Xénophobie, antisémitisme, racisme et anti-racisme en France
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Xénophobie, antisémitisme, racisme et anti-racisme en France
Xénophobie, antisémitisme, racisme et anti-racisme en France -Synthèse des résultats 2003- A la demande conjointe de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme et du Service d’Information du Gouvernement, l’institut BVA a réalisé une enquête par sondage en face à face, auprès d’un échantillon de 1052 personnes interrogées du 24 novembre au 5 décembre 2002, représentatif de la population résidant en France selon la méthode des quotas (sexe, age, csp du chef de famille, après stratification par région et catégorie d’agglomération). La note qui suit en présente les principaux enseignements. Remarque préalable : afin de mieux saisir la réalité des perceptions et d’évaluer l’importance que peuvent avoir certaines formulations dans l’orientation des réponses obtenues, il a été fait certaines fois recours à la technique du « split sample » ; ce procédé consiste à scinder l’échantillon général en plusieurs sous-échantillons de structure similaire, auxquels est posée une question libellée pour chacun de manière spécifique. LE DIAGNOSTIC DES FRANÇAIS QUANT AU RACISME EN FRANCE Les craintes des Français Le contexte dans lequel se déroule le sondage de 2003 a changé : En effet, parmi les quinze sources d’inquiétudes citées, les trois principales restent les mêmes pour les Français : le chômage, l’insécurité et la pauvreté. On observe toutefois que l’inquiétude en matière de chômage a augmenté de manière très forte (+13) ainsi que l’inquiétude concernant la crise économique (+ 8) tandis que l’inquiétude en matière d’insécurité est en baisse (-7 points). Graphique 1 : Les craintes des Français pour la société française Évolution / 2002 Pouvez-vous me dire quelles sont vos principales craintes pour la société française ? 49 L e ch ô m a g e + 13 L 'in sécu rité 32 -7 L a p a u vreté 32 -1 L e terro rism e 24 -6 L a crise éco n o m iq u e 24 +8 -1 20 L a d ro g u e 18 L a p o llu tio n L e S ID A 17 L e ra cism e 17 8 L 'im m ig ra tio n cla n d estin e -2 = -3 10 L a co rru p tio n et les a ffa ires -5 +1 11 L a m o n d ia lisa tio n = T o ta l d es ci ta ti o n s -2 12 U n e p erte d 'id en tité d e la F ra n ce L 'a n tisém itism e +5 21 L 'in tég rism e relig ieu x +1 4 Le souvenir des attentats du 11 septembre 2001 semblant s’éloigner, l’inquiétude en matière de terrorisme se fait également moins pressante (-6 points). Cette année, les Français semblent davantage préoccupés par l’intégrisme religieux (+ 5 points), crainte pouvant relever aussi bien du contexte international que national. 2 Seuls 17 % des Français considèrent le racisme comme la principale crainte pour la société française. Il s’agit d’une proportion de Français quasiment équivalente à l’an dernier. L’inquiétude en matière de racisme semble toutefois en recul car elle passe, en terme de hiérarchie, de la sixième à la dixième position derrière les craintes concernant la crise économique, l’intégrisme religieux, la pollution et le SIDA. Evaluation du niveau de racisme en France Comme en 2002, une écrasante majorité des Français pensent que le racisme est très (25%) ou plutôt (62%) répandu. Rappelons que la réponse à cette question fonctionne davantage comme un indicateur de sensibilité au sujet et non pas de tendance personnelle au racisme. Qu’entendent les Français par le terme racisme ? Ils en donnent généralement une définition assez neutre : c’est le fait d’éprouver le sentiment de refus des différences (20%), notamment des différences de religion (22%), ou de couleur (20%). L’ensemble des définitions neutres représente 88% des citations. Elles sont encore plus nombreuses qu’en 2002 (+ 10 points). Les définitions assorties d’un commentaire impliquant l’interviewé que ce soit un commentaire condamnant le racisme (9%), le justifiant (2%) ou exprimant une opinion personnelle raciste (5%) sont, pour leur part, en baisse. Deux interrogations découlent par la suite : Tout d’abord, y a-t-il des catégories de la population française qui sont considérées comme particulièrement victimes de racisme et si oui, lesquels ? D’autre part, y a-t-il dans l’esprit des répondants, une distinction entre les victimes de « racisme » et les victimes de « discriminations » ? La technique du split nous a permis de poser la question à deux sous-échantillons indépendants en