Une description de l`allusion discursive

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Une description de l`allusion discursive
UNIVERSITÉ DE LA SORBONNE NOUVELLE – PARIS III
~ Arts, langues, lettres, sociétés contemporaines ~
« Sciences du langage ; didactique des langues »
Didactique du français et des langues
UNE DESCRIPTION DE L’ALLUSION DISCURSIVE,
PROPOSITION DE TYPOLOGIE ET INTÉGRATION
DANS LA DIDACTIQUE DU FRANÇAIS COMME LANGUE ÉTRANGÈRE
〄
Mémoire de recherche, 2e année de Mastère
présenté et soutenu par Élodie OURSEL
préparé sous la direction de Sophie MOIRAND
UNE DESCRIPTION DE L’ALLUSION DISCURSIVE,
PROPOSITION DE TYPOLOGIE ET INTÉGRATION
DANS LA DIDACTIQUE DU FRANÇAIS COMME LANGUE ÉTRANGÈRE
1
REMERCIEMENTS
C’est avec plaisir que je remercie certains membres de ma famille
pour leur soutien moral, mental et matériel, et pour leur patience, leur
compréhension, ainsi que les apports qu’ils ont permis par leur intérêt et
leurs réflexions. De même, un grand merci à tous les relecteurs qui ont
eu l’amabilité, la patience et l’énergie pour critiquer ce mémoire.
Je dois enfin beaucoup à Michel Buze, le créateur du site Internet
sur lequel j’ai trouvé les transcriptions de sketchs.
2
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS .............................................................................. 2
SOMMAIRE ......................................................................................... 3
INTRODUCTION ................................................................................. 4
I. LA CONSTRUCTION DE L’OBJET DE RECHERCHE ........................ 7
1. La constitution des corpus .......................................................... 8
2. Ancrage théorique, sketchs et allusions....................................17
3. Une analyse du discours dans une perspective didactique .......34
II. UNE DESCRIPTION DES DIFFÉRENTS TYPES D’ALLUSIONS ......38
1. Les allusions à un genre de discours.........................................41
2. Les allusions à un texte ou à un discours..................................45
3. Conclusion ................................................................................72
III. QUELQUES PERSPECTIVES DIDACTIQUES ...............................76
1. L’humour et les allusions dans la didactique............................77
2. Un projet théorique et expérimental .........................................99
CONCLUSION .................................................................................105
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................107
VIDÉOGRAPHIE .............................................................................115
WEBOGRAPHIE ..............................................................................117
INDEX DES NOTIONS ......................................................................118
TABLE DES MATIÈRES ...................................................................119
SOMMAIRE DES ANNEXES .............................................................122
ANNEXES ........................................................................................123
TABLE DES ANNEXES .....................................................................178
3
INTRODUCTION
4
L’an passé, j’ai réalisé un premier travail d’initiation à la recherche intitulé « Traitement
didactique des références collectives des Français dans les méthodes de F.L.E., Étude de
cas : Le Nouveau Sans Frontières 1, 2 et 3 et Connexions 1, 2 et 3 ». Dans ce petit
mémoire, j’ai tenté de comprendre comment les manuels de français langue étrangère
utilisent ce que j’avais appelé les références collectives (objets, circonscrits et concrets,
culturellement conditionnés, que les membres d’une communauté partagent). J’ai procédé
à un repérage de ces références puis à une analyse portant sur le degré d’explication que
fournissent les manuels étudiés. Une seconde analyse m’a permis de dégager trois grands
objectifs didactiques dans leur traitement : les manuels proposent soit une activité à visée
linguistique autour de l’objet culturel, soit une activité à visée encyclopédique, soit une
activité à visée interculturelle, c’est-à-dire qui permet aux utilisateurs du manuel de
comparer leur système culturel avec celui qui leur est présenté. L’activité peut cumuler les
objectifs si elle présente plusieurs points par exemple.
Un document, cependant, n’entre pas dans ces objectifs. C’est un sketch de Muriel
Robin, La Lettre, qui fait allusion à une chanson de Jacques Brel, Ne me quitte pas. Les
consignes de l’activité qui s’y rapporte laissent penser que l’intérêt de la tâche est dans la
mise en rapport des deux documents, dans l’interprétation de cette allusion. Au-delà des
compétences linguistique et culturelle, une nouvelle compétence apparaît, à dix pages de la
fin du manuel de niveau 3, la compétence d’interprétation. Cette mise en relation a attiré
mon attention : elle a un sens culturellement ancré, elle nécessite certaines compétences
cognitives et certaines connaissances et elle produit un certain effet chez celui qui peut la
remarquer. Cela a éveillé chez moi un intérêt pour les problèmes liés à l’implicite dans le
discours et au niveau cognitif de la compréhension, mais pour ce travail de seconde année
de Mastère, j’ai préféré circonscrire mon étude aux allusions discursives dans les sketchs
d’humoristes.
L’objectif du travail qui a mené à ce mémoire était d’organiser et d’affiner les
connaissances concernant le fonctionnement linguistique et cognitif des allusions
discursives afin d’en déduire les protocoles expérimentaux les plus appropriés et de
parvenir à une insertion en didactique du français langue étrangère, par ailleurs déjà
légitimée par le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (Conseil de
l’Europe, 2001).
La réalisation de cet objectif a nécessité diverses étapes et en nécessitera d’autres
encore, telles que la mise en place effective des protocoles expérimentaux exposés dans ce
5
mémoire. J’ai procédé dans un premier temps au choix d’un type de corpus, choix que je
justifierai en début de première partie, puis à une sélection d’allusions discursives dans ce
corpus. À partir de ce corpus de travail, j’ai pratiqué diverses analyses dont les fondements
théoriques seront présentés en fin de première partie, ce qui m’a permis d’aboutir à un
classement. Les allusions classées ont laisser apparaître une architecture et différents
niveaux d’une typologie. C’est le premier résultat de cette recherche : il sera exposé dans la
deuxième partie. Les analyses ont affiné mes connaissances sur les allusions et la typologie
les a organisées. La description des allusions rend manifestes les similitudes et les
différences qui existent entre les types d’allusions discursives que nous étudions : une
proposition de définition sera effectuée à partir des points communs mis en exergue par la
typologie. C’est le deuxième résultat notable de ce travail, il sera présenté à la fin de la
deuxième partie.
L’étude discursive et cognitive des allusions a clarifié certains points, elle s’est
avérée très utile pour leur intégration dans les programmes d’enseignement. Cependant,
afin d’avoir une vision plus globale du phénomène, j’ai tenu à étudier également les
relations qu’entretiennent les allusions discursives avec leur contexte, le sketch
humoristique. Ces relations, d’ordre rythmique et socio-culturelle, seront évoquées au
début de la troisième partie. Ce détour a apporté la dimension psychosociale indispensable
à une étude sur les allusions humoristiques, elle a d’ailleurs été très bénéfique à la
perspective didactique de ma réflexion.
D’une part les avancées que constituent la typologie, la description des allusions
discursives et leur définition et d’autre part l’étude psychosociale des allusions et de
l’humour m’ont permis d’envisager la place de l’allusion et de l’humour dans
l’enseignement et dans l’apprentissage du français langue étrangère, le développement de
certaines compétences travaillées en didactique des langues, et d’ouvrir sur les conditions
d’apprentissage. Ces apports didactiques seront présentés dans la troisième partie, qui sera
close par des propositions de protocoles expérimentaux et par diverses ouvertures pour la
thèse.
6
I. LA CONSTRUCTION DE L’OBJET DE RECHERCHE
7
Les dictionnaires spécialisés de sciences du langage et d’analyse du discours que nous
avons consultés en début de parcours font une maigre place au phénomène de l’allusion : le
Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage (Ducrot et Todorov, 1972) parle de
« Figures », mais n’évoque pas les allusions et le Dictionnaire d’analyse du discours
(Charaudeau et Maingueneau, 2002) ne propose pas d’entrée. Il nous a fallu préciser notre
conception de l’allusion discursive avant de répertorier des occurrences dans notre corpus
et de les étudier. Nous avons établi dans un premier temps un corpus de référence à la fois
prolifique en allusions et adapté à un cours de français langue étrangère. Puis, nous avons
tenté d’affiner notre compréhension des termes « allusion discursive » et, en parallèle, nous
avons répertorié un certain nombre de ces allusions. Dans le même temps, nous avons fait
des recherches sur les cadres théoriques dans lesquels notre travail se situe. Nous avons
pris connaissance, en particulier dans le champ de l’analyse du discours, de théories et
d’outils qui nous ont ensuite donné les moyens d’étudier les allusions répertoriées.
Nous verrons dans un premier temps quel corpus de référence a été réuni, ainsi que
pourquoi et comment cette sélection s’est effectuée, puis nous exposerons les critères
définitoires de l’allusion discursive qui ont guidé le repérage des allusions dans ce corpus,
et, enfin, nous envisagerons les orientations théoriques et méthodologiques qui ont encadré
nos analyses et notre réflexion.
1. La constitution des corpus
L’objectif de notre recherche étant d’étudier les allusions discursives dans une perspective
didactique, il nous a semblé pertinent de constituer un corpus d’allusions à partir de
documents utilisables en cours de langue : un corpus « au vol » ne convient pas dans ces
conditions parce qu’il n’est pas stable (i.e. pas enregistré). Nous avons cherché des textes
disponibles facilement, réutilisables et présentant des allusions discursives. Nous avons
choisi de nous tourner vers les sketchs d’humoristes parce qu’ils correspondaient à tous ces
critères.
Le corpus de référence que nous avons composé n’est pas représentatif des archives
présentant des allusions puisqu’il a une visée humoristique et que les allusions peuvent être
présentes dans des textes qui n’ont pas cette visée. Cependant, nous considérons que cette
non-représentativité ne va pas à l’encontre de la scientificité de notre travail parce que les
mécanismes sociaux de l’allusion sont les mêmes quel que soit le discours qui la met en
place (voir III.1.2.1., p. 79-82). Selon nous, la particularité illocutoire de ce corpus n’est
pas un obstacle à la généralisation. En revanche, il présente un certain nombre d’avantages
8
qui donnent la possibilité aux enseignants de reprendre ce type de textes et d’utiliser les
sketchs comme documents didactiques dans leurs cours.
Afin de justifier plus précisément les éléments qui composent notre corpus de
référence d’une part, et notre corpus d’allusions d’autre part, nous verrons dans le détail les
paramètres qui ont orienté la sélection des sketchs puis nous étudierons les bases
définitoires de l’allusion discursive qui ont influé sur la constitution du corpus d’étude.
1.1. Les paramètres de sélection des sketchs
Nous avons procédé à une réduction progressive du nombre de textes pour le corpus parce
que ce dernier doit être adapté à notre travail. C’est la perspective didactique qui a guidé
nos décisions en ce qui concerne les sketchs. La mise en place des critères de sélection que
nous nous sommes imposés a été envisagée pour simplifier le travail des enseignants qui
souhaiteraient utiliser l’humour dans leurs cours. Ce ne sont pas des critères absolus pour
l’utilisation de discours humoristiques dans l’enseignement, mais seulement des critères
possibles. Nous les avons retenus parce qu’ils sont cohérents avec une perspective
didactique et que nous portons un intérêt à la singularité qu’ils apportent au corpus (en
particulier l’énonciation des one-man-show). Les critères que nous avons décidé
d’appliquer aux textes disponibles pour cette recherche sont : la disponibilité des
transcriptions ; un paramètre de l’énonciation, le sujet parlant unique ; et l’adaptation de
l’enregistrement à la situation didactique.
1.1.1. La disponibilité des transcriptions
Notre recherche n’étant pas axée sur la compréhension de l’oral en particulier, nous
n’avons pas cherché à obtenir des transcriptions de sketchs précises au niveau
phonologique : l’indication des pauses, des intonations montantes ou descendantes, de la
hauteur de voix ne sont pas requises dans notre situation. Nous sommes allée chercher des
transcriptions non-scientifiques sur Internet pour deux raisons : nous avons souhaité
construire un corpus qui ne fasse pas état des détails phonologiques et qui soit disponible
facilement.
Nous avons visité plusieurs sites sur Internet, mais un seul1 proposait les
transcriptions de sketchs que nous avions trouvés sur les autres, ainsi que celles d’autres
sketchs. L’auteur, Michel Buze, n’a pas de connaissances en linguistique. Il a transcrit les
1
BUZE Michel, (2007 [1999]), disponible à l’adresse : http://michbuze.club.fr/lavache/quirit.htm.
9
sketchs lui-même à partir de vidéos dont il n’a pas donné les références sur le site. Nous
avons repris les transcriptions qui nous intéressaient (celles qui correspondent aussi aux
critères qui suivent), et nous les avons corrigées en les comparant avec les versions vidéos
qui sont sur le DVD fourni avec le mémoire. Les transcriptions qui se trouvent en annexes
(voir p. 124-146) sont celles des enregistrements référencés dans la vidéographie (p. 115116).
Le peu d’importance que nous accordons aux particularités de l’oral dans ce travail
nous a amenée à ne pas respecter les conventions de transcriptions de l’oral parce qu’un tel
degré de précision n’était pas nécessaire à la qualité de notre recherche. C’est pourquoi les
intonations et les pauses ne sont pas marquées comme il convient de le faire dans une
transcription d’oral pour une étude phonétique par exemple.
1.1.2. Les paramètres de l’énonciation
Sur ce site Internet, l’auteur met à disposition des transcriptions d’histoires drôles, de
sketchs en duo, en trio, d’imitations de personnalités médiatiques… Nous avons exclu les
imitateurs et restreint le corpus à des sketchs en « one-man-show ». Il y a trois raisons à
cela : la crainte de se laisser perdre dans l’immensité des discours humoristiques ; le
sentiment que les imitateurs n’ont pas les mêmes techniques humoristiques que les
humoristes (le rôle de la voix et des intonations est, là, crucial) et le sentiment qu’il est plus
difficile en situation didactique de travailler avec des imitateurs qu’avec des humoristes2 ;
l’impression, enfin, que la situation d’énonciation est particulière : une personne devant
des centaines de personnes. Peut-être l’acteur parle-t-il directement en « je » et en « vous »,
ou bien joue-t-il plusieurs personnages à la fois en ignorant le public (voir I.2.2.3., p. 2526). L’interaction représentée par un seul locuteur apporte un intérêt pour le cours de
langue : l’enseignant présentant un sketch à ses apprenants peut les faire travailler sur cette
situation d’énonciation, les mener à étudier le nombre de personnages (de locuteurs), le
nombre d’acteurs (de sujets parlants), qui parle, quand, comment le voit-on (les marques de
l’énonciation et de l’interaction représentée).
2
Parce que les imitateurs travaillent principalement dans l’actualité, un peu comme les Guignols de l’info sur
Canal +, les documents vieillissent rapidement lorsqu’ils sont placés dans le temps de l’enseignement. De
plus, les imitateurs jouent beaucoup sur le paraverbal et sur les tics de langage de personnalités célèbres.
Contrairement aux humoristes qui s’inscrivent majoritairement dans des situations et dans des thèmes
quotidiens et populaires, les imitateurs usent plus de connaissances médiatiques et de représentations
paraverbales.
10
Le nombre total de sketchs trouvés sur Internet qui correspondent à ce
fonctionnement énonciatif est de 167. Ces 167 sketchs composent le corpus exploratoire
que nous avons affiné avec les critères suivants.
1.1.3. La situation didactique
Certains sketchs ne présentent pas ou quasiment pas d’allusions. Nous avons procédé à une
nouvelle sélection qui a donné priorité aux sketchs qui présentent une densité minimum
d’allusions discursives3. D’autres critères se sont ajoutés lors de cette sélection : la durée
des sketchs intégrés au corpus est limitée à moins de dix minutes afin que le matériel
didactique soit adapté aux capacités de concentration des apprenants ; le thème du sketch
ne doit pas être trop délicat afin de ne pas comporter trop de risques en situation didactique
multiculturelle (voir III.1.6.1., p. 96-97).
Nous avons souhaité que les transcriptions correspondent toujours à une version
vidéo et non seulement audio pour des considérations d’ordre didactique également. Il est
difficile de percevoir une allusion en temps normal pour les apprenants, et nous savons que
chacun use de stratégies d’apprentissages variées : le repérage est rendu d’autant plus
difficile aux apprenants qui ont une mémoire visuelle qu’ils n’ont pas la possibilité de
joindre la lecture labiale à l’audition. De plus, le travail sur support vidéo permet aux
apprenants de voir les humoristes, ce qui a deux avantages majeurs : ils ont accès à leur
apparence physique, ce qui leur donne les moyens de les reconnaître sur des affiches ou à
la télévision, et ils peuvent apprendre à décoder le langage non verbal de ceux-ci, qui
s’évertuent souvent à être très expressifs. Ils apprennent ainsi en même temps à reconnaître
les mimiques d’une personne en colère, nerveuse, mécontente, ou moqueuse.
Après sélections, le corpus de référence est composé de 16 sketchs. Il est disponible
en annexe (p. 124-146) avec les transcriptions intégrales. Le lecteur a accès aux
enregistrements qui sont la source de ces transcriptions en visionnant le DVD fourni en
annexe. Toutes les allusions du corpus d’étude sont extraites de ces textes.
3
Le lecteur risque d’avoir l’impression que l’allusion discursive est un phénomène extrêmement courant
dans les sketchs et que tous les humoristes y ont recours (puisque tous les sketchs sélectionnés en présentent).
Environ la moitié des sketchs de départ ont été éliminés parce qu’ils n’en présentent pas ou quasiment pas.
L’allusion discursive n’est ni intrinsèque, ni nécessaire aux stratégies humoristiques. La densité d’allusions
est souvent relative au style de l’humoriste : c’est un procédé très commun chez Raymond Devos ou Pierre
Desproges, mais il est beaucoup plus rare chez Florence Foresti.
11
1.2. La constitution du corpus d’étude
Le corpus de référence que nous avons construit est composé de textes qui présentent tous
un certain nombre d’allusions discursives de différents types. Ce sont ces allusions, une
fois répertoriées, que nous avons analysées pour atteindre notre objectif de recherche. Nous
avons eu recours à quelques auteurs pour affiner le sens non trivial de l’allusion : les
travaux auxquels nous avons fait appel nous ont donné des clés très différentes pour
préciser notre conception de ce phénomène et pour mieux le cerner. Quelques
caractéristiques intrinsèques et quelques limites ont été posées à notre objet de recherche.
