Lignes directrices pour l`identification préalable

Transcription

Lignes directrices pour l`identification préalable
Lignes
directrices
pour
l’identification
préalable
des victimes
de la traite
en Europe
Juin 2013
Notre engagement pour lutter
contre la traite des êtres humains
La traite des êtres humains continue d’être
un phénomène criminel qui évolue dangereusement au sein de nos pays. Nous sommes tous
concernés par ce fléau qu’il faut combattre sans
relâche.
La traite des êtres humains revêt de nombreuses formes et évolue selon les circonstances socio-économiques changeantes. La
traite touche des femmes et des hommes, des
filles et des garçons qui se trouvent dans une
situation de vulnérabilité. C’est pourquoi, il est
de notre devoir de renforcer et d’harmoniser
nos mécanismes d’identification des victimes
afin de mieux les protéger et faire valoir leurs
droits. La difficulté d’identifier les victimes a
des conséquences négatives majeures pour
les femmes et les jeunes filles en particulier.
Les mécanismes d’identification préalable des
victimes de la traite des êtres humains n’étaient
pas fiables ou harmonisés. Il était nécessaire de
convenir clairement de lignes directrices et de
procédures communes de détection des victimes présumées de la traite, afin de les orienter vers les autorités compétentes et assurer
la protection de leurs droits. Il était également
essentiel de développer des outils communs
pour l’identification préalable et de former les
professionnels de première ligne.
Nous organiserons par conséquent des
modules de formation des formateurs, crées
dans le cadre du projet Euro TrafGuID, avec les
mêmes outils et approches afin de renforcer le
processus de détection des victimes de traite.
Les coordinateurs nationaux de Bulgarie, de
Grèce, d’Espagne, de la France, des Pays-Bas
et de Roumanie appellent les coordinateurs
nationaux des autres Etats membres, à considérer l’identification des victimes de la traite
des êtres humains comme fondamentale et les
invitent à œuvrer conjointement pour garantir
assistance et protection aux victimes, dans le
respect des droits de l’homme. Nous voulons
rompre le silence qui entoure la violence liée à
l’exploitation sous toutes ses formes en particulier à l’encontre des femmes et des enfants
et intensifier nos actions ciblées et conjointes.
Ensemble, nous pouvons changer les attitudes et comportements sociaux qui favorisent
ou facilitent la traite des êtres humains et
promouvoir des normes, notions et pratiques
qui favorisent l’égalité des droits grâce à un
langage commun.
Ensemble, nous pouvons combattre efficacement ce crime grave en renforçant notre coopération, en identifiant et protégeant mieux les
victimes.
Ensemble, nous pouvons traduire nos engagements en actions concrètes pour garantir une
assistance aux victimes efficace à travers une
identification appropriée.
Ensemble, nous pouvons faciliter la prise
en charge des victimes au-delà des frontières
grâce à un mécanisme commun d’identification
préalable des victimes présumées de la traite.
Ensemble, nous invitons les autres Etats
membres de l’Union européenne à nous rejoindre afin d’adopter et mettre en pratique des
lignes directrices et des procédures communes
pour l’identification préalable des victimes.
Aujourd’hui, nous prenons position, pour
combattre la traite des êtres humains sous
toutes ses formes, et nous ciblons nos actions
sur l’établissement d’outils pratiques pour
l’identification préalable des victimes, adoptés
par l’ensemble des Etats membres.
Table des matières
1.Introduction
6
2.L’identification préalable des victimes de la traite
8
2.1.
Qu’est-ce que la traite des êtres humains ?
8
2.2.
Qu’est-ce que l’identification préalable ?
10
2.3.Pourquoi est-il important d’identifier les victimes de la traite ?
13
2.4.Principes directeurs et règles éthiques
15
2.5.Prise de conscience de la traite afin d’en faciliter l’identification
17
3.Les victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle
20
3.1.
Qu’est-ce que la traite à des fins d’exploitation sexuelle ?
20
3.2.
Qui en sont les victimes ?
20
3.3. Qui est en situation de risque ?
21
3.4.
Qui est ce qui peut être trafiquant ?
21
3.5. Qui est en mesure d’identifier les victimes et où ?
22
3.6.Indices de l’exploitation sexuelle
23
4. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail
24
4.1.
24
Qu’est-ce que la traite à des fins d’exploitation par le travail ?
4.2.Ce que la traite à des fins d’exploitation par le travail n’est pas
25
4.3.
Qui en sont les victimes ?
26
4.4.
Qui est en situation de risque ?
26
4.5.
Qui est en mesure d’identifier les victimes et où ?
27
4.6.Indices de l’exploitation par le travail
29
5.Les victimes de la traite pour d’autres formes d’exploitation (mendicité forcée, activités illicites forcées)
30
5.1.
Qu’est-ce que la traite pour la mendicité forcée ou les activités illicites ?
30
5.2.
Qui en sont les victimes ?
30
5.3.
Qui est en situation de risque ?
30
5.4.
Qui est en mesure d’identifier les victimes et où ?
31
5.5.Indices des autres formes d’exploitation
31
6.Évaluer si la personne est une victime présumée de la traite
32
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
6
1.
7
1. Introduction
Ces lignes directrices ont été élaborées dans le
cadre du projet « Élaboration de lignes directrices et
procédures communes pour l’identification des victimes de la traite des êtres humains ». Les six pays
participants au projet sont la Bulgarie, la France,
la Grèce, la Roumanie, l’Espagne et les Pays-Bas.
Quatre partenaires associés prennent également
part au projet : le Conseil de l’Europe, le Centre
international pour le développement des politiques
migratoires, l’Organisation internationale du travail/Programme d’action spécial pour Combattre le
Travail forcé et l‘Office des Nations Unies contre la
drogue et le crime. Le projet a reçu le soutien financier du Programme « Prévenir et combattre la criminalité » de l’Union européenne/Commission européenne – Direction générale des Affaires intérieures
dans le cadre de l’appel à propositions ISEC 2010,
et bénéficie du cofinancement de cinq pays participants.
Le Ministère français des Affaires étrangères, responsable du projet, a désigné France Expertise Internationale pour coordonner la mise en œuvre de
ce projet de 24 mois démarré en novembre 2011.
Le but de ces lignes directrices est de proposer des
outils afin d’améliorer et d’harmoniser les méthodes
et procédures pour le premier niveau d’identification
des victimes de la traite au sein de l’Union européenne (UE), afin de garantir l’égalité de traitement
des victimes dans l’UE en matière de protection. Des
procédures harmonisées contribueront également à
renforcer la coopération entre les États participants
dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres
humains.
Les estimations de l’OIT datant de 2012 fixent le
nombre de victimes de travail forcé et de traite à
880. 000 personnes dans l’Union européenne,
nombre largement supérieur à celui des victimes
identifiées à présent. Ceci montre la nécessité
d’améliorer l’identification et la poursuite en justice
de la traite.
1. INTRODUCTION
FEI
Les groupes cibles des lignes directrices sont les
professionnels en charge de l’identification des
victimes de la traite dans les États participants, y
compris agents des forces de l’ordre, municipalités,
officiers d’immigration, procureurs, juges, organisa-
tions de protection de l’enfance, organisations prestataires de services aux victimes, ONG, services
sociaux, inspecteurs du travail, services consulaires
et syndicats. L’objectif est de fournir aux professionnels de première ligne et à ceux non spécialisés,
chargés de l’identification préalable au sein de ces
catégories professionnelles, un ensemble de lignes
directrices et de bonnes pratiques communes. La
liste des professionnels mentionnés n’est pas exhaustive, les lignes directrices pouvant également
être utilisées par les professionnels non spécialisés
qui sont à même d’entrer en contact avec les victimes au cours de leur travail : professionnels hospitaliers, de l’enseignement ou du transport. Afin
que ces acteurs comprennent le processus global
et acquièrent une vision d’ensemble des procédures, de la détection préalable à l’identification
formelle des victimes, les lignes directrices décrivent également les étapes qui suivent l’identification
préalable, jusqu’au moment où la victime présumée
est protégée, assistée et informée au regard de ses
droits, y compris le droit à un délai de rétablissement
et de réflexion.
Les lignes directrices ont été élaborées à partir du
rapport « Identification des victimes de la traite
des êtres humains, toutes formes confondues.
Recueil de bonnes pratiques en Bulgarie, France,
Grèce, Roumanie, Espagne et Pays-Bas », élaboré pendant la première étape du projet. Les bonnes
pratiques recueillies dans les six pays comprennent
les méthodes et procédures mises en pratique pour
identifier les victimes, ainsi que les indicateurs opérationnels de la traite des êtres humains (adultes,
enfants et toutes formes d’exploitation) utilisés à
cette fin.
Ces lignes directrices pour l’identification des victimes sont fondées sur l’approche des droits de
l’homme, mettant ainsi au cœur des actions et procédures suggérées la protection des droits fondamentaux de la victime présumée. Elles sont axées sur
les lignes directrices pour le respect des droits des
victimes telles que décrites dans le Commentaire
commun des Nations Unies sur la Directive de l’UE 1
ainsi que sur les Principes et lignes directrices sur
les droits de l’homme et la traite des êtres humains
recommandés par les Nations Unies 2. Ce document
reflète une approche qui reconnaît la traite comme
étant une violation grave et flagrante des droits de
l’homme et réaffirme l’importance de l’approche fondée sur les droits de l’homme, en particulier en ce
1.Commentaire commun des Nations unies sur la Directive de l’UE – Une approche fondée sur les droits de l’homme
(Joint UN Commentary on the EU Directive – A Human Rights-Based Approach), novembre 2011.
2.Principes et lignes directrices sur les droits de l’homme et la traite des êtres humains recommandés par les Nations Unies,
Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l‘homme, New York et Genève, http://www.ohchr.org/Documents/Publications/Traffickingen.pdf.
qui concerne l’identification des victimes de la traite.
1.
Ces lignes directrices comportent des recommandations spécifiques concernant les enfants victimes de
la traite. À la fin de chaque paragraphe, toutes les
mesures spécifiques pour les enfants sont présentées entre deux symboles .
Ces lignes directrices et ces trois documents
pratiques ont été rédigés par Michaelle de Cock
sous la supervision du comité de pilotage.
The National Commission for Combating
Trafficking in Human Beings, Bulgaria
The Mission for Democratic Governance,
Ministry of Foreign Affairs, France
The National Coordination Mechanism to
Monitor and Combat Human Trafficking,
Ministry of Foreign Affairs and IOM Athens,
Greece
The National Agency against Trafficking in
Persons, Romania
The Government Delegation against
Gender-based Violence, Ministry of Health,
Social Services and Equality, Spain
The Immigration and Naturalisation Service,
Ministry of Security and Justice, and the
Municipality of Amsterdam, The Netherlands
1. INTRODUCTION
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
8
2.1.
9
2. L’identification
préalable des victimes
de la traite
2.1. Qu’est-ce que la traite
des êtres humains ?
Action, moyens et but
Le cadre légal de ces lignes directrices est fondé
sur la définition de la traite dans la Convention du
Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des
êtres humains (2005) (« Convention du CoE ») :
2. L’identification préalable des victimes de la traite
aL’expression « traite des êtres humains » dé-
signe le recrutement, le transport, le transfert,
l’hébergement ou l’accueil de personnes, par
la menace de recours ou le recours à la force
ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou
d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou
l’acceptation de paiements ou d’avantages pour
obtenir le consentement d’une personne ayant
autorité sur une autre aux fins d’exploitation.
L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres
formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les
services forcés, l’esclavage ou les pratiques
analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ;
bLe consentement d’une victime de la « traite
d’êtres humains » à l’exploitation envisagée,
telle qu’énoncée à l’alinéa (a) du présent article, n’est pas valable lorsque l’un quelconque
des moyens énoncés à l’alinéa (a) a été utilisé ;
c
Le recrutement, le transport, le transfert,
l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins
d’exploitation sont considérés comme une «
traite des êtres humains » même s’ils ne font
appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa
(a) du présent article ;
dLe terme « enfant » désigne toute personne
âgée de moins de dix-huit ans ;
eLe terme « victime » désigne toute personne
physique qui est soumise à la traite des êtres
humains telle que définie au présent article.
Il est d’usage de résumer cette définition à l’aide
du tableau suivant, qui met en évidence les trois
éléments principaux de la définition – ACTION,
MOYENS ET BUT. Tous ces trois éléments doivent
coexister pour qu’une situation de « traite des êtres
humains » puisse être reconnue en tant que telle, à
une exception essentielle près :
Dans le cas des enfants, il n’est pas nécessaire d’identifier un élément dans la catégorie des
MOYENS.
De plus, la définition précise que le consentement
d’une personne à l’exploitation envisagée n’est pas
valable lorsque quelconque des MOYENS est utilisé.
Par conséquent, à l’exception des cas impliquant
la traite des enfants, toute personne sujette à (au
moins) une des ACTIONS par (au moins) un des
MOYENS pour (au moins) un des BUTS peut être
considérée comme une victime de la traite.
ACTION
Recrutement
Transport
Transfert
Hébergement
Accueil de personnes
MOYENS
Menace
Recours à la force
Autres formes de contrainte
Enlèvement
Fraude / Tromperie
Abus d’autorité ou d’une situation
de vulnérabilité
L’offre ou l’acceptation de paiements
BUT
Exploitation de la prostitution d’autrui ou
d’autres formes d’exploitation sexuelle,
Travail ou services forcés
Esclavage ou pratiques analogues
à l’esclavage
Servitude
Prélèvement d’organes
Deux précisions supplémentaires sont nécessaires.
Premièrement, comme le paragraphe 5 l’expliquera,
les lignes directrices traitent de la mendicité forcée
et des activités criminelles telles qu’elles sont couvertes par la définition du travail et des services forcés, en accord avec la Directive de l’UE 2011/36/UE
et avec la Convention no. 29 de l’OIT sur le travail
forcé, 1930.
Deuxièmement, les lignes directrices ne se penchent
pas sur les situations de traite pour prélèvement
d’organes, adoption illégale ou mariage forcé, bien
que ces situations soient explicitement mentionnées
dans la directive. Ces lignes directrices ne couvrent pas ces situations en raison du fait que leur
nature et caractéristiques distinctes impliquent des
indicateurs de détection, ainsi que des procédures
d’identification proactive et des catégories d’acteurs
à impliquer totalement différents des autres formes
d’exploitation.
La seule exception qui est, quant à elle, couverte
par les lignes directrices, survient lorsqu’une personne est exploitée dans une de ces quatre formes
comme résultat d’une fausse promesse de mariage
ou d’adoption.
Le cas particulier des enfants
La traite des enfants est un cas particulier de traite
des êtres humains comme définie dans la Convention du CdE sur la traite. Selon l’article 4(c), le recrutement, transport, transfert, hébergement ou accueil
d’un enfant (défini comme toute personne de moins
de 18 ans) en vue de l’exploitation doit être considéré en tant que traite des êtres humains même en
l’absence de l’un des moyens mentionnés à l’article
4(a).
Dans le cas des enfants, ACTION + BUT = TRAITE
des enfants. La traite des enfants est reconnue
comme une des pires formes de travail des enfants
dans la Convention no. 182 de l’OIT sur les pires
formes de travail des enfants, 1999. Le Programme
international sur l’abolition du travail des enfants
(IPEC) a élaboré une définition opérationnelle de
la traite et de l’exploitation des enfants, qui reflète
l’exigence de la définition internationale de la traite
sur l’existence d’une action et d’un but d’exploitation. Pour les opérations de l’IPEC, dans le contexte
de la traite des enfants, l’exploitation est définie
comme suit :
toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, la servitude pour dettes et le servage
et le travail forcé ou obligatoire, y compris le
recrutement forcé ou obligatoire des enfants en
vue de leur utilisation dans des conflits armés
(C182, art.3(a)) ;
l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant
à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques (C182, art.3(b)) ;
l’utilisation, le recrutement ou l’offre d’un enfant
aux fins d’activités illicites, notamment pour la
production et le trafic de stupéfiants, tels que
les définissent les conventions internationales
pertinentes (C182, art.3(c)) ;
les travaux qui, par leur nature ou les conditions
dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la
moralité de l’enfant (C182, art.3(d) et C138, art.
3) ;
les travaux effectués par les enfants qui n’ont
pas atteint l’âge légal d’admission à l’emploi
(C138, art. 2 et 7).
2.1.
Cette définition établit le cadre utilisé dans les
lignes directrices pour l’identification préalable des
enfants.
Traite et trafic de migrants
La traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants sont deux choses différentes. Le trafic illicite
de migrants est un délit supposant le fait d’assurer, afin d’en tirer un avantage financier ou un autre
avantage matériel, l’entrée illégale dans un État partie d’une personne qui n’est ni un ressortissant ni un
résident permanent de cet État.
Selon le Protocole contre le trafic illicite de
migrants, art. 3(a), « Le trafic illicite de migrants » signifie le fait d’assurer, afin d’en tirer,
directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l’entrée
illégale dans un État partie, d’une personne qui
n’est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État.
Dans des cas de trafic illicite de migrants, la personne consent à payer un tiers (le contrebandier),
censé organiser et/ou faciliter son entrée illégale
dans un État dans lequel elle n’est ni un ressortissant ni un résident.
2. L’identification préalable des victimes de la traite
2.
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
2.1.
2.2.
11
Le contrebandier ne se préoccupe pas du sort du
migrant, une fois la frontière passée. En particulier,
le but du contrebandier n’est pas celui d’exploiter le
migrant à sa destination, mais de recevoir un avantage financier. Le trafic illicite de migrants est un
délit contre l’État (entrée illégale), et non pas contre
le migrant (qui a payé pour un service).
Les trois différences principales entre le trafic illicite
de migrants et la traite des êtres humains peuvent
être résumées comme suit :
Traite des
êtres humains
Trafic illicite
de migrants
But
But d’exploitation
Pour obtenir des avantages
financiers ou matériels
Consentement
Consentement
non-valable
Valable
Caractère
transnational
Non requis
Requis
Délit
Contre la personne
Contre l’État
Néanmoins, les processus de traite et de trafic
peuvent être interdépendants et la distinction entre
les deux délits peut s’avérer difficile. Autant les migrants trafiqués que les victimes de la traite peuvent
être identifiés dans un même groupe de personnes
effectuant un passage illégal de frontières, puisque
les réseaux criminels sont reliés entre eux. De
même, un migrant qui consent à son passage illégal
de frontières peut finir, soit en transit, soit à destination, dans une situation de traite.
2. L’identification préalable des victimes de la traite
Identification
préalable
Catégories
professionnelles
non spécialisées
(hospitaliers,
enseignants,
transporteurs
etc.)
Identification
préalable
Agents
de première
ligne
Agents
spécialisés
Forces de l’ordre
Officiers d’immigration
Procureurs
Judiciaires
Agences de protection
de l’enfance
ONG prestataires
de services aux victimes
Services sociaux
Inspection du travail
Syndicats
L’identification préalable, telle qu’utilisée dans ce
guide, renvoie au processus qui commence par
la détection des signes qui suggèrent la présence
d’une situation possible de traite. Le processus
mène à l’évaluation de la probabilité que la personne – dès lors considérée « victime présumée »
- se retrouve effectivement en situation de traite, et
finit par l’orientation de la victime présumée vers les
autorités compétentes se chargeant de l’identification formelle des victimes de la traite.
L’identification formelle des victimes de la traite
a lieu généralement dans le cadre d’une procédure
ou d’un processus, et dans la plupart des juridictions, seulement les autorités habilitées peuvent
reconnaître une personne en tant que « victime de
la traite ». L’identification formelle est réalisée par
des agents spécialisés, formés sur l’identification de
la traite et chargés de responsabilités spécifiques
dans leurs organisations.
2.2. Qu’est-ce que l’identification
préalable ?
Public
Général
L’identification préalable
Mécanisme
national d’orientation
Évaluation initiale
Accès aux besoins
essentiels
Évaluation des risques
Délai de rétablissement
et de réflexion
Identification formelle
Un spectre large d’acteurs, autant spécialisés que
non spécialisés en traite des êtres humains, peut
être impliqué dans l’identification préalable. Les
agents de première ligne, qui sont à même d’entrer
en contact avec les victimes potentielles, doivent
être en mesure de reconnaître les signes de la traite,
chercher au-delà des premiers signes manifestes
et les mettre en lien avec des indicateurs de traite.
Pendant leur interaction avec les victimes potentielles, même sur une courte durée, ils doivent être
capables d’interagir avec la victime selon des règles
strictes d’éthique, leur offrir accès aux besoins essentiels, répondre à leurs questions sur la suite des
événements et, le cas échéant, avec l’accord de la
personne, l’orienter vers les autorités compétentes
chargées de l’identification formelle. L’identification
préalable couvre tous ces éléments.
Le Mécanisme d’orientation
L’identification préalable peut se produire dans un
large éventail d’organisations, mais il est nécessaire d’avoir un mécanisme spécifiquement mis en
place afin de coordonner les actions, la protection
et les services fournis aux victimes de la traite qui
y sont orientées. De tels systèmes de coordination,
généralement connus sous le nom de « Mécanisme
national d’orientation », sont chargés de « garan-
tir le respect des droits fondamentaux des victimes
de la traite et de permettre leur orientation efficace
vers les services adaptés 3». Ceci comprend le fait
de s’assurer, en premier lieu, que la victime est
renseignée sur ses droits et ses options de choix
dans une langue qu’elle comprend, ainsi que d’offrir
l’appui immédiat et la protection nécessaire en vue
de ses besoins. Ces actions seront attentives à la
dimension du genre. Des mesures spécifiques s’appliqueront aux enfants ou aux victimes dont l’âge est
incertain et pour qui il existe des raisons de croire
que l’âge est de moins de 18 ans. Le Centre international pour le développement des politiques migratoires a élaboré des lignes directrices sur les Mécanismes transnationaux d’orientation 4, qui ajoutent
une étape au processus d’orientation, afin de faciliter l’orientation d’une victime à travers les frontières
; ces lignes directrices sont complémentaires aux
Mécanismes nationaux d’orientation et fournissent
des mesures pratiques et des recommandations afin
de réaliser des orientations transfrontalières. Elles
présentent également des mécanismes pour l’assistance complète de la victime aux niveaux national et
transnational et fournit le lien manquant entre pays
d’origine, de transit et de destination.
Les institutions responsables de la coordination de
l’orientation et de la protection des victimes présumées de la traite varient à travers les pays : une
ou plusieurs agences des forces de l’ordre, des
agences accréditées de services sociaux ou bien
une agence unique de coordination. Puisque les institutions chargées de cette première étape varient,
il n’y a pas de solution unique ou jugée meilleure
pour déterminer l’endroit où les étapes suivantes
devraient avoir lieu.
Il est essentiel de s’assurer que la victime présumée
se trouve en sécurité, ainsi que dans le confort et la
confiance. C’est pourquoi il est recommandé que la
victime présumée et l’agent chargé de l’identification soient en mesure de se comprendre, soit directement, soit à l’aide d’un interprète. Les interprètes
ayant à faire aux adultes et aux enfants doivent être
spécialement formés et sensibilisés à la question de
la traite. De plus, l’organisation chargée de l’identification peut mettre à la disposition de la victime
présumée un médiateur culturel, afin d’améliorer
la compréhension réciproque et de répondre aux
craintes et angoisses de la personne. La dimension
du genre et les spécificités ethniques doivent être
prises en considération dans le choix de l’agent qui
3.Les mécanismes nationaux d’orientation. Renforcer la coopération pour protéger les droits des victimes de la traite. Un manuel
pratique, OSCE/ODIHR, 2004.
4.http://www.icmpd.org/Guidelines-for-the-Development-of-a-Transnational-Referral-Mechanism-for-Trafficked-Persons-inEurop.1846.0.html
2.2.
2. L’identification préalable des victimes de la traite
10
FEI
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des victimes de la traite en Europe
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
12
13
sera chargé d’interviewer la victime présumée.
2. L’identification préalable des victimes de la traite
Dans aucun cas cette étape ne doit s’effectuer sans
l’accord informé de la victime présumée et lorsqu’il
y a doute sur sa sécurité et sa sûreté. L’agent et,
le cas échéant, le médiateur, doivent expliquer à la
victime présumée quelle sera la suite des événements, leur durée, l’endroit où ils auront lieu, qui
s’en occupera, et, surtout, pourquoi. De plus, il est
recommandé que l’agent n’entame pas la discussion
avant d’offrir à la personne de l’eau, de la nourriture, des vêtements, des soins médicaux d’urgence
ou tout autre appui nécessaire.