employant une fois le terme « racisme » et l’autre fois le terme « discrimination ». Dans les deux cas, ce sont avant tout les minorités nationales, ethniques ou religieuses qui sont désignées spontanément comme victimes de racisme (82%) et de discriminations (75%). Les Français * évoquent également spontanément d’autres catégories sociales. C’est le cas d’un un tiers des répondants lorsque l’on parle de « discrimination » et près d’un cinquième lorsque l’on emploie le terme de « racisme ». Les catégories désignées sont avant tout celles socialement défavorisées. En ce qui concerne les victimes de discriminations, les répondants citent en premier lieu les pauvres (9%) (auxquels on peut ajouter les citations parlant des SDF (4%), des chômeurs (3%) et des plus faibles (1%)) ainsi que les handicapés (6%) et les jeunes (4%). En ce qui concerne les victimes de racisme, les répondants citent également les pauvres (4%) ainsi que les jeunes (3%) et les enfants (3%). * Par facilité de langage, nous utilisons dans la présente synthèse le terme de « Français » pour désigner la population de référence de notre sondage. Pour être tout à fait exact il s’agit, comme précisé dans la note méthodologique, des personnes résidant en France qu’elles soient françaises ou étrangères. 3 Graphique 2 : Les principales victimes de racisme et de discrimination en France* Quelles sont, à votre avis, les principales victimes de racisme / de discrimination en France ? ST MINORITES NATIONALES, ETHNIQUES OU RELIGIEUSES 75 S/T Nord Africains / musulmans 43 15 S/T Africains / noirs 20 18 17 S/T Etrangers / immigrés (sp) Les « juifs » 1317 S/T Français / blancs / européens 47 Évolution cumul / 2002 82 +4 + 11 +4 -7 + 10 6 10 = 9 8 = Les personnes d’une « autre couleur de peau » Les Tziganes, les Roms, les gens du voyage 2 Les Européens des pays de l’Est 2 2 = Les Roumains 1 1 = 3 +1 Parmi les minorités nationales, ethniques ou religieuses évoquées, les citations concernant l’ensemble « Nord Africains et musulmans » sont les plus nombreuses (46%) et ont augmenté par rapport à l’an dernier (+ 11 points) notamment celles concernant les Arabes 20% (+ 5 points), les noirs (15%, +5), les musulmans (8%, + 3). Nous remarquerons également que cette année, les Français sont davantage sensibles au fait que les juifs (15%) soient victimes de racisme (+10 points). L’expérience du racisme Environ un Français sur deux (54%) déclare avoir été témoin de propos racistes et dans une moindre mesure de comportements racistes (48%). Ces résultats sont en légère régression par rapport à 2002 où ils étaient particulièrement élevés. Ils témoignent évidemment d’une perception et peuvent se trouver en contradiction avec l’augmentation réelle de ces phénomènes. De manière plus spécifique, la technique du split nous permet de constater que les propos ou comportements anti-Arabes (à hauteur respectivement de 55% et 38%) sont légèrement plus nombreux que ceux identifiés comme étant anti- musulmans (48% et 32%). Les interviewés se souvenant avoir été témoins de propos ou comportements antisémites sont moins nombreux et atteignent respectivement 31% et 20% des répondants. Par ailleurs une minorité non négligeable des personnes interrogées déclarent avoir été personnellement victimes de propos (22%) ou de comportement (17%) racistes, antisémites, anti-musulmans ou anti-Arabes. * La présentation plus détaillée de ce graphique est consultable dans le rapport des résultats d’ensemble de l’étude 2003 4 Graphique 3 : Expérience du racisme / de l'antisémitisme/ des actes anti-arabes et anti-musulmans Témoin de propos % Oui +4 Témoin de comportements % Oui = -5 54 55 48 Victime % Oui Évolution / 2002 = 48 38 32 31 22 20 r a c is te s a n ti- m us u lm a ns a n ti- ar ab es r a c is te s a n ti- m us u lm a ns a n ti- ar a b 17 es Attitudes et expression d’opinions personnelles Globalement, on observe que les questions révélant une attitude générale vis-à-vis du racisme n’ont pas spécialement évolué en un an. Les questions d’opinions plus circonstanciées ont, quant à elles, évolué dans un sens semblant indiquer une décrispation des perceptions des Français sur ce sujet par rapport à 2002. Ainsi, interrogés sur la notion de races humaines, une majorité de 68% des Français pensent comme en 2002 que toutes les races humaines se valent, 16% qu’elles n’existent tout simplement pas et 14% qu’il y a des races humaines plus douées que d’autres. Graphique 4 : Réaction à