Bernard LeLay
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Bernard LeLay
« Une compagnie a eu un engagement à Ambernac avec des allemands et on déplore quatre morts, les maquisards de Piégut et de Nontron ont eu à subir les violents assauts d’un groupe d’allemands et de miliciens vers Javerlhac. Bernard veut savoir… Je pars donc dans la nuit très noire. Et me voilà, malgré ma bonne vue roulant dans le « cirage » sur les petites routes qui relient Pressac à Massignac, noyées de branches de châtaigniers qui se réunissent en hauteur. Sur la grandroute, premier obstacle, le barrage érigé par nos soins : une trentaine de chênes séculaires, énormes ferment la route sur plus de cent mètres, et il faut les contourner par les près marécageux en face de la propriété des étangs de Massignac. Sur les petites routes, je me dirige surtout par le crissement des pneus; il n’est pas le même sur le sol ferme, le gravier, l’herbe… vous vérifierez ! Sur la grand’route, le peu d’éclairage reçu me suffit, et je roule, vite… La Belle Etoile… l’Arbre, descente vers Montbron à tombeau ouvert. Las ! Un énorme châtaignier juste abattu me reçoit, m’enveloppe de ses fouilles et de ses branches. Quel choc ! S’il avait été ébranché je me tuais ! Quelques égratignures seulement ; le vélo indemne, je repars vers Montbron, puis Marthon… En route pour Javerlhac où je me renseigne, puis Nontron, Saint-Mathieu, Les Salles, Pressac… où j’annonce le retour au calme de la région de Javerlhac. Quelle étape, mes amis, contrôlez et essayez un peu pour vous rendre compte, sans lumière, la nuit, à pieds, à cheval ou en voiture… à votre guise ! » [ page 86.]. James Lanceron sera rapidement élevé au grade de capitaine. Il intègrera l’Etat Major du futur colonel Bernard et sera chargé de la sécurité de Limoges. Sur la soi -disant justice expéditive des maquis, souvent dans le but de nuire, il s’est dit beaucoup de choses. Au maquis Bernard, chaque cas était instruit en bonne et due forme. Le cas était-il litigieux, la personne était renvoyée dans ses foyers. « Les jeunes miliciens que nous avons arrêtés ont été placés dans des compagnies où ils devenaient de bons combattants de la libération. Nous ne pouvions rendre ces jeunes de moins de vingt ans responsables des erreurs de leurs parents qui les avaient contraints à entrer dans la milice ». [ page 93.]. Concernant les fanatiques, le problème était tout autre. Comme l’exemple de cette affaire qui date de près de soixante-dix ans. Parfois, aujourd’hui, on en parle encore, souvent sur un ton de réprobation, qui se veut porteur de discrédit à l’égard des combattants de la liberté. Elle concerne cette jeune femme fusillée en tenue de mariée. – « Milicienne notoire elle poussa l’audace jusqu’à venir se marier à Chabanais. Arrestation. Le marié, n’étant pas dans le coup, est aussitôt relâché. La mariée, interrogée, nous étale… ses titres et son emploi au siège national de la Milice à Limoges. Avec un air hargneux, elle précise : « Je jouissais lorsque je voyais torturer les maquisards ! ». Que faire en pareil cas ? Elle fut fusillée en tenue de mariée ». 8 [ page 109.]. Autre cas : « …, celui d’un haut responsable des services du Maréchal. Nous l’avons arrêté, en possession des médailles de maquisards – Croix de lorraine et autres – qu’il venait de faire déporter en Allemagne. Quelle situation ! Quel problème ! Ce monsieur était général ! … S’allier avec les Hitler, Mussolini, Franco, les pires ennemis des peuples, fournir ces ennemis d’otages dont on connaît le sort futur, c’était et ce sera toujours dépasser les limites permises. Nous avons fait une enquête très approfondie, nous avons cherché la plus petite action en faveur de la France. Rien. Nous lui avons tendu la perche : « Et si vous étiez libre… Que feriez-vous ? » - « Je me retirerais dans mes propriétés en Suisse ». Voilà où en étaient arrivés certains chefs militaires, par esprit de classe, par haine du peuple ». [ page 110.]