Alimentation, Prise de conscience-choc!

Transcription

Alimentation, Prise de conscience-choc!
Alimentation,
Prise de conscience-choc!
Le Rapport Campbell : J’ai lu pour
vous…
Par :
Jean Guy Sicotte M.D.,
D.O.(Q)
Le docteur Campbell a eu une carrière de chercheur dans le domaine de l’alimentation dès le
début de sa vie professionnelle. Orienté d’abord
vers l’étude du rôle des protéines dans la santé,
il a participé à plusieurs recherches sur la toxicité de différents herbicides, insecticides et
engrais chimiques dans l’agriculture. Les recherches étaient financées par des subventions
de différentes universités américaines bien
connues : Cornell, Virginia Tech, M.I.T.
Né sur une ferme où il y a passé son enfance,
son adolescence et le début de sa vie adulte, il a
partagé avec sa famille toute la générosité de la
nature. On y élevait les animaux qu’on sacrifiait
pour s’en alimenter. Viandes de qualité, bœuf,
porc, poulet et autres produits de la ferme, tels
œufs, lait, fromage étaient la base d’une alimentation saine.
Du moins l’a-t-il cru jusqu’à la maladie cardiovasculaire de son père, frappé d’un premier
infarctus à 61 ans, et d’un deuxième infarctus
foudroyant à 70 ans. La mère de sa femme
décédait à 51 ans d’un cancer du rectum après
une expérience de vie semblable sur la ferme.
Ses recherches dans le domaine des protéines,
d’origine animale, l’ont amené un jour aux
Numéro 55
Philippines pour élaborer un programme de
recherche sur la cause de nombreux cancers
du foie chez les enfants. Une rareté dans les
statistiques infantiles à travers le monde. Des
observations préliminaires faisaient déjà suspecter la présence d’aflatoxine produite par les
moisissures affectant les cacahuètes et le maïs.
Un aliment de base chez les enfants, le beurre
d’arachides pouvait être le facteur de cause de
ces cancers du foie…
Ses recherches débutèrent d’abord en laboratoire avec des rats. Cet animal convient bien
à des études comparatives avec la physiologie
de l’homme; 90% des gênes des 2 espèces sont
partagés. Ces animaux furent nourris d’aliments
contenant des aflatoxines et développèrent en
dedans de quelques mois un cancer du foie dans
plus de 50% des cas.
Le Dr Campbell et son équipe pensaient aider
la prévention du cancer en nourrissant ces
mammifères avec de bonnes protéines animales. Une moulée contenant 20% de protéines
servit donc d’aliment complet à un groupe de
rats tandis qu’un autre groupe fut alimenté avec
seulement 5% de protéines. C’était le groupe
témoin.
À leur grande surprise, le premier groupe alimenté avec 20% de protéines « de qualité »
développa la même proportion de cancer du
foie. Surprise plus grande, les rats ne recevant
que 5% de protéines dans leur alimentation ne
développaient aucun cancer.
Ces constatations mettaient à rude épreuve
la conviction du Dr Campbell qui avait déjà
publié plusieurs rapports sur les vertus alimentaires des protéines animales.
À la suggestion de collègues chercheurs aux
Inde qui observaient que les populations alimentées de protéines végétales seulement, les
Journal L’Ostéopathie... Précisément
35
pauvres qui ne pouvaient se payer le mode de
vie occidental (Américain) ne présentaient que
peu ou pas de maladies dites de « civilisation ».
Maladies cardiaques athérosclérotiques, obésité et diabète et cancers les plus fréquents de
notre « civilisation » (rectum, prostate, seins),
ne cessent d’augmenter selon les statistiques les
plus récentes des 20-30 dernières années.
L’étude sur les rats fut modifiée en donnant des
protéines végétales. Nouvelle constatation chez
ces mêmes rats nourris aux aliments contaminés par les aflatoxines : aucun rat ne développait le cancer du foie.
Le contact avec d’autres chercheurs dans le
domaine de la nutrition a amené le Dr Campbell à lancer une grande recherche à l’échelle
internationale. Ce fut la China-Oxford Cornell
Study. Avec la participation de ces 2 grandes
universités, l’une anglaise, l’autre Américaine
et la contribution d’un grand chercheur chinois,
le professeur Junshi Chen, directeur du plus
grand laboratoire de recherche sur la santé en
Chine. Le territoire de recherche était la Chine.
Grande population, territoires différents, bords
de mer, plaines, montagnes et bordure du désert
de Gobi; mais tous ces gens avaient le même
bagage génétique.
L’état de santé et la longévité variaient cependant beaucoup selon le niveau de vie. On y
choisit 65 comtés dans 37 états (division de
la Chine). Deux villages furent désignés dans
chaque comté et 100 personnes par villages,
50 hommes – 50 femmes, furent invités à participer à cette étude sur une période de 20 ans.
