Version PDF de la révision. - Ombudsman - Radio

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Version PDF de la révision. - Ombudsman - Radio
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Révision par l’ombudsman de Radio-Canada d’une plainte à propos des
bulletins météorologiques présentés à ICI Radio-Canada Télé et à ICI RDI.
LA PLAINTE
me
M
Line Branchaud, une auditrice ontarienne, s’était d’abord plainte au service à l’auditoire de
Radio-Canada. Comme elle n’a pas reçu de réponse, elle s’est ensuite adressée au Bureau de
l’ombudsman.
me
M
Branchaud en a contre le fait que les présentateurs météo négligent l’Ontario dans les
bulletins qu’ils présentent à ICI RDI et à ICI Radio-Canada Télé.
Voici comment elle formule ses griefs :
« Lorsque les présentateurs de la météo (…) arrivent dans la section de l’Ontario, on
dirait qu’ils passent tout droit, ce qui ne me laisse pas le temps de tout lire sur le tableau
et ne donne presque pas d’information météorologique, à comparer avec les autres
provinces et surtout le Québec.
En tant que contribuable de Radio-Canada et RDI, je m’attends de la part des
présentateurs météorologiques à plus de détails sur la province de l’Ontario et j’attends
toujours des explications de leur part. »
LA RÉPONSE DE LA DIRECTION DE L’INFORMATION
me
À ma demande, M Micheline Dahlander, chef, Diversité et Relations citoyennes, a répondu à la
plaignante au nom de la direction du service de l’Information.
Voici l’essentiel de sa réponse :
« Vous avez l’impression que les météorologues "passent tout droit" lorsqu’arrive le
moment de donner les prévisions de la météo de l’Ontario sur les ondes d’ICI RDI.
(…)
Nous avons regardé plusieurs bulletins météo diffusés au RDI. Nous constatons
qu’habituellement, trois villes de l’Ontario sont représentées sur la carte géographique :
Toronto, Sudbury et Ottawa. Comme le présentateur météo arrive à la toute fin du
bulletin de nouvelles, il peut arriver qu’il ne lui reste pas suffisamment de temps pour
décrire les prévisions complètes pour chacune de ces trois villes. Mais sur la carte, on
peut y lire le nombre de degrés prévu pour le lendemain à Toronto, Sudbury et Ottawa.
Il serait évidemment trop long de livrer les prévisions météo pour toutes les villes du pays
dans les bulletins de nouvelles nationaux diffusés sur les ondes d’ICI RDI.
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C’est pourquoi nous avons choisi de couvrir les villes canadiennes les plus importantes
en tenant compte du poids démographique des communautés francophones qui s’y
trouvent. Mais la majorité de notre auditoire vit au Québec. Nous devons aussi en tenir
compte.
Par ailleurs, sur le site internet de Radio-Canada, vous avez aussi accès aux prévisions
météorologiques de nombreuses villes de l’Ontario : http://www.radiocanada.ca/meteo/canada/. Dans le menu déroulant en bas de page vous pouvez
sélectionner jusqu’à 58 villes ontariennes allant de Windsor à Alliston. Vous y trouverez
la météo du jour et les prévisions des six jours suivants. »
LA DEMANDE DE RÉVISION
me
M
Branchaud n’a pas accepté les explications de M
Elle en a d’abord contre l’affirmation de M
« impression ».
me
me
Dahlander.
Dahlander que sa plainte repose sur une
« Je tiens à vous dire, réplique-t-elle, que ce n’est pas seulement une impression, mais
que c’est le cas.
(…)
Il est peut-être vrai que la majorité de votre auditoire est au Québec, mais (…) je crois
que nous avons droit à un meilleur service public que ce que j’ai en ce moment.
me
Quant à aller sur votre site internet, M Dahlander, c’est l’enfer. Et je tiens à vous
informer que ce n’est pas tout le monde qui veut s’informer par le biais de l’internet.
