Identités et changements dans la formation des enseignants
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Identités et changements dans la formation des enseignants
Identités et changements dans la formation des enseignants en Belgique francophone Marie-Christine Pollet Jean-Maurice Rosier Université Libre de Bruxelles (Belgique) Centre de méthodologie universitaire et de didactique du français La liberté d’enseignement On pourrait croire que la Belgique est un état fédéral qui a délégué aux instances régionales et communautaires l’organisation de l’enseignement. En vérité, la révolution nationale a fait surgir un clivage Eglise-Etat qui s’est traduit en matière éducative par une querelle incessante pour le contrôle au sens large des mécanismes de socialisation et qui de guerre lasse déboucha sur un compromis appelé « la liberté d’enseignement », celle-ci autorisant les groupes idéologiques à gérer des fragments de l’institution scolaire par le biais des pouvoirs communaux, provinciaux ou ecclésiastiques. Bien entendu, l’octroi de subsides à l’enseignement confessionnel, dit réseau libre, assimilé depuis 1992 à un service public fonctionnel, ce qui limite quelque peu l’autonomie de sa direction (représentée par le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique) sera l’objet de débats incessants et de compromis difficiles (Article 17 de la Constitution). Plus tardivement, le clivage CentrePériphérique amènera le dédoublement de l’Éducation nationale et fera de l’enseignement une matière communautaire. Le développement du système scolaire en Belgique est ainsi traversé par des forces centrifuges qui en expliquent la spécificité. Un système de formation éclaté On l’aura compris, l’enseignement en Belgique est un vaste marché où joue la concurrence entre les réseaux. Le recrutement du personnel est dès lors protectionniste : préférence accordée aux enseignants administrés pour la commune, prise en compte du cursus qui doit être accompli dans une école du même réseau, priorité pour les autorités aux diplômés de l’officiel ou du libre, tels sont les critères établis par les jurys. Seul l’enseignement de la Communauté établit un régime de priorités : d’abord temporaire, ensuite stagiaire et enfin définitif. En cas de pénurie, l’institution engage du personnel dont la compétence peut être assimilée à celle d’un professionnel. Bref, on aura compris que l’identité s’est forgée certes dans les écoles normales, pour les instituteurs et les régents (professeurs de collège, habilités à enseigner deux matières), à l’université pour les licenciés et enseignants du supérieur mais que cette formation s’est réalisée en rivalité selon les réseaux, chaque pilier du système ayant créé ses propres instituts de formation. Si l’on veut bien admettre la présence d’un nombre important de religieux actifs dans le réseau confessionnel, formés sur le tas à l’origine, on comprendra qu’une uniformisation , une formation unique semblait impossible. Mais cette situation clivée, héritée du passé ne suscitait la polémique que sur la question du pourcentage de diplômés du libre catholique admis dans le réseau non-confessionnel . C’est dire que Existe une option en FLE et ce afin de favoriser l’intégration des enfants issus de l’immigration. IUFM Nord-Pas de Calais Qu’est-ce qu’une formation professionnelle universitaire des enseignants ? – 2009 (91-98) Tome 1 91 M.-C. POLLET, J.-M. ROSIER le modèle prévalant, celui de l’apprentissage mimétique alternant phases d’acquisition et de savoir-faire, se décline à l’identique dans tous les départements pédagogiques des Hautes Ecoles qui ont succédé en 1998 aux écoles normales. Les enseignants engagés dans ces Hautes Ecoles outre leur formation universitaire doivent aujourd’hui présenter un CAPAES (certificat d’aptitude pédagogique appropriée à l’enseignement supérieur). Quant aux professeurs des Universités, la formation n’étant soumise à aucune réglementation légale, elle ne revêt aucun caractère contraignant. Nous nous contenterons d’expliquer les initiatives de notre Université en la matière. L’identité professionnelle A. Pour les