Belo Horizonte - Didier Marc GARIN
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Belo Horizonte - Didier Marc GARIN
Brésil, Belo Horizonte - Corumbá Lundi 14 décembre Au petit déjeuner, Roberta, revenue d'Iteroi où elle a retrouvé le père de ses enfants, me propose de partager un thé aux herbes. Nous discutons, dans un mélange improbable de différentes langues, et elle me parle un peu de son travail d'arthérapeute et de sa famille. Vers 9h, je m'agite vaguement pour finir de ranger mes affaires, préférant prendre de l'avance pour attraper le bus de 11h pour Belo Horizonte. Grand bien m'en prend, car, un premier bus de ville m'étant filé sous le nez malgré mes gesticulations et appels, le second, qui daigne s'arrêter et me laisser monter, prend un tout autre parcours que celui que j'avais pris jeudi et nous arrivons à la rodoviária après trois quarts d'heure de route au lieu des 20 minutes mises la première fois. Il me reste cependant un peu de marge pour prendre un capuccino, soit une sorte de crème de café surdosée en sucre. Me voilà plein d'énergie pour la journée, que je vais passer assis essentiellement ! Le bus se remplit entièrement ; un système très bien étudié assure la réception des bagages contre un reçu, les billets étant ici nominatifs. Je me retrouve assis à côté d'un garçon d'une dizaine d'années qui voyage avec ses parents et une tante j'imagine et qui ne desserrera pas les dents du voyage, vu qu'il en passera les trois quarts du temps, comme la plupart de ses concitoyens, à dormir ! Pour ma part, je ne quitterai pas le paysage des yeux, hormis une demi-heure de somnolence. La sortie de Rio se passe sans encombre, et nous nous retrouvons bientôt sur une quatre voies qui dessine un tracé sinueux à travers des petites montagnes couvertes de forêts magnifiques. Des hameaux ponctuent parfois la route, sans charme aucun : la plupart des maisons en briques ou en béton ne sont pas finies, plantées à l'envi, formant un magma informe inhospitalier. Quant aux grandes villes que nous longeons, elles ne donnent guère envie de s'y arrêter. Sur le coup de 14h, nous faisons une pause pour nous restaurer dans une grande cafétéria, accueillis à la descente du bus par un jeune homme au sourire carnassier ! Je m'offre deux beignets de poisson ainsi qu'un « gâteau des indiens » qui me rappelle un gâteau carotte cannelle mangé aux USA en 1980, miracle de la mémoire gustative ! Un schweppes tonic complète le tout, il fallait bien ça pour entrecouper les sept heures de voyage nécessaires pour parcourir 450 kms. Nous arrivons donc à Belo Horizonte à 18h10, un peu plus tôt que l'heure annoncée, il faut dire que la compagnie s'appelle cometa ! À peine arrivé, je profite d'être à la station de bus pour acheter mon billet vers Ribeirão Preto pour une centaine de reais (25 €). Cette fois, la compagnie s'appelle pássaro verde, sans doute volerons-nous à travers cieux ! N'ayant pas de plan de la ville, je demande la direction de la rua de Bahia (prononcer Baíya) où je dois loger. J'avais repéré qu'elle n'était pas loin du terminal de bus, mais les distances ici sont toujours trompeuses. Au bout de 10 minutes de marche, je tombe enfin sur la grande artère. J'entreprends de la descendre, puisque j'arrive au numéro 902 quand mon studio est au 187. Mon sang se glace (malgré les 30° extérieurs) quand je me rends compte que l'hypothétique numéro 187 se retrouve au milieu d'une grande place dépourvue de tout immeuble. Grâce à la bienveillance de trois collecteurs de taxes (l'équivalent de nos « aubergines » j'imagine), je trouve le lieu convoité, du côté opposé à celui où il aurait dû se trouver, mystère international des numérotations de rues ! En guise d'accueil, le gardien de l'immeuble m'informe que l'administration vient de fermer et qu'il me faudra revenir demain matin 5h pour récupérer les clés du studio que j'ai loué. Je déglutis, inspire fortement, souris jaune, et lui explique que j'ai