MAITRE DADJE RODRIGUE - Tribunal de Commerce d`Abidjan
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MAITRE DADJE RODRIGUE - Tribunal de Commerce d`Abidjan
REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE -------------------COUR D’APPEL D’ABIDJAN -------------------TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN -------------------RG N°1789/2013 JUGEMENT CONTRADICTOIRE du 14/02/2014 -----------------Affaire : Monsieur KABA TIEMO C/ Monsieur BLE BLE CHARLES MAITRE DADJE RODRIGUE Décision AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE DU 14 FEVRIER 2014 Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique ordinaire du quatorze février deux mil quatorze tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Madame TOURE AMINATA épouse TOURE, Président du Tribunal ; Messieurs YEO DOTE, OUATTARA Lassina, EMERUWA Edjikémé et DAGO Isidore, Assesseurs ; Avec l’assistance de Maître DOLEGBE Léonie SELIKA, Greffier ; A rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : Monsieur KABA TIEMO, né le 10 Août 1980 à Abidjan, de nationalité française, entrepreneur, demeurant à Abidjan-Plateau Dokoui, cellulaire : 66 72 82 76 ; Demandeur, comparaissant et concluant en personne ; D’une part, Et Contradictoire Reçoit Monsieur KABA TIEMO en son action ; L’y dit mal fondé ; Le déboute de ses demandes ; Le condamne aux dépens. Monsieur BLE BLE CHARLES, de nationalité ivoirienne, professeur, domicilié à Abidjan Cocody-Angré, résidence Papayer îlot 49, lot 484 ; Ayant pour conseil maître DADJE RODRIGUE, avocat près la Cour d’Appel d’Abidjan ; Défendeur comparaissant et concluant par son conseil susnommé ; D’autre part ; Enrôlée le 26 novembre 2013 pour l’audience du 29 novembre 2013, l’affaire a été appelée ; Le Tribunal ayant constaté la non conciliation des parties, a renvoyé l’affaire au 27 Décembre 2013 pour instruction ; L’affaire a ensuite été renvoyée au 24 janvier 2014, puis au 31 janvier 2014 pour production de pièces ; A cette date, la cause étant en état d’être jugée, elle a été mise en délibéré pour jugement être rendu le 14 février 2014 ; 1 Advenue cette audience, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit : LE TRIBUNAL Vu les pièces du dossier ; Vu l’échec de la tentative de conciliation ; Ouï les parties en leurs demandes ; Après en avoir délibéré conformément à la loi ; FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES Par exploit d’huissier en date du 13 novembre 2013, Monsieur KABA TIEMO a fait servir assignation à Monsieur BLE BLE CHARLES, d’avoir à comparaître devant le Tribunal de Commerce d’Abidjan, pour entendre : -condamner monsieur BLE BLE CHARLES à lui restituer la somme de 2.500.000 FCFA reçue à titre de pas de porte ; -le condamner à lui payer la somme de 10.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts pour toutes causes de préjudices confondues ; -ordonner l’exécution provisoire de la décision, en ce qui concerne le remboursement de la somme versée à titre de pas de porte ; Monsieur KABA TIEMO expose au soutien de son action, que le 07 janvier 2008 monsieur BLE BLE CHARLES propriétaire de l’immeuble résidentiel du papayer Djomi, îlot 49 lot 484 sis à Cocody, lui a, suivant contrat de bail commercial, loué un magasin dans ledit immeuble moyennant un loyer mensuel de 250.000 FCFA ; Le propriétaire dit-il, a exigé de lui le versement de la somme non remboursable de 2.500.000 FCFA à titre de pas de porte ; Il ajoute que pour les besoins de l’exploitation de son commerce dans le local, il soumettait au bailleur un plan d’aménagement que celui-ci approuvait ; Conformément à ce plan d’aménagement précise le demandeur, il se devait de : -bâtir un kiosque en matériaux précaires ; -ne pas détruire un quelconque chaînage du magasin ; -ne pas détruire un quelconque poteau intégrant la structure de l’immeuble ; Le bailleur, affirme le demandeur, l’a autorisé à éliminer des murs de remplissage c’est-à-dire les murs de séparation et les toilettes ; Il fait noter que le 14 avril 2008, alors même qu’il n’avait pas encore commencé l’exploitation de son commerce dans le magasin, le bailleur lui signifiait une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail, faisait détruire les aménagements construits et cédait le magasin à un autre locataire ; 2 Monsieur KABA TIEMO estime que ce faisant, monsieur BLE BLE CHARLES a unilatéralement rompu le contrat, qui ne pouvait être résilié que par voie judiciaire ; Il en déduit que la clause de résiliation de plein droit prévue au contrat, est réputée non écrite ; Selon le demandeur, ce comportement du bailleur est abusif