instituteurs et les régents Les enquêtes récentes montrent que le choix de ce type d’études en 3 ans relèvent d’un second choix pour nombre d’étudiants ayant échoué à l’Université. La dominante de cette formation est le développement de savoir-faire caractérisé par de nombreuses heures de stage de terrain. La relation pédagogique est privilégiée au détriment du rapport au savoir, consciemment ou non, compte tenu du public car les Instructions Officielles s’articulent autour de la transposition didactique, de l’épistémologie et de l’interdisciplinarité. L’accent mis sur la méthode plutôt que sur la matière induit chez nombre d’étudiants une transposition qui s’opère par simplification et substitution d’objets. Certes, l’entrée par les outils permet d’interroger l’enseignement et les apprentissages mais chez ces futurs professeurs le sens pratique l’emporte sur le calcul rationnel conformément au cadre doxique de l’apprentissage mimétique où prendre conscience de l’importance de la raison pratique s’assimile à un tour de main professionnel. B. L’agrégation des licenciés La radioscopie de l’enseignement en Belgique francophone (1991) établie par les experts, économistes et pédagogiques, ont donné une légitimité aux mesures de restriction opérées dans l’enseignement secondaire. Pour les dirigeants politiques, responsables d’un mode de financement calamiteux de la Communauté Wallonie-Bruxelles qui a pris en charge l’enseignement, la réduction des coûts de fonctionnement devait aller de pair avec un affaiblissement de l’échec scolaire. La caution de l’expertise (écart entre le nombre de charges et le nombre de charges budgétaires réellement payées, absentéisme des professeurs, moyenne abusive de 8 élèves par classe, options trop nombreuses …) aboutira au licenciement ( et à la pré-retraite) de 3000 enseignants et injonction sera faite aux professeurs de faire mieux avec moins. Dans ce climat de frustration et de suspicion, toutes les réformes pédagogiques ont été interprétées comme des mesures idéologiques de justification de la pénurie. L’enseignement secondaire, jugé le plus dispendieux, fut le plus touché. Dès lors, la réforme de l’agrégation de 2001, décrétant l’allongement de la formation ( 1 an d’études, soit 240h de cours et 60 h de stages reconnus pour 30 crédits dans la nouvelle maîtrise européenne) ne suscita guère l’enthousiasme et ce d’autant que le certificat d’aptitude pédagogique peut toujours s’obtenir de manière moins coûteuse en passant par un jury d’état, et parce que la disette aidant, le Pouvoir Politique va combler le manque Le savoir-faire entre pour +/- 780 h dans la formation. 92 IUFM Nord-Pas de Calais Identités et changements dans la formation des enseignants en Belgique francophone d’enseignants par un recrutement de récipiendaires sans qualification pédagogique. Parmi les éléments qui font obstacle à toute planification sereine de l’avenir de la profession enseignante et qui ajoutent à la confusion quant à la réalisation d’un continuum universitaire de formation ou qui empêchent de modifier le système en place dans la perception universitaire, nous noterons la substitution de termes (sans interrogation sur le contenu) : le remplacement dans la nomenclature de méthodologie et de pédagogie par didactique, tantôt ainsi utilisé comme synonyme de psycho-pédagogie, tantôt compris comme sous-domaine ou pratique de la discipline-mère, en tous les cas, de peu de poids institutionnel. Ainsi, il est toujours hasardeux dans certaines universités de présenter une thèse en didactique si l’auteur rélève d’une discipline non incluse dans les sciences de l’éducation. Cette imprécision de termes empêche dans le cursus une interaction apaisée et harmonieuse entre sciences de l’éducation et didactiques disciplinaires, bref, une représentation plus complexe par certains académiques de l’acte d’enseigner. Autre problème : un partenariat ambigu existe entre l’Université et les écoles secondaires associées à la formation, alliance par empathie philosophique parfois, mais caractérisé par l’absence d’un plan de carrière pour les maîtres de stage sur le terrain