
économique internationale d’un pays développé.
Un des principaux politologues français analysait il y a quelques années les logiques de l’action
politique dans les termes suivants : “ Une logique morale est un système cohérent d’arguments qui justifie ou
invalide les actes en question en prenant en considération leur substance, leur contexte et leurs conséquences,
mais en refusant le pur pragmatisme activiste (l’action est justifiée parce qu’elle existe et vaut mieux que
l’inaction) et la pure rationalité instrumentale, qui justifie l’action par son succès et son effet bénéfique pour
les intérêts de la cause à servir ” (J. Leca Maghreb/Machrek, n° 119 ;1988, p. 60-61). Dans notre domaine, cela
renvoie à la question de la “ cause à servir ”, qui dans le partenariat n’est pas forcément la même pour tous, mais
aussi à celle des moyens utilisés pour aboutir….
Si le fondement du projet de la coopération est l’obtention d’un financement, l’essentiel est de bien
connaître les financeurs, leur discours, et leur logique ; il faut mettre en place un réseau efficace de relations et
procéder à un “ lobbying bien organisé et efficace, comme c’est la pratique admise dans nos Etats et dans la
plupart des organisations internationales.
Si le fondement est la réalisation d’un projet contribuant à une vision de développement partagée avec
les partenaires des pays en développement, la formation doit être plus large. Il ne s’agit pas de renoncer à la
contribution de financeurs susceptibles de donner les moyens nécessaires à l’action mais il faut aller au-delà.
3-2. Compétences techniques et connaissances du terrain.
Sans développer ces suggestions évidentes, pas toujours cependant faciles à mettre en pratique, nous insisterons
simplement dans cette esquisse de présentation préliminaire, sur l’importance de réunir ces deux aspects :
-
Compétences techniques, adaptées et diversifiées, souvent de nature pluridisciplinaire, complétées par une
formation pédagogique adaptée à l’interculturel.
-
Connaissance du terrain (dimensions historiques et socio-culturelles, aussi bien géographiques et
écologiques et aussi du droit et des institutions politiques locales, et de leur jeu).
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Ils doivent s’ajouter à la connaissance de la structure des organisations internationales et des relations
économiques existantes, qui feront partie du projet, ou sont des éléments de son contexte. Malheureusement en
sens inverse, certains financeurs ont du mal à admettre la contextualisation d’un projet dans son milieu local ;
quand cela semble constituer une rupture dans la politique habituelle, parce qu’on n’y retrouve pas les mots clés,
qui ouvrent les portes, ou encore plus grave, parce qu’on y trouve les mots “ tabous ”…
3-3. Continuité et évaluation
La coopération entretient avec le temps des rapports complexes. D’une part, si elle est efficace, la
coopération pour le développement doit tendre à disparaître dans sa spécificité et être remplacée par des relations
différentes, sans être forcément moins intenses ; cette idée était déjà émise dans les années 1960 à propos de
l’assistance technique. Une assistance technique réussie doit viser à transmettre des connaissances, une vraie
maîtrise de la technologie employée au partenaire local (capacité de produire de manière autonome, puis capacité
de reproduire, enfin capacité d’innover, cf. Judet, Perrin). Les coopérants techniques devaient travailler dans la
logique de leur propre départ, ce qui n’est pas toujours facile (cf. les remarques de Mende sur “ les mercenaires
du statu quo). Bien entendu, compte tenu de la diversité des domaines et des niveaux de coopération, le
processus, même réussi, exigeait un certain temps.
D’autre part, la durée d’une opération de coopération est un élément important si elle veut atteindre ses
objectifs, et en particulier permettre une relation fructueuse entre les participants à un projet, avec le climat de
respect et de confiance et l’apprentissage mutuel que cela exige généralement. Cette durée, essentielle dans de
nombreux cas pour la dimension profonde, qualitative de la coopération, est souvent difficile à estimer.
Cette réalité conduit à de nombreuses difficultés lors des procédures d’évaluation qui a priori
apparaissent comme des exigences légitimes (ou “ incontournables ” si on utilise le code linguistique à la mode).
Or, apparemment, pour la suite d’un projet en cours, comme pour les estimations de projets futurs, les
évaluations positives sont importantes pour tous les participants concernés, y compris les intervenants extérieurs
qui en dépendent, pour la poursuite ou le renouvellement de leur financement. Malheureusement, l’évaluation est
une notion complexe et une procédure difficile. Un biais fréquent est de fixer des objectifs quantitatifs faciles à
vérifier, passant à côté de toute une dimension immatérielle, relationnelle, fondamentale dans la diffusion d’un
service : une étude sur la coopération australienne en matière d’irrigation au Kenya, dans le pays Giriama
(Porter) a bien soulevé ce problème potentiel : à un certain moment, le critère d’évaluation retenu était le nombre
de puits installés, et non plus l’échange de connaissances et l’enrichissement relationnel liés au travail en
commun, sur le terrain, des coopérants australiens et des représentants de la population locale. Là soi-disant
“ visibilité ” de la réussite d’un projet peut conduire à compromettre la dimension peut être potentiellement la
plus importante : à moyens égaux, on ne peut pas faire tout en même temps. Une nouvelle fois, on se trouve
devant une idée bonne, l’évaluation, dont il faut éviter une dérive perverse.
Et même quand elle a lieu sérieusement, l’évaluation peut conduire à des résultats surprenants : dans le
cas Kenyan ci-dessus, les évaluations critiques n’ont pas empêché la prolongation du projet ; au Botswana, des
recherches sur la politique des droits de pâtures, politique soutenue par la Banque Mondiale, ont abouti à des
conclusions critiques convergentes, notamment sur les problèmes sociaux et écologiques qu’elle était censée
réduire ou éviter. Chercheurs indépendants, et rapports d’évaluation commandés par la Banque mondiale allaient
dans le même sens. Mais la politique a été poursuivie, avec un soutien financier international renouvelé (Peters,
Fritz). Le Botswana est considéré comme un des pays “ exemplaires ” d’Afrique par les organisations
internationales et les grandes puissances…Et idéologiquement, cette politique est considérée comme favorable
au développement d’un droit de propriété privée plus proche de nos conceptions. Pourtant, de nombreux
chercheurs ont attiré l’attention sur la spécificité des histoires, des cultures et des écosystèmes et indiqué que
renforcer la sécurité foncière ne passait pas forcément par notre conception de la propriété (Le Roy, Platteau,
etc.). Ici comme dans d’autres cas, la décision prise a reposé plus sur une évaluation d’une attitude
“ politiquement correcte ” du partenaire que sur celle du potentiel d’un projet à atteindre ses objectifs
officiellement proclamés.
La formation des intervenants dans la coopération internationale implique la connaissance des règles du
jeu sur l’évaluation, et de leur flexibilité : peut-être dans divers cas, plusieurs rapports sont à présenter pour
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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l’évaluation, en fonction des financeurs, des autorités locales, et des participants au projet sur lequel on travaille.
C’est une gymnastique intellectuelle exigeante, susceptible aussi d’entraîner des tensions difficiles à gérer
psychologiquement.
CONCLUSION
Bien d’autres problèmes seraient à discuter et à préciser dans ce thème très large d’introduction : ils
renvoient à la richesse d’expérience de chacun, aux principes qui sous-tendent son action, avec le souci de
contextualisation de ces expériences pour éviter à la fois les généralisations abusives et l’invocation mal à propos
de “spécificités locales” largement présentes ailleurs. C’est toute l’importance de l’ensemble de formations
comme celle où se situe cette intervention de faire saisir la complexité des situations et la diversité des
approches.
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Intervention de M. Fabien Boulier
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
Intervention de M. Fabien BOULIER
Chargé de mission Agropolis
Politiques, programmes et procédures de l’Union Européenne
pour la formation dans les secteurs du développement, agricole, agroalimentaire et rural
en faveur des pays en développement, émergents ou en transition économique
I. Caractéristiques générales de l’aide de l’Union Européenne
L’Union Européenne, qui a consacré en 1998 8,6 milliards d’Euros à l’aide au développement (sans
prendre en compte l’aide bilatérale des Etats membres), est devenue le cinquième bailleur de fonds international.
Cette aide, constituée à 90% de dons, a évolué dans sa structure en privilégiant particulièrement l’aide
par projets (60% du total de l’aide) ; au sein de celle-ci, les évolutions récentes laissent apparaître une
désaffection pour les secteurs productifs, dont l’agriculture, au profit du financement des infrastructures et des
services tant économiques que sociaux (dont la formation).
L’aide de l’Union Européenne est essentiellement gérée par la Commission Européenne, et
principalement par ses Directions Générales chargées des relations internationales : la DG Développement pour
les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ; la DG Relations Extérieures pour les pays
méditerranéens, d’Amérique Latine, d’Asie, des Balkans et les Nouveaux Etats Indépendants (NEI, anciennes
républiques soviétiques) ; la DG Elargissement, créée pour les Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO)
candidats à l’adhésion. D’autres DG (Agriculture, Education), gèrent également des programmes concernant les
relations avec ces pays.
Les DG sont notamment chargées de l’élaboration des cadres politiques de la coopération, et de
l’identification des projets à mettre en œuvre, en lien avec les autorités nationales des pays bénéficiaires et des
Délégations de l’Union Européenne dans ces pays. La mise en œuvre concrète des projets, jusqu’à leur
évaluation finale, est confiée à une instance spécifique, le Service Commun des Relations Extérieures (SCR),
récemment créé à cette intention lors de la récente réforme des services de la Commission.
A l’avenir, le rôle du SCR et des Délégations devrait encore se renforcer, notamment en ce qui concerne
la phase d’identification des projets, les DG ne conservant que les aspects politiques.
Au cours de cette même réforme a été mis en œuvre un processus d’harmonisation des procédures entre
les différents programmes, notamment des zones géographiques distinctes, menés auparavant selon des
modalités propres à chacun. La tendance actuelle est de ne laisser place qu’à trois grands types de procédures :
•
les programmes avec appels à propositions classiques ;
•
les instruments à gestion souple, directement gérés par la Commission ;
•
les grands accords de partenariat, dont le principe est le suivant :
o
la Commission et les pays bénéficiaires établissent dans un premier temps des Programmes
Indicatifs pluriannuels, fixant les priorités de la coopération et les montants consacrés aux
différents secteurs prioritaires ;
o
une programmation annuelle est alors établie en conformité avec les Programmes Indicatifs,
sur la base de laquelle sont sélectionnés les projets à mettre en œuvre.
Ce dernier type de programme couvre désormais près de 80% des fonds consacrés à l’aide par projets.
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Pour les opérateurs extérieurs, deux possibilités d’intervention sont alors envisageables :
•
élaborer et proposer un projet, ce qui suppose d’une part que le domaine considéré entre dans les
Programmes Indicatifs, et d’autre part implique un long processus de négociation avec les autorités
des pays bénéficiaires, les Délégations et la Commission ;
•
répondre à des appels d’offres (marchés de service) ouverts dans le cadre de projets retenus par
ailleurs, sans pouvoir toutefois dans ce cas avoir prise sur le contenu du projet.
Ce schéma général doit toutefois être nuancé, des différences subsistant encore selon les zones
géographiques d’intervention considérées. Les priorités différentes en effet d’une zone à l’autre. En
premier lieu, la répartition de l’aide est loin d’être homogène :
•
les 70 pays ACP restent de loin les principaux bénéficiaires de l’aide de l’Union Européenne, en
recevant 33% de l’aide totale, bien que leur part relative ait considérablement baissé ;
•
une très grande importance est en effet désormais accordée à la coopération avec les zones
frontalières de l’Union Européenne, pays méditerranéens et PECO (respectivement 16 et 18% de
l’aide totale) ;
•
la part de l’aide consacrée aux NEI, nulle en 1989, se stabilise maintenant à 12% de l’aide totale ;
•
enfin, la coopération avec les pays d’Amérique Latine et d’Asie reste limitée, avec respectivement
6 et 7% du total de l’aide.
II. Principaux programmes et instruments pas zones géographiques
Cette seconde partie se focalise uniquement sur les programmes de l’Union Européenne susceptibles de
financer des opérations de formation dans le secteur du développement agricole, agroalimentaire et rural.
Pays ACP : le principal instrument est le Fonds Européen de Développement (FED), mis en place dans
le cadre des conventions de Lomé. La formation est un secteur relativement important dans le cadre du 8ème FED
(1995-2000), retenue comme priorité par la moitié des pays. Près de 50 projets centrés sur la formation, totalisant
420 millions d’Euros, ont pu être recensés ; 80% de ce montant vont toutefois à l’éducation de base, priorité
essentielle pour la Commission. Celle-ci tente en outre de mettre en avant d’autres priorités telles que la
formation professionnelle en lien avec les problèmes d’emploi, ou, dans un cadre régional, l’enseignement
supérieur dans des domaines appliqués.