Plusieurs préfèrent la télévision, et j’en fais partie. »
me
me
M Branchaud conclut en invitant M Dahlander à aller visionner la météo qu’elle venait juste
de voir au Téléjournal Midi à ICI Radio-Canada Télé, et en m’invitant à considérer ce bulletin,
pour ma révision du dossier, comme un parfait exemple de ce dont elle se plaint :
« Ce n’est pas la première fois, écrit-elle. (…) Les présentateurs et présentatrices de la
météo passent trop de temps à détailler ou cacasser sur la météo des régions du
Québec, ce qui ne donne pas de temps pour la météo de l’Ontario. »
LA RÉVISION1
Je précise d’abord que j’ai déjà dû me prononcer sur le contenu des bulletins météo. En août
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2013 , j’ai statué sur une plainte pratiquement identique à celle de M
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me
Branchaud.
http://www.ombudsman.cbc.radio-canada.ca/fr/a-propos/mandat-de-l-ombudsman/
http://www.ombudsman.cbc.radio-canada.ca/fr/revision-des-plaintes/2013/meteo-trop-pour-le-quebec-pasassez-pour-l-ontario-rdi/
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Le plaignant, M. Paul-François Sylvestre, estimait que les bulletins météo devraient présenter les
données d’un plus grand nombre de villes ontariennes. Il s’agissait alors de la deuxième plainte
de M. Sylvestre à ce propos, ma prédécesseure au poste d’ombudsman,
me
M Julie Miville-Dechêne, s’étant elle aussi prononcée sur le sujet, à sa demande, en novembre
2010.
Pour cette analyse, je rappellerai, en empruntant de larges extraits, la révision que j’avais faite de
me
la plainte de M. Sylvestre et dont l’argumentaire est encore tout aussi valable pour celle de M
Branchaud.
Voici ces passages :
« D’entrée de jeu, j’aborderai ce dossier en citant ma prédécesseure, Mme Julie Miville-Dechêne,
qui a eu l’occasion de se prononcer sur la question soulevée par M. Sylvestre (…) le 16 novembre
20103 (...).
Voici ce qu’elle écrivait à l’époque :
"La météo est un sujet sensible pour beaucoup de téléspectateurs. Depuis que je suis en poste,
plusieurs francophones de l’extérieur du Québec m’ont écrit pour déplorer que tant de temps soit
consacré à la météo du Québec par rapport aux prévisions du reste du Canada. Radio-Canada a la
difficile tâche de trouver un équilibre entre son mandat national – c’est-à-dire le mandat de servir
les francophones de tout le pays – et la réalité démographique de cette population francophone
concentrée au Québec.
J’ai constaté, depuis trois ans, qu’en réaction aux plaintes des efforts étaient faits pour présenter
davantage de prévisions météorologiques à l’extérieur du Québec. Le poids démographique des
communautés francophones demeure toutefois un critère important, ce qui me paraît difficilement
contestable."
Dans le chapitre d’introduction de ses Normes et pratiques journalistiques (NPJ4), RadioCanada définit ainsi sa mission en matière d’information :
"Notre mission5
Nous sommes le service public national de nouvelles et d’information des Canadiens. Nous
sommes enracinés dans toutes les régions du pays et notre regard se porte sur l’ensemble du
Canada, de même que sur le monde. Nous nous assurons d’offrir une perspective canadienne sur
l’actualité internationale.
Nos informations sont accessibles en tout temps, et les Canadiens y accèdent comme il leur
convient, au moyen d’une gamme de médias en constante évolution. "
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http://www.ombudsman.cbc.radio-canada.ca/fr/revision-des-plaintes/2010/tableaux-previsionsmeteorologiques-rdi/
4
http://www.cbc.radio-canada.ca/fr/rendre-des-comptes-aux-canadiens/lois-etpolitiques/programmation/journalistique/
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http://www.cbc.radio-canada.ca/fr/rendre-des-comptes-aux-canadiens/lois-etpolitiques/programmation/journalistique/
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Les NPJ précisent aussi que l’information diffusée à Radio-Canada doit tenir compte de la
diversité canadienne :
"Refléter la diversité6
Nous tenons à refléter fidèlement l’éventail des expériences et des points de vue des Canadiens.
Nos informations doivent être pertinentes aux yeux des citoyens, quelles que soient leurs origines,
perspectives et croyances, tout en étant conformes à nos valeurs.