ce qui ne facilite pas l’association entre formation/recherche/pratique et la reconnaissance des savoirs d’expérience. Les écoles associées au contraire tirent parti en matière de recrutement de ces relations mal définies avec l’université. Constatons encore la non-coïncidence (exception pour notre Université) entre pratique de terrain et tentative de formalisation théorique universitaire. La raison en est, comme toujours l’autonomie des réseaux. Le décret-mission de 1997 délimite un cadre institutionnel et spécifie les missions de l’école, détermine un cahier de charges pour chaque discipline que chaque Pouvoir Organisateur accommode à sa particularité, laquelle se divise entre lieu de relégation et citadelle élitiste. Enfin, notons encore l’imprécision des standards de pratique qui ne permettent pas, compte tenu des réseaux de spécificité différente, d’harmoniser les processus d’évaluation. C. Le CAPAES des Hautes écoles Pour atteindre une bonne visibilité dans la concurrence scolaire qui se joue aujourd’hui au niveau européen, l’obligation de fusion entre institutions est une nécessité. La constitution d’un Pôle d’excellence passe en Belgique par un rapprochement entre Hautes écoles et Universités selon des modalités à définir, autant géographiques que philosophiques, pour rencontrer, aux dires de certains, une nécessaire diversification. Inévitablement, ces restructurations entraînent des mises à niveau en ce qui regarde la qualification et amènent pour les Hautes écoles un durcissement des conditions de nomination à des emplois où la sélection administrative de jadis relevait de l’arbitraire politique au sens large. Dans l’attente d’enseignants munis des titres universitaires requis (le doctorat), exigés par le remodelage du curriculum, l’attribution d’un certificat d’aptitude pédagogique approprié à l’enseignement supérieur (CAPAES) est décrétée obligatoire pour les enseignants entrés en fonction après 1999. Le CAPAES se fait sur base paradoxalement d’une attestation de fonction, il relève plutôt de En 2002, un décret impose à tout enseignant de suivre une formation en cours de carrière, soit 6 demijours de recyclage, au choix quant à la thématique retenue. Réalité niée par le pouvoir politique mais qui subit la loi des groupes de pression. IUFM Nord-Pas de Calais 93 M.-C. POLLET, J.-M. ROSIER la formation continue et n’est donc pas une possibilité d’accès à l’enseignement supérieur. Concrètement, le postulant est pris sous tutelle par une équipe d’accompagnement et a charge de réaliser un dossier professionnel. Enfin, il complètera sa formation en suivant des cours à l’Université sur la pédagogie de l’enseignement supérieur, laquelle lui remet une attestation mais ne participe pas à l’épreuve d’évaluation. D. Sur le dossier professionnel Celui-ci est une production écrite où le candidat fait la preuve de son expertise quant à sa pratique enseignante. Cette sorte de portfolio peut contenir syllabus et autres publications éventuelles, témoignages du degré de maîtrise du candidat. De notre point de vue, le portfolio peut facilement s’insérer dans des programmes axés sur le développement de compétences ; en aucun cas, il n’aide à dégager une posture/habitus de chercheur mais favorise une culture d’acteur qui construit une relation pédagogique laquelle aujourd’hui, on le concède, ne peut plus s’appuyer sur la « haute culture » de l’enseignement. La lecture de quelques dossiers, échantillon discutable, on en convient, renforce notre diagnostic. L’écriture manifeste d’un primat accordé à la relation empirique sur la théorie à savoir que l’option pédagogique choisie relève toujours d’un arbitraire éclairé, où le problème soulevé est présenté comme résolu, peu comme une hypothèse de modélisation. Manquent dans ces travaux des savoirs sur la formation, on y insiste trop sur les tâches et activités, guère sur l’apprentissage comme processus, conséquence, croyons-nous, de l’absence d’infrastructures de recherche dans les Hautes écoles. Ce point de vue universitaire sur l’éthos ou l’habitus professoral est-il ou non partagé par les membres du jury qui discutent