Nous avons ensuite pu procéder à un repérage selon les caractéristiques prises dans leur
acception la plus large, tout en restant strictement dans les limites fixées.
1.2.1. Qu’est-ce qu’une allusion ?
Nos premières lectures4 nous ont menée aux définitions de Pierre Fontanier :
« [L’allusion] consiste à faire sentir le rapport d’une chose qu’on dit avec une autre qu’on
ne dit pas, et dont ce rapport même réveille d’idée. » (1968 [1821], p. 125)
et du Littré :
« figure de rhétorique consistant à dire une chose qui fait penser à une autre »
Elles nous ont fourni une première caractéristique de l’allusion : si elle se comprend, elle
ne se dit pas. D’autres recherches nous ont portée à lire L’implicite de Catherine KerbratOrecchioni (1986) et « Aux risques de l’allusion » de Jacqueline Authier-Revuz (2000).
Elles présentent l’allusion sous deux angles très différents qui correspondent à deux
aspects de notre orientation théorique : l’une pragmatique, l’autre dialogique.
Pour définir l’allusion, Catherine Kerbrat-Orecchioni l’insère dans une typologie des
types d’implicites. Elle procède à une première distinction au niveau des contenus
discursifs : les contenus explicites d’une part et les contenus implicites d’autre part (1986,
p. 20). En faisant appel à Herbert Paul Grice (1957, p. 3805), elle précise ainsi sa position :
« parler explicitement, c’est ‘to tell something’ ; parler implicitement, c’est ‘to get
someone to think something’. […] les contenus implicites (présupposés et sous-entendus)
ont en commun la propriété de ne pas constituer en principe […] le véritable objet du
dire, tandis que les contenus explicites correspondent, en principe toujours, à l’objet
essentiel du message à transmettre, ou encore sont dotés, selon la formule cette fois de R.
Posner (1982, p. 2), de ‘la plus grande pertinence communicative’. » (1986, p. 21-22)6.
4
Extraites des actes du colloque L’Allusion dans la littérature (2000).
GRICE Herbert Paul (1957) : « Meaning », The Philosophical Review 66, p. 377-388.
6
POSNER Roland (1982) : L’analyse pragmatique des énoncés dialogués, documents de travail et
prépublications du Centre International de Sémiotique de l’Université d’Urbino, n°113.
5
12
Catherine
Kerbrat-Orecchioni
propose
un
parasynonyme
pour
l’implicite,
l’inférence, qu’elle définit comme « toute proposition implicite que l’on peut extraire d’un
énoncé, et déduire de son contenu littéral en combinant des informations de statut variable
(internes ou externes). » (1986, p. 24). Elle constitue une hiérarchie dans laquelle
s’opposent contenus explicites et implicites, puis parmi les contenus implicites autrement
appelés inférences, s’opposent présupposés et sous-entendus, et enfin parmi les sousentendus, l’insinuation et l’allusion, deux entités qui semblent se recouper en certains
points7 :
L’auteur définit les présupposés :
« toutes les informations qui, sans être ouvertement posées (i.e. sans constituer en
principe le véritable objet du message à transmettre), sont cependant automatiquement
entraînés par la formulation de l’énoncé, dans lequel elles se trouvent intrinsèquement
inscrites, quelle que soit la spécificité du cadre énonciatif. » (1986, p. 25),
les sous-entendus :
« toutes les informations qui sont susceptibles d’être véhiculées par un énoncé donné,
mais dont l’actualisation reste tributaire de certaines particularités du contexte énonciatif
[…] ; valeurs instables, fluctuantes, neutralisables, dont le décryptage implique un ‘calcul
interprétatif’ toujours plus ou moins sujet à caution, et qui ne s’actualise vraiment que
dans des circonstances déterminées » (1986, p. 39).
et l’allusion, unité inférieure aux sous-entendus :
« fait implicitement référence à un ou plusieurs faits particuliers connus de certains des
protagonistes de l’échange verbal […] ce qui établit entre eux une certaine connivence
(pacifique ou agressive […]) » ou consiste en un « renvoi intertextuel » (1986, p. 46)
Catherine Kerbrat-Orecchioni insiste sur le caractère in absentia de l’allusion, sur la
connivence nécessaire à la réalisation de l’allusion, et elle introduit l’idée d’un « calcul
7
L’insinuation pose un problème définitoire à Catherine Kerbrat-Orecchioni parce qu’elle est surtout
caractérisée par une intention malveillante, mais rien ne vient clairement distinguer l’insinuation non
malveillante de l’allusion. L’auteur décide de trancher et de réserver l’insinuation « aux cas où la nature du
contexte sous-entendu invite à supposer chez son énonciateur un ‘mauvais dessein’. » (1986, p. 46).
13
interprétatif » (voir citation supra, p. 13), qui serait le produit de la compétence
d’interprétation que nous cherchons à développer chez les apprenants de français langue
étrangère (voir l’introduction, p. 5 et III.1.4.4., p. 92-93 et III.2.2.2., p. 103-104).
Pour travailler sur l’allusion, Jacqueline Authier-Revuz se place dans une tout autre
perspective, plus dialogique, moins pragmatique. Elle parle de la « présence non-marquée
du discours de l’autre », d’allusions « qui mettent en œuvre le lien d’un savoir partagé,
[qui] sont en même temps mises à l’épreuve, et par là, confirmation voire célébration de la
communauté correspondant à ce lien. » (1995, p. 308).
Jacqueline Authier-Revuz propose une dichotomie utile dans notre perspective : elle
met en lumière la différence fondamentale entre les allusions intratextuelles et les allusions
intertextuelles, les premières étant moins discriminantes du fait de la connivence instaurée
par le discours qui produit l’allusion, les secondes l’étant davantage du fait que la
connivence est un pré-requis que le locuteur présume être possédé par l’interlocuteur :
« Dans le cas de la connivence intra-textuelle, la communauté mise en œuvre est celle
qu’instaure le fonctionnement même du texte ou de l’échange verbal, et de l’espace de
mémoire partagée – celle du déjà dit précédant linéairement le hic et nunc – : c’est
l’échange lui-même qui crée les conditions de son fonctionnement allusif, interne, et le
récepteur est, nécessairement ‘adéquat’, nécessairement ‘co-appartenant’ à la
‘communauté co-énonciative’.
Au contraire, les communautés que requièrent les allusions à du déjà-dit extérieur
relèvent d’un lien supplémentaire, indépendant du fonctionnement de la co-énonciation,
et conditionnant celle-ci. Il y a non-production de connivence dans l’espace d’un
échange, mais exigence de cette connivence comme condition de l’échange, c’est-à-dire
construction par l’énonciateur dans ce qu’il choisit de désigner allusivement comme
extérieur, de l’image du récepteur adéquat, c’est-à-dire co-possédant avec lui une certaine
mémoire interdiscursive. » (1995, p. 309)
C’est sur la relation discursive entre le producteur et le récepteur (relation de
communauté co-énonciative, ou de communauté interdiscursive estimée) que Jacqueline
Authier-Revuz axe sa définition de l’allusion. Nous gardons cette dichotomie à l’esprit
pour la typologie que nous proposerons (en particulier pour l’intertextualité et
l’intratextualité, en II.2.2. et II.2.3., p. 50-66) et nous retenons de manière générale l’idée
de connivence entre le producteur et le récepteur, connivence nécessaire à une
intercompréhension maximale du discours (voir III.1.2.1., p. 79-82).
Nous pouvons proposer une première définition, en posant des caractéristiques et des
limites à l’allusion. Elle :
14
–
est implicite (ne constituant pas le véritable objet du dire, elle est laissée à entendre),
–
est sous-entendue (susceptible d’être véhiculée, son actualisation n’est pas assurée à
priori)
–
fait référence à des faits connus ou supposés connus par le locuteur (ce qui crée ou
renforce la connivence entre ceux qui perçoivent l’allusion)
–
n’est pas explicite (ne constitue pas l’objet essentiel du message)
–
n’est pas présupposée (pas automatiquement entraînée par la formulation du dire)
–
n’est pas nécessairement une insinuation (l’intention de l’allusion n’est pas
nécessairement malveillante, mais elle peut l’être).
1.2.2. Qu’est-ce qu’une allusion discursive ?
Le problème définitionnel ne s’est pas arrêté à l’allusion. Il s’est poursuivi avec l’adjectif
discursive. Pour les besoins de notre recherche, il prendra deux sens majeurs :
–
qui évoque un schéma cognitivo-discursif (un genre ou un type de discours) ou
–
qui évoque un discours, un élément d’un discours ou qui éveille la mémoire
interdiscursive8.
Ce double-sens que nous conservons à l’allusion discursive explique le premier niveau de
la typologie que nous proposons : on distinguera les allusions à un genre de discours
(imitations et transformations, voir II.1., p. 41-45) et les allusions à un texte ou à un
discours (voir II.2., p. 45-72).
Nous reviendrons sur ce que nous concevons comme un genre de discours (voir
I.2.1.1., p. 18-20), mais nous expliciterons ici notre conception du discours : pour nous, un
discours est l’ensemble constitué d’un énoncé ou d’un groupe d’énoncés considéré à la fois
dans sa structure linguistique et dans son contexte de production et de réception, empli de
subjectivités historiques, politiques, idéologiques, socio-historiquement déterminées et
orientées9. Le cadre théorique nous permettra de revenir sur certains aspects du discours, et
du langage en général, comme ceux des genres de discours, de l’interdiscursivité et de la
mémoire (voir I.2., p. 17-34).
8
Une suite de mots dont on peut retrouver l’origine (comme dans l’intertextualité ou l’intratextualité, voir
II.2.2. et II.2.3., p. 50-66) ou pas (comme dans les allusions interdiscursives, voir II.2.1., p. 46-50).
9
Inspiré de Francine Mazière (2005, p. 9-10), de Michel Pêcheux et Denise Maldidier (1990, p. 23-24), et de
Dominique Maingueneau (Charaudeau et Maingueneau, 2002, p. 186-187).
15
D’autre part, nous avons rapidement eu à faire face à un dilemme : où placer la limite
entre l’allusion discursive et l’allusion qui éveille l’idée d’objets ? Ainsi, dans l’exemple
suivant :
Albert Dupontel, dans Le bac (en annexe, p. 125) :
On l’a bien vu d’ailleurs en mai 48 quand il y a eu la révolution des étudiants.
la personne qui reçoit cet énoncé pense-t-elle aux événements de mai 1968, ou bien se ditelle que l’énonciateur s’est trompé, que ce n’est pas mai 48 qu’il fallait dire mais mai 68 ?
La première solution nous ferait dire que l’allusion a éveillé l’idée de l’événement, tandis
que la seconde nous ferait pencher pour une réflexion de type métalinguistique. Il nous
semble peu pertinent de trancher parce que nous formulons l’hypothèse (qui restera par
ailleurs à démontrer dans d’autres travaux) que les deux réflexions ont lieu
concomitamment. Il n’y aurait, dans ce cas, aucune raison de nier l’existence de l’une ou
de l’autre. Pour répondre à notre dilemme, nous formulons la réponse suivante : dans un
discours, l’allusion discursive, si elle éveille l’idée de quelque chose, comporte toujours
aussi une dimension métalinguistique. Elle est une condition sine qua non de notre
définition de l’allusion discursive.
1.2.3. Quelques remarques concernant les corpus
Notre corpus de référence, constitué par les transcriptions, contient 16 sketchs (voir en
annexe, p. 124-146). Un premier sous-corpus de travail a été constitué en répertoriant les
allusions des sketchs selon les éléments de définition vus (en I.1.2.1., p. 12-15 et I.1.2.2.,
p. 15-16) et quelques phénomènes discursifs sur lesquels nous avons douté à un moment
(en annexe, p. 159). Ce sous-corpus est composé de 203 allusions discursives et de 9
extraits qui n’entrent pas dans les critères de l’allusion discursive et qui nous permettront
de poser des limites, soit 212 éléments. C’est sur ce sous-corpus de travail que nous avons
effectué les premières analyses qui ont abouti à un classement des allusions sur trois
niveaux et à l’établissement d’une typologie (voir II., p. 39-40). Les allusions, une fois
classées, ont constitué un second sous-corpus de travail que nous avons utilisé pour décrire
plus précisément chaque type d’allusion (voir II.1. et II.2., p. 41-72).
Les catégories du classement ne s’excluent pas mutuellement : une même allusion
peut être à la fois intratextuelle et paronomastique par exemple, auquel cas elle entre dans
deux catégories distinctes. C’est ce qui explique que le second sous-corpus de travail
contient davantage d’éléments que le premier. Il est composé de 293 éléments.
16
Le corpus de travail ne se présente pas comme un corpus exhaustif qui répertorierait
toutes les allusions de tous les types dans le corpus de référence. Par exemple, dans les
sketchs, nombreuses sont les allusions interlocutives (voir II.2.5., p. 71-72) : l’humoriste
fait souvent semblant de répondre à des interlocuteurs qui lui auraient parlé. Or, seules
quelques-unes sont notées dans les sous-corpus de travail. Il nous a semblé peu pertinent
d’inventorier toutes les allusions de ce type parce qu’elles sont très nombreuses et
fonctionnent de manière homogène.
Le classement des allusions qui a conduit au deuxième sous-corpus de travail est
guidé par des orientations théoriques dont les principes correspondent à ceux de l’analyse
du discours.
2. Ancrage théorique, sketchs et allusions
Nous avons utilisé les notions de genres et types de discours, d’énonciation,
d’intertextualité
et
d’intratextualité,
de
dialogisme
interdiscusif,
interlocutif
et
d’autodialogisme parce que les allusions discursives ne fonctionnent qu’en cas
d’intercompréhension et d’interprétation de l’implicite (voir I.1.2.1., p. 12-15). Les
allusions ont été étudiées avec des outils linguistiques et parfois cognitifs qui permettent
d’analyser les marques qu’y laisse le dialogisme par exemple. Cette approche nous semble
assez générale pour regrouper les aspects principaux de l’allusion discursive tout en
ouvrant des perspectives transférables en didactique des langues et du français comme
langue étrangère.
2.1. Les genres et les types de discours
Un problème général qui s’est posé lors de cette recherche sur un corpus humoristique a
été de savoir si le sketch humoristique est un genre de discours ou un type de discours.
Nous ferons appel à des auteurs tels que Mikhaïl Bakhtine d’une part, et Catherine
Kerbrat-Orecchioni et Sophie Moirand d’autre part pour définir les genres de discours et
pour nous positionner parmi les diverses théories sur le sujet parce qu’il nous semble que
ces auteurs ont chacun à sa manière posé une pierre angulaire dans la recherche dans ce
secteur.
17
2.1.1. Qu’est-ce qu’un genre de discours ?
Il peut à priori sembler étrange de faire appel à Mikhaïl Bakhtine dans nos
questionnements en analyse du discours, puisqu’il était avant tout chercheur en littérature
(cf. par exemple les études qu’il a faites sur les œuvres de Fiodor Dostoïevski et de
François Rabelais)10. Nous en garderons principalement le concept de « double
orientation » du discours vers la réalité : une orientation vers le contexte de la situation,
soit les participants, les « conditions de l’exécution et de la réception » (Todorov, 1981,
p. 127)11. On peut tout à fait en déduire que le genre d’un discours est en partie déterminé
par l’intention de communication sous-jacente et par le dialogisme interlocutif. La seconde
orientation proposée est de type thématique.
Mikhaïl Bakhtine propose une définition des genres discursifs, que nous retiendrons
pour le moment :
« Tout énoncé particulier est assurément individuel, mais chaque sphère d’usage du
langage élabore ses types relativement stables d’énoncés, et c’est ce que nous appelons
les genres discursifs (29, 237). » (Todorov, 1981, p. 127)12
Certains éléments des discours quotidiens sont relativement stables, et c’est ce qui
nous permet de repérer quel genre de discours nous entendons, et réciproquement de nous
faire comprendre en respectant le genre de discours dans lequel nous nous situons. C’est la
stabilité qui détermine les découpages, l’instabilité n’étant alors en fait qu’une forme de
variation situationnelle.
Quelque cinquante ans plus tard, Catherine Kerbrat-Orecchioni et Véronique
Traverso reprennent le problème après bien d’autres linguistes et sémioticiens13, mais elle
s’intéresse particulièrement aux genres de l’oral. Elle propose une distinction, inspirée de
Jean-Michel Adam, entre « G1 » et « G2 », soit entre genres et types de discours.
10
Bakhtine / Voloshinov (1977 [1929]) : Le Marxisme et la Philosophie du langage, cité dans Todorov
(1981), p. 126 : « [t]oute situation quotidienne stable comporte un auditoire organisé d’une certaine façon, et
par conséquent un certain répertoire de petits genres quotidiens. (12, 98-99) ».
11
Medvedev (1928) : Fromal’nyj metod v literaturovedenii, cité dans Todorov (1981).
12
Bakhtine (1975 [1974/~1941]) : « Problema rechevykh zhanrov » (Le problème des genres discursifs),
dans Bakhtine (1979) : Estetika slovesnogo tvorchestva (Esthétique de la création verbale), cité dans Todorov
(1981).
13
Catherine Kerbrat-Orecchioni déplore elle aussi un manque de clarté dans les classifications :
« Il va de soi pourtant que les productions orales orales relèvent de genres divers, c’est-à-dire qu’ils se
distribuent en ‘familles’ constituées de productions variées mais présentant un certain ‘air de famille’. Cela
est attesté par l’existence des nombreux termes que la langue met à la disposition des usagers pour
caractériser tel échange particulier comme étant une conversation, une discussion ou un débat, du bavardage
ou du marchandage, […] l’hétérogénéité d’une telle liste (qui pourrait être allongée ad libitum) [… et la]
richesse du lexique utilisé pour étiqueter les genres n’a d’égal que la confusion qui le caractérise […]. »
(2003, « 2. Les genres de l’oral » [en ligne])
18
« G1 : ‘Événements de communication’ ou ‘types d’interactions’ [qui] sont définis
d’abord sur la base de critères ‘externes’, c’est-à-dire situationnels (nature et destination
du site, nature du format participatif, nature du canal, but de l’interaction, degré de
formalité et de planification de l’échange, degré d’interactivité, etc.). » (KerbratOrecchioni, 2004, p. 43)
Les types de discours sont l’unité directement inférieure aux genres, ils se définissent
sur des critères internes au discours plutôt qu’à la situation de communication,
contrairement aux genres de discours.
