Laval virtual
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réalités virtuelles / > CRÉATIONS LAVAL VIRTUAL vitrine de la réalité virtuelle et augmentée Chaque année en mars se sont quelque 40 nationalités qui se donnent rendez-vous en Mayenne. Japonais, Coréens, Américains ou Français se retrouvent à Laval… Le néophyte apprendra qu’ici les autobus d’étrangers endimanchés ne débarquent pas pour une visite des champs verdoyants. Tablettes numériques sous le bras, ils viennent d’abord admirer les dernières innovations en matière de réalité augmentée et virtuelle ! Une stratégie territoriale bien ficelée Depuis 17 ans la ville organise Laval Virtual, aujourd’hui considéré comme le plus grand salon européen de la réalité virtuelle et augmentée. A priori on s’attendrait à voir ce genre d’événement dans une métropole numérique davantage médiatique et non en Mayenne, un territoire réputé pour sa ruralité et qui candidate tout juste pour l’obtention du label French Tech. Mais c’est justement de ce constat qu’est né, en 1999, Laval Virtual. François d’Aubert, maire de Laval entre 1995 et 2004 et ex-ministre délégué à la recherche sous le gouvernement Raffarin, souhaitait alors positionner la ville comme référence numérique. Il découvrit les prémices de la réalité virtuelle lors de nombreux déplacements au Japon et décida d’exporter quelques technologies balbutiantes à Laval. À force de travail et de conviction, la ville a su se 64 - mcd #82 hisser au rang de capitale internationale de la réalité virtuelle et augmentée. Désormais l’écosystème est riche et plusieurs fleurons internationaux y prospèrent : Realyz, Are+, Haption, l’institut Clarté et des formations prestigieuses comme l’ENSAM (Arts et Métiers ParisTech) et prochainement la Laval Virtual University. Logiquement le salon a fini par prendre de l’importance et une crédibilité aux yeux des spécialistes et du grand public. Cerise sur le gâteau, un équipement flambant neuf de plusieurs centaines de m2, le Laval Virtual Center, ouvrira en 2017. Il accueillera un centre de recherche, un cluster du virtuel et les futures éditions de Laval Virtual. Un écrin à la hauteur de ce rendez-vous international. Avec ce bâtiment moderne, sorte de gigantesque laboratoire, nous espérons accélérer la transformation numérique du territoire. Le public pourra tester les technologies virtuelles. Nous souhaitons aussi attirer dura- blement de nouvelles entreprises emblématiques comme ce qui a auparavant été fait avec Eon reality. Nous aurons encore plus de poids à l’échelle européenne ; confie Laurent Chrétien, directeur de Laval Virtual. L’engouement du grand public Bien entendu si Laval Virtual connaît un succès retentissant, c’est aussi parce le contexte conjoncturel est favorable. La réalité virtuelle qui n’était hier que science-fiction offre des opportunités entrepreneuriales importantes. Les outils développés répondent en effet à des usages dans des secteurs aussi variés que la recherche, l’industrie, la santé ou les transports. Les technologies convergentes à la VR comme l’impression 3D, le scan 3D, les drones, la motion capture et toutes les interfaces gestuelles, ont rendu le salon particulièrement médiatique. D’ici quelques années, la réalité virtuelle ne tardera pas, à entrer dans le quotidien de millions d’individus. C’est en tout cas l’analyse de Laurent Chrétien : jusqu’alors la VR est restée l’apanage des grands groupes. Seules quelques industries avaient la possibilité d’investir dans ces dispositifs. Aujourd’hui les casques immersifs se vendent entre 300 et 700 dollars. Dans quelques années ils ne seront qu’à 150 dollars, tout le monde pourra s’équiper. À mon sens, ces technologies numériques sont équivalentes au déploiement d’Internet il y a quelques années. En attendant cette révolution, la VR cristallise beaucoup de fantasmes. Résultat lors des deux précédentes éditions, près de 15 000 visiteurs sont venus à la rencontre de 170 exposants. De manière manichéenne la population du salon se résume en deux catégories. D’un côté, les professionnels issus des secteurs de la recherche, de l’ingénierie et l’innovation. De l’autre, les badauds et technophiles amateurs, représentant plus de la moitié de la fréquentation totale. PHOTO © D.R. / LAVAL VIRTUAL Laval Virtual, salon international des technologies et usages du virtuel, mars 2016. Une programmation plurielle Heureusement la programmation dense et éclectique permet de contenter tout le monde. Les pros s’intéressent majoritairement aux conférences internationales. En 2016, la VRIC (Virtual Reality International Conference) était le lieu de rencontre de quelque 150 spécialistes des réalités virtuelle et augmentée, des systèmes d’information, de la science et de l’industrie. L’objectif était de travailler à la production de la feuille de route des futures utilisations des technologies de pointe. Quelques autres rendez-vous sont également à noter. Le plus attendu demeure le Laval Virtual Awards qui récompense les meilleures réalisations techniques et est décerné par un jury de spécialistes internationaux. Les éditions précédentes avaient notamment mis en valeur des projets hors-normes et particulièrement spectaculaires comme inForm, l’interface tangible de Daniel Lethinger de l’équipe du MIT Media Lab. Les gagnants sont désignés par catégories (Best AR/VR Content / Environment & Health / Culture, Art & Heritage / Engineering, Construction / 3D Games & Entertainment…). Finalement Startup Contest est peutêtre la place la plus intéressante du salon : ouverte aux jeunes entreprises innovantes et aux projets de création d’entreprises, les bonnes surprises sont nombreuses. Une douzaine de lauréats triés sur le volet bénéficient d’un stand pendant quelques jours. On y trouve notamment la société Revinax, récompensée meilleure startup et spécialisée dans l’apprentissage d’actes chirurgicaux à travers des expériences 3D en réalité virtuelle. Dr Maxime Ros, co-fondateur du projet, précise l’intention initiale : le dispositif a une nette plus-value pédagogique, de formation pour les chirurgiens et d’information pour les patients. L’immersion grâce aux masques VR permettent de visualiser, de mentaliser les différentes étapes de l’intervention. Le patient, voyant au travers des yeux d’un autre, pré-vit les différentes scènes qu’il subira. Ainsi, il est en mesure de prévoir, de se préparer mentalement. Ici la réflexion intègre davantage la notion d’usage et de besoin. La technologie VR n’est, en définitive, qu’un prétexte. Des technologies au détriment des contenus C’est peut-être ce que l’on peut reprocher à Laval Virtual. Si l’Oculus Rift, le HTC Vive, le Myo ou la Leap Motion ont été les stars des dernières éditions, elles ne trouvent que trop rarement des applications concrètes. Le Pavillon des contenus, créé en 2016, prouve par effet miroir la difficulté à associer la production de contenu à des technologies high-tech. Autre exemple paradoxal : alors que Dassault Systèmes est aujourd’hui leader mondial en matière de réalité virtuelle (Cave VR, etc.), la multinationale proposait en 2016 l’essai de 3D Dream Sketcher, une animation de peinture 3D sans réel potentiel ni intérêt, hormis son aspect ludique. À notre époque, la technologie précède souvent l’usage. C’est l’une des conclusions que l’on tire du salon. Reste néanmoins que Laval Virtual doit être vu comme un formidable baromètre des tendances VR et AR. À ce titre, les prochaines éditions devraient être bouillantes. +info www.laval-virtual.org Adrien Cornelissen réalités virtuelles / CréatiONs- mcd #82 - 65