Les Fêtes vénitiennes - Théâtre de Caen

Transcription

Les Fêtes vénitiennes - Théâtre de Caen
Poursuivez votre voyage à Venise !
mardi 23 juin, 20h
mercredi 24 juin, 20h
jeudi 25 juin, 20h
théâtre de Caen
L’Oiseau vert
Carlo Gozzi (1720-1806)
Les Fêtes vénitiennes
André Campra
Agathe Mélinand traduction
Laurent Pelly mise en scène, décors et costumes
avec Pierre Aussedat, Georges Bigot, Alexandra Castellon, Thomas Condemine,
Emmanuel Daumas, Nanou Garcia, Eddy Letexier, Régis Lux, Mounir Margoum,
Marilú Marini, Jeanne Piponnier, Fabienne Rocaboy
Carlo Gozzi fut dans la Venise du XVIIIe siècle le grand rival de Goldoni.
Alors que Goldoni est passé à la postérité, Gozzi est à peine connu en France.
Pourtant, de leur vivant, c’est Gozzi qui triomphait le plus sur les scènes de
la lagune avec pour quête un théâtre féérique s’inspirant de contes populaires.
Sa pièce L’Oiseau vert a connu peu de mises en scène hormis celle, restée
mémorable, de Benno Besson. Il faut dire que mettre en scène une pièce avec
des statues qui parlent, des pommes qui chantent, de l’eau qui danse, une bonne
fée, un philosophe statufié mais bavard, n’est pas aisé. Seul un metteur en scène
comme Laurent Pelly, rompu à la scène, pouvait relever aussi admirablement
le défi.
« Un spectacle qui a des ailes et vous en donne ! » Le Figaro
« Laurent Pelly a le sens du féérique, du magique, du fantastique, des couleurs
et des formes. Être doué à ce point... à croire qu’il est tombé dedans quand il
était petit... La distribution est remarquable. » L’Humanité
« Un univers de farce, de masques et de lazzi que Laurent Pelly réinvente
aujourd’hui en créant un spectacle monumental. » La Terrasse
Places de 8 à 25 €
renseignements, réservations du mardi au samedi de 13h à 18h30
Découvrez la saison 2014/2015 du théâtre de Caen
sur notre site internet www.theatre.caen.fr
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La Région Basse-Normandie soutient cet événement au côté de la Ville de Caen.
Production Opéra Comique
Coproduction Les Arts Florissants avec le soutien exceptionnel de la SELZ Foundation, Théâtre du Capitole
de Toulouse, théâtre de Caen, Centre de Musique baroque de Versailles.
Les Arts Florissants sont soutenus par le ministère de la Culture et de la Communication, la Ville de Caen et
la Région Basse-Normandie. Ils sont en résidence au théâtre de Caen.
IMERYS et ALSTOM sont Mécènes des Arts Florissants.
mercredi 1er avril, 20h
jeudi 2 avril, 20h
théâtre de Caen
durée : 2h45 dont entracte
spectacle surtitré
Les Fêtes vénitiennes
opéra-ballet d’André Campra (1660-1744) créé à l’Académie royale de Musique le 17 juin 1710
livret d’Antoine Danchet
Version avec un prologue et trois entrées : Le Bal, Les Sérénades et les Joueurs et L’Opéra.