« G2 : Types de discours, ou mieux, d’‘activités discursives’ […] ‘types’ plus abstraits
de discours caractérisés par certains traits de nature discursivo-rhétorico-pragmatique.
[…] Les types d’activités se définissent au contraire par des critères ‘internes’. […] Cette
identification repose sur différents éléments du matériel linguistique et de l’organisation
discursive » ( Kerbrat-Orecchioni, 2004, p. 43-44)
Ce type d’analyse, inscrivant les genres et types de discours dans des niveaux
discursifs macro- et mésotextuels, est également utilisé par Sophie Moirand (2003b, 2.1.
[en ligne]) qui y ajoute un niveau microtextuel. Elle propose en fait une grille d’analyse
des genres et des types de discours selon des critères qui relèvent à la fois des trois niveaux
du discours : le niveau macro (ou global) qui concerne les gestes, les intentions (ou
finalités), le jeu des représentations, l’ordre des éléments mésotextuels (le scénario ou
script) ; le niveau mésotextuel (ou médian) qui concerne les opérations cognitivolangagières à moyenne échelle (les actes de langages, les types de textes, les tours de
parole) ; et le niveau microtextuel qui concerne les marques et opérations linguistiques. Ce
sont ces outils d’analyse que nous utiliserons pour étudier les parodies, qui s’appliquent à
caricaturer les types et genres de discours que nous connaissons.
À la fin de son étude sur le genre, elle propose une définition provisoire améliorée du
genre que nous reproduisons ici :
« une représentation socio-cognitive intériorisée que l’on a de la composition et du
déroulement d’une classe d’unités discursives, auxquelles on a été « exposé » dans la vie
quotidienne, la vie professionnelle et les différents mondes que l’on a traversés, une sorte
de patron permettant à chacun de construire, de planifier et d’interpréter les activités
verbales ou non verbales à l’intérieur d’une situation de communication, d’un lieu, d’une
communauté langagière, d’un monde social, d’une société… » (2003b, 2.3. [en ligne])
Nous retiendrons de ce petit tour d’horizon que :
–
le genre de discours est une grande unité, composée de sous-unités appelées sousgenres ou types de discours,
–
le genre correspond à un type d’interaction ou d’événement, il est doublement orienté
vers la situation et vers le thème de l’échange,
19
–
le type de discours correspond à un type d’activité, il est caractérisé par sa
fonctionnalité (d’où l’importance de l’unité « acte de langage » dans son étude),
–
le genre comme le type de discours sont des représentations socio-cognitives
intériorisées par exposition,
–
ils permettent une organisation structurée des échanges et une relative clarté
d’interprétation des intentions de communication,
–
enfin, ils sont culturellement marqués.
2.1.2. Le sketch humoristique est-il un type de discours ?
En ce qui concerne les pratiques sociales, les participants et le contexte, le sketch
d’humoriste ne constitue pas un genre. En effet, la salle de spectacle, la situation scène /
salle, l’organisation des participants en artiste(s) / spectateurs n’est absolument pas
spécifique aux humoristes, et encore moins aux sketchs, puisque cette situation est
relativement permanente tout au long d’un spectacle et qu’elle correspond également à
d’autres spectacles que ceux des humoristes (par exemple ceux des musiciens et des
chanteurs, des danseurs, des chansonniers, et par extension des politiciens ou
conférenciers). Nous le classerons dans le genre discursif du spectacle ou de la
représentation.
Le sketch est par définition de courte durée, sa composition est différente de celle
d’un spectacle complet. L’auteur de sketchs humoristiques use de stratégies pour faire rire
les spectateurs, son discours est orienté par une intention (niveau mésotextuel)
caractéristique des sketchs humoristiques (voir III.1.2.2., p. 79-82). Le sketch
humoristique est un type de discours particulier en ceci qu’il fait appel à d’autres
types de discours pour exister. Il est impossible d’affirmer que les sketchs humoristiques
ont une composition stable comme les types de discours habituels, puisqu’ils calquent la
structure du type de discours qu’ils imitent. Les sketchs du corpus suivent deux schémas
majeurs : soit ce sont des discours d’analyse sociale, présentant les caractéristiques de
types de discours argumentatifs ou descriptifs avec une intention critique, soit ce sont des
mises en situation de communication, auquel cas le discours imite la structure schématique
appropriée.
20
2.1.3. Caractéristiques textuelles des sketchs
Nous pouvons dégager du corpus quelques similitudes dans la composition structurelle des
sketchs. Un sketch débute avec une situation initiale, un décor (souvent sobre), des
personnages et un contexte. Certains présentent un incipit « traditionnel », dans lequel cette
situation est présentée et introduite tout de suite (la majorité des cas), d’autres proposent un
début in medias res. Ainsi :
Albert Dupontel, dans Le bac (en annexe, p. 124) :
« L’universalité, l’universalité de la pensée philosophique du XXe siècle, l’universalité de
la pensée philosophique du XXe siècle repose sur la controverse existant entre les
individualités d’écriture et l’instinct surréaliste sous-jacent chez la plupart des auteurs
tout en respectant la linéarité de la pensée du monde occidental. »
[Il retourne le livre qu’il a dans les mains].
Allez, putain je le sais ça je le sais, je le sais, je le sais, je le sais, je le sais… L’université
du XXe est adjacente avec des « insoltis » sur l’inverse du…
Oh putain je sais rien !! Oh la vache, oh ça va être à moi. J’ai pas eu le temps de tout
apprendre ! [Il cache le livre dans son pantalon.] J’ai rien fait ! J’ai rien fait !!! [Il prend
un deuxième livre par terre et le cache aussi.] J’ai rien fait !!!
Anne Roumanoff, dans Internet (en annexe, p. 126) :
Et, vous savez, ça y est, je suis rentrée dans le XXIe siècle, je suis connectée à Internet. Je
surfe, je navigue, enfin, pour l’instant, je rame. Ça a commencé quand j’ai acheté
l’ordinateur.
Dans le premier exemple, c’est la lecture de l’extrait d’un livre qui ouvre le sketch.
Quel livre ? Quel auteur ? Quel thème ? Le spectateur ne peut que déduire des hypothèses
de réponses de ce qu’il entend. Mais la situation n’est pas encore fixée. Le « Oh putain je
sais rien ! » ainsi que la tentative (échouée) d’apprentissage par cœur nous rappellent les
périodes d’attente avant un examen, oral ou écrit. La situation est comprise au fur et à
mesure que le personnage agit et parle : les indices dévoilés progressivement permettent au
récepteur de mobiliser le type de discours qui correspond à la représentation sociocognitive éveillée par les marques discursives.
Dans le second incipit, davantage « traditionnel », la situation est posée assez
précisément : le pronom sujet « vous » nous indique que l’humoriste parle aux spectateurs,
aux auditeurs. Contrairement à Albert Dupontel dont l’attitude corporelle laisse penser
qu’il joue un personnage (les yeux inquiets, la lecture d’un livre), l’adresse au public et
l’attitude ainsi que le ton d’Anne Roumanoff laissent supposer au récepteur qu’elle parle
d’elle-même, que le « je » est la personne Anne Roumanoff. Nous avons dès les premiers
mots une idée de qui parle, et à qui. La situation initiale est immédiatement posée :
21
l’humoriste a récemment obtenu un accès personnel à Internet (« ça y est, je suis rentrée
dans le XXIe siècle »). C’est cette situation de nouveauté qui fait l’ouverture du sketch. La
suite consiste à décrire les différentes conséquences de ce changement dans la vie de
l’humoriste. Un commentaire est ensuite posé : « Je surfe, je navigue, enfin, pour l’instant,
je rame. », qui permet au spectateur de deviner le point de vue de l’actrice sur le sujet.
Vient ensuite l’introduction du premier élément majeur du sketch, le déclencheur du
changement dans la vie de l’actrice : l’événement que constitue l’achat de l’ordinateur. En
quelques secondes, le spectateur peut répondre de manière relativement précise aux
questions portant sur le qui, le quoi, le comment, le à qui, et le point de vue adopté dans le
sketch.
La partie centrale est fort différente d’un sketch à l’autre puisqu’elle dépend en
grande partie du genre de discours pastiché. Nous pouvons cependant distinguer deux
manières de faire : le sketch peut avoir une base et une progression (comme C’est l’histoire
d’un mec de Coluche ou Ouï dire de Raymond Devos, respectivement en annexes, p. 129131 et p. 145) ou bien un fil conducteur et des minis-éléments mis bout à bout, comme des
« sous-sketchs » (comme Les expressions de Jean-Marie Bigard, en annexe, p. 134). Cette
partie centrale conditionne la fin du sketch : dans le cas où le sketch est une progression, il
est clos par une chute (un effet humoristique final), et dans le cas où le sketch est une
succession de petites histoires, c’est un « sous-sketch » qui termine le sketch.
Dans le cadre didactique, les problèmes que posent le type de discours humoristique
et les situations d’énonciation possibles offrent un point de départ à l’étude d’un sketch :
étudier le nombre d’acteurs, le nombre de personnages, le rôle du public et les relations
supposées entre les personnages de l’histoire permettent aux apprenants d’entrer dans la
compréhension et de clarifier l’organisation de la communication (voir III.1.3., p. 85).
2.2. Des approches énonciatives
Le type de discours que constitue le sketch humoristique induit une énonciation
particulière : étant donné que la particularité du spectacle est de re-présenter, l’énonciation
des humoristes est double. Pour démêler les situations d’énonciation et de communication
que proposent les sketchs humoristiques, nous avons eu recours à Émile Benveniste qui
propose un premier schéma d’énonciation, acte fondamental dans lequel il inscrit le
producteur, le récepteur, et le message. Puis, pour l’énonciation représentée, nous nous
référerons au concept de polyphonie selon Oswald Ducrot. Nous reviendrons enfin sur
Roman Jakobson et les fonctions du langage qu’il a dégagées.
22
2.2.1. L’énonciation chez Émile Benveniste
L’énonciation selon Émile Benveniste est la « mise en fonctionnement de la langue par un
acte individuel d’utilisation » (2005 [1970], p. 80). Les marques formelles de l’énonciation
sont les indices linguistiques qui situent la production discursive dans son contexte. Émile
Benveniste conçoit l’énonciation comme concernant les situations où le locuteur est le
« je » qui parle en tant qu’il « mobilise la langue pour son compte » (2005 [1970], p. 80),
mais s’il la mobilise pour un autre énonciateur, le « je » n’est plus le locuteur, le « ici »
n’est plus le lieu de l’énonciation. Émile Benveniste envisage cette « autre » énonciation,
représentée, en particulier à l’écrit :
« Il faudrait aussi distinguer l’énonciation parlée de l’énonciation écrite. Celle-ci se meut
sur deux plans : l’écrivain s’énonce en écrivant et, à l’intérieur de son écriture, il fait des
individus s’énoncer. De longues perspectives s’ouvrent à l’analyse des formes complexes
du discours, à partir du cadre formel esquissé ici. » (2005 [1970], p. 88)
Mais ces deux plans ne sont pas caractéristiques de l’écrit, ils peuvent également se
rencontrer dans l’oral. Les sketchs humoristiques sont d’abord écrits puis oralisés, ils
proposent une énonciation représentée dans laquelle l’humoriste fait parfois parler des
personnages de fiction. S’offre ainsi à l’auteur deux possibilités :
–
il écrit sur lui, se prenant pour personnage ou
–
il écrit une fiction et invente un ou plusieurs personnages.
2.2.2. La polyphonie selon Oswald Ducrot
Oswald Ducrot dans Le Dire et le dit (1985) reprend le terme de « polyphonie » à Mikhaïl
Bakhtine pour désigner la présence de plusieurs énonciateurs (de plusieurs voix) dans un
même discours.
« le sens même de l’énoncé attribuerait à l’énonciation deux locuteurs distincts,
éventuellement subordonnés […]. Certes, du point de vue empirique, l’énonciation est
l’œuvre d’un seul sujet parlant, mais l’image qu’en donne l’énoncé est celle d’un
échange, d’un dialogue, ou encore d’une hiérarchie de paroles. » (1985, p. 198)
« J’appelle ‘énonciateurs’ ces êtres qui sont censés s’exprimer à travers l’énonciation,
sans que pour autant on leur attribue des mos précis ; s’ils ‘parlent’, c’est seulement en ce
sens que l’énonciation est vue comme exprimant leur point de vue, leur position, leur
attitude, mais non pas, au sens matériel, leurs paroles. » (1985, p. 204)
Dans ce travail, nous entendrons par sujet parlant l’acteur qui physiquement dit le
discours et qui a un métier de scène, tandis que le locuteur est celui à qui le sujet parlant
fait dire ses paroles : le locuteur est le personnage que joue l’acteur (fictif ou non).
L’énonciateur est celui qui assume et prend en charge le point de vue de l’énoncé. L’auteur
23
du texte et l’acteur du sketch sont des énonciateurs parce que des indices dans le discours
révèlent leur point de vue.14
Les auteurs des textes humoristiques parlent, selon les termes d’Oswald Ducrot, dans
une « seconde parole » (1985, p. 205), ils expriment leurs points de vue, leurs messages à
travers la « première parole » qu’ils donnent aux personnages. Une grande partie des
humoristes comédiens sont aussi les auteurs de leurs textes. Il arrive qu’un sketch soit
préparé en collaboration (ceux de Muriel Robin par exemple)15, mais l’artiste participe à
l’élaboration du texte, ne serait-ce que dans son interprétation sur scène. Sa voix est par
conséquent toujours présente.
Dans le discours du sketch, la présence énonciative de l’humoriste est doublée de sa
présence kinésique par une gestualité et une incarnation du personnage qui lui est propre.
Hugues Constantin de Chanay (2005) emprunte à Jacques Cosnier et à Alain Brossard16
l’expression d’« ensemble ‘posturo-mimo-gestuel’ » pour en parler. Il postule que, puisque
« le texte linguistique stricto sensu n’est qu’une partie du ‘totexte’ oral »17, l’oral est
« polysémiotique » et il n’y a selon lui « pas de raison pour que des phénomènes discursifs
comme le dialogisme et la polyphonie se cantonnent au système ‘verbal’. » (2005, p. 232).
Il explique18 que la polyphonie (tout comme le dialogisme) est « à l’oral, littéralement
incorporé[e] » (2005, p. 245). Hugues Constantin de Chanay dit, en substance, que le
corps est mis à contribution par le locuteur pour co-exprimer avec la voix le message en
cours. Les gestes, mais pas seulement, peuvent « jouer » le corps d’un autre, le corps d’un
discours autre. Ce que ne dit pas l’auteur en revanche, mais qui nous semble nécessaire
pour compléter sa thèse, c’est que si ce corps est mis à contribution pour « jouer » un autre,
et qu’il y a polyphonie, c’est bien que le point de vue de celui qui parle persiste dans le jeu
de l’ensemble « posturo-mimo-gestuel ». L’humoriste peut, certes, jouer des personnages
14
Le personnage peut être un énonciateur ou plusieurs à la fois selon s’il est cohérent ou non, ou s’il change
d’avis par exemple.
15
Les collaborations d’écriture que Muriel Robin a faites sont indiquées sur son site Internet :
http://www.murielrobin.net/010200.htm
16
Hugues Constantin de Chanay (2005, p. 231-232) cite les références suivantes :
COSNIER Jacques, BROSSARD Alain (1984) : La communication non-verbale, Delachaux et Niestlé,
Neuchâtel.
COSNIER Jacques (2000) : « Définition et conception du non verbal pour le ‘psychologue’ »,
Communication et organisation 18 Non-verbal, Communication, Organisation, Actes du colloque du
GREC/O, ISIC, Bordeaux, p. 49-55.
17
Le totexte est selon Jacques Cosnier la totalité des unités sémiotiques mises en place dans une interaction.
18
En conclusion de son étude sur le dialogisme et la polyphonie dans l’oral polysémiotique d’un corpus
d’entrevues avec Jean-Claude van Damme.
24
sur scène, mais son identité propre, sa vision de la kinésie, ses représentations du
personnage qu’il joue, et son point de vue transparaissent toujours au travers de son corps
et de son jeu, en double avec la polyphonie du texte du sketch.
2.2.3. L’énonciation dans les sketchs de notre corpus
Il existe deux formats majeurs en ce qui concerne le plan de l’énonciation des sketchs :
1. l’humoriste parle pour lui-même, avec le public, directement
2. l’humoriste joue un personnage (ou plusieurs), il a sa vie, sa psychologie, son identité,
et il joue une autre vie, une autre identité.
Un point commun lie les sketchs, qu’ils entrent dans l’un ou l’autre des formats : la
situation d’énonciation du même sketch est toujours légèrement différente d’un sketch à
l’autre parce que le public change et que l’acteur évolue entre deux représentations. Pour
un même texte, les participants à l’énonciation ne sont pas exactement les mêmes.
L’énonciation prétendument non représentée
Le sketch peut proposer une situation d’énonciation dans laquelle l’humoriste prétend
parler de lui dans le « je » de son discours19. Le « tu » et/ou le « vous » de ce discours
désignent un, plusieurs ou tous les spectateurs. Les sketchs suivants présentent ce format
d’énonciation :
« je » est le comédien
Anne Roumanoff, Internet
Coluche, C’est l’histoire d’un mec
Jean-Marie Bigard, Les expressions
Muriel Robin, La Solitude
Muriel Robin, Le répondeur
Patrick Timsit, La grossesse
Pierre Desproges, Les cintres
Raymond Devos, La Ceinture de sécurité
Raymond Devos, Ouï dire
Roland Magdane, Le merdier
« tu » ou « vous » est le public20
Anne Roumanoff, Internet
Coluche, C’est l’histoire d’un mec
Jean-Marie Bigard, Les expressions
Muriel Robin, La Solitude
Muriel Robin, Le répondeur
Patrick Timsit, La grossesse
Pierre Desproges, Les cintres
Raymond Devos, La Ceinture de sécurité
Raymond Devos, Ouï dire
Roland Magdane, Le merdier
19
Nous n’avons pas les moyens de vérifier que c’est bien d’eux que les humoristes parlent. Dans certains cas,
comme dans La Ceinture de sécurité, nous pouvons supposer que Raymond Devos utilise un procédé
commun à certaines histoires drôles : il prétend que ce qu’il raconte lui est effectivement arrivé pour atténuer
l’aspect fictionnel et rendre le sketch davantage incongru.