Pays Méditerranéens : la coopération avec ces pays se situe dans la perspective de créer à terme une
zone de libre-échange. L’instrument spécifique dans cette optique est le programme MEDA, au sein duquel les
opérations concernant la formation professionnelle, notamment dans le secteur agricole, s’avèrent assez bien
développées. Dans le cadre de ces projets, le recours à l’expertise internationale, par le biais d’appels d’offres,
sera particulièrement privilégié.
Pays d’Amérique Latine et d’Asie (ALA) : la coopération avec ces pays relève d’un double objectif :
d’une part, favoriser des échanges commerciaux réciproques et équilibrés, et d’autre part, apporté un appui aux
pays ou aux populations les plus défavorisées. En dehors du programme ALFA, spécifiquement centré sur
l’enseignement supérieur dans les pays d’Amérique Latine, et dans le cadre duquel des projets relevant de
l’enseignement agricole ont été retenus, il n’existe que peu d’actions de formation financées sur les ressources
consacrées à la coopération avec ces pays. En contrepartie, dans le cadre de l’aide aux populations défavorisées
ont été mises en place de nombreux projets de développement rural, lesquels comportent tous un volet d’appui
(vulgarisation et formation, notamment) couvrant généralement 20% du total des dépenses.
PECO : les politiques mises en place dans le cadre du programme PHARE sont différentes, selon le
statut des pays :
•
pour les 10 pays candidats à l’adhésion à l’Union Européenne, la priorité est la préparation à cette
adhésion, notamment par le renforcement de la démocratie, des capacités institutionnelles, et
l’adaptation des législations à « l’acquis communautaire » (ensemble de règles et de normes de
l’Union Européenne). La gestion de ce programme est en conséquence entièrement confiée aux
autorités des pays concernés.
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Outre le programme PHARE, les pays candidats bénéficient également de l’instrument
SAPARD, destiné à préparer ces pays à la Politique Agricole Commune, et dont environ
3% seront consacrés à la formation professionnelle agricole.
Enfin, ces pays sont désormais éligibles aux programmes communautaires SOCRATESERASMUS (enseignement supérieur) et LEONARDO (formation professionnelle).
•
pour les 5 pays des Balkans, l’objectif se focalise sur la reconstruction (programme OBNOVA) et
la stabilisation, en essayant de promouvoir la coopération régionale. Prochainement, les
programmes PHARE et OBNOVA devraient être fusionnés dans un programme unique, le
programme CARDS, maintenant les mêmes priorités.
NEI : l’instrument principal de la coopération avec ces pays, principalement orientée vers
l’accompagnement de la transition économique et la gestion de ses impacts sociaux, est le programme TACIS,
dont les principales interventions dans le domaine de la formation agricole relèvent du programme spécifique
TEMPUS (enseignement supérieur). Ce dernier est destiné à financer des projets communs entre institutions
européennes et des pays bénéficiaires, dans les domaines prioritaires fixés dans les Programmes Indicatifs de
TACIS (l’agriculture étant jusqu’à récemment intégrée comme priorité dans une majorité de pays).
Le programme TACIS inclut également une série de sous-programmes destinés à financer des petites
opérations, notamment dans le domaine de l’appui à l’élaboration de politiques ou du transfert de savoir-faire ; le
devenir de ces instruments souples est toutefois actuellement incertain.
Les lignes budgétaires thématiques : en dehors des grands programmes de partenariat identifiés
géographiquement, la Commission gère en direct plusieurs lignes budgétaires spécifiques, parmi lesquelles le
soutien aux ONG, l’environnement, les forêts tropicales, la santé, la coopération décentralisée... dont les fonds
peuvent être mis en œuvre au profit de l’ensemble des pays tiers. Les objets spécifiques de ces lignes ne laissent
cependant pas entrevoir de possibilités de financement d’actions de formation.
III. Conclusions
L’Union Européenne ne peut être considérée comme un “bailleur de fonds”, au sens d’organisme
financeur de projets conçus indépendamment. Au contraire, depuis plusieurs années, d’importants efforts
ont été accomplis pour assurer une meilleure cohérence des actions entreprises dans le cadre de politiques
et d’objectifs établis pour plusieurs années.
Dans un souci d’harmonisation des programmes et des procédures, les opérations financées par l’Union
Européenne s’inscrivent désormais majoritairement dans le cadre de grands programmes de partenariat, et, dans
ce contexte, la tendance constatée est la diminution du nombre de projets financés en faveur d’un nombre
restreint d’opérations de grande taille.
Le mode privilégié d’intervention des opérateurs extérieurs à l’Union Européenne est l’apport
d’expertise dans le cadre d’appels d’offres et de marchés de services. Il reste néanmoins possible d’élaborer et de
proposer des projets, mais une telle démarche suppose un long travail de préparation et de négociation, ainsi que
des partenariats forts avec des institutions ou organismes des pays bénéficiaires. Les modes de coopération plus
classiques, appels à propositions soumises par des consortiums d’institutions de l’Union Européenne et des pays
bénéficiaires, subsistent néanmoins, notamment dans le secteur de l’enseignement supérieur.
Compte tenu de la diversité des zones géographiques auxquelles l’Union Européenne apporte sa
coopération, et de la priorité donnée aux négociations avec les autorités des pays bénéficiaires, il n’est pas
possible de déterminer une politique particulière de l’Union Européenne, notamment dans le domaine de
la formation ;
Le concept d’ingénierie des dispositifs de formation n’est jamais explicitement mentionné comme
objectif prioritaire de l’Union Européenne dans le cadre de ses activités de coopération. Il existe toutefois une
sensibilité à ce type de démarche, plus ou moins marquée selon les pays ou zones d’intervention :
•
ainsi, la formation professionnelle, tous secteurs confondus, en lien direct avec les problèmes
d’emploi et d’adaptation des métiers, est une composante essentielle de la coopération avec les
pays méditerranéens ;
•
dans les pays ACP, où la priorité reste l’éducation de base, la Commission Européenne tente de
promouvoir l’idée d’une meilleure articulation entre formation et emploi, en insistant
particulièrement sur la formation supérieure dans les domaines directement opérationnels.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Cependant, ces préoccupations ne se retrouvent que partiellement dans les priorités négociées avec
les différents pays bénéficiaires ;
•
la modernisation du secteur agricole, passant notamment par l’adaptation des systèmes de
formation professionnelle, est une priorité importante dans l’ensemble des pays de l’Est (PECO,
dans le cadre de l’instrument SAPARD, et NEI, avec le programme TACIS). Les opérations
financées dans ce domaine sont toutefois minoritaires, voire marginales, si l’on considère
l’ensemble des projets de coopération avec ces pays ;
•
enfin, la rénovation des dispositifs de formation dans les pays d’Asie et d’Amérique Latine est un
axe pratiquement inexistant, la priorité étant clairement donnée à des projets bénéficiant
directement aux populations défavorisées (même si de tels projets comprennent dans la plupart des
cas des actions de formation d’accompagnement).
La contribution d’institutions extérieures aux services de l’Union Européenne, telles
qu’organismes d’enseignement agricole, bureaux, d’études, ONG... dans des opérations d’ingénierie des
dispositifs de formation n’est donc a priori pas exclue. Mais la mise en œuvre effective de telles actions
dans le cadre des programmes de coopération européen nécessite une forte collaboration et un dialogue
permanent, aussi bien avec les services de la Commission Européenne que dans les pays bénéficiaires,
auprès des Délégations et des instances nationales.
Une telle démarche, en raison de son ampleur, paraît hors de portée d’experts individuels ou de petites
institutions. Tenter de s’insérer dans les programmes de l’Union Européenne plaide ainsi pour une meilleure
structuration et organisation des compétences françaises dans le domaine de l’ingénierie des dispositifs de
formation.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Compte rendu des ateliers
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
Compte rendu des ateliers
Animateur : M. Jean-François SOUFFLET
Directeur des Relations internationales de l’ENESAD
Atelier Amérique Latine
CIRAD / ENSIA-SIARC – Universités du Mercosur. « Projet de renforcement des formations postgraduées en agroalimentaire dans les pays du Mercosur ». Programme ALFA.
Présentation du projet : François GIROUX (ENSIA-SIARC) et Patricia LEMA (Université de
Montevideo). Animatrice : Anne-Marie GRANIE (ENFA). Restitution : Joël MAGNE (LEGTA Marmilhat).
Résumé du projet : Il s’agissait de faire évoluer les formations post-graduées en sciences et
technologies alimentaires dans le but de leur donner une meilleure ouverture sur le monde des entreprises,
permettant ainsi une participation accrue des Universités des pays du cône sud (Brésil, Argentine, Paraguay,
Uruguay et Chili). Cf. contribution aux cinquièmes journées d’études.
Le départ du projet se situe dans la prise de conscience de la coupure entre les entreprises et les
universités. L’objectif était de mettre en « adéquation » les formations universitaires avec les besoins des
professionnels du secteur de l’agroalimentaire. L’inventaire des formations, des demandes de stages, l’analyse
des besoins de formation ont aboutit à un renforcement de l’aspect scientifique des formations supérieures, mais
aussi à une organisation de la formation prenant en compte la conduite de stages en entreprises.
Les participants de l’atelier se sont particulièrement intéressés aux conditions qui ont permis le
démarrage et la réalisation du projet. Ils ont listé les éléments suivants :
1.
La présence d’un homme connaissant bien le milieu et les différents partenaires ;
2.
Un moment particulier : celui de la prise de conscience générale d’un besoin de formation en
agroalimentaire ;
3.
Un moyen : la construction d’un partenariat université / entreprises et la constitution d’un
consortium de partenaires réunissant les meilleures compétences ;
4.
Une méthodologie : la mise en place d’une démarche d’analyse des besoins, appuyée au début par
un bureau d’assistance technique, puis assurée par une capitalisation des expériences ;
5.
La construction et la réalisation d’un projet de formation important, avec des moyens finalement
assez modestes, mais dans lequel chacun de partenaires a apporté une partie du financement.
6.
Des partenaires ouverts et volontaires.
Les participants ont souligné un certain nombre de points concernant la conduite d’un tel projet leur
semblant particulièrement important :
1.
Premier point : C’est un métier particulier que d’analyser des métiers, d’analyser des besoins de
formation, de préparer des programmes de formation ; il faut créer des réseaux, monter des
dossiers, assurer un suivi.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
42
2.
Second point : Le temps nécessaire pour la mise en place d’un tel projet est important, 5 ans dans le
cas présent. Mais il est aussi nécessaire d’avoir une permanence dans le temps des hommes comme
des institutions pour que le projet puisse être conduit et réalisé dans ses différentes dimensions.
3.
Enfin, troisième point, les hommes jouent un rôle clef dans le démarrage du projet, entraînant
ensuite leurs institutions.
L’étude de ce cas réservait une surprise aux participants, celui de se rendre compte que l’évaluation, ses
éléments, sa méthodologie, n’avaient pas été préparés au début du projet. De fait, la validation du projet et de ses
résultats peut s’analyser au travers des taux de placements des sortants de l’université dans les entreprises et la
satisfaction des chefs d’entreprises.
Conclusion. Autour de l’étude de ce cas, les participants ont identifié un certain nombre de mots clefs
qui rendent compte de la démarche :
1.
des hommes réunis en réseaux ;
2.
des projets élaborés par rapport à des besoins ;
3.
de l’information que l’on fait circuler en se donnant les moyens nécessaires ;
4.
faire ensemble dans une perspective de long terme pour assurer une continuité ;
et avoir le plaisir de le faire ensemble comme l’affirmait ce paysan camerounais : « Il faut travailler
ensemble pour mieux se comprendre. Il faut se comprendre pour mieux travailler ensemble ».
Atelier Roumanie
ANS - CFPPA de Beaune. « Système d’analyse des formations continues agricoles en Roumanie en
viticulture/œnologie, agriculture et forêt ». Programme LEONARDO.
Présentation du projet : Mihaela MURESAN (Vice-présidente ANS) et Florence ZITO (CFPPA de
Beaune). Animatrice : Isabelle D’ORGEVAL (CNEAP). Restitution : François DENYS (CFPPA de Carpentras).
Résumé du projet : La finalité du projet est d’identifier, par une analyse systémique, les points forts et
les points faibles de la formation professionnelle continue agricole des pays partenaires (Espagne, Finlande,
France, Grande-Bretagne, Roumanie) et d’effectuer une étude des besoins de formation en Roumanie pour
proposer la création d’un dispositif adapté. Cf. contribution aux cinquièmes journées d’études.