Les Arts Florissants chœur et orchestre
William Christie direction musicale
Robert Carsen mise en scène et lumières
assisté de Didier Kersten et Jean-Michel Criqui
Ed Wubbe chorégraphie
Radu Boruzescu décors, assisté de Philippine Ordinaire
Petra Reinhardt costumes, assistée d’Alain Blanchot
Robert Carsen, Peter van Praet lumières, assistés de Sébastien Böhm
Béatrice Martin chef de chant
François Bazola préparation du chœur
Emmanuelle de Negri Raison, Lucile, Lucie (soprano)
Élodie Fonnard Iphise, La Fortune (soprano)
Rachel Redmond Irène, Léontine (soprano)
Émilie Renard La Folie, Isabelle (mezzo-soprano)
Cyril Auvity Maître de danse, Suivant de la Fortune, Adolphe (haute-contre)
Reinoud van Mechelen Thémir, Un Masque, Zéphir (haute-contre)
Sean Clayton Démocrite (haute-contre)
François Piolino Maître de musique, Maître de chant (taille)
Marc Mauillon Alamir, Damir (baryton-basse)
François Lis Le Carnaval, Léandre (basses)
Geoffroy Buffière Héraclite (basses)
Scapino Ballet Ro'erdam
Bryndis Brynjolfsdo'ir, Reid Cummings, Bonnie Doets,Leslie Humbert,
Mara Hulspas, Alexandre Jolicœur, Kiyan Khoshoie, Jean-Gabriel Maury,
Maya Roest, Debora Soto, Mischa Van Leeuwen danseurs
Chœur des Arts Florissants
Solange Añorga, Maud Gnidzaz, Eugénie Lefèbvre, Virginie Thomas,
Violaine Lucas, Brigi'e Pelote, Julie'e Perret, Isabelle Sauvageot sopranos
Camillo Angarita, Sean Clayton, Bruno Renhold,
Marcio Soares Holanda, Jonathan Spicher hautes-contre
Édouard Hazebrouck, Thibaut Lenaerts, Nicolas Maire,
Jean-Yves Ravoux, Michael-Loughlin Smith tailles
Geoffroy Buffière, Anicet Castel, Laurent Collobert, Simon Dubois,
Christophe Gautier, Geoffroy Heurard, Julien Neyer basses
Orchestre des Arts Florissants
violon solo Florence Malgoire
dessus de violon Myriam Gevers, Liv Heym, Christophe Robert*,
Catherine Girard (chef de pupitre des 2nds violon), Sophie Gevers-Demoures,
Michèle Sauvé, Emmanuel Resche*
hautes-contre de violon Galina Zinchenko (chef de pupitre), Simon Heyerick
tailles de violon Kayo Saito, Samantha Montgomery
quintes de violon Jean-Luc Thonnerieux, Jacek Kurzydlo
basses de violon David Simpson (chef de pupitre, bc), Elena Andreyev,
Magali Boyer, Ulrike Brü', Brigi'e Crépin-Maillard, Damien Launay,
Cécile Verolles, Alix Verzier
contrebasse Jonathan Cable (bc)
flûtes traversières Serge Sai'a*, Charles Zebley*
hautbois Pier Luigi Fabre'i (chef de pupitre), Michel Henry,
Machiko Ueno, Nienke Van Der Meulen
bassons Claude Wassner, Niels Coppalle
percussions David Joignaux
muse&e François Lazarevitch
archiluth, guitare baroque Thomas Dunford*
théorbe, guitare baroque Brian Feehan
clavecin Béatrice Martin
(bc) : basse continue
* sérénade sur scène
Erwan Besnard, Richard Caubet, Manuel Carle, Sébastien Durand,
Andrea Malvezzi, Basile Peclard, Jérôme Pinto, Jean-Philippe Poujoulat,
Tewfik Snoussi, Philippe Welke figurants
Argument
Entretien avec William Christie
Prologue
Le Triomphe de la Folie sur la Raison dans le temps du Carnaval de Venise.
Le Carnaval invite la foule à le suivre pour faire la fête. La Folie le rejoint avec
sa suite de Plaisirs mais un rabat-joie surgit : la Raison. Secondée par les sages
Démocrite et Héraclite, elle tente de désabuser la foule. En vain : elle doit
quitter Venise, laissant le champ libre à la Folie et au Carnaval.
Le Bal
Le prince Alamir courtise Iphise sans avoir dévoilé son identité. Pour éprouver
la sincérité de la jeune femme, il échange ses vêtements avec ceux de son valet,
Themir. Un Maître de musique et un Maître de danse sont chargés d’organiser
le bal que le prince va donner ce soir : chaque maître cherchant à prouver que
son art domine l’autre. Themir, déguisé en prince, est obligé de suivre leurs
efforts pendant qu’Alamir, déguisé en valet, met Iphise à l’épreuve. Alamir,
ravi d’être aimé pour lui-même, se révèle comme le commanditaire de la fête.
Charmée par le stratagème, Iphise renouvelle son amour pour lui.
Les Sérénades et les Joueurs
Un soir sur une place de Venise se rencontrent Isabelle et Lucile, venues
surprendre Léandre, leur amant infidèle, chacune le croyant avec l’autre. Les
deux rivales découvrent qu’une troisième femme est en cause : Irène ! Le
galant joue une sérénade sous son balcon. Voyant s’approcher une femme
dans l’ombre, il croit qu’Irène est descendue le rejoindre et lui assure que ni
Lucile ni Isabelle ne l’ont jamais charmé. Or, il s’agit des deux femmes qui le
repoussent pour toujours.
