IssyGrid, le défi, les risques et les inconnues

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IssyGrid, le défi, les risques et les inconnues
IssyGrid, le défi, les risques et les inconnues
SMART CITY
"Nous
travaillons
sur
un
sujet
qui
n'existait
pas
il
y
a
cinq
ans,
tout
est
à
inventer"
nous
confie
Guillaume
Parisot,
qui
dirige
le
projet
IssyGrid.
(Crédits : cc)
Julien
Sauné | 08/10/2014, 12:40 - 1221 mots
Depuis
2011,
le
projet
IssyGrid
vise
à
créer
un
quartier
intelligent
à
Issy-les-Moulineaux
en
mutualisant
et
en
optimisant
la
production
et
la
consommation
d'énergie.
Guillaume
Parisot,
chef
du
service
innovation
chez
Bouygues
Immobilier
et
directeur
du
projet,
nous
en
explique
les
enjeux
à
l'échelon
local
et
national,
mais
aussi
les
freins
et
les
questions
en
suspens.
Issy-les-Moulineaux, bientôt première smart city de France? C'est l'ambition que semble s'être
attribuée la ville en donnant carte blanche, en 2011, à un large consortium d'entreprises pour mener
à bien le projet IssyGrid (https://www.issy.com/grands-projets/innovation-issygrid), un réseau de
quartier "intelligent". L'objectif : optimiser la consommation d'énergie de l'ensemble des habitants
et des entreprises d'une zone d'habitation et réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. On y
retrouve des grands groupes acteurs de la ville et de l'énergie : Alstom, Bouygues Telecom,
Bouygues Energies & Services, EDF, ErDF, Microsoft, Schneider, Steria, Total et Bouygues
immobilier, qui chapeaute le projet, mais également des startups (Embix, Ijenko, Navidis).
Guillaume Parisot, en charge de la coordination du projet, explique à La
Tribune ce qu'il apporte
aux consommateurs, aux entreprises et aux producteurs d'énergie.
La
Tribune
:
Le
projet
IssyGrid
a-t-il
un
agenda
précis
et
défini
malgré
les
nombreuses
inconnues
qu'il
comporte?
Guillaume Parisot : Nous sommes actuellement dans la première phase du projet, qui devrait se
terminer entre fin 2014 et début 2015. Avant de passer à l'étape suivante, nous avons trois grands
chantiers: connecter l'école de formation des barreaux de Paris au projet, connecter le quartier du
fort d'Issy-les-Moulineaux, qui représente 1.600 logements, et installer des batteries dans les
postes de distribution d'électricité du quartier. Pour la seconde phase, nous commencerons par
connecter la gare d'Issy Val de Seine.
Quelle
est
la
particularité
du
projet
et
son
modèle
économique?
Ce projet est totalement novateur car il cherche à optimiser la consommation et la production
d'énergie en les mutualisant à l'échelle d'un quartier. Nous sommes convaincus que l'on peut
arriver à réaliser des économies substantielles au niveau de tout un quartier plutôt que si l'on
considère chaque logement ou chaque entreprise séparément, même si nous ne sommes pas en
mesure de chiffrer ces économies actuellement.
Quant au business model, il est de fait complexe. La mise en place d'IssyGrid devrait permettre aux
ménages et aux entreprises de faire des économies, mais il faut que l'on trouve les mécanismes
permettant à l'investisseur de départ d'être également rétribué, sans quoi aucun projet de la sorte
ne sera globalement rentable pour les partenaires du projet.
Une
des
mesures
phares
d'IssyGrid
est
la
réduction des
pics
de
consommation.
Comment
cela
fonctionne-t-il
exactement?
L'augmentation soudaine de la consommation d'énergie au niveau d'un quartier est difficile à gérer
pour les fournisseurs d'énergie et les gestionnaires du réseau, sans compter que le surplus
d'énergie nécessaire est souvent apporté par des sources fossiles polluantes (charbon, fuel,
pétrole). Nous proposons deux approches pour pallier ce problème : augmenter l'offre locale
d'énergie, en cherchant dans le quartier un acteur capable de répondre à ce besoin ponctuel (une
batterie, un producteur local), ou faire baisser la consommation, en procédant à des effacements
diffus. Il s'agit là de baisser ou d'éteindre temporairement des appareils consommateurs d'énergie,
soit chez plusieurs particuliers, soit dans une ou plusieurs entreprises.