la notion de races humaines Vous personnellement, de laquelle des opinions suivantes vous sentez-vous le plus proche ? Il y a des races humaines plus douées que d'autres 14% (NSP) 2% Les races humaines, ça n'existe pas 16% Toutes les races humaines se valent 68% 5 Il est intéressant de dresser le profil de ces 14% de personnes qui partagent cette idée au fondement du racisme car on retrouve cette structure pour une grande partie les réponses exprimant une propension au racisme. Il s’agit d’un groupe légèrement plus masculin (16%) que féminin (11%), où les personnes âgées de plus de soixante quinze ans sont surreprésentées (22% partagent cette idée) tandis que les jeunes de moins de 25 ans sont, au contraire, sous représentées (7%). C’est une idée plus répandue parmi les classes défavorisées que favorisées : Les ouvriers partagent plus cette idée (17%) que les cadres qui sont seulement 3% à le penser. Le diplôme joue également un rôle discriminant opposant les personnes n’ayant pas le niveau baccalauréat (20%) aux personnes qui l’ont (6%). C’est, d’autre part, une attitude plus répandue parmi les personnes se déclarant de droite (21%) que de gauche (9%). En théorie, la présence d’une personne d’une autre nationalité que la leur laisse les Français majoritairement indifférents (52 %), 41% la trouvent enrichissante contre seulement 6% qui la trouvent gênante. Une fois de plus cette attitude est très stable avec des chiffres quasiment identiques à ceux de l’an dernier. L’écart observé lorsque l’on parle de « personnes d’origine étrangère » plutôt que de « personnes d’une autre nationalité » est également maintenu en défaveur des personnes d’origine étrangère (5 points de moins dans la proportion de ceux trouvant cette présence enrichissante). Jugement quant au nombre d’immigrés / étrangers en France Plus concrètement, lorsque l’on interroge la population sur son jugement quant au nombre d’immigrés en France aujourd’hui, on obtient une majorité relative 41% de personnes déclarant que ce nombre est trop important. Toutefois il s’agit d’un pourcentage de 10 points inférieur à l’an dernier témoignant d’une nette décrispation que d’autres résultats confirment par ailleurs. Le lien fait par les personnes interrogées entre le trop grand nombre d’immigrés et les problèmes d’emploi et de chômage est encore plus flagrant cette année (60%) que l’année dernière (+11 points). L’insécurité est toujours citée en second (par 1 personne sur 4) et l’équilibre des comptes sociaux en troisième (par 1 personne sur 5). Ces deux dimension semblent toutefois en léger recul par rapport à l’an dernier faisant en ceci écho à la baisse des craintes des Français à leur sujet. Avantages et handicaps supposés du fait d’être étranger / immigré L’accès à l’éducation et la formation et aux vacances est considéré comme étant assez « égalitaire » en France que l’on soit immigré (ou d’origine étrangère) ou non. Par contre, les interviewés considèrent que c’est un handicap d’être immigré lorsqu’il s’agit d’accéder à un emploi (66%), aux loisirs, boites de nuits, etc. (52%) et dans une moindre mesure au logement (48% contre 30% pensant l’inverse). Enfin, l’idée comme quoi les étrangers auraient un accès plus facile aux prestations sociales (47%) et aux soins médicaux (34%) est toujours d’actualité. On enregistre toutefois sur 6 chacun de ces points une chute de 5 points laissant présager une atténuation des frustrations en la matière. Graphique 5 : Les domaines de discrimination Diriez-vous qu'en France, lorsqu'on est d'origine étrangère / immigré, on a plus de facilité, plus de difficulté ou ni l'un ni l'autre pour accéder : Plus de facilité Plus de difficulté 47 Aux prestations sociales (2003) 18 Aux vacances (2003) 15 A l'éducation et à la formation (2003) 2002 28 20 3 20 2 8 39 33 7 48 34 4 40 66 15 3 46 31 12 2002 45 42 23 2002 4 4 48 23 2002 31 13 36 2002 3 49 29 Au logement (2003) Aux loisirs (2003) 13 39 2002 38 12 34 Aux soins médicaux (2003) (NSP) 12 53 2002 A l'emploi (2003) Ni l'un, ni l'autre 62 3 20 3 20 3 7 52 35 6 10 48 37 5 Ces résultats tendent à montrer que les interviewés ont une vision qui est loin d’être monolithique des étrangers, une vision où cohabitent des images positives et négatives. C’est ce que l’on observe sur les différentes opinions suivantes : Par exemple, les Français sont partagés quant à l’idée d’accorder le droit de vote aux municipales aux étrangers non européens résidant en France depuis