réservé via le site Airbnb et que la réservation commence ce soir. Par chance, la dame qui papotait avec lui, incite le gardien à fouiller dans le tiroir de son bureau ; non sans étonnement, il en sort une enveloppe sur laquelle mon nom est inscrit en belles majuscules. Par chance supplémentaire, le propriétaire des 110 studios à la location de l'immeuble (dont 15 pour Airbnb m'expliquera-t-il) sort de l'ascenseur et a la gentillesse de me conduire en personne à mon nouveau palais ! Jefferson m'explique que le bâtiment d'assez belle architecture fut un des grands hôtels de Belo Horizonte mais qu'il a arrêté d’accueillir les clients en 2001, date à laquelle le consortium qu'il dirige l'a racheté pour le réhabiliter en studios de location pour jeunes et personnes âgées. La chambre est spacieuse, équipée de deux lits, d'un réfrigérateur, d'un four micro-onde, d'une armoire et d'une salle d'eau vaste elle aussi ; un poste de TV trône sur le frigo, et propose quelques chaînes dont la moitié convie le spectateur à louer Dieu, super ! À côté de cela, rien n'est fourni, que ce soient les draps, les serviettes de toilette ou le matériel de cuisine ; même pas un balai pour laisser un semblant de propreté en partant. Fort heureusement, l'ayant compris en effectuant ma réservation, je m'étais équipé en conséquence, pour 9 € la nuit, il est difficile de demander l'impossible ! Le lieu est propre, repeint assez récemment sans doute, cela ira pour la semaine grâce aux boules quiès indispensables, tant le vacarme des avenues adjacentes est intense. Une fois mes affaires installées et une douche prise, je m'en vais faire de premières petites courses avant de dîner de trois pastels au fromage et d'une tourte extrêmement copieuse aux miettes de poisson, fromage et maïs, acquise pour 1 € ! Il faut dire qu'ici les prix ont l'air d'être deux fois moins élevés qu'à Rio, j'imagine que le niveau de vie suit en proportion... Repus et plutôt lessivé par une journée passée à ne rien faire, je me couche vers 22h30 ! -1- Mardi 15 Au sortir d'une longue nuit réparatrice, je sors vers 9h30 pour prendre mes premières marques dans la ville. Dans le hall de l'immeuble, je tombe sur 'Dida', nickname de Rodrigo, un archéologue francophone qui se propose, après présentations faites, de m'amener au centre d'information le plus proche afin que je me procure un plan de la ville et glane les infos utiles pour mon séjour. Tandis que les deux charmantes hôtesses me donnent les infos escomptées, Dida leur conte quelques fleurettes, bleues j'imagine ! En sortant de l'office, Dida m'explique plus sérieusement son parcours, m'affirmant avoir déjà visité 124 pays, et certains à plusieurs reprises. Il me laisse ensuite me diriger vers un bâtiment administratif où une demi-heure d'Internet est offerte à quiconque en fait la demande ; une charmante personne m'inscrit sur son registre et me désigne un poste grâce auquel je vais pouvoir envoyer les nouvelles aux êtres chers et confirmer le rendez-vous que j'ai prévu jeudi avec des compositeurs. De retour au studio, après avoir vaguement déjeuné, je m'offre une sieste, une sorte de rhume que je lie à la pollution et à la chaleur me laissant ko. Vers 16h, je décide d'aller vers la place de l'indépendance où sont regroupés la plupart des sites à visiter ? Je tombe sur le Centro de arte popular - Cemig qui recèle des trésors, récents, mais ô combien émouvants. Ce sont des sculptures en céramique ou en bois d'artistes encore vivants ou morts récemment et qui ne sont pas sans me stupéfier par l'originalité de leur figuration. Et notamment celles de GTO (Geraldo Teles de Oliveira) et de Ulisses Pereira Chaves dont les céramiques polymorphes sont confondantes d'originalité. Pour mon plus grand plaisir, je suis seul dans ce musée inauguré en 2012, qui propose 4 salles très bien organisées, au design moderne et sobre, à l'éclairage parfait pour admirer ces œuvres étonnantes. Mais je suis triste