Dans le cas des enfants, ou des personnes qui
pourraient avoir des enfants, il existe des dispositions spéciales pour s’assurer qu’ils obtiennent un
accès direct à des mesures spéciales de protection
que les victimes de violations des droits de l’homme.
La traite des enfants est une violation flagrante de
leurs droits tels que définis dans la Convention des
Nations Unies relative aux droits de l’enfant. En
particulier, leur droit à aller à l’école ou recevoir
une certaine forme d’éducation, de rester avec leur
famille, d’être protégés contre la violence sexuelle
et d’autres formes de violence, d’avoir le temps
de jouer et d’être protégés contre l’exploitation est
violé. Le premier niveau d’identification doit s’assurer qu’ils sont libérés des conditions d’exploitation
le plus tôt possible. La recommandation du Groupe
de la Commission européenne d’experts sur la traite
des êtres humains 5 précise que «lorsque l’âge d’une
personne présumée ou identifiée comme une victime de la traite est incertain et il ya des raisons
de croire que la personne est un enfant, il/elle doit
présumé(e) être un enfant et reçoive un accès immédiat à l’assistance et à la protection »
Des procédures spécifiques doivent s’appliquer
aux enfants ; c’est pourquoi la première étape est de
vérifier l’âge de la personne et, en cas de doute, de
la considérer en tant que mineur.
Il y a plusieurs étapes de la première détection des
signes de traite des êtres humains à l’identification
formelle d’une victime, qui peuvent se résumer ainsi:
1
Déterminer l’âge de la personne, afin d’établir la procédure à suivre
2Évaluer si la personne est une victime présumée de la traite
3Évaluer ses besoins immédiats, en prenant en
considération les risques qu’elle encourt
4Prendre une décision commune concernant la
meilleure solution
5Appliquer la solution trouvée de commun accord.
Selon les recommandations sur l’identification et
orientation vers les services de victimes de la traite
des êtres humains de la Commission européenne 6,
au cours de toutes ces procédures, à partir du moment où les autorités compétentes ont une indication que la personne a fait l’objet de l’infraction de
traite, les victimes présumées doivent être considérées et traitées comme victimes.
L’auto-déclaration
L’auto-déclaration des victimes représente la norme
pour beaucoup d’autres délits, pour lesquels les
victimes font appel à l’aide et à l’assistance bientôt
après le crime, lorsque l’agresseur est suffisamment
loin pour que la victime ne craigne pas de représailles directes et immédiates. Cependant, dans le
cas de la traite, l’auto-déclaration n’est pas possible
et reste encore rare, puisque, comme nous l’avons
expliqué précédemment, seules les autorités compétentes peuvent déclarer une personne en tant que
victime de la traite.
Il y a plusieurs raisons pour le nombre limité des cas
d’auto-déclaration :
il se peut que les victimes ne se perçoivent pas
en tant que telles – même si elles se sentent exploitées, elles peuvent penser qu’elles sont tout
simplement malchanceuses d’avoir rencontré
de mauvais employeurs ou recruteurs.
il se peut que les victimes ne soient pas
conscientes de l’existence des lois qui les protègent et du fait qu’elles peuvent faire appel à
l’aide, à l’appui et à l’assistance.
il se peut que les victimes n’aient pas confiance
ou éprouvent même de la crainte envers les
forces de l’ordre, et qu’elles ne sachent pas à
qui s’adresser pour demander de l’aide.
il se peut qu’elles craignent les conséquences
négatives directes sur leur situation, comme
par exemple les pertes financières ou l’expulsion.
enfin, il se peut qu’elles craignent les repré-
5. http://ec.europa.eu/anti-trafficking, Recommandations relatives à l’identification et l’orientation vers les services des victimes de la
traite des êtres humains. Dans le cadre de la première Journée européenne contre la traite, 2007
6.Ibid
sailles des trafiquants dirigées contre ellesmêmes ou contre leurs familles, à leur travail ou
dans le lieu d’origine.
Comme nous l’avons décrit dans le guide des bonnes
pratiques sur l’identification dans les six pays participants, il y a d’ores et déjà nombre d’efforts entrepris pour encourager l’auto-déclaration et la rendre
plus facile et accessible.
L’identification proactive
Entre temps, il subsiste un réel besoin d’identification proactive par divers professionnels spécialisés
ou non, qui, pourvu qu’ils soient spécialement formés à cet effet, pourraient être en mesure de détecter les victimes potentielles dans un grand nombre
de cas. La détection n’est qu’une première étape
de l’identification, qui doit être suivie d’autres procédures, comme l’orientation des victimes vers les
prestataires de services spécialisés et l’information des ONG spécialisées, ainsi que de la police et
d’autres autorités publiques chargées de l’identification formelle. Conformément aux Recommandations
sur l’identification et l’orientation des victimes de la
traite des êtres humains vers les services, issues
par la Commission européenne, les victimes présumées doivent être considérées et traitées en tant
que victimes, tout au long de ces procédures, à partir du moment où les autorités compétentes ont des
raisons de penser que la personne a été victime du
délit de traite des êtres humains.
2.3.Pourquoi est-il important
d’identifier les victimes
de la traite?
Protection
Les victimes de la traite doivent être identifiées le
plus tôt possible afin de pouvoir être libérées de leur
situation d’exploitation et de recevoir protection. En
outre, l’identification est essentielle puisque, une
fois la personne identifiée en tant que victime présumée de la traite, elle se voit accorder des droits spécifiques à la protection, en vertu des lois nationales
et internationales. Les avantages accordés aux victimes présumées comprennent l’octroi d’un délai de
rétablissement et de réflexion, pendant lequel elles
reçoivent appui et assistance et peuvent décider de
leur éventuelle coopération avec les autorités com-
pétentes. D’autres avantages de l’identification précoce, fondés sur la Convention du CdE et d’autres
directives pertinentes de l’UE, sont décrits ci-dessous.
2.2.
2.3.
Dans le cas des enfants ou des personnes qui
sont, probablement, mineures, il y a des dispositions particulières leur assurant l’accès direct à des
mesures spécifiques de protection en tant que victimes de violations des droits de l’homme. La traite
des enfants constitue clairement une violation de
leurs droits, tels que définis par la Convention des
Nations unies sur les droits de l’enfant. En particulier, sont violés leurs droits de fréquenter l’école
ou de recevoir une forme quelconque d’éducation,
de demeurer dans leur famille, d’être protégés de
la violence sexuelle et d’autres formes de violence,
de bénéficier de temps pour jouer et d’être protégés de l’exploitation. L’identification préalable doit
assurer leur libération, dans les plus courts délais,
des conditions d’exploitation. La Recommandation
du CdE précise que « en cas d’incertitude sur l’âge
de la victime et lorsqu’il existe des raisons de croire
qu’elle est mineure, elle est présumée être mineure
et il lui est accordé des mesures de protection spécifiques ».
L’identification précoce des victimes de la traite permet la mise en œuvre des bonnes pratiques, telles
qu’identifiées dans les six pays participants et résumées ci-dessous.
Le délai de rétablissement
et de réflexion
Selon la Convention du CdE 7, un délai de rétablissement et de réflexion de minimum 30 jours doit être
accordé par les autorités compétentes aux victimes
présumées de la traite, délai pendant lequel elles
sont protégées de l’expulsion immédiate (pour ceux
qui n’ont pas de statut juridique leur permettant de
demeurer dans le pays 8), elles peuvent entamer leur
processus de rétablissement et sont protégées des
éventuelles représailles de la part des trafiquants,
pouvant ainsi échapper à leur influence, afin de
prendre une décision informée sur leur éventuelle
coopération avec les autorités compétentes et leur
participation dans les programmes disponibles d’assistance sociale.
7.Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, 2005, article 13
8. Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, rapport explicatif, paragraphe 172.
2. L’identification préalable des victimes de la traite
2.2.
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
14
2.3.
15
Poursuites judiciaires
Une fois reconnue en tant que victime de la traite,
la personne a droit à des réparations par voie judiciaire. Selon la Convention du CdE, les victimes
présumées devraient, dès leur premier contact
avec les autorités compétentes, recevoir des renseignements sur les procédures judiciaires et administratives pertinentes, dans une langue qu’elles
comprennent. L’accès aux réparations par voie judiciaire, y compris à la compensation, ainsi que la
poursuite judiciaire des trafiquants dépendent souvent des renseignements et preuves recueillies pendant l’identification initiale des victimes. C’est pourquoi la détection des indices de la traite devrait être
accompagnée, chaque fois que possible, du recueil
de preuves pertinentes.
L’accès à l’assistance
2. L’identification préalable des victimes de la traite
FEI
Les documents officiels du CdE, OSCE et du Groupe
d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains décrivent en détail les recommandations sur
le type et le contenu des mesures d’assistance spécialisée et intégrale qui doivent être fournies aux victimes présumées (recommandations 99 à 103). Des
recommandations y sont incluses sur les mesures
d’assistance médicale, psychologique, sociale, financière et judiciaire, des renseignements concernant leurs droits dans les procédures administratives et judiciaires, ainsi que des informations sur
les opportunités en éducation et sur le marché de
l’emploi. Dans les cas où la victime ne séjourne pas
légalement dans l’État membre concerné, la victime
doit bénéficier de manière inconditionnelle d’assistance et de soutien, au moins pendant la période du
délai de rétablissement et de réflexion. D’autre part,
une attention particulière doit être portée aux victimes qui sont citoyens de l’UE, puisqu’elles peuvent
passer entre les mailles du filet que représente le
système de protection, en quittant tout simplement
l’endroit où elles ont été détectées au préalable.
Toutes ces mesures visent à protéger les victimes
présumées et à répondre à leurs besoins immédiats
et essentiels, mais aussi à préparer leur réintégration dans la société conformément à leurs propres
souhaits et besoins.
Les victimes présumées de la traite
ne doivent pas être traitées
en tant que malfaiteurs
Une question centrale à l’identification préalable de
la victime est d’empêcher qu’elle soit traitée en tant
que malfaiteur et soumise à des mesures telles que
l’arrêt, la détention, la poursuite judiciaire, l’emprisonnement ou l’expulsion, pour des délits directement liés à son statut de victime de la traite. En
effet, puisque bon nombre de victimes de la traite
sont à même d’enfreindre les lois nationales en
matière d’immigration ou de travail, il y a un risque
réel que les victimes subissent ces actions, à moins
d’être identifiées en tant que victimes présumées.
Selon l’article 26 de la Convention, « Chaque Partie
prévoit, conformément aux principes fondamentaux
de son système juridique, la possibilité de ne pas
imposer de sanctions aux victimes pour avoir pris
part à des activités illicites lorsqu’elles y ont été
contraintes ». La preuve de l’utilisation de moyens
coercitifs afin de contraindre les victimes à mener
des activités illicites suggère la nécessité de réévaluer le statut de certains auteurs présumés de délits,
qui peuvent en fait être des victimes de la traite.
Des exemples typiques d’infraction des lois par les
victimes de la traite en vue de l’exploitation par le
travail sont : le passage des frontières en utilisant
des documents faussés (la victime peut ou non
être consciente de l’illégalité de ses documents
de voyage), le passage des frontières sans aucun
document (lorsque les trafiquants organisent l’étape
de transport et de transit sans le consentement de
la victime), le séjour et/ou le fait de travailler dans
le pays sans avoir les autorisations requises, le
travail dans des activités illicites (comme la mendicité forcée, la prostitution, la culture des plantes
servant à fabriquer des drogues, leur transport ou
leur vente illicite). Les mêmes actes, commis de
manière volontaire et sans contrainte dans d’autres
circonstances peuvent faire le sujet de poursuites
judiciaires. L’identification précoce du statut des
victimes présumées les protégera « contre les poursuites ou les sanctions concernant des activités criminelles (...) auxquelles elles ont été contraintes de
se livrer en conséquence directe du fait qu’elles ont
été victimes de la traite des êtres humains.» 9 Une
fois que la personne a été traitée par erreur en tant
que contrevenant, il est beaucoup plus difficile de
l’identifier en tant que victime présumée. Ceci fera
l’objet du chapitre suivant.
9. Directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil, paragraphe 14.
L’identification en tant qu’outil
de lutte contre les réseaux criminels
Identification et approche
sensible aux genres
De même, cette phase de l’identification précoce est
essentielle dans la lutte contre les réseaux criminels ou les trafiquants individuels, ainsi que pour
préparer la base des condamnations. Les mêmes
éléments qui servent à prouver que la victime présumée a été contrainte d’agir de façon contraire à la
loi, ou a été menacée dans son travail, peuvent également servir à prouver le rôle et les responsabilités
des trafiquants et établir le bien-fondé de la poursuite judiciaire. Des exemples de preuves pouvant
être recueillies afin de prouver la présence d’indicateurs de tromperie, fraude, contrainte et exploitation imposée aux victimes se trouvent dans les trois
chapitres sur l’identification des victimes de la traite
en vue de l’exploitation sexuelle ou par le travail et
les activités illicites.
L’identification des victimes devrait s’effectuer
dans le cadre d’une approche sensible aux genres,
à toutes les étapes du processus ; en effet, les
modes de traite sont souvent spécifiques à chaque
genre. Les recruteurs abusifs n’approchent pas les
hommes et les femmes de la même manière, les
fausses promesses ne sont pas semblables et les
moyens de contrainte peuvent varier. Les études
quantitatives ont régulièrement montré que les
hommes et les femmes ne sont pas exploités dans
les mêmes secteurs. Si l’on veut que le processus d’identification soit plus efficace et efficient, il
faut prendre en compte ces différences. Une fois
identifiés en tant que victimes potentielles dans le
cadre de l’identification préalable des victimes, les
hommes et les femmes devraient recevoir des soins
et des mesures d’assistance spécifiques à leurs besoins particuliers. Tout particulièrement, il se peut
que les femmes victimes d’exploitation sexuelle préfèrent avoir un entretien avec des femmes, alors que
les hommes peuvent se sentir plus à l’aise avec un
homme 11. Cependant, afin d’éviter aux victimes un
surplus de stress, elles devraient faire leur propre
choix quant au genre de l’intervieweur. Une attention particulière devrait être portée aux besoins spécifiques des femmes, en ce qui concerne les mesures de protection et de soutien, surtout en matière
de services de santé et d’hébergement. De même,
il se peut que les hommes victimes de la traite pour
l’exploitation par le travail ne se perçoivent pas en
tant que victimes, et leurs propos doivent être filtrés
par cette perspective. Très souvent, ils demanderont une compensation pour le travail effectué plutôt
que d’autres services d’assistance.
L’identification d’une victime présumée peut mener
à l’identification et la libération de beaucoup d’autres
victimes. Ceci peut être la conséquence directe de
l’identification d’une première victime présumée,
lorsqu’elle est en mesure de fournir des renseignements sur des personnes se trouvant dans la même
situation que celle à laquelle elle vient d’échapper.
L’identification peut également promouvoir des programmes plus ciblés de prévention à long terme,
pouvant par exemple être conçus afin de s’attaquer
aux mécanismes de recrutement utilisés pour tromper ou contraindre la victime identifiée. Chaque cas
contribue à élargir la connaissance sur le cycle de la
traite, pour le bénéfice de tous.
2.4.Principes directeurs
et règles éthiques
L’on a beaucoup écrit sur ce sujet concernant toutes
les étapes du processus de l’identification, du premier contact aux entretiens en vue de l’identification
formelle. Il ne s’agit pas de répéter toutes ces règles
essentielles, mais uniquement d’établir le cadre des
droits de l’homme qui devrait régir toutes les actions
liées à l’identification précoce des victimes de la
traite, comme recommandé par la Déclaration de
Bruxelles sur la prévention et la lutte contre la traite
des êtres humains 10.
Démarche fondée
sur les droits de l’homme
La Convention Conseil de l’Europe et la Directive de
l’UE 2011/36/UE reconnaissent que la traite des êtres
humains constitue une violation grave des droits de
l’homme et expriment la nécessité d’une approche
de la traite fondée sur les droits de l’homme. L’identification doit suivre une démarche fondée sur les
droits de l’homme, dans le respect des droits de la
victime présumée à toutes les étapes du processus
d’identification. Le rapport du Groupe d’experts sur
la lutte contre la traite des êtres humains 12, publié en
10.Adoptée par la Conférence européenne sur la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains, 2002.
11.Ceci n’est pas toujours valable, puisqu’il se peut que certaines femmes ayant été recrutées par d’autres femmes préfèrent avoir en
face des hommes.
12.Commission européenne, DG Justice, Liberté et Sécurité, Rapport du Groupe d’experts sur la traite des êtres humains (Bruxelles,
le 22 Décembre 2004).
2.3.
2.4.
2. L’identification préalable des victimes de la traite
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
16
2. L’identification préalable des victimes de la traite
2.4.
FEI
17
2004 13, décrit les principes recommandés à cet effet
dans son Document explicatif no. 3. Ces principes
peuvent être résumés ainsi :
Le respect des normes relatives aux droits
de l’homme, y compris « le devoir d’enquêter
les violations alléguées, de punir les responsables pour les violations des droits de l’homme
et de fournir des recours effectifs aux victimes
de ces violations ».
Le principe de la non-discrimination, afin
de s’assurer que les « victimes de la traite ne
subissent aucun traitement discriminatoire en
pratique ou dans la loi et que les mesures de
protection pour les victimes de la traite soient
appliquées sans discrimination, notamment
quant au genre, ethnie, statut d’immigration, et/
ou le fait d’avoir été victime de la traite précédemment ou d’avoir travaillé dans l’industrie du
sexe ».
L’élaboration des normes et la responsabilité, « en mettant tout en œuvre pour respecter
les obligations [dans la lutte contre la traite],
mais aussi pour mettre en place des mécanismes visant à assurer la responsabilité » et «
en traduisant les engagements en matière des
droits de l’homme en normes concrètes et en
établissant des objectifs, des cibles et des repères spécifiques, accompagnés d’indicateurs
visant à mesurer les progrès ».
La reconnaissance des êtres humains en
tant que sujets et titulaires de droits, ce qui
signifie que « les personnes victimes de la traite
sont perçues en tant que sujets pourvus de
droits, (...) et agents actifs cherchant à changer
leur situation, ainsi que des victimes d’un délit
et d’une violation grave des droits de l’homme,
qui ont droit à des recours efficaces ».
La reconnaissance des victimes de la traite
en tant que titulaires de droits, ce qui signifie
que les droits à la protection, à l’assistance et
à la réparation « ne sont pas conditionnés à la
volonté ou la capacité de la victime de la traite
à coopérer dans les procédures judiciaires ou à
fournir des preuves ».
La reconnaissance des victimes de la traite
en tant que sujets, et « agents actifs cherchant
à changer leur situation ».
La prévention, « les mesures de prévention devraient viser en premier lieu le renforcement de
la position des groupes touchés, (...) et à leur
fournir, outre le droit d’être défendu par l’État
contre la coercition et l’exploitation, les outils
judiciaires pour se défendre des abus contre les
droits de l’homme ».
La participation « et la coopération de tous
les acteurs impliqués, y compris des secteurs
pertinents de la société civile, tout particulièrement des organismes nationaux des droits de
l’homme et des organisations qui s’occupent
des victimes de la traite. »
L’intégration d’une perspective sensible
au genre et à l’ethnie, qui prend en considération le fait que les « femmes sont touchées
de manière différente que les hommes, en ce
qui concerne les secteurs d’activité, les formes
d’abus qu’elles subissent et les conséquences
de ces abus », et que « la traite n’est pas un
phénomène « neutre », mais il est associé de
près et généré par des pratiques de discrimination et des relations de pouvoir inégales, y
compris celles fondées sur la race ou l’identité
ethnique ».
Outre ces principes, qui s’appliquent également
aux mineurs, lorsque la victime présumée a moins
de dix-huit ans ou qu’il y a raison de penser qu’elle
est mineure, les principes de protection des droits
des enfants s’appliquent aussi, tels que définis par
la Convention des Nations unies relative aux droits
de l’enfant. Ceci signifie qu’à travers toutes les décisions et pendant toutes les étapes de l’identification
préalable, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris
en considération. Si l’enfant est capable d’exprimer
sa préférence pour les options qui lui sont présentées, ses opinions doivent être prises en considération dans le cadre des mesures de protection applicables.
Dans le cas des enfants victimes de la traite s’appliquent des procédures spécifiques pour l’identification et l’assistance. Toutes les normes nationales
et internationales reconnaissent les vulnérabilités
spécifiques des enfants, ainsi que les obligations des
autorités à leur assurer des mesures spécifiques de
protection et des garanties juridiques. Un élément
clef de ces normes est l’obligation des autorités de
s’assurer qu’un tuteur légal ou autorité équivalente
est nommé afin de défendre l’intérêt supérieur de
l’enfant pendant les procédures, lorsque l’enfant est
non accompagné. Chacune des sections suivantes
fournit des détails sur les indicateurs et procédures
spécifiques aux enfants, visant leur identification
précoce en tant que victimes de la traite pour l’ex-
13. Groupe d’experts créé en vertu de la décision de la Commission 2003/209/CE du 25 Mars 2003 portant création d’un groupe consultatif qui sera connu comme le «Groupe d’experts sur la traite des êtres humains».
ploitation par le travail, l’exploitation sexuelle ou la
contrainte à se livrer à la mendicité ou à d’autres
activités illicites.
sins, les fraises ou les légumes dans la ferme
voisine
2.5.Prise de conscience de la traite
afin d’en faciliter l’identification
Les consommateurs avisés devraient non seulement apprendre à identifier les indices de la traite,
mais aussi savoir à qui s’adresser dans le cas où ils
seraient témoins de situations suspectes.
Cette section porte sur l’importance de la prise de
conscience du public sur la traite. Le public large
peut jouer un rôle clef dans la détection des indices
de la traite parmi les personnes avec lesquelles ils/
elles entrent en contact dans des circonstances variées. Une telle détection préliminaire ouvre la voie
à l’identification préalable.
Une gamme large de professionnels, en provenance
de secteurs n’étant pas directement liés à l’identification des victimes de la traite, sont à même d’interagir avec les trafiquants et leurs victimes, et même
de faciliter le processus, sans en être conscients.
Parmi les professionnels qui peuvent entrer en
contact avec les victimes de la traite se trouvent :
La sensibilisation du public et des acteurs non spécialisés sur la traite a été identifiée en tant que bonne
pratique dans tous les pays participants. L’identification des victimes peut être renforcée par une prise
de conscience accrue du public sur la question de la
traite. De nombreux professionnels non spécialisés
peuvent entrer en contact avec les victimes pendant
leur travail. C’est, par exemple, le cas de ceux impliqués dans le transport ou le logement, que les trafiquants peuvent utiliser afin de transporter ou héberger leurs victimes.
Le personnel hospitalier, tout particulièrement
celui impliqué dans les services spécialisés de
gynécologie, pédiatrie ou soins d’urgence (pour
les cas de violence)
Le personnel de l’hôtel qui loue des chambres à
des buts de prostitution ou pendant le transfert
des victimes d’une place à l’autre
Les professionnels du transport, comme les
chauffeurs de bus ou de taxi ou les vendeurs de
tickets
Les professionnels de la location de logement:
chambres, appartements ou maisons utilisés
par les exploiteurs à des buts de prostitution,
hébergement des victimes ou activités illicites
Les fonctionnaires responsables de la délivrance de permis de séjour ou de travail aux
étrangers, dont il est possible que certains
soient des victimes de la traite.
Les victimes de la traite sont exploitées afin de fournir des services ou produire des marchandises utilisées par le public large. Certaines victimes sont
enfermées et dissimulées dans des endroits isolés
qu’elles ne peuvent pas quitter et auxquels le public
n’a pas accès. Cependant, la plupart des victimes
entrent, dans une certaine mesure, en contact avec
le monde extérieur, alors même qu’elles sont sous
l’emprise de leurs exploiteurs. C’est pourquoi il est
essentiel d’éduquer le public au sujet du problème
de la traite et de lui fournir des renseignements pertinents sur les indices qui devraient l’alerter sur la
présence d’une victime potentielle. Par exemple, les
victimes peuvent être :
Le personnel des hôtels ou restaurants que la
personne fréquente
Le domestique travaillant pour une famille que
la personne connaît
Le travailleur dans l’équipe qui effectue des travaux de rénovation à la maison ou au bureau de
la personne
L’enfant qui mendie dans la rue
La prostituée contactée sur un site public ou
rencontrée dans une maison de prostitution
Le travailleur en agriculture qui récolte les rai-
Les campagnes de sensibilisation et les formations
spécifiques devraient cibler chaque profession et
secteur avec des exemples précis des situations
auxquelles les personnes peuvent être confrontées,
ainsi que des indications claires sur la façon dont
elles devraient réagir.