20
« tu », « vous » ou toute autre marque énonciative de l’énonciataire sont ici prises en compte, telles que
l’impératif « Prenez la porte » de Pierre Desproges par exemple.
25
L’énonciation représentée
Le comédien prend la peau d’un autre personnage qu’il a construit et qu’il interprète sur
scène. Le « je » du discours est double puisqu’il représente l’énonciateur-auteur et
l’énonciateur-locuteur. Le « tu » est tantôt prêté à un personnage que le public doit
imaginer, tantôt au public lui-même qui doit alors endosser le rôle d’acteur. Les sketchs
suivants respectent le format 2 :
« je » est un personnage
Albert Dupontel, Le bac
(lycéen, candidat au baccalauréat)
« tu » est un personnage ou le public
un personnage
(l’examinatrice)
Anne Roumanoff, La boum
(jeune fille de 14 ans)
Bourvil, Causerie anti-alcoolique
(délégué de la ligue anti-alcoolique)
cinq personnages
(Bernard, Élodie, Azziz, Jean-Édouard
et Steevy)
le public
(public de la conférence)
Coluche, L’ancien combattant
(ancien combattant)
le public
(lui-même)
Élie Sémoun, Le dragueur
(Jean-Luc, dragueur)
deux personnages
(Micheline et Martine)
Pierre Palmade, Le Scrabble
(joueur de Scrabble)
trois personnages
(Véro, Liliane et Alexandre)
Les discours périphériques, un statut à part
Le degré d’improvisation est limité puisque les sketchs sont proposés soir après soir et que
les discours périphériques sont toujours plus ou moins les mêmes (remerciements,
transitions…). Le corpus présente quelques improvisations :
Jean-Marie Bigard, Les expressions (voir en annexe, p. 135, en fin de sketch) :
Voilà ! [un assistant lui passe une bouteille d’eau depuis les coulisses, il s’apprête à boire]
Personne, non ?
Patrick Timsit, La grossesse (voir en annexe, p. 140, au cours du sketch) :
[rire] Et puis, le môme, va falloir lui [remarque un rire particulier au premier rang] Petite
locomotive au premier rang là, ah ah, tchtchtchtchtchtchtch, non, non, ça va aller, ça va
aller. Attention, me déclenchez pas, hein, me déclenchez pas [fou rire réprimé]. Non non,
mais on va se calmer tous les deux, voilà, ça va s’arrêter, hein. Forcément, si ça s’arrête
chez vous, ça m’arrête. Ah ah, voilà ! [regard avec le spectateur]. Le môme, va falloir lui
trouver un prénom.
Les moments improvisés « défont » l’énonciation représentée : l’humoriste ne joue
temporairement plus un personnage.
26
2.2.4. L’énonciation dans les allusions
La double-énonciation dans les sketchs peut apparaître dans les allusions. Il y a en général
un point de vue supérieur à l’autre, celui de l’auteur sur celui du personnage ou celui de
l’énonciateur cohérent sur l’énonciateur incohérent, par exemple (voir II.2.1., p. 46-50). On
peut avoir affaire à une surénonciation et à une sousénonciation, mais aussi parfois à deux
énonciations de poids égal. La surénonciation, c’est une « co-construction inégale d’un
PDV [point de vue] surplombant » et la sousénonciation, c’est la « co-construction inégale
d’un PDV dominé » (Rabatel, 2005a, p. 102)21. Ces deux termes désignent la même réalité
discursive, mais de deux points de vue différents. Dans les cas de polysémie ou
d’homonymie par exemple, nous considérons qu’il y a surénonciation pour le point de vue
qui fait tendre vers le premier sens qui vient à l’esprit, et sousénonciation pour le second
sens, celui qui vient après. Dans certains cas, deux énonciations sont en co-présence à
égalité dans le discours, ce qui bloque dans le cas de polysémie ou d’homonymie la
discrimination des sens et empêche l’esprit de se porter sur un plutôt qu’un autre. Nous
parlerons alors de coénonciation.
Nous avons parfois deux niveaux d’énonciation : celui de l’énonciateur-auteur (la
« seconde parole » d’Oswald Ducrot) et celui du personnage qui peut représenter plusieurs
énonciateurs. Ces derniers énonciateurs ne prennent en charge qu’une partie du discours du
personnage (voir II.2.1., p. 46-50). Cela crée généralement des incohérences dans le
discours ou des niveaux de compréhension multiples. La surénonciation et la
sousénonciation concernent les allusions pour lesquelles une interprétation est privilégiée
tandis que la coénonciation ne permet pas de savoir si une interprétation est meilleure
qu’une autre. Ces considérations énonciatives donnent aux enseignants de français langue
étrangère un outil d’explication, et aux apprenants un moyen de décoder les incohérences
textuelles (voir III.2.1., p. 101-102).
21
Alain Rabatel se réfère là aussi à lui-même :
RABATEL Alain (2004a) : « Déséquilibres interactionnels et cognitifs, postures énonciatives et coconstruction des savoirs : co-énonciateurs, sur-énonciateurs et archi-énonciateurs », Alain Rabatel (éd.),
Interactions orales en contexte didactique, Presses Universitaires de Lyon, Lyon, p. 26-69.
RABATEL Alain (éd.) (2004b) : Effacement énonciatif et discours rapportés, Langages 156.
RABATEL Alain (2005) : « La narrativisation d’un texte argumentatif : résolution des conflits et
argumentation propositive indirecte », Robert Bouchard et Laurenza Mondada (éds), La rédaction
collaborative, L’Harmattan, Paris, p. 227-255.
RABATEL Alain (2002) : « Le sous-énonciateur dans les montages citationnels : hétérogénéités énonciatives
et déficits épistémiques », Enjeux 54, p. 52-66.
27
Les approches énonciatives d’Émile Benveniste et d’Oswald Ducrot sont tournées
vers les acteurs et les points de vue dans l’énonciation. Roman Jakobson s’est intéressé au
cadre de l’énonciation, comme Émile Benveniste, mais il a proposé des fonctions au
langage. Cette perspective apporte des éléments de compréhension au fonctionnement de
certaines allusions.
2.2.5. Les fonctions du langage selon Roman Jakobson
Roman Jakobson propose un cadre de la communication composé de six éléments : le
destinateur, le destinataire, le message, le référent, le code et le canal. À ces six éléments
correspondent six fonctions du langage : expressive, conative, poétique, référentielle,
métalinguistique et phatique. Nous avons vu l’importance de la fonction métalinguistique
du langage pour les allusions discursives (en I.1.2.2., p. 15-16) puisqu’une dimension
métalinguistique est nécessaire à la réalisation d’une allusion discursive (si nous parlons de
dimension métalinguistique, c’est parce que la fonction métalinguistique n’est pas toujours
mise en valeur mais elle est présente en arrière-plan).
La fonction poétique du langage est indispensable dans une réflexion sur l’allusion
en général, mais davantage encore sur certains types : les paronomases, les parallélismes et
les défigements « audibles ». La fonction poétique est, selon Roman Jakobson, celle des
six fonctions du langage qui met en relief la forme du message pour la relier au fond : « La
visée (Einstellung) du message en tant que tel, l’accent mis sur le message pour son propre
compte, est ce qui caractérise la fonction poétique du langage. » (1963, p. 218), « Cette
propension à inférer, de la ressemblance des sons, une connexion des sens, est un trait
caractéristique de la fonction poétique du langage » (1973, p. 216). Les outils qu’offre la
poétique permettent de mettre en relief l’aspect esthétique des allusions, mais aussi
l’importance des similarités et dissimilarités dans leur repérage par le destinataire.
Les allusions et l’humour ont une fonction sociale qui consiste à présenter une
critique de la société au public afin qu’il prenne du recul (voir III.1.2.2., p. 82-84) : le
sketch humoristique a souvent une visée argumentative. La fonction conative du langage
est mise en œuvre dans le corpus de sketchs et dans les allusions qui sont des outils utilisés
par l’humoriste pour parvenir à ses fins.
Les allusions discursives nécessitent que l’on comprenne non seulement leur
fonctionnement énonciatif, mais aussi les rapports que les mots explicités entretiennent
28
avec l’implicite qu’ils évoquent. Pour cela, nous étudierons les concepts d’intratextualité et
d’intertextualité.
2.3. L’intratextualité et l’intertextualité
L’intratextualité consiste en la mise en relation d’un élément de la production discursive
avec un autre élément qui a été énoncé plus tôt dans la même production : cet élément
évoqué est nécessairement in præsentia dans l’intercompréhension du discours, et non
seulement dans la mémoire discursive à long terme des interlocuteurs. La mémoire de
compréhension est, cependant, un frein possible aussi pour les apprenants de français
comme langue étrangère pour qui le travail de compréhension au niveau du décodage
nécessite déjà un gros effort qui peut mobiliser trop d’énergie pour que la compréhension
globale et le passage en mémoire à moyen terme se réalise. Les allusions intratextuelles
sont globalement plus accessibles aux apprenants, à condition que le niveau de difficulté
du discours ne mobilise pas toutes les énergies cognitives de l’apprenant dans la première
phase de compréhension.
Comme le rappelle Jacqueline Authier-Revuz (voir citation supra, p. 14), une
différence majeure distingue l’intertextualité de l’intratextualité : la nature de la
connivence instituée par le locuteur. Cela n’est pas sans répercutions dans le contexte
didactique de l’enseignement du français comme langue étrangère : si la connivence est
instaurée dans le discours, elle n’est pas discriminante puisque le locuteur donne tous les
moyens au récepteur d’y participer, tandis que si elle est présupposée, le récepteur a besoin
de connaissances externes au discours, supplémentaires et complémentaires, qu’il doit
acquérir « autrement ».
Les allusions intertextuelles évoquent des blocs lexicaux, des expressions figées ou
des textes populaires (des chansons par exemple). Ces allusions consistent en des
défigements généralement phonétiques et par conséquent sémantiques. Ces défigements
nécessitent un figement préalable : à force d’entendre un mot suivi d’un ou plusieurs autres
qui sont toujours les mêmes, les locuteurs utilisent la locution telle qu’elle a été entendue,
et de moins en moins sans les mots qui la composent. S’ensuit une opacification du sens de
la locution22. Ces figements sont inscrits dans la mémoire lexicale des locuteurs, qui
n’envisagent (quasiment) plus du tout les éléments séparément.
22
Prenons l’exemple de l’expression « Qui dort dîne » qui maintenant a le sens de : dormir est aussi salutaire
qu’un bon repas, ou bien : il faut manger avant de dormir pour ne pas être réveillé par la faim (c’est selon).
Cette expression, au 19e siècle, était utilisée par les aubergistes qui la placardaient sur leurs devantures pour
29
Il conviendra, par ailleurs, de distinguer l’intertextualité et le dialogisme
interdiscursif, car les allusions intertextuelles et interdiscursives évoquent toutes deux des
discours autres.
2.4. Le dialogisme interdiscursif
L’intertextualité suppose « la présence d’un texte dans un autre (par citation, allusion…) »,
ainsi que nous le dit le Dictionnaire d’analyse du discours de Patrick Charaudeau et
Dominique Maingueneau (2002, p. 328) tandis que le dialogisme interdiscursif porte sur
les relations entre le discours présent et l’ensemble indéterminé des discours qui entrent
dans celui du locuteur, à tous les niveaux (idéologique, sémantique, phonétique). Il ne
permet pas d’avoir un discours en particulier auquel se référer pour le relier au discours
présent. En effet, dans tout discours, se trouve non seulement la voix de l’individu qui
profère l’énoncé, mais aussi celles des diverses communautés qui ont participé et qui
participent à l’identité de cet individu :
« L’orientation dialogique est, bien entendu, un phénomène caractéristique de tout
discours. C’est la visée naturelle de tout discours vivant. Le discours rencontre le discours
d’autrui sur tous les chemins qui mènent vers son objet, et il ne peut ne pas entrer avec lui
en interaction vive et intense. Seul l’Adam mythique, abordant avec le premier discours
un monde vierge et encore non dit, le solitaire Adam, pouvait vraiment éviter absolument
cette réorientation mutuelle par rapport au discours d’autrui, qui se produit sur le chemin
de l’objet. » (Bakhtine, 2004 [1934/1978], traduit par et cité dans Todorov, 1981, p. 98)
Chaque personne, chaque communauté que nous rencontrons agit sur notre
compréhension du monde, et sur le sens que nous donnons aux mots. Nous postulons que
chaque nouvelle occurrence d’un mot dans le traitement des informations dans notre esprit
est prise en compte pour affiner le sens que nous donnons à ce mot. Ce phénomène est
certainement plus fréquent chez les enfants, mais il est également très important chez les
chercheurs débutants ou chez les apprenants de langue étrangère par exemple. Chaque
nouvelle interaction confirme ou infirme les représentations en cours (Le Ny, 2005,
p. 163).
Cette théorie selon laquelle le sens des mots évolue dans une société a été étudiée par
Sophie Moirand. S’attachant à l’étude des discours de presse, elle a pu montrer comment
les mots sont utilisés par ce média de manière parfois décalée par rapport à leur sens
« d’origine ». La mémoire interdiscursive « repose sur des formulations récurrentes, qui
intimer les clients qui venaient dîner à rester dormir. De même la locution « au fur et à mesure » existe
encore, mais les mots distincts qui la composent ont perdu toute relation sémantique avec le sens qu’ils ont
ensemble.
30
appartiennent forcément à des discours antérieurs, et qui, fonctionnant sous le régime de
l’allusion, participent à l’interprétation de ces événements » (1999, p. 173). Sophie
Moirand (1999, 2001b, 2003a…) étudie le déplacement sémantique qui s’opère sur des
termes très médiatisés, comme « transgénique », « traçabilité » et « le 11 septembre »
d’une part, et d’autre part l’influence du cotexte dans les représentations véhiculées par les
médias. Par une fréquence élevée des désignations qualifiantes, le cotexte permet de
donner, dit-elle, un « air de famille » à des mots qui ne désignent au départ pas du tout les
mêmes personnes, choses ou événements (elle donne l’exemple de l’éditorial du Monde du
15/08/99 : « De la dioxine aux farines, du poulet aux boissons, avec toutes les affaires qui
manifestent… », dans Moirand, 2003, p. 105). Le sens des mots évolue donc, et c’est la
communauté linguistique qui le fait évoluer, les médias en tête.
Notre point de vue est cependant légèrement décalé bien qu’il porte sur la même
réalité : si le sens des mots évolue, cette évolution n’est perceptible qu’à travers la
production et la réception de discours qui modifient le sens, et elle passe nécessairement
par des locuteurs : le sens des mots évolue par conséquent dans la mémoire des individus
en fonction des discours auxquels ils ont été exposés.23
Cette « mémoire des mots » (terme emprunté à Sophie Moirand) doit être prise en
compte dans l’étude des allusions discursives parce que les représentations qui leurs sont
attachées ont un rôle important dans l’interprétation des allusions. D’autres types de
représentations entrent en ligne de compte lorsqu’un locuteur produit un énoncé ou une
allusion : celles qu’il se fait des réactions de son interlocuteur par rapport au discours qu’il
est en train d’énoncer. La prise en compte de ces représentations de l’autre relève du
dialogisme interlocutif.
2.5. Le dialogisme interlocutif
Le dialogisme interlocutif concerne la prise en considération de discours éventuels, des
discours que le locuteur pense que les interlocuteurs pourraient avoir à son encontre. Il
consiste en une projection vers des discours potentiels qui permet d’affiner son propre
discours, mais aussi de l’orienter de la manière la plus adéquate vers ses interlocuteurs
(c’est pourquoi les adultes babillent avec les nourrissons ou parlent fort avec des
malentendants par exemple).
23
Cette idée semble d’autant plus vérifiable si nous imaginons le cas d’une personne qui aurait été dans le
coma pendant les dix dernières années et qui se serait réveillée récemment. Donnerait-elle le même sens que
nous à l’Euro, à Saddam Hussein, au foulard ?
31
Le dialogisme interlocutif relève largement de l’intention d’être compris (même si
elle est inconsciente chez le producteur) : l’adaptation de la production à l’interlocuteur est
mise en œuvre pour faciliter la compréhension du discours.
Ioannis Kanellos reprend l’idée de la co-construction du sens des discours, mais
surtout de la construction de la compréhension et de l’interprétation des discours par le
récepteur, en expliquant que ce qu’il appelle l’« intertexte » (mais qui se rapproche du
dialogisme interlocutif) est « une intention de compréhension » (1999, p. 53), une sorte de
zone de compréhension considérée comme probable pour l’interprétation du discours24.
L’auteur en parle ainsi :
« Pour tout texte, il n’y aurait donc pas un intertexte mais plusieurs intertextes, chacun
correspondant à une intention de compréhension placée au sein d’une pratique, élue
comme cadre au moment de la lecture par le lecteur, et homologuant les catégories de
pensée en vigueur dans cette même pratique. Plus même : chaque intertexte fournit les
fondations d’un mode de pensée mais aussi d’une possibilité de compréhension. » (1999,
p. 53)25
Un même discours peut cumuler plusieurs intentions de compréhension, qui seraient
autant de « mondes possibles » (1999, p. 53) dans lesquels le récepteur peut placer le
discours pour l’interpréter. Ioannis Kanellos insiste par ailleurs (1999, p. 63) sur le fait que
l’intertexte donné (celui que le producteur met en avant pour inciter son récepteur à
l’utiliser) n’est pas forcément celui / le seul utilisé par le récepteur. C’est ce qui explique
par exemple une sorte d’allusions que nous n’avons pas souhaité étudier, l’allusion subie
(Authier-Revuz, 2000). En effet, elle est l’illustration même du cas d’intertexte donné,
mais pas suivi (ou pas suivi seul) par le récepteur, qui a trouvé au moins un autre intertexte
d’interprétation : il voit un jeu de mots là où le producteur n’a pas consciemment souhaité
en mettre.