L’Opéra
Dans un théâtre où s’apprête un spectacle d’opéra, Damire, en costume de
Borée, est résolu à enlever Léontine, une chanteuse qu’il adore, pendant
la représentation (elle aussi est amoureuse de lui mais n’ose se déclarer).
Rodolphe, qui assistera au spectacle, et le Maître de chant sont tous deux
également sous le charme de Léontine. La représentation débute : Borée,
dieu du vent, interrompt le divertissement qui enlève Flore. Lucie vient alors
annoncer que le spectacle ne peut pas continuer car Léontine a vraiment été
enlevée, non par Borée mais par celui qui le jouait : Damire ! Rodolphe, furieux
d’avoir été abusé, n’a plus qu’à quitter la salle et à courir au port, car les amants
s’apprêtent à quitter Venise...
Épilogue
Les fêtes vénitiennes sont terminées. À la lumière du jour, les excès du
Carnaval cèdent la place à la Raison, du moins temporairement.
Robert Carsen
Quel rôle joue la musique de Campra dans le parcours des Arts
Florissants ?
À mon arrivée en France, Campra figurait dans la liste de mes priorités. Je
connaissais ses œuvres les plus importantes, celles qui étaient alors disponibles
comme le Requiem, ainsi que les travaux pionniers sur ses tragédies en musique.
Je savais que Campra avait joué un rôle majeur dans cette période qui me
fascinait : la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle.
Aux Arts Florissants, nous avons abordé sa production dès les débuts de
l’ensemble dans les années 1980, avec les cantates puis les motets. Au début des
années 1990, j’ai pu réaliser un grand travail sur Idoménée, qui a abouti à notre
enregistrement. Cela m’a convaincu que Campra était un excellent compositeur
de théâtre. Aujourd’hui, il demeure pour moi un créateur important, séduisant,
mais complexe tant il fut polyvalent et prolifique dans tous les domaines de
la musique de son temps. Il demande à être étudié, approfondi et mûri avec
une exigence toujours renouvelée. Je souhaitais revenir à son art en abordant
cette fois le domaine qui a fait sa renommée : le divertissement, dans lequel il
a poussé très loin l’excellence.
Comment avez-vous choisi parmi les entrées de ballet et les prologues
des Fêtes vénitiennes ?
Avec difficulté ! Robert Carsen et moi nous sommes retrouvés à Aix, alors
que je répétais David et Jonathas de Charpentier, avec une pile de partitions.
C’est qu’en effet, ravi de son succès, Campra a adopté une attitude étonnante :
semaine après semaine, mois après mois, il répondait à son public en refaisant
ou en rajoutant des parties pour plaire encore davantage. L’œuvre se voulait à la
pointe du goût ! Il nous fallait composer un spectacle de longueur raisonnable,
cohérent et varié, en choisissant l’un des quatre prologues et quelques-unes
des neuf entrées. Nous avons été pragmatiques en privilégiant l’intérêt, la
diversité, les contrastes, et la mise en valeur des interprètes. Il se trouve que
les entrées que nous avons retenues sont toutes de 1710 et ont fait l’objet de
nombreuses reprises : leur efficacité est donc à la fois avérée et intacte.
Danses, chant, orchestre : comment sont traitées ces composantes de
l’œuvre ?
Le ballet, conçu pour des professionnels, présente un large vocabulaire de
danses sociales telles que l’allemande, la courante, le passe-pied, le rigaudon, et
d’autres plus rares et exotiques comme la forlane vénitienne, une danse pour
les Biscayens, etc. Campra est important pour la danse de son temps, même
s’il ne joue pas le rôle majeur de Rameau plus tard, qu’on ne peut comparer
qu’à Stravinsky.
Le chant dans Les Fêtes est parfaitement calqué sur les paroles : on sent un
amoureux de la langue et du lyrisme, qui veille à la compréhension et évite
les vocalises excessives d’un style italien mal assimilé. Légèreté et élégance
sont les maîtres mots. L’instrumentarium comporte les effectifs de l’époque,
abondance de cordes et participation des vents, flûtes et hautbois. L’écriture
n’est pas aussi riche et précise que celle de Rameau mais on sent l’amour de la
couleur instrumentale. L’orchestre, très présent mais pas aussi complexe que
celui de ses successeurs, est vraiment au service de l’expression vocale.
En quoi l’esprit comique infuse-t-il l’œuvre ?
Les dialogues sont pleins d’esprit, drôles, voire galants et libertins. Danchet
ménage aussi des moments plus graves où s’épanchent de vraies émotions.