Un autre segment de la population pouvant contribuer à identifier les indices de la traite sont les
groupes vulnérables d’origine des victimes. Les recruteurs peuvent agir pendant longtemps dans les
mêmes communautés, et le mythe d’une migration
couronnée de succès peut persister même dans les
régions qui ont vu des victimes de la traite retourner.
En informant le public sur les risques et les éléments
constituants de la traite, il y a une probabilité non
seulement de prévenir de nouveaux cas mais aussi
d’accroître la détection des pratiques frauduleuses
ou des offres trompeuses faites aux personnes vul-
2.5.
2. L’identification préalable des victimes de la traite
FEI
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
18
2.5.
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
FEI
19
nérables à la recherche d’opportunités d’emploi. Les
campagnes de sensibilisation dans ces communautés doivent fournir une orientation claire et simple
sur la manière de réagir en cas de soupçon sur la
présence de trafiquants parmi elles.
2.5.
Les campagnes de sensibilisation à grande échelle
doivent être conçues afin de renseigner le public et
les acteurs non spécialisés sur les indices qui devraient les alerter et les déterminer à faire appel aux
agences spécialisées. Afin d’en augmenter l’efficacité, comme il est montré dans le recueil de bonnes
pratiques des six pays participants, il est recommandé de mettre en pratique des campagnes de sensibilisation du public ciblées, qui font usage du vocabulaire et des exemples de situations spécifiques à
chaque public.
Il y a plusieurs types de campagnes spécifiques,
telles que :
Les campagnes de sensibilisation visant les
hommes et les femmes migrants, afin de les
rendre capables d’appeler eux-mêmes à l’aide
en cas de situation de traite ou de prostitution
forcée
Les campagnes de sensibilisation ciblant les
clients des prostituées
Les campagnes de sensibilisation et les formations conçues pour les professionnels qui
entrent en contact direct avec les prostituées,
afin de les rendre capables de reconnaître certains signes de la traite
2. L’identification préalable des victimes de la traite
2. L’identification préalable des victimes de la traite
Une autre catégorie de personnes qui peuvent être
actives dans la détection des indices de la traite est
constituée des travailleurs eux-mêmes. Certains
employeurs peuvent avoir à la fois des travailleurs
libres et des travailleurs forcés à leur service. C’est
peut-être le cas des personnes trafiquées pour des
raisons de servitude pour dettes. Les victimes de la
traite effectueront le même type de travail et dans
les mêmes conditions que les travailleurs libres,
mais elles seront forcées à rembourser une dette
réelle ou fictive et sont menacées dans le but de
prévenir leur démission. Certaines campagnes de
sensibilisation sur les indices spécifiques de la
traite et du travail forcé peuvent être efficaces dans
des secteurs ou régions identifiés précédemment
comme des zones de risque. Les syndicats et les
organisations des travailleurs peuvent jouer un rôle
essentiel dans la sensibilisation de tous les travailleurs concernés.
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
20
3.
3.1.
3.2.
21
3. Les victimes
de la traite à des fins
d’exploitation sexuelle
ou en nature ; le trafic des filles, garçons et adolescents pour l’industrie du sexe ; le tourisme sexuel
impliquant des enfants ; la production, promotion et
distribution de pornographie impliquant des enfants
; et l’utilisation des enfants dans des spectacles
sexuels publics ou privés 15».
3.1. Qu’est-ce que la traite
à des fins d’exploitation sexuelle ?
3.2. Qui en sont les victimes ?
La définition de la Convention du CdE précise que
l’exploitation « comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes
d’exploitation sexuelle... ». Dans le cadre de ces
lignes directrices, on précise que les trois éléments de la définition de la Convention – moyens,
but et action – doivent être présents (dans le cas
des adultes). Les lois nationales peuvent diverger
du texte de la Convention, particulièrement sur la
nécessité de prouver ou non l’utilisation de certains
moyens (tromperie, fraude, coercition) afin d’identifier la traite à des fins d’exploitation sexuelle.
3. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle
FEI
Tout au long de ces lignes directrices, nous allons
faire référence et fonder nos informations sur la Loi
type contre la traite des personnes, issue par l’ONUDC 14, qui propose que le terme « exploitation de la
prostitution d’autrui » soit défini comme « l’obtention
d’avantages financiers ou autres au moyen de la
réduction d’une personne à la prostitution ».
Il n’y a pas de définition commune juridique agréée
au niveau international. La Loi type de l’ONUDC
définit le terme d’ « exploitation sexuelle » comme
étant « l’obtention d’avantages financiers ou autres
au moyen de la réduction d’une personne à la prostitution, à la servitude sexuelle ou à d’autres types de
services sexuels, notamment la pornographie ou la
production de matériel pornographique ».
Ces deux définitions sont suffisamment vastes pour
inclure une gamme large de pratiques commerciales
sexuelles, comme par exemple les spectacles vivants ou sur Internet.
L’exploitation sexuelle commerciale des enfants
comprend « l’utilisation des filles et des garçons
dans des activités sexuelles rémunérées en argent
Selon les dernières estimations de l’OIT concernant les chiffres globaux du travail forcé 16, il y aurait
dans le monde 4,5 millions de victimes d’exploitation sexuelle forcée. La plupart sont exploitées à
l’extérieur de leur lieu de résidence, puisque 74%
ont traversé des frontières et 19% ont migré à l’intérieur de leur pays. La grande majorité est constituée
de femmes et filles (98%), mais il n’y a pas d’estimations concernant les victimes transsexuelles et
transgenres, qui peuvent ne pas figurer parmi les
2% de victimes mâles. Une victime sur cinq est
mineure, fille ou garçon de moins de dix-huit ans,
ce qui signifie qu’on estime à près d’un million le
nombre des enfants victimes d’exploitation sexuelle
commerciale.
En Europe, L’OIT estime le nombre des victimes
d’exploitation sexuelle à 260.000 femmes et
hommes. Ils sont originaires pour la plupart d’autres
États membres de l’Union européenne ayant migré
d’un pays vers l’autre, ou des pays de l’Europe centrale ou du sud-est, des pays de la CEI, de l’Afrique
et, dans une mesure plus faible, de l’Amérique Latine et de l’Asie.
L’on peut également être victime de la traite dans
son propre pays de résidence. Un exemple typique
de telles pratiques a été révélé aux Pays-Bas à travers le concept de « loverboys ». Le « loverboy »
est un homme qui séduit une victime et la convainc
au moyen de la promesse d’une relation romantique
aux fins de l’exploiter par la prostitution ou autres
formes d’exploitation.
De nombreuses organisations gouvernementales,
non gouvernementales et internationales détectent
et assistent les femmes et filles victimes de l’exploitation sexuelle commerciale. C’est pourquoi les statistiques des femmes identifiées qui ont bénéficié
d’assistance en Europe sont moins récentes et publiées par plusieurs pays.
14.ONUDC, Loi type contre la traite des personnes, Vienne, 2009. http://www.unodc.org/documents/human-trafficking/Model_Law_
against_TIP_-_French.pdf.
15.OIT/IPEC, Commercial sexual exploitation of children and adolescents-The ILO’s response (L’exploitation sexuelle commerciale
des enfants et des adolescents – La réponse de l’OIT), http://www.ilo.org/ipecinfo/product/viewProduct.do?productId=9150.
16.ILO Global Estimate of Forced Labour 2012: Results and Methodology, (Les estimations globales sur le travail forcé 2012 : résultats
et méthodologie), OIT, Genève, 2012, http://www.ilo.org/sapfl/Informationresources/ILOPublications/WCMS_182004/lang--en/index.
htm
3.3. Qui est en situation de risque ?
Toutes les prostituées et les personnes prestataires
de services sexuels sont en situation de risque en ce
qui concerne la traite des êtres humains.
Dans nombre de situations, l’industrie du sexe est
contrôlée par des trafiquants qui tirent bénéfice de
l’exploitation des personnes trafiquées. Ce qui plus
est, une personne ayant accepté de se prostituer
pourrait, en dépit de l’acceptation, devenir une victime du trafic, dans les conditions ou elle doit fournir
des services sexuels différents de ceux qui avaient
été convenus lors du recrutement (programme de
travail, permission ou non d’utiliser le préservatif,
nombre fixe de clients par jour, etc.)
On doit cependant porter une attention particulière
à certains groupes qui se trouvent potentiellement
dans une situation de risque plus élevé.
Les femmes et les hommes étrangers travaillant
dans la prostitution sont plus vulnérables à la
traite. Premièrement, il se peut qu’ils aient été trompés et attirés par des offres d’emploi d’une autre nature ; deuxièmement, il se peut qu’ils aient contracté
une dette afin de payer pour leurs papiers et leur
transport, et que la seule option pour rembourser
ces frais soit la prostitution ; troisièmement, il est
plus difficile pour ces personnes, si elles ne parlent
pas la langue locale, de demander de l’aide.
Les femmes et les hommes illettrés ou comportant une déficience mentale encourent des
risques plus importants d’être victimes de la traite.
Il est également moins probable que ces personnes
connaissent leurs droits et demandent de l’aide ou
puissent se défendre.
Les personnes se trouvant dans des situations sociales ou économiques précaires, les
personnes illettrées ou ayant le niveau le plus
bas d’éducation, risquent de devenir victimes de
la traite à cause de leur vulnérabilité, peuvent être
abusées par les trafiquants et la possibilité qu’elles
connaissent leurs droits est bien réduite.
Les travailleurs migrants munis dans leur voyage
d’un visa pour artistes ou étudiants sont beaucoup
plus vulnérables face au trafic, puisqu’il est bien
possible qu’ils fussent trompés à l’égard du but réel
de la migration.
Les enfants, les femmes et les hommes exploités
dans des endroits isolés et vivant sur les lieux où
ils se prostituent ou ils sont forcés de fournir des
services sexuels sont dans une situation de risque
élevé d’être complètement dépendants de leurs trafiquants, ayant très peu de possibilités d’y échapper.
3.3.
3.4.
Les personnes issues de certaines communautés
/ minorités peuvent être exploitées par des hommes
ou des femmes de leur propre communauté, lorsque
les personnes de l’extérieur, même clients, ont un
accès très limité à ces communautés. Dans ce cas,
les exploiteurs peuvent contrôler entièrement les
femmes et les filles qui sont à même d’être des victimes de la traite.
Les personnes dépendantes peuvent être exploitées
et contrôlées par le truchement de ces dépendances
justement.
Les enfants de la rue, les mineurs sans accompagnement, les enfants dépourvus de parents ou tuteurs, capables de les protéger, et
les enfants du système d’assistance résidentiel
ainsi que des institutions peuvent être la cible des
trafiquants.
Les jeunes éprouvant des besoins financiers
peuvent être recrutés par les trafiquants, au moyen
de promesses d’argent facile pour la prostitution occasionnelle, ou de fausses promesses d’amour ou
de mariage, comme dans le cas des « loverboys ».
Les enfants et les jeunes actifs sur les réseaux
Internet peuvent être recrutés afin d’accomplir des
actes sexuels ou d’apparaître dans des vidéos aux
contenus pédophiles.
3.4. Qui est ce qui peut être trafiquant ?
Les trafiquants peuvent être membres d’une même
famille, peuvent avoir la même nationalité que leurs
victimes, peuvent même habiter et travailler avec.
Il est possible qu’il s’agisse de prostituées ou d’anciennes prostituées, elles aussi victimes, à leur tour,
de la traite, et qui sont entrées dans le rôle du trafiquant pour gagner leur existence. Certains trafiquants peuvent être impliqués dans l’organisation
du recrutement des prostituées, d’autres peuvent
être responsables de l’organisation du transport des
migrants, tandis que d’autres encore peuvent intervenir uniquement pour faire héberger ou accueillir
les personnes migrantes afin de les placer dans une
situation d’exploitation.
3. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
22
3.5.
23
3.5. Qui est-ce qui peut
identifier les victimes et ou ?
De nombreuses organisations peuvent entrer en
contact avec des prostituées ou des personnes offrant des services sexuels, étant ainsi en mesure de
détecter des indices de la traite. C’est également
le cas des agents de police, des municipalités, des
fonctionnaires des services d’immigration ayant des
responsabilités spécifiques dans l’identification formelle des victimes, les services consulaires, mais
également le personnel des services de santé, les
organismes de la protection de l’enfance ou des
ONG prestataires de services aux prostituées. Il y a,
en outre, de nombreux autres acteurs, professionnels ou non, qui peuvent être en mesure de reconnaître des indices de la traite parmi les femmes et
les hommes dans la prostitution et les activités liées.
La détection des indices peut s’effectuer :
3. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle
FEI
Par la police, dans les espaces ouverts tels que
les rues, rondpoints, bois, routes et avenues
spécifiques, centres commerciaux etc. où a lieu
le contact entre les prostituées et les clients
Par la police, pendant les raids effectués dans
les clubs de nuit, hôtels, maisons de prostitution ou autres endroits réputés pour la prostitution
Par les agents de police, en acceptant des rendez-vous sur Internet
Par la police, la police des frontières, les chauffeurs des bus internationaux, le personnel des
compagnies aériennes et des aéroports, les
fonctionnaires des services d’immigration dans
les postes-frontières, où les victimes peuvent
être ou non accompagnées et tenues sous
contrôle par leur trafiquant
Par la police et la police spécialisée des
agences de transport, dans les transports publics ou privés, par exemple suite à des dénonciations effectuées par le personnel ou les utilisateurs des services de transport
Par le personnel des hôtels, à même de reconnaître les trafiquants ou les victimes de la traite
parmi leurs clients
Par le personnel des ONG accréditées ou les
agences de protection de l’enfance
Par le personnel des ONG dans les centres
fournissant des services sociaux ou médicaux
et l’assistance aux prostituées
Par des fonctionnaires de l’état ou des autorités locales (par exemple les Chambres de
commerce), responsables de la délivrance des
permis de travail pour les secteurs du divertissement, comme les danseurs, chanteurs etc.
Par des fonctionnaires de l’état ou des autorités locales (par exemple les Chambres de
commerce), responsables de la délivrance des
permis pour l’établissement ou l’inspection des
entreprises du divertissement, des hôtels et du
secteur de la restauration
Par les fonctionnaires de l’état chargés de la
délivrance des permis de résidence
Par la police ou le personnel des ONG présentes dans les centres de détention, où il se
peut que les victimes résident parmi les migrants clandestins en attendant l’expulsion
Par la police ou le personnel des ONG présentes dans les centres pour demandeurs
d’asile, où les victimes peuvent résider sous un
faux prétexte, forcées par leur trafiquant
Par la police, dans les prisons où les victimes
se trouvent pour avoir enfreint la loi contre la
prostitution
Par le personnel médical, particulièrement les
gynécologues et les spécialistes en MST et
IVG. Les médecins généralistes peuvent également retrouver parmi leurs patients des victimes de la traite.
Par le personnel médical chargé de la prévention et la sensibilisation autour du VIH
Par le personnel des ambassades ou consulats où les ressortissants des pays respectifs
peuvent demander de l’aide après avoir été forcés à fournir des services sexuels ou à se prostituer
Par la police ou les agences spécialisées, y
compris les lignes téléphoniques de secours,
lorsqu’une personne agit de son gré pour demander de l’aide concernant la prostitution
forcée, les conditions de vie indignes ou la violence
Par la police ou les agences spécialisées, y
compris les lignes téléphoniques de secours
connues du public et d’autres spécialistes chargés de la détection et de la protection des victimes. Des clients des prostituées peuvent également appeler ces lignes téléphoniques afin
d’alerter la police sur une situation suspecte
Par les lignes téléphoniques dédiées à d’autres
problématiques, comme par exemple les lignes
téléphoniques de secours concernant la violence domestique
Par le personnel des départements de logement dans le cadre des municipalités ou les
propriétaires privés, dans le cas de la prostitution organisée à l’intérieur des maisons
Par d’autres prostituées qui côtoient des victimes de la traite à des fins d’exploitation
sexuelle
Par les enseignants, médecins, travailleurs
sociaux en contact avec des enfants ou des
jeunes, dans le cadre de leurs activités régulières
Par la police spécialisée dans la détection des
activités liées à la pédophilie, particulièrement
sur Internet
Par les clients des prostituées
Par des personnes habitant des quartiers de
prostitution.
Par des employés des transports, spécialement
les chauffeurs de taxi et le personnel navigant,
qui peuvent remarquer des comportements suspects des groupes de femmes accompagnées
d’hommes.
Les acteurs nommés ci-dessus sont à même d’identifier des victimes à travers leur travail, dans le
cadre de leurs fonctions et responsabilités. La traite
des êtres humains peut être identifiée à tout moment
et étape du processus entier de la traite, qui, selon
sa définition, couvre le recrutement, le transport et
transfert, l’hébergement et l’accueil des personnes.
Cependant, la détection peut également avoir lieu
pendant des actions dédiées, comme les raids organisés par la police dans les endroits suspects, ou
dans les endroits ou institutions dédiées vers lesquelles la victime a été orientée. C’est le cas des
ONG accréditées ou des postes de police dédiés
vers lesquels d’autres organisations orientent les
victimes potentielles. Le dernier type de lieux où les
victimes peuvent être détectées sont les structures
officielles dans lesquelles les victimes peuvent résider pour d’autres raisons, comme par exemple la
détention ou la protection.
3.6.Indices de l’exploitation sexuelle
Comment peut-on détecter et reconnaître l’exploitation sexuelle? La notion d’exploitation sexuelle
varie d’un pays à l’autre, en particulier selon le statut légal de la prostitution. Nous présenterons cidessous une liste générale d’indices d’exploitation
sexuelle, conçue dans le cadre de ces lignes directrices. Ce n’est pas une liste exhaustive et il n’est
pas nécessaire d’identifier l’intégralité des indices
pour conclure qu’il s’agit d’exploitation sexuelle. Ces
indices sont présentés afin d’orienter les agents de
première ligne et les personnes susceptibles d’entrer en contact avec des victimes dans le processus
de leur détection.
Dans le cas de la traite des adultes en vue de l’exploitation sexuelle, les indices ci-dessous seront
accompagnés d’autres indices décrivant l’action
contre la victime et les moyens entrepris afin de la
contraindre.
3.5.
3.6.
Dans le cas des enfants, il n’est pas nécessaire
de détecter l’utilisation d’un moyen quelconque pour
soupçonner un cas de traite.
La personne est forcée d’avoir des relations
sexuelles sans préservatif
La personne n’a pas le droit de refuser des
clients
La personne se voit refuser les pauses, les
jours de congés et le temps libre
La personne souffre de certaines MST non traitées
La personne travaille sur appel uniquement
(24h sur 24, 7 jours sur 7)
La personne est déplacée d’un endroit à l’autre,
contre son gré
La personne est contrainte de mentir en cas de
contrôle par les forces de l’ordre
La personne est contrainte à entreprendre des
activités illicites ou indignes
L’environnement de travail est insalubre, comportant au moins éclairage et aération déficients, manque de chauffage et d’accès aux
installations sanitaires
Les prostituées semblent malades et peu soignées
La personne est forcée de se prostituer même
lorsqu’elle est malade ou enceinte
La personne est toujours accompagnée à l’extérieur
La personne comporte des tatouages indiquant
un lien de dépendance à un groupe ou à une
bande
La personne n’a pas d’argent sur elle
La personne doit remettre tout l’argent qu’elle
gagne à un tiers
La personne est toujours accompagnée
lorsqu’elle effectue les contrôles médicaux ou
se déplace aux prestataires de services sociaux.
3. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
24
4.
4.1.
25
4. Les victimes
de la traite à des fins
d’exploitation
par le travail
4.1. Qu’est-ce que la traite à des fins
d’exploitation par le travail ?
La Directive 2011/36 UE stipule que « l’exploitation
… suppose au moins (...) le travail ou les services
forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à
l’esclavage, la servitude (...) ».
Le travail forcé est défini dans la Convention no.
29 de l’OIT sur le travail forcé, 1930, comme « tout
travail ou service exigé d’un individu sous la menace
d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu
ne s’est pas offert de plein gré ».
4. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail
FEI
L’utilisation du terme « tout travail ou service » indique clairement que l’interdiction sur le travail forcé
s’applique à toutes les formes de travail, service et
emploi, quels que soient le secteur et l’emploi en
question, et quelle que soit sa forme : légale et formelle ou illégale et informelle. Il s’applique également à tous les êtres humains, quels que soient leur
âge, sexe, origine et situation juridique dans le pays
où le travail forcé a lieu.
Les deux éléments nécessaires pour l’évaluation du
travail forcé sont : (1) L’individu ne s’est pas offert
de plein gré et (2) sous la menace d’une peine quelconque. Le premier élément concerne le consentement de la personne, qui doit se faire de manière
volontaire et informée. Le consentement s’applique
pendant tout le cycle de l’emploi, du recrutement à
la cessation de l’emploi. Autrement dit, un travailleur
qui entame une relation d’emploi de plein gré est
censé pouvoir aussi en sortir. La notion de consentement libre et informé exclut l’usage de la tromperie, la coercition et la menace ou la fraude. Aussi,
le consentement n’est-il pas jugé valable lorsqu’il
a été obtenu suite à un abus de la vulnérabilité du
travailleur.
Le second élément, la menace d’une peine quelconque, concerne tout moyen que le trafiquant ou
l’employeur peut utiliser afin de contraindre le travailleur, y compris la violence physique, psychologique et sexuelle ou les menaces de violence, mais
aussi d’autres moyens comme la retenue de la rémunération, la confiscation des titres d’identité ou
de transport et la menace d’expulsion. La section
sur les indices de la traite comprend une liste non
exhaustive de ces éléments.
L’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage sont une autre forme d’exploitation interdite.
La Convention sur l’esclavage de 1926 définit cet
état comme étant « l’état ou la condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux ». Le concept principal
spécifique à cette définition est celui de « propriété
», qui peut se retrouver lorsque des personnes sont
« achetées » ou « vendues » à des fins d’exploitation
par le travail, ce qui implique une dépendance totale
de l’individu par rapport à son « maître » ou « propriétaire ». La Convention supplémentaire relative à
l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et
des institutions et pratiques analogues à l’esclavage
de 1956 (la « Convention supplémentaire de 1956
») a retenu la même définition de l’« esclavage »,
introduisant de plus le terme « pratiques analogues
à l’esclavage », qui renvoie à des institutions et pratiques comprenant la servitude pour dettes, le servage, des formes de mariage servile et l’exploitation
des enfants. Le présent rapport ne se penche pas
sur la traite pour le mariage, mais les lignes directrices présentées peuvent être utiles pour la détection de certains indices renvoyant à de tels cas.
Bien que la servitude pour dettes ne soit pas spécifiquement mentionnée dans la Convention du
CdE, l’article 1(a) de la Convention supplémentaire
de 1956 l’inclut parmi les institutions et pratiques
analogues à l’esclavage, en la définissant comme «
l’état ou la condition résultant du fait qu’un débiteur
s’est engagé à fournir en garantie d’une dette ses
services personnels ou ceux de quelqu’un sur lequel
il a autorité, si la valeur équitable de ces services
n’est pas affectée à la liquidation de la dette ou si la
durée de ces services n’est pas limitée ni leur caractère défini ». Il faut noter que certains États peuvent
interdire la servitude pour dettes en tant qu’une
des formes de « servitude » dont nous allons traiter
plus loin. La servitude pour dettes est un élément
clef dans les nouvelles formes de traite, lorsque la
dette survient suite à l’organisation du départ, du
transport ou du recrutement et peut constituer un
élément de manipulation de la part du trafiquant,
conduisant la victime vers une situation sans issue.
Les personnes endettées sont considérées comme
étant vulnérables et risquent par conséquent l’abus
d’une situation de vulnérabilité, tel que défini dans
la Convention sur la lutte contre la traite des êtres
humains.