aussi de constater que peu de Brésiliens viennent découvrir leur patrimoine, bien que la plupart des musées soient gratuits. Une œuvre en bois de Geraldo Teles de Oliveira Une œuvre en céramique de Ulisses Pereira Chaves Après une heure de visite vraiment plaisante, je déambule dans le cœur de la ville aux artères bien dessinées, qui montent et qui descendent, Belo Horizonte étant entourée de collines assez élevées. La soirée se profile vite et je zappe d'une chaîne à l'autre de la TV pour parfaire mon portugais, tout en me morfondant devant les shows organisés par des pasteurs cathodiques repoussants. Mercredi 16 Mon projet était d'aller ce matin au parc futuriste Inhotim, situé à une cinquantaine de km de BH. Le bus que m'avaient indiqué les jeunes femmes du centre d'information ne semble pas vouloir passer bien que je sois à l'arrêt bien avant son passage annoncé. Au bout d'une grosse demi-heure d'attente, de guerre lasse, je renonce à cette visite dont je me réjouissais. Je retourne envoyer et vérifier mes courriels, le rendez-vous de demain a été déplacé, j'ai eu le nez creux ! Je passe une nouvelle journée au calme, mon rhume m'épuisant passablement. Je m'offrirai tout de même un concert choral dans l'église de Lourdes (eh oui, elle est partout !), qui s'avère de bonne qualité, malgré le parasitage d'autres musiques venues de bâtiments à l'entour. Je ne découvre que deux ou trois pièces du répertoire classique et populaire brésilien, les autres pièces étant de compositeurs européens, fêtes de Noël obligent. Si, au début du concert, nous ne sommes qu'une trentaine d'auditeurs, à la fin, pas moins d'une centaine de personnes applaudit chaleureusement le chœur, toute l'assemblée se levant comme cela semble l'habitude à la fin des concerts. Après avoir fait quelques -2- emplettes, je rentre et dîne tranquillement au studio, et notamment d'une bonne salade mélangeant mangue et pastèque, le besoin de fruits se faisant pressant. Jeudi 17 Journée de rendez-vous : à 10h, rencontre avec cinq musiciens enseignant au Conservatoire de la ville. La directrice de l'établissement nous accueille dans un bâtiment refait récemment. Nous parlerons pendant plus de deux heures dans le studio d'électro-acoustique dont s'occupe João Pedro Oliveira, compositeur portugais arrivé voici 5 ans à Belo Horizonte avec son épouse brésilienne. La plupart des musiciens parlent français et, tous le comprenant, nous préférons utiliser la langue de Molière pour nos échanges, avec quelques incursions vers l'anglais si besoin. Tout le monde me confirme que les projets de nature artistique doivent recevoir l'approbation d'une commission gouvernementale dédiée avant que la recherche de fonds puisse commencer. Autant dire que l'incertitude règne sur la faisabilité des projets jusque la dernière minute, d'autant plus qu'il n'existe pas de fonds pour ce que nous nommons en France le fonctionnement, que ce soit d'un groupe de musiciens constitué, d'une troupe de danse, etc. Les demandes doivent être réitérées tous les ans, une épée de Damoclès fort désagréable à supporter. João Pedro m'invite à déjeuner dans un self-service tout près du conservatoire en compagnie d'Eduardo, guitariste qui s'est tourné sur le tard vers la composition. Ils m'arrangent un rendez-vous pour 18h avec Berenice Menegale et Rubner de Abreu qui s'occupent de la Fundação, établissement d'enseignement artistique essentiellement musical créé voici 53 ans et dont Berenice est le pilier. Malheureusement, son état de santé l'empêchant de se déplacer ce soir, je n'aurai pas la possibilité de rencontrer cette figure de 82 ans qui a beaucoup fait pour la vie de la musique contemporaine à Belo Horizonte. Rubner, gaillarde personnalité de 58 ans, m'accueille fort cordialement et nous papotons pendant trois heures, à la Fundação d'abord, puis devant un plat italien. La Fundação vouant une grande part de sa mission à accueillir des jeunes de milieux défavorisés (40% des élèves sont boursiers), une réflexion profonde sur la pédagogie a été menée, et l'accent est mis sur l'utilisation de la percussion corporelle et sur la solmisation relative (do, ré, mi pour les intervalles, A, B, C pour les hauteurs absolues). Discussion passionnante qui me fait bien comprendre la richesse et la diversité du patrimoine 'biologique' et 'culturel' du Brésil. Vendredi 18 Journée passé à Ouro Preto, très jolie ville de montagne qui fut le fief des orpailleurs et des exploitants de l'or au XVIIIe siècle essentiellement. Le trajet entre Belo Horizonte et Ouro Preto va durer plus de deux heures bien que la distance ne soit que de 90 km ; il faut dire que la route que nous suivons est plutôt sinueuse et tellement raide parfois que le bus peine à gravir les pentes, d'autant plus si un camion moins puissant lui ouvre la route en mode ralenti, opportunité pour admirer un panorama grandiose. La ville apparaît joliment comme un lacis de quartiers colorés, murs blancs aux balcons et fenêtres parés de couleurs vives. Une architecture bien préservée des XVIIIe et XIXe siècles donne une certaine unité à la ville, cela change des grandes conurbations hérissées de tours informes, bâties au gré de l'espace disponible. La rodoviária est sur les hauteurs de la ville, façon d'offrir au touriste fraîchement débarqué la découverte de la ville d'un seul coup d'œil. Une première église jouxte la station de bus dont les portes ouvertes feraient mieux de rester fermées, tant l'intérieur manque d'intérêt. Le cimetière attenant est joliment décoré de fleurs artificielles, les tombes mal entretenues étant presque toutes des dalles sobres dont les croix en bois ou en pierre indiquent le nom et les dates de naissance et de décès des défunts. Vue panoramique de Ouro Preto Je descends vers le centre ville par une rue qui n'aurait rien à envier à celle du Jerzual de Dinan, pour ceux qui connaissent ! La pente est si forte qu'il vaut mieux assurer son pas sur les pavés qui recouvrent toutes les rues, le bitume étant ici proscrit. Les rues commerçantes attirent une population nombreuse et, pour m'isoler, je me dirige vers des ruelles moins fréquentées. J'y découvre plusieurs fontaines publiques en cours de restauration et qui furent mises en -3- fonction au XVIIIe siècle pour permettre l'accès correct en eau des citoyens. L'usage de ces lieux stratégiques permettant à tous les commérages de fleurir diminuera sensiblement avec l'équipement des foyers en eau courante, mais, depuis la reconnaissance d'Ouro Preto par l'UNESCO, une volonté de les restaurer permet de les remettre en valeur. Mes déambulations me conduisent ensuite vers le sommet du centre ville, la place Tiradentes. En chemin, je visite le Museu casa dos contos qui retrace à grands traits le passage du troc à l'impression des billets de banque et la frappe de la monnaie ; les commentaires en portugais et en anglais permettent de mieux comprendre les enjeux qui présidèrent au développement de cette petite bourgade. Je prends mes points de repère depuis la très belle place et décide de me restaurer avant de visiter les autres musées disséminés dans le centre. Je gagne rapidement un petit restaurant attirant de la rue principale, monte à la salle de l'étage où presque toutes les tables sont occupées. Une dernière vacante me tend... ses pieds, et peu de temps après un père et son fils viennent me tenir compagnie, quoique sans l'échange de la moindre parole. Après une longue attente pendant laquelle j'assiste à un jeu de chaises musicales tellement les personnes déjeunent rapidement, le plat du jour nous est apporté : un grand plat de riz accompagné des inévitables haricots secs en sauce et un plat garni d'un gratin de pommes de terre, d'une tranche de porc farci de saucisse fumée et d'un peu de salade. Le tout s'avère délicieux et pour un prix défiant toute concurrence, 3€ avec ½ litre d'eau minérale. Après être remonté à la place