Cette variété dans la sensibilité est une marque de la comédie à l’époque.
Venise est un domaine d’expérimentation idéal avec ses mœurs libérées, son
calendrier et ses lieux de plaisir, son exotisme excitant, ses dangers... Sur
ces livrets très habilement conçus, la musique crée des jeux de citations, de
parodie, de décalages. Les univers musicaux ne diffèrent pas d’une entrée
à l’autre : on reste à Venise, au temps du carnaval, avec des personnages
contemporains des spectateurs, autre caractéristique de la comédie. Dans la
construction dramatique générale, la danse se soumet à la douce tyrannie des
paroles : l’agencement des éléments de la comédie-ballet est ingénieux mais
pas exceptionnel dans notre culture lyrique qui a toujours intégré la danse
au théâtre. L’opéra français regorge de danses chantées depuis Lully. Plus
tard seulement, sous le règne de Louis XVI, la chorégraphie se détachera du
support textuel avec le ballet héroïque. Pour l’heure, chez Campra, tout est
question d’équilibre : le ballet met certes la chorégraphie au premier plan, mais
il est de courte durée, alors que dans la tragédie, le récit est mis en avant et le
ballet placé en divertissement.
La musique italienne influence-t-elle l’art de Campra, via le sujet
vénitien ?
Venise est alors un lieu de liberté à la fois politique et créatrice dont témoigne
particulièrement l’art lyrique : la Sérénissime a ouvert les premiers théâtres
publics de musique et créé un genre, l’opéra, qui conjuguait sous la plume de
Monteverdi et de Cavalli le drame et la comédie, voire la farce. La référence
est donc libératrice pour l’opéra-ballet français. Les polémiques de l’époque
sur les prétendus mérites respectifs des musiques française et italienne n’ont
plus grand sens aujourd’hui.
Campra était, comme tous les compositeurs français, séduit par la musique
ultramontaine qu’il connaissait grâce à la circulation des œuvres et des artistes.
Né en Provence d’un père italien et fin mélomane, il tirait aussi de ses origines
un don mélodique naturel qui le portait à la synthèse. Ce qui est primordial,
c’est qu’il écrivait en français : son récitatif est d’un raffinement extrême, très
respectueux des qualités littéraires de ses livrets. Quant à ses danseries, elles
sont extraordinaires. Or aucun Italien de l’époque n’aurait su produire ni l’un
ni les autres. Que Campra assaisonne sa musique avec des épices italiennes,
qu’on y devine ses origines, c’est vrai, mais sa partition est résolument
française, voire parisienne !
Comment avez-vous choisi les interprètes ?
Ce qui primait dans la distribution, c’était la fraîcheur des voix et la crédibilité
scénique. Les personnages sont, à de rares exceptions près, de jeunes
insouciants qui veulent plaire et qui illustrent la galanterie du siècle de Louis
XV. Les voix doivent être belles mais pas façonnées pour l’opera seria ou la
grande tragédie lyrique dont le personnel dramatique est constitué de héros.
La légèreté et l’élégance rendent chacun de nos Vénitiens crédible. Les rôles
sont brefs, c’est-à-dire efficaces et jamais bavards : ce sont des hommes et des
femmes d’action qui veulent jouir de la vie. Notre distribution est presque
entièrement française, en tout cas francophone car la compréhension des
paroles est primordiale. Presque tous les chanteurs sont passés par le Jardin
des voix, l’académie des Arts Florissants. Nous les avons formés aux exigences
du répertoire baroque – la maîtrise de tous les paramètres de l’éloquence – et
à ses attraits que sont la marge de création qu’il laisse aux interprètes et la
responsabilisation qu’y développe chacun.
La comédie-ballet présente-t-elle une musique plus accessible que la
tragédie en musique ?
Oui, plus légère, plus frivole même. Né bien avant le règne de Louis XV,
Campra a vécu l’étouffante fin de règne de Louis XIV. Sa carrière et son art se
sont développés en parallèle avec la forme de libération culturelle favorisée par
la Régence à partir de 1715. La réaction se voit alors partout : dans la littérature,
au théâtre, dans les arts plastiques. Cet élan aboutit aux fêtes galantes du règne
de Louis XV, période de consécration pour Campra. Quelle différence entre
1680 et 1730 ! Le besoin de divertissement monte en puissance et Campra
contribue à en affirmer la dignité morale car il lui donne une forme supérieure.