Le servage est défini dans la Convention supplémentaire de 1956 en tant que condition de toute personne tenue par la loi, la coutume ou un accord de
vivre et de travailler sur une terre appartenant à une
autre personne et de fournir à cette autre personne,
contre rémunération ou gratuitement, certains services déterminés, sans pouvoir changer sa condition. Le paragraphe 95 du Rapport explicatif du CdE
sur la Convention sur la lutte contre la traite affirme
que « la servitude est une forme particulière d’esclavage, qui s’en distingue moins par la nature que
par le degré. Bien qu’elle constitue un état (...), elle
ne comprend pas les attributs du droit de propriété
caractéristiques de l’esclavage ».
Dans le contexte de la traite, l’exploitation des
enfants connaît un sens plus large, comme expliqué
dans la section 2 sur les définitions. Non seulement
toutes les pires formes de travail des enfants, telles
que définies dans l’article 3 de la Convention de
l’OIT no. 182 (1999), sont considérées des formes
d’exploitation lorsqu’elles surviennent suite à une
des ACTIONS indiquées dans la Convention, mais
encore tout travail effectué par des enfants dont
l’âge est inférieur à l’âge minimum d’admission à
l’emploi (C138, art. 2 et 7). Ceci signifie qu’un enfant
dont l’âge est inférieur à l’âge minimum d’admission
à l’emploi et qui travaille suite à son recrutement,
transport, transfert, hébergement ou accueil par un
tiers est une victime de la traite. Si en réalité l’exploitation peut revêtir bien des formes différentes, elle
implique généralement « un travail difficile et dangereux, peu rémunéré ou non rétribué, avec un temps
de repos insuffisant, sans la sécurité apportée par
des systèmes comme l’assurance maladie ou l’aide
sociale, et souvent accompagné de l’emploi de la
force ou de la violence ».
4.2.Ce que la traite à des fins
d’exploitation par le travail
n’est pas
L’on doit distinguer la traite à des fins d’exploitation par le travail d’autres concepts auxquels elle est
parfois assimilée à tort. Les exemples suivants sont
fournis afin de préparer le terrain pour les explications concernant l’identification préalable, et visent
à éclaircir les concepts fondamentaux de la traite.
Toutes les formes d’exploitation par le travail
ne sont pas des formes de traite par le travail
forcé. Les travailleurs peuvent se retrouver dans
des emplois caractérisés par des conditions précaires, faiblement rémunérés ou se déroulant dans
des environnements insalubres, sans toutefois être
victimes de la traite. Si la personne accepte de plein
gré l’emploi, tout en en connaissant les conditions,
et qu’elle peut quitter cet emploi après avoir fourni
un préavis raisonnable sans crainte de représailles,
elle ne saurait être considérée comme étant une victime de la traite en vue de l’exploitation par le travail. Ceci signifie que les travailleurs qui subissent
des conditions de travail précaires en raison de la
nécessité économique et du manque d’options alternatives ne peuvent être automatiquement qualifiés
de victimes de la traite, même lorsqu’il s’agit de travailleurs migrants.
Toutes les formes d’exploitation par le travail ne
sont pas des formes d’esclavage ou des pratiques
analogues à celui-ci. Manifestement, les éléments
de propriété, relation permanente et contrôle absolu
sont utilisés afin de distinguer entre l’exploitation
et l’esclavage. De plus, d’autres causes, comme
le manque d’alternatives économiques, peuvent
induire le fait de travailler de nombreuses heures
supplémentaires pour un salaire bas.
Le travail dissimulé ou non déclaré n’est pas
l’équivalent de la traite des êtres humains. Par
travail non déclaré l’on entend « toute activité rémunérée de nature légale, mais non déclarée aux
pouvoirs publics, compte tenu des différences existant entre les systèmes réglementaires des États
membres » de l’UE 17. Cette définition exclut les
activités criminelles et le travail n’ayant pas à être
déclaré. En réalité, la plupart des cas de traite à
des fins d’exploitation par le travail aboutissent à du
travail non déclaré. Cependant, en théorie, les personnes peuvent être victimes de la traite et exploitées dans le cadre d’un emploi déclaré. De même,
tout travail non déclaré n’est pas le résultat de la
traite, car le travail dissimulé est souvent fondé sur
des raisons financières, permettant aux deux parties
d’éviter à payer les charges sociales.
L’emploi illégal de travailleurs migrants n’est pas
nécessairement une forme de traite des êtres humains. L’emploi illégal est défini par la Commission
européenne comme « l’emploi d’un ressortissant
d’un pays tiers en séjour irrégulier» 18, c’est-à-dire «
17.Communication de la Commission du 7 avril 1998 sur le travail non déclaré [COM(98) 219 finale.
18.Directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil, article 2.
4.1.
4.2.
4. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
26
4.2.
4.3.
4.4.
27
un ressortissant d’un pays tiers présent sur le territoire d’un État membre qui ne remplit pas ou qui ne
remplit plus les conditions de séjour ou de résidence
dans cet État membre 19».
Selon les statistiques fournies par l’OIT, l’OIM et
l’ONUDC concernant le nombre des victimes de
la traite, aussi bien rapporté qu’estimé, de nombreuses victimes de la traite à des fins d’exploitation
par le travail dans l’UE sont des ressortissants de
l’UE ne nécessitant pas de permis de travail ou de
séjour, ce qui revient à démontrer que l’on peut être
victime de la traite sans être « migrant clandestin ».
Il y a également des migrants de l’extérieur de l’UE
qui traversent les frontières pourvus de documents
valables, à l’aide d’une personne qui les dirige par la
suite vers un employeur faisant partie de la chaîne
de l’exploitation. Au contraire, de nombreux migrants clandestins travaillent en toute liberté, sans
aucune menace de peine quelconque, et peuvent se
retrouver ou non dans des emplois caractérisés par
des conditions précaires.
4. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail
FEI
Pour résumer, nous avons montré que les travailleurs, en particulier les migrants, peuvent se retrouver dans des situations difficiles ou illégales sans
être équivalentes à la traite à des fins d’exploitation
par le travail. Cependant, la plupart de ces cas placent le travailleur dans des situations de vulnérabilité pouvant être exploitées par les employeurs ; c’est
la raison pour laquelle ces groupes sont considérés
en situation de risque de la traite. Par conséquent, il
faut porter une attention particulière aux personnes
se retrouvant dans ces situations, afin de détecter
les indices de la traite.
4.3. Qui en sont les victimes ?
Selon les dernières estimations de l’OIT concernant les chiffres globaux du travail forcé, il y aurait
dans le monde 14,2 millions de victimes du travail
forcé, dans le secteur privé, dont un tiers (4,9 millions) ont migré, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur
des frontières. Dans les 27 États membres de l’UE,
l’on estime à 620.000 le nombre de personnes se
retrouvant dans des situations de travail forcé dans
le secteur privé, la plupart suite à la migration soit à
l’intérieur de leur propre pays, soit d’un pays de l’UE
vers un autre, soit d’un pays extérieur à l’UE vers
l’un des 27 États membres. Dans le monde entier,
les femmes représentent 40% des victimes de l’ex-
ploitation par le travail forcé, ce qui suggère (en appliquant cette proportion aux chiffres de l’UE), que
250.000 femmes et 370.000 hommes sont victimes
de la traite à des fins d’exploitation par le travail .
La plupart des victimes dans l’Union européenne
sont originaires d’autres États membres de l’UE et,
dans une moindre mesure, d’Asie, d’Afrique de l’Europe centrale et du sud-est et des pays de la CEI.
Les victimes ont été retrouvées dans l’agriculture,
le travail domestique, l’industrie, la restauration et
la construction. Selon les données recueillies, les
victimes avaient été attirées au moyen de fausses
offres d’emploi, pour se retrouver ensuite dans des
conditions de travail pires que celles ayant été promises et agréées. De nombreuses victimes sont en
situation irrégulière ou ont des dettes envers leur
trafiquant ou employeur, ayant par conséquent un
très faible pouvoir de négociation. Un faible pourcentage subit la traite dans son pays de résidence,
étant victimes de pratiques de tromperie similaires.
Les statistiques officielles des victimes identifiées
et assistées dans les 27 États membres de l’UE
constituent une autre source de renseignements. Le
profil des victimes y est légèrement différent, avec
un pourcentage plus important de femmes, en raison de la concentration des efforts entrepris jusqu’à
présent sur l’identification des victimes de la traite à
des fins d’exploitation sexuelle.
4.4. Qui est en situation de risque ?
Certains groupes de travailleurs risquent davantage
de se retrouver dans une situation de traite ; c’est
pourquoi il faut leur accorder une attention particulière quant à la détection. Bien qu’on soit tenu d’appliquer la même procédure d’identification aux travailleurs de ces groupes, les indications présentées
ci-dessous sont à même d’aider les acteurs chargés de l’identification de leur porter une attention
accrue.
Les travailleurs migrants risquent plus souvent de
se retrouver en tant que victimes de la traite, surtout
en l’absence d’un réseau social dans le pays où ils
travaillent, dans le cas d’une dette à rembourser à
la personne ayant organisé le transport ou l’accès
à l’emploi, et lorsqu’ils sont en situation irrégulière
quant à leur séjour ou leur emploi. Bien que ces éléments ne suffisent pas pour identifier une situation
de traite, la vulnérabilité que sous-tendent ensemble
tous ces éléments, auxquels s’ajoute souvent un ni-
19.Ces estimations comprennent les nombreux cas de traite des enfants impliquant la mendicité forcée et les activités illicites, qui seront
présentés dans la section suivante.
veau bas d’instruction des personnes concernées,
peut donner lieu à des abus dirigés contre elles afin
de les contraindre à travailler dans des conditions
d’exploitation.
Les travailleurs dans le secteur informel sont
souvent invisibles pour les forces de l’ordre, ne font
pas partie des syndicats et peuvent par conséquent
rencontrer des difficultés à demander de l’aide en
cas d’abus. L’on peut, dès lors, supposer que les
trafiquants sont plus à même de placer leurs victimes contre leur gré dans de pareilles situations,
auxquelles il est difficile d’échapper.
Les travailleurs domestiques encourent des
risques plus élevés de traite. En effet, en l’absence
de la ratification de la nouvelle Convention de l’OIT
no. 189, 2011, sur les travailleurs domestiques, ou de
lois nationales protégeant leurs droits, ils ne bénéficient pas des mêmes droits du travail que les autres
travailleurs, ni de la même protection juridique. De
plus, ils peuvent se retrouver confinés dans leur lieu
de travail, ayant des contacts limités avec le monde
extérieur et un accès limité à des moyens de communication. Les trafiquants des femmes à des fins
de travail domestique peuvent abuser des vulnérabilités inhérentes à ce type de travail, afin de recruter
et de placer les femmes, et surtout les migrantes,
chez des employeurs peu scrupuleux qui les exploiteront.
Les femmes et les hommes illettrés ou qui comportent des déficiences mentales encourent des
risques plus importants d’être victimes de la traite.
Il est également moins probable que ces personnes
connaissent leurs droits et demandent de l’aide ou
puissent se défendre.
Les personnes issues de certaines communautés / minorités peuvent travailler pour des
employeurs de leur propre communauté. Le recrutement des travailleurs migrants a souvent lieu
dans les lieux d’origine, par l’intermédiaire de personnes de la même origine, puisqu’il est plus probable que les migrants potentiels les comprennent
et les suivent plus facilement. Ceci peut mener à
des situations où les migrants sont complètement
dépendants de leur recruteur pour ce qui est de la
nourriture, du logement et de l’emploi, sans aucune
liberté de sortir. De nombreux cas de traite ont été
identifiés dans des ateliers illégaux de travail, dans
lesquels tous les travailleurs et superviseurs appartenaient au même groupe ethnique et où les travailleurs avaient été forcés de vivre sur le lieu de travail,
sans aucun contact avec le monde extérieur.
Les enfants des communautés et des familles
pauvres peuvent être la cible des recruteurs, qui
essaieront de convaincre les parents à laisser leurs
enfants les accompagner à des fins d’instruction
ou d’emploi. Ceci est plus probable de se produire
suite à des catastrophes individuelles ou collectives
(crises économiques, tremblements de terre, inondations, sécheresses etc.), lorsque les personnes
gagnant des revenus sont pratiquement dépourvues
de toute opportunité d’emploi.
4.4.
4.5.
Les enfants des rues, les enfants dépourvus de
parents ou tuteurs peuvent être la cible des trafiquants ou des employeurs sans scrupules, qui pensent que l’enfant les suivra, sachant que personne
ne s’occupe de son bien-être.
4.5. Qui est en mesure
d’identifier les victimes et où ?
L’identification préalable des victimes de la traite à
des fins d’exploitation par le travail peut être réalisée par les organismes et organisations mentionnés
dans les lois nationales sur la traite. Généralement,
il s’agit des forces de l’ordre, parfois même d’unités
de police dédiées, mais aussi des fonctionnaires des
services de l’immigration, des autorités locales, des
missions diplomatiques et des attachés de travail,
des procureurs, du pouvoir judiciaire, des agences
de protection de l’enfance, des organisations prestataires de services aux victimes, des ONG accréditées, des organisations travaillant avec les migrants
(dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile
ou les centres de détention), de l’inspection du travail et des syndicats. Le « Recueil de bonnes pratiques en Bulgarie, France, Grèce, Roumanie, Espagne et Pays-Bas » élaboré pendant la première
étape du projet recommande que dans chaque pays
soit élaborée une carte des organisations accréditées à effectuer l’identification préalable, comprenant un spectre large d’acteurs.
Chacune de ces catégories professionnelles comprend des spécialistes de première ligne qui entrent
en contact avec les travailleurs et doivent être en
mesure de reconnaître les indices de la traite.
Concrètement, l’identification peut avoir lieu :
Par la police, dans les espaces ouverts ou fermés où a lieu le recrutement des victimes, tels
4. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
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Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
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4.5.
4. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail
que les agences de recrutement (y compris les
agences de travail temporaire), mais aussi dans
les rues, rondpoints, bois, routes et avenues
spécifiques, centres commerciaux etc. Dans le
cas du recrutement effectué par Internet, des
agents spécialisés de police peuvent accéder
aux endroits réels (à l’opposition de ceux virtuels) où travailleurs et recruteurs entrent en
contact.
Par la police, les fonctionnaires des services
d’immigration dans les postes-frontières, la
police des frontières, les chauffeurs des bus
internationaux, le personnel des compagnies
aériennes et des aéroports, où les victimes
peuvent être ou non accompagnées et tenues
sous contrôle par leur trafiquant
Par la police et la police spécialisée des
agences de transport ou dans les transports
publics ou privés, par exemple suite à des dénonciations effectuées par le personnel ou les
utilisateurs des services de transport
Par le personnel des ONG accréditées ou les
agences de protection de l’enfance travaillant
avec des enfants ayant besoin de soins et de
protection
Par l’inspection du travail, les agents de la sécurité sociale, l’inspection des incendies et du
bâtiment, l’inspection de la santé ou les syndicats sur les lieux de travail
Par le personnel des ONG présentes dans les
centres pour travailleurs migrants ayant besoin
d’assistance, où il se peut que les victimes résident
Par des fonctionnaires de l’état ou des autorités
locales, responsables de la délivrance des permis de travail et de séjour, lorsque les victimes
de la traite viennent réclamer leurs papiers
Par des fonctionnaires de l’état ou des autorités locales (par exemple les Chambres de
commerce), responsables de la délivrance des
autorisations d’établissement des entreprises
et des autorisations de recrutement
Par la police ou le personnel des ONG présentes dans les centres de détention, où il se
peut que les victimes résident parmi les migrants clandestins en attendant l’expulsion
Par la police ou le personnel des ONG présentes dans les centres pour demandeurs
d’asile, où les victimes peuvent résider sous un
faux prétexte, forcées par leur trafiquant
Par la police, dans les prisons où les victimes
peuvent se trouver après avoir été forcées par
leur trafiquant à se livrer à des activités illicites
Par les organisations prestataires de services
aux travailleurs migrants ou à des personnes
ayant besoin de soutien, lorsque les personnes
déposent plainte sur leur conditions de travail
sans toutefois s’identifier en tant que victimes
de la traite
Par le personnel des ambassades ou consulats qui reçoivent des demandes d’aide de leurs
ressortissants après s’être retrouvés dans une
situation de traite dans un pays tiers ou pendant
le processus de demande d’un visa
Par la police ou les agences spécialisées,
lorsqu’une personne agit de son gré pour demander de l’aide concernant des problèmes liés
aux conditions de travail
Par la police ou les agences spécialisées
connues du public et d’autres spécialistes chargés de la détection et de la protection des victimes
Par les enseignants, les forces de l’ordre,
les médecins ou les infirmières, les travailleurs
sociaux en contact avec des enfants, qui sont
à même de remarquer des indices de peur ou
d’angoisse, d’écouter les témoignages des enfants ou être témoins de l’attitude abusive des
adultes qui supervisent les enfants.
Tous les fonctionnaires au sein de ces organisations
ou organismes ne sont pas habilités et chargés d’effectuer l’évaluation nécessaire à l’identification préalable. Cependant, tous devraient être en mesure
de détecter les indices et reconnaître les indicateurs
à même de les alerter sur la présence d’une victime
de la traite, et de savoir à qui faire appel pour les
étapes suivantes de l’enquête et le dialogue avec la
victime potentielle. C’est pourquoi les bonnes pratiques recueillies se terminent par des recommandations adressées aux pays, afin de :
Améliorer les stratégies de sensibilisation et
de détection à travers une approche proactive, comme par exemple l’organisation d’inspections sur les lieux de travail en situation de
risque, l’approche des migrants dans les lieux
où ils se retrouvent après leur journée de travail,
l’utilisation de l’approche en « boule de neige »
lorsqu’une victime est identifiée, méthode à travers laquelle la victime identifiée est invitée à
contribuer aux efforts de détection d’autres victimes qu’elle connaît et avec lesquelles elle est
entrée en contact.
Encourager l’auto-déclaration des travailleurs
qui seraient désireux de porter plainte et de demander l’aide des forces de l’ordre ou des ONG
spécialisées, accréditées.
Encourager la dénonciation par des tiers (le
public large, les professionnels et non professionnels).
Améliorer la détection des indices de la traite
par les fonctionnaires de la police au cours de
leur travail à travers des formations sur les indicateurs de la traite.
Les indicateurs énumérés ci-dessous ont été conçus
de manière à faciliter leur compréhension et leur
mémorisation, surtout en ce qui concerne les indices
qui doivent être détectés. Les programmes de sensibilisation et de formation doivent être conçus à partir
de ces listes d’indicateurs.
4.6.Indices de l’exploitation
par le travail
La liste des indices de l’exploitation par le travail
énumérée ci-dessous a pour vocation d’aider les
agents de première ligne à reconnaître certains indices montrant la présence de victimes potentielles.
Ce n’est pas une liste exhaustive, et il n’est pas nécessaire que tous les indices soient détectés afin de
conclure qu’il s’agit d’exploitation par le travail.
Dans les cas de traite des adultes à des fins d’exploitation par le travail, ces indices seront associés
à d’autres indices qui caractérisent l’Action contre
la victime ainsi que les Moyens utilisés afin de la
contraindre. Dans le cas des enfants, il n’est pas
nécessaire de détecter des indices d’utilisation de
force, tromperie ou quelconque autre moyen pour
soupçonner un cas de traite.
Le travailleur est forcé à effectuer des travaux
dangereux sans protection adéquate.
Le travailleur n’a pas le niveau d’instruction ou
l’expérience nécessaire afin de mener à bien
ses tâches en toute sécurité.
Les travailleurs sont tenus d’habiter sur les
lieux de travail même.
Un certain groupe ethnique est surreprésenté
sur le lieu de travail.
Le travailleur est tenu de déployer des activités
illicites ou dégradantes.
L’environnement de travail est insalubre, comportant au moins éclairage et aération déficients, manque de chauffage et d’accès aux
installations sanitaires.
Il n’y a pas d’avis sur la sécurité ou la santé au
lieu de travail et l’équipement est défectueux.
Les conditions de travail constituent une viola-
tion grave des lois du travail et des accords collectifs.
Les travailleurs semblent épuisés et mal soignés.
Les personnes sont tenues de travailler, même
en cas de maladie ou grossesse.
L’employeur est incapable de montrer des
contrats d’emploi, ou d’offrir des informations
sur les assurances et le registre de sécurité sociale.
Les travailleurs n’ont pas de véritables représentants qui puissent négocier les conditions
de travail.
Le travailleur doit effectuer des heures supplémentaires sans compensation.
Les horaires de travail sont peu ou non définis.
Les compensations sont basées sur les résultats et liées à des cibles de production.
Le travailleur doit effectuer des heures supplémentaires afin de gagner le salaire minimum
légal.
Si le travailleur refuse une fois d’effectuer des
heures supplémentaires, il lui est interdit d’effectuer des heures supplémentaires par la suite
(son nom est inscrit sur une « liste noire »).
La personne travaille sur appel uniquement
(24h sur 24, 7 jours sur 7)
La personne travaille pendant des heures non
habituelles.
Le travailleur effectue également des activités
de travail au domicile de l’employeur.
La personne se voit refuser les pauses, les
jours de congés et le temps libre.
La personne se voit refuser les avantages qui
lui sont dus, comme par exemple les congés
payés.
Le travailleur semble épuisé.
La personne est tenue de travailler, même s’il
s’agit d’une personne malade ou d’une femme
enceinte.
4.5.
4.6.
4. Les victimes de la traite à des fins d’exploitation par le travail
28
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
30
5.
5.1
5.2
5.3
31
5. Les victimes de
la traite pour d’autres
formes d’exploitation
(mendicité forcée,
activités illicites
forcées)
5.1. Qu’est-ce que la traite
pour la mendicité forcée
ou les activités illicites ?
5. Les victimes de la traite pour d’autres formes d’exploitation
(mendicité forcée, activités illicites forcées)
FEI
Le paragraphe 11 de la Directive 2011/36/UE du
Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011,
se penche sur cette question. Il élargit le concept de
ce qui doit être considéré traite des êtres humains
comme suit : « Dans le contexte de la présente directive, par «mendicité forcée», il y a lieu d’entendre
toute forme de travail ou de service forcés tels que
définis dans la convention no 29 de l’OIT concernant le travail forcé ou obligatoire de 1930. » Il y est
ajouté par la suite que « L’expression «exploitation
d’activités criminelles» devrait s’entendre comme
l’exploitation d’une personne en vue de commettre,
entre autres, du vol à la tire, du vol à l’étalage, du
trafic de drogue et d’autres activités analogues passibles de sanctions pénales et qui ont un but lucratif
».
Il est pertinent d’ajouter qu’en ce qui concerne la
mendicité, la directive stipule que « l’exploitation de
la mendicité, y compris l’utilisation d’une personne
dépendante et victime de la traite, à des fins de
mendicité, relève de l’application de la définition de
la traite d’êtres humains uniquement lorsque tous
les éléments du travail ou des services forcés sont
réunis. A la lumière de la jurisprudence relevante, la
valabilité de tout consentement possible à prêter un
pareil travail ou service doit être évaluée au cas par
cas, individuellement ».
Ceci ne s’applique pas aux enfants, puisque
dans leur cas « aucun consentement quel qu’il soit
ne devrait être considéré comme valable ». En ce
qui concerne les activités criminelles, de même, le
crime renvoie à l’exploitation d’une personne afin de
commettre de telles activités.
5.2. Qui en sont les victimes ?
Puisque dans les derniers chiffres globaux estimés
de l’OIT en ce qui concerne les victimes en EU,
les personnes impliquées dans de telles formes
d’exploitation ont été inclues dans la catégorie des
victimes de la traite à des fins d’exploitation par le
travail, il n’y a pas d’estimations concernant leur
nombre. Cependant, l’on peut dire que, selon l’OIT,
la plupart des enfants en situation de travail forcé en
Europe sont exploités pour de telles activités. Selon
les statistiques d’Eurostat 2008/2010, 3% des victimes identifiées de la traite ont été exploitées à des
fins de mendicité forcée.
5.3. Qui est en situation de risque ?
Vue l’insuffisance de la recherche à cet égard, les
profils des personnes en situation de risque en ce
qui concerne ces formes d’exploitation dans les
États membres de l’UE ne sont pas bien définis. Il y
a cependant des indices montrant que les groupes
suivants se retrouvent davantage dans une situation
de risque.
