Le travail institutionnel du psychologue Fichier
Transcription
Le travail institutionnel du psychologue Fichier
Université Rennes 2 LE « TRAVAIL INSTITUTIONNEL » DU PSYCHOLOGUE1 Plan I. LE PSYCHOLOGUE ET L’INSTITUTION 1. Positionnement du problème 2. La notion d’institution 2.1. Les « institutions » sont l’émanation d’un ordre institutionnel 2.1.1. Systèmes symboliques 2.1.2. Violence symbolique 2.1.3. Une hypothèse socio-politique sur l’émergence des pratiques psychologiques 2.2. Les « institutions » sont des organisations 2.2.1. Institution, organisation, groupe 2.2.2. Caractérisation générale II. LE « TRAVAIL INSTITUTIONNEL » DU PSYCHOLOGUE 1. Essai de définition 1.1. Principes 1.2. Conditions de mise en œuvre 1.3. Modalités d’action 2. Différenciation 2.1. Audit 2.2. Régulation des conflits 2.3. Supervision - formation 2.4. Psychothérapie institutionnelle III. MODÈLES OPÉRATOIRES 1. Références systémiques 1.1. Le concept de système 1.2. L’institution comme système 1.3. L’institution comme ensemble d’interactions 2. Références psychanalytiques 2.1. Psychanalyse et institution 2.2. Souffrance et psychopathologie dans les institutions 1 I. LE PSYCHOLOGUE ET L’INSTITUTION 1. Positionnement du problème Les psychologues cliniciens accordent une place plus ou moins importante au « travail institutionnel » dans leur pratique, lorsque celle-ci s’exerce dans des institutions (thérapeutiques, éducatives, sociales), ce qui est le cas le plus général. Pourtant, il n’est pas facile de définir ce que l’on désigne par ce terme, car le « travail institutionnel » peut adopter des formes assez variées. Commençons par une citation, extraite d’un article de René Clément : « Le psychologue en institution va très souvent être sollicité pour participer à des réunions dites de “synthèse”, au cours desquelles il va être question de patients qu’il ne connaît pas directement, ou avec lesquels il n’est pas engagé dans des protocoles d’entretiens réguliers. Il va pouvoir être là à l’écoute des demandes de l’usager, et en favoriser un certain décryptage, au travers des énoncés tenus à son propos par ceux qui s’en occupent. Il va aussi et surtout pouvoir être là à l’écoute des divers intervenants s’efforçant d’entendre ce qui se dit des désirs, craintes, rejets, difficultés éprouvées, et de leur redonner sens en référence au patient venu demander aide à l’institution. [...] « C’est aussi cette position paradoxale de “Tiers inclus” que va tenir le psychologue clinicien dans les rencontres collectives soignants-soignés souvent organisées, parfois sur un mode rituel, dans les services d’hospitalisation, ou encore dans les hôpitaux de jour, les structures intermédiaires, les appartements thérapeutiques, etc. Ne participant pas directement aux activités, sauf exception ayant un sens précis dans un contexte donné, le psychologue va soutenir l’interpellation réciproque entre les malades et les représentants de l’institution (médecins, infirmiers, etc.) présents à cette rencontre. [...] « Un des axes essentiels de la fonction de tiers inclus, et peut-être même le pivot central de cette position, [...] est constitué par tout le travail de réflexion avec les équipes et l’institution sur les finalités et les missions de l’ensemble du dispositif, et les moyens qu’il se donne pour y parvenir. On retrouve là la notion initiale de “Référent d'une régulation institutionnelle” évoquée par J. Barus-Michel. A cette différence fondamentale près, qui lui confère son caractère paradoxal et qu’il faut rappeler au risque d’insister, qui est que le psychologue “tiers” est dans l’institution et non dehors ! » - (R. Clément, 1990, p. 209-210) Le propos cité fait évidemment référence à une pratique psychologique hospitalière, mais il prétend s’appliquer plus largement à toute pratique psychologique en institution. Il illustre, en effet, un aspect de cette pratique, qui consiste non à intervenir directement auprès des usagers, mais auprès des professionnels qui s’en occupent dans l’institution, et dont le psychologue lui-même fait partie (« tiers inclus »). - Document conçu et rédigé par : C. Bouchard, M.C. – mise à jour : avril 2001. Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 1 On pourrait ici parler, au niveau du psychologue, d’une fonction d’expert voire d’ingénieur - sauf qu’il ne s’agit pas de donner un avis ponctuel sur l’usager en réponse à une demande de l’équipe soignante (ou éducative), d’un médecin, ou d’une instance de tutelle, mais de travailler plus globalement et plus continûment avec et dans une équipe pour favoriser et maintenir une réflexion ouverte sur l’engagement de l’institution à l’endroit de l’usager. Nous avons là, en somme, un type particulier d’intervention, indirect, et dont le travail vise à situer (ou resituer) l’usager dans le contexte institutionnel de sa prise en charge. Le bénéfice pour l’usager en est indirect, puisqu’il passe par une vigilance de l’institution à l’égard d’elle-même, de sa propre implication, le psychologue étant l’un des principaux instigateurs et garants de cette vigilance. Dans son chapitre sur les fonctions « Psy », J.Y. Hayez (1994-b) évoque un tel travail sous le nom de « participation à la fonction critique ou de questionnement (de l’institution) » : « (la fonction de questionnement) c’est celle qui consiste à relancer les questions au sein de l’institution. Questions à propos des finalités globales ; questions à propos du projet éducatif concernant un enfant ; questions sur les relations entre les personnes ; questions sur la cohérence théorique ou méthodologique ; il existe évidemment bien d’autres questions. » - (Renders, 1994, p. 50-51). Nous avons là une base intéressante pour définir le « travail institutionnel » du psychologue, tout à fait en accord avec le propos de R. Clément cité plus haut, mais qu’il convient de développer encore davantage. Auparavant, précisons la notion d’institution elle-même, ce qu’elle recouvre et ce qu’elle implique. Les milieux institutionnels où exerce le psychologue « De quels milieux institutionnels parlerons-nous ici ? Vos établissements soignent ou offrent des lieux de vie remplaçant les lieux de vie familiaux ou accueillent des jeunes handicapés physiques ou mentaux atteints dans leur narcissisme le plus profond, ou accueillent et aident à vivre ou à revivre des déviants, des exclus de la société. Vos lieux de vie sont en permanence confrontés à la naissance, à la maladie, à la mort, à l’abandon, à la souffrance, parfois physique, toujours psychique. L’institution a pour mission de prendre le relais du travail “d’humanisation” resté en panne dans l’univers familial. Elle est le second grand dispositif de l’être humain, quand la famille ou la société sont ou ont été défaillants. Une institution, c’est ce qui permet de prendre appui “sur l’Autre” suffisamment bienveillant pour relancer et poursuivre le travail de “grandir” lorsqu’il s’agit de jeunes et pour contenir assez d’angoisses et le morcellement afin de permettre de repartir plus étayés, plus assurés vers la vie en société lorsqu’il s’agit d’adultes en difficulté. » - (Caron, 1998, p. 15-16) 2. La notion d’institution Il est courant de rattacher les métiers de la santé, de l’éducation, du travail social - à des « institutions ». On parle : d’institutions soignantes (ou thérapeutiques), par exemple - ou bien encore : d’institutions scolaires, d’institutions médico-éducatives. Mais on parle aussi, au singulier : de l’institution judiciaire, ou de l’institution Education Nationale. Que signifie donc le terme « institution » dans cette association somme toute peu évidente d’emblée, avec ceux de soin, d’éducation, de médecine, etc. ? En quoi l’institution concerne-t-elle les pratiques associées à ces notions ? On peut déjà remarquer que ce terme renvoie à différents sens possibles, que nous aborderons depuis le niveau de signification le plus large, le plus général, jusqu’à des niveaux de signification plus restreints, plus spécifiques. 2.1. Les « institutions » sont l’émanation d’un ordre institutionnel 2.1.1. Systèmes symboliques Dans le sens le plus général, on appelle institution « ce qui est établi par les hommes » (définition du Petit Robert), par opposition à ce qui est établi par la « nature ». « On dit qu’une chose est d’institution, pour dire qu’elle est l’ouvrage des hommes et pour la distinguer de celles que la nature a établies. » - (Condillac) Dans cette phrase, l’institution (ou l’institutionnel) renvoie très largement à tout ce qui fait oeuvre de culture (par opposition à la nature), c’est-à-dire à ce qui nous fonde comme être humain, comme être de culture. Dès lors, on comprend pourquoi le concept d’institution est l’un des plus communs aux divers champs des sciences humaines et sociales : droit, sciences politiques, sociologie, ethnologie, histoire, psychologie, psychana-lyse... A partir de ce sens très large, peuvent se dégager des significations déjà un peu plus sélectives : La philosophie classique interrogeait, à travers la question des institutions, le problème des lois régissant une cité ou un état, et de leur légitimité. Elle traitait ainsi des aspects politiques et moraux de l’ordre institutionnel. L’anthropologue Cl. Lévi-Strauss (1950) a introduit le terme de système symbolique pour désigner les différents aspects des institutions humaines : « Toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l’art, la science, la religion. ». Et l’on pourrait ajouter à cette liste : le nom, l’héritage, l’éducation, les rites mortuaires, la santé, la justice... (N.B. : C’est à Lévi-Strauss que la psychanalyse structuraliste de J. Lacan a repris le concept de symbolique, pour désigner l’ordre qui nous transcende et qui nous fonde en humanité : cf. le concept de « Nom-du-Père ».) Dans son travail sur l’institution, le sociologue René Lourau propose la définition suivante : « Le fait de fonder une famille, l’acte de mariage, ou encore le fait de fonder une association, de lancer une affaire, de créer une entreprise, un type d’enseignement, un établissement de soins, ces phénomènes portent eux aussi le nom d’institution. Autrefois, on parlait d’instituer les enfants (au sens de les former) et d’instituer un peuple (au sens de lui donner une constitution politique). » - (R. Lourau, L’analyse institutionnelle, 1970, p. 9) Deux remarques en complément à ces diverses propositions : Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 2 a) La dernière citation nous rappelle qu’étymologiquement le mot « institution » provient du verbe latin stare, qui signifie : établir, faire tenir debout, faire tenir droit, dresser - et par extension : éduquer, enseigner, former, endoctriner. b) Comme l’a souligné la sociologie de Durkheim, les institutions se caractérisent par leur caractère contraignant, lié à leur force et à leur autorité. Les institutions nous préexistent et nous déterminent, comme elles nous survivent aussi. En ce sens, la contrainte inhérente à toute institution constitue une violence, mais légitime et fondatrice, à distinguer de la violence abusive, illégitime et destructrice. Les institutions, toutefois, n’empêchent pas une autonomie de ceux sur lesquels elles s’exercent : « L’acteur individuel n’est [...] pas l’auteur des contraintes auxquelles il est soumis ; et pourtant il peut être dit autonome en ce sens qu’il a assimilé (intériorisé ou introjecté) ces contraintes, où il a reconnu les conditions de son épanouissement, et même, pour ainsi dire, de sa propre expression. En d’autres termes, les contraintes ne sont rendues efficaces que dans la mesure où elles ont été intériorisées par un processus de socialisation. Et elles ne peuvent l’être que si les activités qu’elles régissent apparaissent compatibles avec les “besoins” fondamentaux de la personnalité de l’acteur. » - (Bourricaud, 1995, p. 389) Violence symbolique Le mot violence est aujourd’hui souvent employé, à tort, comme synonyme d’agression. Rappelons qu’une agression est une attaque, verbale ou physique, active ou passive, et qui peut porter sur des biens comme sur des personnes mais dans tous les cas, il s’agit d’une attaque ou d’une atteinte. La violence consiste à obtenir l’accord de quelqu’un contre sa volonté, en usant de la force, de la contrainte ou de la ruse. L’idée directrice de la notion de violence est donc celle d’une pression faite sur autrui et d’un forçage, qui ne suppose par nécessairement une agression. D’autre part, la sociologie de P. Bourdieu a introduit le concept de violence symbolique pour désigner le fait que toute société ou toute culture se donne à elle-même des normes arbitraires, imposées à ses membres par le pouvoir dominant. En ce sens, la violence symbolique est l’effet de censure inhérent à tout acte d’imposition symbolique. Plus largement, on pourrait dire que notre humanité, en tant qu’être de culture, ne peut advenir que dans une violence faite à notre nature : toute acculturation est une interprétation de notre nature. La notion de violence symbolique n’est pas à confondre avec celle de violence institutionnelle, généralement employée pour désigner des violences infligées à des usagers, par des professionnels, dans le cadre d’actions de soin ou d’éducation (par ex. : sévices sexuels sur enfants en milieu scolaire, maltraitance physique de personnes âgées en services spécialisés, usage de méthodes coercitives dans des pratiques de soins... ) (Tomkiewicz, Vivet, 1991 ; Lalanne, 1993). Il s’agit alors d’un exercice abusif du pouvoir institutionnel (mission de soin ou d’éducation). Le harcèlement sexuel au travail pourrait être considéré, de même, comme une autre forme de violence institutionnelle (abus du pouvoir hiérarchique). Autrement dit, si nous trouvons dans les institutions les fondements de notre humanité et si ces fondements nous préexistent de façon contraignante, les institutions ne peuvent cependant exister sans nous, ou du moins, sans l’intégration par laquelle nous nous les approprions. 