de la recevabilité du candidat ? Il faut dire que la mission dévolue à l’université reçoit des interprétations diverses selon les Institutions. L’Université Libre de Bruxelles demande aux récipiendaires de suivre des exercices disciplinaires de pratique réflexive. L’université catholique de Louvain confie l’entièreté de l’encadrement aux sciences de l’éducation. L’absence de textes officiels légitimant la prise en charge universitaire explique ces modalités d’application différentes. Apprentissage universitaire : quelles pratiques ? En préambule La confrontation d’idées et le travail des commissions ont construit un dispositif qui repose provisoirement sur les principes suivants : 1. décréter le caractère volontaire (non-obligatoire) de la formation ; 2. susciter et encourager les innovations internes à l’institution en procédant annuellement à des échanges d’information entre instituts et facultés à l’intérieur d’un Pôle Académique régional ; 3. profiter de l’intérêt croissant pour les nouvelles technologies pour introduire la réflexion pédagogique ; 4. cibler plus particulièrement les encadrements de 1re année et ceux qui entrent dans une charge d’enseignement ; 94 IUFM Nord-Pas de Calais Identités et changements dans la formation des enseignants en Belgique francophone 5. avancer une nouvelle forme d’évaluation pour toute promotion : le portfolio pédagogique. De la théorie … Quand on évoque la littérature consacrée à la pédagogie universitaire, on s’aperçoit que celle-ci couvre des domaines divers, souffrant parfois d’un déficit articulatoire. Ainsi les interventions pédagogiques en milieu universitaire peuvent porter sur les outils (le terrain des « ticologues »), les méthodes d’enseignement et les problèmes inhérents à la formation des maîtres, les performances souhaitées en matière d’apprentissage. À ne pas préciser davantage, il est clair que ces études (relation curriculaire entre l’agent et l’objet de la discipline, relation d’enseignement entre les professeurs et les apprenants, relation d’apprentissage entre le sujet et l’objet-matière), par leur nature et leur orientation, ne se différencient pas de celles habituellement traitées par les sciences de l’éducation à d’autres niveaux de scolarité. Dès lors convient-il de préciser ce que l’on entend par pédagogie spécifique à ce stade de l’enseignement en cernant la particularité universitaire, laquelle se caractérisait naguère par la transmission de savoirs en construction, l’apprentissage de l’élémentaire étant réservé au primaire, le secondaire constituant un mixte mal défini. Selon la tradition donc, l’excellence académique se définit par un enseignement de savoirs théoriques de telle sorte que le cours magistral est la fonction la plus glorifiante, après l’exercice de la recherche qui fait véritablement la carrière et la réputation. À ce jugement rapide, apportons une correction : l’enseignement universitaire n’a pas toujours été cette instance de production de connaissances indépendantes, ce dont le principe fondateur de notre institution témoigne. Des liens historiques ont jadis existé entre l’université et les formations professionnelles. Aujourd’hui, les exigences de la professionnalisation sous forme de la dimension clé de l’employabilité alimentent à nouveau les débats sur l’avenir des établissements universitaires. Semble ainsi se dessiner un conflit idéologique entre d’une part les partisans d’une candidature à connotation humaniste qui pensent surmonter la crise de la démocratisation (taux d’échecs élevés) par le renforcement d’un enseignement de culture générale, et ceux qui d’autre part, voudraient que le premier cycle universitaire développe des aptitudes, des compétences finalisées, un habitus professionnel dont on peut douter qu’il puisse s’acquérir dans le champ scolaire par des stages, des travaux pratiques en formation initiale (certains plaident pour un projet professionnel conçu par l’étudiant en partenariat avec le monde de l’entreprise). Ces précisions apportées, revenons au caractère particulier de l’enseignement universitaire pour remarquer que le premier cycle des études