Les travailleurs migrants sont en situation de
risque en ce qui concerne la traite, surtout s’ils ont
déjà été impliqués dans de telles activités dans leur
pays d’origine. Ils peuvent être détectés par les trafiquants locaux et forcés à migrer afin de mendier ou
de commettre des activités illicites à l’étranger, pour
l’avantage des trafiquants. Ce processus peut également revêtir le remboursement d’une dette.
Les personnes ayant été impliquées dans des activités criminelles, sans pourtant y être contraintes,
peuvent tomber en proie aux trafiquants de leur pays
qui utiliseront leurs crimes passés afin de les forcer
à en commettre des nouveaux. Ils peuvent les menacer de les dénoncer pour d’autres crimes ou d’en
informer leurs familles et utilisent n’importe quelle
forme de menace afin de les recruter de force. Il
s’agit dans ce cas tout particulièrement des usagers
et trafiquants de drogues. La remarque concernant
le remboursement de dettes est également valable
dans le cas des personnes vulnérables à de telles
formes de traite.
Les personnes originaires de certaines communautés / minorités peuvent être recrutées de force
par d’autres personnes de leur communauté. Il a
été démontré que ceci est le cas notamment en ce
qui concerne la mendicité forcée.
Les victimes,
surtout s’il s’agit d’enfants, reçoivent des consignes
de mentir sur leur relation avec le trafiquant et la
personne qui les force à mendier.
Les enfants des rues, les enfants dépourvus de
parents ou tuteurs peuvent être une cible facile
pour les trafiquants, qui les recrutent afin de les forcer à se livrer à la mendicité ou aux activités illicites,
dans l’idée que les enfants seront punis moins gravement que les adultes, en cas d’arrestation.
5.4. Qui est en mesure
d’identifier les victimes et où ?
Outre les mêmes agents des forces de l’ordre énoncés précédemment, qui entrent en contact avec
les migrants, il y a des endroits spécifiques et des
agents qui peuvent être actifs dans la détection de la
traite pour activités criminelles. Plus précisément :
Tous les mineurs appréhendés pour trafic
de drogues ou autres infractions mineures devraient systématiquement être questionnés sur
le sujet, supposant qu’il est possible d’y avoir
été contraints.
Pendant le procès, les juges et les avocats devraient chercher à comprendre par quel biais
la personne a commencé à se livrer à de tels
actes, en cherchant à savoir si la personne a
été contrainte par un tiers
Dans les centres de détention, surtout ceux
destinés aux mineurs, les professionnels
devraient être formés à détecter tout indice
montrant qu’un mineur a été contraint à commettre les délits pour lesquels il se trouve dans
le centre de détention sous le contrôle d’une
tierce personne, mineure ou adulte
Les travailleurs sociaux du terrain sont les personnes les mieux renseignées sur les mendiants, les lieux où ils exercent leur activité et
ceux qui les accompagnent. Ils devraient être
formés à détecter les indices de la traite parmi
les adultes et les enfants mendiants.
Les enseignants, les médecins et les travailleurs sociaux qui entrent en contact avec les mineurs peuvent détecter des indices de fatigue,
angoisse, violence sur les enfants, pouvant être
liés à une situation d’exploitation.
Les propriétaires de magasins qui détectent et
arrêtent des voleurs à l’étalage sont en mesure
de détecter des indices de traite parmi les voleurs, ou remarquer si une tierce personne les
attend afin de les punir pour leur échec. De tels
indices devraient alerter les propriétaires de
magasins et les déterminer à dénoncer le cas
aux forces de l’ordre ou aux agences dédiées à
la problématique.
5.3
5.4
5.5
5.5.Indices des autres
formes d’exploitation
Les indices de la traite pour la mendicité forcée ou
les activités illicites sont particulièrement difficiles
à détecter, puisqu’il faut chercher au-delà du côté
criminel des activités entreprises afin de déterminer
si la personne est contrainte à agir ainsi.
La liste des indices ci-dessous n’est pas exhaustive
et il n’est pas nécessaire que tous les indices soient
détectés afin de conclure qu’il s’agit d’exploitation
à des fins de mendicité ou d’activités illicites forcées. Cette liste d’indices a pour vocation d’aider les
agents de première ligne à reconnaître certains indices montrant la présence de victimes potentielles.
La personne mendie tout au long de la journée
La personne est déplacée d’un endroit à
l’autre, contre son gré
La personne semble épuisée
La personne est contrainte à la mendicité,
même malade ou enceinte
La personne semble avoir un handicap
La personne vend/dissimule/transporte des
substances illicites ou des armes
La personne semble angoissée
La personne n’a pas d’argent sur elle
5. Les victimes de la traite pour d’autres formes d’exploitation
(mendicité forcée, activités illicites forcées)
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
32
6.
33
6. Évaluer
si la personne est
une victime présumée
de la traite
Ce chapitre présente des outils qui peuvent être utilisés afin de détecter les victimes de la traite. Par
conséquent, ils ont vocation à être utilisés par des
agents formés qui peuvent prendre la décision de
renvoyer la personne (avec son consentement) vers
le mécanisme d’orientation ou une autorité semblable compétente. Puisque leur utilisation et contenu dépendent de l’âge de la personne, le chapitre
commence par une section sur la détermination de
l’âge de la personne. Dans la pratique, il y a de nombreux cas où cette étape n’a pas lieu, puisque le statut de la personne (enfant ou adulte) est manifeste.
Pourtant, il est si important de protéger les enfants
et d’utiliser les procédures correctes à cette fin, que
le chapitre commence par cette question.
6. Évaluer si la personne est une victime présumée de la traite
FEI
Il est important que les agents de première ligne
soient informés et soient capables d’expliquer à la
personne l’importance de l’identifier en tant que victime de la traite. Souvent, la personne n’aime pas
qu’on la traite de victime et ne se reconnaît pas en
tant que telle. Pourtant, il est important d’identifier
des victimes potentielles de la traite parce qu’elles
sont, très probablement, en situation de danger et
c’est le devoir des professionnels de les protéger.
De plus, en identifiant et en portant assistance aux
victimes potentielles, vous participez au combat
contre la criminalité organisée. Plus spécifiquement,
ceci est important parce que :
La personne doit être protégée contre ceux qui
l’exploitent, lui portent atteinte ou la menacent
Une fois la personne identifiée en tant que
victime potentielle, elle sera orientée vers les
autorités compétentes à même d’assurer la protection et l’assistance de la victime et de subvenir à ses besoins immédiats et à court terme
La détection de victimes potentielles peut contribuer à libérer d’autres hommes et femmes, ou
garçons et filles qui souffrent d’exploitation de
manière similaire ou identique
L’identification préalable peut contribuer à
constituer un dossier et à arrêter et poursuivre
en justice ceux qui ont abusé de la victime
Ceci peut mener à ce que la victime obtienne
des réparations par voie judiciaire.
Encore faut-il dire que dans certains pays, quand
on est témoin d’un délit, on est tenu d’en informer les autorités.
Les sept points énumérés ci-dessous constituent un
résumé des actions que les agents de première ligne
peuvent/doivent entreprendre dès le premier soupçon de traite jusqu’au moment où la victime présumée est orientée vers les autorités compétentes.
1.Assurer la sécurité de la personne
et subvenir à ses besoins essentiels
La priorité absolue est de s’assurer que la personne, ainsi que l’agent, sont en sécurité. En
cas contraire (si, par exemple, un superviseur
peut entendre les discussions ou fait des menaces à la personne), il faut quitter les lieux ou
appeler au secours.
Aussitôt que possible, il faut proposer à la
personne qui montre des indices de traite un
abri, de la nourriture, des boissons, la possibilité de se reposer ou l’accès à d’autres besoins
essentiels, le cas échéant.
2.Évaluer si la personne est mineure
Il est important d’évaluer s’il s’agit d’un enfant
(moins de 18 ans), puisque dans ce cas il y a des
procédures spécifiques. De nombreux cas sont manifestes, mais il peut s’avérer difficile à établir l’âge
de certains mineurs qui peuvent faire de fausses
déclarations, prétendant être adultes.
La règle recommandée par la Directive de la Commission européenne est que, en cas d’incertitude
sur l’âge de la victime, aussitôt qu’il existe suffisamment de raisons de croire que l’enfant a été exploité,
de quelle manière que ce soit, la personne respective doit être présumée mineure et doit bénéficier
d’assistance, d’appui et de protection immédiate,
l’officiel étant tenu d’annoncer l’unité compétente
en matière de protection de l’enfance. Ce sera
leur responsabilité de poursuivre l’identification des
cas de traite. En attendant, il est important de faire
en sorte que l’enfant se sente en sécurité en en
confiance et de prêter attention à ses craintes. L’unité spécialisée décidera le moment où les parents /
les tuteurs devront en être informés.
3.S’assurer que la compréhension
est réciproque
Un langage simple peut suffire pour offrir protection
et déterminer si la personne est mineure. Pourtant,
en vue de continuer le processus de détection de
la traite, il est nécessaire de s’assurer que la personne comprend la langue utilisée par les agents
de première ligne. En cas contraire, il est important
d’utiliser les services d’un interprète afin de faciliter
la communication. La victime potentielle doit agréer
le choix de l’interprète. Il est recommandé de ne pas
accepter d’utiliser à cette fin des « collègues » du
même groupe que la victime potentielle, puisque ces
personnes peuvent être liées au trafiquant.
4.Écouter, observer,
poser des questions 20
Le rôle des agents de première ligne est d’observer la situation et d’écouter la personne, afin
d’obtenir suffisamment de renseignements permettant d’établir s’il s’agit d’une victime potentielle de la
traite. Si possible, il faudrait également documenter
les indices de traite observés à travers le recueil des
preuves disponibles.
Afin d’en faciliter la détection, la page suivante
contient une liste d’indices qui peuvent montrer que
la personne est une victime potentielle de la traite.
Les indicateurs sont des faits qui indiquent la présence des concepts juridiques décrivant la traite
des êtres humains. La présence d’un indicateur
est insuffisante pour qualifier le cas de traite. C’est
pourquoi cette méthode suggère l’identification des
indices (qui montrent une situation potentielle de
traite) et d’associer à chaque indice des causes et
intentions. Des explications concernant la présence
d’un des indices peuvent conduire le professionnel
à ignorer l’indicateur ou, au contraire, à approfondir
l’enquête et chercher des indices supplémentaires.
Seule l’association de différents indicateurs des
trois éléments de la définition de la traite (Action,
Moyens – pour les adultes – et But) pourra conduire
l’agent à conclure que la situation est probablement un cas de traite à des fins d’exploitation par
le travail, sexuelle, ou à des fins de mendicité et
d’activités illicites forcées et que la personne devrait
être orientée vers l’autorité spécialisée dans la lutte
contre la traite.
La méthodologie de l’OIT prévoit pour chaque indicateur quatre dimensions : 1) indices, 2) une liste
de questions de vérification, 3) des méthodes d’enquête et 4) des preuves à recueillir :
6.
1DÉTECTER LES INDICES – Il s’agit d’indices
qui suscitent l’attention et qui montrent une
situation sérieusement anormale. Chacun des
indicateurs doit être lié à un sous-groupe d’indices d’avertissement. Une fois que les indices
d’avertissement alertent l’agent, celui-ci devrait
essayer, tout au long de l’enquête, de détecter
d’autres indices associés à l’indicateur en question ou à d’autres indicateurs. La plupart des
indices sont observables à travers le suivi, l’observation et l’entretien pendant l’évaluation initiale dans le terrain, sans avoir besoin d’entretiens et d’examens en profondeur. Ces indices
montrent la présence potentielle d’un indicateur
de la traite. Certains indicateurs (comme la
tromperie) ne comportent pas d’indices manifestes et faciles à observer ; au contraire, ils
demandent des questions plus approfondies et
l’utilisation d’autres méthodes.
2VÉRIFIER LES CAUSES – Un ensemble de
questions est fourni afin d’aider l’agent à vérifier si l’indicateur est effectivement associé à
un délit de traite ou non. Il s’agit d’identifier,
pour chacun des indicateurs, les causalités,
motivations et intentions. Les questions orientent l’agent à enquêter les cas de manière plus
approfondie, surtout lors des interviews menés
avec les victimes et autres témoins de la traite.
Les questions ne sont pas directes (« A-t-on fait
usage de violence afin de contraindre la personne à travailler ? »), mais indirectes, à poser
sous des angles différents, les réponses obtenues conduisant l’agent à tracer ses conclusions.
Ces deux étapes peuvent être complétées par
deux démarches supplémentaires d’enquête, à
savoir l’«utilisation de méthodes» et «le recueil de
preuves». Ces étapes ne tiennent pas des responsabilités de l’agent de première ligne, mais sont développées ici afin que l’agent sache comment réagir
si certains de ces éléments surgissent au cours de
la discussion avec la victime potentielle.
20.Ce paragraphe est fondé et s’appuie sur une méthodologie élaborée par l’OIT dans le contexte de la conception d’un outil de e-learning visant l’identification des victimes du travail forcé. Les indicateurs ont été modifiés afin de refléter les différents éléments de la
définition de la traite telle que présentée dans la Convention du CdE. Le but de ces indicateurs est limité à l’évaluation de la probabilité que le travailleur soit victime de la traite.
6. Évaluer si la personne est une victime présumée de la traite
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
34
6.
35
3UTILISATION DE MÉTHODES – Il s’agit seu-
lement de suggestions sur la manière dont un
agent peut trouver les réponses à l’ensemble
des questions. Dans le cas de l’exploitation par
le travail, les méthodes comprendront l’observation directe sur le lieu de travail et dans les
dortoirs, le passage en revue de la documentation pertinente de l’entreprise et de l’employé,
la collecte d’échantillons, la réalisation d’interviews sur place ou à l’extérieur. La liste est loin
d’être exhaustive. Dans le cas de l’exploitation
sexuelle, certaines observations peuvent être
recueillies dans les maisons de prostitution, les
salons de massage ou d’autres endroits où la
prostitution a lieu. Cependant, il est improbable
que l’enquêteur ait libre accès à la documentation des employeurs ; aussi devra-t-il compter
davantage sur les témoignages.
4RECUEIL DE PREUVES – S’il s’avère que le
6. Évaluer si la personne est une victime présumée de la traite
FEI
cas est à même de constituer un délit de traite,
l’agent spécialisé reçoit une liste non exhaustive des preuves spécifiques à l’indicateur en
question qui doivent être recueillies. Pour chacun de ces indicateurs, l’agent devra s’efforcer d’obtenir des témoignages détaillés des
victimes potentielles, fondés sur les questions
fournies. D’autres preuves peuvent soutenir la
position du travailleur mais peuvent également
constituer des preuves à part entière, surtout
lorsque la victime refuse de témoigner. Ce type
de preuves est détaillé pour chaque indicateur.
Ces indicateurs peuvent être utilisés dans toutes les
étapes du cycle de la traite; ainsi, il est possible
que la personne en question ait migré, soit en route
vers sa destination, soit employée à présent ou ait
échappé à une situation d’exploitation. Afin d’éviter
de définir la personne selon l’étape pendant laquelle
a lieu la détection (candidat / migrant potentiel /
migrant / travailleur / ex-travailleur), les indicateurs
utiliseront le terme générique de «personne» qui
renvoie à l’enfant, la femme ou l’homme étant victime présumée de la traite, du moins pour les étapes
précédant l’emploi.
Une fois que les agents de première ligne ayant détecté des indices auront parcouru le processus dans
son intégralité, ils peuvent résumer leurs perceptions sur la présence ou l’absence de chacun des
indicateurs de la manière suivante :
0Absence : il n’y a pas d’indices sur la présence
de l’indicateur
1Présence d’indices: Certains indices ont été dé-
tectés; des explications satisfaisantes existent,
confirmant la probabilité de la présence de l’indicateur.
2Les indices sont présents et des preuves en ont
été recueillies pendant l’entretien avec la personne. Ces preuves soutiendront le cas dans
l’étape de l’identification formelle.
3Pas de décision possible pour l’instant : le
manque de clarté sur les faits et les explications
mène à l’incertitude.
5.Informer, expliquer
La victime potentielle, qui vient d’échapper à une
situation d’angoisse, qui était exploitée et menacée, doit être informée sur l’identité de son interlocuteur, le nom de l’organisation dont il fait partie,
ainsi que l’objectif de la discussion/audition.
La victime potentielle doit donner son accord à
démarrer la discussion, savoir qu’elle peut, à tout
moment, l’interrompre ou demander plus de renseignements. Elle doit savoir que son identité ne sera
révélée qu’avec son accord pour être transmise aux
organisations qui en auront besoin pour organiser
leurs actions d’assistance.
Prendre des notes en cas de besoin pendant la discussion peut s’avérer utile afin d’orienter la victime
potentielle vers les autorités compétentes. Pourtant,
il ne faut pas prendre des notes sans l’accord de la
personne.
Pendant la discussion, il faut suivre de près la démarche axée sur les droits de l’homme et traiter
les victimes potentielles en tant que titulaires de
droits. À l’issue de la discussion, si la conclusion
donne à penser qu’il s’agit d’une victime potentielle
de traite, l’officiel en charge doit informer l’autorité
compétente et doit proposer a la victime présumée d’être orientée vers un organisme spécialisé qui lui fournira assistance et protection à court,
moyen et possiblement long terme, au cas ou elle
serait identifiée comme victime de la traite. Le paragraphe suivant explique la suite des événements
une fois que la personne sera orientée vers l’organisme spécialisé chargé d’identifier les victimes de
la traite.
6. Expliquer les différentes étapes de
l’identification des victimes de la
traite
Au cas ou les possibles victimes se posent la question de savoir ce qu’il leur arrivera au moment où
elles seront déférées aux autorités compétentes, il
est important que les officiers soient capables de
leur répondre et leur expliquer leurs droits. Cette
section présente en bref les principaux pas à suivre,
après la remise de l’affaire aux autorités de droit. Au
cas où la personne est déférée à l’autorité compétente (le Mécanisme national d’orientation), elle participera à un entretien avec des spécialistes chargés
d’identifier les victimes de la traite. Une fois identifiée en tant que victime de la traite, la personne sera
traitée par voie de conséquence et pourra bénéficier
de l’assistance prévue par la loi nationale pour les
victimes de la traite, jusqu’à ce que de nouveaux
éléments viennent à contredire cette identification.
Dans le cas des adultes, une fois la victime présumée/potentielle identifiée, elle pourra, avec son
accord :
Bénéficier d’un délai de rétablissement et de réflexion d’une période de minimum trente jours,
qui permet à une victime sans résidence légale
de demeurer dans le pays, se remettre de ses
épreuves et prendre une décision éclairée sur
son éventuelle coopération avec les autorités
compétentes afin de poursuivre en justice le
trafiquant
Être protégée de ses anciens exploiteurs/trafiquants par des mesures de sécurité décidées
en accord avec la victime, suite à une évaluation des risques
Être protégée afin d’assurer sa sécurité et son
bien-être physique, y compris des solutions de
logement en sécurité, le cas échéant
Bénéficier des services d’un interprète
Bénéficier gratuitement d’assistance juridique
Bénéficier d’assistance médicale et pharmaceutique en cas de besoin
Bénéficier de soins et de services psychosociaux
Plus tard, cette autorité ou autre autorité compétente analysera son cas plus en profondeur, dans le
but de lui accorder (ou non) le statut officiel de victime de la traite. Ce statut officiel lui donne le droit
de bénéficier de :
Un permis de séjour/travail de longue durée
pour les victimes de tiers pays n’ayant pas de
résidence légale
Certaines offres d’éducation/formation pour les
plus jeunes
Soins réguliers médicaux et pharmaceutiques
Des compensations de la part des trafiquants et
ouverture des voies juridiques d’attaque
Un rapatriement en toute sécurité et dignité
vers leur pays d’origine ou, parfois, vers un
autre pays, pour les victimes qui le souhaiteraient.
6.
Si la victime présumée est mineure, elle bénéficiera
de mesures spécifiques aussitôt qu’elle sera identifiée en tant que victime présumée. Ceci comprend :
Des mesures spéciales prises par les autorités
compétentes afin de déterminer l’identité et la
nationalité de l’enfant et de savoir si l’enfant a
été accompagné ou non
La représentation juridique
La nécessité, de la part des autorités compétentes, d’entreprendre tous les efforts afin de
localiser la famille du mineur
L’accès à l’école ou à d’autres formes d’enseignement
La possibilité du retour volontaire, si le mineur
le souhaite et suite à la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant par les autorités compétentes en matière protection de l’enfance.
7.Intervenir
À l’issue de l’entretien avec la personne, il y a quatre
possibilités de suivi.
aLa personne en question étant mineure, la pre-
mière chose à faire est de contacter l’unité responsable (ou compétente) en matière de protection de l’enfant
bLorsque l’agent pense que la personne est
susceptible d’être victime de la traite et
qu’elle a accepté d’être déférée aux autorités
spécialisées, il doit appeler l’autorité et orienter
la personne.
cLorsque l’agent pense que la personne est
susceptible d’être victime de la traite mais
elle ne souhaite pas être orientée vers l’autorité spécialisée, du moins pour le moment, il doit
inviter la personne à y réfléchir et lui fournir une
6. Évaluer si la personne est une victime présumée de la traite
FEI
FEI
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
36
6.
Lignes directrices pour l’identification préalable
des victimes de la traite en Europe
FEI
37
liste de contacts en cas de changement d’avis,
ainsi que les coordonnées des organisations en
mesure de lui porter assistance sur des sujets
spécifiques, comme les contrôles médicaux ou
l’assistance juridique.
6.
De plus, dans certains pays il est obligatoire
d’informer les autorités lorsque l’on a été témoin d’un délit, même sans le consentement de
la victime.
d Lorsque l’agent ne pense pas qu’il s’agisse
6. Évaluer si la personne est une victime présumée de la traite
6. Évaluer si la personne est une victime présumée de la traite
d’une victime de la traite mais qu’elle a besoin
d’assistance, il lui fournira les coordonnées des
organisations qui assurent assistance spécifique ainsi qu’une brochure contenant des renseignements sur la traite.
Recueil
de preuves
• Déclarations de témoins
• Contrats d’emploi ou autres
documents indiquant les
conditions générales de travail
(correspondance, contrats
d’emploi, annexes ou addenda)
• Sources de renseignements
sur le recrutement (annonces
d’emploi dans les journaux, sur
Internet, à la radio ou à la télé,
posters, brochures)
• Registres des transactions
financières entre l’employeur,
l’intermédiaire et la personne
(des bulletins de salaire, les
comptes et registres, relevés
bancaires, toute autre preuve
électronique ou sur papier)
• Correspondance entre le recruteur, l’employeur, la personne
et toute autre tierce personne
impliquée
• Preuves de communication
(journaux, agendas, registres
téléphoniques, appareils téléphoniques montrant les appels
effectués et reçus, courriels,
lettres, messages)
• Preuves de transport (talons
des tickets ou reçus, morceaux
de papier contenant des dates
et heures, des reçus de carburant)
• Documents publics, articles de
presse et renseignements provenant des bases de données
des autorités
Utilisation
de méthodes
• Recueillir et analyser tous les documents liés au recrutement et aux conditions générales
de l’emploi, de sources différentes (l’employeur, le travailleur, les services de transport, les
journaux ou d’autres médias contenant les annonces originelles d’emploi, les banques ou
services de transfert d’argent qui établissent des frais de recrutement)
• Dans le cas de l’exploitation sexuelle, analyser les documents disponibles contenant des
promesses d’embauche, des renseignements sur la nature et les conditions de l’emploi
• Chercher des preuves de communication afin d’établir les moyens utilisés pour le recrutement, la relation entre les employeurs et les recruteurs ou les intermédiaires, et les
conditions générales de l’emploi.
• Interviewer les travailleurs. Chercher à connaître les méthodes par lesquelles ils ont été
recrutés, les promesses qu’on leur a faites et leurs attentes initiales ainsi que les conditions réelles de travail.
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs et tout autre personnel pertinent.
Se renseigner sur les pratiques et la politique de recrutement et les modalités de communiquer les conditions de travail aux travailleurs actuels et potentiels. Si l’employeur utilise
les services d’un intermédiaire, a-t-il mis en place des mesures afin de prévenir les abus et
les fraudes ?