2.1.2. Violence symbolique La notion de violence symbolique mérite ici quelques développements. Norme et déviance On pourrait dire qu’en définissant et en déterminant des formes particulières de pratiques symboliques, toute culture, toute société génère des normes, et que dans le même temps elle pose la possibilité qu’il y ait déviance. Norme et déviance sont, pour ainsi dire, consubstantielles. On appellera « déviance » un comportement qui s’écarte de la norme sociale admise. Ou, autrement dit : il n’y a de déviance que relativement à de la norme ; toute norme est créatrice de déviance. Remarquons au passage que, si le mot « déviation » et le verbe « dévier » sont déjà anciens en français dans le sens de détourner d’une voie (en latin, via = voie), les mots « déviant » et « déviance » sont beaucoup plus récents. (Le dictionnaire Robert origine ces mots à... 1968 !) Tout groupe social génère des normes (normativité) et veille à transmettre et maintenir ces normes (normalisation). Cette production de normes participe de ce que nous avons défini ci-dessus comme violence inhérente à toute culture ou société (notion de violence symbolique, cf. Bourdieu). En résumé : La norme est d’abord contrainte, mais dans le cadre plus large d’une contrainte d’acculturation, et plus spécifiquement au titre de la définition d’un système de valeurs et de représentations (voir ci-après point 2.2). En tant que processus (normativité et normalisation), la norme est donc universelle, puisque inhérente à notre être de culture. Par contre, en tant que produit ou effet (« une » norme donnée ou « une » normalité donnée), la norme est relative : elle dépend du contexte culturel, sociétal ou groupal, qui l’exprime et la promeut. Contrôle social Toute société crée donc des normes et requiert un consensus minimal à leur propos. Cependant, il existe toujours une tolérance aux écarts par rapport à ces normes, dans une marge dont les degrés et les formes peuvent être variés. C’est dans cette limite de tolérance, et à plus forte raison lorsque ces limites sont franchies, que toute société veille à maîtriser la déviance, ressentie comme différence menaçant l’établissement social. En ce sens, toute société exerce un contrôle social. Sans entrer dans des développements qui relèvent plutôt du domaine de la sociologie, on peut dire que le contrôle social de la déviance renvoie à la notion de pouvoir : « En fait, contrôler une différence constitue un acte de pouvoir. Le contrôle social de la déviance est lié à la structuration du pouvoir dans une société ; il est lui-même un acte du pouvoir dans sa fonction de conservation d’une structure sociale donnée. » (Faugeron & coll., cité in : Revault d’Allonnes, 1981). Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 3 Remarquons toutefois que le contrôle social ne s’exerce pas toujours de façon répressive. Il peut adopter d’autres voies et moyens, comme par exemple l’éducation, la prévention, ou l’aménagement de temps et/ou d’espaces de tolérance aux déviances (ex. : les carnavals et les « fêtes des fous » dans les sociétés traditionnelles, ou aujourd’hui l’ouverture de cafés où la consommation de certains stupéfiants est autorisée). D’autre part, les sociologues ont montré que la déviance n’a pas uniquement une fonction négative dans une société ou un groupe donné. Elle peut aussi contribuer, par les effets de contraste et de différence qu’elle détermine, à assurer l’identité de la société ou du groupe en question. Ainsi, par les réactions sociales qu’elle suscite, la déviance a aussi une fonction positive de cohésion sociale. Marginalité et transgression Si nous tentons à présent de préciser davantage ce que nous entendons par « déviance », nous pouvons distinguer deux grandes formes de déviances : - la première porte sur des normes de vie ou de statut (condition), et consiste en une non-conformité à ces normes ; - la seconde concerne plutôt des normes de régulation sociale (codes), et consiste en un manquement à ces normes. Dans le premier cas, nous parlerons de marginalité (ou anormalité) ; dans le second, de transgression. (Voir tableau ci-après). CLASSIFICATION DES FORMES DE DÉVIANCES DÉVIANCES Ecarts par rapport aux normes sociales Marginalité Transgression Non-conformité à des normes Manquement à des normes de vie ou de statut de régulation du lien social normes de santé MALADIE - HANDICAP code pénal INFRACTION normes d’emploi CHÔMAGE normes de métier SANS QUALIFICATION règlement INDISCIPLINE ou DÉSOBÉISSANCE normes PAUVRETÉ us - usages INCIVILITÉ socio-économiques normes d’habitat SANS-ABRI - SDF coutumes (origine) IRRESPECT normes de scolarité ÉCHEC SCOLAIRE normes de filiation PUPILLE (Sans famille) 2.1.3. Une hypothèse socio-politique sur l’émergence des pratiques psychologiques Dans une définition quelque peu humaniste et très large, Lagache déclarait en 1956 que les « métiers psychologiques » (i.e. les professions de la santé, de l’éducation et du travail social, parmi lesquelles celle de psychologue) pouvaient se reconnaître en commun de traiter du « fait humain ». De façon plus précise et plus réaliste, on pourrait dire aujourd’hui que le « fait humain » en question n’est pas universel ; il dépend, en fait, de raisons institutionnelles : les « métiers psychologiques » trouvent avant tout leur définition dans les problèmes qu’ils ont à traiter, en tant qu’ils participent d’institutions (thérapeutiques, éducatives, d’action sociale) au titre desquelles ils agissent et qui les fondent en légitimité. Dans le même ordre d’idée, qu’en est-il du psychologue ? Quels sont les types de problèmes qui lui sont soumis ou qu’il est amené à anticiper ? - A répondre à cette question, il apparaît que le psychologue et le discours « psy » en général se trouvent singulièrement exposés. « Pas plus qu’en ce qui concerne le corpus théorique de la discipline, ce n’est en fonction d’une unité d’objet ou de méthode que l’on peut aujourd’hui définir ce qu’est “le” travail du psychologue ; mais plutôt par le type de questions qui lui sont adressées, quel que soit son lieu d’exercice : que faire avec l’échec scolaire, la délinquance, l’absentéisme, le rejet de la famille, la violence ? Comment penser leurs formes actuelles ? Et, surtout, comment y remédier ? Au milieu du XXe siècle, ce sont l’école, la famille, l’organisation du travail, l’appareil judiciaire, le tissu social comme on dit, qui “travaillent”, et sont soumis à des contradictions que la psychologie est “spontanément” appelée à penser et à résoudre, puisque c’est sur ce terrain qu’elle s’est constituée. Corrélativement elle va concourir à naturaliser les idéaux historiques qui assuraient antérieurement la cohésion et le fonctionnement de ces institutions. La transmission des savoirs, des traditions de vie, des idéaux religieux ou progressistes, laissent place aux thèmes évolutionnistes de la nécessaire “adaptation” des structures sociales et des comportements individuels à une réalité changeante qu’ils doivent assimiler. « On peut donc apprécier la diffusion actuelle de la psychologie comme le résultat d’une défaillance des institutions. Ou, dans un sens politiquement opposé, comme une parade aux ferments révolutionnaires qui résulteraient sui generis d’une telle défaillance. Incontestablement, un réel historique est là à l’oeuvre, dont les contingences nourrissent la psychologie et multiplient ses occurrences. » (F. Dachet, Le métier de psychologue, 1986, p. 375) La situation du psychologue se caractérise donc d’abord par une ambiguïté socio-historique, puisqu’il apparaît à la fois comme un « symptôme » des institutions et comme une forme de réponse aux limites de celles-ci. D’où le procès de duplicité idéologique qu’on a pu lui intenter à plusieurs reprises, et qu’il connaîtra encore (Canguilhem, 1956). Tel est bien en effet le risque avec lequel travaille constamment le psychologue, de n’être que le reflet d’une demande toujours ambiguë à son égard. S’il n’y prend pas garde, le psychologue peut très facilement devenir le Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 4 « palliatif » des manques institutionnels, et donc le meilleur « agent de conservation » des dispositifs et des politiques qui le sollicitent, au lieu d’en être l’occasion de dépassement et de renouvellement. Dans le champ des institutions qui le sollicitent ordinairement et où il exerce, le psychologue tient une place particulière, puisqu’il apparaît comme le signe d’une crise ou d’un échec mais généralement dans l’attente d’une solution qui permette aux institutions de se maintenir néanmoins comme telles. D’où le fait que l’action du psychologue s’inscrive toujours et nécessairement dans un écart entre ce qui lui est demandé et ce qu’il fait apparaître comme problème à l’issue d’une analyse de situations. Mais c’est peut-être là aussi sa chance, c’est-à-dire l’opportunité d’un rôle spécifique d’analyseur et de questionnement, comme nous le montrerons plus loin. En résumé : Dans son acception la plus large, le mot « institution » désigne la capacité spécifiquement humaine de créer un ordre culturel. Celui-ci s’organise en systèmes d’échanges régissant les rapports humains. Ces systèmes se maintiennent par un contrôle social des déviances qu’ils créent de par les normes qu’ils instaurent et par lesquels ils se diversifient. Nous entrevoyons que les pratiques dites « institutionnelles » (de santé, d’éducation, de justice, d’aide sociale... ) qui caractérisent les sociétés occiden-tales modernes participent de tels dispositifs de contrôle social. 2.2. Les « institutions » sont des organisations 2.2.1. Institution, organisation, groupe En fait, les institutions (au sens de systèmes symboliques) se repèrent concrètement par leurs oeuvres (ou manifestations), sous la forme d’organisations et de groupes. Toute organisation comprend des groupes (bureaux, ateliers, services, équipes, classes... ), eux-mêmes composés d’individus. Cependant, une organisation n’est pas réductible à une somme d’individus ou de groupes. L’organisation est ce qui détermine l’interaction nécessaire entre ces éléments, c’est-à-dire leur interdépendance, en vue de la réalisation d’un objectif officiellement commun : produire un bien ou un service. L’interdépendance fonde l’unité de l’organisation ; il en résulte que toute modification d’un élément entraîne la modification de tous les autres, et donc du tout - (Petit, 1979, p. 17-18). Nous avons vu précédemment, avec le concept de mandat (voir Première Partie, chap. II.1), que l’objectif directeur de l’organisation est le fait d’une autorisation et d’une délégation, en fonction d’une organisation plus globale, émanant des Pouvoirs publics. Dans les faits, on constate souvent un glissement de sens entre les mots « institution » et « organisation », d’une part ; entre « organisation » et « groupe », d’autre part. Dans la suite de notre propos, nous envisagerons le plus souvent le terme d’institution dans le sens d’organisation ; mais parfois aussi dans le sens de système social, puisque c’est à ce niveau que les organisations trouvent leur source et leur légitimité. Exemple : On peut dire « institution de soin » ou « institution thérapeutique » pour désigner un établissement (donc une organisation) de santé : hôpital, clinique, dispensaire, institut médico-éducatif ou médico-social... Mais si l’on parle de « l’institution hospitalière » ou de « l’institution médicale », il est évident que l’on désigne alors quelque chose de plus général et de plus abstrait ; on parle en effet d’un système plus large, fait de normes et de lois, et qui détermine le fait qu’il existe des établissements et des services de soin. Autre exemple : « L’éducation est, par excellence, une institution, c’est-àdire un ensemble d’idées, de croyances et de normes de comportement proposées et souvent imposées aux individus dans une société donnée. Mais, un groupe scolaire primaire, un C.E.S., un lycée, une université, un ministère de l’Education ou un rectorat sont des organisations qui se nourrissent de l’institution éducative tout en donnant à celle-ci une assise concrète d’existence. Donc, d’un point de vue méthodologique, il apparaît impossible d’appréhender directement l’institution qui meut un système social. Pour reprendre notre exemple, l’institution éducation ne peut être cernée qu’à travers la description et l’analyse de phénomènes qui concernent l’enfant en tant qu’ individu, dans ses relations interpersonnelles duelles avec des adultes ou des pairs, qui se rapportent aussi à la famille en tant que groupe, à l’école primaire en tant qu’organisation, aux associations de loisirs, etc. » - (Petit, 1979, p. 29-30) En résumé : Dans la suite de notre propos, il sera essentiellement question d’institutions de santé, d’éducation, de justice et d’aide sociale. Nous entendrons par là les organisations visant à agir en fonction de tels objectifs, en écartant de notre propos l’étude des phénomènes de groupes ou de relations interindividuelles qui peuvent y être observés. En revanche, nous intégrerons à notre étude des institutions concernées, la question de leurs liens avec ce qui les définit dans le cadre social et politique de systèmes de santé, d’éducation, et d’aide sociale. 