Le projet étudié est original dans la mesure ou il est basé sur un partenariat entre une ONG, l’ANS, et
des établissements agricoles de plusieurs pays européens. L’ANS s’est donnée pour objectif d’étudier des
expériences étrangères de formation professionnelle agricole pour faire des propositions susceptibles
d’influencer le gouvernement dans sa politique de formation continue. Dans le cas de la Roumanie, le
gouvernement n’a actuellement pas de politique en la matière, alors qu’il existe des pressions fortes sur le
terrain, notamment d’investisseurs étrangers, susceptibles d’aboutir au développement de grandes exploitations
utilisant des salariés. Nous connaissons uniquement les grandes orientations : une autosuffisance alimentaire
basée sur la production de protéines et leur transformation (polyculture-élevage et IAA°), régénérer la forêt (mal
gérée actuellement), réaffirmer la force du secteur viti-vinicole par une politique de qualité.
Il s’agit donc de mettre en place un dispositif de formation professionnelle expérimental pour aider à
l’installation de petits exploitants agricoles, car cette partie de la population est extrêmement importante (50 %)
mais aussi âgée. Un autre enjeu est de faire revenir les jeunes chômeurs à la campagne car c’est là que sont leurs
vraies racines.
Les débats dans l’atelier ont tourné autour d’un certain nombre de questions :
1.
Comment peut-on faire pour proposer un dispositif de formation alors qu’il n’y a ni politique
agricole, ni politique de formation ? D’autant que l’on n’est pas sûr que le secteur agricole sera
rémunérateur ?
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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2.
Il existe dans le projet une volonté d’utiliser les nouvelles technologies éducatives (auto-formation,
ressources multimédia, visioconférences…), notamment pour assurer la formation des formateurs
qui auront pour tâche de sensibiliser la population agricole. Mais cela ne pose t’il pas un problème
de mettre en place des technologies très sophistiquées alors que l’on ne sait pas si la population
agricole participera aux formations agricoles de modernisation de l’agriculture ? Le public cible
est-il le futur « fermier » souhaité par la société rurale ou un salarié des multinationales que
pourraient voir le jour ?
3.
Quelle sera la durabilité de ce processus ? Sans moyens, dans l’inconnu par rapport à l’avenir,
comment pouvoir monter un dispositif de formation ? Nous reposons la question de l’analyse des
besoins pour pouvoir décider d’une offre adaptée et nous souhaitons que ce type d’expérience
puisse enclencher un dialogue avec les ministères concernés. Espérons que cette expérience
marginale fera boule de neige car pour le moment cette équipe courageuse semble très isolée.
Atelier Tunisie
AVFA- ENESAD. « Appui à la rénovation de la formation professionnelle tunisienne pour l’agriculture
et pour la pêche » Programme MEDA et Coopération française.
Présentation du projet : Hassine BOUZOUITA (AVFA) et Alain JAZE (ENESAD). Animateur : Michel
BROCHET (CNEARC). Restitution : Jean METGE (ENFA).
Résumé du projet : Afin d’atteindre les niveaux de production et de productivité de l’agriculture
tunisienne souhaités, une mise à niveau du dispositif de formation professionnelle agricole doit permettre une
amélioration de la qualification des producteurs, notamment des petits producteurs, et des agents
d’encadrement . Cf. contribution aux cinquièmes journées d’études.
En Tunisie se pose le problème de la formation de la grande masse des petits agriculteurs et de la relève
des agriculteurs âgés. Le dispositif de formation déjà en place qui n’a pas évolué depuis de nombreuses années
dans ses structures et ses programmes n’est pas apte à relever ce défi.
C’est pourquoi, l’Agence pour la Vulgarisation et la Formation Agricole a mis en place un vaste
programme de « mise à niveau » de ce dispositif avec l’appui de l’Union Européenne (programme MEDA) et de
la Coopération Française.
C’est dans ce cadre que des établissements français participent à ce projet.
Le projet est actuellement dans sa première phase avec la mise en place de formations expérimentales
pour les agriculteurs et les agents d’encadrement, sur différents secteurs géographiques et avec la collaboration
de différents partenaires : professionnels, établissements…
Après cette phase d’expérimentation, en fonction des résultats, les actions de formation professionnelle
seront étendues à partir de Centres de Formation Professionnelle, certains étant déjà en place, d’autres en projet.
C’est donc une démarche expérimentale qui a été adoptée dans cette opération.
Au cours de l’atelier les participants ont discuté de plusieurs questions concernant la mise en œuvre
d’un dispositif de formation, les principales étant les suivantes :
1.
Quelle déontologie pour nos interventions ? : Lorsqu’on intervient dans un pays étranger, il ne peut
être question de transférer des modèles construits en Europe dans des contextes historiques et
économiques différents. « L’ingérence n’est ni légitime, ni efficace ». Le cas du système par
alternance est significatif à cet égard. Son bon fonctionnement exige des conditions qui ne sont
souvent pas remplies dans les pays en développement ou les pays émergents dans lesquels nous
intervenons. Par contre, les intervenants doivent participer à l’élaboration du projet en intégrant les
différentes expériences faites par le pays lui-même.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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2.
Quelle « adéquation » existe-t-il entre une politique de formation et une politique agricole ? La
mise en place d’un dispositif de formation doit nécessairement se faire en fonction des orientations
d’une politique de développement agricole et de ses différentes composantes. C’est le cas en
Tunisie.
3.
Quelles sont les relations à développer dans le cadre de la mise en place de dispositifs de formation
avec les organisations professionnelles ? Celles-ci devant être partie prenante, il faut qu’elles soient
impliquées dans les projets dès leur origine.
4.
Comment réaliser une identification approfondie des besoins, notamment chez les petits
agriculteurs qui est le « public cible » de ce projet ? Il faut mettre en place des structures de
proximité et des programmes qui leur conviennent. Une démarche participative est nécessaire et les
directeurs d’écoles et les formateurs doivent changer de comportement à ce niveau.
Atelier Ukraine
CFPPA de Pau-Montardon. « Conduite dune formation en élevage porcin – Stage franco-ukrainien
1999 ». Programme TACIS.
Présentation du projet : Roman KLOZ (éleveur) et Bernard LACAZETTE (Directeur du CFPPA).
Animateur : Allain BREMARD (SFRD Picardie). Restitution : Isabelle TOUZARD (CNEARC).
Résumé du projet : Suite à la visite d’un groupe d’élus et de fermiers ukrainiens dans les PyrénéesAtlantiques en 1997, un expert européen a effectué des essais de réimplantation de pois en Ukraine en liaison
avec des coopératives françaises. Dans ce cadre, il a proposé la mise en place de formations professionnelles de
jeunes éleveurs ukrainiens en France pour développer la culture du pois protéagineux et l’élevage porcin sur
paille. Cf. contribution aux cinquièmes journées d’études.
Au départ de ce projet, il existait tout à la fois une opportunité avec :
•
Une demande émise par des professionnels français et ukrainiens : « Familiariser les jeunes
Ukrainiens avec un « modèle » français d’élevage de porcs » ;
•
une compétence dans le domaine de la formation en élevage porcin, le CFPPA ;
•
un réseau d’agriculteurs français pour l’accueil en exploitations ;
•
et la présence d’un expert extérieur qui a aidé à monter un projet (programme Bistro ).
Le projet accepté, sa réalisation s’est effectuée en trois phases : une phase de sélection des jeunes
éleveurs Ukrainiens, une phase de préparation linguistique puis une de formation en France comprenant une très
large part de stages dans des exploitations d’élevage.
Les débats dans l’atelier se sont centrés sur un certain nombre de questions :
1.
L’existence d’un écart important entre les objectifs initiaux du projet et les réalités de l’agriculture
ukrainienne qui connaît des problèmes de foncier, d’organisation, de financement. Toutefois, cette
action a atteint des résultats importants, de découverte d’une réalité étrangère, d’acquisition d’un
certain prestige pour les jeunes éleveurs venus en France, de maîtrise d’une langue étrangère, de
disparitions d’un certain nombre de préjugés (notamment qu’il n’y avait pas un « modèle » français
d’élevage porcin), une revalorisation de l’image que l’on se faisait de son propre pays, ainsi qu’une
revalorisation de l’image des coopératives agricoles.
Ces résultats ont pu être obtenus par suite des options pédagogiques choisies, toutefois, de retour au
pays, les problèmes demeurent notamment celui de l’accès au crédit et entravent le développement
de l’élevage porcin.
Pour que cet écart entre objectifs et réalisations soit réduit, il est nécessaire d’effectuer un
diagnostic préalable avant toute action de formation. Ceci entraîne, entre autre, l’acquisition d’une
« culture du contact » entre Français et Ukrainiens, laquelle passe nécessairement par la maîtrise de
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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la langue. Il est également indispensable de définir la place de ce type de formation dans
l’acquisition des compétences afin que les acteurs ukrainiens puissent ensuite redéfinir leur propre
système de formation et de production agricole.
2.
L’évaluation des résultats du projet a été surtout financière et très peu pédagogique, ne mettant pas
ainsi en valeur les innovations dans la conduite de ce projet.
3.
Pour la réalisation de tels projets, il est nécessaire d’améliorer les conditions d’accueil des
stagiaires étrangers. Pourquoi ne pas mutualiser les expériences françaises en la matière ?
4.
Enfin dernière question, celle des conditions de reproductibilité et de pérennité de ces projets.
Débat
Pourquoi proposer de former les éleveurs Ukrainiens sur le modèle français ?
Le terme de « modèle » a certes été utilisé, mais il aurait plutôt fallu parler d’expériences françaises.
D’une part les exploitations ukrainiennes d’élevage porcin étaient assez voisines des exploitations de notre
région, d’autre part, nous n’avons jamais montré des « modèles » de grandes entreprises mais bien toujours des
exploitations familiales.
Les différents exemples proposés soulignent les différents éléments du traitement d’une demande :
1.
L’ancrage du projet dans le contexte – l’avant – A partir de…-
2.
L’enrichissement par l’expérience des autres : « on n'est pas tout seul, les autres font aussi des
choses »…
3.
L’enrichissement par la recherche : il existe des travaux de recherche, des éléments d’analyse, de
réponses, qui existent et doivent aider à traiter le demande ;
4.
Le professionnalisme : c’est à dire les compétences à détenir et à construire dans l’interculturel,
pour passer de la méthode aux techniques, assurer la maîtrise des informations, passer de l’écoute
à faire ensemble.
Concernant l’atelier Ukraine, la mesure des écarts entre prévisions et réalisation se mesure en termes
d’hypothèses qui ne se sont pas vérifiées. Dans le cas présent, il était possible de penser que l’hypothèse ne
serait pas vérifiée faute de l’avoir élaborée sur l’analyse du contexte, ce qui est un préalable à la mise en place
de tout dispositif de formation
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Table ronde
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
Table ronde
Comment s’organiser pour valoriser la compétence française à l’international dans le domaine des
formations agricoles, agroalimentaires et rurales ?
Comment passer d’une logique d’offre à une logique participative de construction de la demande ?.
Les participants de la table ronde
Mme Véronique BAILLEUL : Chargée de mission à EduFrance, responsable du Département « Offre
de formation ».
Domaine d'intervention : l’ingénierie pédagogique en vue d'adapter l'offre française à la demande des
étudiants étrangers.
M. Bernard DA DALT : Chargé de mission pour les formations rurales à la « Direction Générale de la
Coopération Internationale et du Développement » (DGCID) au Ministère des Affaires Etrangères.
Domaine d'intervention technique : Ingénierie des dispositifs de formation technologique et
professionnelle en agriculture. Domaine d'intervention géographique : les projets de formation professionnelle
pour les 10 pays candidats à l'adhésion à l’Union Européenne et pour les pays d'Amérique latine et les Caraïbes.
M. Jean-Claude DEVEZE : Chargé de mission à l'Agence Française de Développement (AFD) à
Paris, à la division « Développement rural Afrique de l'Ouest ».
Domaines d'intervention : Réformes des institutions du secteur rural et de l'organisation des filières
agricoles, amélioration des systèmes d'exploitation agricole, amélioration des systèmes d'information, appui aux
organisations professionnelles agricoles, développement local et communal.
M. Christian FAULIAU : Spécialiste de la valorisation des ressources humaines pour le secteur rural
au Bureau Régional de la Banque Mondiale à Abidjan.
Domaines d'intervention : Réformes des institutions du secteur rural (ministère de l'Agriculture,
systèmes de vulgarisation, recherche agronomique), amélioration des systèmes de formation agricole et rurale,
amélioration des systèmes de communication rurale, appui aux organisations professionnelles agricoles et lutte
contre le SIDA.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Mme Lavinia GASPERINI : Fonctionnaire Principale pour l'éducation agricole et pour le
développement rural au « Service de l'éducation, de la vulgarisation et de la communication » (SDRE) de la
FAO, à Rome.
Domaines d’intervention et expérience professionnelle : Education pour le développement rural et la
réforme des systèmes éducatifs spécialement dans les pays en transition ou en crises, développement de curricula
de l'éducation de base, de la formation professionnelle et technique, et de l 'enseignement supérieur, coopération
avec les pays d’Afrique, d’Amérique latine, du Moyen-Orient, psycho-pédagogie, formation de formateurs et
journalisme.