un certain temps (54% contre 42%). Ils sont en revanche sourds à l’argument démographique qui voudrait que l’immigration soit « une chance pour une France qui ne (ferait) pas assez d’enfant » : 58% ne sont pas d’accord avec cet argument contre 36% qui le sont. Cette proportion s’inverse de manière symétrique concernant la nécessaire présence d’immigrés en France pour assurer certaines fonctions. D’autres arguments font, en revanche, l’unanimité : Plus de 7 personnes sur dix s’accordent à dire que « la présence d’immigrés est une source d’enrichissement culturel » ou encore que l’ « on juge aussi une démocratie à sa capacité d’intégrer les étrangers ». Enfin, une forte majorité (8 personnes sur 10) sont d’accord pour dire que les immigrés doivent être considérés comme ici chez eux puisqu’ils contribuent à l’économie française. Sur tous ces point, il est important de noter que la proportion de personnes exprimant une opinion favorables aux immigrés/ étrangers a augmenté d’environ 5 points ce qui est une évolution considérable en un an. 7 Réactions face à différents comportements discriminatoires Les comportements discriminatoires ne laissent pas les Français indifférents. Une majorité d’entre eux les jugent très ou plutôt graves en commençant pas le refus d’embaucher une personne pourtant qualifiée, de louer un appartement, d’interdire l’entrée d’une boite de nuit et, dans une moindre mesure, le fait de refuser le mariage d’un de ses enfants avec une personne en raison de sa couleur ou de son origine. Comme nous l’observions en 2002, la perception de la gravité de ces comportements évolue selon l’identité du protagoniste. L’an dernier nous notions déjà que la perception de la gravité de l’acte était plus grande dans le cas d’un « Noir » plutôt que d’un « Maghrébin ». Cette année, cette tendance se confirme. Elle est particulièrement perceptible en ce qui concerne le mariage d’un de ses enfants. Un pourcentage non négligeable d’interviewés minimisent la gravité de ce comportement le jugeant peu grave pour 29% en ce qui concerne un « Noir » et 36% s’agissant d’un maghrébin. En plus du split entre « Noir » et « Maghrébin », nous avons testé cette année le terme « Musulman ». Les personnes interrogées semblent réagir à peu près de la même manière à ces deux derniers termes. Graphique 6 : La gravité perçue de différents comportements discriminatoires Pouvez-vous me dire s'il est, selon vous, très grave, assez grave, peu grave ou pas grave du tout d'avoir les comportements suivants ? Très grave Assez grave Refuser l’embauche d’un… qualifié pour le poste "Noir" 66 "M aghrébin" 55 "M usulman" 53 Refuser de louer un logement à un… "Noir" 56 "M aghrébin" 46 "M usulman" 47 Interdire l’entrée d’une boîte de nuit à un … "Noir" 55 "M aghrébin" 44 Être contre le mariage d’un de ses enfants avec un… "Noir" 40 "M aghrébin" 28 30 27 30 "M usulman" 8 Peu grave Pas grave du tout (NSP) 25 5 22 6 4 2 7 32 33 35 28 10 9 8 38 37 33 2 4 5 2 5 3 7 36 12 27 17 20 24 14 12 12 32 5 3 9 4 6 L’ETAT DE L’INTEGRATION ET PERCEPTION DU COMMUNAUTARISME Comme en 2002, plus de neuf personnes sur dix (92%) pensent qu’il y a des gens dans la société qui vivent à part. Bien que la réponse à cette question soit spontanée, elle est restée d’une parfaite stabilité par rapport à l’an dernier. Les enseignements tirés de cette question l’an dernier s’en trouvent donc confirmés : Parmi les personnes ayant le sentiment que certains groupes vivent à part, 31% citent spontanément des groupes caractérisés selon des critères ethniques, nationaux ou religieux, , une proportion quasi équivalente citent les « SDF » (29%) puis les « pauvres, les défavorisés », (26%) et les « riches, les aisés » (18%) les autres groupes cités l’étant dans des proportions moindres. En d’autres termes, si le regroupement des citations liées à la nationalité, à la religion ou à des caractères ethniques arrive en tête, elles ne sont le fait que de moins de trois personnes interrogées sur dix, la plupart des citations concernant plutôt des groupes sociaux. Plus particulièrement, parmi les citations concernant les groupes nationaux, ethniques ou religieux, la plus grande partie concernent des statuts - les « étrangers » (8%), les « immigrés » (7%), les « clandestins » (5%) et les « sans papiers » (3%) – et très peu des origines – les « Tziganes, les Roms » (4%), les « musulmans » (2%)- et d’autres minorités nationales, religieuses ou ethniques (4%, toutes citations