• Interviewer tous les intermédiaires impliqués dans l’embauche des travailleurs, y compris
les recruteurs, intermédiaires et agences d’emploi privées. Se renseigner sur les pratiques
et la politique de recrutement et les modalités de communiquer les conditions de travail
aux travailleurs actuels et potentiels. Chercher à savoir si l’intermédiaire continue à jouer
un rôle important même après l’embauche de la personne.
• Inspecter les lieux de travail de l’intermédiaire et analyser les preuves pertinentes (autorisation, modèles de contrats ou contrats réels, qualifications professionnelles, correspondance).
• Le cas échéant, vérifier si les intermédiaires sont autorisés et accrédités par les autorités
compétentes.
• Vérifier les documents publics (bases de données des tribunaux, sites Internet des
autorités), bases de données des autorités et sources média sur l’existence de plaintes ou
affaires en instance contre l’employeur ou l’intermédiaire.
• Le cas échéant, discuter avec d’autres agents des forces de l’ordre et des représentants
de la société civile afin de connaître les renseignements déjà connus sur l’employeur et
son intermédiaire.
• En cas de mouvement interne ou transfrontalier, contacter l’agence locale des forces
de l’ordre dans le pays ou la région de la personne, afin de recueillir tout renseignement
concernant la personne, l’intermédiaire ou l’employeur.
• Interviewer des tiers (membres de la famille, voisins, membres de la communauté locale,
tant à l’origine qu’au lieu de destination) qui sont à même de connaître les méthodes de
recrutement utilisées et les conditions du travail promises initialement.
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
38
indicateurs d’action
• Comment la personne a-t-elle
appris l’existence de l’emploi
(à travers une annonce, de
manière informelle, par le
contact direct) ? La personne at-elle été la cible d’un recruteur
ou d’un intermédiaire ?
• Qui a organisé le recrutement ?
• À qui la personne a-t-elle payé
les frais de recrutement ? À
combien s’élèvent ces frais ?
• Y a-t-il une dette actuelle liée
au recrutement ?
• La personne a-t-elle demandé à
ne pas poursuivre le travail à la
fin de sa formation ?
• La personne a-t-elle signé un
contrat d’emploi ? Si oui, la
signature de la personne estelle authentique ? Le contrat at-il été signé sous la contrainte
?
• En cas de signature d’un
contrat d’emploi, la personne
en comprend-elle les conditions
générales ? Le contrat est-il
rédigé dans une langue que
la personne comprend ? Le
contrat a-t-il été modifié d’une
manière quelconque depuis sa
signature par la personne ?
Causes (questions
à ne pas poser
directement à la victime)
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
• La personne ne sait pas
comment elle s’est procuré
les documents de travail
• La personne a payé des frais
excessifs de recrutement
• La personne ne savait pas
où elle allait travailler
• L’employeur est incapable de
montrer le contrat d’emploi
de la personne
• La personne a payé un tiers
afin d’obtenir l’emploi
• La personne n’a pas postulé
pour l’emploi
• La personne ne possède pas
de contrat d’emploi ou les
conditions générales y sont
mal définies
• Le contrat d’emploi est
rédigé dans une langue que
la personne ne comprend
pas
• La personne a signé un
nouveau contrat de travail
lors de son arrivée en poste
(pratique parfois appelée «
substitution de contrat »)
Indices
RECRUTEMENT
INDICATEURS D’ACTION
FEI
FEI
39
• Qui a organisé le transport ? Qui en a payé les
frais ?
• Y a-t-il un accord stipulant que la personne doit
rembourser ces frais ? Dans quelles conditions
?
• Qui a contraint la personne à se cacher ?
• Qui a contraint la personne à mentir ?
• Pourquoi la personne a-t-elle remis son passeport à un tiers afin de passer les frontières ?
• La personne n’a pas organisé son propre transport
• La personne a été contrainte de se cacher pendant le transport
• La personne a dû mentir pendant le contrôle aux frontières
• La personne ne connaît pas la route à partir de l’endroit d’origine jusqu’à la destination
finale
• La personne montre des indices de crainte à l’égard de son ou ses accompagnateurs
• Une tierce personne lui rend son passeport juste avant le passage des frontières
• Les voyageurs du même groupe semblent ne pas se connaître
• Une tierce personne (par exemple le chauffeur) répond aux questions à la place de
l’un ou plusieurs des passagers
• Les documents de voyage et les déclarations de la personne ne correspondent pas
à d’autres observations (bagage, apparence et condition physique, compétences de
langue etc. ne correspondent pas avec la version de la personne)
• La personne tente-t-elle de fuir lors du passage de
frontières ?
• Des travailleurs n’ayant pas été soumis à des
violences ont-ils été témoins de l’événement ? Se
sont-ils, par conséquent, sentis menacés ou intimidés ?
• La personne dénonce-t-elle des menaces ou des
sanctions contre elle-même, ses collègues ou
des membres de sa famille ? De quelle sorte de
menaces s’agit-il ?
• Pourquoi des menaces et des sanctions sont-elles
utilisées selon l’employeur (absentéisme, erreurs
de production, grève, manque de performance ou
refus d’effectuer des heures supplémentaires) ? Y
a-t-il une base juridique ou factuelle ? La personne
accepte-t-elle les raisons données par l’employeur
?
• Quel est l’impact et la crédibilité des menaces sur la
personne, vues ses caractéristiques personnelles,
ses croyances et son bagage socio-économique ?
• La personne se sent-elle capable de quitter son
emploi ? Y-a-t-il des travailleurs qui ont quitté
l’emploi ou refusé de travailler, de leur gré ? Si oui,
que s’est-il passé ?
• En cas de licenciement ou de sanctions imposées
à d’autres travailleurs, ont-ils reçu des avis ou des
avertissements, par écrit ou à l’oral ?
• La personne montre-t-elle des signes de crainte ?
Demande-t-elle de l’aide, directement ou indirectement ? Souhaite-t-elle quitter son emploi ? Si oui,
pense-t-elle que cela est possible ? Quelles sont les
réactions émotionnelles de la personne à l’idée de
rester ?
• La personne manifeste peur et angoisse, en particulier en présence
de son superviseur ou gestionnaire
• La personne manifeste peur et angoisse, en particulier en présence
des personnes qui l’accompagnent
pendant le transport, transfert ou
passage de frontières
• La personne fait des déclarations
incohérentes ou qui relèvent de
l’endoctrinement
• Les superviseurs et gestionnaires
ou les hommes et femmes qui
l’accompagnent pendant son transport, son transfert ou le passage
de frontières se montrent agressifs
envers la personne
• La personne subit des (menaces
de) mesures disciplinaires non
justifiées et arbitraires
• La personne semble être blessée
et dépourvue des biens de
première nécessité, comme la
nourriture, l’eau, le logement et le
repos
• Discuter avec les travailleurs de manière individuelle tout
en gardant à l’esprit leur sécurité et la confidentialité des
interviews afin de protéger la personne de toutes représailles potentielles ; si cela s’avère possible et approprié,
rencontrer les travailleurs à l’extérieur ou utiliser les lignes
d’assistance téléphonique.
• Discuter avec un large échantillon de travailleurs afin
de déterminer si les mesures disciplinaires exigent ou
entraînent une obligation de travailler ; chercher à identifier
et interviewer particulièrement les travailleurs ayant été
soumis à des mesures disciplinaires pour différents types
d’infractions ; chercher également des travailleurs ayant
été licenciés par l’employeur.
• En cas de grèves récentes, discuter avec les travailleurs
ayant participé ou coordonné les grèves, afin de déterminer s’ils on fait l’objet de représailles suite aux actions
menées.
• Contacter les organisations patronales et syndicales et
analyser les registres juridiques afin d’y identifier des
preuves de plaintes non tranchées ou d’actions juridiques
menées contre l’entreprise, par exemple dans un tribunal
du travail.
• Discuter avec l’employeur sur la politique de l’entreprise au
sujet de la violence, du harcèlement et de l’intimidation sur
le lieu du travail et analyser les copies de tels règlements
; discuter également sur les mécanismes de plainte, les
mesures disciplinaires et les réactions de la direction en
cas de grève.
• Discuter également avec les superviseurs afin de déterminer si les mesures disciplinaires entraînent une obligation
de travailler.
• Analyser les documents de l’entreprise (y compris la
correspondance) à l’égard des mesures et sanctions disciplinaires afin de déterminer si l’entreprise impose le travail
en tant que sanction.
• Notifications/courriels/ autres types
de correspondance au sujet des menaces de chantage, de dénonciation
aux autorités, d’informer la famille
de la personne, de licenciement ou
autres menaces ou sanctions
• Documents provenant du lieu de
travail au sujet des mesures disciplinaires, tels que les codes de la discipline du travail, d’autres règlements
liés au travail, des avertissements
issus par écrit ou réprimandes faites
aux travailleurs.
• Bulletins de salaires, registres
des comptes bancaires ou autres
preuves sur les transactions
financières prouvant l’utilisation des
amendes punitives.
• Témoignages des travailleurs, y
compris de ceux qui ont été licenciés
ou se sont enfuis.
• Preuves de plaintes déposées précédemment contre l’employeur
• Déclarations des experts sur le
trauma et les troubles post-traumatiques ainsi que le bagage religieux
et culturel des victimes (crédibilité
de la menace)
• Photos de l’attitude lors du passage
des frontières.
Recueil de preuves
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
40
indicateurs de moyens
Causes (questions à ne pas poser directement à la victime)
Indices
MENACES
Utilisation de méthodes
• Photos de l’habitat
• Mesurer la température
pendant le jour et la nuit
• Reçus comportant les
montants déduits pour
le logement
• Témoignages d’autres
travailleurs
nspecter les dortoirs et vérifier si les
travailleurs ont accès à des installations
sanitaires appropriées, des espaces privés, à l’extérieur, aux médias disponibles,
à d’autres services etc.
• Discuter avec les travailleurs sur leurs
conditions de travail et leur volonté de les
accepter
• Discuter avec les travailleurs sur les règles
concernant l’habitat sur le lieu de travail
• Recueillir des échantillons de matériels ou
substances utilisés dans le lieu d’habitat
afin d’analyser les risques potentiels pour
la santé et la sécurité des travailleurs
• Chercher des caméras de surveillance, des
serrures ou verrous
• La personne dort-elle sur le lieu de travail ? Loge-t-elle
dans un autre endroit fourni par l’employeur (par exemple
chez lui) ? Quelles sont les conditions de logement ? Sa
liberté de mouvement est-elle entravée par l’employeur
d’une manière quelconque ?
• Quel pourcentage de son salaire est-il déduit pour les
frais de logement ?
• La personne est-elle dépendante de l’employeur ou se
trouve-t-elle dans une situation vulnérable (voir les indices pour « situation vulnérable ») ? Que se passe-t-il si
la personne se plaint et refuse de loger à l’endroit imposé
par l’employeur ? La personne craint-elle le licenciement
ou d’autres pénalités ? La personne est-elle obligée de
travailler dans des conditions inférieures aux normes afin
de garder son emploi ?
• La personne dénonce-t-elle d’autres menaces ?
• La personne vit et dort sur le lieu de travail
• Les aires dortoir sont surpeuplées
• Les conditions sont insalubres et il n’y a pas d’installations sanitaires essentielles
• L’accès à la nourriture et à l’eau est limité ou non existant
• Le droit à l’intimité est limité ou non existant
• L’habitat est impropre au logement (sous-sol, entrepôt,
tente)
• La liberté de mouvement de la personne est limitée
• La personne se voit refuser le choix concernant son lieu
de résidence
• La personne est contrainte à se tenir dans un espace
enfermé pendant le transport
INDICATEURS DE MOYENS
Recueil
de preuves
Utilisation
de méthodes
• Déclarations de
témoins
• Reçus de transport
• Photos
Recueil
de preuves
Causes (questions à ne pas poser directement
à la victime)
• Interviewer la personne
• Interviewer les hommes et
les femmes voyageant avec
la personne
• Recueillir et analyser tous
les documents liés au
transport et au paiement
des frais de transport
• Inspecter les moyens de
transport (bus, voiture,
camion)
Utilisation
de méthodes
Indices
HÉBERGEMENT, ACCUEIL
Causes (questions à ne pas poser
directement à la victime)
(tous moyens de transport sont couverts et les indicateurs ci-dessous sont valables également pour le transport ou le transfert à l’intérieur du pays)
Indices
TRANSPORT, TRANSFERT
indicateurs d’action
FEI
FEI
41
• Qui a été ou est responsable pour la mise en place
des mesures de restriction ? Qui met en application
ces mesures et à quel point (les travailleurs sont-ils
confinés à un espace seulement ou peuvent-ils se
déplacer librement à l’intérieur d’une aire spécifique) ?
• Comment la personne est-elle surveillée ? Outre
des moyens tels que des caméras de surveillance
ou des gardiens, y a-t-il des moyens plus subtiles et
moins manifestes qui sont utilisés (par exemple la
surveillance par des collègues) ?
• Si la personne vit et dort sur le lieu de travail, quelle
en est la raison ? La personne a-t-elle accès à un
lieu plus privé, où elle peut se trouver en sécurité ?
• La personne a-t-elle été enfermée lors du transport
vers les lieux ?
• Les restrictions sont-elles permanentes ou seulement imposées à certains intervalles ?
• Si les restrictions sont permanentes, arrive-t-il que
la personne quitte les lieux ?
• La personne a-t-elle besoin de permission afin
d’aller chez le médecin, au magasin, au lieu de
culte ou à d’autres endroits ? S’il est nécessaire
d’obtenir une permission pour effectuer certaines
activités, est-elle donnée de suite ou reportée de
manière fréquente ? Que doit-on faire pour l’obtenir
?
• Y a-t-il un couvre-feu ?
• La personne est-elle accompagnée par un agent de
l’employeur lorsqu’elle quitte les lieux ?
• Quelles sont les raisons fournies pour justifier les
mesures de restriction ? Reflètent-elles des soucis
légitimes de sécurité et de santé ou semblent-elles
disproportionnées et extrêmes ?
• Si un travailleur violait les restrictions, quelles en
seraient les conséquences ? Y a-t-il eu des cas où
les travailleurs se sont opposés aux restrictions ?
Si oui, que s’est-il passé ?
• La personne a été enfermée dans un
espace quelconque pendant le transport vers le lieu de travail
• La personne vit et travaille au même
endroit
• La personne est enfermée à l’intérieur
du lieu de travail ou des espaces
d’hébergement
• Le lieu de travail, les espaces d’hébergement ou les travailleurs mêmes sont
dissimulés d’une manière quelconque
• Une clôture rend les lieux inaccessibles
(trop élevée ou couverte de barbelés)
• Les fenêtres sont inaccessibles (comportent des barreaux ou sont placées
trop haut) ou les chambres n’ont pas de
fenêtres
• L’entrée et la sortie sont surveillées
• Les gardiens possèdent des armes
• Des caméras de surveillance sont
placées sur les lieux
• Il y a des panneaux avertissant les
personnes de ne pas quitter les lieux
• Il y a un couvre-feu
• La personne est toujours accompagnée
lorsqu’elle quitte les lieux
• La personne comporte des blessures
graves ou des maladies non traitées
• La personne présente d’autres indices
montrant que ses mouvements sont
contrôlés
• Inspecter les aires de travail, de repos et les environs pour
identifier des indices d’enfermement
• Interviewer les travailleurs séparément et dans un environnement qui inspire la confiance. Se renseigner sur tout aspect
lié à leur liberté de mouvement.
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs et
tout autre personnel pertinent. Se renseigner sur la politique
et les pratiques liées à l’entrave du mouvement, comme la
discipline du travail, le logement fourni par l’employeur et les
mesures de sécurité.
• Analyser toutes les règles et procédures écrites liées à
l’entrave du mouvement.
• Interviewer les gardiens séparément au sujet des mesures
et pratiques liées à l’entrave au mouvement. Se renseigner
sur les consignes données par l’employeur, leurs rôles et
responsabilités et les moyens utilisés afin de mener à bien
leur travail.
• Organiser une inspection en dehors des heures de travail afin
de déterminer si, en effet, les travailleurs sont libres de quitter
les lieux.
• Organiser la surveillance afin de déterminer si les travailleurs
sont en effet libres de quitter les lieux. Noter les détails dans
le journal de surveillance et, si possible, prendre des photos
et effectuer des enregistrements.
• Évaluer si des moyens visibles d’enfermement sont utilisés
afin de maintenir les travailleurs à l’intérieur et les intrus à
l’extérieur. Par exemple, les barbelés sont-ils orientés vers
l’extérieur ou vers l’intérieur des lieux ?
• Enregistrer des preuves concernant tout moyen d’enfermement.
Utilisation de méthodes
• Déclarations de témoins
• Descriptions ou notes rédigées
• Preuves audio-visuelles
(photos, enregistrements
vidéo ou électroniques,
esquisses) décrivant les
moyens d’enfermement et de
surveillance (serrures, clefs,
chaînes, verrous, caméras
de surveillance, barbelés,
barreaux aux fenêtres,
clôtures élevées, panneaux
d’avertissement)
• Plans des aires de travail et
de repos
• Enregistrements des caméras de surveillance
• Objets physiques (armes,
munitions, panneaux d’avertissement)
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
42
indicateurs de moyens
Causes (questions à ne pas poser directement à la victime)
Indices
ENTRAVE AU MOUVEMENT
Recueil de preuves
• Déclarations de témoins
• Descriptions ou notes rédigées
• Preuves audio-visuelles décrivant les
blessures (photos, enregistrements
vidéo ou électroniques, diagrammes/
esquisses indiquant l’endroit de la
blessure)
• Registres médicaux de traitement ou
examen des blessures
• Objets physiques ayant été utilisés
afin d’infliger les blessures (objets
trouvés sur les lieux, armes)
• Objets, vêtements (de la victime
et des agresseurs) et tout autre
matériel (linge de maison, meubles)
indiquant des traces de violence
(déchirés/détruits, contenant du sang
ou d’autres matériels biologiques)
• Matériel biologique (sang, sperme,
salive, cheveux etc.)
• Notes détaillées décrivant les blessures
• Preuves issues des forces de l’ordre,
des prestataires de services sociaux
ou tout autre acteur ayant reçu des
rapports sur les incidents violents
• Documents publics, articles de
presse et renseignements des bases
de données des autorités décrivant
tout incident de violence ayant eu
lieu précédemment.
• Interviewer les travailleurs séparément et dans un environnement qui inspire la confiance, tout en étant sensible aux
risques de représailles et à la sécurité des travailleurs ; demander des descriptions détaillées de tout incident violent
(par qui, contre qui, le temps et la date, la localisation et le
plan des environs, la présence de témoins quelconques,
les descriptions physiques de ceux ayant été impliqués,
l’obtention du traitement médical etc.).
• Obtenir de la part de personnel médical expérimenté les
évaluations médicales de la santé des travailleurs et des
blessures encourues (après obtention du consentement de
la personne). Si applicable, tester la présence de drogues
ou autres substances toxiques ayant pu être administrées
ou ingérées par la personne.
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs.
Se renseigner sur la politique de l’entreprise au sujet de la
violence, du harcèlement et de la discipline sur le lieu de
travail.
• Analyser toute mesure et procédure rédigées liées à la
violence physique et sexuelle.
• Interviewer les gardiens séparément au sujet des mesures
et pratiques liées au harcèlement, à la violence et à la discipline au travail. Se renseigner sur les consignes données
par l’employeur, leurs rôles et responsabilités et les moyens
utilisés afin de mener à bien leur travail.
• Vérifier les documents publics (bases de données des
tribunaux, sites Internet des autorités), bases de données
des autorités et sources média afin d’identifier tout renseignement concernant d’éventuels incidents ayant eu lieu
précédemment et impliquant l’employeur et les travailleurs.
• Utiliser des techniques criminalistiques afin de préserver,
documenter et analyser les preuves physiques (matériel
biologique, fibres provenant des vêtements)
• Enregistrer des preuves de toute blessure visible.
• Quelle est la raison donnée pour justifier les
blessures ? Les blessures correspondent-elles aux
explications fournies (est-il possible qu’elles soient
le résultat d’accidents de travail ou semblent-elles
être délibérément infligées) ?
• Y a-t-il d’autres travailleurs comportant des blessures similaires ?
• Si la personne a été soumise à des actes de
violence, quand cela a-t-il eu lieu et à combien de
reprises ? Qui a attaqué la personne (un superviseur, un collègue) et quelle a été la nature précise
et la gravité de l’attaque ?
• Si la personne a été soumise à des actes de
violence, quelles en sont les raisons ? La violence
a-t-elle été utilisée afin de menacer ou de punir la
personne ? D’autres travailleurs ont-ils été témoins
des actes de violence ? Si oui, quelle a été leur
réaction ?
• Si l’employeur prétend qu’un autre travailleur
ou d’autres travailleurs sont responsables pour
les actes de violence, quelle a été sa réaction ?
L’employeur a-t-il sanctionné quelqu’un ou a-t-il pris
des mesures de prévention ?
• Quelles sont la politique et les pratiques au sujet de
la violence, du harcèlement et de la discipline sur le
lieu du travail ? Quelles sont les consignes données
à ceux qui appliquent ces mesures, comme par
exemple les gardiens ?
• Comment les travailleurs décrivent-ils
l’environnement/l’ambiance au travail ?
• Si la personne a utilisé des drogues, de l’alcool ou
d’autres substances toxiques, ont-elles été administrées de manière involontaire ou sous contrainte ?
• La personne présente des
blessures visibles (par exemple
des ecchymoses, cicatrices,
coupures, coups de couteau, blessures à la bouche et aux dents,
brûlures de cigarette)
• Les blessures de la personne ne
sont pas traitées
• La personne présente des signes
d’angoisse ou d’inquiétude (par
exemple sueur, tremblements, difficulté à répondre aux questions
de manière directe, tendance à
éviter le contact visuel pour des
raisons autres que culturelles).
• Les superviseurs et gestionnaires
ou autres personnes se montrent
agressifs envers les travailleurs.
• Plusieurs travailleurs comportent
des blessures
• La personne a utilisé des drogues,
de l’alcool ou d’autres substances
toxiques
AUTRES FORMES DE COERCITION : ENTRAVE AU MOUVEMENT, ISOLEMENT,
RETENUE DES DOCUMENTS D’IDENTITÉ, RETENUE DE LA RÉMUNÉRATION
Recueil de preuves
Utilisation de méthodes
Causes (questions à ne pas poser directement à la victime)
Indices
L’UTILISATION DE LA FORCE
indicateurs de moyens
FEI
FEI
43
• Comment la personne est-elle arrivée sur le lieu du
travail ? La personne connaît-elle sa localisation ou son
adresse ? La personne sait-elle comment rentrer chez
elle ?
• Où est situé le lieu du travail ? Y a-t-il d’autres maisons,
entreprises ou d’autres habitations avoisinantes ? Si
oui, la personne en est-elle consciente ? Peut-elle y
avoir accès ?
• Le lieu du travail est-il accessible par les transports
publics ou privés ? Si la personne dort et travaille dans
le même endroit, à quels intervalles quitte-t-elle les
lieux ?
• La personne a-t-elle accès à des moyens de communication (téléphone, courriel, Internet) ? Si oui, la
personne est-elle capable de les utiliser, de fait ? Si
non, pourquoi ?
• La personne a-t-elle accès aux médias (télévision,
radio, Internet, magazines, journaux) ? Si oui, la personne est-elle capable d’utiliser ces moyens de fait ? Si
non, pourquoi ?
• La personne peut-elle contacter librement ses parents,
amis ou associés ? Les communications de la personne
sont-elles surveillées ? Quand est-ce que la personne
les a contactés pour la dernière fois ?
• La personne peut-elle étudier ou apprendre la langue
locale ? Si non, pourquoi ? L’employeur a-t-il entrepris
des mesures afin de l’en empêcher ?
• La personne est-elle en mesure d’interagir librement
avec d’autres personnes venant de l’extérieur des lieux
(parents, amis ou associés mais aussi membres du
public, comme les vendeurs, chauffeurs de taxi, médecins, membres de la même communauté religieuse ou
ethnique etc.) ?
• Quelles sont les raisons fournies pour justifier les
restrictions aux communications et aux médias ?
Reflètent-elles des soucis légitimes ou semblent-elles
excessives et injustifiées ?