supérieures comporte nombre d’enseignements encyclopédiques et standardisés qui sont des pré-requis nécessaires pour ensuite arriver à la dimension de recherche et d’appropriation des savoir spécifiques. Le premier cycle se présente ainsi comme un entre-deux où se réalise le passage du savoir constitué au savoir en devenir. Malheureusement, et quelle que soit la nature des savoirs enseignés, l’étude prime, chez beaucoup d’étudiants, sur le sens qu’il conviendrait d’accorder aux matières disciplinaires (la mémorisation plus que la compréhension). Pour le dire brutalement, l’excellence traditionnelle (rapport critique à un haut niveau de IUFM Nord-Pas de Calais 95 M.-C. POLLET, J.-M. ROSIER savoir) ou l’exigence nouvelle qui fait la part belle aux savoir-faire et à l’évaluation de compétences ne peuvent être atteintes par les nouveaux publics d’étudiants issus du processus de massification de l’enseignement supérieur (ceux que Bourdieu appelle les « exclus de l’intérieur »). Les innovations pédagogiques tentées çà et là entendent résoudre le problème par des mesures d’encadrement et d’accompagnement transdisciplinaires, aléatoires car elles supposent un dispositif rapproché et personnalisé dont la plupart des universités sont dépourvues. Du côté enseignant, les nouveautés pédagogiques se traduisent par des propositions de formation, l’utilisation des nouvelles technologies et la création des « universités virtuelles » ; Ces orientations appellent quelques commentaires. En effet, les changements pédagogiques : 1. alourdissent les tâches des enseignants-chercheurs et entraînent une dispersion d’activités ; 2. ne touchent pas le cœur du système. De vraies réformes impliqueraient, à long terme parfois, une réflexion didactique et une refonte des programmes pour plus de cohérence et d’harmonisation entre conditions d’apprentissage et évaluation ; 3. oublient que la division disciplinaire n’est pas qu’idéologique ou institutionnelle, qu’elle s’enracine dans des épistémologies spécifiques (ce qui ne signifie pas la nécessité de rechercher des accrocheurs cognitifs transdisciplinaires) ; 4. mettent en place des étayages périphériques : entretien d’orientation, initiation méthodologique générale où l’on ne trouve rien ou si peu qui aide à comprendre l’étudiant en difficulté pour cerner ce qui fait problème dans son rapport au savoir, sur son absence ou non de connivence-familiarité avec la culture universitaire. À l’évidence, ces aménagements détachés de tout ancrage disciplinaire travaillent des compétences transversales mais ne prennent pas en charge le rapport différencié des nouveaux publics au savoir, l’appropriation spécifique requise par chaque champ disciplinaire (par exemple la stratégie particulière pour traiter l’information et le mode singulier de fonctionnement du savoir disciplinaire, son organisation interne) ; 5. opèrent des transferts hasardeux en ignorant les contingences matérielles imposées aux enseignants et les conditions réelles d’apprentissage qui influencent la maîtrise. Les changements proposent le plus souvent de travailler à partir des conceptions de l’apprenant pour les transformer progressivement. Certes, l’élève en activité apprend mieux mais les paramètres « temps » et « nombre » d’étudiants pris en compte annulent ces propositions empruntées à la pédagogie de l’enseignement secondaire et primaire obligatoire ; 6. souhaitent que l’étudiant ait un projet clair de son parcours scolaire, construise un plan d’études, soit plus autonome grâce aux nouvelles technologies de la communication, maîtrise mieux sa stratégie cognitive. Tout cela ne va pas de soi, on en convient, surtout que cette personnalisation de l’apprentissage responsabilise et culpabilise les nouveaux publics d’étudiants du 1er cycle qui sont les moins préparés, de par leur parcours socio-culturel, à répondre à pareilles exigences ; 7. avancent des principes généraux sur la qualité de l’enseignement ou présentent des bilans 96 IUFM Nord-Pas de Calais Identités et changements dans la formation des enseignants en Belgique francophone évaluatifs fort complexes qui laissent réticents