M. Georges GOSSET : Sous-Directeur à la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche
(DGER) du ministère de l’Agriculture et de la Pêche, chargé de la Sous–Direction de la Formation
Professionnelle, des Actions de développement et de la Coopération internationale des établissements
(FOPDAC), composé de trois bureaux : Bureau de la formation professionnelle continue et de l’apprentissage,
bureau des missions de développement et des exploitations des établissements, bureau de la coopération
internationale.
M. Ludovic PROTIN : Professeur à l’Université du Havre, Directeur d’un laboratoire de Recherche en
Electronique, Electrotechnique et Automatique. Détaché au bureau Afrique de l’Ouest de l’Agence Universitaire
de la Francophonie (AUF) comme Conseiller Scientifique pour les 9 pays de l’Afrique de l’ouest. Domaines
d’intervention et expérience professionnelle : Spécialisé en Agriculture (CRESA) sur l’ensemble de l’Afrique,
coopération internationale avec l’Afrique, l’Asie et l’Europe de l’est, mise en place d’un laboratoire de recherche
sur les énergies renouvelables au Sénégal, aide à la mise en place d’un 3ème cycle au Bénin et une formation
d’ingénieurs à l’Université de Galati en Roumanie.
M. Charles RAFFIN : Ingénieur d'Agronomie, mis à disposition par le ministère de l'Agriculture et de
la Pêche auprès de la Société Française d'Exportation de Ressources Educatives (SFERE) en tant que Directeur
du département agricole et agro-alimentaire, pour favoriser l'exportation des compétences de l’enseignement
agricole.
Domaines d’intervention et expérience professionnelle : Appui à l'amélioration de l'expertise française
et à sa promotion à l'étranger; ingénierie et gestion de projets avec les équipes de la SFERE (prospection,
montage technique et financier, suivi des réalisations, évaluation) dans le domaine d'intervention du ministère de
l'Agriculture et de la Pêche français, développement des activités des secteurs de la formation et de l'organisation
institutionnelle réalisées en relation contractuelle avec les établissements français pour des activités concernant
soit l'accueil d'étudiants, soit des formations de formateurs en France, soit la création ou la rénovation de cycles
de formation à l'étranger.
M. Alain MARAGNANI, animateur : Inspecteur de l’enseignement agricole, chargé de la mission de
coopération internationale à la Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche (DGER) du ministère
de l’Agriculture et de la Pêche.
Domaines d’intervention et expérience professionnelle : Appui, suivi et évaluation d’actions de
coopération internationale, élaboration de projets de coopération internationale en matière d’enseignement
technique, supérieur et de formation professionnelle agricoles, formation de formateurs.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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M. Alain MARAGNANI :
Suite aux journées d’études de novembre 1999 qui avaient surtout porté sur les démarches d’ingénierie
des dispositifs de formation, le comité de pilotage avait souhaité terminer ces cinquièmes journées d’études par
une table ronde où auraient été débattues deux questions :
1.
Comment s’organiser pour valoriser la compétence française à l’international dans le domaine des
formations agricoles, agroalimentaires et rurales ?
2.
Comment passer d’une logique d’offre à une logique participative de construction de la demande ?.
C’est pourquoi nous avons invité des représentants d’organismes qui participent à l’élaboration et à la
conduite de projets de formation en milieu rural, soit comme initiateurs de projets, soit comme financeurs, soit
comme assembliers pour répondre à des appels d’offre, soit comme gestionnaires de ces projets. Ils ont eu
l’amabilité d’accepter de venir à Montpellier, qu’ils en soient remerciés.
Pour tout avouer, au cours du déjeuner pendant lequel nous avons finalisé la préparation de cette table
ronde, les participants ont souhaité modifier le questionnement que nous leur avions soumis. Ils nous ont proposé
de partir de l’expérience de leurs institutions afin d’aborder la question de la construction participative de la
demande et donc des compétences françaises et de son organisation.
M. Bernard DA DALT (Ministère des Affaires étrangères) :
Le ministère des Affaires étrangères a besoin de plusieurs profils d'experts :
•
Des experts internes.
Dans nos postes d'ambassade, les attachés de coopération chargés de l'enseignement (au sens large) sont
généralement des personnels détachés du Ministère de l'éducation nationale. Leur sensibilité est très centrée, soit
sur l'école de base, soit sur l'enseignement supérieur et universitaire. En conséquence, la formation
technologique et professionnelle est souvent confiée aux attachés ayant en charge le suivi de secteurs
économiques (agriculture et développement rural, services dont tourisme, industrie, artisanat) et leur approche de
la formation est particulièrement traditionnelle assez loin de l'Ingénierie des dispositifs. Des actions de formation
en direction de ces attachés sont toujours possibles et nous en avons développé en 2000. Mais pouvoir recruter,
par le biais de détachements, des agents déjà formés et ayant une solide expérience en matière d'ingénierie des
dispositifs de formation pourrait être une solution efficace.
•
Des experts externes.
Dans le prolongement des nouvelles modalités d'interventions en matière de coopération, plusieurs
profils sont souhaités :
La rédaction de programmes indicatifs nationaux de la CE ou leurs équivalents des diverses banques de
développement et surtout la rédaction des programmes sectoriels de développement, supposent presque toujours
une intervention, en appui, d'experts, pour préciser les volets formations professionnelle de ces schémas
prospectifs de développement . En plus d'une solide expérience en matière de mise en œuvre de dispositifs de
formation, de solides compétences en matière de développement économique et technique sont nécessaires.
Ces programmes doivent ensuite être opérationalisés, c'est à dire traduits en plans d'actions. C'est à ce
niveau qu'une expertise de faisabilité doit permettre de conduire analyses et diagnostics préalable à toute
ébauche de projets. Il s'agit là de mettre en perspective les grandes orientations et les choix stratégiques avec « la
demande / les besoins » tels qu'ils peuvent être appréhendés au niveau du terrain. Il s'agit d'identifier les points
de blocages et / ou les pré requis qu'il sera nécessaire de régler préalablement au projet. Il s'agit également de
dessiner toute l'architecture du projet à travers l'outil « cadre logique ». Tout ce travail débouche en principe sur
la rédaction des termes de références qui permettront de lancer les appels d'offres auprès des opérateurs
potentiels.
Certains projets nécessitent la mise en place d'une assistance technique auprès des autorités du pays
pour faciliter les relations avec l'opérateur qui a été choisi pour conduire le projet. De solides compétences
relationnelles et en management de projets sont nécessaires à ce niveau. Toutefois il faut savoir que le nombre
d'assistants technique employés directement par le MAE sera en forte diminution dans les années à venir et qu'il
n'y aura que très peu de recrutements d'experts de ce type. Par ailleurs il s'agit là de missions pouvant durer
plusieurs années ce qui peut constituer un sérieux handicap surtout pour des non titulaires.
Enfin tout projet se doit d'être évalué pendant et surtout après son exécution. Dans ce domaine très
spécialisé de l'évaluation de projets il y a un manque cruel de compétences dans les domaines qui touchent à
l'Ingénierie des dispositifs de formation et à la formation technologique et professionnelle dans toutes ses
facettes.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Nous avons besoin de « référencements » - pour reprendre des termes utilisés en marketing - de
référencements qui permettent de trouver au bon moment, et rapidement, l’expert capable de répondre à la
question qui nous est posée. Nous sommes dans une situation où il nous faut faire face à une demande
multiforme, souvent assez complexe, pour laquelle nous devons avoir à notre disposition une offre qui soit un
minimum structurée. Or, aujourd’hui, cette offre est quasiment inexistante dans la mesure où, en dehors de
quelques cas particuliers, nous n’avons pas les réponses au moment ou nous en avons besoin.
Il me semble que le ministère de l’Agriculture et de la Pêche, et plus spécialement l’appareil de
formation agricole dans son ensemble, doit apporter des réponses à deux questions fondamentales :
1.
La première : Comment doit-on présenter notre expertise face aux demandes ? Comment la
structurer ?
Je ne crois pas qu’il y ait plusieurs solutions à cette question. Il faut passer par un
référencement de l’offre pour pouvoir présenter une réponse à la demande. Cela exige également de
faire une analyse de marché qui permette de connaître les différents créneaux sur lesquels il existe
une demande, qui précise cette demande, et qui détermine sur quels créneaux l’appareil français de
formation agricole a un savoir-faire ? C’est ce savoir-faire qu’il faut alors valoriser et faire connaître.
2.
La seconde : Quel avantage comparatif l’appareil français de formation agricole peut-il retirer de
cette opération ?
Sachant qu’il faut analyser la question à deux niveaux, un niveau macro, c’est à dire
au niveau de l’institution dans toutes ses composantes (ministère, DGER, régions,
établissements) et un second niveau - à mon avis très important – celui des individus.
Qu’est ce que les individus peuvent retirer de cette opération de structuration de
l’offre ? En effet, une partie des personnels s’est engagée dans les actions internationales sur
la base du bénévolat, mais comme chacun le sait, le bénévolat a des limites.
L’expertise dont nous avons besoin existe au sein de l’appareil français de formation agricole
mais elle doit aussi se construire, ce qui suppose un investissement, des formations… et cet
investissement, ne sera jamais gratuit, et il sera nécessaire qu’il y ait des contreparties.
M. Jean-Claude DEVEZE (Agence Française de Développement) :
Nous travaillons souvent en complémentarité avec les services du ministère des Affaires étrangères et, à
certains moments, c’est plutôt l’un ou plutôt l’autre, qui intervient. Pour des raisons de complémentarité, je
propose donc d’intervenir après le représentant du ministère des Affaires étrangères.
Dans quels domaines de la formation l’Agence Française de Développement intervient-elle ?
Elle intervient d’abord dans le cadre de divers programmes de développement pour lesquels il existe des
volets formation. Par exemple, dans le cadre de l’appui aux organisations professionnelles, nous intervenons sur
des questions d’alphabétisation. Il nous faut d’ailleurs reconnaître que nous avons du mal à trouver une expertise
française bien organisée en la matière. De la même manière, nous pouvons avoir des besoins d’expertise dans le
cadre du conseil aux agriculteurs. Ceci constitue un premier domaine assez classique, celui de volets formation
des programmes de développement.
Un second domaine, assez nouveau pour nous et que nous avons « hérité » de la restructuration du
ministère des Affaires étrangères, est celui des infrastructures sociales dans lequel les infrastructures éducatives
occupent une place importante.
Il existe un troisième domaine d’intervention, plus aléatoire et qui prend plus ou moins d’importance
selon les moments, celui d’interventions pour le compte du ministère des Affaires étrangères. Par exemple, la
formation initiale des techniciens et ingénieurs en Algérie, ou la création de l’Institut Agricole de Bouaké dans
les années 70/80. Ces programmes étaient sous tendus par un même objectif de professionnalisation des cadres et
techniciens. A souligner qu’à chaque fois, une volonté politique forte des ministres de l’Agriculture permettait
d’innover et d’effectuer un travail dans la durée.
Enfin, dernier domaine, sur lequel je voudrais insister, celui de la mise en place de formations
professionnelles liées à des métiers agricoles ou autres. Nous avons d’importants programmes dans ce domaine
au Viêt-Nam, en Tunisie et au Maroc. Ce qui m’intéresse dans cette approche, c’est la manière dont nous
procédons. L’élément important pour nous, c’est « l’accouchement » du projet à partir d’une demande politique
d’origine plus ou moins bien formulée. Comment arriver, avec les responsables professionnels du pays et l’appui
des professions françaises correspondantes, à élaborer cette demande ?
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A partir de l’évolution de la pratique AFD, nous sommes amenés à penser que nous n’avons pas
seulement besoin d’expertises, de compétences, mais qu’il nous faut surtout s’appuyer sur les expériences. En
effet, pour élaborer cette demande, il s’agit de s’appuyer sur des expériences de personnes différentes, travaillant
dans des situations différentes, et cherchant à bien poser les problèmes ensemble. Il sera ensuite possible de bâtir
les propositions de dispositifs de formation professionnelle répondant aux problèmes identifiés et formulés
ensemble. C’est seulement après ce moment là que le recours comme moyen de l’ingénierie de formation
prendra de l’importance.
Ce qui est fondamental, c’est cette première période d’élaboration conjointe de la demande, et là, nous
manquons souvent de personnes à la fois d’expérience et de compétence. Notre rôle, c’est de pouvoir détecter
ces personnes et de travailler avec elles pour les aider à faire, avec nos partenaires du sud, la maïeutique,
l’accouchement de programmes adaptés au contexte.