Nous nous engageons à refléter les diversités régionales et culturelles du pays et à favoriser le
respect et la compréhension entre les régions."
Les NPJ commandent aussi de fournir, à travers tous les médias de Radio-Canada, des contenus
d’information qui "offrent un large éventail de sujets et de points de vue".
Toutefois, (…) ces valeurs et principes généraux ne se traduisent pas dans les NPJ par des
exigences plus précises en ce qui concerne la nature et la quantité de contenu régional que doivent
véhiculer les bulletins de nouvelles et les autres émissions d’information, la météo comme le reste.
D’abord pour éviter l’arbitraire et ne pas brimer la liberté éditoriale des responsables de
l’Information qui doivent utiliser leur jugement et leur expérience en jaugeant l’intérêt des sujets
qu’ils choisissent de traiter.
Ensuite, parce que tous les contenus ne s’adressent pas au même public. Les bulletins de nouvelles
nationaux, par exemple, ne peuvent pas être composés de la même façon que le bulletin régional
de Québec ou d’Edmonton.
Enfin, parce que, comme le soulignait Mme Miville-Dechêne, Radio-Canada devra toujours
composer avec la réalité démographique canadienne qui concentre au Québec plus de 86 pour cent
des francophones du Canada et, donc, de son public potentiel.
Selon les données du recensement de 2011, les Canadiens parlant le français à la maison sont six
fois plus nombreux au Québec (6 801 890) que dans les autres provinces (1 090 305).
Il reste que plus de la moitié de ceux qui parlent le français à la maison à l’extérieur du Québec
résident en Ontario (595 925). C’est près de deux fois et demie plus qu’au Nouveau-Brunswick
(245 405).
(…)
Il y a trois ans, Mme Miville-Dechêne notait déjà que "des efforts étaient faits pour présenter
davantage de prévisions météorologiques à l’extérieur du Québec" à la Télévision de RadioCanada comme au RDI.
(…)
6
http://www.cbc.radio-canada.ca/fr/rendre-des-comptes-aux-canadiens/lois-etpolitiques/programmation/journalistique/
5
Cependant, la responsabilité de refléter et de servir correctement la diversité de la francophonie
canadienne n’incombe pas seulement au RDI, mais à toutes les plateformes dont dispose RadioCanada.
À cet égard, ses choix stratégiques et les avancées des technologies de communication lui
permettent maintenant de diffuser des contenus adaptés à chacun de ses publics, qu’ils
s’intéressent d’abord à l’information concernant leur région, ou à des sujets plus pointus ou
spécialisés (…).
Radio-Canada a donc de plus en plus les moyens de servir ses auditoires, quels qu’ils soient. Et
elle les utilise (...).
(…)
Mais il ne faut pas perdre de vue que, comme toutes les autres plateformes généralistes de RadioCanada, le RDI demeurera un média qui s’adresse à un public national, c’est-à-dire à toutes les
régions du pays en même temps. Ses artisans et sa direction devront donc poursuivre leur
recherche constante d’un équilibre, comme l’écrivait ma prédécesseure, entre leur mandat national
et la réalité démographique, et résister à la tentation de pousser complètement les informations à
caractère régional, dont la météo, vers les autres plateformes. »
Revenons donc maintenant à la plainte de M
me
Branchaud.
Tous les extraits des révisions cités plus haut s’appliquent également à l’analyse des griefs de
me
M Branchaud. J’ajouterai tout de même quelques considérations sur la sensibilité qu’on doit
démontrer dans la présentation des bulletins météo destinés à un auditoire national.
Je m’attarderai plus particulièrement au segment météo que la plaignante invoque à l’appui de sa
plainte dans sa demande de révision. Il s’agit de celui présenté dans le cadre du Téléjournal Midi
du 9 juin 2014 à ICI Radio-Canada Télé.
La météo présentée à la fin de cette édition du Téléjournal Midi durait 2 min 12 s. Durant les 68
me
premières secondes, la présentatrice, M Julie Jasmine Boudreau, a proposé, à l’aide de cartes
animées, les systèmes météorologiques, les températures, la nébulosité et les précipitations
prévus pour l’Est du Canada et des États-Unis. Le tout sous la forme d’un échange convivial et
détendu, émaillé de menus propos avec l’animatrice du bulletin de nouvelles.