. Puis ce sera la libération et le début des désillusions. Le 8 mai, date de la reddition des troupes allemandes et la signature de l’armistice, « Notre mission était terminée… car notre engagement était précis : pour la durée de la guerre contre l’Allemagne… je ne revins pas à Saint-Maixent, brisant d’un seul coup mon avenir militaire ! Peut être serais-je à présent commandant, colonel, voire général !.. Si le cœur m’avait dit de faire l’Indochine, la Corée, l’Algérie. Aucun regret ! Je n’ai jamais aimé cette « haute forme » de la culture. J’ai combattu avec mes camarades de la Résistance contre les barbares, des assassins, pour sauver les amis, les prisonniers, le pays… ». [ page 118.]. Bibliographie : « Souvenirs » de James Lanceron. Presses de l’Imprimerie Générale Charentaise. 1966. Edition épuisée. « Dictionnaire de la résistance en Charente ». Guy Hontarrède. Editions Le Croît-Vif. « Quotidien Sud-Ouest du 3 mai 1993 ». Excellent compte-rendu de la carrière et des obsèques de James Lanceron. Numéro spécial : les communistes et la Résistance (4) Ce numéro spécial est le quatrième d’une série qui recueille et dévoile des témoignages sur la Résistance en Charente. Inédits, ces textes nous racontent la part qu’y ont pris les communistes. Mobilisé au Maroc en 1939, il en profitera, comme de nombreux jeunes communistes de l’époque, pour se familiariser au maniement des armes et à des rudiments de tactique militaire EDITORIAL Bernard LeLay, Il revient en France après la signature de l’armistice. Il arrive en Charente en 1941. Ainsi qu’en font foi les documents de la sous-préfecture de Confolens et ceux de la milice. dit le Colonel Bernard. Résistant et Homme Communiste. Connu en Charente et dans la Résistance sous le nom de guerre de Bernard, qui en fait était son véritable prénom, Bernard Lelay est né à Bourbiac, Côtes du Nord, en 1911. Ce Breton qui deviendra colonel émigrera très tôt et deviendra imprimeur. Rapidement il se verra confier des responsabilités au secrétariat du Syndicat National du Livre. déposé le xxxxxx 2011 Il était astreint à résidence surveillée en raison de ses qualités de communiste et de typographe à l’Humanité. Pendant quelques années, il occupera des emplois de carrier, d’ouvrier agricole, qui lui rappelaient ses origines modestes de sa Bretagne natale. Il se fera remarquer par son sérieux au travail, mais surtout par sa grande compréhension des évènements que subit le peuple de France. En cela il se forgera, sans sectarisme, de solides amitiés qui furent très utiles pour la suite. SOMMAIRE Page 1 Bernard LELAY, dit le Colonel Bernard. Résistant et Homme Communiste. Par André PRECIGOU Page 5 James LANCERON La Résistance faite Homme Par André PRECIGOU Devenu membre du Front National, il passe aux F.T.P., et dès la première création de maquis, il prend du service actif. Son ascension sera rapide du fait de solides connaissances militaires acquises au Maroc et durant « la drôle de guerre », et grâce aussi à « l’absence de cadres d’active…, beaucoup étaient ailleurs ! ». [J. Lanceron, Souvenirs, Presses de l’Imprimerie Générale Charentaise, 1966]. De suite il allait se révéler comme un grand meneur d’hommes. D’un abord revêche, ses cheveux en bataille furent vite connus de toute la région. Toutes les denrées, tous les produits de la ferme furent réglés immédiatement à l’achat par une commission des producteurs eux-mêmes. Mais comment vous procuriezvous l’argent nécessaire ? Là, intervenait le Service de Sécurité ; c’était une de ses attributions, car les parachutages envoyés aux F.T.P. ne contenaient que peu d’argent. Notre Service de Sécurité était dirigé par un homme déjà âgé…« Ghandi », d’une probité à toute épreuve. Ghandi lui-même avait trouvé la clé du problème financier. Puisque certaines personnes ont trahi, puisque d’autres ne justifient néanmoins pas le châtiment suprême, … Toutes