• L’individu n’a parlé à personne pendant
le transport et le transfert
• Le lieu de travail se trouve dans une aire
isolée (par exemple dans une région
rurale, loin d’autres bâtiments ou communautés)
• Le lieu de travail se trouve dans un
endroit isolé, difficilement joignable par
le transport public ou privé
• Le lieu de travail ne peut être joint par le
transport public
• La personne a un accès limité ou inexistant à des moyens de communication
(par exemple le téléphone, courriel, Internet)
• La personne a un accès limité ou
inexistant à des moyens d’information
(télévision, radio, magazines, journaux)
• L’employeur, le gestionnaire / superviseur ou autre personnel spécifique
surveille les contacts de la personne
avec d’autres personnes de l’extérieur
• La personne n’a pas le droit de contacter
d’autres personnes à l’extérieur des lieux
• La personne ne connaît pas sa localisation ou son adresse
• La personne ne parle pas la langue
locale
• Le lieu de travail est inaccessible est
difficilement joignable pour d’autres
raisons (maison privée, entreprise non
enregistrée)
• L’employeur, le gestionnaire / manager
ou autre personnel spécifique insistent
à répondre aux questions à la place de
la personne et / ou à traduire toutes les
conversations
• Interviewer les travailleurs. Se
renseigner sur la localisation de leurs
documents et effets personnels et leur
capacité à y avoir accès.
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs et tout autre type
de personnel pertinent. Se renseigner
sur la politique et les pratiques sur
lesquelles se fonde la retenue des
documents d’identité et demander des
preuves concernant les justifications
fournies.
• Vérifier avec d’autres agences gouvernementales si les justifications fournies pour la retenue des documents
(renouvellement de visa, enregistrement) sont valables.
• Analyser et enregistrer la localisation
où les documents ou effets personnels
sont retenus.
• Enregistrer ou obtenir des copies des
documents ou effets personnels en
question.
• Déclarations de témoins
• Preuves audio-visuelles (photos,
enregistrements vidéo ou
électroniques, plans, diagrammes, esquisses) décrivant
la localisation où se trouvent les
documents d’identité des travailleurs ou leurs effets personnels
et les moyens utilisés afin de
les sécuriser (tiroir verrouillé,
coffre-fort, sous la garde ou à
un endroit situé à l’extérieur des
lieux)
• Preuves audio-visuelles (photos,
enregistrements vidéo ou électroniques, plans, diagrammes,
esquisses) décrivant les
documents ou effets personnels
ayant été retenus
• Copies des documents ayant été
retenus
Recueil de preuves
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
44
indicateurs de moyens
• Quels documents ou effets personnels font l’objet de retenues ? Quand
ont-ils été retenus (pendant ou après le recrutement de la personne) et
pendant quelle durée ? Par qui ?
• Les documents et effets personnels sont-ils retenus de façon temporaire ou indéfinie ?
• Comment les documents sont-ils sécurisés (serrures, clefs, verrous à
secret, le fait d’être placés à l’extérieur des lieux) ?
• La personne a-t-elle su que ses documents et effets personnels
seraient retenus ? A-t-elle donné son accord ?
• Quelles sont les justifications fournies par l’employeur ou l’intermédiaire sur la retenue des documents ou effets personnels ? Ces justifications semblent-elles raisonnables ? Sont-elles légales ?
• Si les justifications fournies concernent des raisons de sécurité, les
travailleurs y ont-ils accès sur demande ou dans un délai raisonnable ?
• Quel impact la retenue des documents a-t-elle sur la personne ? La
personne se sent-elle incapable de quitter son emploi sans risquer de
perdre ses documents ou effets personnels ? La personne craint-elle
les autorités en raison de la retenue ?
• La personne possède-t-elle d’autres documents ou moyens de prouver
son identité, nationalité et statut légal ou d’autres moyens d’avoir
accès à certains services ?
• La personne ne possède pas ou n’a
pas accès à ses documents d’identité
(passeport, carte d’identité, visa, permis
de travail ou de résidence) ou à d’autres
effets personnels de valeur (ticket de
retour)
• Les documents d’identité ou d’autres
effets personnels de valeur sont gardés
par l’employeur ou une personne intermédiaire
• Si les documents sont gardés par
l’employeur ou une personne intermédiaire, la personne ne peut obtenir, dans
un délai raisonnable, accès à ses documents ou à d’autres effets personnels de
valeur
• La retenue des documents d’identité ou
d’autres effets personnels de valeur se
fait à des fins de punition
• L’employeur ou la personne intermédiaire fournit des justifications différentes pour la retenue des documents
d’identité ou d’autres effets personnels
de valeur.
Utilisation de méthodes
• Déclarations de témoins
• Descriptions ou notes rédigées
• Preuves audio-visuelles
(photos, enregistrements vidéo ou électroniques, plans,
diagrammes, esquisses)
décrivant l’isolement des
lieux (routes mal entretenues
et inaccessibles, distance
d’autres bâtiments et personnes)
• Preuves audio-visuelles
décrivant les restrictions sur
la communication (absence
d’appareils téléphoniques
ou de facilités de vente de
crédit pour les téléphones
portables, le fait de tenir les
appareils téléphoniques ou
Internet hors de portée pour
la personne)
• Preuves de transport (talons
des tickets ou reçus, morceaux de papier contenant
des dates et heures, reçus
de carburant)
• Preuves de communication
(journaux, agendas, registres téléphoniques, appareils téléphoniques montrant
les appels effectués et reçus,
courriels, lettres, messages)
• D’autres objets physiques
(téléphones portables)
• Inspecter les aires de travail, de repos et les environs
pour identifier des indices d’isolement. Chercher des
moyens de communication (cabines téléphoniques, téléphones portables, courrier, boîtes aux lettres, Internet).
Vérifier si les travailleurs sont en mesure d’utiliser ces
moyens, de fait (les cabines téléphoniques fonctionnentelles, les travailleurs ont-ils de la monnaie afin d’utiliser
les cabines téléphoniques, peuvent-ils les utiliser à des
fins de communication personnelle ?)
• Identifier la présence des médias (télévision, radio,
magazines, journaux). Vérifier si les travailleurs y ont
accès de fait.
• Interviewer les travailleurs séparément et dans un
environnement qui inspire la confiance. Se renseigner
sur les moyens par lesquels ils sont arrivés sur les lieux
du travail ; s’ils connaissent leur localisation ; s’ils sont
en mesure de garder contact avec leurs parents, amis
et d’autres personnes de l’extérieur ; sur toute autre
restriction liée à l’isolement
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs
et tout autre personnel pertinent. Se renseigner sur la
politique et les pratiques liées à l’isolement, comme
les interdictions d’utiliser des téléphones portables, la
surveillance des appels, courriels ou autre courrier ou
toute autre restriction sur la communication et l’accès
aux médias.
• Analyser toutes les règles et procédures écrites liées à
l’isolement.
• Interviewer des tiers (membres de la famille, voisins,
membres de la communauté locale, tant à l’origine qu’au
lieu de destination) qui sont à même de fournir des renseignements sur la nature et l’intensité de leur contact
avec les travailleurs.
• Discuter avec les autorités locales connaissant la localisation du lieu de travail afin d’obtenir plus de renseignements sur la population de la région, l’infrastructure, les
transports et d’autres services.
• Enregistrer des preuves concernant tout moyen d’isolement.
Causes (questions à ne pas poser directement à la victime)
Recueil de preuves
Utilisation de méthodes
Indices
RETENUE DES DOCUMENTS D’IDENTITÉ
Causes (questions à ne pas poser directement à la victime)
Indices
ISOLEMENT
indicateurs de moyens
FEI
FEI
45
• Comment la personne a-t-elle appris l’existence de
l’emploi (annonce, de manière informelle, contact
direct) ? La personne a-t-elle été la cible d’un recruteur ou d’un intermédiaire ?
• La personne a-t-elle signé un contrat d’emploi ? Si
oui, la signature de la personne est-elle authentique
? Le contrat a-t-il été signé sous la contrainte ?
• La personne a-t-elle signé plus d’un contrat
d’emploi (par exemple avant le départ et à l’arrivée)
? Si oui, les contrats sont-ils différents ?
• En cas de signature d’un contrat d’emploi, la personne en comprend-elle les conditions générales
? Le contrat est-il rédigé dans une langue que la
personne comprend ? Le contrat a-t-il été modifié
d’une manière quelconque depuis sa signature par
la personne ?
• Quelles étaient les conditions générales de travail
convenues ? Qu’a-t-on promis à la personne
concernant l’emploi (localisation, nature du travail,
paiement) et des avantages (accès à l’éducation,
au logement, à la nourriture) ? Quelles étaient les
attentes de la personne et de l’employeur ?
• Les conditions réelles de l’emploi sont-elles différentes de celles promises (conditions de travail et
de vie, frais de transport et de recrutement, accès à
la nourriture et au logement, statut juridique) ?
• Pourquoi la personne ne reçoit-elle pas de bulletins
de salaire ou d’autres preuves des salaires ou des
déductions sur sa rémunération ?
• Pourquoi la personne ne comprend-elle pas comment les salaires ou les déductions sont calculés ou
quel est le montant qu’elle gagne ?
• Les modalités de calcul des salaires et des déductions sur la rémunération sont-elles manipulées par
l’employeur ?
• La personne se trouvait-elle dans une situation de
vulnérabilité particulière à la tromperie (à cause du
manque de connaissances sur la langue ou les lois
locales, handicap, situation irrégulière de travail
etc.) ?
• Si la personne avait connu les conditions réelles
de travail, aurait-elle accepté l’emploi ? Si non,
pourquoi la personne est-elle restée ?
• Les conditions de travail
réelles sont différentes de
celles ayant été promises,
oralement ou par écrit (par
exemple dans des accords
de travail écrits ou oraux
ou dans les annonces
d’emploi)
• L’employeur est incapable
de montrer un contrat
d’emploi
• La personne n’a pas de
contrat d’emploi ou les
conditions générales y
sont mal définies
• Le contrat d’emploi est
rédigé dans une langue
que la personne ne comprend pas
• La personne a signé un
nouveau contrat de travail
lors de son arrivée en
poste (pratique parfois
appelée « substitution de
contrat »)
• La personne ne reçoit pas
de bulletins de salaire ou
d’autres preuves de ses
salaires ou déductions
• La personne ne comprend
pas les modalités de
calcul des salaires ou des
déductions et ne sait pas
combien elle gagne.
• Recueillir et analyser tous les documents liés au recrutement et aux
conditions générales de l’emploi, de sources différentes (l’employeur,
le travailleur, les services de transport, les journaux ou d’autres médias
contenant les annonces originelles d’emploi, les banques ou services de
transfert d’argent qui établissent des frais de recrutement)
• Chercher des preuves de communication afin d’établir les moyens de
recrutement, les relations entre les employeurs et les recruteurs ou intermédiaires, ainsi que les conditions de travail.
• Interviewer les travailleurs pour chercher à connaître les méthodes par
lesquelles ils ont été recrutés, les promesses et les attentes initiales et les
conditions réelles de travail.
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs et tout autre
personnel pertinent. Se renseigner sur les pratiques liées au recrutement,
aux accords de travail et aux moyens à travers lesquels sont communiquées les conditions de travail aux travailleurs actuels et potentiels.
Comment l’employeur garde-t-il des preuves des paiements de salaire
et des déductions ? De telles preuves sont-elles également fournies aux
travailleurs ? Si l’employeur utilise les services d’un intermédiaire, a-t-il
mis en place des procédures afin de prévenir la fraude et les abus ?
• Interviewer tous les intermédiaires impliqués dans l’embauche des
travailleurs, y compris les recruteurs, intermédiaires et agences d’emploi
privées. Se renseigner sur les pratiques et la politique de recrutement et
les modalités de communiquer les conditions de travail aux travailleurs
potentiels. Chercher à savoir si l’intermédiaire continue à jouer un rôle
important même après l’embauche de la personne.
• Inspecter les lieux de travail de l’intermédiaire et analyser les preuves
pertinentes (autorisation, modèles de contrats ou contrats réels, qualifications professionnelles, correspondance).
• Le cas échéant, vérifier si les intermédiaires sont autorisés et accrédités
par les autorités compétentes.
• Vérifier les documents publics (bases de données des tribunaux, sites
Internet des autorités), bases de données des autorités et sources média
sur l’existence de plaintes ou affaires en instance contre l’employeur ou
l’intermédiaire.
• Le cas échéant, discuter avec d’autres agents des forces de l’ordre et
représentants de la société civile afin de connaître les renseignements
déjà connus sur l’employeur et son intermédiaire.
• En cas de mouvement interne ou transfrontalier, contacter l’agence locale
des forces de l’ordre dans le pays ou la région de la personne, afin de
recueillir tout renseignement concernant la personne, l’intermédiaire ou
l’employeur.
• Interviewer des tiers (membres de la famille, voisins, membres de la communauté locale, tant à l’origine qu’au lieu de destination) qui sont à même
de connaître les méthodes de recrutement utilisées et les conditions du
travail promises initialement.
• Déclarations de témoins
• Contrats d’emploi ou autres
documents indiquant les
conditions générales de
travail (correspondance,
contrats d’emploi, annexes ou
addenda)
• Sources de renseignements
sur le recrutement (annonces
d’emploi dans les journaux,
sur Internet, à la radio ou à la
télé, posters, brochures)
• Registres des transactions
financières entre l’employeur,
l’intermédiaire et la personne
(des bulletins de salaire, les
comptes et registres, relevés
bancaires, toute autre preuve
électronique ou sur papier)
• Correspondance entre le
recruteur, l’employeur, la
personne et toute autre tierce
personne impliquée
• Preuves de communication
(journaux, agendas, registres
téléphoniques, appareils
téléphoniques montrant les
appels effectués et reçus,
courriels, lettres, messages)
• Preuves de transport (talons
des tickets ou reçus, morceaux de papier contenant
des dates et heures, reçus de
carburant)
• Documents publics, articles
de presse et renseignements
provenant des bases de données des autorités
Recueil
de preuves
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
indicateurs de moyens
Causes (questions à ne pas poser
directement à la victime)
Indices
Utilisation
de méthodes
• Déclarations de
témoins
• Contrats d’emploi ou
autres documents indiquant les conditions
générales de travail
(correspondance,
contrats d’emploi,
annexes ou addenda)
• Registres des transactions financières entre
l’employeur, l’intermédiaire et la personne
(des bulletins de
salaire, les comptes
et registres, relevés
bancaires, toute autre
preuve électronique
ou sur papier)
• Les registres des
autorités sur les
charges et contributions sociales
• Preuves des paiements effectués ou
non des charges et
contributions et des
déductions d’impôts
• Preuves de communication (journaux,
agendas, registres
téléphoniques, appareils téléphoniques
montrant les appels
effectués et reçus,
courriels, lettres,
messages)
• Documents publics,
articles de presse et
renseignements provenant des bases de
données des autorités
• Recueillir et analyser tous les documents et preuves liés à la nature du contrat d’emploi et des paiements de salaires, de sources
différentes (l’employeur, le travailleur, les banques ou services de
transfert d’argent qui établissent des frais de recrutement)
• Vérifier si l’entreprise utilise un double jeu de comptes afin
d’induire en erreur les enquêteurs.
• Interviewer les travailleurs, tout en sélectionnant un échantillon
représentatif (travailleurs à contrats à durée déterminée et
indéterminée, tout comme ceux payés à la pièce ou à l’heure). Se
renseigner sur le paiement des salaires et les pratiques de déduction ; chercher à savoir quelles étaient les attentes des personnes
avant l’emploi et si la retenue des salaires empêche la personne de
quitter l’emploi.
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs et tout
autre personnel pertinent. Se renseigner sur la politique et les
pratiques liées au recrutement, au paiement des salaires et aux
déductions. Si l’employeur utilise les services d’un intermédiaire
(comme une agence de l’emploi privée) afin d’embaucher les
travailleurs, se renseigner sur les politiques liées à cette pratique.
• Si l’employeur utilise les services d’un intermédiaire afin d’embaucher les travailleurs, interviewer l’intermédiaire. Se renseigner sur
la politique et les pratiques liées au recrutement, au paiement des
salaires et aux déductions.
• Le cas échéant, vérifier si les intermédiaires sont autorisés et
accrédités par les autorités compétentes.
• Inspecter les lieux de travail de l’intermédiaire et analyser les
preuves pertinentes (autorisation, modèles de contrats ou contrats
réels, qualifications professionnelles, correspondance).
• Chercher des preuves de communication afin d’établir les
pratiques liées au recrutement, au paiement des salaires et aux
déductions.
• Interviewer des tiers (membres de la famille, voisins, membres de
la communauté locale, tant à l’origine qu’au lieu de destination) qui
sont à même de connaître la situation financière de la personne
ainsi que les conditions de travail promises initialement.
• Vérifier les registres des autorités pour chercher si l’employeur
paie les charges sociales et autres contributions pour les travailleurs.
• Vérifier les documents publics (bases de données des tribunaux,
sites Internet des autorités), bases de données des autorités et
sources média sur l’existence de plaintes ou affaires en instance
contre l’employeur ou l’intermédiaire, en matière de disputes salariales.
• L’employeur utilise-t-il des méthodes comme les paiements irréguliers, reportés ou différés ou le non paiement des salaires afin de
s’assurer que les travailleurs ne puissent pas quitter librement l’emploi
?
• Pourquoi le salaire est-il sujet à des déductions ? Quelles en sont les
justifications fournies ? Ces justifications semblent-elles valables et
raisonnables et sont-elles en accord avec les exigences juridiques ?
• La personne était-elle au courant que son salaire serait retenu ou
sujet à des déductions ? Si non, la personne a-t-elle l’impression
qu’elle perdrait sa rémunération non payée si elle arrêtait le travail ?
Les pratiques de paiement et de déductions constituent-elles, d’une
manière quelconque, des obstacles si la personne souhaitait quitter
son emploi ?
• La personne a-t-elle un contrat d’emploi ? Si oui, quelles en sont les
conditions ? Sont-elles en accord avec les exigences juridiques ? Les
clauses du contrat semblent-elles abusives ou de nature à soumettre
la personne à l’exploitation ?
• La personne est-elle rémunérée en accord avec les registres de paiement tenus par l’employeur ? Les documents ont-ils été modifiés ou
falsifiés d’une manière quelconque ?
• Si la personne reçoit des bulletins de salaires ou d’autres preuves de
paiement, les déductions sont-elles clairement expliquées ?
• Pourquoi la personne ne comprend-elle pas comment les salaires ou
les déductions sont calculés ou quel est le montant qu’elle gagne ?
• Comment le salaire de la personne est-il calculé ? Son salaire est-il
basé sur le temps (heures, semaines, mois ou tarif saisonnier) ou les
résultats (les objets produits) ? La base du salaire est-elle clairement
définie ?
• Combien la personne touche-t-elle ? La personne reçoit-elle un
montant inférieur à celui convenu ou inférieur aux exigences liées au
salaire minimum légal ? La personne a-t-elle touché de l’argent ?
• Comment le salaire est-il payé (argent comptant, transfert bancaire,
autre moyen) ? S’il s’agit d’un transfert bancaire, qui contrôle le
compte ? Le salaire est-il payé à la personne directement ou à un tiers
?
• La personne est-elle payée partiellement ou totalement « en nature »
? Les paiements en nature sont-ils conformes à la valeur raisonnable
des biens et services fournis ? Les paiements en nature sont-ils utilisés afin de créer un lien de dépendance de la personne par rapport à
l’employeur ?
• Les travailleurs sont-ils obligés d’utiliser certains magasins ou
services liés à l’employeur ? Les biens et services acquis de cette
manière ont-ils des prix raisonnables et justes ?
• L’employeur est incapable de montrer le
contrat d’emploi de la personne ou la preuve
du versement de son salaire
• La personne n’a pas de contrat d’emploi ou
les conditions générales en sont mal définies
• La personne est payée à la pièce et doit
effectuer des heures supplémentaires afin
de gagner le salaire minimum légal
• Les documents liés à l’emploi et les registres
des salaires ont été modifiés
• L’employeur tient un double jeu de comptes
ou bien il y a des différences significatives
entre ce que l’employeur prétend avoir payé
et ce que la personne déclare avoir reçu
• La personne reçoit un salaire inférieur au
minimum légal et inférieur à la somme promise
• Les salaires sont payés sous forme de titres
de services, coupons ou billets à ordre
• La personne n’a pas directement accès à sa
rémunération
• Un pourcentage important du salaire de
la personne est payé « en nature » (par
exemple à travers des biens ou services tels
que la nourriture et le logement)
• Les paiements sont irréguliers et/ou fréquemment reportés.
• La personne subit des déductions de salaire
excessives et illégales
• La personne ne reçoit pas de bulletins de
salaire ou d’autres preuves de ses salaires
ou déductions
• La personne ne comprend pas les modalités
de calcul des salaires ou des déductions et
ne sait pas combien elle gagne
• L’employeur fournit de la nourriture et
d’autres biens à la personne contre des
prix excessifs, hors-marché (par exemple
à travers un magasin sur le lieu de travail,
contrôlé par l’employeur)
• L’employeur ne paie pas les charges
sociales des travailleurs
FRAUDE / TROMPERIE
Recueil
de preuves
Utilisation
de méthodes
Causes (questions à ne pas poser
directement à la victime)
46
Indices
RETENUE DE LA RÉMUNÉRATION
indicateurs de moyens
FEI
FEI
47
• Pourquoi la personne se trouve-t-elle
dans une situation de vulnérabilité
particulière ? Cette situation existait
déjà ou a-t-elle été créée par le
trafiquant ? Si elle existait déjà, le
trafiquant a-t-il cherché délibérément
à en profiter ?
• Comment la personne a-t-elle appris
l’existence de l’emploi (annonce, de
manière informelle, contact direct) ?
La personne a-t-elle été la cible d’un
recruteur ou d’un intermédiaire ?
• Quelles étaient les perspectives
de la personne à trouver un emploi
lorsqu’elle a été recrutée ? Quelles
sont ses perspectives à présent ?
• L’employeur ou le recruteur ont-ils
créé ou contribué à l’état de vulnérabilité de la personne (en imposant
des frais de recrutement élevés,
par le moyen de tromperies, ou par
d’autres actions liées aux indicateurs) ?
• Abuse-t-on d’une manière quelconque de la situation de vulnérabilité de la personne ? Par exemple, la
personne est-elle sujette, de manière
illégale, à des conditions de travail
et de vie inférieures aux normes,
y compris concernant les heures
supplémentaires ? Sa rémunération
est-elle retenue de manière illégale
? Si oui, la personne connaît-elle ses
droits ?
• Que se passe-t-il si la personne se
plaint ou refuse de travailler dans des
conditions de travail abusives ? La
personne risque-t-elle d’être licenciée, de recevoir une rémunération
inférieure au salaire minimum légal
ou d’être sanctionnée, d’une manière
quelconque, illégalement ?
• La personne a moins de dix-huit ans (les jeunes dépourvus de l’un
des parents ou d’autres membres de famille adultes sont particulièrement vulnérables)
• La personne se trouve en situation irrégulière, sans papiers (par
exemple les migrants clandestins)
• L’emploi de la personne est peu ou non réglementé (travailleurs
temporaires, travailleurs sous-contractés, travailleurs du secteur
informel, à temps partiel, travailleurs dans le milieu rural, travailleurs domestiques)
• La personne appartient à un groupe qui subit la discrimination ou
ne bénéficie pas de droits égaux dans la société (fondé sur le sexe,
le statut de réfugié/demandeur d’asile, appartenance ethnique,
handicap, statut d’orphelin, ou appartenant à un groupe minoritaire
religieux ou culturel)
• La personne est originaire d’une région affectée par les désastres
naturels, les conflits politiques ou armés, les récessions économiques ou autres crises ayant réduit les options alternatives de
subsistance
• La personne est pauvre et sa famille en dépend entièrement
• La situation de famille de la personne est difficile ou instable
(membres de la famille abusifs, membres de la famille ayant reçu
des menaces ou des tentatives de chantage, absence de l’un des
parents ou des deux dans le cas des mineurs)
• La personne a encouru des dettes importantes liées à son recrutement
• La personne a un bas niveau d’instruction ou est illettrée
• La personne ne connaît pas la langue locale
• La personne manque d’informations concernant les lois locales et
le rôle des autorités
• La personne est malade ou souffre de déficiences mentales
• La personne est poussée à consommer / est dépendante de drogues, alcool ou d’autres substances toxiques
• Le permis de travail ou de séjour est lié à l’employeur ou il y a
d’autres dépendances structurelles
• La personne se retrouve dans une situation de dépendances multiples (elle dépend de son employeur pour l’hébergement, la nourriture, l’emploi des membres de la famille ou d’autres avantages)
• La personne a un lien émotionnel et économique avec son
employeur / recruteur (en vertu d’une relation romantique ou de
parenté).