Sa musique de danse est-elle décorative ?
Oui, à l’instar du décor des grandes demeures royales et aristocratiques,
produit d’une exceptionnelle convergence des arts – l’architecture, la peinture,
la sculpture, et encore l’ébénisterie, les jardins, etc. Cette musique a autant
de valeur qu’une toile de Boucher ou de Fragonard. Campra y met la même
exigence que dans ses motets composés pour la Chapelle royale. Dans son
fameux Requiem, une indication revient souvent : « gracieux ». Cette « grâce », qui
n’a rien de divin ou de mystique, donne de l’élégance à la sincérité comme
au recueillement, et répond au souci majeur de Campra. Chercher de la
profondeur à la comédie-ballet est inutile : les auditeurs doivent quitter le
théâtre avec la sensation d’avoir vécu un moment de grâce. Ce n’est jamais
vain dans une époque qui se prend trop au sérieux !
Entretien réalisé par Agnès Terrier pour l’Opéra Comique
Entretien avec Robert Carsen
Comment avez-vous fait votre choix parmi les prologues et les entrées
de cette œuvre composite ?
Nous avons, avec William Christie, consacré plusieurs jours à lire les livrets et
à examiner les partitions afin de choisir les entrées qui avaient le plus d’impact.
Une fois identifiés le prologue (le premier à avoir vu le jour) et les trois entrées
(toutes de 1710), nous avons réfléchi à l’ordre dans lequel nous les jouerions.
Puis nous avons inventé une sorte d’épilogue qui reprend certains éléments
du prologue, non pour tirer une morale de l’œuvre – cela la trahirait – mais
tout simplement pour la terminer, selon une intuition que nous mettrons à
l’épreuve en répétition.
Les liens entre les parties de l’œuvre sont singuliers. Contrairement aux
prologues d’Armide ou de Platée, qui sont détachés de l’intrigue, celui des
Fêtes vénitiennes énonce une forme de pacte avec le public, formulé par trois
allégories (ce qui rappelle le début du Couronnement de Poppée de Monteverdi).
Le Carnaval exhorte les spectateurs à s’amuser, la Raison s’y oppose mais la
Folie l’emporte. Par la suite, les entrées de ballet paraissent commandées par
le Carnaval : outre qu’elles ont en effet lieu pendant cette fête, le déguisement
y joue un rôle clé pour nouer ou déjouer les intrigues. Les entrées que nous
avons choisies reposent sur des motifs connus. Dans Le Bal, le prince se fait
passer pour son propre serviteur auprès de celle qu’il doit épouser afin de la
mettre à l’épreuve. Dans Les Sérénades et les Joueurs, Léandre campe une sorte
de Don Juan trahi par les relations de séduction qu’il a nouées avec trois
filles : deux s’en vengent à la faveur du déguisement, avant l’intervention d’une
quatrième allégorie, la Fortune, par l’intermédiaire des Joueurs. Enfin, dans
L’Opéra apparaît un faux chanteur qui, à la faveur d’une scène d’opéra dans
l’opéra, enlève la chanteuse qu’il aime : terminer avec cette entrée permettra
de mettre en abyme le spectacle.
Comment abordez-vous la composante chorégraphique de cette
comédie-ballet ?
Dans l’opéra baroque français, la danse développe l’action comme le chant
développe le récitatif. Mais la danse apporte aussi quelque chose de spécifique
en fonction du genre lyrique. Dans Platée, ballet bouffon, le lien de la danse
avec l’action est très étroit. Dans Les Fêtes vénitiennes, opéra-ballet, l’effet du
carnaval modifie le rapport de force entre comédie et danse, mais en même
temps les danses sont moins longues : la confrontation est donc délicate, elle
repose sur de nouveaux équilibres. Je cherchais, comme lorsque j’ai monté Les
Boréades puis Armide, un chorégraphe travaillant avec sa propre compagnie.
Scapino Ballet Rotterdam est la plus ancienne compagnie chorégraphique des
Pays-Bas. À sa tête, Ed Wubbe mène un travail théâtral passionnant, et il a déjà
manifesté un intérêt pour le répertoire musical baroque : ces dernières années,
il a exploré Rameau, Vivaldi. La compagnie n’avait cependant jamais participé
à un opéra. Je pense donc que la rencontre des chanteurs des Arts Florissants
avec les onze danseurs de Scapino peut être fructueuse, d’autant que chaque
interprète sera amené à tenir plusieurs rôles au cours du spectacle
Quel rôle joue Venise dans l’œuvre et dans votre travail ?