Sans changer les habitudes de vie, même alimentation, mêmes activités physiques (travail
aux champs ou à la ville, ils acceptèrent que
l’on procède à des analyses de laboratoires et
autres observations pertinentes en vue de compiler des données permettant de comprendre
l’état de santé pouvant varier d’un groupe à
l’autre.
lestérol (on ne le retrouve que dans la graisse
animale, les hydrates de carbone complets ou
raffinés. Furent également étudiées les quantités de kilocalories et leur origine (animale ou
végétale) de même que les fibres alimentaires.
Les conclusions de cette étude qui a duré 20
ans furent que les maladies courantes de notre
époque d’abondance occidentale telles maladies
coronariennes athérosclérotiques, le diabète et
l’obésité, de même que les cancers (prostate,
seins, gros intestins) n’existaient pas chez la
population rurale de la Chine. Cette population
qui se nourrit presque exclusivement de fruits,
légumes et.... de riz.
Autre étude qui aurait dû donner l’alarme
chez nous, le rapport Mc Govern, publié aux
États-Unis en 1977. Une étude sur la santé des
populations de zones défavorisées aux ÉtatsUnis amena le comité formé pour cette étude
à découvrir qu’existait une population pauvre,
mal informée qui ne pouvait se bien nourrir.
Mais, de plus, qu’une autre partie de la population mieux nantie mangeait trop. Les conclusions du rapport furent que la santé des Américains se détériorait depuis la fin de la guerre
1939-1945, période de privation remplacée par
une période d’abondance.
Les recommandations de ce comité, formé de
plusieurs députés représentants de plusieurs
états américains et du Sénateur George Mc
Govern, représentant du South Dakota, proposèrent un nouveau guide de nutrition pour les
Américains.
Les principales causes de mortalité étant les
maladies cardiaques, certains cancers, les ACV,
la haute pression, l’obésité, le diabète et l’athérosclérose*, les recommandations du comité
furent que les Américains mangent moins de
gras, moins de cholestérol (retrouvé seulement
avec les protéines animales), moins de sucres et
autres hydrates de carbone raffinés.
Les conclusions :
Les paramètres étudiés furent les quantités
consommées de gras animal ou végétal, les protéines d’origines animales ou végétales, le cho-
36
Journal L’Ostéopathie... Précisément
Ce fut le rapport Mc Govern qui utilisa pour
la première fois le terme « complex carbohy*Information : United States Senate Select Committee on
Nutrition and Human Needs (Mc Govern Committee)
Numéro 55
drates», ciblant les fruits, les légumes et les
céréales à grains entiers. En plus de recommander ces aliments, il suggérait de réduire l’apport
de viandes grasses (le bœuf et le porc), les œufs
et les produits laitiers.
Les recommandations « manger moins » ont
déclenché de fortes réactions négatives de la
part de l’industrie du sucre, des œufs, des produits laitiers et des éleveurs de boeufs particulièrement bien représentés dans l’état qui avait
élu le Sénateur Mc Govern, le South Dakota !
Plusieurs industries de l’alimentation présentèrent une riposte au rapport Mc Govern, telle
que le cite « The Mc Dougall Newsletter » de
Octobre 2012. Au moment où le rapport Mc
Govern fut publié, la consommation de gras
animal, bœuf, volaille et produits laitiers étaient
la plus élevée jamais atteinte; également à son
apogée, le nombre de décès par maladies cardiaques et AVC.
L’industrie de l’alimentation contrattaqua, par
tous les moyens à leur disposition incluant le
travail de lobbyistes, de grosses campagnes
publicitaires, influences sur l’éducation des
enfants (les écoles) et l’établissement de projets
de recherches en faveur de leurs produits. Le
succès de cette désinformation à l’encontre des
conclusions et recommandations du rapport Mc
Govern eut pour résultat de doubler l’incidence
de l’obésité et du diabète de type 2 chez nos
voisins américains entre 1977 (date de la publication du Rapport Mc Govern) et 2008. Plusieurs relevés statistiques des dernières années
confirment ces résultats et les projections
futures avancent le spectre de 44% des Américains qui seront obèses d’ici 2030.
Est-ce que le rapport Campbell (2005) et ses
recommandations réussiront à renverser ces
tendances?
Plus près de nous, un ouvrage publié par
Madame Jacqueline Lagacé, double PhD,
professeure à la faculté de médecine de l’Université de Montréal nous invite à une nouvelle
réflexion sur l'alimentation.
Cette docteure en immunologie et bactériologie
décrit son expérience personnelle d’avoir souffert d’arthrite rhumatoïde. Sa maladie évalua
d’abord lentement sur une période de 5 ou 6
ans.
Une rigidité douloureuse progressive des
doigts, de la main, des poignets et des coudes
ainsi que des genoux et de toute la colonne
vertébrale la faisait souffrir 24 heures par jour
malgré toute la panoplie médicamenteuse de
notre pharmacologie moderne. « Malgré l’incapacité de la médecine traditionnelle à me soulager » écrit-elle.