Les allusions discursives sont un phénomène langagier qui met en exergue cette
compréhension individuelle du sens d’un discours et de son interprétation. Jacqueline
Authier-Revuz insiste sur le fait que l’allusion n’existe QUE si elle est reconnue :
« Forme du dialogisme interdiscursif (au sens de Bakhtine), l’allusion est aussi en tant
que telle une forme du dialogisme interlocutif, impliquant dans les mots de soi ‘celui à
qui l’on s’adresse’ : l’allusion, proposée à la reconnaissance de l’autre, ne prend corps
que reconnue. L’énonciateur qui choisit l’allusion choisit le risque – risque de l’échec
24
Sur l’importance de l’intention de compréhension et la disposition à percevoir cette intention, voir
III.1.2.1., p. 80.
25
Nous transposerons simplement cette réflexion dans le domaine du discours, le lecteur étant alors le
récepteur du message. Nous verrons au travers de quelques tentatives d’application à du discours que cette
transposition est totalement justifiée.
32
qu’il encourt, chance des bénéfices qu’il escompte : à pratiquer ces jeux dialogiques sans
filet, on peut perdre la mise ou doubler le gain.
Le risque est d’abord pour le sens : une allusion manquée n’est pas la perte d’un
ornement, mais celle d’un sens ajouté, parfois crucial. » (2000, p. 220)
La production d’une allusion n’est pas un acte anodin, ni d’ailleurs sa réception :
elles mettent en jeu du sens, une intercompréhension et une connivence qui sont importants
dans la communication ludique. Le sens n’est pas intrinsèque au texte, il est construit par
les acteurs de la communication.
Jacqueline Authier-Revuz distingue deux risques majeurs liés à la production
d’allusions. L’auteur de l’allusion risque tantôt qu’elle ne soit pas comprise, tantôt qu’elle
le soit alors qu’il ne l’avait pas produite consciemment. Dans ce cas, il subit les effets
d’une allusion perçue et non voulue. Nous avons supposé que les allusions du corpus ont
été choisies et voulues puisque les textes ont été créés et réfléchis à l’avance.26
2.6. L’autodialogisme
Mikhaïl Bakhtine, dans sa théorie dialogique, considère non seulement la prise en compte
par le locuteur des discours passés et potentiels, mais aussi de son propre regard sur son
propre discours pendant la construction même du discours. L’autodialogisme consiste en
un retour auto-réceptif du locuteur que nous figurons par la boucle symbolisant la représentation discursive :
Ensemble des discours passés qui
entrent dans le discours présent
Locuteur
Discours potentiels imaginés par le
locuteur qui entrent dans le discours
Regard du locuteur sur
son propre discours
L’autodialogisme concerne directement les décisions métalinguistiques que prend le
locuteur dans la production de son discours, la progression, la cohérence discursive, la
26
À cela nous poserons peut-être deux exceptions. La première est une allusion que fait Roland Magdane au
sketch Le bac d’Albert Dupontel (en annexe, p. 125). Il fait un jeu de mots sur l’entourage de Jean-Paul
Sartre : « Jean-Paul Sartre était quelqu’un de très entouré. À la guerre, il a même été encerclé. » Roland
Magdane a repris ce même jeu de mots sur « entouré » et « encerclé » dans son sketch Lettre à ma mère
quelques années plus tard (les dates que nous avons sont 1991 pour Albert Dupontel et 1999 pour Roland
Magdane). De même, Roland Magdane parle de « 90 chevaux dans le moteur, un âne au volant » dans Le
merdier (en annexe, p. 146), jeu de mots qu’avait produit Fernand Raynaud auparavant. Mais était-ce voulu ?
33
construction du discours dans sa dimension sémantique (chercher le bon mot)… tels que le
décrivent Jacques Bres et Aleksandra Nowakowska (2005, p. 151). Tous éléments qu’il
faut prendre en compte dans la compréhension orale en français comme langue étrangère
puisqu’ils sont la cause de régressions, d’hésitations, de pauses (voir II.2.4.2., p. 67-68) et
qu’ils sont à l’origine de la mise en mots de raisonnements et de cheminements personnels
(voir II.2.4.1., p. 66-67) et autres complications qui gênent la compréhension (comme le
repérage de la mise en œuvre d’une dimension métalinguistique ou autonymique dans le
discours, voir II.2.4.3., p. 68-71).
Nous verrons plus précisément au cours de la description des types d’allusions (en
II., p. 38-75) comment le cadre théorique et les outils que nous avons présentés ont été
utilisés pour classer les allusions. À terme, l’organisation à laquelle nous allons procéder a
une visée didactique parce qu’elle doit nous permettre de mieux percevoir le
fonctionnement discursif et cognitif de l’allusion. La cognition est le point nodal entre
discours et didactique : l’allusion fonctionne à la condition que l’intercompréhension
réussisse (voir I.2.5., p. 31-32). C’est sur cela que la didactique doit s’appuyer pour insérer
le développement de la compétence interprétative dans les programmes d’enseignement.
3. Une analyse du discours dans une perspective didactique
Si nous nous sommes appliquée à approfondir l’aspect discursif de l’étude des allusions,
nous avouons quelques lacunes dans certains domaines de notre recherche, en particulier
dans les disciplines de la sociologie, de la psychologie sociale et de la psychologie
cognitive. Ce sont des domaines qui peuvent apporter des éléments de réponse à la
didactique pour intégrer l’humour et les allusions dans les enseignements, et nous avons
tenté d’en proposer quelques-unes (voir III., p. 76-104). Dans ces domaines, le thème de
notre travail, le hasard des lectures, la pertinence à priori des titres et la sécurité de noms
connus nous ont amenée à prendre en sociologie et en psychologie sociale la piste des
recherches sur le groupe, sur l’influence du collectif, sur la mémoire collective (Maurice
Halbwachs, Marcel Mauss, Denise Jodelet, Serge Moscovici, Gustave-Nicolas Fischer,
Marie-Anne Paveau). En psychologie cognitive, le courant connexionniste semble se
rapprocher d’une intuition personnelle, crédibilisée par des expériences cliniques (nous ne
souhaitons cependant pas discréditer les autres courants, dont nous n’avons que très peu
connaissance) et incarné majoritairement dans notre travail par Jean-François Le Ny,
34
auteur d’un ouvrage qui traite du fonctionnement cognitif de la compréhension du
discours.
Nous avons eu recours à quelques recherches sur l’humour, à la croisée de diverses
disciplines scientifiques pour entrer en didactique. Le Larousse (1992, p. 523) définit ce
concept comme une « Forme d’esprit », donc ni un objet ni un fait ni un événement, mais
une conception personnelle de la vie, de la réalité, de ses erreurs et de ses désespoirs. Une
des théories en « humorologie » prédispose l’humour à soulager l’espèce humaine de ses
malheurs, vision qui nous semble très négative. Pourtant l’humour est bien un instrument
de l’individu pour railler les dysfonctionnements des systèmes qui le conditionnent (aux
niveau social, politique ou administratif, par exemple, d’où des humours communautaires,
voir III.1.2.1., p. 81). L’ancrage dans un système culturel nous semble aussi pertinent pour
une introduction de l’humour dans l’enseignement du français comme langue étrangère :
langue, culture et représentations sociales sont des domaines que travaille la didactique des
langues.
Claude Javeau (1994, p. 127) parle de « capitaux symboliques » pour désigner les
représentations sociales. Ces capitaux symboliques résultent d’une sédimentation
historique dans des systèmes institutionnels (1994, p. 128). Roland Barthes (1970 [1957],
p. 183-204) explique que les représentations ne sont pas isolées, elles correspondent à la
connotation d’une « signification » (ou mythe), signe composé d’un signifiant (les mots qui
le désignent, la photographie qui l’illustre, la peinture, l’affiche, le rite…) et d’un signifié
(l’espace connotatif). Le signifiant (signe dans le système sémiologique linguistique,
iconographique, pictural…) est lui-même composé d’un signifiant (la forme du signe) et
langue
mythe
d’un signifié (la réalité que met en scène le signifiant) :
signifiant
signifié
signe / SIGNIFIANT
SIGNIFIÉ
SIGNIFICATION
Si nous reprenons le discours de Coluche (C’est l’histoire d’un mec) sur les Belges et
les Suisses, la signification qui correspond au mythe qui entoure les Belges par exemple est
composée d’une part d’un signe linguistique, « Belge », lui-même constitué d’un signifiant
formel (B-e-l-g-e, nom propre…) et d’un signifié dénoté (habitant de la Belgique), et
d’autre part d’un signifié connoté (selon les individus : stupide, lourd, mangeur de frites,
35
buveur de bières)27. C’est ce signifié connoté, que nous appelons représentation sociale ou
collective, qui nous semble intéressant et utile au-delà de considérations linguistiques (voir
supra, p. 35). René Gardies (1991) propose d’introduire la sémiologie dans
l’enseignement, ce que nous accueillons avec plaisir. Dans l’enseignement des langues en
particulier, l’aspect culturel et les représentations sociales sont considérés comme venant
en complément d’un enseignement linguistique. Pourtant, la même année, Robert Galisson
demande déjà que la langue et la culture soient enseignées de concert, à importance égale :
« Mon but est d’aider à construire une didactologie […] qui rende compte de l’accès à la
langue et à la culture, c’est-à-dire une discipline : consciente que langue et culture se
nourrissent l’une de l’autre, fonctionnent en symbiose, donc sont inséparables ; et capable
d’intégrer langue et culture dans un même enseignement/apprentissage. » (1991, p. 159)
Nous retrouvons dans notre conception de la didactique celle qu’il proposait : une
didactique qui fait une place légitime à la culture dans la langue, et à la langue dans la
culture. Nous envisageons cependant l’enseignement des langues dans une perspective qui
nous semble plus communicative puisque nous voyons dans l’utilisation des sketchs en
cours des apports sociolinguistiques, pragmatiques, discursifs (voir III.1.3., p. 85-86). Les
sciences de l’éducation s’intéressent à l’humour dans l’enseignement, les ouvrages, les
rencontres et les numéros de revues se multiplient28 et nous nous intégrons à ce
mouvement de démocratie dans le cours et dans l’humour : chacun des francophones ou
apprenants de français doit pouvoir avoir accès à l’humour dans notre langue.
Nous avons vu les raisons et les méthodes de constitution du corpus de référence et
des corpus de travail, et nous avons passé en revue les approches majeures de notre
orientation théorique pour ce travail. Nous allons ensuite explorer les types d’allusions
discursives. Nous espérons faire découler de cette exploration une typologie claire et des
caractéristiques précises, tout cela dans la perspective d’insérer ce phénomène dans les
enseignements de langue française, d’étudier ce qu’il peut apporter en didactique et
comment il peut s’y intégrer.
27
C’est un signifié connoté très présent si l’on en croit une recherche effectuée sur Google (le 18/05/07) pour
« Belge » : la première réponse envoie sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia, et la deuxième sur un site
d’humour et de blagues. Viennent, ensuite seulement, les sites sur le chocolat belge, la presse belge, la
monarchie.
28
Pour ne citer qu’eux, CoRHum (l’association pour la recherche sur le comique, le rire et l’humour) a
organisé en 1998 une journée d’étude consacrée à l’humour dans l’enseignement et la revue Le Français
dans le Monde propose en 2002 un numéro hors-série « Recherches et applications » sur le même thème.
36
Organisation du mémoire
Ce travail est constitué d’un mémoire, d’une bibliographie, d’une vidéographie, d’une
webographie et d’un index (le tome 1), et d’un ensemble d’annexes (le tome 2).
Les annexes comprennent :
–
le sommaire des annexes,
–
le corpus de référence qui contient la transcription de tous les sketchs utilisés,
–
le corpus de travail qui contient les allusions repérées dans chaque sketch : elles sont
organisées par sketch,
–
le classement des allusions : elles sont organisées par type,
–
le tableau des correspondances entre le corpus de travail et le classement,
–
la table des annexes,
–
le DVD qui contient les sketchs du corpus, dont les références sont en vidéographie.
La présence de ces éléments dans les annexes, au-delà de l’important nombre
d’exemples, donne au lecteur les moyens de vérifier le classement que nous avons
construit.
Des renvois fréquents sont proposés entre parties du mémoire ou entre le mémoire et
les annexes. C’est que les mêmes idées ou les mêmes éléments sont repris et étudiés sous
des angles différents : ils sont exposés une première fois dans le cadre théorique par
exemple, ou transcrit dans une annexe, et nous y revenons à plusieurs étapes du mémoire
sans les reprendre. Le mémoire est constitué de trois parties majeures consacrées à des
perspectives différentes sur l’allusion : la première partie est méthodologique et théorique,
la deuxième est classificatoire et descriptive, la troisième envisage l’allusion dans sa
dimension sociale et en tant qu’objet potentiel dans l’enseignement des langues et du
français comme langue étrangère. Il conviendra de se reporter aux parties ou aux annexes
désignées pour suivre le cours de la réflexion qui, bien que présentée linéairement, forme
un tout.
Il est conseillé de visionner le DVD avant d’entrer dans l’analyse des allusions parce
que le paraverbal et le non-verbal sont difficiles à transcrire et à faire comprendre. Le
lecteur est bien sûr libre de lire et d’utiliser les compléments comme il lui plaira, de les
visionner plusieurs fois ou pas du tout.
37
II. UNE DESCRIPTION DES DIFFÉRENTS TYPES
D’ALLUSIONS
38
Comprendre le fonctionnement des allusions discursives, à la fois sur le plan linguistique et
sur le plan des processus cognitifs mis en marche, doit permettre de trouver des moyens
aux apprenants de français comme langue étrangère pour les décoder, les comprendre et les
interpréter. Afin d’être en mesure d’effectuer des analyses de corpus, nous proposons une
typologie des allusions discursives. L’humour a sa propre terminologie classificatoire
(calembours, contrepèteries, ironie par exemple), mais nous avons choisi de ne pas nous en
inspirer parce qu’elle ne couvre pas l’éventail des allusions discursives.
Cette typologie est fortement orientée par les catégories retenues dans le cadre
théorique (I.2.). L’utilisation de cette typologie a permis de mettre en œuvre différents
concepts et d’étudier les mêmes allusions sous différents points de vue. Devant la
complexité du phénomène que constitue l’allusion discursive, nous proposons plusieurs
classements. Une première distinction différencie :
–
les allusions à des genres de discours
–
les allusions à des discours ou à des éléments discursifs.
Cette dichotomie nous permet de séparer les allusions à une archi-structure discursive
(type, genre, scripts…) et les allusions à un texte ou à un discours (voir I.1.2.2., p. 15-16).
On peut considérer dans les allusions à un discours la nature des relations mises en
place entre les éléments de l’allusion :
–
allusions interdiscursives
–
allusions intertextuelles
–
allusions intratextuelles
–
allusions autodialogiques.
–
allusions interlocutives
Nous avons ensuite constitué 14 unités inférieures, qui précisent la forme que
prennent ces relations : l’imitation ou la transformation d’un genre de discours,
l’homonymie, la paronomase, le virelangue, l’allusion par défigement audible, l’allusion
par défigement interprétable, les parallélismes, l’allusion intratextuelle proximale ou
distale, l’allusion référentielle, l’allusion par relations sémantiques, l’allusion par
raisonnement, l’ellipse, l’allusion par modalité métalinguistique et l’allusion-réponse (voir
le tableau infra, p. 40). Les frontières entre ces catégories ne sont pas imperméables et
certaines allusions peuvent être intégrées à plusieurs d’entre elles.
Les analyses des différents niveaux du classement vont nous permettre de
comprendre ce qui rapproche et ce qui distingue ces différentes allusions, de découvrir leur
fonctionnement linguistique et de préciser notre définition de l’allusion discursive.
39
II.1.
ALLUSIONS À UN
GENRE OU À UN
TYPE DE DISCOURS
DIALOGISME
INTERDISCURSIF
imitations et transformations
homonymie
DIALOGISME
INTERDISCURSIF
paronomase
virelangue
défigement « audible »
INTERTEXTUALITÉ
défigement « interprétable »
syntaxique
sémantique
phonétique
parallélisme par opposition
II.2.
ALLUSIONS
À UN TEXTE OU
À UN DISCOURS
morphologique
INTRATEXTUALITÉ
chiasme
par répétition
intratextuelle distale
référentielle
relations sémantiques
raisonnement
AUTODIALOGISME
ellipse
métalangage
DIALOGISME
INTERLOCUTIF
allusion-réponse
40
1. Les allusions à un genre de discours
Il arrive que les humoristes ne reprennent pas seulement une situation pour la jouer, mais
qu’ils la « parodient ». La parodie est une pratique qui pose problème aux théoriciens et
aux chercheurs qui travaillent sur les genres de discours. Gérard Genette, dans
Palimpsestes (1982, p. 17-62), s’est très sérieusement attelé à cette difficulté et propose
une organisation de la terminologie. Il distingue la transformation (directe) et l’imitation
(transformation indirecte) : elles sont toutes deux caractérisées par le fait que
« [le texte] B ne parle nullement [du texte] A, mais ne pourrait cependant exister tel quel
sans A, dont il résulte au terme d’une opération […] et qu’en conséquence il évoque plus
ou moins manifestement, sans nécessairement parler de lui ou le citer. » (1982, p. 12)
mais elles se distinguent dans le type d’opération de transformation mis en œuvre. La
transformation directe transpose un contenu et transforme le style, tandis que l’imitation
garde le style et modifie le contenu. Gérard Genette synthétise cela avec les exemples de
transformations de l’Odyssée d’Homère en Ulysse par James Joyce (directe) et en l’Énéide
par Virgile (indirecte) :
« Joyce en extrait [de l’Odyssée] un schéma d’action et de relations entre personnages,
qu’il traite dans un tout autre style, Virgile en extrait un certain style, qu’il applique à une
autre action. Ou plus brutalement : Joyce raconte l’histoire d’Ulysse d’une autre manière
qu’Homère, Virgile raconte l’histoire d’Énée à la manière d’Homère ; transformations
symétriques et inverses. » (1982, p. 13)
Gérard Genette propose finalement une série de distinctions entre la parodie stricte,
le travestissement et le pastiche satirique :
« La convergence fonctionnelle de ces trois formules, qui produisent dans tous les cas un
effet de comique, généralement aux dépens du texte ou du style « parodié » [est source de
confusions] : dans la parodie stricte, parce que sa lettre se voit plaisamment appliquée à
un objet qui la détourne et la rabaisse ; dans le travestissement, parce que son contenu se
voit dégradé par un système de transpositions stylistiques dévalorisantes ; dans le pastiche
satirique, parce que sa manière se voit ridiculisée par un procédé d’exagérations et de
grossissements stylistiques. Mais cette convergence fonctionnelle masque une différence
structurale beaucoup plus importante entre les statuts transtextuels : la parodie stricte et le
travestissement procèdent par transformation de texte, le pastiche satirique (comme tout
pastiche) par imitation de style. » (1982, p. 33).