2.2.2. Caractérisation générale Lorsque nous considérons comment « fonctionnent » les institutions, on s’aperçoit qu’elles ont en commun diverses caractéristiques remarquables : Référenciation : culture institutionnelle En tant qu’organisation, toute institution « organise », c’est-à-dire définit, articule et oriente des rapports entre les éléments qui la composent. Chaque institution se présente ainsi comme un ensemble de rôles et de fonctions, dont l’interdépendance est organisée en hiérarchies, codes, rituels. L’institution constitue ainsi, pour ses membres, des repères organisateurs de relations sociales spécifiques, composant une sorte de « micro-culture » qui lui est propre. Exemple : L’institution scolaire publique, en France, se caractérise par une organisation, à la fois administrative et pédagogique, qui définit un certain nombre d’établissements et de services, et les qualités, places et rôles de ses divers agents. Mais on peut aussi identifier cette institution par des usages particuliers. Par exemple : la pratique de la notation et des examens à la fois pour contrôler les agents (les professionnels de l’Education nationale) et pour évaluer les « usagers » (les élèves) ; le rôle traditionnel (mais encore souvent actuel) de « l’instituteur », de membre actif de la municipalité ou du quartier ; la dépendance étroite et extrêmement formaliste du personnel pédagogique et administratif au corps des inspecteurs ; le principe de laïcité et ses conséquences dans les pratiques ; etc. Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 5 Appropriation : espace institutionnel Tout système institutionnel tend à (se) donner de la cohérence historique et topologique, et donc à (s’) approprier du temps et de l’espace. Toute institution se dote (sur le mode romanesque ou sur le mode mythique) : d’ancêtres fondateurs, de héros, d’événements marquants... Mais, de même et également : de territoires, de « géographies » internes, de circuits, de zones de passage, de terrains « neutres »... tout aussi emblématiques. « Une institution ne peut vivre sans sécréter un ou des mythes unificateurs, sans instituer des rites d’initiation, de passage et d’accomplissement, sans se donner des héros tutélaires (pris souvent parmi les fondateurs réels ou les fondateurs imaginaires de l’institution), sans raconter et/ou inventer une histoire qui tiendra lieu de mémoire collective ; mythes, rites, héros, sagas, ayant pour fonction de sédimenter l’action des membres de l’institution, de leur servir de système de légitimation et de donner ainsi sens à leurs pratiques et à leurs vies. » - (E. Enriquez, 1988, p. 67 c'est l’auteur qui souligne) Exemples : a) Dans les services hospitaliers, il n’est pas rare que certains espaces soient strictement réservés au personnel pour les « pauses-café ». Ces lieux-sas constituent de véritables espaces (et temps) « privés », en marge des lieux d’accueil ou de soins. Les professionnels s’y retrouvent entre eux (parfois selon un découpage en corps professionnels distincts), dans des relations moins formelles que durant les actes de soin, même si en général les rôles, places et spécificités de chacun n’y sont pas complètement oubliés. Ces lieux ne sont pas accessibles à tous ni dans n’importe quelles conditions : leur accès est « codé » et suppose de respecter certaines règles ; il peut même correspondre à de véritables rites (y être admis peut être une forme de reconnaissance par les professionnels en question ; ou bien : pour y être admis, il faudra s’acquitter de certaines obligations). b) La topographie d’un établissement ou d’un service n’est généralement pas aléatoire et, de toute façon, n’est jamais sans influer sur les relations entre ses membres (l’espace structure les relations). L’accessibilité ou non des services de direction, par exemple, leur localisation centrale ou périphérique, assimilée ou isolée... en disent au moins autant sinon plus qu’un organigramme sur la fonction directoriale dans l’établissement. La distribution des bureaux et des locaux de travail désigne, de façon implicite et explicite, la place accordée à chaque corps professionnel et aux individus ou aux groupes qui les composent, et le rapport entre individus (ou groupes) et fonctions ou entre individus (ou groupes) et professions. Valorisation : imaginaire institutionnel, idéologie Les institutions véhiculent un ensemble de représentations, conscientes et inconscientes, qui traduisent des valeurs et des idéalités liées aux contextes socioculturels qui les déterminent et à leurs transformations. « Si l’institution est de l’ordre du symbolique, elle n’apparaît que dans des expressions qui, elles, relèvent de l’imaginaire, c’est-à-dire de représentations, d’options qu’élisent à un moment donné les acteurs sociaux pour appréhender les réalités auxquelles ils achoppent. L’institution code, mais son intitulé est déjà un choix, une version imaginaire du réel, une identification postulée. Quand on dit “l’Institution hospitalière”, on prétend, on suppose qu’il y a des gens à hospitaliser, à abriter et dont cette caractéristique prévaut sur toute autre. C’est un point de vue, une représentation qui n’a pas effleuré toutes les sociétés. L’institution est loi, mais si cette loi est, par exemple, d’avoir à sauver la vie humaine, nous sommes déjà devant une formulation qui relève de l’imaginaire, d’une représentation idéologique et historique de la vie. Les organisations des pratiques sont les mises en acte, au niveau de la réalité, d’une construction imaginaire, d’une représentation de ce qui est propre à l’atteindre et de cette réalité elle-même. » - (J. Barus-Michel, 1987, p. 48-49) Déontologie et éthique Mandat et fonction, et l’articulation de l’un à l’autre, définissent les deux butées fondamentales (légale et morale) permettant à la fois de déterminer (dé-terminer) et de contrôler la relation de pouvoir par laquelle s’exercent les « métiers de la relation » (voir Première Partie, chap. II.3). Il ne suffit cependant pas, pour assurer une bonne régulation de son exercice par le professionnel, qu’existe la double référence du mandat et de la fonction. Encore faut-il qu’il investisse moralement ces deux butées, c’est-à-dire qu’il leur accorde une valeur de délimitation et de régulation de son pouvoir. C’est cet investissement moral qui fondera la raison déontologique et éthique de son exercice. Nous parlerons plus spécialement de déontologie, lorsque le professionnel aura à s’interroger sur la pertinence et l’adéquation des moyens fonctionnels et stratégiques qu’il est amené à mettre en oeuvre, avec les missions qui lui sont imparties et donc avec sa légitimité légale. Exemples de conflit déontologique : - Peut-on accepter des tâches médicales lorsqu'on est psychologue en hôpital ? - Un enseignant spécialisé de R.A.S.E.D. doit-il accepter de remplacer un instituteur dans sa classe ? Nous réservons le terme d’éthique lorsqu’il s’agira pour le professionnel d’apprécier la compatibilité de son mandat et de la fonction qu’il a pu se négocier (et selon tous les enjeux « politiques » et idéologiques ambiants que cela suppose aussi), - avec ses propres valeurs et convictions personnelles. Exemples de conflit éthique : - Un médecin doit prescrire un avortement thérapeutique, alors que ses convictions religieuses l’opposent à cette pratique. - Un éducateur spécialisé doit sanctionner un acte commis par un jeune à l’encontre du règlement intérieur du foyer où celui-ci est pris en charge, alors qu’il n’est pas d’accord avec ce règlement. Remarquons toutefois que les critères déontologiques et éthiques peuvent aussi bien concerner un positionnement individuel qu’un positionnement collectif, et signer alors une idéalité professionnelle pouvant faire référence d’appartenance pour tout un corps professionnel particulier. Exemple : La profession médicale se re-connaît non seulement dans un code de déontologie (lui-même garanti par un Ordre des Médecins), mais aussi par le serment d’Hippocrate prononcé par le médecin au moment de son doctorat (référence éthique du corps médical occidental). La référence aux deux butées (légale et morale) que constituent mandat et fonction, et la valeur que chacun y accordera déontologiquement et éthiquement définissent, des « métiers de la relation », la professionnalité - c’est-àdire ce qui permet de relativiser le pouvoir tutélaire du professionnel, d’en modérer les risques d’assujettissement abusif, et d’en réguler les bénéfices tirés. Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 6 Le contre-exemple de la professionnalité peut se trouver dans les diverses situations de « bavures » professionnelles et de violences institutionnelles que dénoncent parfois les médias. transfert ») à l’égard du patient : une telle vigilance nous permet à la fois de réguler notre action, et de nous laisser in-former, en quelque sorte « par résonance », par l’usager sur sa situation et sur la façon dont il la perçoit. 1.2. Conditions de mise en œuvre Autre exemple : cf. la citation articulant l’institution « éducation » et les institutions qui s’en réclament (voir plus haut, point 2.2.1). Soulignons l’effet de réalité que promeut toute institution (« une version imaginaire du réel », c’est-à-dire une représentation du réel), et qu’illustre bien l’exemple de l’institution hospitalière cité par J. Barus-Michel. Par la même occasion, nous saisissons aussi le risque encouru que la construction de réalité (sociale) que permet l’ordre institutionnel ne devienne illusion d’évidence, indiscutable, inamovible, apparemment « naturelle ». Toute institution, à ce titre, est susceptible de se donner pour réalité absolue, pour vérité, et de se faire alors totalitaire. II. LE « TRAVAIL INSTITUTIONNEL » DU PSYCHOLOGUE Nous tenterons à présent de définir plus systématiquement le « travail institutionnel » du psychologue clinicien, d’abord de façon positive, puis comparativement, afin de le différencier d’autres formes d’interventions qui lui sont proches. 1. Essai de définition Plutôt qu’en inventorier les diverses formes possibles, nous définirons le « travail institutionnel » en fonction de : - deux principes (ou postulats) - deux conditions de mise en oeuvre - trois modalités principales d’action. 