confondues). Cette année, les Français ont une vision plus pacifiée des relations entre les personnes de différentes origines que ce soit au jour d’aujourd’hui ou à l’avenir : 46% pensent que les personnes de différentes origines vivent ensemble mais avec des tension et 33% qu’ils vivront ainsi à l’avenir. Même s’ils continuent à juger cette cohabitation plutôt tendue, ces pourcentages sont de 4 et 6 points plus optimistes que l’an dernier. La question de l’intégration On perçoit de façon assez nette que, pour l’opinion française la présence de personnes étrangère ne va pas de soi. Se pose en réalité la question de l’intégration. Or l’opinion française est partagée sur cette question. Elle a plutôt tendance à penser que cette intégration est assez difficile (42%) voire très difficile (13%). Les principaux freins à l’intégration sont imputés avant tout à une question de manque de volonté et ceci des deux côtés : manque d’effort de la population d’accueil (23% citent ce manque d’effort ainsi que le racisme ou les discriminations que les immigrés doivent affronter (11%)) et manque d’effort des immigrés eux-mêmes (25%). Les différences de mœurs et de culture (24%) sont jugées également importantes. Enfin, la religion (13%), la langue (13%) et les problèmes économiques (12) sont évoquées dans une moindre mesure. Une majorité de plus en plus importante des Français (+ 8 points depuis 2002) pensent que l’adoption d’habitudes de vie françaises par les étrangers qui vivent en France est indispensable (56%), 33% jugent que c’est important sans être indispensable et seulement 8% que c’est secondaire. On observe donc que la décrispation en matière d’opinions liées au racisme ne change pas le diagnostic assez sévère dressé par la population en matière d’intégration des immigrés et de nécessité d’efforts en ce sens. 9 Graphique 7 : L'adoption des habitudes de vie françaises par les étrangers vivant en France 56 48 33 39 2003 2002 8 10 2 Secondaire Important mais pas indispensable Indispensable 2 (Il n'y a pas d'habitudes de vie françaises) 1 1 (NSP) LES OPINIONS LIEES AUX DIFFERENCES RELIGIEUSES ET A L’HOSTILITE A L’ISLAM Connotation de différents termes Les interviewés ont été invités à se prononcer sur leur perception positive ou négative de différents termes : Parmi les neuf termes proposés, la laïcité arrive largement en tête, jugée positive par 74% des Français voire très positive par 42% d’entre eux. Cette valeur n’est d’ailleurs pas l’apanage des personnes se déclarant sans religion et est jugée très positivement même parmi les catholiques pratiquants (80%). La valeur de la laïcité est donc, sans conteste, bien établie dans l’opinion. Faisant également partie de l’héritage de la France, le terme de catholicisme est jugé positif par 52% des de Français, 33% le jugent ni positif ni négatif tandis que 13% lui trouvent une connotation négative. Le terme religion en lui-même est plutôt connoté positivement (47%) voire de manière neutre (29%) et peu négativement (22%). Le bouddhisme, qui renvoie probablement dans l’esprit des Français à une certaine dimension spirituelle a une connotation légèrement positive également pour 41% des Français voire ni positive ni négative à 39% (avec 13% de connotations négatives). Les trois religions minoritaires en France, protestantisme, judaïsme et islam suscitent avant tout la neutralité mais ont un impact différencié dans l’opinion. Globalement, le protestantisme et le judaïsme ont une connotation ni positive ni négative (42%). C’est un peu moins le cas de la religion musulmane. Avec la technique du split, les résultats varient selon le terme employé : En ce qui concerne la « religion musulmane » on obtient 30% d’avis positifs et autant de neutres (33%). Pour le terme « religion islamique », les avis positifs diminuent à 24% au profit des avis neutres (39%). Le terme « islam » récolte le même pourcentage faible d’individus le jugeant positif (24%) mais suscite beaucoup plus l’hostilité des répondants (40%) d’avis négatifs. 