Tiradentes, pour finir de reprendre des forces, je commande dans la chocolaterie l'un des meilleurs cappuccino que j'aurai jamais bu, un goût subtil de cannelle surnageant sur une chantilly bien épaisse recouvrant un café presque chocolaté. Sur ces entrefaites, je m'attaque au gros morceau de la ville, le Museu da inconfidência qui retrace plus ou moins clairement l'histoire de la ville, avec quelques vestiges romains, du mobilier urbain, des armes, les chaînes imposées aux esclaves et, point principal, l'explication de la révolte des Brésiliens d'Ouro Preto face aux colons portugais à la fin du XVIIIe siècle qui se termina par l'exécution de nombreux révoltés parmi lesquels leur meneur, Tiradentes, tout cela avec la bénédiction de l'Église bien entendu. Le musée est en soi assez étonnant, logé qu'il est dans l'ancienne Casa de Câmara e Cadeia de Vila Rica, grande bâtisse dont l'accès se fait par un double escalier monumental. Gardiens et gardiennes sont affublés d'un uniforme proche de celui des SA allemands, d'un marron chocolaté peu ragoûtant, mais tous se montrent fort avenants, me saluant à l'entrée de chaque salle, ce qui ne fut jamais le cas dans les autres musées brésiliens déjà visités. Après une bonne heure de visite, je retourne à la conquête de ce centre ville très animé, dont les boutiques de souvenirs sont assez étonnantes, mélangeant artisanat local (notamment avec des objets et sculptures confectionnés en pierre douce très facile à travailler) et bondieuseries au goût plus que douteux. Je goûte le plaisir de ne pas être harcelé par les vendeurs qui restent très discrets et courtois, presque sur la réserve. L'heure tournant, je décide d'aller envoyer quelques mails dans une boutique proposant tous les services informatiques et administratifs possibles. La pluie s'étant mise à tomber doucement, je prends mon temps pour regagner la rodoviária naviguant d'un abri à l'autre non sans admirer les collines alentour baignées d'une lumière merveilleuse grâce au ciel anthracite qui n'en demeure pas moins de plus en plus menaçant. Le voyage de retour sera lui aussi très beau, un double arc-en-ciel couronnant majestueusement notre sortie d'Ouro Preto. Nous nous dirigeons vers des cieux plus cléments, la nuit tombant elle aussi doucement à notre arrivée à Belo Horizonte. Après avoir fait quelques emplettes, je décide de passer la soirée au studio, dînant d'une salade légère et enchaînant la série du 'Rei Davi' avec 'La vie de Jésus', de quoi connaître à fond la Bible où se partagent les pires massacres et les allégories les plus inspirées. Un sms me parvient lorsque j'ouvre par acquis de conscience mon portable. Un nouveau compositeur brésilien résidant à Graz me propose une rencontre demain, j'en suis tout émerveillé ! Samedi 19 Après une petite lessive et une heure de composition, je descends pour aller au Museu dos artes e officios (arts et métiers) qui se trouve de l'autre côté de la grande place en face de mon immeuble. Le musée a été établi dans l'ancienne gare, la nouvelle se situant quelques dizaines de mètres plus loin. L'immense bâtiment, restauré de fond en comble, est constitué de deux grands corps séparés par ... la voie ferrée ! Pour aller de l'un à l'autre, il convient d'emprunter l'ancien passage souterrain, c'est tout à fait amusant comme procédé. Plusieurs ascenseurs permettent aux personnes à mobilité réduite de faire tout le parcours, chapeau. Les différents espaces sont dédiés aux divers corps de métiers qui ont permis à la région de survivre et aux moyens de transports ou de transformation des denrées alimentaires ou minéralogiques. Plusieurs vidéos retracent la vie d'artisans contemporains, des postes tactiles nous en apprenant plus sur différents aspects de la vie quotidienne, tandis que des plaquettes plastifiées traduisent en anglais, espagnol et français les panonceaux informatifs écrits en portugais. Tout seul dans ces grands espaces, je me régale à