et lui a causé un préjudice, puisqu’il n’a pu exploiter son commerce alors qu’il a fait de gros investissements ; Il sollicite donc le remboursement de la somme versée à titre de pas de porte, et la réparation des préjudices matériels, financiers et économiques subis ; En réplique, monsieur BLE BLE CHARLES soulève in limine litis la prescription de l’action du demandeur, au motif que conformément à l’article 16 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général, les obligations découlant des relations commerciales se prescrivent par cinq ans ; Il affirme que les faits s’étant produits le 06 octobre 2008, l’action initiée le 8 octobre 2013 est prescrite et donc irrecevable ; Aux dires du défendeur, monsieur KABA TIEMO n’exécutant pas ses obligations, une mise en demeure d’avoir à respecter les clauses et conditions du bail lui a été servie le 14 avril 2008 ; Il explique que suite à cette mise en demeure, le locataire qui ne payait pas ses loyers, n’a plus donné de signe de vie, au point qu’il a été obligé de se faire délivrer une ordonnance aux fins d’ouverture de porte, afin de pouvoir exploiter son local ; Il relève que le pas de porte n’est pas remboursable, conformément à la clause prévue en ce sens dans le contrat ; Il fait noter qu’il n’a détruit aucune installation, et que cette destruction a été faite par les agents de la mairie en présence du locataire ; Il fait observer que le demandeur ne rapporte pas la preuve du préjudice qu’il aurait subi, encore moins du lien de causalité ; Il en conclut que la demande de dommages et intérêts mal fondée doit être rejetée ; SUR CE EN LA FORME Sur le caractère de la décision Le défendeur ayant comparu et conclu, il y a lieu de statuer par décision contradictoire ; Sur l’exception de prescription et la recevabilité de l’action 3 Monsieur BLE BLE CHARLES soulève la prescription relativement à cette action, motif pris de ce que les faits s’étant produits le 06 octobre 2008, l’action initiée le 8 octobre 2013 est prescrite et donc irrecevable; L’article 16 de l’acte uniforme OHADA portant droit commercial général dispose : « Les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants, se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes. Cette prescription extinctive est soumise à la loi régissant le droit qu’elle affecte » ; En outre, l’article 17 du même acte uniforme précise : « A la différence du délai de forclusion qui court, pour la durée fixée par la loi, à compter de l’événement que celle-ci détermine, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire du droit d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action » ; Il résulte de la lecture combinée de ces dispositions que l’action en réclamation de l’exécution d’une obligation commerciale doit être exercée dans un délai de cinq années à compter du moment où le titulaire du droit était en mesure de l’exercer ; En l’espèce, l’obligation dont exécution est sollicitée est relative au paiement de la somme versée à titre de pas de porte et de dommages et intérêts résultant de la relation entre un bailleur et un locataire dans le cadre d’un bail commercial ; Le demandeur sollicite en effet qu’il soit constaté qu’en installant un autre locataire dans les lieux loués après avoir détruit ses aménagements, monsieur BLE BLE CHARLES a unilatéralement rompu le contrat de bail et d’en tirer les conséquences en lui payant des dommages et intérêts et la somme versée à titre de pas de porte ; Ces demandes sont liées non pas aux faits de destruction dont la date est fixée sans preuve par le défendeur au 06 octobre 2008, mais plutôt à la rupture du contrat de bail qui doit être constatée maintenant ; 4 En effet aucune des deux parties n’ayant signifié à l’autre la résiliation du contrat de bail, il revient à la juridiction de céans de déduire des circonstances de la cause, l’auteur de la rupture et d’en tirer les conséquences ; Il s’ensuit que c’est à compter de maintenant, c’est-à-dire du constat de la rupture, que court le délai de cinq ans, de sorte que l’exception de prescription soulevée doit être rejetée, le demandeur étant encore dans le délai requis pour exercer son action, qui doit être reçue pour avoir été exercée dans le respect des exigences légales de forme et de délai ; AU FOND Sur la demande en restitution du pas de porte Monsieur KABA TIEMO sollicite la condamnation de monsieur BLE BLE CHARLES au remboursement de la somme de 2.500.000 FCFA versée à titre pas de porte ; Le pas de porte qui est une somme librement déterminée par les parties, à titre de provision ou de droit d’entrée pour garantir