Face à ce besoin particulier, l’offre française paraît assez dispersée, bien que nous ayons à l’AFD des
personnes dont c’est la spécialité : elles recherchent des compétences et constituent des réseaux de personnes
ressources, les appuient au long du processus d’élaboration des programmes. On y arrive plus ou moins bien
selon les cas. Pour créer ces synergies entre les différents intervenants français et nos partenaires, nous mettons
aussi en place des comités de coordination, par exemple, au Cambodge, pour l’appui à l’Université de Chamcar
Dong.
Pour terminer, je voudrais faire deux propositions :
1.
L’une est pratique. Ce dont nous n’avons pas besoin, c’est de listes de tous les établissements
agricoles français intéressés par l’international. Ce dont nous avons besoin, c’est de répertoires
avec les références des personnes qui expliquent ce qu’elles ont fait, et comment elles l’on fait,
pour que l’on puisse juger non seulement de leurs compétences mais aussi de leurs vécus.
2.
L’autre se place dans le domaine de la prospective. En matière de coopération pour l’éducation,
nous sommes aujourd’hui obligés de prévoir comment nous allons travailler demain. Il nous faut
donc construire une prospective sur l’organisation et le positionnement des forces françaises par
rapport à des demandes, qui non seulement sont diverses, mais qu’il nous faut aussi considérer dans
une démarche participative, et dans une approche d’éducation permanente.
Merci.
M. Ludovic PROTIN (Agence Universitaire de la Francophonie).
Je vais rapidement exposer l’expérience de l’Agence Universitaire de la Francophonie au travers de ses
Centres Régionaux d’Enseignement Spécialisés en Agriculture sur l’Afrique (CRESA). Je rappelle à ce sujet que
l’AUF est l’opérateur du Sommet des Chefs d’Etat francophones pour l’enseignement supérieur.
La demande de formation de cadres en agriculture est ancienne puisqu’elle a été formulée au sommet
des Chefs d’Etat de Paris en 1986. La mise en place du premier CRESA date de 1991. On constate, comme cela
a été souligné dans les ateliers de ces journées d’études, un décalage assez important entre la demande et
l’organisation de la réponse. Plusieurs organismes sont intervenus pour formuler la réponse, notamment
l’Agence de Coopération Culturelle et Technique) au travers de son réseau agriculture, puis un comité de
pilotage AUPELF-UREF/ACCT de 1991 à 1995 et enfin l’AUF à partir de 1995.
Premier point, dans l’organisation de ces centres, le premier mot clef est : « Régional ». Pour des
formations agricoles, il est inutile de faire des formations très pointues dans chacun des pays d’Afrique
francophone, d’autant plus que nous avons le support commun de la langue française pour ces pays.
Second mot clef : l’aspect professionnel de la formation donnée dans les CRESA. La plupart des
enseignements donnés en Afrique, notamment dans les facultés des Universités, sont académiques et l’aspect
professionnel est peu développé. Le diplôme décerné par les CRESA est de niveau Bac + 5 ou Bac+6 selon
l’origine des étudiants, c’est à dire les titulaires d’une maîtrise ou d’un diplôme d’ingénieur, c’est donc un
diplôme professionnel du type Mastère ou DESS. Les autres mots clefs et caractéristiques de ces formations sont
donnés dans le recueil de textes qui vous a été distribué.
Actuellement 4 CRESA sont opérationnels en Afrique: « Equipement rural et hydraulique » à l’Ecole
Inter-Etats de l’Equipement Rural de Ouagadougou, « Irrigation et maîtrise de l’eau » à l’Institut Agronomique
et Vétérinaire HASSAN II au Maroc, « Systèmes agraires sahéliens et protection de l’environnement » à la
Faculté des sciences agronomiques de Niamey au Niger, et enfin « Forêt – bois » à la Faculté des Sciences
Agronomiques de l’Université de Dschang au Cameroun. Ce n’est là qu’une petite partie du dispositif CRESA
qui avait été prévu à l’origine.
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Les formations CRESA ont acquis une reconnaissance certaine en Afrique au travers des mots clefs
précédents. Ce sont des formations qui fonctionnent avec un calendrier universitaire stable quelques soient les
perturbations d’ordre politiques ou sociales qui agitent les universités ou les établissements qui hébergent ces
formations. Les étudiants trouvent des emplois et ils interviennent dans des processus de développement.
Toutefois, nous ne savons pas l’évaluer, et il nous faut faire un meilleur suivi de l’après formation. Ce dont nous
avons besoin maintenant, c’est de structurer l’aide française dans les CRESA. Elle existe, mais elle est surtout
basée sur des réseaux de relations, par exemple avec les établissements d’Agropolis, ou avec Gembloux en
Belgique… Mais cet appui n’est pas structuré. Il nous faut donc aujourd’hui constituer un consortium
international d’appui qui va pouvoir démultiplier et renforcer l’apport francophone aux formations des CRESA.
Ces formations avaient été adaptées aux spécificités du climat du monde rural en Afrique et, pour ce faire, il y
avait eu des échanges entres des partenaires du Nord et du Sud. Il nous faudra renforcer cette démarche de
partenariat Nord Sud, notamment au travers d’organismes représentatifs comme la Conférence des Recteurs des
Universités Francophones d’Afrique et de l’Océan Indien, si nous devons créer de nouveaux CRESA. Nous
avons surtout besoin, comme l’ont déjà signalé les intervenants précédents de listes d’experts, pas n’importe
lesquels, mais d’experts enseignants qui acceptent de se déplacer, d’aller voir sur place pour apporter une aide
efficace aux formations CRESA dans les pays du Sud.
Merci pour votre attention.
M. Alain MARAGNANI.
Après ces trois premières interventions, je voudrais faire un « bilan d’étape ». Les trois personnes qui
ont pris la parole ont toutes les trois insisté sur la dispersion de l’offre française, sur la nécessité de la
structuration de cette offre. Certes, nous le savons intellectuellement mais c’est autre chose de le pratiquer. Elles
ont aussi insisté sur leur souhait d’avoir des référencements d’experts mais sur la base, non pas tant de
compétences très techniques, que sur des capacités à participer avec d’autres, notamment bien sûr les nationaux,
à la construction et à l’amélioration du projet, ce qui est peut-être un peu différent des compétences que nous
avions l’habitude de lister, tout en se plaçant dans une attitude prospective par rapport à l’évolution de la
demande.
Mme Lavinia GASPERINI (Food and Agricultural Organisation).
L’Organisation pour l’Agriculture et l’Alimentation est une agence spécialisée des Nations Unies. A ce
titre la FAO n’est pas un bailleur de fonds, ce qui conditionne l’organisation de notre travail. Nous sommes une
agence technique qui rend compte aux États membres qui adhèrent à la FAO.
Les demandes d'assistance émanent toujours des États membres. Exécutées par la FAO, elles peuvent
être financées par trois sources de financement distinctes :
1.
Les agences multilatérales comme le PNUD, la Banque Mondiale, etc… dont je ne parlerai pas ici.
2.
Les fonds fiduciaires mis à la disposition de la FAO par des pays donateurs qui souhaitent que la
FAO soit l’agence d’exécution d'un programme particulier. Dans ce cas les programmes
d’éducation réalisés peuvent prendre des dimensions très variables.
3.
Les pays membres peuvent adresser directement à la FAO leur requête en demandant son
financement dans le cadre du Programme de Coopération Technique (PCT) inscrit dans le budget
régulier de l'Organisation.
Les projets du Programme de Coopération Technique, n'excédant jamais 400.000 $, sont d'une grande
importance pour les États membres. Ils servent à déclencher des initiatives qui peuvent être cruciales, par
exemple, pour développer des stratégies nationales en matière éducative. D'autres bailleurs de fonds peuvent
utiliser le produit du projet du Programme de Coopération Technique pour développer des projets d'application
de plus grande importance financière. Notre rôle est alors, dans ce cas, celui de catalyseur.
Si les procédures d'exécution des projets des catégories 1 et 2 suivent les règles généralement
appliquées dans le cadre de l'assistance technique internationale, les projets du Programme de Coopération
Technique doivent répondre à certaines obligations relatives notamment à l'exécution nationale, l'utilisation
prioritaire de cadres de la coopération entre pays en développement et de cadres retraités.
L'application de ces principes dans la logique de développement des capacités nationales vise à
l'appropriation des programmes par le pays.
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Il nous arrive cependant de recruter sur le plan international mais ceci uniquement après justification de
l'impossibilité de trouver les compétences soit au niveau national, soit dans le vivier des experts de la
Coopération Technique entre Pays en Développement ou des Retraités.
Ces différents éléments sont notre réalité, ils font aussi notre force et déterminent nos contraintes.
Notre force, c’est de travailler avec les expertises nationales. C’est aussi que ces petits projets peuvent
déclencher des innovations en matière de système de formation et renforcer les capacités nationales. Nos
contraintes se sont les dimensions limitées de nos investissements.
Comment pouvons-nous rapprocher cette demande à l’offre de compétence française en matière
d’éducation et de formation ? En général, il est important pour nous de répondre rapidement aux requêtes
d’assistance technique des pays membres, même quand il est difficile d’identifier les compétences d’expertise au
niveau national. Ce serait donc utile pour nous d’avoir des sources de renseignement internationales qui nous
permettent de trouver les compétences nécessaires pour répondre aux besoins de nos pays membres. L’effort qui
pourra être fait par la partie française nous sera aussi très utile.
Les profils des personnes qui interviennent dans les projets ont une grande importance. Ainsi que les
autres collègues de la table ronde l’ont déjà souligné, l’expérience à l’international est bien sûr très importante.
Ensuite, ce n’est pas seulement la capacité technique qui est recherchée, mais surtout la capacité de promouvoir
des processus participatifs et innovateurs, d’écouter, d’être des promoteurs de relations entre les personnes, de
faciliter les rapports, les contacts, entre celles-ci mais aussi entre les pays où l’on intervient, les différents
bailleurs de fonds et les réseaux internationaux.
Je vous remercie.
M. Charles RAFFIN (Société française d’Exportation des Ressources Educatives) :
Je souhaite d’abord préciser l’éclairage sous lequel la SFERE intervient et, ensuite, vous dire quelques
mots sur notre attente en matière d’expertise, de ce que cela peut représenter en volume.
Le ministère de l’Agriculture me fixe des priorités d’orientation thématique ou géographique. C’est
pourquoi je m’intéresse beaucoup plus à l’Amérique latine ou à l’Asie qu’aux pays limitrophes de l’Union
Européenne et que je m’intéresse aux thématiques de l’organisation de dispositifs de formation ainsi qu’aux
formations technologiques utilisant des équipements de grande technicité. Je ne parlerai donc que de la partie
exportation de nos ressources éducatives.
Après plusieurs années dans le secteur de la formation agricole et l’organisation de systèmes et de
filières au niveau international, je ne suis que depuis trois ans à la SFERE… Finalement je m’aperçois que
l’activité que l’on développe au sein du ministère de l’Agriculture est assez différente de celle qui est conduite
par la SFERE. Le point de différenciation des activités de coopération et d’exportation est constitué par la nature
de la relation aux partenaires. Dans le cas de l’exportation, elle est une relation de type contractuel et
commercial. Notre partenaire développe des comportements différents, de client, comme le client est roi, il
détermine ce qu’il veut, il a ses exigences et il demande qu’elles soient respectées. Il ne faut pas oublier que luimême doit rendre des comptes sur l’utilisation de l’argent que le pays a le plus souvent emprunté. Il répercute le
cadre des programmes de financement et leurs exigences (de coût, de qualité, de délais…) sur la relation que
nous avons avec lui. Ceci constitue le premier aspect particulier de notre activité d’exportation de ressources
éducatives.
Le second aspect particulier, se situe dans la définition du terme « ingénierie » que l’on utilise beaucoup
les uns et les autres par commodité. Peut-être faudrait-il préciser son usage. Les établissements français
conduisent des activités d’ingénierie de formation, peut-être mieux au ministère de l’Agriculture que dans
d’autres ministères : comment analyser les besoins ? Comment élaborer des référentiels ? Comment mettre en
œuvre des programmes de formation ? Une autre partie des activités d’ingénierie, qui souvent dépasse l’expert
lui-même, ou son établissement, c’est la partie ingénierie de projet. C’est à dire comment peut-on construire un
projet ? Comment fait-on pour que le transfert de compétences soit réussi ? Comment fait-on pour que cela
marche et au moindre coût ? en réalisant le plus de transfert au profit du partenaire.
Ces deux points me semblent importants et surtout, le fait que le projet s’inscrive dans une relation
commerciale, dans un système d’appel d’offre et de concurrence. Pour commencer, il faut organiser des
prospections pour rechercher des projets et leurs financements. La SFERE intervient ensuite, soit dans des
phases de construction de projet, soit dans des phases de réalisation de projet, soit dans des phases d’évaluation.
Quelles sont les conséquences de ce mode de fonctionnement particulier pour l’offre française, ses
établissements et les experts ?