10 Graphique 8 : Connotations de différents termes Pouvez-vous me dire, pour chacun des termes suivants, s’il évoque pour vous quelque chose de très positif, d’assez positif, d’assez négatif, de très négatif ou de ni positif, ni négatif ? Très positif Assez positif Laïcité Très négatif 42 Catholicisme 36 14 Bouddhisme 9 33 12 14 29 9 30 Judaïsme 6 24 Religion musulmane [Split B] 6 24 Religion islamique [Split C] 6 18 Islam [Split A] 7 17 Ni positif, ni négatif 32 16 Religion Protestantisme Assez négatif 14 9 4 11 4 6 17 21 17 5 4 14 8 2 29 39 2 7 42 4 8 33 39 19 4 33 42 13 18 (NSP) 6 6 33 3 Evocations spontanées de l’islam Sur l’ensemble des évocations spontanées concernant l’islam, 46 % peuvent être considérées comme des évocations neutres - une religion comme les autres (8%), qui évoque Mahomet, Allah ou le Coran (5%)- , 43% comme négatives et seulement 9% sont clairement positives. A ces évocations positives peuvent toutefois être ajoutées 12% d’évocations renvoyant à des choses négatives tout en prenant soin de ne pas réduire l’islam à cela et prenant en quelque sorte la défense de l’islam. Parmi les évocations négatives, c’est avant tout le manque d’ouverture et de tolérance qui est stigmatisé (17%), notamment le phénomène de l’intégrisme (appelé également fanatisme ou extrémisme (11%)). Le contexte international marqué par le terrorisme, les attentats et la guerre revient assez souvent (16%) ainsi que l’évocation de la condition féminine en islam jugée difficile (9%). 11 Graphique 9 : Evocations de l’islam* Qu’évoque pour vous l ’islam ? S/T Evocations neutres 46 S/T Evocations négatives 43 - Manque d'ouverture, de tolérance 17 - Conflits/guerre/terrorisme 16 - Condition féminine en islam - Manque d'adaptation à la société d'aujourd'hui 9 3 S/T Evocations défendant l'islam S/T Evocations positives 12 9 Ainsi, il apparaît à la lumière de ces évocations spontanées que les Français n’ont pas une vision particulièrement négative de l’islam en soi mais que cette religion est indéniablement liée dans leur esprit à un contexte géopolitique global marqué par la violence et la montée de l’islamisme politique. 71 % des interviewés pensent d’ailleurs que les intégristes musulmans déforment le message et les valeurs de l’islam contre seulement 12% partageant l’avis inverse et 14% préférant ne pas se prononcer peut-être par méconnaissance de ces valeurs supposées. Les Français avouent d’ailleurs une grande méconnaissance de l’islam : 76% disent connaître assez ou très mal l’islam contre 24% seulement qui affirment le contraire. La connaissance déclarée de l’islam augmente toutefois légèrement parmi les personnes les plus diplômées ainsi que parmi les plus jeunes. On observera avec intérêt le fait que les évocations positives de l’islam augmentent (20% au lieu de 9%) avec le degré de connaissance que l’on en a. Le rôle joué par les médias semble également prêter à controverse. Les avis des Français sont partagés à cet effet : 37% jugent trop négative l’image de l’islam et des musulmans présentée par les médias, 33% la jugent équilibrée et une minorité de 15% la juge trop positive. L’image des musulmans en France Dans leur grande majorité, les répondants (75%) pensent que les « Français musulmans sont des Français comme les autres ». Près d’un quart des interviewés pensent toutefois l’inverse (23%). Ce pourcentage est par ailleurs largement inférieur à celui recueilli lorsque l’on évoque les Français juifs qui sont considérés comme des « Français comme les autres » par une écrasante majorité de 89% des interviewés. * La présentation plus détaillée de ce graphique est consultable dans le rapport des résultats d’ensemble de l’étude 2003 12 Ciblant certaines catégories de population en particulier (les noirs, les juifs, les homosexuels etc.), nous avons tenté de mesurer si elles étaient perçues comme des communautés ou non et auquel cas, si elles formaient des communautés plutôt ouvertes aux autres ou plutôt fermées. A la lumière des résultats, le fait communautaire est loin d’apparaître comme une évidence même si une majorité de Français décrivent ces différentes catégories comme des groupes (qu’ils soient ouverts ou non). Ainsi, les catholiques et les noirs ne semblent pas vraiment perçus comme des groupes. Les Français sont plus partagés en ce qui concerne les homosexuels ou encore les juifs. Par contre la perception des Maghrébins et surtout des musulmans comme un « groupe », une communauté à part est nettement majoritaire (respectivement 69% et 75 % des Français). De plus, ce sont des groupes perçus comme étant à part (respectivement 57 et 48%) beaucoup plus que la « communauté » juive (36%) par exemple. Graphique 10 : Perception de différentes catégories de population en tant que communautés Pour chacune des catégories suivantes, dites-moi si elle constitue pour vous actuellement en France : Un groupe à part dans la société Un groupe