déambuler et à m'instruire en toute quiétude, celle-ci étant simplement interrompue par le passage d'un train régional qui s'annonce avec force coup de trompe ! En sortant, une famille de quatre personnes débute la visite, il est 12h30, le musée est gratuit aujourd'hui, les gens viendront peut-être cet après-midi. L'heure tournant, je me dépêche pour arriver à l'heure à mon rendez-vous avec Rafael Nasif, ce jeune compositeur qui vit à Graz. C'est avec ½ heure de retard qu'il arrive au restaurant, traînant une énorme valise qui doit l'accompagner jusque la région de Rio où vit sa famille. Il est venu à Belo Horizonte pour donner des concerts en tant que pianiste et -4- pour faire travailler sa musique en tant que compositeur. Nous parlons de la situation de la vie musicale au Brésil et en Europe, sa double expérience étant particulièrement intéressante. À la fin de notre entretien, il me propose de rencontrer un quatuor de guitaristes qui joue pas mal d'œuvres récentes, rendez-vous est pris pour demain. J'accompagne Rafael jusque son arrêt de bus inter cité qui arrive avec un fort retard, cela n'est pas inhabituel ! Je poursuis ma route vers la place de l'indépendance pour écouter le concert de Chico Bastos, un guitariste annoncé dans la Programação Dezembre du Ministério da Cultura e a Vale à l'auditorium du Memorial Minas Gerais Vale. À l'entrée, je prends mon billet (gratuit) et monte vers l'auditorium. Voyant les auditeurs faire la queue, les portes n'étant pas ouvertes, je me mets à déambuler dans ce très beau bâtiment du XIXe siècle, réhabilité récemment et dont les parois du patio intérieur ont été recouvertes de panneaux de métal rouillé d'un très bel effet. Le musée propose un parcours qui retrace la vie sociale, culturelle et artistique de la région, avec des incursions amusantes dans le futur. De nombreux visiteurs de tous âges sillonnent les espaces inattendus et bien documentés par des fiches bilingues. Vers 16h15, les portes de l'auditorium s'ouvrent mais, comprenant que la musique qui va être jouée doit soutenir les JO de 2016 et que les problèmes techniques non encore résolus risquent de perturber le concert, je préfère me retirer et poursuivre ma visite du musée et sortir découvrir d'autres coins de la ville vraiment intéressante. Dimanche 20 Visite du parc de Mangabeiro qui surplombe toute la ville. Le bus 4103 conduit les passagers en plein cœur du parc si bien que l'ascension des 5 ou 6 km depuis le centre ville est grandement facilitée ! Après avoir contourné la Praça do Papa où Jean-Paul II fit un prêche dans les années 1980, le bus nous dépose à l'entrée du parc qui une immense forêt où des sentiers pavés permettent de se promener sans difficulté à travers des arbres de toute beauté, des bambouseraies grandioses parmi lesquelles circulent des animaux curieux et parfois heureux de profiter des denrées offertes par des touristes peu scrupuleux vis-à-vis des consignes interdisant de nourrir les animaux sauvages. Je croise donc une famille de petits singes qui préfèrent aux branches des arbres les lignes électriques pour se livrer à leurs acrobaties et un couple de lémuriens que je ne connais pas. Tous types de groupes sillonnent le parc, des jeunes en goguette, des couples âgés se tenant tendrement par la main, des familles dont les enfants se vont rafraîchir dans les points d'eau qui parsèment l'immense espace. Après une longue balade, je rentre vers la ville grâce à un autre bus qui me dépose à l'entrée du marché de plein air installé tous les dimanches de décembre de 8h à 15h sur l'avenue Alonso Pena. Je suis très déçu par la qualité et la diversité des objets proposés car, à part des marchands de chaussures, de bijoux, de quelques vêtements et bibelots plus moches les uns que les autres, je ne trouve aucun artisanat digne d'intérêt, à part quelques tableaux d'un goût douteux présentés la plupart du temps par les artistes eux-mêmes. Deux ou trois petits groupes de