Elle vint à découvrir les recommandations d’un
médecin français, le Dr Jean Seignalet qui,
sur une période de 18 ans et auprès de 2500
patients, avait établi une liste de 115 maladies
des plus variées, qui comportaient un caractère
inflammatoire.
Son intuition, ses connaissances en immunologie et en nutrition l’amènent à investiguer
l’alimentation de ses patients. Il constata que
plusieurs des maladies, 91 des 115, s’amélioraient en modifiant leur alimentation. Cette
modification consistait à cesser complètement
l’apport de viande rouge (bœuf et porc), toute
friture, tout sucre raffiné. Et dans plusieurs cas,
comme l’a constaté Dre Jaqueline Lagacé, il
faut éviter l’apport de gluten (blé, avoine, orge,
seigle) et produits laitiers. Trois tableaux complets des maladies traitées par le Dr Seignalet
sont reproduits dans le livre « Comment j’ai
vaincu la Douleur et l’Inflammation chronique
par l’Alimentation ». On retrouve également
ces tableaux sur le site internet du Dr Seignalet.
Il y cite le pourcentage de réussite pour chaque
type de maladie.
Madame Lagacé décrit le changement vécu en
observant rigoureusement les directives de ce
dernier : « Dix jours seulement après le début
du régime, je n’ai plus ressenti de douleur aux
mains » écrit-elle, sauf si elle pressait ses articulations métacarpophalangiennes. Ses doigts
commencèrent à se délier après 3 mois et une
récupération complète au bout de 16 mois. Elle
précise qu’elle n’a utilisé durant cette période
aucune des thérapies qu’elle avait auparanant
tentées en vain, telle physio, acupuncture,
37
Numéro 55
Journal L’Ostéopathie... Précisément
ostéopathie, massage. Juste une petite friction
matinale de récupération de mouvement des
doigts, mains et poignets. Et elle cite les explication du Dr Seignalet sur les mécanismes de
l'inflammation :
« Les inflammations chroniques apparaitraient
généralement après de nombreuses années de
consommation d’aliments qui sont nocifs pour
certains individus génétiquement sensibles ».
Oui il peut y avoir une prédisposition génétique
appelée cofacteur en médecine, mais qui ne
peut causer à lui seul une maladie. Il faut qu’il
y ait un facteur environnemental telle l’alimentation. C’est la conclusion du Dr Seignalet. Le
Dr Campbell est arrivé aux mêmes conclusions
dans sa « China Study ». Presque tous ces
Chinois avaient les mêmes caractères génétiques, descendants de la civilisation Han, mais
les mieux nantis seuls développaient ces maladies de « civilisation ».
pensable à une bonne santé.
Plus près de nous, Dean Ornish, cardiologue
américain qui prône le végétarisme : aucune
protéine d’origine animale. Vingt-cinq pour
cent des lits d’hôpitaux sont occupés par des
patients souffrant de problèmes arthérosclérotiques causés par les habitudes alimentaires.
Ces maladies sont réversibles, parfois même
à un stade pas assez sévère, par modification
radicale de l’alimentation et de l’environnement selon ce cardiologue.
Cause principale de ces problèmes : l’alimentation, le stress, la cigarette et l’alcool.
En qualité d’ostéopathes, l’ostéopathie c’est de
la médecine, nous devons être bien informés
sur l’importance de cette source vitale, l’alimentation. ◄
Bibliographie
Plusieurs autres auteurs ont fait des recommandations semblables concernant l’alimentation.
Pour n’en citer que quelques-unes. Ce fameux
clairvoyant américain, Edgar Cayce (18771945), qui en transe d’autohypnose recommandait dans tous les cas de maladies à composante
inflammatoire d’éviter toute viande rouge, friture et sucre. Légumes, de préférence ceux qui
poussent hors terre, volaille et poisson à l’occasion, et surtout céréales à grains entiers devaient être l'essentiel d'une bonne alimantation.
Étaient aussi indispensable, les attitudes; « vous
ne pouvez entretenir des aigreurs envers votre
prochain, disait-il, sans éprouver des aigreurs
à l’estomac ». Exercices physiques et équilibre
dans la répartition travail-loisirs étaient indis-
T. Colin Campbell, PhD et Thomas M. Campbell M.D.,
Le rapport Campbell (Traduction de The China Study)
Éditions Ariane 2005.
Mc Govern Report : U.S.A. Senate Select Committee on
Nutrition and Human Needs, 1968-1977. Par Internet.
Eating in America, Dietary goals.
MC Dougall, News Letter, october 2012 (WEB)
Jacqueline Lagacé PhD, Comment j'ai vaincu la douleur et l'inflammation chronique par l'Alimentation,
Éditions Fides, 2011.
Dean Ornish M.D., Reversing Heart Disease, Édition
Ballantyne, 1990.
38
Journal L’Ostéopathie... Précisément
Numéro 55