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Pour les experts, nous en avions discuté au cours des journées précédentes. Etre expert cela
suppose de posséder des connaissances, des compétences. Mais cela exige aussi un recul par rapport à son
activité pour pouvoir développer des attitudes de recherche des éléments fondamentaux du problème,
pour proposer des solutions simples, tout en respectant tous les engagements contractuels et notamment
une éthique de consultant. Cette éthique, on la retrouve plus facilement dans le système privé, car dans le
milieu administratif cela nous est parfois un peu étranger. Pour nos établissements, l’exportation de
formation ne peut pas être une activité principale. D’une part parce que je ne pense pas que ce soit le sens
de la mission donnée par notre tutelle mais d’autre part parce qu’il n’y a pas matière en volume à en faire
une activité principale. C’est quelque chose que l’on ne peut faire que de temps à autre et secondairement
pour deux raisons :
1.
Du côté de l’expert, parce qu’il faut déjà avoir une reconnaissance par ses pairs de ses
compétences.
2.
Et du côté de l’établissement pour des conditions de disponibilité des personnes qui ne peuvent pas
toujours être libérées facilement.
L’établissement doit s’inscrire dans un réseau d’établissements d’excellence dans sa propre
matière… ce qui exige qu’il faut d’abord définir en quoi « on est bon », ou quel est le cœur de l’activité de
l’établissement ? Pour ces raisons, la pratique de l’exportation exige permet de se situer par rapport à la
concurrence internationale, « Est-ce que d’autres font mieux ou moins bien que moi ? Et qui ? ».
Pour ce qui est de l’organisation de l’offre française d’expertise, je voudrais terminer par deux
remarques :
1.
Le secteur agricole et agroalimentaire a besoin d’une expertise plus formée. Il y a à mon sens
besoin de formation au sein de notre ministère pour ses personnels susceptibles de s’intégrer à
l’expertise à l’international.
2.
Mais il faudrait aussi créer un lieu de débat, informatisé, avec Internet, avec création de réseaux,
conférence ou autres… pour pouvoir échanger, capitaliser nos expériences.
Mme Véronique BAILLEUL (EduFrance) :
EduFrance a pour mission d’exporter l’enseignement supérieur français. Jusqu’à présent les différents
intervenants de la table ronde ont mis l’accent sur le développement de l’exportation d’expertise en matière de
dispositifs de formation, supposant que l’on exporte des cursus, des diplômes.
De fait, la principale mission d’EduFrance est d’exporter l’enseignement supérieur en faisant venir des
étudiants étrangers en France. Ce qui suppose que l’offre française d’enseignement supérieur soit adaptée à la
demande des étudiants étrangers. Les cibles géographiques prioritaires d’EduFrance sont l’Asie, l’Amérique
latine et de l’Amérique du Nord – des zones pas ou peu francophones. La demande d’étudiants étrangers pour les
savoirs et savoir-faire français dans l’enseignement supérieur, reconnus de qualité, est donc confrontée à
l’obstacle linguistique. Il convient donc de faciliter l’apprentissage de la langue française tout en acquérant des
connaissances dans une spécialité (programmes d’intégration) ou d’offrir la possibilité d’apprendre partiellement
ou totalement dans une langue étrangère, l’anglais étant la langue de travail la plus répandue.
D’autre part, nous nous adressons essentiellement aux étudiants étrangers individuels susceptibles de
financer leurs études : le champ d’action de l’Agence EduFrance s’inscrit en complémentarité avec celui des
différents acteurs participant à l’internationalisation de la formation – coopération bi ou multilatérale, échanges
ou relations inter-universitaires.. Il revient donc au groupement d’intérêt public EduFrance, avec plus de 130
établissements d’enseignement supérieur adhérents, dont 66 universités françaises, de construire une offre de
formation adaptée à la demande des étudiants étrangers. Ces derniers souhaitent souvent compléter un cursus
déjà bien entamé dans leur pays d’origine, ainsi des programmes débutant en janvier ou février sont bien
accueillis en Amérique latine et des formations de courte durée, accessibles par semestre et validées en crédits
sont appréciées.
Par ailleurs, une autre mission importante d’EduFrance est d’améliorer l’accueil des étudiants
étrangers : en conséquence les programmes de formation adaptés seront proposés sous la forme d’une offre
globale, incluant des services tels que le logement, les assurances, l’aide à l’orientation, aux procédures
administratives, la carte EduFrance Pass.
En troisième lieu, l’Agence participe à des événements éducatifs et professionnels à travers le monde et
soutient les actions menées par les postes diplomatiques et par les 60 Espaces EduFrance, relais de l’action
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d‘EduFrance à l’étranger. Enfin, une information permanente est diffusée à destination des étudiants étrangers, le
site de l’Agence étant l’un des principaux média (www.edufrance.fr).
Enfin, et pour revenir au sujet de cette table ronde, l’Agence coordonne et exporte l’offre française
d’ingénierie pédagogique. Grâce à des contacts réguliers avec les organismes financiers multilatéraux,
EduFrance promeut le savoir-faire français en matière d’ingénierie pédagogique et fournit de l’expertise. Sans
vouloir répéter ce qui a déjà été dit à cette table ronde, une des difficultés rencontrée, a bien été d’identifier les
« bons experts » pour dans un second temps faciliter la formation de consortia français (tel fut le cas du projet
bilatéral pour le projet de création de l’université française en Egypte) ou européens. Enfin, EduFrance joue le
rôle d’ensemblier dans le cadre d’appels d’offres lancés par l’Union Européenne et les organisations
internationales.
Je vous remercie.
M. Christian FAULIAU (Banque mondiale) :
Je tiens à recadrer tout d’abord les interventions de la Banque mondiale pour rappeler qu’il n’y a pas de
« projets de la Banque mondiale » Les projets sont ceux des Etats, des gouvernements qui empruntent de l’argent
à la Banque mondiale pour les réaliser. C’est leur argent et c’est donc à eux de gérer ces projets. Les questions de
conditionnalité des projets sont donc mises en place avec les cadres nationaux pour pouvoir faire fonctionner les
projets.
L’argent est emprunté auprès de la Banque mondiale à un certain nombre de conditions afin que les
projets puissent se réaliser. Première condition : ces programmes doivent être nationaux, fortement régionalisés,
notamment avec la participation de la société civile, c’est à dire avec la cogestion de la société civile. Seconde
condition : l’appui dure, en général, une dizaine d’années. Les pays savent qu’ils ont la responsabilité de créer la
structure qui assurera totalement leur autonomie quand la banque arrêtera ses interventions à l’issue des dix ans.
Cela n’exclue pas les petits projets, car qui dit régionalisation et programme national, dit aussi
expériences pilotes qui permettent d’étendre les projets au niveau national. Ces petits projets peuvent exister,
mais dans le cadre d’une stratégie nationale.
Quatre points sont à souligner :
1.
Notre analyse recoupe très largement celle qui a été faite par Bernard DA DALT. Le premier point,
essentiel pour nous, c’est la nécessaire définition d’une politique nationale de formation pour le
secteur agricole et rural.
2.
Cette politique de formation s’adresse au secteur rural. Je rappelle que 40% des revenus du secteur
rural en Afrique de l’Ouest proviennent de secteurs non agricoles. Il y a donc un champ de
formation qui n’est pas strictement agricole, mais qui concerne aussi la transformation, la
commercialisation… C’est d’autant plus important que dans cette partie on manque souvent
d’expertise.
3.
La politique de formation doit être construite par les nationaux, dans une stratégie de leadership
national. La Banque n’avait certes peut-être pas toujours cette image dans le passé, mais nous y
tenons beaucoup aujourd’hui. Cela veut dire que les partenaires qui vont être amenés à participer à
la réalisation du projet doivent s’inscrire dans les termes de référence définis par les nationaux.
4.
Cette politique de formation doit se bâtir avec une stratégie de construction de l’émergence de la
demande. Pour analyser la demande, il y a deux possibilités. La première, par un expert qui vient
analyser la demande, qui fait son rapport et s’en va. Dans ce système, trois ans après, il n’y a plus
qu’à recommencer. Notre objectif, c’est d’avoir une expertise qui permette aux pays de mettre en
place un système national d’analyse permanente de leur propre demande.
Il existe une expertise française dans le domaine de la construction de l’émergence de la demande… Je
l’ai rencontrée !
Par rapport à cette demande, il nous faut construire l’offre qui lui soit adaptée. Il faut donc mettre en
place des cadres de concertation qui permettent d’avoir en permanence une adéquation entre offre et demande.
Nous avons néanmoins deux domaines « d’inquiétude », entre guillemets, deux domaines qui sont des
problèmes pour lesquels des recherches doivent être conduites :
1.
Le problème de la pérennisation des financements de l’ensemble de l’appareil national de
formation agricole et rurale. Les Etats ont des difficultés financières et nos institutions sont parfois
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confrontées à des problèmes de stratégies politiques qui changent tous les 3 ou 5 ans… alors qu’un
dispositif de formation est mis en place pour des dizaines d’années. Par rapport à ce champ de
recherche, il n’y a pas souvent de réponse, notamment du côté français qui dit souvent que la
formation et l’éducation sont de la responsabilité régalienne de l’Etat et donc que l’Etat doit
financer… mais dans ces pays l’Etat ne peut pas financer !
2.
L’autre secteur de réflexion, notamment pour l’Afrique de l’Ouest en particulier et une grande
partie de l’Afrique en général, c’est que la situation des conditions de travail et des salaires des
cadres nationaux et des responsables de la fonction publique est désastreuse. Les meilleurs s’en
vont, quittent le pays, ou partent dans le secteur privé. Finalement, il n’y a pas d’assurance de
maintenir les meilleurs cadres dans les structures nationales. Or c’est antinomique avec notre
affirmation d’un leadership national. Il faut que les nationaux de haut niveau aient des postes de
responsabilité bien payés et qu’ils puissent faire leur travail dans de bonnes conditions sur une
durée de temps assez longue.
Quelques réflexions, enfin, concernant ce que vous pouvez faire par rapport aux projets auxquels
participe la Banque mondiale.
Premièrement. Ce n’est pas la peine de s’adresser à la Banque quand on cherche à travailler sur les
projets financés par celle-ci. Vous pouvez vous adresser à elle seulement pour savoir quel est le responsable
national du projet afin de lui faire savoir que vous êtes intéressé pour travailler sur certains aspects du
programme. Les programmes sont de la responsabilité des nationaux. La Banque s’assure seulement que les
marchés ont été passés dans la transparence et que les attributions sont faites auprès de ceux qui ont les
compétences nécessaires. Là encore, nous ne regardons plus seulement les curriculum - car nous savons tous que
sur ceux-ci ont peut écrire beaucoup de choses – nous regardons ce que les personnes ont fait, et nous vérifions
ce qu’elles ont fait dans les différents pays où elles sont intervenues. Ce qui importe, c’est un passé et un vécu
sur un certain nombre d’expériences.
Deuxièmement. L’offre française nous apparaît très atomisée. Cela a été dit et redit, mais il faut avoir
beaucoup de courage pour savoir « qui fait quoi ? » en France. Il faudrait vraiment que nos partenaires nationaux
sachent à qui pouvoir s’adresser, non pas sur un annuaire de la totalité des établissements français, mais sur un
annuaire qui permette une centralisation de l’offre et où l’on puisse juger de la qualité de cette offre.
Troisièmement, les échanges sont de différentes natures. Si vous souhaitez aider un collègue d’un lycée
de Ouagadougou ou de Bamako, c’est un problème individuel, ou un problème d’une association, ou un
problème d’un établissement. Mais cela ne concerne pas les projets soutenus par la Banque, même si je pense
que c’est là une question importante et qu’il faut continuer à faire ce type d’actions en utilisant l’intermédiaire
des fonds associatifs, des ONG, des collectivités territoriales… C’est d’autant plus important que les personnes
qui ont participé à ce type de projets ont une approche plus constructive, plus participative des projets.
Enfin, l’expertise cela se paye cher et les pays empruntent pour faire cette expertise. Le tarif de cette
expertise, de 2000 à 3000 F/jour, est plus élevé que le salaire mensuel d’un professeur dans une école secondaire
d’agriculture. Il n’est donc pas admissible de faire financer par un pays du tiers monde un expert qui ne fait pas
son travail et apprenne son métier sur le terrain. Il faut des résultats.
Quel est l’avantage comparatif des Français ? Il y a du côté français un avantage comparatif
important : votre style de formation a généralement un impact sur la structuration sociale des milieux…
Vous ne formez pas seulement les paysans sur les aspects techniques, vous le formez aussi à gérer leur
exploitation, à développer ses relations avec la coopérative, son environnement… Ce qui n’existe pas
toujours dans le système anglo-saxon. Il faut que cela apparaisse dans les évaluations qui ont été faites de
vos interventions. Mais la Banque mondiale « ne fera pas de cadeaux ». Ce que la Banque souhaite c’est
que les pays se construisent de manière nationale, quelle que soit l’histoire particulière de ces pays avec la
France. Nous faisons appel à des marchés internationaux, avec des appels d’offre internationaux, et nous
veillerons à ce que vous soyez en concurrence avec des représentants d’autres pays, d’Asie, d’Amérique
latine… La concurrence est forte et ouverte.