• La personne craint l’exclusion de sa communauté, de la vie
sociale, culturelle ou religieuse
• Déclarations de témoins
• Permis de travail ou de séjour
• Documents d’identité, y compris
passeports, cartes d’identité, certificats de naissance, visas et autres
documents de voyage
• Contrats d’emploi ou autres
documents indiquant les conditions
générales de travail (correspondance, contrats d’emploi, annexes
ou addenda)
• Registres des transactions financières entre l’employeur, l’intermédiaire et la personne (des bulletins
de salaire, les comptes et registres,
relevés bancaires, toute autre
preuve électronique ou sur papier)
• Dossiers médicaux concernant des
maladies, déficiences, dépendances, antécédents de traumatisme ou d’abus
• Les registres des autorités sur les
charges et contributions sociales,
liées au chômage etc.
• Déclarations d’experts fournissant
des informations pertinentes sur
le contexte (par exemple, sur les
manifestations de discrimination
contre certains groupes et sur la
vulnérabilité accrue de certains
groupes à l’exploitation, à travers
certaines caractéristiques)
• Preuves de communication
(journaux, agendas, registres téléphoniques, appareils téléphoniques
montrant les appels effectués et
reçus, courriels, lettres, messages)
• Preuves de transport (talons des
tickets ou reçus, morceaux de
papier contenant des dates et
heures, reçus de carburant)
• Recueillir et analyser tous les documents liés au recrutement,
au statut de résidence ou de travail, à la nature du contrat
d’emploi et aux paiements des salaires
• Analyser les registres des salaires afin de vérifier que les
niveaux de salarisation sont identiques
• Chercher des preuves de communication afin d’établir les
moyens utilisés pour le recrutement, la relation entre les
employeurs et les recruteurs ou les intermédiaires
• Interviewer les travailleurs. Se renseigner sur leur situation, y
compris leurs caractéristiques, leur bagage social et la prise de
conscience au sujet des lois pertinentes, des circonstances de
leur emploi et leurs conditions de travail.
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs et tout
autre personnel pertinent. Se renseigner sur les éventuelles mesures entreprises afin de soutenir les travailleurs vulnérables,
comme par exemple le fait de s’assurer que les renseignements
liés au travail soient communiqués aux travailleurs dans une
langue et par un moyen qu’ils peuvent comprendre.
• Interviewer des tiers (membres de la famille, voisins, collègues
de travail, membres de la communauté locale, tant à l’origine
qu’au lieu de destination) qui sont à même de connaître la situation et les caractéristiques de la personne.
• Interviewer des tiers (membres de la famille, voisins, membres
de la communauté locale, tant à l’origine qu’au lieu de destination) qui sont à même de connaître les méthodes de recrutement utilisées et les conditions du travail promises initialement.
• Vérifier les registres de l’employeur ou des autorités afin d’identifier tout renseignement sur les caractéristiques des travailleurs, y compris les statistiques sur l’âge, l’ethnie, la nationalité,
la race, le sexe et la religion.
• Vérifier les registres des autorités pour savoir si les travailleurs
ont reçu les bénéfices liés à la sécurité sociale ou au chômage
et vérifier l’applicabilité de ces mécanismes de protection au
secteur ou type de travail en question.
• Obtenir de la part de personnel médical expérimenté les évaluations médicales sur la santé physique et mentale de la personne
(après obtention de son consentement). Si applicable, tester
la présence de drogues ou autres substances toxiques ayant
pu être administrées ou ingérées par la personne. Aussi, les
examens médicaux peuvent-ils être utilisés afin de déterminer
l’âge de la personne.
• Quelle est la raison de la dette (frais de recrutement,
biens ou services fournis par l’employeur, avances
sur salaire, dette héritée) ? Le calcul de la dette est-il
raisonnable et conforme aux exigences juridiques ?
• Qui est responsable pour la dette (l’employeur, l’intermédiaire ou une tierce personne) ? S’il s’agit de l’intermédiaire, quelles mesures l’employeur a-t-il prises afin
de s’assurer qu’on n’exige pas des travailleurs des frais
de recrutement illégaux ?
• La personne rembourse-t-elle sa dette par le biais
de son travail ? Les ententes entre l’employeur ou
l’intermédiaire et la personne sont-ils conformes aux
exigences juridiques ?
• La personne a-t-elle appris l’existence de la dette et
les conditions de remboursement avant d’avoir commencé à travailler ? Si non, quand la personne a-t-elle
appris l’existence de la dette ?
• Au cas où la personne n’aurait pas accepté l’emploi si
elle avait connu l’existence de la dette et les conditions
de remboursement, pourquoi la personne est-elle
restée ?
• Les conditions de remboursement, y compris les taux
d’intérêt, ont-elles été modifiées ?
• La personne a-t-elle consenti à une modification quelconque ?
• Les conditions de remboursement sont-elles raisonnables et conformes aux exigences juridiques ?
• L’employeur utilise-t-il un moyen quelconque afin de
manipuler la dette, comme la sous-évaluation du travail
de la personne, la falsification de comptes ou l’imposition de déductions excessives ? Tient-on et met-on à
disposition de la personne des registres de remboursement adéquats et exacts ?
• La personne est-elle contrainte, en raison de la dette, à
demeurer dans la situation de l’emploi pour une période
plus longue que convenu ?
• Outre la dette, la personne dépend-elle de son
employeur pour d’autres nécessités (l’hébergement,
la nourriture, l’emploi des membres de la famille ou
d’autres avantages) qui rendent impossible son départ,
si elle le souhaite ?
• La personne doit payer
des frais excessifs pour le
recrutement, le transport,
• La personne doit payer
des frais excessifs pour
l’hébergement, la nourriture, les outils ou les
équipements de sécurité et
ces frais sont déduits directement de sa rémunération
• La personne doit payer des
garanties financières ou
des « frais de sécurité »
• Les modalités de remboursement des acomptes ne
sont pas claires ou sont
sujettes à modifications
• Les taux d’intérêt pour les
acomptes sont déraisonnables et peuvent aller au
delà des limites établies
par la loi
• Les personnes doivent travailler afin de rembourser
une dette encourue de fait
ou héritée
• Les parents ont reçu un
paiement en échange du
fait que leur enfant accompagne les trafiquants.
• Vérifier tous les registres financiers de l’employeur afin d’y identifier des
indices de falsification et de manipulation des dettes.
• Évaluer si les coûts des biens et services fournis par l’employeur, comme
le logement, la nourriture, les outils ou l’équipement de sécurité sont
raisonnables et conformes aux prix du marché.
• Recueillir et analyser tous les documents liés à l’accord de travail, de
sources multiples (l’employeur, le travailleur, autres sources). Chercher
des dispositions liées aux dettes, aux conditions de remboursement et aux
coûts des biens et services.
• Interviewer les travailleurs. Se renseigner sur le recrutement, l’existence
de dettes quelconques et les moyens par lesquels ces dettes ont été
contractées ; chercher à savoir quelles étaient les attentes des personnes avant l’emploi et si les conditions de remboursement de la dette
empêchent la personne de quitter l’emploi.
• Interviewer les employeurs, gestionnaires/superviseurs et tout autre
personnel pertinent. Se renseigner sur la politique et les pratiques liées
aux dettes (y compris les conditions de remboursement) ainsi que les
frais perçus en échange des biens et services fournis par employeur. Si
l’employeur utilise les services d’un intermédiaire comme une agence
d’emploi privée, afin d’embaucher les travailleurs, se renseigner sur les
politiques liées à cette pratique et les mesures qu’il a mises en place afin
de prévenir les frais illégaux de recrutement.
• Si l’employeur utilise les services d’un intermédiaire afin d’embaucher les
travailleurs, interviewer l’intermédiaire. Se renseigner sur la politique et
les pratiques liées aux frais de recrutement, avances sur salaire et toute
autre forme de dette encourue par les travailleurs.
• Le cas échéant, vérifier si les intermédiaires sont autorisés et accrédités
par les autorités compétentes.
• Inspecter les lieux de travail de l’intermédiaire et analyser les preuves
pertinentes (autorisation, modèles de contrats ou contrats réels, qualifications professionnelles, correspondance).
• Chercher des preuves de communication afin d’établir les pratiques liées
à la dette (frais de recrutement, avances sur salaire, taux d’intérêt).
• Vérifier les documents publics (bases de données des tribunaux, sites
Internet des autorités), bases de données des autorités et sources média
sur l’existence de plaintes ou affaires en instance contre l’employeur ou
l’intermédiaire.
• Vérifier s’il y a des plaintes pendantes en instance ou auprès d’autres
autorités concernant le lieu de travail.
• Interviewer des tiers (membres de la famille, voisins, membres de la communauté locale) qui sont à même de connaître les modalités d’avance sur
salaire ou frais de recrutement agréés initialement.
Utilisation
de méthodes
• Déclarations de témoins
• Contrats d’emploi ou
autres documents
indiquant les conditions
générales de travail (correspondance, contrats
d’emploi, annexes ou
addenda)
• Registres des transactions financières entre
l’employeur, l’intermédiaire et la personne (des
bulletins de salaire, les
comptes et registres,
relevés bancaires, toute
autre preuve électronique
ou sur papier)
• Les registres gouvernementaux sur les charges
et contributions sociales
• Preuves de communication (journaux, agendas,
registres téléphoniques,
appareils téléphoniques
montrant les appels effectués et reçus, courriels,
lettres, messages)
• Documents publics,
articles de presse et renseignements provenant
des bases de données
des autorités
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
indicateurs de moyens
Causes (questions à ne pas poser
directement à la victime)
Indices
Recueil
de preuves
Recueil de preuves
Utilisation de méthodes
48
OFFRE OU ACCEPTATION DE PAIEMENTS ET SERVITUDE POUR DETTES
Causes (questions à ne
pas poser directement à
la victime)
Indices
ABUS D’AUTORITÉ/VULNÉRABILITÉ
indicateurs de moyens
FEI
FEI
49
• Combien d’heures la personne travaille-t-elle par
jour / par semaine ? Le nombre d’heures de travail
excède-t-il le nombre stipulé par les lois nationales
ou les accords collectifs ?
• Le salaire usuel de la personne est-il en accord
avec le contrat d’emploi et avec les dispositions
concernant le salaire minimum ?
• La personne reçoit-elle des compensations sur
mesure pour les heures supplémentaires effectuées ? Si la personne travaille sur appel, est-elle
seulement rémunérée pour le temps de travail actif
?
• À quels intervalles la personne effectue-t-elle
des heures supplémentaires (par exemple afin de
respecter les délais de production) ? La personne
effectue-t-elle en permanence des heures supplémentaires ?
• La personne souhaite-t-elle effectuer des heures
supplémentaires ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi non ?
• Si la personne refusait d’effectuer des heures supplémentaires, gagnerait-elle un montant inférieur
au salaire minimum légal ? Quelles seraient les
conséquences de son refus ?
• Le travailleur doit effectuer des
heures supplémentaires afin de
gagner le salaire minimum légal.
• Si le travailleur refuse une fois
d’effectuer des heures supplémentaires, il lui est interdit d’effectuer
des heures supplémentaires par la
suite (son nom est inscrit sur une «
liste noire »).
• La personne travaille sur appel
uniquement (24h sur 24, 7 jours sur
7)
• La personne travaille pendant des
heures non habituelles.
• Le travailleur effectue également
des activités de travail au domicile
de l’employeur.
• La personne se voit refuser les
pauses, les jours de congés et le
temps libre.
• La personne se voit refuser les
avantages qui lui sont dus, comme
par exemple les congés payés.
• Le travailleur semble épuisé.
• Interviewer les travailleurs. Se renseigner sur
les horaires de travail, les heures supplémentaires et les compensations, ainsi que sur les
conséquences en cas de refus d’effectuer les
heures supplémentaires.
• Interviewer les employeurs, les gestionnaires/
superviseurs et tout autre personnel pertinent. Se renseigner sur les politiques et les
pratiques concernant les horaires de travail, les
heures supplémentaires, les compensations
et les conséquences du refus d’effectuer des
heures supplémentaires. Chercher à savoir
si l’employeur connaît les limites prévues par
la législation nationale concernant les heures
supplémentaires ou celles agréées dans les
accords collectifs.
• Recueillir et analyser tous les documents de
l’employeur, du travailleur ou d’autres sources,
concernant les horaires de travail,
• Recueillir et analyser tous les documents et
registres de l’employeur, du travailleur ou
d’autres sources concernant l’accord de travail.
Chercher des dispositions concernant l’horaire
de travail et les heures supplémentaires.
• Inspecter le lieu de travail en dehors des
horaires habituels de travail afin de déterminer
si les travailleurs effectuent des heures supplémentaires en
Utilisation de méthodes
• Déclarations de témoins
• Registres des heures de travail et des heures
supplémentaires (des fiches de pontage, cartes
perforées, registres de présence, bulletins de
salaire)
• Contrats d’emploi ou autres documents
indiquant les conditions générales de travail
(correspondance, contrats d’emploi, annexes
ou addenda)
• Registres de salaires et des paiements des
heures supplémentaires (bulletins de salaire,
comptes et registres, relevés des comptes,
autres registres électroniques ou sur papier)
• Les registres des autorités sur les charges et
contributions sociales
• Preuves de communication (journaux, agendas,
registres téléphoniques, appareils téléphoniques montrant les appels effectués et reçus,
courriels, lettres, messages)
• Documents publics, articles de presse et renseignements provenant des bases de données des
autorités
Recueil de preuves
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
50
INDICATEURS DE BUT
Causes (questions à ne pas poser directement à la victime)
• Rapport détaillé d’inspection, comprenant une liste des infractions de
certaines lois du travail et des normes
de santé et sécurité (assurer la présence
de fonctionnaires qui se constitueront en
témoins oculaires et prendront des notes)
• Comptes-rendus des inspections, comprenant des renseignements particulièrement concernant le lieu où les travailleurs ont été retrouvés, dans quelles
conditions, qui se chargeait d’utiliser les
machines etc.
• Photos, preuves audio-visuelles des lieux
de travail, dortoirs, environs
• Témoins oculaires : inspecteurs, autres
fonctionnaires, témoignages des personnes etc.
• Journal du travailleur (y compris des
preuves des heures travaillées et de
l’argent gagné dans la prostitution ou
d’autres types de travail relevant de
l’exploitation ; événements survenus
dans sa vie etc.)
• Échantillons des matériels/substances
utilisées, comme par exemple les pesticides toxiques utilisés en agriculture etc.
• Objets physiques : outils de travail, vêtements portés au travail etc.
• Toute correspondance entre l’employé,
l’employeur et le recruteur, comme par
exemple les plaintes concernant les
conditions de travail
• Des contrats d’emploi, annonces
d’emploi, autres documents et moyens.
• Faire des observations sur les lieux du travail,
les outils, l’équipement de protection, l’existence d’avis et d’équipements concernant la
santé et la sécurité des travailleurs etc.
• Inspecter les dortoirs et vérifier si les travailleurs ont accès à des installations sanitaires
appropriées, à des espaces privés, à l’extérieur,
aux médias disponibles, à d’autres services etc.
• Discuter avec les travailleurs sur leurs conditions de travail, leur volonté de travailler et leurs
attentes initiales lors du recrutement etc.
• Discuter avec les gestionnaires sur les conditions de travail et les politiques concernant
l’habitat sur le lieu de travail.
• Prendre des échantillons de matériels ou
substances utilisés dans le lieu de travail afin
d’analyser les risques potentiels pour la santé
et la sécurité des travailleurs
• Analyser les contrats d’emploi et d’autres documents qui peuvent comprendre des dispositions
abusives, des pratiques discriminatoires ou des
écarts par rapport aux conditions réelles
• Vérifier s’il y a d’autres rapports d’autres
autorités sur des violations des lois du travail ou
des normes de santé et de sûreté concernant
le lieu du travail, ou des plaintes pendantes en
instance etc.
• Les conditions de travail sont-elles conformes aux
exigences juridiques ? En cas d’infractions aux
lois du travail ou aux accords collectifs, combien
d’infractions graves remarque-t-on ? La personne
est-elle consciente que ces faits constituent des
infractions ?
• Comment la personne s’est-elle retrouvée dans
cette situation ? A-t-elle été recrutée par une
agence ou un intermédiaire ?
• Quelles sont les conditions de travail stipulées
dans le contrat d’emploi ? Quelles étaient les
attentes de la personne concernant l’emploi
lorsqu’elle a été recrutée ? Les conditions réelles
de travail sont-elles différentes de ce qui a été
convenu (cocher « tromperie ») ?
• La personne dort-elle au lieu de travail ou vit-elle
dans un autre endroit fourni par l’employeur (chez
sa famille, par exemple) ? Quelles en sont les
conditions de vie ? Sa liberté de mouvement estelle entravée d’une manière quelconque ?
• La personne se trouve-t-elle dans un état de
dépendance par rapport à l’employeur ou en
situation de vulnérabilité (voir les indices pour la «
situation de vulnérabilité ») ? Que se passe-t-il si
la personne se plaint ou refuse de travailler dans
les conditions de travail données ? La personne
craint-elle d’être licenciée ou de se voir appliquer
une quelconque sanction ? La personne est-elle
contrainte de travailler dans des conditions inférieures à la norme afin de garder son emploi ?
• Le travailleur dénonce-t-il d’autres menaces ?
• Quelles sont les options de subsistance de la personne si elle quitte l’emploi ?
• Le travailleur est forcé à effectuer des
travaux dangereux sans protection adéquate.
• Le travailleur n’a pas le niveau d’instruction ou l’expérience nécessaire afin de
mener à bien ses tâches en toute sécurité.
• Le travailleur est contraint à se livrer à
des activités illicites ou indignes.
• L’environnement de travail est insalubre,
comportant au moins éclairage et aération
déficients, manque de chauffage et
d’accès aux installations sanitaires.
• Il n’y a pas d’avis sur la sécurité ou la
santé au lieu de travail et l’équipement est
défectueux.
• Les conditions de travail constituent une
violation grave des lois du travail et des
accords collectifs.
• Les travailleurs semblent épuisés et mal
soignés.
• Les personnes sont tenues de travailler,
même en cas de maladie ou grossesse.
• L’employeur est incapable de montrer des
contrats d’emploi, des assurances et le
registre de sécurité sociale.
• Les travailleurs n’ont pas de véritables
représentants qui puissent négocier les
conditions de travail.
• Le travailleur doit effectuer des heures
supplémentaires sans compensation.
• Les horaires de travail sont peu ou non
définis.
• Les compensations sont basées sur les
résultats et liées à des cibles de production.
Indices
Recueil de preuves
Utilisation de méthodes
Causes (questions à ne pas poser
directement à la victime)
Indices
L’EXPLOITATION PAR LE TRAVAIL
INDICATEURS DE BUT
INDICATEURS DE BUT
FEI
FEI
51
• Photos de la maison
de prostitution
• Déclarations de témoins
(prostituée et clients)
• Analyse des documents
liés aux finances
• Annonces de recrutement similaires
• Observer l’endroit où les
prostituées entrent en
contact avec les clients
• Inspecter les chambres
• Parler aux clients sur
l’attitude de la prostituée
• Vérifier s’il y a d’autres
rapports d’autres autorités sur des violations
de la loi contre la prostitution ou des normes
de santé et de sûreté
concernant la maison
de prostitution, ou des
plaintes pendantes en
instance etc.
• La prostituée peut-elle parler librement ?
• La prostituée est-elle dépendante de l’ «
employeur » pour d’autres biens : logement,
vêtements ?
• La prostituée peut-elle garder sa rémunération
? Quel pourcentage ?
• La prostituée dénonce-t-elle des actes de
violence ou des menaces de la part de l’ «
employeur » ?
• La prostituée est-elle forcée à dormir dans le
même endroit où elle travaille ?
• Qui est la femme ou l’homme qui accompagne
toujours la personne ?
• Quand le tatouage a-t-il été effectué ? Par qui
? La personne l’apprécie-t-elle ? Comment la
personne a-t-elle choisi le dessin ?
• Comment la personne a-t-elle commencé à se
prostituer ?
• A-t-elle répondu à une annonce ? Quelle en est
la source ? Les journaux ? Internet ?
• La personne est forcée d’avoir des relations sexuelles sans préservatif
• La personne n’a pas le droit de refuser des clients
• La personne se voit refuser les pauses, les jours de congés et le temps libre
• La personne souffre de certaines MST non traitées
• La personne travaille sur appel uniquement (24h sur 24, 7 jours sur 7)
• La personne est déplacée d’un endroit à l’autre, contre son gré
• La personne est contrainte de mentir en cas de contrôle par les forces de l’ordre
• La personne est contrainte à entreprendre des activités illicites ou indignes
• L’environnement de travail est insalubre, comportant au moins éclairage et aération
déficients, manque de chauffage et d’accès aux installations sanitaires
• Les prostituées semblent malades et peu soignées
• La personne est forcée de se prostituer même lorsqu’elle est malade ou enceinte
• La personne est toujours accompagnée à l’extérieur
• La personne comporte des tatouages indiquant un lien de dépendance à un groupe ou
à une bande
• La personne n’a pas d’argent sur elle
• La personne doit remettre à une tierce personne tout l’argent qu’elle gagne
• La personne est toujours accompagnée lorsqu’elle effectue les contrôles médicaux ou
se déplace aux prestataires de services sociaux.
• Photos
• Déclarations de
témoins
• Localiser l’endroit où la personne se
rend après avoir fini de mendier
• Discuter avec les personnes qui lui
donnent de l’argent. Est-ce qu’elles
aperçoivent cette personne régulièrement ? Est-ce qu’elles l’aperçoivent
accompagnée d’une autre personne ?
• Vérifier s’il y a des rapports d’autres
autorités sur des arrestations pour
activités illicites ou des plaintes pendantes en instance etc.
• La personne peut-elle garder l’argent collecté pour elle-même ?
• Y a-t-il quelqu’un qui surveille la personne discrètement ?
• À qui rend-elle l’argent recueilli ?
• Que se passe-t-il si la personne ne rapporte pas un montant minimum d’argent ?
• La personne est-elle dépendante de l’ « employeur » pour d’autres biens : logement, vêtements ?
• Comment le handicap est-il survenu ? À la naissance ? Suite à un accident ? À
quel âge et dans quelles conditions ?
• La personne a-t-elle déjà été arrêtée par la police ? Que s’est-il passé ? Comment a-t-elle été libérée ? Qui a payé la caution (le cas échéant) ?
• Comment la personne a-t-elle obtenu les substances / armes illégales ?
• La personne a-t-elle déjà été blessée au cours de ses activités ? Dans quelles
circonstances ?
• La personne mendie tout au long de la
journée
• La personne est déplacée d’un endroit à
l’autre, contre son gré
• La personne semble épuisée
• La personne est contrainte à la mendicité,
même malade ou enceinte
• La personne semble avoir un handicap
• La personne vend/dissimule/transporte
des substances illicites ou des armes
• La personne semble angoissée
• La personne n’a pas d’argent sur elle
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
Guidelines for the first-level
identification of victims of trafficking in Europe
52
INDICATEURS DE BUT
Recueil
de preuves
Utilisation
de méthodes
Causes (questions à ne pas poser
directement à la victime)
Indices
L’EXPLOITATION POUR ACTIVITÉS ILLICITES
Recueil
de preuves
Utilisation
de méthodes
Causes (questions à ne pas poser
directement à la victime)
Indices
L’EXPLOITATION SEXUELLE
INDICATEURS DE BUT
FEI
FEI
53
Ces lignes directrices ont été élaborées
dans le cadre du projet :
« développement de lignes directrices
et de procédures communes
pour l’identification des Victimes
de la traite des êtres humains »
FEI - Ministère des Affaires étrangères
27, rue de la Convention
CS 91533 - 75732 Paris Cedex 15
With the financial support from the Prevention of and
Fight against Crime Programme of the European Union,
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