ces personnes vont être invitées –fermement – à verser une contribution à la grande cause que nous menons, la libération du pays ! Bien entendu, toutes ces sommes étant comptabilisées, des reçus en règle étaient donnés aux personnes « sollicitées », et d’ailleurs ces sommes ont été remboursées après la Libération ». [J. Lanceron, Souvenirs, page 92]. La santé personnelle de Bernard n’était pas dans ses priorités. Il fumait beaucoup, mangeait très peu, dormait mois encore. Le maquis F.T.P. de Chabanais, vite dénommé « Maquis Bernard », dépassera les deux mille participants à la prise de Limoges. A son initiative la disposition en étoiles de toutes les formations du maquis était un modèle du genre, une garantie de sécurité à tel point que la commission interalliée voulait y installer son terrain d’aviation. Bernard n’était pas, comme certains, un commandant (son grade à l’époque) de salon. Il était de toutes les attaques ; à Exideuil, à Oradour-sur-Vayres, à Aixe-surVienne…, au pont de Chabanais, au plus fort du combat, quand la situation était grave, au milieu de ses hommes, la voix calme, le commandement sûr, il allait se montrer un grand militaire, un grand tacticien spécialiste de la guérilla. L’ennemi, mille deux cents allemands et miliciens, ne pourra passer la Vienne, et ce, malgré ses hommes bien entraînés à la guerre et supérieurement équipés de chars, automitrailleuses, etc. Mais surtout il sera respecté pour sa justice et son souci premier d’économiser les hommes – qu’il partageait avec Guingouin [note de l’auteur], - « le capital le plus précieux », disait-il inlassablement. Ainsi aucune opération n’était-elle décidée sans avoir découvert le moindre coût en matériel, et surtout en hommes. Bernard était partout où sa présence alliée à ses connaissances pouvaient emporter la décision, et toujours avec cette grande préoccupation, le moins de pertes possibles en hommes. Très vite il comprit que pour le moral et la bonne tenue de ses hommes, le ravitaillement était primordial. Il va vite y apporter un soin tout personnel, notamment en faisant une pression active et serrée sur les agents du régime de Vichy. Après avoir contribué à la prise de limoges, que Guingouin parachèvera, Bernard fonce participer à la libération d’Angoulême. Le 31 août, ses maquisards passent à l’attaque dans les quartiers est de la ville. « Ravitailler deux mille hommes n’est plus une petite affaire ! Nous trouvâmes la solution. Bernard lui-même monta à Confolens dans les services préfectoraux, rassembla tous les agents et leur dit, en substance : « Vous êtes des personnes qualifiées. Vous connaissez la production régionale, ses possibilités. Vous avez travaillé pendant quatre ans sous les ordres du Maréchal. Maintenant vous allez travailler pour nous ». Personne n’alla contre ! Le premier septembre, la ville est libérée et Bernard jusque là commandant, est élevé au grade de lieutenantcolonel. Ses officiers et ses hommes vont reformer le 107° Régiment d’Infanterie qui va combattre sur le front de Royan. 2 Bernard lui, reste à la tête de la subdivision de la Charente. Le lendemain la Gestapo se présente à son domicile. Mais James est en route direction l’Ardèche pour se mettre au vert chez un camarade de service militaire. Il y passera l’hiver 43-44. Mais le danger rôde. Les maquisards arrêtent une tenancière de café dont le mari est Waffen S.S., et le chef du bureau de poste. Sur eux une liste de « personnes dangereuses », James y figure en bonne place. Il décide alors de revenir en Charente. Ne pouvant paraître à Montbron, il se planque chez un cousin à Blanzac. troubles possibles, il est arrêté et interné à la prison de Montbron comme OTAGE ; « Que serait-il advenu en cas de coup dur ? ». [ page 57.]