M. Georges GOSSET (Ministère de l’Agriculture et de la Pêche) :
Les intervenants précédents ont clairement défini et illustré les objets et les caractéristiques de la
demande internationale en ingénierie des dispositifs de formation.
Au niveau de la DGER, nous sommes amenés à traiter et relayer des demandes multiples, et dont les
principales portent sur l’adaptation ou la rénovation de dispositifs d’enseignement et de formation
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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professionnelle dans les différents champs qui relèvent de l’agriculture, de l’agroalimentaire et du
développement rural.
Les termes de la demande ayant été posés lors de cette table ronde, je voudrais exprimer quelques
observations quant à la relation entre cette demande et la capacité d’offre de l’enseignement agricole français.
Comme vous l’avez clairement indiqué, une réponse organisée nécessite de pouvoir mobiliser des
« experts référencés », opérationnels et disponibles rapidement. Chacun comprendra en effet que cette expertise
a un coût qui s’accommode mal de l’amateurisme, et ceci sans mépris aucun pour la motivation et la bonne foi
de quiconque.
Cela étant, la plupart des personnes présentes dans cette salle sont des personnels des établissements de
l’enseignement agricole public. En référence à la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999, et selon des
missions de l’enseignement agricole. Notre finalité commune est double : d’une part former les jeunes et les
adultes pour les secteurs professionnels relevant du ministère de l’agriculture et de la pêche, d’autre part
participer au développement territorial, par l’animation, le développement, l’insertion et la coopération
internationale.
Notre mission de service public, ainsi résumée, est-elle incompatible avec la demande d’expertise et
d’ingénierie que vous avez rappelée ? Sommes-nous inévitablement écartés d’une capacité de réponse
professionnelle et organisée sur le marché international des dispositifs de formation et des ressources
éducatives ?
Il n’est pas nécessaire ici d’insister sur l’ampleur des enjeux relatifs à la présence française dans le
monde, ni sur l’enrichissement individuel et collectif qu’apporte toute action d’expertise à l’international. Les
interventions en ingénierie des dispositifs de formation font partie intégrante de la mission de coopération
internationale, tout comme les échanges et la mobilité des apprenants ou les actions de solidarité.
Devons-nous pour autant chercher à développer un « corps d’experts » opérationnels et disponibles en
temps et en heure ? Le rapport réalisé sur le sujet en 1999 insistait sur la construction d’une expertise collective.
Il ne s’agit pas bien sûr de bouleverser tout ou partie de l’enseignement agricole, mais de favoriser et d’organiser
l’activité des personnes volontaires qui, de par leur compétence professionnelle s’affirment comme des experts à
l’international.
Il importe que l’investissement de -et sur- ces personnes se traduise par un retour sur leur établissement
d’abord, sur le service public de formation et de recherche ensuite.
L’activité d’expertise ne doit être détachée, isolée, de la démarche collective et du projet
d’établissement. Et c’est à ce niveau que se situe le bon compromis entre le professionnel capable de s’intégrer
dans une expertise collective à l’international, et l’enrichissement de la compétence collective de l’établissement
de formation.
En ce qui concerne la DGER, et en réponse à une demande encore fortement exprimée pendant ce
séminaire, la priorité consiste à mettre en place une organisation nationale apte à coordonner notre offre en
mobilisant au mieux l’ensemble des compétences. Pour ce faire, nous devons renforcer notre action au moins
dans trois domaines :
•
Le premier, déjà bien avancé, porte sur les relations avec le ministère des affaires étrangères et
notamment la définition d’une démarche commune en ingénierie à l’international
•
Le deuxième consiste à relayer la politique internationale de notre ministère en matière agricole et
agroalimentaire, portée par la direction de la production et des échanges internationaux (DPEI).
•
Le troisième domaine, qui demande le plus gros effort, vise à mobiliser les compétences et
favoriser les complémentarités entre enseignement supérieur et enseignement technique, entre
expertise technique et capacités d’ingénierie de la demande ou de l’offre pédagogique.
Je vous remercie.
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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M. Alain MARAGNANI :
Je vous propose en manière de conclusion provisoire de reprendre trois idées qui ont été émises au cours
de la table ronde avant de passer la parole aux participants de ces journées d’études :
1.
L’activité dont nous parlons ici, et Georges GOSSET a insisté là dessus, n’est qu’une partie des
activités internationales conduites dans l’ensemble du dispositif public d’enseignement agricole.
Les différentes activités internationales, de l’éducation au développement, en passant par les
échanges, les stages à l’étranger… et l’ingénierie des dispositifs de formation sont totalement
complémentaires les unes par rapport aux autres, les unes devant nourrir les autres.
2.
La seconde idée forte qui a été assez répétée depuis hier, c’est que les projets de formation doivent
s’inscrire nécessairement dans des stratégies nationales et qu’il faut travailler dans ce cadre
national.
3.
La troisième idée, c’est que l’expertise doit non seulement se construire sur la base de
compétences, mais aussi sur la base d’expériences qui puissent être intégrées, c’est à dire analysées,
critiquées et elles doivent nous permettre de participer à aider à la mise en œuvre de processus
participatives afin d’être un facilitateur de projet.
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Discussion
M. Hassine BOUZOUITA (Association de Vulgarisation et de Formation Agricoles –
Tunisie) :
Je voudrais tout d’abord revenir aux déclarations de M FAULIAU, représentant de la Banque
mondiale. Dans les années 80, le ministère tunisien de l’Agriculture a initié un projet avec la Banque
mondiale concernant l’éducation agricole pour la mise à niveau de la formation professionnelle agricole.
Malheureusement, les experts de la Banque mondiale nous ont imposé des procédures, des études
théoriques qui sont jusqu’à ce jour au placard et la mise à niveau n’a pas été faite. Avant de venir à
Montpellier, nous avons reçu une délégation de la Banque mondiale et le comportement de ses experts est
complètement changé.
Le Ministère de l’Agriculture a aussi des relations avec l’AFD depuis 6/7 ans pour le développement de
grands projets de développement agricole intégré dans trois régions de la Tunisie. L’AVFA suit ces projets et
appuie essentiellement la composante formation et vulgarisation. Ces trois régions nous ont demandé une
formation de leurs vulgarisateurs et des populations concernées. L’AVFA a démarré ces formations après avoir
formé un groupe de formateurs et nous travaillons en étroite collaboration avec les équipes de ces projets et
l’AFD.
Or l’AFD participe également à un grand projet de rénovation de la formation professionnelle avec le
ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi dans le cadre d’un programme national :
MANFORME. Le ministère de l’Agriculture est très intéressé par ce programme, nous avons 43 établissements
de formation professionnelle dans le secteur de l'agriculture et de la pêche. Nous avons alors demandé un
cofinancement avec l’AFD. Mais cela m’a fait revivre les années 80 de la Banque mondiale… avec des
procédures ignorant la loi définissant les attributions de l’AVFA qui a notamment pour mission la formation
professionnelle et l’ingénierie de formation.
L’AFD semble aussi ignorer l’ingénierie de formation en exigeant de dissocier la gestion des espaces
pédagogiques, des équipements pédagogiques, de l’élaboration des programmes de formation et de la formation
des formateurs. A cet effet L’AFD demande à l’AVFA de ne s’occuper que des constructions des espaces et
équipements pédagogiques alors qu’elle confie l’élaboration des programmes de formation professionnelle en
agriculture et à la pêche ainsi que la formation des formateurs des établissements relevant de l’AVFA à une
institution non agricole.
M. Jean-Claude DEVEZE (Agence Française de Développement) :
Je n’ai pas travaillé sur ce dossier tunisien, mais je sais quels sont mes collègues qui y contribuent. Il est
vrai que nous pouvons avoir parfois, les uns et les autres, des problèmes de coordination entre nos spécialistes du
développement rural et de formation. Je vais, pour ma part, leur transmettre vos remarques.
M. BECKER (Expert indépendant) :
Je fais partie d’un réseau d’experts indépendant qui s’appelle CADE et qui est membre associé
d’Agropolis.
Je voudrais revenir sur le coût des interventions d’expertise telles qu’elles ont été annoncées par M
FAULIAU, soit 2 à 3000 francs par jour. Ce sont certes des coûts élevés (à relativiser par rapport au coût de
certaines expertises pratiquées en France), mais il ne faut pas oublier que nous sommes en France, et que nous
avons entre 40 et 45% de charges sociales (ou autres). Les prix pratiqués par les experts indépendants, et qui sont
souvent imposés par les bailleurs, ne sont donc pas si élevés que cela au vu du travail réalisé.
M. Christian FAULIAU (Banque mondiale) :
J’en suis bien d’accord. Mais je soulignais le coût que cela représentait pour le pays.
M. Alexis KEMAHON (Ministère de l’Agriculture de Côte d’Ivoire) :
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Je remercie les organisateurs de cette rencontre parce que nous avons sollicité une rencontre avec l’AFD
au moment où nous quittions Abidjan afin que nos projets de terrain puissent évoluer rapidement. Je voudrais
souligner 4 points ;
1.
Nous travaillons avec l’AFD sur le programme d’appui aux producteurs dans le cadre de la
libéralisation de la filière café cacao. Ce projet est d’une importance capitale d’autant qu’il est
composé d’un financement de la partie canadienne, et d’un apport de l’AFD. Ce programme,
malgré son importance, est toujours en attente dans sa mise en œuvre.
2.
Le second point concerne les centres de gestion des exploitations. Sur la base de l’expérience
développée avec l’installation des jeunes agriculteurs, nous pensions avoir un appui à ce sujet.
3.
Troisième point, celui des Centres des Métiers Ruraux, sur lequel nous avons deux approches,
celui de la GTZ et celui de la coopération française. Nous souhaitons une harmonisation et une
extension de cette expertise au niveau des différentes régions pour que cette formation de base
puisse se concrétiser comme nous le souhaitons.
4.
Dernier élément. L’ingénierie de formation. Il y a un travail de base qui est mené, il y a une
demande qui s’exprime, il s’agit de constituer les compétences locales pour jouer le rôle de
l’analyse et de la participation à la réalisation des formations au niveau local.
Nous osons espérer que nos projets puissent connaître leur aboutissement.
M. Jean-Claude DEVEZE (Agence Française de Développement) :
Sur les problèmes de gestion des exploitations, nous sommes en train d’organiser un atelier avec le
ministère des Affaires étrangères pour faire le bilan de ce qui a été fait au Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Mali..
pour être ensuite beaucoup plus offensifs. Mais nous avons déjà deux gros projets, l’un au Bénin et l’autre au
Mali et on espère en Côte d’Ivoire bientôt.
M. Gérard RENOU (Centre International d’Enseignement Pédagogique).
En tant qu’inspecteur de l’Education Nationale, je suis venu à vos journées d’études pour deux raisons :
1.
La première c’est qu’il était question de stratégie d’intervention et que l’on soit de l’agriculture, de
l’environnement, ou de l’éducation nationale les approches, en termes de coopération et de
partenariat, se rejoignent.
2.
Il existe un lien évident entre éducation et formation, une transversalité entre tous les secteurs du
développement humain : santé, éducation et développement rural en particulier.
Les journées d’études ont permis à tout le monde de comprendre que l’expert, au plan international,
devait se situer dans un triptyque entre une demande et des attentes des pays tiers, (notamment des populations,
des communautés rurales et urbaines dont il n’a sans doute pas été suffisamment question), les bailleurs de fonds
et l’offre française.
Je voudrais faire deux remarques. Merci à M DA DALT pour sa hiérarchisation des experts.
J’y ajouterai que, dans le cadre de l’expertise européenne, on distingue également deux niveaux : les
juniors et les seniors. Cette différence permet à ceux qui n’ont pas beaucoup d’expérience d’espérer
l’accroître. La seconde, c’est qu’il ne faut pas seulement des experts français acceptant de se
déplacer, mais aussi des experts acceptant de s’engager. La motivation doit être à la hauteur d’autre
chose qu’un déplacement l’hiver hors de France. Par ailleurs il faut non seulement se déplacer et
s’engager mais il faut aussi pouvoir le faire en étant soutenu, voire encouragé par l’institution. C’est
actuellement rarement le cas et c’est pour l’intéressé le plus souvent un parcours du combattant.