ouvert aux autres Des personnes ne formant pas spécialement un groupe (NSP) Les catholiques Les noirs Les homosexuels Les juifs Les Maghrébins Les musulmans 11 41 19 37 32 7 31 21 57 5 32 26 48 5 39 31 36 4 44 7 24 18 19 6 Pour creuser davantage cette question, nous avons eu recours une fois de plus à la technique du split. Elle nous permet, en effet, de recueillir simultanément ce que les interviewés pensent de la perception qu’ont les musulmans français d’eux-mêmes, d’une part, et les juifs français d’autre part. Il apparaît ainsi que les personnes interrogées pensent que la majorité des juifs français parviennent à concilier la dimension religieuse de leur identité et sa dimension nationale : 56% des répondants ont le sentiment que les juifs français se considèrent à la fois comme juifs et français, 25 % comme juifs avant tout et 9 % comme Français avant tout. Les interviewés ont une vision plus partagée quant à l’attitude des musulmans français : 45% pensent qu’ils se considèrent comme musulmans avant tout, seulement 44 % (12 points de moins que pour les personnes juives) pensent qu’ils concilient ces deux dimensions et 5% qu’ils sont Français avant tout. 13 Y a-t-il trop de musulmans en France ? 39 % des Français jugent que oui mais une proportion équivalente de 40% se disent indifférents au nombre de musulmans. Il y a donc beaucoup plus de personnes qui se déclarent indifférentes au nombre de musulmans qu’au nombre d’immigrés (près de 20 points de plus) Les raisons expliquant en quoi le trop grand nombre de musulmans pose problème à certains renvoient d’ailleurs beaucoup moins à la question de l’emploi (29% des citations contre 60% dans le cas des immigrés) qu’à un problème d’adéquation avec l’identité de la France (30%). L’insécurité est une fois de plus associée aux musulmans pour près d’un cinquième de ceux qui jugent leur nombre trop important. La compatibilité des valeurs de l’islam avec celles de la République française n’est pas chose évidente pour l’opinion publique. Si un cinquième des personnes interrogées préfèrent ne pas se prononcer, une majorité relative 48% aurait tendance à penser qu’elles ne sont pas compatibles. Graphique 11 : Les valeurs de l’islam et les valeurs de la République française Selon vous les valeurs de l’islam sont-elles compatibles avec les valeurs de la République française? Oui, tout à fait 8% Vous ne savez pas 25% Oui, plutôt 19% Non, plutôt pas 20% Non, pas du tout 28% En réalité, les Français sont convaincus que les personnes d’éducation musulmans comptent bien plus de pratiquants que les personnes d’éducation chrétienne ou même juive. La proportion de Français estimant qu’il y a plus de 50% de pratiquants passe ainsi de 10% seulement pour les catholiques à 30% pour les juifs et 40% pour les musulmans. La plupart des répondants ayant certainement pour référence leur perception du degré de pratique des catholiques, on peut considérer qu’ils estiment le pourcentage de pratiquant trois fois plus élevé parmi les juifs et quatre fois plus en islam. 14 Opinion quant à différentes pratiques religieuses et quant au port du voile Le respect des pratiques religieuses propres aux musulmans ne posent pas de problème aux yeux de plus d’un Français sur sept qu’il s’agisse du respect de l’interdiction de la consommation de porc ou d’alcool, du jeûne du ramadan, des prières ou du sacrifice du mouton lors de l’Aïd El-Kébir. La seule pratique qui poserait problème est celle du port du voile pour laquelle les proportions de partisans et d’opposants s’inverse radicalement avec 82% des Français qui estiment que cela pose un problème et 17% estimant le contraire. Il y a donc une focalisation assez nette de l’opinion sur cette question. Si l’on demande aux Français s’ils sont favorables ou opposés au port du voile dans différents lieux et différentes fonctions, huit Français sur dix se disent opposés au port du voile notamment pour les employés des administrations publiques, sur les photos d’identités, à l’école et sur le lieu de travail. Seule la liberté de porter un voile dans la rue partage l’opinion (46% contre 43%). Parmi les trois raisons proposées celle qui explique le mieux l’opposition au port du voile à l’école met en avant le fait que l’école française est laïque (54%) puis le fait que le voile soit un signe d’oppression des femmes (28%) et enfin le fait que le port du voile est tout simplement choquant (13%). Opinion quant à la construction de mosquées en