. Sur plainte de la Légion des Combattants, il sera de nouveau révoqué de son emploi de contrôleur. « Trop dangereux pour cet emploi ». Alors il se décide de travailler uniquement avec son père qui entreprend des coupes de bois pour le compte de la compagnie des autobus du Tacot, pour fournir les gazogènes en charbon de bois. Ils logent à Charras dans une baraque de planches. Il est surveillé de très près par la milice et les collaborateurs, qui font de fréquents passages. Montbron devient de plus en plus infréquentable. Conscient du danger qu’il fait courir à cette famille, il cherche à entrer au maquis F.T.P. de Chabanais. « J’apprends enfin qu’un maquis F.T.P. existe près de Chabanais. Je m’y rends et rencontre, à Massignac – je crois me le rappeler – Bernard, le futur colonel Bernard, qui me dit : « Oui, j’ai entendu parler de toi ! Que sais-tu faire ? » - « Mais, tu as un beau vélo ! Tu vas remplacer le camarade agent de liaison qui a été fusillé par les miliciens il y a deux jours à SaintVictorien ! ». C’est d’accord ! Au moins, là, on sait où on va ! Il y avait une trentaine de miliciens, parmi eux des anciens Croix de Feux, un groupe de P.P.F. du sinistre Doriot, des fascistes avec entre autres le secrétaire départemental, en résidence un chef de centaine de la milice, qui avait fait son service en Allemagne avec le grade de lieutenant S.S. James Lanceron est maintenant un militant très actif au Front National. Le domicile de son père devient une sorte de base arrière où, le dimanche, le responsable départemental des F.T.P., vient se mettre au vert. Je ne connaissais pas Bernard, et, pourtant nous étions voisins lorsque j’étais instituteur à Verneuil et lui en résidence surveillée. Et pourtant nous avons couché ensemble, de longs mois, sur les fichiers des renseignements Généraux et de la milice à Confolens : lui, Lelay Bernard, ouvrier typographe à l’Humanité, en résidence surveillée ; moi, Lanceron James, instituteur, communiste, révoqué ». Le dernier responsable qu’ils abriteront sera Berque – fusillé à La Braconne – « Un garçon sec, décidé, courageux. Un jour il avait amené avec lui un garçon solide, calme, résolu, un inter-cadre qui contrôlait une dizaine de départements. Ce dernier avait participé à l’évasion de Marcel Cachin déguisé en chiffonnier. Il fut pris dans le train entre Nantes et Bordeaux… » [ page 67.]. [ page 85.]. Tout maquis F.T.P. – Ce n’était un secret pour personne – était à direction et contrôle communiste. Ses buts étaient la libération de la France, avant tout, et le plus rapidement possible. Le maquis Bernard était à quatre vint dix pour cent composé de paysans et d’ouvriers de la région de Saint Junien surtout, d’Angoulême, Ruelle, de Paris même. La lutte devient plus dure, implacable. La Gestapo arrêtait tous les gens actifs, tous les suspects qui lui étaient signalés. Une dénonciation signifiait l’arrestation, la prison. En octobre 1943, année terrible, c’était par dizaines chaque jour que les gens comparaissaient au siège de la Gestapo à Angoulême en collaboration avec la police spéciale « française » de Poitiers. Les camarades tombent les uns après les autres. Il y avait des étrangers, des espagnols, des italiens, des russes aussi, évadés des camps allemands. Il y avait des communistes évidemment, mais aussi des gens sans appartenance définie, et même des gens dits « d’extrême droite ». Ca se rapprochait dangereusement ! Berque, son chef direct des F.T.P., en prison à Angoulême lui donne l’ordre de s’enfuir. Ordre donné par l’intermédiaire d’un nommé Julien, charbonnier de profession, qui venait de passer trois semaines en prison pour avoir reçu le « Populaire Clandestin ». – Ce qui fédérait tous ces volontaires, au-delà de leurs opinions politiques, c’était « qu’ils voulaient se battre contre l’occupant et qui savaient que là, on se battait ». [ page 87.]. « Dans sa détresse dans l’attente d’une mort certaine, mon chef veillait à la sécurité de ceux qui étaient libres. Quelle haute conscience morale ! Quelle meilleure preuve de dévouement à la cause de la France ! ». [ page 75.]