Il ne s’agira pas dans notre analyse des allusions à un genre de discours de chercher à
savoir si les sketchs relèvent plutôt de la parodie stricte ou du pastiche satirique, mais
plutôt de voir quelles sont les transformations subies.
Nous devons ajouter que les transformations et imitations impliquent à la fois
« l’intériorisation […] des règles de production des énoncés [transformés] » et « un lien
essentiel avec le principe même de compétence discursive » (Charaudeau et Maingueneau,
41
2002, p. 423). Le pastiche satirique étant une transformation caricaturale, il nécessite
d’utiliser les règles du genre, mais surtout de mettre en exergue ses aspects typiques. Par
conséquent, le producteur doit se fier à ses représentations stéréotypiques du genre, mais il
utilise aussi les représentations qu’il a des représentations stéréotypiques que le récepteur
peut avoir du genre de discours (il faut s’assurer que ce dernier saura retrouver le genre de
discours source et repérer que le discours est exagéré)29.
Ainsi,
l’exemple
suivant
présente
un
grand
nombre
de
caractéristiques
(stéréo)typiques du type de discours philosophique30 que nous recherchons dans les trois
niveaux de la grille d’analyse que propose Sophie Moirand (2003b) tels que la rareté31 et la
grande abstraction des termes, la longueur de l’énoncé, la grande fréquence des
nominalisations, des participes présents, des syntagmes prépositionnels32 :
Albert Dupontel, dans Le bac (en annexes, p. 159) :
« L’universalité, l’universalité de la pensée philosophique du XXe siècle, l’universalité de
la pensée philosophique du XXe siècle repose sur la controverse existant entre les
individualités d’écriture et l’instinct surréaliste sous-jacent chez la plupart des auteurs
tout en respectant la linéarité de la pensée du monde occidental. »
Le style littéraire, la situation d’énonciation (lecture d’un extrait de livre), et
l’intention que l’on découvre après cette lecture, celle d’apprendre le texte par cœur pour
un examen, confirment que c’est d’un discours savant qu’il s’agit, et le thème tend vers le
domaine de la philosophie. L’idée n’est pas ici de railler le style philosophique, quoique les
difficultés de compréhension qu’engendre ce genre de discours soient mises en valeur, par
exemple lorsque l’acteur retourne le livre comme s’il espérait qu’en le lisant à l’envers, il
comprendrait mieux. Cette manière d’introduire le sketch permet au récepteur de mobiliser
ses connaissances liées à la philosophie. Donc si ce discours n’est pas un authentique
29
Nous avons parlé dans le cadre théorique des représentations socio-cognitives des genres de discours chez
les utilisateurs de la langue (voir I.2.1.1., p. 18-20), et nous verrons dans l’intérêt didactique des allusions
(III.1.4., p. 87-93) comment les allusions à un genre et leurs représentations peuvent être utilisées en cours.
30
Nous considérons que c’est une transformation ludique de texte philosophique parce que nous n’avons pas
les moyens de vérifier que ce n’est pas réellement un extrait d’un discours philosophique d’un philosophe
reconnu ou non. Ainsi, peut-être est-ce réellement un discours sérieusement philosophique. Parfois, en effet,
les discours sont tellement inscrits dans leur type qu’ils en sont un archétype, et qu’avec un peu de distance,
on peut en venir à les trouver drôles.
31
Frantext nous permet de supposer l’effective rareté de termes tels que « universalité » (12,61 mots par un
million), « controverse » (2,93 mots par un million), « individualité » (3,57 mots par un million au singulier
et 0,70 au pluriel), « surréaliste » (2,71 mots par un million), contre par exemple 394,14 mots « femme » par
un million ou 12 142,34 mots par un million pour « des » dans la base de données du logiciel (textes publiés
depuis 1950 enregistrés en 2000, constituant une base de données de 31,39 millions de mots).
32
Ces caractéristiques se situent au niveau micro dans la grille d’analyse de Sophie Moirand (2003b)
évoquée plus tôt (voir I.2.1.1., p. 18-20).
42
discours philosophique, ce qui importe en réalité est qu’il y ressemble suffisamment pour
que les spectateurs le pensent (ou tout au moins le suspectent).
Un exemple de l’importance du niveau macro de l’analyse (selon la grille d’analyse
de Sophie Moirand, 2003b) se trouve dans le même sketch (en annexe, p. 124-126) : c’est
l’explicitation de la progression du discours.
Oui c’est moi ! C’est moi j’arrive, c’est moi j’arrive !!! […] Bonjour […] Je, je, je tire un
sujet ? […] Sartre. Comme le, comme le département ? Ah, ah non comme le philosophe.
[…] Bon, petit 1 : Jean-Paul Sartre. Petit 1 : Jean-Paul Sartre. […] OK, l’historique. Petit
2 parce que j’ai fait petit 1. Petit 2, l’historique, petit 2, l’historique : alors… […] Hein ?
Qu’est-ce qu’il a écrit ? […] L’entourage, alors petit 3 : l’entourage. […] Je l’ai pas ? Je
l’ai toujours pas ? Bon ben, au revoir madame, au revoir.
Ces quelques énoncés qui ponctuent le discours du candidat au baccalauréat
permettent au spectateur de repérer le genre du discours qu’il écoute33. On peut s’aventurer
à considérer qu’une grande partie de la population française a vécu ou imaginé une
situation d’examen oral, et que le scénario34 est reconnu par les spectateurs. Nous avons ici
l’interpellation et la prise de contact, le tirage au sort du « sujet » et la découverte du
thème, un déroulement discursif de type académique, clairement découpé (« petit 1 »,
« petit 2 » et « petit 3 »), le résultat de l’évaluation et la fin du contact : « Je l’ai pas ? Je
l’ai toujours pas ? Bon ben, au revoir madame ».
Nous pourrions de la même façon analyser les tours de parole des participants à
l’action (un des éléments du niveau méso de la grille d’analyse que propose Sophie
Moirand, 2003b, 2.1.) : ceux du candidat, qui propose un quasi-monologue ; de
l’examinatrice, dont on doit reconstituer le discours ; et du public, autrement dit le « on »
qui reconstitue le discours de l’examinatrice et qui réagit au discours du pseudo-candidat
(c’est un acteur non ratifié par la situation de communication représentée). Les quelques
analyses que nous avons effectuées jusqu’ici donnent quelques-unes des clés du contenu de
la représentation socio-cognitive de l’examen de philosophie à l’oral du baccalauréat. Cette
imitation proposée par Albert Dupontel35 offre plusieurs indices pour repérer le genre du
discours. Le type de discours en lui-même n’est pas particulièrement ludique, c’est
33
Le spectateur ne voit ni la salle d’examen ni l’examinatrice, il ne connaît pas l’âge du personnage, ni la
date. Ce sont des informations souvent utiles pour se situer, qui sont connues dans une situation de
communication classique, i.e. non représentée.
34
C’est-à-dire l’ordre dans lequel les éléments qui le constituent sont organisés, qui est, comme le genre et le
type de discours une représentation socio-cognitive sur laquelle les individus se reposent pour assurer une
cohésion discursive dans la communauté, aussi appelée script ou praxéogramme.
35
Nous parlerions de transformation si nous n’avions pas de doutes sur la qualité du niveau minimum de
connaissances des jeunes candidats au baccalauréat, mais qui sait si cela n’est pas directement inspiré de
dialogues réels ? Nous préférons donc, par prudence, parler d’imitation.
43
l’incapacité du personnage à maîtriser le contenu et la forme de ce discours qui lui confère
cette dimension.
Nous avons pu voir quels étaient les niveaux mobilisés par le discours pour se
conformer à un genre de discours (soit à une représentation socio-cognitive), mais quand
peut-on parler d’exagération par rapport à une représentation ? Cette représentation étant
fondée sur des expositions, ce sont des situations de communication de la vie courante qui
la nourrissent, des situations qui s’éloignent parfois du schéma ou bien qui y collent
parfaitement. Nous en déduisons que la représentation peut être modélisée sous forme
concentrique, avec des discours qui mettent en œuvre toutes les caractéristiques des trois
niveaux de ce genre de discours (au centre, en noir), et d’autres qui utilisent certaines
caractéristiques et qui prennent une certaine liberté vis-à-vis des premiers (dans le dégradé
de gris, jusqu’au blanc36, en fonction de la quantité de caractéristiques mises en œuvre) :
Les discours se situent habituellement dans la zone de gris, et peuvent se rapprocher
du noir lorsqu’ils sont extrêmes ou naturellement caricaturaux. Cependant, nous
considérons que seuls les discours dont l’intention de communication consiste à vouloir
exagérer les caractéristiques du discours (soit le pastiche satirique) se situent absolument
dans la zone noire. Cette intention méta (intention prioritaire de faire reconnaître le type de
discours par rapport au contenu du discours, voir I.1.2.2., p. 15-16 et I.2.2.5., p. 28) est,
selon nous, tout ce qui permet de différencier un pastiche satirique d’un discours de la vie
courante (même lorsque celui-ci est particulièrement typé). Ainsi, par exemple, les énoncés
présentés comme imités dans le sketch de Jean-Marie Bigard Les expressions (en annexe,
36
Nous pouvons par exemple imaginer que les discours dans la zone blanche ne sont plus reconnus comme
faisant partie de cette représentation socio-cognitive, et qu’ils sont alors fortement sujets à malentendus parce
que l’intention de communication n’est pas comprise.
44
p. 160) sont des pastiches satiriques parce qu’ils ne sont pas dits pour ce qu’ils signifient,
mais pour leur forme : l’acteur utilise la fonction métalinguistique du langage pour montrer
à quel point la fonction phatique (voir I.2.2.5., p. 28) est vide de sens, tandis que ces
mêmes phrases énoncées dans des situations de communications adéquates telles que celles
qu’il présente ne peuvent pas être considérées comme satiriques parce que la fonction de la
communication n’est plus métalinguistique mais phatique.
La parodie stricte ne fonctionne pas sur des exagérations linguistiques mais sur un
contenu dévalorisant par rapport au style, tandis que le travestissement est fondé sur une
dévalorisation inverse (soit, du style par rapport au contenu). Pierre Desproges était un
spécialiste de la parodie stricte et le sketch que nous avons sélectionné parmi son
répertoire, Les cintres (voir en annexe, p. 142-143) en est une bonne illustration : le genre
de discours dans lequel il s’inscrit est littéraire et le thème de son sketch est trivial (les
cintres).
Nous conclurons de cette investigation parmi les imitations que les caractéristiques
stylistiques sont en fait les mêmes que celles d’un discours non satirique. En revanche, la
caractéristique « macro » de l’intention de communication est différente, elle relève d’un
niveau « méta » : ce changement de fonction majeure37 est ce qui permet de reconnaître
une satire.
Les allusions à un discours sont également le fruit d’un déplacement de l’intention de
communication que le discours explicite ne permet pas puisqu’une des caractéristiques du
discours explicite est de faire connaître son intention de communication en utilisant les
moyens linguistiques adéquats.
2. Les allusions à un texte ou à un discours
Nous allons voir quels moyens linguistiques les allusions à un texte ou à un discours
mettent en œuvre pour exister : quelles caractéristiques permettent au récepteur de mettre
en relation le discours explicite et l’implicite qu’il comprend ? Quelles relations existent
entre le discours explicite et les éléments présents dans la mémoire discursive du
récepteur ? Nous allons procéder à la description du fonctionnement des différents types
37
Par exemple, passer de la fonction phatique à la fonction métalinguistique pour les exemples que donne
Jean-Marie Bigard, ou de la fonction conative à la fonction métalinguistique chez Bourvil, qui tourne le
discours engagé en ridicule par des jeux de mots et des lapsus.
45
d’allusions à un discours ou à un texte : allusions interdiscursives, intertextuelles,
intratextuelles, autodialogiques et interlocutives.
2.1. Les allusions interdiscursives
Les allusions interdiscursives sont caractérisées par le fait que le discours qu’elles
évoquent n’a pas de source précise dans l’esprit du locuteur ni du producteur (voir I.2.4.,
p. 30-31). Elles utilisent la mémoire discursive des utilisateurs de la langue et les
représentations sémantiques qu’ils donnent aux mots. Elles créent de l’ambiguïté en
proposant un contexte qui ne permet pas de discriminer les sens. Nous distinguons deux
formes d’allusions discursives : les allusions par homonymie ou par paronomase.
2.1.1. L’homonymie
Les allusions par homonymie sont l’exemple le plus systématique d’un dédoublement
énonciatif : les deux sens d’un mot ou d’une expression correspondent à deux niveaux de
lecture de l’énoncé, à deux énonciations possibles.
Anne Roumanoff, dans Internet (en annexe, p. 161) :
J’ai un copain, dans son bureau, on lui a demandé de sauvegarder une disquette, il l’a
photocopiée puis il l’a mise dans un préservatif pour la protéger des virus.
Cet exemple illustre la façon dont l’humoriste « force » l’allusion là où elle ne serait
probablement pas repérée sans indices clairs : il en résulte l’impression qu’un premier
énonciateur, simplet et naïf énonce un propos au premier degré, sans sous-entendus ou
doubles sens, et qu’un second énonciateur doté d’un esprit audacieux revient sur le dire du
premier, le relit dans une autre perspective et explicite cette autre lecture : protéger des
virus en mettant un préservatif.
Dans d’autres cas, plus rares, l’allusion n’est pas entourée d’indices, et c’est au
récepteur de faire un travail interprétatif s’il en est capable seul38. Georges Kleiber nous
confie par exemple (1994, p. 20) :
« Dans la majeure partie des cas, une des interprétations l’emporte […] sur l’autre. J’ai
ainsi interprété faussement d’abord les séquences :
Une bonne partie du Finistère (sur la première page de L’Alsace)
La Lituanie manque de lits (même disposition)
38
Certaines personnes sont plus habituées à chercher des jeux de mots, et leur esprit y est plus entraîné : elles
sont en conséquence plus réceptives que d’autres, qui ne sont pas moins intelligents, mais simplement moins
entraînés. Cette idée prendra une importance particulière lorsque nous aborderons les aspects didactiques de
l’allusion.
46
parce que le sens, soit « partie = région du… » et « lits = meuble » était par défaut plus
facilement accessible que le sens visé « bonne = employée de maison » et « lits =
monnaie ».
Nous retrouvons cela dans le corpus de travail (en annexe, p. 161-162) :
Bourvil, dans La causerie anti-alcoolique (en annexe, p. 161) :
Et le dire, c’est bien, mais le /φΕ/, c’est mieux !
il faut vivre mais il faut pas /σα∪φΕ/ [long rire exagéré].
La question qui se pose maintenant est la suivante : si le récepteur n’a pas d’indices
clairs d’un double sens, qu’est-ce qui lui permet de les déceler ? Nous avons parlé d’un
dédoublement énonciatif : il y aurait, selon nous, un surénonciateur, dominant dans
l’énonciation, qui donne le ton, qui gère les topiques et qui sert principalement à garder
une cohérence dans les relations thème-rhème : c’est lui, dans le sketch de Bourvil, qui
gère le thème du fer dans l’eau. C’est un « metteur en thème » qui reste en filigrane tout au
long du discours pour s’assurer que le discours ne passe pas « du coq à l’âne ». Un
sousénonciateur, sous l’influence du premier, parle sur le thème en question, il expose des
idées, il énonce, il raconte des faits, décrit des situations : il sert de narrateur. Le narrateur
est celui auquel le récepteur est le plus attentif parce que c’est à travers lui que passe le
contenu consistant du discours, et ce n’est qu’en étant également attentif au surénonciateur
qu’il peut découvrir des jeux de mots fondés le plus souvent sur une homophonie (qui
nécessite parfois des remaniements syntaxiques).
Coluche, dans L’ancien combattant (en annexe, p. 161) :
On se disait toujours comme ça : « Ah ben ! Y fera beau demain ». Et beng ! La flotte !
Remarquez faut pas se plaindre, au Pakistan, y se disent toujours : « Ah ben ! On aura une
meilleure récolte l’année prochaine ». Et /βΕγλα∪δΕΣ/ !
Cet exemple de Coluche n’est pas aussi évident que les autres et n’entre pas si
facilement dans le schéma proposé. Le surénonciateur donne pour thème principal la
guerre, ce qui n’a pas de rapport à priori avec le Bangladesh. Mais si l’on y regarde de plus
prêt, le sketch L’ancien combattant a été présenté la première fois en 1975. Le Bengladesh
a trouvé l’indépendance en 1971 après une troisième guerre entre l’Inde et le Pakistan, et
en 1970, 40% des français possédaient un téléviseur. On peut supposer qu’une majorité du
public de l’époque (si l’on ajoute les journaux et la radio au média télévisuel) avait été
informée de l’état du Bangladesh quand Coluche a sorti son sketch. À ce moment-là,
l’allusion était plus claire qu’aujourd’hui, les souvenirs étaient plus récents. En
conséquence, le thème de la guerre proposé par le surénonciateur est effectivement un
moteur de la double interprétation.