France Le débat concernant la construction de mosquées en France, moins sous le feu de l’actualité, partage plus équitablement l’opinion française entre ceux qui se disent favorables 36% et ceux qui s’y opposent 35%. Si l’on pose la même question aux Français mais en précisant qu’il s’agit de la construction d’une mosquée près de chez eux, la proportion de personnes favorables baisse ostensiblement (- 10 points). Toutefois cette baisse ne doit pas être interprétée trop hâtivement comme la conséquence du fameux principe NIMBY car certaines personnes peuvent habiter dans des lieux où la faible présence d’une population musulmane ne justifie tout simplement pas la construction d’un lieu de culte. Comme pour la question des mosquées, la plupart des mesures en faveur des musulmans ne font pas l’unanimité : 46% des Français sont d’accord avec l’idée qu’ « il faut faciliter l’exercice du culte musulman » contre 47 % qui ne sont pas d’accord. Le bien fondé d’une mesure visant à « faciliter la formation d’imams français pour exercer le culte musulman en France » n’est pas non plus admise par l’opinion (48% d’opposants et 40% de sympathisants) L’influence de l’actualité internationale sur l’image de l’islam Une majorité des interviewés refusent l’idée que l’actualité internationale ait changé en quoi que ce soit l’image qu’ils se font de « l’islam » et de « l’islam en France » (respectivement 52 et 57% selon chaque split). Toutefois une proportion non négligeable considère que cette actualité internationale a dégradé l’image qu’ils avaient de l’islam en général 43% et, dans une moindre mesure, l’image de l’islam en France 37%. 15 Lorsqu’on leur demande de citer spontanément les évènements qui ont contribué à cette dégradation de l’image de l’islam, une majorité des citations évoquent le terrorisme en général ou les attentats, notamment ceux du World Trade Center (55% de citations au total). Les conflits et les guerres sont également présents à l’esprit de 34% des interviewés et la montée de l’intégrisme pour un cinquième d’entre eux. LA LUTTE CONTRE LE RACISME, LA XENOPHOBIE ET L’INTOLERANCE La condamnation des personnes tenant des propos racistes est une idée qui se renforce : 65% des personnes interrogées pensent que l’on doit condamner une personne ayant tenu publiquement des propos racistes comme par exemple « sale juif » soit 6 points de plus que l’an dernier. De même, la condamnation d’une personne ayant proféré une insulte comme « sale arabe » est approuvée à présent par une majorité de la population à hauteur de 59% soit 12 points de plus que l’an dernier. Autre résultat intéressant, l’écart de jugement entre les deux types d’insultes s’est resserré. Graphique 11 : Le jugement des personnes qui tiennent des propos racistes/discriminatoires A votre avis, les personnes qui tiennent publiquement des propos racistes, comme par exemple "sale juif", doivent-elles êtres ou pas condamnées par la justice ? ( Base : 533 personnes) A votre avis, les personnes qui tiennent publiquement des propos racistes, comme par exemple "sale arabe", doivent-elles êtres ou pas condamnées par la justice ? (Base : 519 personnes) (N SP) 11% N on, elles ne doivent pas être condamnées 30% Évolution / 2002 : + 12 N on, elles ne doivent pas être condamnées 27% O ui, elles doivent être condamnées 59% (N SP) 8% Évolution / 2002 : + 6 O ui, elles doivent être condamnées 65% La nécessité d’une lutte vigoureuse contre le racisme est elle aussi plus massivement approuvé en 2002 avec 64 % de Français qui approuvent cette idée soit un gain de 5 points en un an. 16 Quant à l’engagement personnel pour lutter contre le racisme, il est à noter que l’attitude des Français à cet égard n’a pas tellement évolué depuis 2002. Mis à part le fait de signer des pétitions, les Français sont plus enclins à lutter au cas par cas contre le racisme lorsque des cas de comportement racistes se présentent qu’à s’engager dans cette lutte à plus long terme. 46% des Français se disent prêts à boycotter un commerçant ou des entreprises condamnées pour acte raciste, 42% à signaler un comportement raciste à la police. Il y en a par contre un peu moins (37%) à déclarer être prêts à participer à une manifestation, à aider financièrement une association de lutte contre le racisme (30%), à porter un badge distinctif faisant état d’un engagement anti-raciste (28%) ou à adhérer à une association anti-raciste (26%). Leïla Boutamine Département Opinion de BVA 17