. James était donc agent de liaison, responsabilité très exposée, où les risques sont imprévisibles, sournois… « et on est seul », une bicyclette, pas d’éclairage, pas d’arme. La mort qui peut survenir à tout instant. Pour les amateurs des dimanches matin, de cyclisme, qui parfois se laissent aller à se croire des professionnels. Il était temps. Que pensent-ils de l’étape suivante dans le contexte du moment ? 7 précision de l’auteur). Combien de maquisards ont-ils ravitaillés par la suite ! ». [ page 44.]. Plus tard les Chaduteaud seront arrêtés et mourront en déportation fin 1943. La bourgeoisie de Montbron allait particulièrement se distinguer en faveur du fascisme. « Usiniers, vétérinaire, médecin, pharmacien, notaire, gros exploitants et commerçants se rassemblaient et complotaient. Certains portaient béret et bottes, imitaient les chefs nazis, se croyaient déjà en pays conquis ». [ James Lanceron. Souvenirs. Imprimerie Générale Charentaise.1966. page 27.]. Pour se faire démobiliser James Lanceron sera obligé de se rendre à Toulon. Il a vingt quatre ans au moment de son retour à la vie civile. Il sera nommé comme instituteur le 15 mars 1941 à Verneuil-sur-Charente près de Massignac. Il ne peut camoufler sa pensée. Face à eux on trouve le Parti Communiste et ses Jeunesses. James Lanceron dresse de ces deux formations un état lucide et honnête, bien loin d’un certain mythe : « Prétendre que le Parti Communiste et ses Jeunesses étaient supérieurement organisés serait mentir. C’était un peu l’anarchie dans nos régions. Le responsable du Parti ne souffrait aucun partage ; rien ne se faisait sans lui : il était tout, secrétaire, trésorier, recruteur, conférencier. Le Parti c’était lui ! Les Jeunesses n’échappaient pas à ces méthodes, avec lui des dirigeants moins capables encore ; souvent il fallait corriger les « bourdes » que les dirigeants faisaient dans l’organisation et dans les discours. Cependant, l’esprit combatif et le bon sens du peuple aidant, les progrès étaient sensibles ». [ page 29.]. Ils vont se frotter durement aux fascistes locaux et sauront entraîner ouvriers et paysans à s’opposer aux manifestations des admirateurs zélés du nazisme. Entre autres celle qui aura lieu salle du Minage, avec la présence de tout le gratin charentais. Si les abords et les portes étaient bien gardés…, les toitures ne l’étaient pas. Et bientôt une violente pluie de tuiles fit évacuer la salle ! James Lanceron va participer activement aux évènements de 1936 et du Front Populaire. Il devient membre du Parti Communiste. Puis ce sera le départ au service militaire. Il sera incorporé le 1° septembre 1937 au 3° Dépôt de la Flotte de Lorient, aussitôt versé à l’Ecole des Fusiliers-Marins en qualité de matelot-instituteur . C’est là qu’il va vivre la « drôle de guerre ». Il sera fait prisonnier le 21 janvier 1940 avec toute la garnison de Lorient – onze mille hommes – livrés sans un coup de feu par l’Etat Major complice et adepte de l’Allemagne nazie. « Les armes avaient été graissées, camouflées, soustraites à notre vue et à notre atteinte ». [ page 40.]. De nombreux prisonniers furent aussitôt envoyés en Allemagne. James Lanceron, fut lui, conduit avec quelques uns au Fontsalag 121 à Hennebont. « On moisit sur la terre mouillée, la nourriture est infecte… Je ne peux pas gravir des dénivellations de un mètre en pente douce, sinon à quatre pattes. Effets du jeûne et de la dysenterie, j’ai perdu dix-sept kilos ». [ page 41.]. Le 13 novembre 1940 il s’évade, et après bien des aventures périlleuse il finit par arriver à Saint-Paul, commune de Chazelles, chez des amis de la famille, les Chaduteaud père et fils. – « Braves Chaduteaud, en ont-ils rendu des services… et gratuits encore… Combien de gens ont-ils passés ! (La ligne de démarcation, A un petit usinier qui souhaite la défaite des Russes et mettre les communistes en prison, il répliquera : « Non seulement les Russes gagneront la guerre mais les petit Croix de Feux comme toi on les pendra ! ». [ page 44.]