beaucoup d’enseignants accaparés par de multiples tâches. Ces derniers s’imaginent à tort que l’accompagnement pédagogique va juger en bien comme en mal leur pratique (alors qu’il s’agit en réalité, par des propositions concrètes, de populariser les innovations déjà effectuées et dont les résultats sont positifs). La plupart des enseignants n’ont d’ailleurs, compte tenu de l’expérience acquise, nul besoin de formation et la vérité oblige à dire qu’il faut imputer aux conditions cadres figées la manière dont est dispensé l’enseignement à l’université (manque de locaux, inadéquation des grands auditoires, règlements …). Le choix d’un modèle pédagogique ne dépendra pas d’une décision interne au champ de l’enseignement. Ce sont les réformes structurelles voulues par les politiques éducatives, tributaires de nouvelles exigences sociales et économiques, s’orientant vers des universités prestataires de services à la société et aux entreprises, qui favoriseront ou freineront certains choix de la configuration universitaire et à ce niveau, l’avenir n’est pas très lisible. Néanmoins, quel que soit le dispositif d’enseignement distingué – et beaucoup de scénarios paraissent probables -, il nous paraît opportun de mieux cerner le contrat didactique du 1er cycle : posture attendue de l’étudiant de première année, profil (habitus) souhaitable et requis en ce qui regarde l’enseignant de même niveau. Mettons deux points en évidence pour éclairer davantage : 1. rendre la pédagogie explicite, ne plus fonctionner à l’inculcation inconsciente, faire naître une culture d’apprentissage en distinguant formation au savoir et formation du savoir. Cette distinction implique sans doute que l’on revoie les modes d’organisation des premiers cycles (ni tout à fait classe de lycée, ni tout à fait enseignement lié à la recherche) ; 2. développer une compétence culturelle disciplinaire : mode de recherche, fréquentation de la bibliothèque, lecture/écriture comme mode d’accès au savoir, utilisation des outils indispensables à l’appropriation. Trop d’étudiants considèrent encore l’université comme un lieu adidactique (Brousseau 1998) où les savoirs sont transmis uniquement par le discours professoral. Ces propos, loin s’en faut, n’ont pas le mérite de l’originalité et ne permettent pas de dire où va l’université (culturelle ou managériale) : ils sont le fruit de la réflexion issue d’une longue pratique d’accompagnement et d’aide à la réussite des étudiants de 1er bachelier. Conclusion En matière de formation des enseignants, les changements récents opérés en Belgique francophone ne se différencient guère des politiques dominantes dans d’autres pays européens. En effet les discours et textes décrétaux vont dans le sens d’une évolution vers une plus grande professionnalisation laquelle n’est pas sans rapport avec les besoins économiques des entreprises basés sur la valorisation du capital humain. Ainsi s’expliquent la mise en place sur la durée d’une formation initiale et continuée en cours de carrière pour les enseignants débutants ou en poste, la construction d’une posture réflexive qui articule, stages sur le terrain et enseignement magistral théorique dans le cursus, une plus grande initiation enfin aux savoirs en psychologie de l’apprentissage. Ces bonnes intentions ne se sont pas traduites en Belgique francophone par des formations intentionnelles. La traduction politique belge, faite de négociations et de compromis à tous les niveaux, système lié à l’origine au faible degré de centralisation du Pouvoir de l’Etat, maintient une double orientation dans la formation des enseignants hors de l’Université pour les instituteurs et IUFM Nord-Pas de Calais 97 M.-C. POLLET, J.-M. ROSIER les régents, en milieu académique pour les licenciés. Ces conditions externes, liées aux enjeux et débats du champ méthodologique scolaire, pèsent sur la formation et appellent un remplissement interne de formes irrationnelles de réflexion (protectionnisme du recrutement, pacte scolaire, …) lesquelles font obstacle à toute planification sereine de l’avenir de la profession enseignante. 98 IUFM Nord-Pas de Calais