47
Pourtant, aujourd’hui encore, même si l’on ne fait pas le lien avec la guerre de 1971,
on fait malgré tout la relation entre « Beng ! la dèche ! » et « Bangladesh ». Nous voyons
deux raisons majeures à cela. D’une part, la similarité phonétique permet de faire penser à
ce nom de pays. D’autre part, sans un effet humoristique, le récepteur ne verrait pas
d’utilité à cette partie du discours de Coluche. En effet, il propose une comparaison entre
les espoirs que les combattants avaient chaque jour de voir le ciel se découvrir le
lendemain, et les espoirs des Pakistanais chaque année d’avoir une meilleure récolte
l’année suivante : pourquoi cette comparaison plutôt qu’une autre, étant donné le peu de
pertinence et d’apports qu’elle offre au fil du discours ? C’est la rentabilité du discours qui
fait penser que ce détour hors-sujet n’est pas inutile.
L’homonymie utilise soit la pluralité des sens des mots, soit le caractère
homophonique de certaines séquences de mots pour produire des doubles sens. À l’oral,
seule la cohérence permet de retrouver le sens « normal » et le sens « décalé » par rapport
au discours. La paronomase utilise des mots différents, et des phonèmes qui permettent
habituellement de les différencier. Pourquoi, alors, fait-on un lien avec un autre mot ou un
autre discours ?
2.1.2. La paronomase
La paronomase ressemble à l’homophonie en ceci qu’elle met également en jeu un
surénonciateur et un sousénonciateur ; en revanche, elle se distingue de l’homophonie
parce que le producteur n’utilise pas plusieurs sens d’un même mot. Il prononce ou
comprend un mot à la place d’un autre. S’ensuit généralement une incohérence « audible »,
par opposition avec l’homonymie. Le récepteur ne peut faire autrement que remarquer
l’anomalie.
Souvent l’erreur est suivie d’une correction. Dans les cas où elle est reprise, la
paronomase représente une variation pour le producteur : elle n’est pas ce qu’il avait
l’intention de dire, la correction correspondant à un retour à la normale (sur les concepts de
norme et de variation, voir III.1.4.1., p. 87-89).
Muriel Robin, Le répondeur (en annexe, p. 162) :
[Elle enregistre] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, je ne suis pas là pour le
moment, mais laissez-moi un message avec vos conoréné... avec vos coordonnées bien
sûr et je vous rappellerai dès mon retour.
Cet exemple présente le cas décrit ci-dessus : le locuteur se trompe, sa langue
« fourche » et la parole ne correspond pas à l’intention de communication. Il s’en rend
48
compte et corrige l’erreur produite involontairement. Ce retour du locuteur sur son propre
discours est une forme d’autodialogisme. Dans l’exemple suivant, ce n’est pas du tout le
cas parce que l’ignorance rend le candidat au baccalauréat incapable de se rendre compte
de son erreur. Il a besoin de l’examinatrice pour se corriger :
Albert Dupontel, dans Le bac (en annexe, p. 162) :
Sartre. Comme le, comme le département ? Ah, ah non comme le philosophe.
Cette paronomase est créée par l’explicitation du sens donné au mot : si le texte avait
été « Sartre ? Comme le philosophe ? », la paronomase ne serait pas apparue. Elle est créée
dans l’esprit du récepteur qui sait que le département n’est pas la Sartre, mais la Sarthe. Le
locuteur, lui, ne voit pas la différence entre les deux, il subit l’allusion qu’il produit (ce qui
n’est pas le cas pour l’humoriste). C’est une paronomase « silencieuse » : le locuteur ne dit
pas un mot à la place d’un autre, il lui donne le sens d’un autre mot qui y ressemble
phonétiquement.
La paronomase peut prendre diverses formes, mais l’élément récurrent est la
confusion entre deux signifiés. L’incohérence qui en résulte rend cette allusion « audible »
et davantage remarquable que l’homonymie. La confusion est vite résolue, contrairement à
celle que produisent les virelangues.
2.1.3. Les virelangues
La paronomase est une confusion entre deux mots, l’un énoncé à la place de l’autre. Les
virelangues sont également une forme de confusion, mais le locuteur effectue une
production qui correspond à ce qu’il a l’intention de dire. Le « virelangue » (ou
« fourchelangue »39) est la traduction de l’anglais « tongue-twister ». Ce sont des phrases
figées utilisées pour travailler l’articulation des comédiens40. Elles sont caractérisées par la
répétition de sonorités proches ou similaires qui gênent le découpage lexical de l’énoncé en
réception, et les repères sémantiques en production. Raymond Devos pratique souvent cet
exercice : pour ses sketchs, il a créé quelques virelangues que l’on entend prononcés (voir
en annexe, p. 163, Ouï dire ; on connaît aussi Le car pour Caen et Sens dessus dessous).
39
/ σισισασισισισασι∪πΕ σισασισισι σισισασισι∪πΕ / (Si six cent scies scient six cent cyprès,
six cent six scies scieront six cent six cyprès). C’est Claude Hagège qui avait proposé de les appeler des
fourchelangues. HAGÈGE Claude (1985) : L’Homme de paroles, Fayard, Paris, p. 96.
40
Il pourra être utile de les intégrer au cours de langue pour travailler la compétence de production orale des
apprenants : la discrimination phonétique en production, la fluidité et le débit peuvent être améliorés par la
répétition de virelangues.
49
Raymond Devos, dans Ouï dire (en annexe, p. 163) :
/λωιδ↔λωαδ↔∪λωια∪ωι α∪ωι εκα∪ωιλωιδ↔λωαδ↔∪λωι/
Les sonorités se font échos les unes aux autres. Leur répétition et l’absence de repère
discriminant pose des problèmes en réception : les sons glissent et se confondent, ils
marquent dans la mémoire du récepteur un espace de « flou » dans le repérage. Le manque
de moyens discriminants au niveau phonétique engendre chez le récepteur une confusion
sémantique : quel /λωι/ est un « Louis » ? Et un « l’ouïe » ?
Les allusions interdiscursives fonctionnent généralement par (quasi)similarité
phonétique, ce qui renvoie à plusieurs sens dans l’esprit du récepteur. Les allusions
intertextuelles fonctionnent également par similarité de forme, mais ce n’est pas un sens
qu’elles éveillent, c’est un texte.
2.2. Les allusions intertextuelles
Afin d’étudier les allusions intratextuelles, nous faisons un détour par l’acquisition des
langues. Le locuteur d’une langue utilise des stratégies cognitives et linguistiques qui lui
permettent d’économiser ses efforts pour comprendre (comme pour produire) des discours.
Deux modèles d’apprentissage et d’utilisation de la langue s’opposent parmi ceux que la
recherche a mis en lumière : le rule-based system41 (système fondé sur les règles) et
l’exemplar-based system42 (système fondé sur l’exemple). Ces deux systèmes s’opposent
tant sur le plan linguistique que sur le plan cognitif, ils n’en sont pas moins nécessaires et
complémentaires. Le rule-based system est celui que le locuteur utilise pour produire des
énoncés qu’il n’a pas automatisés. Il permet la créativité de la langue, il est fondé sur la
mobilisation de règles de discours pour la production de discours, mais aussi pour accepter
de comprendre des suites de mots qui n’ont jamais été entendues dans cet ordre par
exemple. Au contraire, l’exemplar-based system permet une grande économie cognitive en
particulier, parce qu’il fonctionne sur la base de blocs lexicaux et sémantiques (les chunks)
qui sont des suites de mots que l’esprit a retenues et utilise de manière automatisée.
C’est avec ces données que nous entrons dans l’intertextualité, que nous considérons
comme une mise en relation d’un élément de discours avec un élément d’un autre texte, par
opposition à l’interdiscusivité qui consiste selon nous en une mise en relation d’un élément
41
Les références scientifiques du rule-based system sont Willem Johannes Maria Levelt (1989) et John
Robert Anderson (1993).
42
La référence scientifique de l’exemplar-based system est Logan (1988).
50
de discours avec un ensemble non défini de discours, comme une nébuleuse discursive,
réminiscence mémorielle d’un certain nombre de discours auxquels on a eu accès43. Ce que
nous appelons un « texte », c’est une suite organisée de mots qui forme une unité
linguistique produite dans une pratique sociale.
L’intertextualité doit mettre en relation un élément de discours avec un bloc lexical et
sémantique (un chunk) que le récepteur peut situer dans un texte précis. Ces blocs lexicaux
sont en général figés (c’est la caractéristique qui permet de les identifier et d’identifier leur
source).
En effet, Almuth Grésillon et Dominique Maingueneau, qui ont étudié en particulier
les formes proverbiales (1984), considèrent que « le proverbe est le discours rapporté par
excellence. Il reprend non les propos d’un autre spécifié, mais celui de tous les autres,
fondus dans ce ‘on’ caractéristique de la forme proverbiale. » (1984, p. 112). Il sera aisé de
rapprocher cette remarque sur le proverbe des blocs lexicalisés en général, que
l’énonciateur assume sans pour autant s’afficher comme énonciateur unique, mais plutôt
comme citant un « bout de » mémoire populaire. Nous voyons deux utilisations majeures
des blocs lexicalisés par les humoristes : une forme « audible » et une forme
« interprétable » de défigement44.
2.2.1. Les défigements « audibles »
Les défigements « audibles » sont rendus évidents par une anomalie phonétique ou
sémantique. Le producteur fait allusion à un bloc par déformation, la forme figée présente
un certain degré d’anomalie par rapport à l’habitude discursive de la mémoire des
récepteurs, comme dans les exemples suivants :
Albert Dupontel, dans Le bac (en annexe, p. 163) :
On l’a bien vu d’ailleurs en mai 48 quand il y a eu la révolution des étudiants.
Les 6, Les 6 Mousquetaires, Les 6 Mousquetaires, non, non, non, ça c’est, ça c’est
Cousteau…
Pierre Desproges, dans Les cintres (en annexe, p. 163) :
43
Le Dictionnaire d’analyse du discours (Charaudeau, Maingueneau, 2002, p. 324) donne à interdiscours le
sens large (celui que nous considérons) la définition suivante : « ensemble des unités discursives (relevant de
discours antérieurs du même genre, de discours contemporains d’autres genres, etc.) avec lesquels un
discours particulier entre en relation implicite ou explicite. »
44
Almuth Grésillon et Dominique Maingueneau (1984) ainsi que Sarah Leroy (2005) appellent
« détournement » ce que nous appelons « défigement ». Ce dernier terme convient mieux à d’autres formes
de détournement que celle du proverbe. En effet, les trois auteurs que nous citons appliquent le terme
« détournement » au proverbe, et leur étude ne porte pas sur les locutions figées, les titres ou les chansons.
51
L’homme prend alors son courage et la double porte du placard à deux mains.
Non, simplement, l’homme prend la porte dans la gueule parce qu’il faut qu’une porte
soit ouverte, ou bleue.
Pierre Palmade, dans Le Scrabble (en annexe, p. 163) :
T’as jamais entendu l’expression : fier comme un waker ?
Ces quelques exemples donnent une idée de la diversité des occurrences, mais aussi
de la récurrence du mécanisme. En effet, les défigements portent tant sur des événements
que sur des titres d’ouvrages, sur des paroles de chanson, des proverbes ou des
cooccurrences privilégiées.
Il arrive également que la forme figée soit coupée par économie langagière. Cette ellipse
portant sur la localisation d’un référent transforme une caractéristique en désignation
qualifiante. Ce que nous appelons ici « localisation » est l’ensemble des éléments
linguistiques qui permettent habituellement d’attribuer à un objet précis la qualité, la
circonstance ou la détermination. Cette absence transfère le sens à l’élément présent, qui se
voit ainsi transformé.45
Anne Roumanoff, dans Internet (en annexe, p. 163 ; l’ellipse est remplacée par ce qui
aurait pu être dit, elle est marquée par des crochets) :
Pour les ordinateurs, ça s’appelle la hot line, [ça coûte] 50 francs la minute.
Le défigement n’est pas sémantique ni lexical, il est syntaxique. Normalement, une
proposition contient un sujet et un verbe, qui sont ici tronqués. Ce type de défigement est
fréquent dans le langage, cette structure syntaxique tronquée est une autre norme
syntaxique, acceptée à l’oral et dans certains écrits. Nous la retenons cependant comme un
défigement parce que les apprenants de français n’ont pas cet automatisme cognitif qui leur
ferait compléter les lacunes du texte. De plus, les ellipses n’ont pas lieu au même endroit
dans toutes les langues. Il est important de considérer ces ellipses dans un premier temps
comme un défigement, d’enseigner aux apprenants où elles se situent et de leur expliquer
que ces ellipses sont normales (i.e. qu’elles font partie des normes cognitives qu’ont les
utilisateurs de la langue, voir III.4.1., p. 87-89).
45
C’est par ce processus par exemple que les qualificatifs peuvent devenir des substantifs : le (téléphone)
portable, le (four à) micro-ondes…
52
2.2.2. Les défigements « interprétables »
D’autres défigements sont possibles sans qu’aucun indice ne spécifie au récepteur qu’il
doit en chercher, mis à part le contexte et le type de discours46. L’esprit effectue alors un
travail supplémentaire : il propose au récepteur deux lectures d’une même séquence, dont
une est bien souvent plus plausible que l’autre. Dans ces situations, c’est l’esprit qui
cherche et qui trouve les défigements possibles, simplement parce qu’il en a la possibilité
(les deux interprétations sont effectivement pertinentes, même si elles ne sont pas toujours
cohérentes)47 et parce qu’il a l’intuition que s’il cherche, il a des chances de trouver. Le
sketch de Raymond Devos La ceinture de sécurité (en annexe, p. 145 et 164) est une
illustration particulièrement dense de ce type de défigement :
Mesdames et messieurs, je ne voudrais pas vous affoler mais des fous il y en a, hein, y en
a ! Dans la rue on en côtoie… Récemment, je rencontre un monsieur. Il portait sa voiture
en bandoulière ! Il me dit : « Vous ne savez pas comment on détache cette ceinture ? »
Alors, je lui dis : « Dites-moi ! Lorsque que vous l’avez bouclée, est-ce que vous avez
entendu un petit déclic ? »
Ah, y me dit : « Oui, dans ma tête ! »
Je me dis : « Ce type, il est fou à lier ! »
J'ai eu envie de le ceinturer... mais quand j’ai vu que sa ceinture était noire... je l’ai
bouclée !!!
Les quatre séquences en italique sont lisibles de deux manières, toutes paraissant
pertinentes par rapport au thème du sketch :
fou à lier = complètement fou / tellement fou qu’il faut le ligoter.
le ceinturer = l’empêcher de bouger en le bloquant / lui mettre sa ceinture de sécurité
sa ceinture était noire = il avait une ceinture noire correspondant à un niveau avancé dans
un art martial / sa ceinture de sécurité était noire
je l’ai bouclée = je me suis tu / j’ai bouclé sa ceinture
Si nous remplaçons les séquences qui prêtent à double lecture par une seule de
celles-là, le discours perd un grand nombre de ses effets :
[…] Je me dis : « Ce type, il est complètement fou ! »
J’ai eu envie de l’empêcher de bouger... mais quand j’ai vu qu’il avait une ceinture noire
correspondant à un niveau avancé dans un art martial... je me suis tu !!!
46
On sait que les titres de presse et les discours humoristiques sont prolifiques en défigements par exemple.
Elles sont pertinentes (dans le sens général de : caractère de ce « qui se rapporte exactement à ce dont il est
question », Larousse, 1992, p. 769) en ceci qu’elles ne sont pas décalées par rapport au thème mais elles ne
sont pas cohérentes parce qu’elles sont en contradiction avec les informations mises en place a départ : elles
sont pertinentes par rapport à ce dont on parle, mais elles ne sont pas cohérentes par rapport à ce qui est dit de
ce dont on parle.
47
53
Sans porter notre attention sur le caractère maladroit des changements, l’explicitation des
lectures bloque tout jeu de l’esprit, qui ne peut pas faire preuve d’inventivité.
C’est dans les cas d’allusion « interprétable » (qui
PEUT
être repérée et interprétée,
l’homonymie en est une autre sorte) que le risque d’échec est le plus fort : l’humoriste n’a
aucun filet auquel se rattraper si les récepteurs ne réagissent pas, et il ne leur donne pas
d’indice précis de la présence d’une allusion, contrairement aux défigements « audibles ».
Le récepteur a trois moyens de les repérer. Il sait que le type de discours auquel il a affaire
est susceptible de produire un certain nombre d’allusions (et il y sera d’autant plus
attentif). D’autre part, le rythme du discours est important : généralement, les humoristes
laissent un silence avant l’allusion pour créer une attente, ou après pour laisser le temps de
la concevoir (voir III.1.2.3., p. 84-85). Enfin si certains des récepteurs qui l’accompagnent
réagissent à une allusion, le récepteur qui ne l’a pas reconnue retournera probablement sur
le discours, tentera de le relire avec d’autres perspectives pour comprendre ce qui fait rire
ses voisins, et cherchant plus activement sur la séquence en question, aura davantage de
chances de trouver l’allusion.
2.2.3. Les écarts des allusions intertextuelles et interdiscursives
Dans tous les cas d’allusions intertextuelles et interdiscursives « audibles » (soit les
paronomases et les défigements « audibles », II.2.1.2., p. 48-49 et II.2.2.1., p. 51-52),
l’esprit constate un écart entre ce qui est dit et ce qu’il « veut » comprendre. Plusieurs
types d’écarts peuvent être constatés :
–
Soit ce qui est dit est faux par rapport à ce que connaît et accepte l’esprit, comme avec
« mai 48 », « Les 6 mousquetaires », « Pourquoi tant d’amour ? ». C’est alors une erreur
lexicale (un mot en remplace un autre) : les blocs lexicalisés ont habituellement la forme
« mai 68 », « Les trois mousquetaires » et « Pourquoi tant de haine ? »48. L’esprit aurait
tendance à prendre l’initiative de corriger de lui-même l’erreur commise par le locuteur.