. « Son allure martiale et sa taille fine en font un fringant personnage dont Simone va s’éprendre…, et ils fondent un foyer uni ». [J. Lanceron, Hommage au Colonel Bernard, Les Nouvelles de la Charente, n° 130, 2 juillet 1975]. Bernard va rester un an à la tête de la subdivision, demeurant le dernier colonel F.F.I. à un tel poste. Bien que ce rôle de « rond de cuir » ne soit pas adapté à son tempérament, il l’avait reçu comme un cadeau empoisonné, il accomplit fougueusement cette tâche et aide les amis dans la détresse. Il n’oubliera jamais ses hommes engagés sur le front de Royan auxquels il rend de fréquentes visites. Aussitôt dénoncé aux gendarmes de Montembœuf, il sera déféré chez le Juge d’Instruction du Tribunal militaire permanent de Périgueux pour « atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat ». Il risquait deux ans de travaux forcés. Guy Hontarrède, dans son Dictionnaire de la Résistance en Charente, écrit : « Bernard Lelay est, avec les colonels Guingouin (Limoges) et Romans-Petit (région du Jura) – (tous trois communistes note l’auteur A.P.) – probablement l’un des chefs de maquis les plus connus à l’étranger en raison de sa combativité et de l’implantation de son maquis dans la région d’Oradour-sur-Glane ». [page 133]. Pour cette fois il s’en tirera par un non lieu. Mais dans la foulée, ayant déclaré en public « Pétain est un vieux gâteux ! », il sera révoqué de l’Education Nationale. Plainte sera de nouveau déposée contre lui par le délégué à la propagande du maréchal ; à laquelle viendra s’ajouter un nombre impressionnant de dépositions à son encontre de Croix de Feu, pétainistes et futurs miliciens. Traduit le 13 novembre 1941 devant le tribunal correctionnel de Nontron pour « propos déplacé à l’égard du Maréchal », il écopera de trois mois de prison avec sursis et cent francs d’amende. James est de plus en plus actif . Ayant trouvé une place de contrôleur à la compagnie autobus du Tacot, il devient, au péril de sa vie, passeur de courrier entre la zone libre et la zone occupée. Pour le cent cinquantième anniversaire de Valmy, et en prévention de manifestations et de 6 Et nos braves F.F.I. s’oxydaient dans ces marécages…, alors qu’une division blindée aidée de l’aviation aurait réglé l’affaire en deux jours. Bernard allait donc sur le front s’inquiéter du sort de ses anciens compagnons de lutte, de ravitaillement, d’habillement. Il inspectait les positions…, et les risques. Un jour ayant remarqué que ses hommes étaient sous le feu direct de l’ennemi, dans des conditions de repli impossibles, il dit à haute voix : « Je ne sais qui a placé mes hommes ici, mais je ne le félicite pas, c’est l’abattoir… dès la première sortie ». Le général commandant les troupes, piqué au vif, réplique : « Je ne vous permets pas de telles appréciations colonel ». Bernard répond sèchement : « Je maintiens mes appréciations » - « C’est ainsi dit le général, … eh bien nous allons vérifier ! ». Et les voilà, le groupe des officiers, sortant des tranchées. Aussitôt les mitrailleuses les saluent, quelques obus pleuvent. Repli rapide. « Vous avez raison, colonel, je vais faire modifier le dispositif » ». [J. Lanceron, Souvenirs, page 117]. Ouvrons ici une parenthèse pour évoquer le sort peu enviable de ces régiments constitués d’hommes en provenance des maquis du Sud-Ouest, F.T.P. notamment. Ils furent engagés sur le théâtre des opérations dans des conditions déplorables : volontairement ? On peut légitimement se le demander. On sent que l’esprit de l’Etat Major, composé précipitamment d’officiers supérieurs d’active, adopte une attitude de revanche de classe. Etaient-ils conscients qu’ils mettaient la vie des hommes en danger ?