musiciens improvisés égayent un peu l'avenue qui va retrouver son visage normal en milieu d'après-midi, les stands commençant déjà à disparaître vers 14h. Avant de rentrer au studio, je m'arrête au jardin municipal bondé dont l'ombrage est très bienvenu. Panorama sur Belo Horizonte depuis le parc de Mangabeiro -5- À 17h, je rencontre Stanley Levi, guitariste d'une trentaine d'années qui fait partie du quatuor dont m'a parlé hier Rafael. Attablés autour d'un ½ kg d'açaí, nous devisons deux heures durant. Je passe la soirée au calme, prêt à quitter non sans quelque nostalgie cette immense cité de 6 millions d'habitants. Lundi 21 Départ pour Ribeirão Preto par le bus de 9h. Un retard de 10 minutes laisse présager des retards à venir... Passage par Divinópolis, Formiga, un très beau parc naturel, Cassia et Franca. Arrivée à RP avec pratiquement trois heures de retard. Mon ami Marcos, rencontré en 2010 à Bordeaux lors d'une des premières rencontres de temp'óra, m'attend à la rodoviária et m'amène dans un shopping center si densément peuplé ce soir que nous ne trouvons pas de place dans l'immense parking qui l'entoure. Nous dénichons tant bien que mal une place sur une avenue, et papotons le temps que j'avale deux bouts de pizza. Coucher vers 23h30 après une journée éreintante du fait de n'avoir rien fait ! Carla et les enfants sont déjà couchés, je les verrai demain. Mardi 22 Petit déjeuner pris en famille, cela faisait longtemps ! Après avoir fait quelques emplettes, Marcos me conduit à l'université où il enseigne et où il me présente ses collègues, avec lesquels, malheureusement, je ne parviens pas à aborder des thèmes qui m'intéresseraient. La mère de Carla arrive de Campinas vers 14h, elle s’avérera d'un grand dévouement pour accomplir les tâches ménagères et pour s'occuper de Pedro (15 ans) et Francesco (9 ans), les deux garçons de la famille. Mercredi 23 Carla et Marcos me convient pour une journée dans une ferme située à une soixantaine de km de Ribeirão Preto et où Carla aime passer le plus de temps possible. On y cultive la canne à sucre, le café, on y élève 400 têtes de bétail, des vaches blanches qui ont mis bas voici peu de temps. La propriété de 800 hectares est tenue par deux sœurs qui tentent de réparer les dégâts provoqués par la mauvaise gestion de leur frère peu scrupuleux. La tâche est gigantesque, d'autant plus que Suzanna est professeur d'histoire de la photographie, son mari est architecte, Lilly est infirmière, seul son mari (d'origine cubaine) reste à plein temps sur la ferme. Les ouvriers ne sont pas habitués à être commandés par des femmes, les tensions ne manquent pas, il faut user d'une diplomatie subtile. L'après-midi, nous visitons la plantation de café ; il faudra 60 ouvriers pour les 4 mois de cueillette des boules vertes actuelles qui seront à maturité en mai. Suzanna nous fait comprendre combien cette culture est fragile, la récolte de l'année passée n'ayant par exemple rien donné. Ce sont les vaches et la canne qui rapportent le plus et permettent à l'exploitation de perdurer. Nous rentrons sur Ribeirão Preto en fin d'après-midi, remplis de cette immensité que le pays porte dès que l'on ouvre les yeux sur toute sa richesse et sa diversité. Jeudi 24 Nous faisons des emplettes de dernière minute le matin, déjeunons et passons l'après-midi au calme ; un délicieux repas est confectionné par la mère de Carla : salade avec mangue, jambon cuit avec riz, farine de manioc, pruneaux et olives, et un dessert crème et bonbons au chocolat au goût inhabituel. La soirée est malheureusement perturbée par la venue d'un collègue d'université que Marcos a invité et dont l'ego détourne toute l'attention vers soi ; je préfère m'isoler pour éviter des débordements désagréables. Vendredi 25 Matinée au calme. Déjeuner en compagnie du même intrus qu'hier. Pedro va déjeuner avec son père, Argentin avec lequel Carla a vécu peu de temps. Dans l'après-midi nous allons dans une