1.1. Principes Il n’est pas de travail institutionnel possible si le psychologue n’admet pas au moins les deux postulats suivants : a) que l’institution est le cadre qui définit et légitime notre action professionnelle, et qui en permet l’opérationnalisation. Nous ne travaillons pas seuls, ni isolés d’un contexte institutionnel. Par cadre, nous entendons non seulement les conditions matérielles de notre exercice et les moyens dont nous disposons (savoirs, techniques, outils), mais aussi notre mandat et notre fonction. C’est notre cadre qui crée notre exercice ; modifier notre exercice passe par la modification du cadre qui permet celui-ci. b) que l’usager se trouvera d’autant mieux « aidé » (soigné, éduqué, formé, réinséré...) que l’institution sera « au clair » sur ce qu’elle est, ce qu’elle veut, ce qu’elle peut, et ce qu’elle fait - et donc sur ce qu’elle « produit » et comment elle le produit. L’idée est analogue à celle qui conduit le psychothérapeute en cure individuelle à « travailler » ses propres attitudes (contre-attitudes, ou en psychanalyse : « contre- Les deux principes ci-dessus guident l’action du psychologue lorsqu’il propose et conduit une action dite « travail institutionnel » auprès de (et avec) ses collègues et partenaires. Toutefois, pour pouvoir réaliser concrètement une telle action, il lui faut s’assurer de deux conditions nécessaires et indispensables : a) connaître et comprendre le dispositif institutionnel en question : missions (mandat), agrément, financement, organisation, partenariat - mais aussi son histoire et sa place parmi les autres institutions locales ; b) être disponible aux personnes et aux événements de l’institution - moyennant la part à faire entre plainte et demande (toute plainte n’est pas demande, et une demande n’adopte pas forcément la forme d’une plainte), et surtout leur teneur. Ces deux dispositions de base (connaissance de- et disponibilité à l’institution) constituent l’assise sans laquelle ne peut se faire un travail institutionnel avisé et concret. La fonction critique ou de questionnement « ... en deçà (des) moments d’impasse majeure, les agents psy pourraient se sentir responsables d’un retour permanent et bienveillant de l’institution sur soi. Renders parle ici de l’exercice d’une fonction “de questionnement” qui s’exerce à partir de bien des rôles possibles : Etre vigilant ; avoir les yeux ouverts sur les petits et grands événements institutionnels autour de soi... et donc circuler, ne pas être un psychologue de bureau. Savoir prendre l’initiative de parler ; faire remarquer ce qui va bien - c’est une excellente habitude de le relever ! - et aussi ce qui dysfonctionne ; insister pour qu’un problème actuel soit débattu, ne pas se laisser freiner par les pressions et autres mécanismes de maintien de l’homéostasie ; aider à aller plus loin que les méchants et stériles “bruits de couloir”. Parler de soi, de ce que l’on ressent, des idées que l’on a, en réunion ou informellement : cet engagement en premier lieu d’une parole personnelle peut donner envie aux autres d’en faire autant. Aider les autres à organiser l’observation et l’évaluation de ce qui se passe ; cependant, les rythmes d’une institution sont plus lents que ceux d’un individu et il ne s’agit pas de confondre le droit à la créativité avec cette sorte de fuite en avant, où l’on change perpétuellement ce que l’on vient de convenir. Prendre l’initiative, à l’occasion, de parler avec l’un ou l’autre... pour préparer une réunion. « [...] Résumons-nous : la bienveillance basale du psy à l’égard de ce qui se passe dans l’institution devrait s’exercer sans naïveté (rien ne saurait être parfait), ni compromission (certaines failles peuvent et doivent être dépassées !), ni passivité (à lui de prendre des initiatives et de donner le meilleur de lui-même). » - (Hayez, 1994-b, p. 138-139) Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 7 1.3. Modalités d’action Dans la pratique, le « travail institutionnel » peut correspondre à trois formes principales d’actions, qui peuvent se combiner entre elles : a) favoriser et éventuellement conduire la réflexion sur les pratiques actuelles de l’institution, y compris sous la forme d’une sensibilisation (ou d’un perfectionnement) à l’observation et à l’évaluation des situations professionnelles quotidiennes par les intervenants eux-mêmes ; b) favoriser, au niveau de l’équipe, l’expression d’idées et d’initiatives sur la pratique institutionnelle, sur le projet de service, ou sur un projet particularisé à une situation spécifique - sans que le psychologue lui-même s’empêche de participer lui aussi à ce travail créatif par ses propres suggestions ; c) participer à certains niveaux ou moments organisationnels internes à l’institution, à condition que les tâches et rôles que cela implique n’entrent pas en incompatibilité et en conflit avec les fonctions « Psy » recherchées. Il peut être intéressant que le psychologue occupe une position d’avis consultatif (et non décisionnel) auprès de la direction de l’établissement, par exemple sur des questions de politique de formation des personnels, ou sur des questions d’achat de matériel (dans la mesure où un équipement nouveau n’est pas sans effet sur la vie et sur les pratiques de l’institution). 2. Différenciation Quelques frontières sont à établir entre ce que l’on peut appeler le « travail institutionnel » du psychologue clinicien, et d’autres types d’actions, apparemment semblables ou proches. Il existe, en effet, des actions psychologiques qui pourraient être facilement - mais abusivement - assimilées au « travail institutionnel ». 2.1. L’audit est une pratique issue du monde de l’entreprise, et qui s’est étendue aux établissements médico-sociaux, et parfois même aux établissements scolaires, depuis le début des années 80. Dans le domaine, on parlera plus précisément d’ « audit social ». On peut définir l’audit comme « un ensemble d’outils et de méthodes qui permettent de mesurer la conformité, l’effectivité, l’efficacité, l’efficience des pratiques sociales et la cohérence de ces pratiques avec les autres stratégies de l’entreprise. » (Joing, 1993, p. 30). Il s’agit d’un examen systématique, à partir d’un référentiel de critères explicites, d’un dispositif institutionnel, de ses résultats, de ses effets, afin d’identifier les problèmes rencontrés, et de prendre les décisions appropriées pour leur réduction (Vander Borght, 1994, p. 148). L’audit relève donc d’une pratique d’évaluation, et éventuellement de restructuration. C’est une action limitée dans le temps, effectuée par un (ou des) intervenant(s) extérieur(s) à l’institution, et qui envisage celle-ci sous un angle uniquement organisationnel et gestionnaire. 2.2. On peut se demander, d’autre part, si le « travail institutionnel » du psychologue inclut la régulation des conflits internes à l’institution où il exerce. Le psychologue dans l’institution « Le psychologue promène sa clinique dans les lieux des pratiques qui sont essentiellement les lieux des pratiques des autres (infirmiers, éducateurs, médecins, assistants sociaux...). Il est vrai que bien souvent, au lieu de rester l’arpenteur, une sorte de monsieur Hulot des Sciences Humaines, il s’arrête et prend un siège, sort le dossier, la pâte à modeler, le magnétophone (ou s’en passe) et s’enferme avec le client, il est devenu thérapeute, il a son box à côté des autres, comme les autres - n’en parlons plus. Le psychologue qui accepte son destin de marginal hante les institutions ; le poste de psychologue “est prévu”, il profite de l’imprécision du rôle et de la tâche pour être témoin, un témoin traversé et traversant ; il promène sa clinique dans des lieux de pratique : il est inclus et exclu dans les entrelacs institutionnels qui tissent cette pratique, qui deviennent sinon son objet du moins son champ. [...] « Le psychologue dans l’organisation se meut au milieu des groupes, les approche ou les traverse ; s’il n’investit pas son statut ou un rôle et ne s’immobilise pas, il permettra un maintien en éveil de ces groupes (comme la petite boule que l’on met dans certains flacons de vernis pour maintenir par son agitation l’homogénéité et la suspension de ce qui sans elle se figerait) ; le psychologue sera analyseur* [...]. Passant d’un rôle à l’autre, d’un groupe à l’autre, d’une perspective à l’autre sans prendre de place réservée, il questionne la pratique institutionnelle, provoque les groupes institutionnels. Il ne lui est pas possible de “faire l’analyse” ni de prendre justement la place réservée d’analyste, mais sa fonction d’analyseur met en alerte les groupes. Il est celui qui demande à connaître, on pourrait dire encore un observateur participant, tantôt il concourt, tantôt il collabore, tantôt il anime, tantôt il effectue, tantôt il écoute ; ce faisant il lie les pratiques, il fait circuler sinon une parole au moins un vécu, il incite des perceptions, des comparaisons, quelques choses s’échangent (et changent). En soutenant sa différence, il permet quelque part au prix de son inconfort, la tolérance et la résurgence des différences, l’accommodation de quelques aversions. Il provoque une accession des groupes à eux-mêmes et l’avènement d’une demande. Ceci ne peut passer, étant donné l’inconfort de la fonction d’analyseur, que par une analyse constante du contretransfert institutionnel, c’est-à-dire de sa propre demande à l’institution, de son implication dans tous les éléments institutionnels, les investissements des signifiants à portée de fantasme dans le champ institutionnel. « Inutile de dire que si cette fonction d’analyseur vaut d’être assumée, c’est que l’institution, celle-même qui fonde la pratique comme celle qui naît de cette pratique, tend comme l’a dit J. Oury vers la nécropole : les institutions se crispent, se dessèchent, figent leur emprise, se transmuent en décors vides ou pouvoirs massifs où la pratique reste prise. » - (J. Barus-Michel, 1979, p. 207-209) *- Concept proposé par Lourau et Lapassade, par emprunt aux sciences physiques. En sciences physiques, l’analyseur n’a pas pour fonction « d’interpréter mais seulement, à ce premier niveau, de décomposer un corps. Il ne s’agit pas de construire un discours explicatif, mais seulement de mettre à jour les éléments qui composent l’ensemble » (Lapassade). En fait, s’il est nécessaire pour son travail que le psychologue se fasse vigilant aux événements institutionnels (grands ou petits), il n’est pas dans sa fonction d’y Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 8 régler les différends personnels ou corporatistes éventuels. Cette tâche revient aux professionnels chargés d’organiser et de garantir le fonctionnement optimal de l’institution, jusque dans ses aspects groupaux et individuels, c’est-àdire les directeurs et les chefs de service (médecin-chef, surveillant-chef, responsable de service socio-éducatif...). Au pire, il peut s’agir d’un cas de médiation. Il serait d’ailleurs bien difficile, pour le psychologue, de prendre une position suffisamment extérieure pour un tel arbitrage ; et surtout, de ne pas y perdre la spécificité de son approche de l’institution. Le psychologue clinicien, en effet, ne s’intéresse pas à « l’institutionnel » d’un point de vue organisationnel, mais du point de vue du service rendu à l’usager, dans le respect d’un mandat, et des enjeux institutionnels à l’endroit de l’usager. 2.3. Supervision - formation Autre aspect encore, facile à confondre avec le « travail institutionnel » : la supervision. On sait que ce terme et le type de pratique qu’il désigne ont surtout été développés par la psychanalyse, qui en a fait le point fort de sa didactique. Les pratiques de supervision se sont aujourd’hui étendues au-delà du strict champ analytique, et peuvent concerner d’autres pratiques psychothérapeutiques, ainsi que des pratiques éducatives, rééducatives, voire même pédagogiques. La supervision est une forme d’apprentissage (ou de perfectionnement) technique, utilisée dans le champ des pratiques thérapeutiques et éducatives. La supervision peut être individuelle ou se pratiquer « en » groupe ; parfois il peut s’agir d’un travail « de » groupe. Dans le cas d’une supervision d’équipe (supervision « de » groupe), on parle 2 parfois d’intervention institutionnelle , bien que cette notion puisse aussi inclure un travail d’aide à l’élaboration d’un projet (thérapeutique ou éducatif). Concrètement, il s’agit d’un travail de réflexion et d’approfondissement, théorique et technique, à partir du récit d’une situation professionnelle vécue, fait par le « supervisé » à un « superviseur » ; celui-ci renvoie des questions et des remarques, l’objectif étant que le professionnel supervisé puisse mieux comprendre, aprèscoup, la situation en question et le rôle qu’il y a joué, afin qu’il puisse en tirer enseignement pour la suite de sa pratique. Il y a donc plusieurs différences entre supervision et travail institutionnel, la première étant que la supervision est une action de formation, ce qui n’est pas le cas du travail institutionnel. Il s’agit, d’autre part, d’un type de formation qui interroge de façon assez précise l’implication personnelle du « supervisé » dans son travail thérapeutique ou éducatif - ce qui n’est sans doute pas souhaitable dans le cas d’un 2 - « L’intervention institutionnelle est une forme d’accompagnement, de soutien, de renforcement et d’analyse d’une démarche en cours, à laquelle un intervenant “extérieur” à la structure institutionnelle va accepter de s’associer pour un temps. Selon la taille de l’institution, les modalités de cette intervention seront fort variées : une seule équipe d’une institution peut demander la contractualisation d’une supervision d’équipe ; une intervention peut concerner l’ensemble d’un groupe institutionnel dans un premier temps, et s’en différencier et se spécifier par la suite. Ou inversement : la demande de supervision peut être testée avec une équipe et proposée à d’auters équipes ensuite. » (Vander Borght, 1994, p. 148). « travail institutionnel » qui, sans négliger cette dimension implicative, est moins centré sur des personnes que sur des fonctions et sur leur exercice. (En règle générale, il est préférable que le superviseur soit un intervenant extérieur à l’institution où travaille le supervisé.) Enfin, la supervision inclut (bien que modérément) un aspect d’information et de conseil techniques, qu’il serait d’autant plus mal venu de proposer de la part d’un psychologue aux personnels soignants ou éducatifs de son institution d’appartenance, que ce rôle relève des fonctions des chefs d’équipe et de service - (sauf, bien entendu, dans le cas d’une situation de stage de psychologue dont le praticien serait le référent dans l’institution, ou celui d’une demande de conseil de la part d’un collègue psychologue). Il n’est pas exclu qu’un psychologue contribue à la formation des autres membres de l’institution (cela lui est d’ailleurs parfois prescrit par ses missions). Mais il vaut mieux que son action adopte alors une forme plus participative (moins « extérieure ») que celle de la supervision, et en ne perdant pas de vue que ce type d’action lui fait toujours courir le risque de devenir « celui qui sait » et de fermer ainsi la possibilité d’un pluralisme et d’une synergie des savoirs et des savoir-faire au sein de l’institution. 