Par exemple cet été, nous avons effacé la climatisation de l'immeuble de Bouygues Télécom
pendant 15 minutes pour limiter un pic et ce sans impacter le confort des utilisateurs. La
consommation d'un tel bâtiment équivaut à celle de centaines de logements. Une autre solution
peut consister à éteindre une centaine de radiateurs pendant une quinzaine de minutes chez des
particuliers, ce qui ne se ressent pas mais permet d'éviter les pointes de consommation. Les
particuliers, qui ont consenti par contrat à ce type de procédé, sont rétribués en retour.
Y
a-t-il
des
freins à
l'avancée
du
projet?
Étant donné que nous avançons sur un terrain totalement nouveau, le cadre réglementaire n'est pas
toujours adapté. Par ailleurs, la loi interdit la vente d'énergie de particulier à particulier. Nous
devons prendre ces contraintes en compte pour proposer un concept d'optimisation énergétique
au niveau du quartier.
Nous travaillons sur un sujet qui n'existait pas il y a cinq ans, tout est à inventer. On parle souvent
de la difficulté de la France à se réformer. En effet, il faudrait que nous soyons capables de faire
évoluer les lois plus rapidement pour laisser la place à des territoires d'expérimentation. C'est aussi
pour cela que je tiens à tirer mon chapeau à la ville d'Issy-les-Moulineaux qui a permis l'éclosion
d'un projet qui était totalement avant-gardiste il y a trois ans.
Existe-t-il
des
initiatives
similaires
ailleurs
en
France
dont
vous
pourriez
vous
inspirer?
Il existe évidemment de nombreuses initiatives innovantes dans le secteur de la smart city en
France et à l'étranger. Certaines se concentrent sur l'intégration d'installations photovoltaïques,
d'autres sur la mise en place des voitures électriques... Mais nous sommes les premiers à proposer
une expérience à l'échelle d'un quartier.
Bouygues Immobilier a d'ailleurs récemment gagné le contrat "Coeur de quartier Nanterre" visant à
construire un nouveau quartier mixte à Nanterre intégrant un réseau de chaleur mutualisé, ce qui
tranche avec le projet IssyGrid où nous travaillons sur un quartier déjà existant.
Que
va
changer
le
projet
IssyGrid
concrètement
dans
la
vie
quotidienne
des
habitants
d'Issyles-Moulineaux?
A titre collectif, chacun sait qu'il existe des problèmes liés à la consommation d'énergie, mais il est
presque impossible d'agir dessus individuellement à l'heure actuelle. Les factures ne sont pas
détaillées et s'appuient sur des estimations. Comment savoir d'où viennent les surcoûts? Dois-je
changer mon frigo, baisser mon radiateur? Il manque une vision détaillée et en temps réel.
Dans le cadre du projet IssyGrid, nous installons des capteurs directement sur les sources
d'énergie et sur les appareils qui en dépensent. Ainsi les particuliers peuvent voir ce que chaque
appareil leur coûte en termes de consommation. Dans une première étape, nous nous limitons à
mettre cette information à la disposition des gens. Par la suite, il s'agira de définir des offres
adaptées aux besoins de chacun.
Qu'en
est-il
de
la
protection
des
données
personnelles?
Nous avons travaillé en étroite collaboration avec la commission Informatique et Libertés (CNIL) et
avec la commission de régulation de l'énergie (CRE). Là encore, nous nous sommes aperçus que le
cadre juridique restait sur de nombreux points à préciser. Nous avons donc demandé à ces
institutions de nous permettre d'expérimenter et de leur soumettre nos projets pour qu'elles se
positionnent en fonction.
IssyGrid
est-il
un
projet
de
recherche
&
développement
ou
en
attendez-vous
d'ores
et
déjà
des
bénéfices
financiers?
IssyGrid est comptabilisé comme un projet de recherche & développement. Cependant il porte un
potentiel énorme. Depuis qu'il a commencé, nous recevons régulièrement des délégations de
Chine, de Hong Kong ou encore des États-Unis qui viennent voir comment nous nous y prenons
pour construire la ville intelligente. Ce partenariat public-privé à l'échelle d'un quartier est une
première et nous pourrions à l'avenir nous développer sur de nombreux marchés en France mais
aussi à l'international. Cela a déjà commencé avec le projet Coeur de quartier Nanterre.
À l'heure où l'on déclame la perte de compétitivité de l'économie française, je tiens à souligner
qu'IssyGrid est porté dans sa quasi-totalité par des acteurs français et nous permet de mettre en
valeur des compétences de pointe françaises.
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