J’ai été choqué d’entendre dire qu’il ne fallait pas changer le système existant pour se mouler à la
demande pour pouvoir profiter des financements multilatéraux. Il s’agit de faire bénéficier le système français
d’une ouverture à l’international qui ne peut que lui être profitable si cette dimension est intégrée aux actions
habituelles ou au projet d’établissement. Si l’on mène de telles actions partenariales à l’international permettant
de valoriser le savoir-faire français, les deux systèmes bougeront, le système bénéficiaire et le système qui offre
ses services.
M. Georges GOSSET (Ministère de l’Agriculture et de la Pêche) :
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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Je suis désolé que vous ayez été choqué. D’une part ce n’était le but ,d’autre part, je partage le point de
vue que vous venez d’exprimer. Mon propos consistait à dire qu’on ne peut pas écarter une préoccupation qui est
celle – pour rester dans les termes de marché – du retour sur investissement. Ce retour sur investissement ne peut
se limiter à l’accroissement de l’expertise individuelle.
Les activités de coopération internationale doivent aussi permettre de faire bouger les systèmes
d’éducation et de formation.
M. Christian FAULIAU (Banque mondiale) :
Il faut faire attention aussi un peu aux experts internationaux. J’en fais partie. Mais parmi ces gens là je
reconnais qu’il y en a qui savent tout sur tout et qui passent de pays en pays en recopiant des recettes. Il me
semble intéressant d’accompagner un bon expert par quelqu’un qui continue à travailler. Il faudrait pouvoir
constituer ces jumelages. On a certainement tout à y gagner de part et d’autre.
Mme Anne-Marie GRANIE (Ecole Nationale de Formation Agronomique) :
La mission de coopération internationale apparaît dans des propos récurrents comme une mission
« annexe », par rapport à la mission centrale d’enseignement, notamment parce que sur le terrain, dans
les établissements d’enseignement technique, très concrètement, c’est une mission très difficile et très
compliquée à mettre en œuvre.
Il faut rediscuter de ce qu’est aujourd’hui le métier de professeur de l’enseignement agricole
auquel cas, véritablement, ces missions « annexes » peuvent devenir « centrales » à coté des autres dans la
constitution du nouveau métier.
M. Jacques BODIN (Société Française d’Exportation des Ressources Educatives) :
Comme le dit Charles RAFFIN, la SFERE créée il y a 15 ans par le Ministère de l’Education Nationale,
de l’Agriculture et des Affaires Etrangères a reçu d’eux la mission d’être un opérateur au service des
établissements du système éducatif français pour leur permettre d’effectuer des opérations d’exportation. Forte
de ces 15 années d’expérience et à ce point de nos débats, je voudrais insister sur deux aspects.
1.
S’agissant de la demande étrangère notamment dans des pays non francophones, on constate que
cette demande est le plus souvent polymorphe et de surcroît mal formulée. Le premier travail de
l’expert est – sauf en cas d’appel d’offres où par définition ce problème ne se pose pas – d’aider le
partenaire à clarifier ses attentes et à exprimer précisément ses besoins.
2.
S’agissant de l’offre le problème est symétrique. Neuf fois sur dix, le produit correspondant
n’existe pas tout prêt « sur rayon » dans le système éducatif français. L’expert doit faire un gros
effort d’imagination et d’adaptation. Cela suppose qu’il ait une bonne connaissance des ressources
disponibles.
En outre cela a pour conséquence que, dans le cas où le partenaire décide ensuite de concrétiser sa
demande par un appel d’offres international, l’organisme qui a fait l’étude préliminaire ne peut y répondre étant
disqualifié d’office. Il y a là une réflexion à mener et des solutions à trouver pour l’avenir.
Il y a également dans ce domaine une seconde contradiction qui a déjà été soulignée auparavant : c’est
que pour être considéré comme un expert qualifié à l’international, il faut avoir de l’expérience en ce secteur et
que naturellement pour avoir de l’expérience, il faut avoir été expert. Il a été dit par quelqu’un tout à l’heure
qu’une solution pourrait être l’émergence d’une sorte de corps « d’experts internationaux ». Personnellement, je
ne crois pas que ce soit la bonne solution. Je pense au contraire que le bon expert sera celui qui est déjà un
excellent enseignant dans son établissement et qui a envie de travailler à l’international pour des missions de
durée variable en alternance ou en concomitance avec son travail en France. Ainsi, il enrichit son enseignement
français de ses expériences internationales et réciproquement.
Il convient donc de faire émerger ce type d’expert au sein des établissements car en définitive c’est
l’intérêt de ce dernier. Cela pose évidemment aux établissements le problème de la disponibilité de leur
personnel et à l’enseignant celui d’une bonne pratique écrite et orale d’une langue étrangère.
Pour conclure, je dirai que de toute façon ni le Ministère de l’Education Nationale, ni le Ministère de
l’Agriculture et de la Pêche n’ont le choix face aux défis internationaux. En effet si nous n’investissons pas
résolument le champ de l’international, nous nous condamnons à terme au dépérissement de notre propre
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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système. En outre, cela signifie que l’on accepte que les futurs élites des pays émergents soient formés par des
pays étrangers avec toutes les conséquences que cela induit à terme pour notre économie, en général et notre
agriculture, en particulier. Pour ne prendre qu’un exemple qui est presque caricatural, tous les Etats d’Amérique
Latine constatent aujourd’hui qu’ils sont incapables de donner de la valeur ajoutée à leurs produits agricoles car
leur système éducatif est incapable de fournir à leur marché de l’emploi des personnels qualifiés pour ce faire.
Pour combler ce handicap, ces pays savent qu’ils ont besoin d’une assistance technique étrangère : ou bien la
France saura faire face à ce défi, ou bien d’autres qu’elle le feront
M. Alain MARAGNANI :
Nous allons clore ici la table ronde et je tiens à remercier les personnes qui sont venues débattre à cette
table ronde. Nous allons laisser la place à M Marc LATHAM, directeur du CNEARC et chargé de la formation
auprès du président d’Agropolis qui va présider maintenant la séance, et à M Mathurin NAGO, doyen de la
faculté des sciences agronomiques de Cotonou qui a accepté cet exercice difficile de nous faire part de ses
remarques suite à sa participation à nos journées d’études.
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Allocution de M. Mathurin Nago
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Cinquièmes Journées d’Etudes
Ingénierie des dispositifs de formation à l’international
9 - 10 Novembre 2000
Agropolis International – Montpellier (France)
Allocution de M. Mathurin Nago
Doyen de la Faculté des sciences Agronomiques de Cotonou
M. Marc LATHAM (CNEARC) :
Nous n’allons pas faire un discours de clôture, car un discours de clôture c’est généralement fait par un
directeur général de l’administration qui vient nous donner un avis consensuel sur ce qui a été fait et qui vient
tracer des voies d’avenir. Ces cinquièmes journées nous permettent d’être aujourd’hui « au milieu du gué » dans
ce processus de construction d’une expertise française et nous n’avons peut-être pas encore un avis définitif sur
ces questions, loin de là.
Dans cette optique, le comité de pilotage a pensé que nous pourrions offrir la parole à un de nos
partenaires. Nous avons entendu hier et aujourd’hui des opérateurs, des bailleurs de fonds… C’est maintenant
important qu’un de nos partenaires puisse nous faire part de ses réflexions. M Mathurin NAGO est le doyen de la
faculté des sciences agronomiques du Bénin, qui connaît bien ses partenaires français.
M. Mathurin NAGO.
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour le privilège qui m’est donné et l’honneur qui m’est fait de
prononcer cette allocution de clôture, en espérant que je saurai combler les attentes des uns et des autres.
L’objectif de ces journées d’études était celui de la question de l’organisation de l’offre française afin
de répondre efficacement aux besoins de création et de rénovation de dispositifs de formation agricole dans le
cadre de programmes nationaux appuyés par les institutions internationales.
Globalement, les différentes interventions (des représentants du ministère des Affaires
étrangères, du ministère de l’Agriculture et de la Pêche à la séance d’ouverture, des représentants
des institutions françaises et internationales au cours de la table ronde), les débats durant les ateliers
thématiques et les plénières, ont apporté, en partie, des éléments de réponse à cette question de
l'organisation de l'offre française : cette offre doit en effet se structurer, s’organiser, travailler en
partenariat, en utilisant l’ensemble de ses compétences pour être capable de répondre aux demandes
de formation qui semblent potentiellement importantes.
Actuellement, on note plutôt une dispersion des institutions et des compétences capables de fournir
l’expertise nécessaire dans ce domaine. Il y a donc véritablement des efforts de regroupement et d’harmonisation
à faire à ce niveau. Cette rencontre doit pouvoir y contribuer.
Au-delà de ce commentaire global, on peut faire quelques observations plus précises, plus spécifiques :
* Au niveau de la participation : on note une grande diversité de l’assistance à ces journées
d’études, au plan des compétences et des fonctions, ce qui est une bonne chose pour les échanges,
la construction concertée et l’enrichissement de l’expertise française ;
* Au niveau du déroulement, de la conduite séquentielle et pédagogique et des thématiques
abordées :
•
On peut exprimer une relative satisfaction puisque la démarche adoptée a permis d’abord de décrire
la politique de coopération internationale dans son ensemble ainsi que les programmes de certaines
institutions majeures en matière de développement et de formation agricoles, puis de présenter et
d’analyser quelques projets particuliers afin d’en tirer des leçons et les éléments essentiels pour
répondre efficacement aux questions qui sont posées : Comment organiser l’offre française à
l’international pour qu’elle soit efficace et compétitive et comment passer d’une logique directive
d’offre à une logique participative de construction d’une demande ?
•
Un petit regret est à exprimer à ce niveau : le peu de débats et de réponses précises à la question de
l’organisation de l’expertise française, en raison, probablement, de la complexité et de la difficulté
5èmes Journées d’Etudes « Ingénierie des dispositifs de formation à l’international » – 9/10 Novembre 2000
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de la question. Les échanges, les concertations, les réflexions, doivent donc se poursuivre à cet
égard.
Dans tous les cas, la réponse à cette double question fondamentale doit tenir nécessairement compte de
certains préalables et de certaines exigences que ces journées d’études ont pu aborder partiellement :
1.
L’offre française doit résolument s’inscrire dans une logique partenariale et participative, ce
qui suppose :
•
L’évitement d’idées préconçues de solutions préfabriquées, de paquets tout faits ; il y a en effet
une tendance forte à, vouloir porter sur l’autre ses propres ressentiments, ses propres besoins,
les problèmes et les réalités que l’on vit soi-même ;
•
L’évitement de comportements uniquement mercantiles, de commerçants ordinaires usant de
tous les moyens pour placer leur marchandise, leur produit. La formation est en effet une chose
à la fois importante et délicate qui, plus que tout autre produit et parce que s’adressant à des
êtres humains dans une culture spécifique et confrontés à des réalités socio-économiques
particulières, doit être abordée, construite, transférée et vendue (co-vendue) autrement :
™ En associant tous les acteurs locaux (exploitants, experts nationaux…) à toutes les phases
de l’étude et de la construction des besoins, des demandes de formation, de la construction
de l’offre et de la mise en place des dispositifs ;
™ En accordant une place de choix à l’étude, à la prise en compte du milieu, de ses
caractéristiques socioculturelles, des problèmes existants, des politiques de formation et de
développement rural en vigueur ;
™ En privilégiant la construction participative de l’offre pour pouvoir garantir son
appropriation locale et sa durabilité.
2.
3.
Autres choses qui méritent d’être prises en compte dans le processus de construction de
l’offre pour en assurer l’efficacité et la réussite durable : la nécessité de la pérennité des
dispositifs de formation qui seront mis en place, d’où :
•
La nécessité de contenir les coûts dans des limites acceptables, à la portée budgétaire des pays
bénéficiaires ;
•
La nécessité de l’appropriation véritable des dispositifs par les acteurs locaux et la nécessité de
la motivation des experts et cadres locaux participant à tout le processus ou chargés de gérer et
de conduire les formations mises en place.
Enfin, il est à noter que cette construction et cette proposition d’offre de dispositifs de
formation se font dans un contexte très compétitif, dans un contexte de mondialisation où il
n’y a plus de chasse gardée, de pré-carré…
De mon point de vue, l’expertise française a les compétences, les aptitudes, les atouts pour réussir face à
la concurrence internationale, mais à trois conditions essentielles :
1.
Qu’elle résolve les problèmes de son organisation, de sa trop grande dispersion ;
2.
Qu’elle ait foi en elle-même, en ses compétences, en ses capacités, en ses structures, en ses
programmes ;
3.
Qu’elle ne cherche pas seulement à mimer les autres expertises, notamment anglo-saxonnes. On
peut, on doit rester ouvert aux échanges, mais on ne doit pas négliger ses propres valeurs, sa propre
identité. Il s’agit de les enrichir au contact des autres.
4.
Enfin, que les experts impliqués soient bien choisis en termes de compétences, d’aptitudes,
d’expériences, de dynamisme et d’ouverture d’esprit.
Je vous remercie.
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