2.4. Enfin, il convient de distinguer « travail institutionnel » et psychothérapie (ou thérapie) institutionnelle. A dire vrai, ce qu’on appelle le « travail institutionnel » du psychologue est l’une des retombées du courant sociohistorique qui a promu l’idée de psychothérapie institutionnelle, d’abord dans les établissements psychiatriques, puis dans diverses structures médico- et socio-éducatives (Chanoit, 1995). Dans l’absolu, on appelle « thérapie institutionnelle » : l’utilisation, à fin thérapeutique, de la vie sociale de l’usager résidant dans l’institution ; le cadre matériel, social, humain de l’institution va être exploité au mieux afin de favoriser l’amélioration de la situation actuelle du résident et sa « réhabilitation sociale ». Une telle conception du soin se veut délibérément en rupture avec une pratique d’enfermement et d’exclusion, et prétend mobiliser et utiliser toutes les ressources de la prise en charge au bénéfice du résident, y compris les soignants eux-mêmes et leurs relations avec le résident. Dans les faits, le courant historique de la « psychothérapie institutionnelle » n’a pas aussi radicalement transformé les pratiques en institutions soignantes et éducatives. Il les a cependant influencées en bien des points (par exemple : la pratique des réunions de synthèse, ou les pratiques de supervision). Le « travail institutionnel » proposé par les psychologues en est un autre effet, bien que plus modeste dans ses objectifs que la psychothérapie institutionnelle proprement dite. En résumé, notre définition du « travail institutionnel » est assez proche de ce que X. Renders et J.Y. Hayez (1994) ont appelé la « fonction de questionnement » du psychologue (voir encadré). Nous constatons, d’autre part, que le travail institutionnel du psychologue partagent certains points communs notamment avec la supervision, l’intervention institutionnelle, et la thérapie institutionnelle. Il s’en distingue: - par le fait qu’il est effectué par un psychologue interne à l’institution, donc en position de « tiers inclus », c’est-à- Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 9 dire impliqué dans l’institution mais dans une position et une fonction de « décentration » réflexive ; - par le fait qu’il s’agit d’une action non pas ponctuelle et isolée, mais continue, et même « permanente » ; - par le fait, enfin, que ce travail conserve prioritairement en vue le cadre institutionnel, sa « conscientisation » et son appropriation par chacun des intervenants de l’institution - et éventuellement par les usagers eux-mêmes (en ce cas, on se rapproche d’une perspective de type « thérapie institutionnelle »). III. MODÈLES OPÉRATOIRES Comme pour tout autre type d’action psychologique, le travail institutionnel nécessite une référentiel théorique qui permette d’analyser les phénomènes travaillés et de fonder les interventions proposées. Dans la mesure où le psychologue clinicien n’approche pas les processus institutionnels avec les mêmes objectifs que le psychologue du travail, il ne recourt pas aux mêmes références. L’intervention du psychologue du travail est centrée sur le fonctionnement d’une organisation ou d’une institution en vue d’en améliorer ou d’en garantir la productivité, et ceci dans un optimum des conditions psychologiques et relationnelles de travail que suppose cette productivité. Le psychologue clinicien, de son côté, ne s’intéresse à l’institution que dans la mesure où il suppose qu’elle est impliquée dans l’action entreprise auprès de l’usager et dans les questions qui peuvent se poser à propos de celuici. Son intervention ne concerne donc pas l’institution pour elle-même, mais le dispositif (thérapeutique, éducatif, pédagogique, judiciaire... ) qu’elle constitue, dont le psychologue lui-même fait aussi partie, et qui donne existence et sens à la clinique sur laquelle celui-ci est appelé à intervenir. D’où la préférence du psychologue clinicien pour des modèles théoriques permettant d’intégrer les données institutionnelles dans une approche qui reste clinique, au sens où elle s’attache à étudier et travailler des situations problématiques dans leur singularité. Les modèles psychanalytiques et les modèles systémiques notamment permettent une telle intégration, en particulier par le fait qu’ils offrent plusieurs niveaux possibles d’analyse (individuel, duel, groupal) et qu’ils admettent, chacun à leur manière, l’hypothèse d’un « inconscient » organisateur des 3 conduites et des relations , répondant ainsi à une autre caractéristique forte des approches cliniques actuelles. 1. Références systémiques En guise de préambule : « L’approche systémique peut donner quelques idées utiles sur le fonctionnement institutionnel, et rappeler aux professionnels pris dans la foulée d’un mouvement individualiste, que la dialectique nécessaire entre l’appartenance à un système et la différenciation des individus en son sein est à la base de l’expérience humaine de l’identité. Des repères peuvent aussi permettre à chacun de mieux identifier les conflits et d’être attentif aux dérapages qui 3 - Le concept de système est à la pensée systémique ce que le concept d’inconscient est à la pensée psychanalytique. constituent le pain quotidien de la vie institutionnelle. » (Meynckens-Fourez, 1994, p. 29) 1.1. Le concept de système Il existe plusieurs définitions du concept de système. A la suite de M. Selvini Palazzoli (1976), nous retiendrons celle de Hall et Fagen : « un système est un ensemble d’objets et de relations entre les objets et entre les attributs ». Selvini Palazzoli complète cette définition par un commentaire de P. Watzlawick, qui précise que les objets sont des composants ou des parties du système, les attributs sont des propriétés des objets, et les relations ce qui maintient ensemble le système. Dans le cas des systèmes vivants et pour ce qui intéresse le travail du psychologue, il s’agit de groupes qui ont une histoire, c’est-à-dire qui se sont développés en fonction de buts communs depuis un temps suffisamment long, qui se sont constitués comme unités fonctionnelles, et qui sont régis par des règles qui leur sont spécifiques. Dans ce type de systèmes, les interactions sont dites circulaires, car elles consistent en échanges continus d’informations et de rétroactions (feed back). Un système vivant est dit ouvert, lorsqu’il est en relation d’échange avec d’autres systèmes environnants. Les propriétés d’un système ouvert sont : la totalité : Un système ne se réduit pas à la somme de ses composants, il constitue un ensemble original qui a ses lois propres. Il y a interrelation entre les éléments, de telle façon que tout changement d’un seul d’entre eux retentit sur tous les autres. Le principe de totalité énonce que le tout est à la fois plus que ses parties (le système permet des réalisations que les individus isolés ne pourraient effectuer) et moins que ses parties (non-sommativité : aucun membre du groupe ne peut exploiter au maximum l’ensemble de ses potentialités et doit y renoncer). l’autorégulation : Tout système est caractérisé par une double tendance opposée, nécessaire à sa survie : la tendance au statu quo (homéostasie) et la tendance à la transformation (changement). On peut donc définir un système donné par la façon dont il maintient ces deux tendances en équilibre. C’est en étudiant les relations entre les composants du système que l’on peut comprendre celuici et apprécier son autorégulation entre homéostasie et changement. Ces relations sont à concevoir en termes d’informations et de communications, et en considérant le processus du feed back (rétroaction). Les rétroactions positives favorisent l’impulsion au changement, tandis que les rétroactions négatives tendent à maintenir l’homéostasie. Lorsqu’il y a déséquilibre entre les deux tendances (excès d’ouverture ou excès de fermeture), le système est dit en crise et il peut alors arriver qu’il disparaisse (dissolution). l’équifinalité : L’état final d’un système est indépendant de ses conditions initiales d’apparition. Les modifications qui interviennent à l’intérieur d’un système donné dans une succession temporelle donnée (succession diachronique) dérivent essentiellement de processus internes au système et des règles propres qu’il a établies. Autrement dit, ce sont les paramètres d’organisation du système dans le temps et qui lui sont propres, qui déterminent ses transformations, et non ses conditions initiales. Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 10 1.2. L’institution comme système 4 On parle d’organisation pour désigner la manière dont les parties d’un ensemble sont disposées pour remplir certaines fonctions. En ce sens, et comme nous l’avons déjà dit, une institution (de soin, d’éducation, d’action sociale...) est une organisation. Une organisation dépend à la fois d’un fonctionnement interne (les individus et les groupes qui la composent) et d’un fonctionnement externe (les pouvoirs publics qui agréent et subventionnent l’institution, les institutions partenaires, les familles des usagers, et plus largement le contexte social). Une organisation se spécifie, d’autre part, par des finalités, des règles, un organigramme, et des canaux de communications. Finalités Tout système vivant est orienté par des finalités. Dans le cas d’une institution, la finalité est une ou des valeurs auxquels les membres de l’institution adhèrent, et qui constituent en quelque sorte l’idéal vers lequel les professionnels veulent tendre, mais qu’ils n’atteignent pas nécessairement. La finalité est donc ce qui donne sens à l’institution. Cela peut être, par exemple, une conception de la prise en charge spécialisée des personnes en chômage de longue durée, qui choisit de privilégier la recherche d’un travail ; face au même type de population, une autre institution pourra avoir une tout autre finalité, par exemple de faire en sorte que la personne en chômage de longue durée puisse s’approprier sa situation (être « acteur ») et trouver une place dans la société, fût-ce autrement que par une formation professionnelle ou par la recherche d’un emploi stable (prévention de la désocialisation). Notons que l’adhésion aux finalités de l’institution permet de créer un sentiment d’appartenance et de souder entre eux les membres du système. Lorsqu’un membre n’adhère pas ou n’adhère plus à ces finalités, il tend généralement à résister aux buts, objectifs et moyens que se donne l’institution. Autre exemple : attaquer les finalités est une façon efficace de semer le trouble dans une institution (stratégie de « sabordage ») et de prendre (négativement) une position de pouvoir. Il peut être intéressant, en effet, de distinguer : - le but : c’est ce qui concrétise les finalités dans une vision à long terme (le but est donc ce qui rend réalisable et accessible une finalité) ; - l’objectif : c’est pour ainsi dire un « petit but », réalisé dans un délai déterminé, et par conséquent plus facile à évaluer qu’un but proprement dit (l’objectif est ce qui permet de rendre un but maîtrisable) ; - le moyen : ce que le professionnel met en oeuvre pour atteindre un objectif. 