l’exécution du bail, résulte de la pratique du bail commercial, bien que n’étant prévu par aucun texte ; En l’espèce il est établi comme résultant du contrat de bail en date du 07 janvier 2008 produit, que les parties ont convenu du paiement de la somme de 2.500.000 FCFA correspondant au pas de porte ; Aux termes de l’article 1134 du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » ; Les parties en la présente cause, ayant prévu le paiement d’un pas de porte, elles restent tenues dans les termes de l’engagement pris par chacune ; Ainsi, c’est conformément à la convention des parties que le demandeur a payé ladite somme au titre du pas de porte ; Il est également constant que ladite convention a prévu que la somme ainsi versée au titre du pas de porte, n’était pas remboursable ; Monsieur KABA TIEMO ne peut être remboursé de la somme versée, que s’il prouve que le paiement effectué n’a pas de cause ou 5 que la clause concernant le pas de porte, affecte une disposition d’ordre public ; Toutefois, il ne rapporte pas cette preuve, et il est constant que le paiement effectué trouve sa cause dans le contrat conclu par les parties, de même que la clause relative au pas de porte, ne porte atteinte à aucune disposition d’ordre public ; La somme versée à titre de pas de porte n’étant pas remboursable, conformément à la convention des parties, il en résulte que monsieur KABA TIEMO est mal fondé en sa demande en remboursement de ladite somme ; Il y a donc lieu de l’en débouter ; Sur la demande en paiement de dommages et intérêts Monsieur KABA TIEMO sollicite la condamnation de monsieur BLE BLE CHARLES au paiement de la somme de 10.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts au motif, d’une part que le bailleur a unilatéralement et abusivement rompu le contrat de bail et lui a ainsi causé des préjudices, et que d’autre part celui-ci a détruit ses aménagements ; S’agissant de la rupture abusive du contrat l’article 1147 du code civil dispose : « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui peut ne lui être imputée, encore qu’il n’y ait de mauvaise foi de sa part. » La condamnation au paiement de dommages et intérêts fondée sur ce texte nécessite que soient établis une faute, un préjudice et un lien de causalité entre ces deux éléments ; En l’espèce s’il est vrai que le défendeur n’a pas obtenu de décision de justice aux fins de résiliation du contrat de bail liant les parties, comme l’exige l’article 133 de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général, qui prévoit les conditions de la résiliation judiciaire du bail, et que l’ordonnance aux fins d’ouverture de porte N° 5460/2008 du 06 octobre 2013 obtenue, ne saurait constituer une décision de résiliation de bail et d’expulsion, il n’en demeure pas moins que le demandeur ne caractérise en quoi cette rupture unilatérale du bail lui a causé des préjudices ; En effet, il ne rapporte nullement la preuve du préjudice allégué ; S’agissant des dommages et intérêts pour destruction des installations, l’article 1382 du code civil qui pose le principe de la responsabilité délictuelle, exige également l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité ; En l’espèce, le demandeur ne rapporte ni la preuve de la faute ni celle du préjudice ; 6 En effet, il n’établit pas que les aménagements par lui faits dans le local ont été détruits par le défendeur qui conteste ces faits, arguant que ce sont les agents de la Mairie qui ont procédé à ladite destruction ; ce qui n’a pas été contredit par le demandeur ; En outre, pour prouver l’existence d’un préjudice, ce dernier produit un état qu’il a lui-même établi et qui n’est accompagné d’aucun constat ni d’aucune facture attestant de la réalité et du montant des biens détruits ; Il s’ensuit qu’en tout état de cause, la demande en paiement de dommages et intérêts doit être rejetée comme étant mal fondée ; Sur l’exécution provisoire Monsieur KABA TIEMO sollicite l’exécution provisoire de la décision en ce qui concerne la condamnation au remboursement de la somme versée à titre de pas de porte ; Toutefois ainsi qu’il a été sus jugé, ladite demande est mal fondée ; Dès lors l’exécution provisoire sollicitée est sans objet, et doit être rejetée ; Sur les dépens Monsieur KABA TIEMO succombant, il sied de le condamner aux dépens de l’instance ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ; Reçoit Monsieur KABA TIEMO en son action ; L’y dit mal fondé ; Le déboute de ses demandes ; Le condamne aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus. ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER 7