Toutes ces histoires jouent avec l’érotisme propre à Venise. Aujourd’hui
encore, la décadence physique de la ville, si mélancolique, ne nous empêche
pas d’apprécier sa théâtralité intacte. En 1710, époque de splendeur pour
la Sérénissime, la poésie de son décor et de ses lumières était tout aussi
imposante. C’est cela, avec la liberté de mœurs qui y règnait, qui charmait
Danchet, Campra et leur public, bien plus que les idéaux politiques attachés à
cet État indépendant et libéral qu’était la République de Venise. Ma réflexion
sur le décor, conduite avec Radu Boruzescu, a été guidée par la nécessité
de traduire la fluidité de l’œuvre, une qualité qui régit les rapports entre les
personnages, les passages du masque à la vérité, les transitions entre les
intrigues, et jusqu’à la manière souple et évolutive avec laquelle les créateurs
adaptaient Les Fêtes vénitiennes au goût changeant de leur public. J’espère que
notre décor en donnera la sensation tout en autorisant des jeux de contrastes
entre l’intérieur et l’extérieur, et le jour et la nuit. Le carnaval permet par
ailleurs de passer d’une époque à l’autre en toute liberté, ce que nous avons
pu développer dans la réflexion sur les costumes entamée avec Miruna
Boruzescu, avant sa disparition. J’aimerais ici saluer la mémoire d’une amitié
et d’une complicité passionnante, développée pendant les vingt ans de notre
collaboration. Les Fêtes vénitiennes est la dernière œuvre sur laquelle Miruna a
travaillé. Nous sommes, Radu Boruzescu et moi, très reconnaissants du travail
que Petra Reinhardt a fait par la suite, dans lequel l’esprit de la vision d’origine
de Miruna est toujours présent.
Comment appréhender l’opéra-ballet aujourd’hui ?
Le but des Fêtes vénitiennes reste de divertir, d’émerveiller et de charmer avec pour
prétextes la beauté et le mystère qui caractérisent Venise. Le divertissement est
revendiqué à travers des actions scéniques successives et indépendantes les
unes des autres, qui constituent les « entrées de ballet ». Nous sommes loin
de la tragédie en musique, éloignés même de la satire bouffonne de Platée.
Néanmoins, le texte et la musique nous mettront sur la voie de la profondeur
qui se cache sous la galanterie et la légèreté. Venise n’est pas seulement la
ville du jeu et du plaisir depuis la Renaissance, c’est aussi une cité baignée de
nostalgie et d’inquiétude. L’amour est fréquemment mis en débat dans l’œuvre.
Si les personnages insistent davantage sur ses joies que sur ses souffrances, ils
font bien miroiter les inconstances et les ambivalences du désir.
Les personnages féminins, en particulier Iphise et Léontine, en parlent avec
une sincérité toute neuve dans le théâtre lyrique de l’époque. Quelle liberté de
travailler sur une œuvre qui a pour ambition non de changer ou de troubler la
vie des spectateurs, mais de la ré-enchanter !
Retrouvez Les Arts Florissants
jeudi 28 mai, 20h
vendredi 29 mai, 20h
théâtre de Caen
Intégrale des
Madrigaux de Monteverdi
Livre VIII, suite et fin
jeudi 28 mai, 20h
Madrigaux Guerrieri
vendredi 29 mai, 20h
Madrigaux Amorosi
Entretien réalisé par Agnès Terrier pour l’Opéra Comique
Les Arts Florissants
Paul Agnew direction musicale
Miriam Allan, Hannah Morrison sopranos
Stéphanie Leclercq, Lucile Richardot contraltos
Paul Agnew, Sean CLayton ténors
Cyril Costanzo, Antonio Abete basses
Initiée en 2011, l’exploration des Madrigaux de Monteverdi s’achève cette saison
avec le Livre VIII. Magnifiques interprètes de ce répertoire, Paul Agnew et Les
Arts Florissants nous invitent à la découverte de cette œuvre monumentale,
ultime recueil de la production madrigalesque du compositeur.
Places de 8 à 28 € pour un seul concert
Places de 10 à 37 € pour les deux concerts
renseignements, réservations du mardi au samedi de 13h à 18h30
Le Voyage de Monteverdi : de la Renaissance au baroque
Conférence de Paul Agnew
le mercredi 27 mai à 20h – grande salle
entrée libre sans réservation