4 - Les exemples cités portent essentiellement sur les relations intra-institutionnelles et plus spécialement entre les professionnels ; mais il est bien évident que les mêmes principes d’analyse peuvent s’appliquer à la compréhension des autres niveaux du système, c’est-à-dire les échanges existant entre les usagers de l’institution, ceux qui existent entre les usagers et les professionnels, et ceux qui existent entre l’institution et l’extérieur. Par exemple, l’autonomisation peut être un but dans la prise en charge de jeunes handicapés mentaux ; ce but peut s’opérationnaliser sous la forme d’objectifs précis (par ex. faire en sorte que le jeune puisse se déplacer seul en ville) et par la mise en œuvre de moyens pour atteindre ces objectifs (par ex. circuler en ville seul avec le jeune et non plus en groupe accompagné et lui permettre de se donner des repères dans l’espace, ou entreprendre un travail d’aide psychologique pour comprendre avec lui les peurs ou les angoisses sousjacentes à son incapacité à circuler seul en ville). La confusion entre finalités et moyens peut être une source de dysfonctionnements institutionnels. Exemple : lorsque les finalités ont perdu leur sens et que les moyens subsistent ; la conservation de ceux-ci reste alors la seule raison d’être de l’institution, qui les fait fonctionner de façon formelle et pour ainsi dire « à vide ». Ou bien encore, la dérive de certaines pratiques de réunions (moyen) qui, parties de l’intention de partager et de réguler les difficultés particulières rencontrées par les professionnels dans leur travail (but ou objectif), deviennent par exemple de simples lieux exutoires ou des moments strictement organisationnels. A l’inverse, on peut rechercher des moyens et les trouver, mais sans analyse suffisante de leur pertinence pour les finalités, ou sans élaboration suffisante de celles-ci. On peut ainsi observer, dans certaines institutions, une forme de « fuite en avant » où chaque situation de crise tente de trouver sa solution dans de nouveaux moyens (du matériel ou des formations du personnel par ex.), au lieu d’analyser le processus générateur de ces crises. « Définir et rappeler les finalités donne un sens à l’institution, à l’organisation et aux interactions et peut servir de tiers, de garde-fou et de régulateur de distance dans une équipe, évitant ainsi que la redéfinition constante de la relation puisse prendre le pas sur le projet institutionnel. Nous entendons par “redéfinition constante de la relation”, le fait que des partenaires ne peuvent se mettre d’accord sur la place de chacun et ne parviennent pas à préciser qui fait quoi sans automatiquement imaginer un changement dans la relation. » - (Meynckens-Fourez, 1994, p. 32) Règles Dans un système, les règles sont ce qui permet de gérer les relations entre les membres, les manières d’entrer et de sortir du système ; de définir l’espace et le temps attribués à chacun, et l’utilisation des biens et des moyens. Les règles donnent une référence commune, et peuvent donc faire office de tiers, en facilitant la définition des relations. Toutefois, ceci n’est possible que si elles sont suivies par tous, c’est-à-dire acceptées comme contrainte partagée et fonctionnelle. Les règles peuvent être explicites ou implicites. Plus le sentiment d’appartenance à un groupe est faible ou plus la cohérence de ce groupe est réduite, plus les règles devront être explicitées pour favoriser l’adhésion de chacun au système (par ex. dans le cas des équipes nouvellement constituées ou récemment modifiées). Certaines règles correspondent à des finalités en accord avec les besoins actuels réels de l’institution ; d’autres peuvent correspondre à des finalités dépassées, devenues caduques, et qui peuvent fonctionner comme un mythe (voir encadré). Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 11 Deux ensembles de critères sont à retenir : Mythe familial - Mythe institutionnel Mythes familiaux. « Le terme de mythe familial a été proposé par A.J. Ferreira (1963) pour rendre compte des attitudes de pensées défensives du groupe familial, qui assurent une cohésion interne et une protection externe ; le mythe familial est donc un organisateur qui remplit une fonction homéostatique d’autant plus sollicitée que le groupe considéré est en souffrance, en difficulté, en crise, et qu’il menace de se transformer, de se disloquer, voire de disparaître. Un mythe familial se rapporte à une série de croyances créées et partagées par tous les membres d’un groupe familial ; il est constitué en relation avec l’ethos et les rituels de la famille ; le mythe familial est ainsi le sens que le foyer cherche à donner aux actions, aux pensées et aux émotions de chacun. Ce sens peut être en contradiction avec celles-ci. En effet, le contenu du mythe se développe indépendamment des distorsions qui existent éventuellement entre le type de la croyance et les agissements de ceux qui la partagent. » (p. 370) Mythes institutionnels, mythes sociaux. « Au même titre que les familles, les organisations de la société contemporaine (école, armée, justice, médecine, état, etc.) véhiculent des systèmes de croyances collectivement partagées, qui assurent la cohésion interne de leurs fonctionnements et la protection vis-à-vis des autres groupes ; chaque microsystème institutionnel (service asilaire, salle de classe, service d’assistance éducative, etc.) sécrète ses propres niveaux d’organisation mythique. » (p. 372) (d’après : J. Miermont, dir., Dictionnaire des thérapies familiales. Théories et pratiques, Paris, Payot, 1987.) Organigramme L’organigramme est ce qui définit la hiérarchie et les liens entre les membres d’une organisation. Dans un langage systémique, l’organigramme est ce qui définit les sous-systèmes (ou sous-ensembles) qui composent un système donné, en fonction de leurs projets et de leurs tâches. Ceux-ci peuvent avoir ou non leur organisation propre. En réalité, il existe généralement un « organigramme officiel » et un « organigramme non officiel » ; ce dernier correspond à la réalité effectivement opérante, parfois très différente de la réalité officielle. De trop grandes discordances entre ces deux niveaux peuvent entraîner des confusions hiérarchiques ou des dérives fonctionnelles. A l’inverse, une superposition exacte de ces deux organigrammes relèvent du mythe (au sens défini plus haut). Canaux de communication L’approche systémique a depuis longtemps intégré les apports des théories de la communication et prend en compte cette dimension dans l’analyse des fonctionnements institutionnels. communications officielles / non officielles : Dans toute institution existent des communications officielles, c’est-à-dire émanant d’une autorité reconnue (légitimée) et constituée. Le plus souvent, elles sont consignées par écrit, ou émises dans des contextes « publics », plus ou moins formalisés (réunions, déclarations solennelles). Les communications non officielles, à l’inverse, sont le plus souvent orales, ou passent par des voies de communication analogique (sourire, regard, posture... ) ; ou bien elles sont non officielles parce qu’elles relèvent d’un contexte non établi, non protocolaire (réunions informelles, conversations privées, « bruits de couloir »... ). L’officialisation consiste à créer un cadre pour que la parole et les informations puissent circuler. Officialiser permet d’assurer la circulation de la parole, de réduire les sentiments de pouvoir occulte, et d’éviter l’escalade symétrique (i.e. une surenchère sans fin) entre personnes qui ne détiennent pas le même niveau d’information. L’officialisation renforce donc l’organisation, dans la mesure où elle facilite les interactions et où elle contribue au positionnement des éléments du système. Soulignons que la coexistence, dans une institution, des deux types de communications (officielle et non officielle) est inévitable. On pourrait même dire qu’elle est nécessaire, dans la mesure où elles entretiennent un rapport dynamique vital pour l’institution (tout ne peut pas être officiel, comme tout ne peut pas être non officiel). L’un comme l’autre de ces deux types de communications peuvent aboutir à des excès et entraîner des dysfonctionnements. Exemple : lorsque les communications officielles sont très fréquentes, donnant aux membres de l’institution le sentiment d’une omniprésence de l’autorité hiérarchique, ou au contraire générant un doute quant à l’autolégitimation de cette autorité trop insistante à se manifester, ou encore amenant à une banalisation des communications officielles. Autre exemple : lorsque des communications officielles émanant d’instances différentes interfèrent, voire se contredisent. De même, les communications non officielles peuvent contribuer à développer des informations ou des réseaux d’informations parallèles, et à introduire ainsi un brouillage plus ou moins toxique des situations que les communications officielles sont censées définir et clarifier. communications diachroniques / synchroniques La communication diachronique est celle qui traverse le temps et assure la mémoire du système. C’est la communication conservée, par exemple sous forme d’archives, de comptes rendus, de références théoriques produites ou utilisées par l’institution, ou encore sous la forme d’une connaissance par chacun de l’histoire de l’institution. La communication diachronique est donc celle qui peut faire référence pour le présent et lui donner une insertion dans le temps. Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 12 La communication synchronique est celle qui se situe dans le temps présent. C’est la communication de l’actuel, du quotidien. Des dysfonctionnements peuvent naître du déséquilibre entre ces deux temporalités. premier psychologue, ou entre la fonction « psy » et la position des familles pour le second, voire même entre les deux psychologues, chacun des deux étant considéré comme susceptible d’être en lien privilégié avec la direction et/ou avec les familles. Par exemple, lorsque l’institution use systématiquement de la référence à son propre passé pour résoudre tout problème actuel, en s’appuyant notamment sur des comptes rendus de réunions anciennes utilisés comme véritable code de réglementation interne établi et irrévocable ; ou au contraire, lorsque l’institution ne vit que dans l’actuel, ne laissant aucune trace « objectivée » de son quotidien, et laissant ainsi le champ libre à toute interprétation subjective a posteriori, c’est-à-dire à une communication diachronique informelle, éparse, donc peu fiable et non appropriée par l’institution elle-même. Notons, de plus, qu’une interaction est d’autant plus fonctionnelle qu’elle se fera dans le respect de la hiérarchie (Selvini), c’est-à-dire depuis la position légitimement impartie et reconnue à chacun dans l’institution. Ceci ne signifie pas que l’on ne puisse rien dire ou rien faire par rapport à un niveau hiérarchique supérieur, mais seulement que cette action sera d’autant plus reconnue et efficace, qu’elle se fera dans les limites de la place définie à chacun dans l’institution, en tenant compte de ces limites dans les propositions émises, et en se référant aux finalités de l’institution comme tiers de cette démarche. 