… Cette impression se renforce quand on lit les mémoires de René Coustellier –« Soleil » dans la Résistance, dont les bataillons qu’il commandait formeront un régiment engagé sur le front de La Rochelle. Ou ce que nous en laisse entendre James Lanceron sur les inquiétudes du colonel Bernard sur le sujet. Le colonel Bernard « ...n’oubliait point ses hommes du maquis qui pataugeaient en façade de Royan. Sur ce front, on revenait au bon vieux temps, à la guerre des tranchées, aux tirs d’artillerie, à la prise ou l’abandon d’une position. De l’artillerie et des munitions, l’ennemi 3 en avait. Sorti du maquis et de la subdivision les mains vides, il va subir un terrible affront : il sera brutalement exclu de son Parti par la direction nationale. Que lui reproche-t-on ? On reproche à Lelay d’avoir écrit un article dans « Région 5 », (le journal des « Combattants de la Paix et de la Liberté » du CentreOuest.) charentaise qu’il avait si coquettement restaurée, il décèdera à Bobigny, en Seine Saint-Denis, le premier juin 1975. Il avait soixante-quatre ans. Les communistes d’hier et ceux d’aujourd’hui peuvent s’enorgueillir d’avoir compté dans leurs rangs ce fils du peuple, devenu par son courage, ses capacités, son amour de la justice et de la liberté, l’égal de ces jeunes généraux de la Révolution Française de 1789 également sortis du rang. Ces jeunes généraux qui allaient défaire les armées coalisées des vieilles monarchies de droit divin européennes qui, traînaient dans leurs fourgons les émigrés de Coblence. Grâce à une lutte opiniâtre de ses anciens compagnons de combat, Bernard Lelay repose en terre charentaise, à Chasseneuil au mémorial de la résistance. Le jour du transfert du corps, une foule énorme, recouvrant toute la colline sera présente pour lui rendre un dernier hommage. Le cercueil recouvert du drapeau tricolore fut porté très lentement, à l’épaule, par ses anciens compagnons d’armes, marche par marche, avec changement de porteurs à chaque esplanade – Le terrain pour parvenir au sommet est très pentu -. Un recueillement impressionnant semblait avoir figé le temps. Seuls le son du canon, les commandements militaires, le Chant des Partisans tel un cantique s’élevant du ciel, déchiraient le silence, renvoyant l’écho qui se déployait tout là-bas dans les prairies, les vallons et les bois d’une campagne charentaise ensoleillée et complice. Beaucoup de regards refoulant à grand peine les larmes, s’embuaient et dans leur vue troublée semblaient apercevoir aux frontières de l’horizon des ombres silencieuses se lever et se mettre en marche. Il y eut des discours. Chaban-Delmas, gaulliste, ancien Résistant, général de brigade à 25 ans, très éloigné des idées politiques du communiste Bernard Lelay, parlera du devoir sacré et naturel à l’insurrection quand un peuple est dépossédé de ses droits à une vie libre et normale. Et ce, contre toute oppression d’où qu’elle vienne. A méditer par les temps troublés que nous connaissons. Guingouin, qui a déjà, comme Charles Tillon, de sérieux problèmes avec la direction du parti, est convoqué devant le bureau politique. Il doit répondre à plusieurs accusations, et notamment, concernant Lelay qui fut sous ses ordres. Il est toujours considéré comme son responsable. Duclos, Léon Mauvais, Monmousseau, bien que ce dernier ne soit pas membre du bureau politique, seront les auteurs d’un réquisitoire implacable. Les autres gardent le silence. Seul Marty grogne. Guingouin n’était pas homme à se laisser impressionner. Il va prendre vigoureusement la défense de son ancien compagnon d’armes : « Bernard a sa carte d’ancien F.T.P.F., il a donc le droit d’écrire dans « Région 5 » ! ». Guingouin rappelle le principe d’indépendance des « Organisations de masses » à l’égard du Parti. « Mais l’ancien chef du maquis va plus loin, il conteste l’exclusion du Parti de son camarade Bernard. Il raconte que ce dernier, privé de son emploi à l’imprimerie de l’Humanité, végète désormais dans une ferme. Les membres du bureau politique sont ébahis de se voir contestés