ville à une trentaine de km de Ribeirão Preto pour découvrir une crèche (presepio) et une église mieux décorées que d'ordinaire. L'occasion aussi de jouer avec Francisco qui a sorti une belle balle rouge et apprécie une sortie ludique avec ses parents et un intrus européen qu'il a vite adopté ! Retour sous une pluie battante. La famille ne demande pas son reste et, à 21h, je me retrouve seul pour mettre à jour ma correspondance informatique et de nouveaux itinéraires de mon périple. Samedi 26 Après le copieux petit déjeuner, Marcos, Francisco et moi allons dans un parc de la ville aménagé dans une ancienne carrière que des points d'eau et la pluie de la veille rendent frais jusqu'à ce que le soleil revienne avec force sur les coups de 11h. Dans l'après-midi, Marcos et moi mettons à jour les contacts que j'ai prévu de rencontrer dans les différentes villes que je traverserai en janvier et février. Vers 17h, j'endosse mon sac pour rejoindre la rodoviária où Marcos me conduit pour mon départ vers Campo Grande. Le bus quitte la ville avec une petite demi-heure de retard, me voici parti pour une nouvelle nuit sur la route après cette halte chaleureuse auprès d'amis si chers. -6- Dimanche 27 Nous arrivons à Campo Grande à 8h, soit 7h locale, changement de fuseau horaire oblige. J'aurai pu dormir presque quatre heures d'affilée, ma voisine ayant eu la bonne idée de descendre en cours de trajet, me permettant ainsi de m'allonger en chien de fusil sur les deux sièges assez spacieux du bus. En récupérant mon sac, je papote avec un jeune couple franco-brésilien qui vit à Genève et qui a laissé en Europe ses deux jeunes enfants pour découvrir un parc naturel à 250 km de Campo Grande qui, paraît-il, vaut le déplacement. Je n'aurai pas le temps de faire le détour, d'autant plus que l'accès au parc n'a pas l'air simple. Nous prenons un petit déjeuner succinct et les deux me laissent pour prendre un bus vers l'aéroport où ils vont accueillir les parents du Français. Pour ma part, après avoir laissé mon sac à la consigne, je prends un bus pour le centre ville situé à quelques 7, 8 km de la rodoviária, ce qui est peu pratique. Le paysage a complètement changé et la plaine se déroule infiniment autour de la ville, elle-même quadrillée, plutôt moche, et aux dimensions un peu exagérées pour le marcheur que je suis. Bon, c'est dimanche, je ne m'attends pas à beaucoup d'activités, tout semble dormir en effet, et je passe la matinée à longer l'un des grands axes de la ville, l'avenida Adolfo Pena, pour rejoindre le Parque das nações indigenas qui se situe à l'ouest de la ville. Le parc doit être assez récent car la plupart des arbres semblent assez jeunes. J'apprends en effet qu'ils ont été plantés pour tenter de recréer la biodiversité végétale dite indigène. Vers midi, je trouve un bouquet de six manguiers aux troncs divisés en deux ou trois larges branches où caquettent toutes sortes d'oiseaux. Les mangues tombent à mes pieds de temps en temps et nombre d'insectes s'affairent rapidement pour curer la chair fraîchement éclatée. Une famille d'agoutis se repose à quelques mètres de mon point de vue stratégique qui me permet de voir le lac artificiel qui collecte les eaux d'une rivière qui coule en amont. Pendant que j'avale mon pique-nique, je m'interroge sur le type d'activités qui peut occuper les habitants de cette ville d'environ 750 000 âmes, capitale du Mato Grosso ; toujours est-il qu'aujourd'hui, ils sont nombreux à profiter des bienfaits de ce bel endroit où les grandes prairies permettent aux enfants de courir et aux adultes de se rafraîchir à l'ombre des bosquets et des jeunes arbres. La chaleur devient de plus en plus forte, les 35° doivent être dépassés. Une pluie bienvenue fera tomber les températures en fin d'après-midi. Vers 21h, je reprends un bus de ville qui me ramène à la rodoviária d'où va partir l'ômnibus pour Corumb á. C'est ainsi que cette première étape brésilienne va s'achever. -7-