1.3. L’institution comme ensemble d’interactions Dans les fonctionnements familiaux, Jay Haley a décrit (en 1967) des phénomènes d’alliance entre deux personnes d’une même famille et dirigée contre une troisième ; cette alliance peut être niée par l’un des deux membres de la coalition voire même méconnue, d’où la difficulté pour son allié ou pour tout autre partenaire de savoir dans quelle mesure elle est réelle ou non (« triangle pervers »). De même, dans les fonctionnements institutionnels, on parle de coalition niée (ou d’alliance niée) lorsqu’il y a alliance entre deux personnes de niveaux hiérarchiques différents contre une troisième, et que cette alliance est niée. Ce type de relation entraîne évidemment des doutes dans les communications : « les personnes prises dans une coalition niée ne pourront tenir le même discours avec tous les membres de l’institution. Elles se trouveront dans l’impossibilité de poser leurs propres conditions dans la définition de la relation avec les autres membres de l’institution. Elles se trouveront dans l’impossibilité de fonctionner comme catalyseur de communication fonctionnelles, car elles seront contrôlées par un autre ; elles risquent de devoir à la fois confirmer l’autre et se disqualifier elles-mêmes. » (Selvini et coll., 1984). L’institution est un ensemble d’interactions, c’est-à-dire d’actions et d’influences réciproques entre les membres (i.e. les individus qui composent l’ensemble). Conformément aux principes de totalité et d’équifinalité, ces actions et influences ne sont pas seulement le fait des éléments ; elles sont aussi interdépendantes du système et de l’organisation de celui-ci. Du point de vue des phénomènes uniquement intrainstitutionnels, nous pouvons retenir trois aspects. Définition de la relation Dans l’approche systémique, définir la relation c’est « définir les compétences et les limites supposées d’un individu par rapport à un autre dans un contexte donné, laissant à chacun la possibilité d’accepter, de refuser ou de négocier cette définition proposée. Ceci entraîne une dynamique circulaire pouvant évoluer dans le temps : la définition n’est jamais un fait acquis une fois pour toutes. » (Meynckens-Fourez, 1994, p. 37). La définition de la relation peut être explicite, et en ce cas elle contribue à clarifier la position de chacun et son territoire d’action ; ou implicite, ce qui peut entraîner des confusions et des malentendus dans la relation. Dans le cas où la définition de la relation n’est pas claire ou lorsque cette définition n’est pas partagée par tous les partenaires, toute interaction sera ressentie comme une volonté de modifier la relation et cette préoccupation prévaudra, venant plus ou moins brouiller le contenu de la relation. Autrement dit, la définition de la relation a pour but de préciser les limites du pouvoir de chacun. La définition de la relation est déterminée en partie par les protagonistes de celle-ci, et en partie par le système auquel ils appartiennent. Ainsi, la position de deux psychologues dans une même institution ne sera pas perçue de la même façon par les partenaires ou par les usagers selon que l’un est défini dans une relation de conseil auprès de la direction par exemple, et l’autre dans une relation d’intervention auprès des familles des usagers. Les relations que l’un et l’autre noueront avec leurs partenaires ou avec les usagers en seront influencées différemment. Toutefois, si cette définition n’est pas explicite et claire, une confusion peut s’inscrire dans les relations entre la fonction « psy » et la fonction de direction pour le Coalition niée Exemple : Dans le cadre d’une mesure probatoire, un conseiller d’insertion et de probation (CIP) se prend de sympathie pour un jeune condamné dont il assure le suivi socioéducatif pénal. Il lui prête de l’argent, l’héberge à son domicile, et lui épargne l’exécution de quelques-unes des obligations pénales décidées par le juge de l’application des peines (JAP) à l’endroit du jeune homme. Outre que cette aide personnelle constitue évidemment une faute professionnelle (de l’ordre de l’abus éthique), elle relève d’une coalition niée puisqu’elle s’est faite dans une connivence entre le CIP et le condamné, à l’insu du magistrat et à l’encontre de l’autorité de celui-ci. Répétition analogique d’interactions Il est fréquent qu’un même type d’interactions ou de règles d’interaction existe à des niveaux différents dans un même système. C’est ce qu’on observe par exemple dans les familles où les relations entre les enfants sont identiques à celles qui existent dans le couple parental. Dans les institutions, on peut assez facilement remarquer que les modes ou les règles d’interactions des Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 13 usagers peuvent influer sur les interactions des professionnels entre eux, et vice versa. Par exemple, dans les institutions s’occupant d’enfants présentant des troubles du comportement, l’équipe des professionnels tendra à se confronter, à son propre niveau, à des problèmes de règles, de transgression des règles, de respect de la hiérarchie, ou de trop grande ouverture. Les institutions s’occupant de personnes considérées comme « chroniques » (arriérés, personnes démentes, psychotiques graves... ) ou « sans avenir » (personnes âgées, handicapés lourds) auront souvent des difficultés à définir ou à maintenir leurs finalités, et auront tendance à rigidifier leurs règles (ce qui se traduira par une impression de routine répétitive et d’ennui). Dans les milieux institutionnels de type disciplinaire (le milieu carcéral par ex.), l’équipe aura facilement tendance à définir très strictement les relations, à privilégier une explicitation et une officialisation des informations, et à réduire au minimum l’ouverture du système vers l’extérieur (cf. Foucault : notion de « culture d’enceinte »). Il est fréquent qu’un même rapport au pouvoir se répète à plusieurs niveaux d’une même institution (par ex. dénier sa propre autorité et induire une relation de fausse parité), ou un même type de communications (par ex. une grande méfiance entre les usagers ou un climat de suspicion généralisée, dans une institution où, au niveau de l’équipe, la règle implicite est de parler des problèmes importants de façon non officielle et jamais de façon officielle). 2. Références psychanalytiques Contrairement à l’image communément véhiculée à son propos, la psychanalyse n’est pas une psychologie individuelle ; elle a toujours inclus comme nécessaire la dimension de l’Autre, du social dans sa réflexion, comme Freud l’a indiqué à de nombreuses reprises dans son oeuvre. Il existe ainsi, depuis Freud lui-même et ensuite par le fait d’autres auteurs (W.R. Bion, E. Jaques, M. Balint, J. Bleger, I. Menzies, D. Anzieu, R. Kaës, E. Enriquez, etc.), une histoire déjà longue d’une pensée psychanalytique dans et sur les institutions (soignantes, éducatives, rééducatrices, pénitentiaires, formatrices). Il serait bien évidemment trop long d’en restituer ici la diversité et la richesse. Nous nous contenterons, en nous appuyant principalement sur les travaux de René Kaës, de résumer les principes et les concepts fondamentaux qui caractérisent les théories psychanalytiques des institutions. Puis nous examinerons quelques aspects des « souffrances institutionnelles », considérées d’un point de vue psychanalytique. 2.1. Psychanalyse et institution Du point de vue psychanalytique, l’institution peut être définie : d’une part, comme une formation de la société et de la culture, d’autre comme une formation psychique. Formation de la culture et de la société : au sens où nous l’avons déjà évoqué, d’une inscription culturelle de notre humanité en tant qu’opposée à la nature (voir plus haut, point 2.1). Formation psychique : En accomplissant ses diverses fonctions culturelles et sociales (juridiques, religieuses, de défense et d’attaque, de production et de reproduction), l’institution réalise aussi des fonctions psychiques multiples pour les sujets singuliers. « Elle mobilise des investissements et des représentations qui contribuent à la régulation endopsychique et qui assument les bases de l’identification du sujet à l’ensemble du social ; elles constituent [...] l’arrière-fond de la vie psychique dans lequel peuvent être déposées et contenues certaines des parties de la psyché qui échappent à la réalité psychique. » (Kaës, 1988, p. 10). Mais plus encore, il existe une intrication étroite entre vie psychique et institution. C’est ce que soutient Freud dans Totem et tabou (1913) et dans Pour introduire le narcissisme (1914), où il affirme que l’inconscient est pour une part constitué par la transmission intergénérationnelle des formations et processus psychiques. Dans le même ouvrage, Freud expose sa célèbre théorie de l’établissement originaire de la société humaine : mémoire et mémorial du meurtre fondateur, structuration du lien d’appartenance par l’identification au totem, instauration du tabou, transmission du récit par la voie mythique et par l’appareil à interpréter et à signifier les mœurs, cérémonies, préceptes et représentations construites après le meurtre originaire. Dans Psychologie des masses et analyse du Moi (1920-21), Freud considère que l’institution est une donnée primaire de l’identification et de la formation du Moi. Il apparaît ainsi, dans la perspective freudienne, que la vie psychique suppose l’institution, et que celle-ci est une partie de notre psyché. Dans une analyse plus fine, on peut repérer dans la pensée analytique l’hypothèse de plusieurs organisateurs ou « formations intermédiaires » (Kaës) déterminant le fondement psychique des ensembles sociaux en même temps qu’ils forment les bases de notre psychisme. (D’où le terme « formations intermédiaires » proposé par Kaës pour désigner « ces formations psychiques originales, qui n’appartiennent en propre ni au sujet singulier, ni au groupement, mais à leur relation », ibid., p. 17). Le groupement comme communauté d’accomplissement du désir et de la défense. Selon Freud l’identification est la formation intermédiaire qui fait tenir ensemble les sujets de l’institution et l’institution elle-même ; c’est aussi l’identification qui détermine la relation des sujets de l’institution au Mittler ou au Vermittler (ministre, chef, meneur, leader), incarnation de l’Idéal. « Le groupement - en tant que formation psychique intermédiaire - est ce qui dans l’institution lie, dans une réalisation de type onirique et par la communauté des symptômes, des fantasmes et des identifications, les sujets de l’institution entre eux, de telle sorte qu’ils puissent y investir leurs désirs refoulés et trouver les moyens déformés, détournés, travestis, de les réaliser ou de s’en défendre. Par là ils se lient à l’institution, à son idéal, à son projet, à son espace. Fonder une institution, la faire fonctionner, la transmettre ne peuvent être soutenus que par des organisateurs inconscients dans lesquels se trouvent pris des désirs que l’institution permet de réaliser. » (ibid., p. 23) Le renoncement pulsionnel et l’avènement de la communauté civilisée. Un autre thème psychanalytique majeur est la nécessité du renoncement à la satisfaction pulsionnelle individuelle pour pouvoir constituer « un ensemble plus puissant que chaque individu particulier » et bénéficier des bienfaits de la vie en société. C’est au prix de cette contrainte et de ce renoncement, que sont possibles les compensations et le Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 14 contrat : « L’homme civilisé fait l’échange d’une part de bonheur possible, contre une part de sécurité » (Freud, Malaise dans la civilisation). « Ainsi la communauté en tant que droit protège contre la violence de l’individu, impose la nécessité et rend possible l’amour. Ce que Freud décrit est un biface : renoncement pulsionnel et avènement de la communauté de droit ont une fonction et une signification dans l’espace psychique singulier et dans l’espace psychique du groupement institutionnel. Il nous décrit tout à la fois l’assise psychique de la fondation juridique de l’institution et de l’affiliation légitime des sujets. » - (Kaës, 1988, p. 27) Le contrat narcissique comme permanence, affiliation et soutien du sujet singulier dans l’être-ensemble. Bien que les acquis de la socialisation soient « extorqués » (Freud) au narcissisme de l’individu, celui-ci n’y renonce jamais tout à fait, et c’est ce qui fonde la continuité des générations et des groupes, c’est-à-dire l’identité de filiation et d’affiliation. En empruntant un concept proposé par Piera Castoriadis-Aulagnier (en 1975), on pourrait dire avec R. Kaës que les rapports corrélatifs individu-ensemble social repose sur un contrat narcissique : « chaque nouveau venu doit investir l’ensemble comme porteur de la continuité et réciproquement, à cette condition, l’ensemble soutient une place pour l’élément nouveau. Tels sont schématiquement les termes du contrat narcissique : il exige que chaque sujet singulier prenne une certaine place offerte par le groupe et signifiée par l’ensemble des voix qui, avant chaque sujet, a tenu un certain discours conforme au mythe fondateur du groupe. Ce discours, chaque sujet d’une certaine manière doit le reprendre. C’est par lui qu’il est relié à l’Ancêtre fondateur. » (Kaës, 1988, p. 29). Le groupement humain se fonde sur des espaces psychiques communs négatifs, de l’ordre du refoulement. R. Kaës appelle pacte dénégatif la formation intermédiaire qui, dans tout lien social, consiste à vouer au refoulement, au déni, au désaveu, ou au maintien dans l’irreprésenté ou dans l’imperceptible, ce qui viendrait mettre en cause la formation et le maintien de ce lien et des investissements dont il est l’objet. Le « pacte dénégatif » est un corrélât du contrat de renoncement et de la communauté d’accomplissement des désirs : il en est la contreface et le complémentaire. « Il s’agit d’un pacte inconscient, d’un accord entre les sujets concernés par l’établissement d’un consensus destiné à assurer la continuité des investissements et des bénéfices liés à la structure du lien (couple, institution... ), et à maintenir les espaces psychiques communs nécessaires à la subsistance de certaines fonctions ancrées dans l’intersubjectivité ou dans des formes de groupement plus spécifiques : fonction de l’idéal, organisation collective de mécanismes de défense. Cette recherche de la concorde apparaît donc comme la négativisation de la violence, de la division et de la différence que comporte tout lien : le pacte fait taire les différents ; c’est pourquoi il s’agit d’un pacte dont l’énoncé, comme tel, n’est jamais formulé. Accord tacite sur un dire divisant, il est et doit demeurer inconscient. Le pacte lui-même est refoulé. Redoublement du silence : le prix du lien est ce dont il ne saurait être question entre ceux qu’il lie, dans leur intérêt mutuel, pour satisfaire à la double logique croisée du sujet singulier et de la chaîne. » - (ibid., p. 33) En résumé : La structure psychique de l’institution est le résultat de l’agencement des diverses formations intermédiaires qui la constituent, et détermine les processus psychiques qui s’y développent, selon les lois de la causalité propres à l’inconscient. 