par un simple cadre départemental ». [L’affaire Guingouin, Michel Taubmann. Editions Lucien Souny, 1994, page 213]. Thorez qui était présent, se dira convaincu par son plaidoyer et décidera de réintégrer Bernard dans ses droits. Il le fera effectivement. Bernard retrouvera sa carte du Parti et son emploi de typographe à l’Humanité. Pour Guingouin tout commence, mais c’est là une autre histoire. Ce qu’il faut fortement souligner, c’est l’attitude remarquable que gardera, toutes ces années de procès staliniens au sein du Parti, Bernard Lelay. Il n’acceptera aucun compromis, même dans les moments terribles de détresse financière, et il y en eut ! Il travaillera durement pour nourrir sa famille. Mais la misère au foyer était grande. Heureusement que voisins et anciens compagnons organisèrent la solidarité. Il refusera les nombreux appels pour rejoindre d’autres formations politiques qui lui ouvraient les bras. Il congédiera fermement tous leurs émissaires, et ils furent nombreux. L’homme à leurs yeux pour son aura, représentait un enjeu politique de première importance pour leur vitrine. Il restera droit, honnête, fidèle à son idéal politique, aidant de manière efficace les anciens camarades de son maquis à acquérir leurs droits. Il luttera contre les atteintes aux libertés et à la charte de la Résistance. De retour à l’Humanité en 1952 comme imprimeur linotypiste, il sauvera de la destruction le siège du journal lors d’une violente attaque de l’extrême droite à l’occasion des évènements de Hongrie en 1956. Là encore il saura efficacement organiser la défense des lieux en entraînant le personnel du journal à repousser sans ménagement les troupes fascistes, lesquelles payèrent un lourd tribut. La maladie professionnelle (le saturnisme), les soucis, les contrariétés, les privations passées… contribueront à détruire son organisme et ruineront sa santé. Au moment où il allait se retirer dans sa petite maison James LANCERON La Résistance faite Homme André PRECIGOU. 4 Notes de l’auteur : Ce travail s’appuie et se vérifie avec les ouvrages et témoignages qui suivent : Ami, entends-tu ? Editions Université Populaire de Ruelle, 1987. Guy Hontarrède. Dictionnaire de la Résistance en Charente. Editions Le Croît Vif. Guy Hontarrède. Souvenirs. Editions de l’Imprimerie Générale Charentaise, 1966. James Lanceron. Collection Les Nouvelles de la Charente, Hebdo de la Fédération de la Charente du Parti Communiste Français, n° 130 du 2 juillet 1975. Le Groupe Soleil dans la Résistance, Editions Fanlac, 1998. René Coustellier. L’affaire Guingouin. Editions Souny, 1994. Michel Taubmann. Ouvrage s’appuyant sur de nombreuses archives. Le plus complet sur l’affaire. Révèle quelques surprises concernant des donneurs de leçons. Lecture de numéros de l’Humanité quotidienne des années 1946 à 1952. James Lanceron est né au Gond-Pontouvre le 11 avril 1917 dans une famille de cheminots. Son père était surveillant de la voie aux « Chemins de Fer Economiques », le Tacot, le petit Mérat, comme on l’appelait depuis sa création. Sa mère était chef de gare au Gond d’abord, ensuite à Angoulême, enfin à Montbron où elle suivra son mari nommé par la direction du Tacot responsable de l’exploitation d’une carrière de pierres pour les routes de cette région. 5 James Lanceron obtiendra le premier prix cantonal au certificat d’études primaires. Puis il passera par l’E.P.S. (Ecole Primaire Supérieure), et deviendra instituteur en 1937. En 1933, avec d’autres fils d’ouvriers, de paysans, des étudiants, il adhère aux Jeunesses Communistes. L’Eldorado dancing, à Montbron sera leur siège politique. Ces jeunes communistes vont vivre une période mouvementée durant les années 1933-1937.A l’extérieur, c’étaient Hitler, Mussolini, la guerre d’Espagne,…, le règne de la terreur brune. En France, c’était la tentative des Croix de Feu de créer un climat de peur pour s’emparer du pouvoir et imposer le fascisme.