Les 64 secondes suivantes furent consacrées à la présentation des conditions météo sur trois
jours de 27 villes ou régions du pays, dont 14 du Québec, une dans chacune des provinces
Maritimes, trois en Ontario, une au Manitoba, une en Saskatchewan, deux en Alberta et deux en
Colombie-Britannique.
Cette partie du segment météo s’appuie sur la présentation à l’écran de neuf tableaux, chacun
montrant les conditions prévues de trois villes ou régions. Les cinq tableaux pour le Québec (le
cinquième contient aussi les prévisions pour Saint-Jean, à Terre-Neuve et Labrador) arrivent en
premier. Dans le Téléjournal Midi du 9 juin, ils sont demeurés à l’écran de cinq à neuf secondes
chacun, pour un total de 35 secondes.
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Le tableau suivant, portant sur trois villes des provinces Maritimes, est apparu durant 6
secondes; celui comprenant les trois villes ontariennes, moins de 2 secondes; alors qu’on s’est
arrêté 4 et 5 secondes respectivement sur les tableaux des Prairies et de la côte ouest.
On peut toujours arguer que la météo de ce Téléjournal particulier était une exception, que ce
n’est pas chaque fois que la présentation des conditions en Ontario ne reçoit que 2 secondes sur
64, contre 35 pour le Québec.
Il faut bien se rendre compte, toutefois, que la durée du segment météo est déterminée et fixe,
que sa présentation se fait en direct, en mode conversation, avec tout ce que ça peut comporter
d’imprévu et d’incertain dans son déroulement.
Lorsqu’on observe ces présentations sur une longue période, on constate, comme le fait
me
remarquer M Dahlander dans sa réponse à la plaignante, que ce sont toujours les éléments de
la fin qui souffrent du manque de temps, en raison, notamment, des petits retards accumulés tout
au long du segment.
Quand la présentatrice se fait dire à l’oreille par la régie qu’il ne lui reste plus que 20 ou 15
secondes, et qu’elle en est encore à réciter les prévisions du Québec, il est clair qu’elle n’a
d’autre choix que d’expédier la suite.
Le bulletin du 9 juin 2014 en est un exemple parfait : deux secondes consacrées au tableau
ontarien, et une petite phrase, dite plus courtement encore : « C’est franchement joli en
Ontario. »
Il m’apparaît clair que, dans ce cas-ci, le segment météo ne reflétait pas correctement « les
diversités régionales » comme l’exigent les NPJ de Radio-Canada. Tout aussi clair que, en raison
de la nature et de la structure mêmes des segments météo, ce manquement se produit
régulièrement, comme j’ai pu moi-même le constater depuis des années.
Suffirait-il pour y remédier de commencer par les prévisions sur trois jours dans les 27 villes et
régions du pays? De réduire le nombre de régions et villes décrites? De limiter le contenu
« autre » de ce segment? D’en accroître la durée? De l’enregistrer avant diffusion? Il ne me
revient pas, heureusement, de trouver de solution, il est vrai que j’ai beau rôle.
Mais il faut y voir. La difficulté de tout faire entrer dans les temps n’est pas une excuse qu’on peut
invoquer à répétition pour ne pas respecter l’esprit des NPJ. Une excuse invoquée à répétition
devient un faux-fuyant, un prétexte pour ne rien faire.
Pour le moment, et pour le cas présent, je m’empêche de conclure à l’infraction aux NPJ afin de
laisser le temps aux responsables concernés de réparer ce « vice de forme ».
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CONCLUSION
Le segment météo de l’édition du 9 juin 2014 du Téléjournal Midi, diffusé à ICI Radio-Canada
Télé, ni l’ensemble des bulletins météo présentés à la télévision de Radio-Canada, n’enfreignent
les Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada. Je constate toutefois qu’ils écorchent
régulièrement l’esprit de celles-ci et que la direction de l’Information devrait veiller à corriger la
situation.
Pierre Tourangeau
Ombudsman des Services français
CBC/Radio-Canada
Le 11 juin 2014