2.2. Souffrance et psychopathologie dans les institutions Etant donné le caractère biface de ces formations intermédiaires (constitutives à la fois de la réalité psychique du sujet singulier et de l’ensemble institutionnel auquel il participe), on peut dire que l’institution est un objet psychique commun, et qu’à ce titre elle ne peut pas souffrir. Ce qui peut souffrir, par contre, c’est notre rapport à l’institution et dans ce rapport ; ce qui peut souffrir, c’est l’institution en nous, ce qui en nous est institution. « Nous souffrons du fait institutionnel lui-même, immanquablement : en raison des contrats, pactes, communauté, et accords inconscients ou non, qui nous lient réciproquement, dans une relation asymétrique, inégale, où s’exerce nécessairement la violence, où s’éprouvent nécessairement l’écart entre l’exigence (la restriction pulsionnelle, le sacrifice des intérêts du Moi, les entraves au penser) et les bénéfices escomptés. Nous souffrons de l’excès de l’institution, nous souffrons aussi de son défaut, de sa défaillance à garantir les termes des contrats et des pactes, à rendre possible la réalisation de la tâche primaire qui motive la place de ses sujets en son sein. Mais nous souffrons aussi, dans l’institution, de ne pas comprendre la cause, l’objet, le sens et le sujet même de la souffrance que nous y éprouvons. » - (ibid., p. 37-38) Entendue en ce sens, on peut repérer plusieurs sortes de souffrance institutionnelle : La souffrance de l’inextricable Il s’agit des situations dominées par la confusion des éléments de l’ensemble institutionnel ou par l’indifférenciation de l’élément et de l’ensemble. Il se constitue alors une confusion des formations, des processus et des effets de sens, en raison d’une abolition des limites de chacun, d’une évanescence du sujet, et d’une transversalité de la subjectivité. D’où une angoisse liée à des représentations de non-identité et à la confrontation à des « noyaux indifférenciés » de notre psychisme. Il y a souffrance de l’inextricable lorsque le mode syncrétique (ou isomorphe) nécessaire au lien institutionnel n’est plus contrebalancé par les formes différenciées du lien. La souffrance associée à un trouble de la fondation et de la fonction instituante Il s’agit d’une forme de défaillance des formations contractuelles impliquées dans ce qui fonde une institution dans sa singularité. En l’occurrence, le trouble concerne la constitution de l’illusion fondatrice : « le défaut d’illusion institutionnelle prive les sujets d’une satisfaction importante et étiole l’espace psychique commun des investissements imaginaires qui vont soutenir la réalisation du projet de l’institution, arrimer l’identification narcissique et le sentiment de l’appartenance à un ensemble suffisamment idéalisé pour affronter les difficultés internes et externes. » (ibid., p. 40). Toute institution, lorsqu’elle est nouvelle, se base sur l’illusion d’être novatrice et conquérante. C’est cette illusion qui soutient le risque et les sacrifices consentis pour participer à cette aventure. Mais si cette illusion est maintenue inchangée en dépit de l’expérience, dans le déni de celle-ci, elle peut être source d’échec et devenir nocive : Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 15 la souffrance est alors celle de la désillusion, et du renoncement au « fétiche ». La souffrance associée aux entraves de la réalisation de la tâche primaire Une autre forme de défaillance contractuelle est l’empêchement de la réalisation de la tâche primaire, c’està-dire de ce qui fonde la raison d’être, la finalité et la raison du lien intersubjectif. Sans l’accomplissement de la tâche primaire, l’institution ne peut survivre. Par exemple, dans les institutions soignantes, la tâche primaire est de soigner. Mais d’autres tâches s’associent à celle-ci, de manière complémentaire, par exemple administrer l’institution ou défendre les droits des soignants. Si ces tâches complémentaires dominent la tâche primaire, ou entrent en concurrence ou contradiction avec elle, elles peuvent la supplanter. La lutte défensive contre les dangers réels ou imaginaires liés à la tâche primaire mobilise alors toute l’énergie psychique disponible et peut même modifier l’organisation institutionnelle au point de ne plus protéger ses sujets contre la réalisation de la tâche primaire, ou au contraire de les protéger contre cette réalisation mais en empêchant celle-ci. Les entraves à la réalisation de la tâche primaire sont pour ainsi dire « des attaques à la communauté d’accomplissement du désir que soutient la représentationbut inconsciente commune aux sujets de l’institution » (ibid., p. 42-43). La souffrance associée à l’instauration et au maintien de l’espace psychique Lorsqu’il y a écart entre la culture de l’institution et le fonctionnement psychique induit par la tâche, il apparaît une difficulté d’instaurer ou de maintenir un espace psychique de contention, de liaison et de transformation... des pensées, des affects et des sujets. « L’espace psychique dans l’institution s’amenuise avec la prévalence de l’institué sur l’instituant, avec le développement bureaucratique de l’organisation contre le processus, avec la suprématie des formations narcissiques, répressives, dénégatrices et défensives qui soutiennent l’institution contre un environnement hostile, ou dans la stratégie de maîtrise de certains de ses sujets, ou lorsqu’une partie d’entre eux se trouve menacée par l’émergence des formes élémentaires de la vie psychique. Dans un hôpital de jour pour enfants psychotiques, l’équipe médicale jugulait toute expression des émotions, notamment des affects négatifs de la part des éducateurs et des psychothérapeutes, comme dommageable à l’institution elle-même. » - (ibid., p. 43) L’institution est le lieu et l’occasion d’organisations défensives contre les désirs refoulés qu’elle accomplit, et contre ce qui viendrait mettre en péril son existence ou le rapport de ses sujets à la tâche primaire qui les réunit. C’est en ce sens que Elliott Jaques (1955) a pu dire que l’institution accomplit des fonctions de défense contre les angoisses (angoisses de persécution, angoisses de dépression), des membres de l’institution, en tant qu’individus et en tant que membres de l’institution, et pour l’espace psychique commun de l’institution. Lorsque ces fonctions défensives sont impossibles ou défaillantes, l’espace psychique commun ne peut plus s’instaurer ni se maintenir. C.B. – 1998 Mise à jour : avril 2001 Références bibliographiques Le « travail institutionnel » : définition Barus-Michel J. (1979). Le psychologue et l’institution : pour une régulation institutionnelle ou de l’analyseur au régulateur, Bull. Psychol., XXXII, n° 339, 207-219. Bourricaud F. (1995). Institutions, Encyclopaedia Universalis, 12, 388-391. Boursier F. & al. (2000). Des représentations dans les institutions sociales et médico-sociales, Lyon, Collège Coopératif Rhône-Alpes (SCOPÉDIT). Canguilhem G. (1956). Qu’est-ce que la psychologie ?, rééd. in : Etudes d’histoire et de philosophie des sciences, 2e éd., Paris, Vrin, 1981, p. 33-45. Caron F. (1998). Les fonctions des psychologues dans les institutions, Psychologues et Psychologies, 141, 15-17. Chanoit P.F. (1995). La psychothérapie institutionnelle, coll. Que Sais-je ?, n° 2999, Paris, PUF. Clément R. (1990). Le psychologue praticien du psychique, Bull. Psychol., 394, XLIII, 194-203. Dachet F. (1986). Le métier de psychologue, in : Guillaume M. (dir.), L’état des sciences sociales en France, Paris, La Découverte, p. 374-379. Enriquez E. (1988). Le travail de la mort dans les institutions, in : Kaës R. & al., L’institution et les institutions. Etudes psychanalytiques, Paris, Dunod, p. 62-94. Fustier P. (1993). Les corridors du quotidien, Lyon, PUL. Fustier P. (1999). Le travail d’équipe en institution. Clinique de l’institution médico-sociale et psychiatrique, Paris, Dunod. Fustier P. (2000). Le lien d’accompagnement, Paris, Dunod. Gaillard B. (1997). A partir du diagnostic institutionnel : un espace projectif avec intervention à propos de dispositifs scolaires, Cahiers de Cliniques Psycho-logiques, 20, 75-95. Hayez J.Y. (1994-a). Mandats, contrats et statuts, in : Hayez J.Y. & coll., L’institution résidentielle, médiateur thérapeutique, Vigneux, Édition Matrice, p. 157-188. Hayez J.Y. (1994-b). Les fonctions “Psy”, in : Hayez J.Y. & coll., L’institution résidentielle, médiateur thérapeutique, Vigneux, Édition Matrice, p. 107-139. Joing J.L. (1993). L’audit de la qualité dans les établissements médico-sociaux, Toulouse, Privat. Lagache D. (1956). De l’aptitude au métier de psychologue, rééd. in : Le transfert et autres oeuvres psychanalytiques - Oeuvres III, Paris, PUF, 1980, p. 295-306. Lalanne C. (1993). Les pratiques éducatives et les “risques du métier”, Cahiers de Cliniques Psychologiques, 16, 33-47. Lapassade G. (1970). Groupes, organisations et institutions, ème 2 éd., Paris, Gauthier-Languereau. Lapassade G. (1971). L’analyseur et l’analyste, Paris, Gauthier-Villars. Lévi-Strauss C. (1950). Introduction à l’ouvrage de Marcel Mauss : Sociologie et anthropologie, Paris, PUF. Lourau R. (1970). L’analyse institutionnelle, Paris, Éditions de Minuit. Navelet C., Guérin-Carnelle B. (1997). Psychologues au risque des institutions. Les enjeux d’un métier, Paris, Éditions Frison-Roche. Petit F. (1979). Introduction à la psycho-sociologie des organisations, Toulouse, Privat. Renders X. (1994). Des fonctions et des rôles, in : Hayez J.Y. & coll., L’institution résidentielle, médiateur thérapeutique, Vigneux, Édition Matrice, p. 49-57. Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 16 Tomkiewicz S., Vivet P. (1991). Aimer mal, châtier bien. Enquêtes sur les violences dans les institutions pour enfants et adolescents, Paris, Seuil. Vander Borght C. (1994). Les fonctions de formation, d’analyse et de recherche, in : Hayez J.Y. & coll., L’institution résidentielle, médiateur thérapeutique, Vigneux, Édition Matrice, p. 141-154. Vogt C. (1992). Grammaire des institutions, Rennes, ENSP Éditeur. Le « travail institutionnel » : références systémiques et psychanalytiques Enriquez E. (1992). L’organisation en analyse, Paris, PUF. Jaques E. (1955). Des systèmes sociaux comme défense contre l’anxiété de persécution, trad. fr., in : Levy A. (dir.), Psychologie sociale. Textes fondamentaux, tome 2, Paris, Dunod, 1965. Kaës R. (1980). L’idéologie : études psychanalytiques. Mentalité de l’idéal et esprit de corps, Paris, Bordas. Kaës R. (1988). Réalité psychique et souffrance dans les institutions, in : Kaës R. & al., L’institution et les institutions. Etudes psychanalytiques, Paris, Dunod, p. 1-46. Kaês R. (1999). Les théories psychanalytiques du groupe, coll. Que Sais-je ?, n° 3458, Paris, PUF. Kaës R. & al. (1979). Crise, rupture et dépassement. Analyse transitionnelle en psychanalyse individuelle et groupale, Paris, Dunod. Kaës R. & al. (1996). Souffrance et psychopathologie des liens institutionnels. Eléments de la pratique psychanalytique en institution, Paris, Dunod. Ménéchal J. (1997). Reconnaître le sujet, penser l’institution, construire la démocratie, Pratiques Psychologiques, 3, 9-20. Meynckens-Fourez M. (1994). L’institution comme système, in : Hayez J.Y. & coll., L’institution résidentielle, médiateur thérapeutique, Vigneux, Édition Matrice, p. 29-47. Neuburger R. (1995). Analyse systémique de l’institution : le parcours du patient, in : Le mythe familial, Paris, ESF, p. 140-146. Neuburger R. (1995). Théorie et mythe d’appartenance en pratique psychiatrique, in : Le mythe familial, Paris, ESF, p. 133-139. Santiago Delefosse M. (1997). Quand les institutions prescrivent la clinique, Pratiques Psychologiques, 3, 31-44. Selvini Palazzoli M. & al. (1976). Le magicien sans magie ou Comment changer la condition paradoxale du psychologue dans l’école, trad. fr., Paris, ESF, 1980. Selvini Palazzoli M. & al. (1980). Les pièges des institutions, trad. fr., Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 2, 60-67. Selvini Palazzoli M. & al. (1984). Dans les coulisses des organisations, trad. fr., Paris, ESF. “Les psychologues et les institutions”, Psychologues et Psychologies, n° 141, janv.-févr. 1998, 2-39. Le « travail institutionnel » du psychologue – texte : C. Bouchard / 17