Mais le contexte justifie leur présence (énonciateur sous l’effet de l’alcool, candidat au
baccalauréat pas préparé), c’est pourquoi le récepteur ne rejette pas l’erreur et la prend en
compte dans son interprétation de l’allusion.49
48
Un test simple sur Internet consistant à proposer à un moteur de recherche une demande précise comme
« mai 68 », « Les trois mousquetaires » ou « Pourquoi tant de haine » (mots adjacents) donne respectivement
743 000, 340 000 et 191 000 réponses, tandis que « mai 48 », « Les six mousquetaires » et « Pourquoi tant
d’amour » en donnent 10 400, 132 et 660. (tests effectués sur le moteur de recherche Google le 19/04/07)
49
Dans une conversation familière, si un lapsus est prononcé, il n’est généralement pas relevé par les
participants (à moins d’être « révélateur »).
54
–
Soit la norme de la construction sémantique ou syntaxique n’est pas respectée : un trait
sémantique n’est pas conservé, la désambiguïsation contextuelle n’est pas observée (ce qui
va à l’encontre de la maxime de Herbert Paul Grice portant sur l’ambiguïté, et de la
réflexion que propose Georges Kleiber sur le contexte en 199450). Dans La grossesse de
Patrick Timsit (voir en annexe, p. 139-141), l’humoriste craint que le fœtus ne se
développe et qu’il devienne un enfant monstrueux, avec un cordon de plusieurs mètres de
longs derrière lui (le cordon ombilical). Il souhaiterait un enfant « sans fil ». L’idée d’un
être humain « sans fil » désactive les traits sémantiques de « sans fil » [+ onde électrique]
et de l’objet qualifié [- animé]. De même dans le sketch de Pierre Desproges Les cintres
(en annexe, p. 142-143), l’humoriste explique que pour qu’un homme se prenne la porte
dans la figure, il faut qu’elle « soit /υ∪ϖΕτ/, ou bleue » : la première intuition de l’esprit
est de considérer la cooccurrence « porte ouverte ». Cette intuition est due au fait que les
utilisateurs de la langue sont habitués à entendre parler d’une porte « ouverte ou fermée ».
Seule la déstabilisation due à la fin de l’énoncé « ou bleue » rend nécessaire une remise en
question de l’intuition première et une relecture syntaxique. D’autant plus que le récepteur
a un contexte qui lui permet de justifier sa première lecture (Kleiber, 1994, p. 18-19) : pour
que l’on puisse se prendre une porte dans la figure, il faut qu’elle soit ouverte et qu’on la
ferme, ou qu’elle soit fermée et que l’on rentre dedans : la couleur de la porte n’a aucune
sorte d’influence sur son niveau d’« agressivité ». Dans ce cas précis, d’ailleurs, la seconde
lecture (« ou verte ») est jugée non pertinente, mais rendue obligatoire par le cotexte de
droite : il y a un écart, entre une première lecture logique et cohérente et une deuxième
lecture forcée et non-pertinente.
2.3. Les allusions intratextuelles
Nous avons étudié jusqu’à présent les allusions à des discours autres que celui en cours :
les allusions interdiscursives et les allusions intertextuelles. Les allusions intratextuelles
évoquent un élément du discours présent. Contrairement aux allusions à un discours autre
où l’élément évoqué est extérieur et donc la connivence est supposée, les allusions
50
Une des sous-maximes de modalité porte sur l’ambiguïté (Grice, 1975, p. 56-57).
« c’est le contexte le plus accessible ou le plus pertinent qui se trouve choisi pour la bonne interprétation.
[…] le contexte spécifique l’emporte toujours sur le contexte général […] De la même façon, se laisse établir
une hiérarchie entre le contexte linguistique et le contexte extra-linguistique immédiat : […] [le contexte
extra-linguistique] est estimé moins accessible que l’antécédent linguistique, dans la mesure où celui-ci a été
explicitement introduit dans la mémoire et se trouve donc plus saillant que le référent non encore introduit. »
(Kleiber, 1994, p. 18-19).
55
intratextuelles évoquent un élément dont le récepteur a connaissance de manière sûre (voir
I.1.2.1., p. 14).
2.3.1. Les parallélismes connexes
Il peut sembler étrange de classer les parallélismes parmi les allusions. Pourtant, la
structure de ce procédé stylistique lui confère une dimension métalinguistique (que nous
mettons en relief par une analyse poétique) d’une part, et une division intrinsèque qui
permet une forme d’évocation, les parties de droite faisant écho à la / aux partie/s de
gauche. La définition littéraire du parallélisme le restreint en général à une figure de style
« consistant à souligner la correspondance entre deux parties de l'énoncé (similitude,
opposition, complémentarité) en s’appuyant sur des reprises syntaxiques et rythmiques »
(Bardel, 2007 [2001]). Nous souhaitons élargir cette définition à plusieurs parties, sans
précision de limites quantitatives, et à des reprises syntaxiques, sémantiques,
morphologiques ou phonétiques. La particularité du parallélisme est de mettre en
correspondance deux parties (ou plus) in præsentia.
La première évidence (qu’il convient cependant d’énoncer) est que la
correspondance se fait par similarité entre les deux parties. La similarité peut se situer au
niveau syntaxique, sémantique ou phonétique, plus rarement morphologique.
Coluche, dans L’ancien combattant (en annexe, p. 166) :
- Ya, Aufwiedersen !
- Oui ! c’est ça. Aux fines herbes.
La correspondance par similarité n’est pas syntaxique puisque les deux parties,
« Aufwiedersen » et « Aux fines herbes » sont un adverbe (au revoir) et un syntagme
prépositionnel. La similarité se situe au niveau phonétique. Il s’avère que les 21
parallélismes sémantiques que nous avons répertoriés sont également des parallélismes
syntaxiques. Est-ce une coïncidence ? La question peut se poser puisque le parallélisme
non syntaxique est rare.
Ce qui caractérise un parallélisme, c’est le degré de similarité entre les parties qui le
composent. Nous pensons qu’il existe une sorte de dynamique d’influences qui a pour
conséquence que les éléments identiques sont mis en exergue par les éléments
dissemblables, et vice-versa. La dissemblance jouerait un rôle primordial dans le
parallélisme, et ce (contrairement aux ressemblances) aux niveaux syntaxique et
phonétique autant que sémantique ou, plus rarement pseudo-morphologique.
56
Les différences sémantiques tiennent davantage aux rapports entre les signifiés
qu’entre les signifiants tandis que les différences entre signifiants relèvent du phonétique.
Il en découle que leur nature peut être antonymique, hyponymique, isonymique ou
hypéronymique, métonymique ou synecdotique,51 mais elle peut aussi être une relation
d’identicité sémique (comme lorsque les deux éléments font partie du même champ
sémantique), ou de non identicité sémique, lorsque la similarité est attendue (voir des
exemples en annexe, p. 165-166).
Le parallélisme pseudo-morphologique concerne les mots qui semblent avoir une
parenté étymologique. Les humoristes Bourvil, Patrick Timsit et Roland Magdane
justifient un propos argumentatif en utilisant une raison qu’ils considèrent comme
morphologiques (Béguelin, 2002). Dans les exemples suivants, l’humoriste donne
l’impression que le parallélisme est fondé sur une relation morphologique (santé de
fer/homme de fer/mammifère, porter/supporter).
Bourvil, dans La causerie anti-alcoolique (en annexe, p. 166) :
Il est salutaire le fer. D’ailleurs ne dit-on pas : une santé de fer ? hum ? Un homme de
fer ? hum ? [...] Un mammifère ?
Patrick Timsit, dans La grossesse (en annexe, p. 166) :
Non mais, elle porte le bébé pendant neuf mois, et nous on la supporte pendant neuf
mois...
Comme Bourvil, Roland Magdane dans Le merdier (en annexe, p. 167) explicite
l’apport d’une réflexion étymologique pour son argumentation : « dans ‘consommation’, il
y a le mot sommation d’accord, mais la première syllabe est quand même très claire »,
comme si une syllabe pouvait être une unité de sens pertinente comme le sont les
morphèmes.
51
Pour rappel,
– l’antonymie est un rapport d’opposition entre les mots (dehors/dedans),
– l’hyponymie est un rapport d’infériorité hiérarchique : le terme fait partie de la catégorie nommée par
l’autre terme (bleu/couleur),
– l’isonymie est un rapport d’égalité hiérarchique : les deux termes font partie d’une même catégorie
(bleu/vert),
– l’hypéronymie est un rapport de supériorité hiérarchique : le terme désigne la catégorie dont fait partie
l’autre terme (couleur/vert),
– la métonymie est un rapport logique ou d’inclusion : le terme utilisé désigne la cause pour la
conséquence, le contenant pour le contenu, l’auteur pour l’œuvre… (mettre une petite laine/mettre un gilet ou
un pull).
– la synecdoque est un cas particulier de métonymie, il désigne une manière de désigner une chose en
dénommant une partie, ou de désigner une partie en parlant du tout (donner la main de sa fille/donner sa
fille).
57
Parmi les parallélismes, se trouve la répétition. Ce phénomène est-il une forme
d’allusion ? Nous osons poser la question parce qu’elle a été au cœur d’une longue
réflexion au cours de ce travail. L’argument qui réfute cette hypothèse est le fait que la
répétition réitère plus ou moins exactement un texte (nous ne parlerons pas de discours
puisqu’il est impossible de reproduire un discours, de le répéter) et que l’allusion ne
mentionne
pas
expressément
ce
qu’elle
évoque.
Mais
comment
mentionner
« expressément » un discours si ce n’est en en précisant les conditions d’énonciation, en le
replaçant clairement dans l’esprit de l’interlocuteur ? Le rapport de paroles par exemple ne
peut pas être considéré comme une allusion puisque l’énonciateur au moins est précisé :
« Il a dit que… », parfois même, « Hier soir, à table, il m’a dit que… ». Or, les répétitions
qui suivent n’indiquent pas la situation d’énonciation du discours.
Albert Dupontel, dans Le bac (en annexe, p. 167) :
Euh, Jean-Paul Sartre. Bon, petit 1 : Jean-Paul Sartre. Petit 1 : Jean-Paul Sartre. Jean-Paul
Sartre… Jean-Paul Sartre… Jean-Paul Sartre… J’ai bon ? Vous énervez pas, oui oui, j’y
vais… Sartre Jean-Paul. Ça marche aussi de l’autre côté.
Coluche, dans C’est l’histoire d’un mec (en annexe, p. 167) :
Non ? Non, parce que par... euh parce que par exemple euh alors euh parce que par
exemple si vous voulez, non parce que par exemple si, quand, y a des… par exemple des
histoires, des mecs y… C’est… ou alors euh des fois c’est des histoires [bafouille] ah euh
[bafouille] Mais là non.
Ce qui nous fait dire dans les deux cas que ces répétitions ne sont pas anodines, et
que chaque nouvelle itération d’un même mot a son importance, est le fait que le premier
« Jean-Paul Sartre », le premier « par exemple » n’ont pas les mêmes échos dans l’esprit
des spectateurs que les suivants ni que les derniers. La mémoire a enregistré les « JeanPaul Sartre » et les « par exemple » passés et les suivants n’ont pas les mêmes impacts
dans la compréhension. Chaque nouvelle occurrence d’un mot perçu par un individu
modifie légèrement sa mémoire discursive, en précisant le sens du mot ou la représentation
sémantique qu’il en a : il est impossible de ne pas considérer la répétition comme une
forme d’allusion discursive.
Nous avons pu voir que les relations entre les différentes parties d’un parallélisme
entraînent une certaine dynamique dans la compréhension : on entend la première partie,
on l’interprète en fonction de ce qu’on sait déjà, puis on entend la deuxième partie, et on la
met en relation avec la première, une ou plusieurs interprétations sont alors envisageables.
La première est alors remise en relation avec la deuxième, afin d’envisager toutes les
possibilités d’interprétation, toutes les intentions sous-jacentes chez les énonciateurs.
58
2.3.2. Les parallélismes proximaux et distaux
Les parallélismes étant une forme d’allusion intratextuelle connexe (les deux éléments sont
adjacents), la juxtaposition des diverses parties les distingue des parallélismes proximaux
et distaux.
Anne Roumanoff, dans Internet (en annexe, p. 168) :
52
[P.C., ça veut dire Plante Constamment.] Tu sais ce que ça veut dire P.C. ? P’tit Con.
Seule la reprise pronominale « ça » dans la première partie et la reprise nominale
dans la deuxième (« P.C. ») déséquilibrent le parallélisme distal. Ce déséquilibre est en
partie dû à la structure de l’énoncé : dans la deuxième partie, « ça veut dire P.C. » est une
proposition subordonnée introduite par « ce que » tandis que dans la première partie,
« P.C., ça veut dire » est le début d’une proposition principale. Sémantiquement, ces deux
éléments sont équivalents et ils expriment tous deux l’intention de faire connaître le
développement de l’abréviation « P.C. ». La réponse diffère, quoi qu’elle reste une critique
exprimée dans un registre familier, peu attendu dans les développements d’abréviations53.
Pourtant, même dans la réponse, on retrouve un point commun central, par ailleurs
nécessaire à la cohérence du discours : les éléments du développement ont en initiale un
« P » et un « C ». Dans le parallélisme, la similarité permet de mettre en rapport les parties,
mais c’est la différence entre ces parties qui fait l’intérêt de ce procédé, tout comme dans
cette allusion distale.
Jean-François Le Ny explique que le traitement de l’information dans un énoncé ne
se fait qu’au fur et à mesure que les informations entrent dans l’esprit, et que chaque
nouvel élément permet au récepteur d’améliorer sa vision d’ensemble :
« l’information externe qui sert à la compréhension, celle qui se trouve dans l’énoncé,
sous forme de mots et de données grammaticales, mais aussi celle qui appartient à la
situation dans laquelle est reçu et traité cet énoncé, est traitée au fur et à mesure. Elle est
d’abord, comme on l’a dit, saisie perceptivement et reconnue, puis elle est interprétée de
façon immédiate, par tout petits morceaux – ce sont les incréments – et finalement
assemblée sémantiquement dans une représentation sémantique d’ensemble, qui constitue
le sens construit de l’énoncé. » (2005, p. 105)
Si la compréhension d’un énoncé se fait au fur et à mesure en intégrant les éléments
nouveaux à une représentation sémantique d’ensemble, on peut supposer que la
compréhension d’un ensemble d’énoncés se produit de la même manière, par petits apports
dans une représentation générale qui se précise et évolue avec les éléments nouveaux. Le
52
Dans les cas d’allusions proximales ou distales, les crochets indiquent la partie du sketch à laquelle il est
fait allusion.
53
Puisque ce sont souvent des dénominations officielles ou spécialisées.
59
discours, à n’importe quel point de son avancée, est représenté dans l’esprit du récepteur de
manière globale. À l’inverse, cette représentation globale est également construite sur des
données beaucoup plus petites (les « incréments », voir citation supra, p. 59), sur lesquels
s’appuient les humoristes pour réussir leurs allusions intratextuelles distales.
Le rappel de ces incréments peut être fondé sur une similarité phonétique,
sémantique, logique, anaphorique ou pragmatique, ou sur des différences ou oppositions,
principalement linguistiques, parfois des contradictions sous forme d’incohérences entre
deux points de vue dans le même discours :
Anne Roumanoff, dans Internet (en annexe, p. 168) :
[Le driver d’installation pour ceux qui savent pas, c’est la disquette que tu mets dans l’ordinateur
pour lui dire qu’il est relié à une imprimante, sinon il est pas au courant.] Franchement, tu
branches une machine à laver le linge dans le mur, t’as pas besoin de lui dire au mur qu’il
est relié à une machine à laver.
Muriel Robin, dans Le répondeur (en annexe, p. 169) :
[[Elle enregistre] Bonjour, Muriel Robin, répondeur, message, coordonnées, bip sonore, allô,
merci. [Elle coupe l’enregistrement]. Voilà, c’est pas dans l’ordre. [Elle écoute le message]
« Bueños días, està bien a la casa de Muriel Robino pero la señora no està aquí. Hable après el bip
sonore, ciao. »] Y A QUELQU’UN LÀ-DEDANS ? On va y arriver !
Anne Roumanoff, Internet (en annexes, p. 168) :
[C’est http/h, le temps de taper l’adresse sans te gourer, t’as plus vite fait d’aller à la gare.] Non,
je t’envoie pas de fax, c’est plus rapide Internet !
On remarque dans ces exemples que les énonciateurs et les points de vue sont différents
entre les deux parties de l’allusion :
C’est http/h, le temps de taper l’adresse sans te gourer, t’as plus vite fait d’aller à la gare.
Non, je t’envoie pas de fax, c’est plus rapide Internet !
Dans la cohérence du sketch, c’est la même personne qui parle, mais elle adopte deux
comportements différents : cette impétrante dans le monde de l’informatique qui pose un
regard tantôt critique et négatif sur le rapport au temps avec Internet (qui se traduit par une
hyperbole dans le discours), tantôt obsessionnel.
Les parallélismes proposent une forme de similarité linguistique de forme en premier
lieu, syntaxique ou phonétique. Les parallélismes sémantiques sont tous également des
parallélismes syntaxiques. Des relations sémantiques peuvent être mises en place dans le
discours sans pour autant qu’il y ait parallélisme formel, et créer des allusions par relation
sémantique seulement.
60
2.3.3. Les relations sémantiques
Nous avons introduit divers types de relations sémantiques lors de l’étude des parallélismes
(II.2.3.1., p. 57). Parmi les cas répertoriés qui relèvent strictement de ces types de relation
(en annexe, p. 170), un seul n’est pas un parallélisme :
Raymond Devos, dans La ceinture de sécurité :
Il portait sa voiture en bandoulière ! Il me dit : « Vous ne savez pas comment on détache
cette ceinture? »
La ceinture est une partie de la voiture, mais on ne peut pas parler de métonymie ni de
synecdoque parce que la « ceinture », dans la question, n’a pas le sens de « voiture »
comme ce serait le cas dans une métonymie. En revanche, il y a bien un lien implicite qui
est établi entre la voiture et la ceinture avec le déterminant démonstratif « cette ». On
pourrait se demander si ce n’est pas un cas de référence dans l’environnement physique de
la communication, comme si le locuteur pointait du doigt sa ceinture, mais on peut
également l’analyser comme une relation de référence cotextuelle méronymique (la
ceinture est une partie de la voiture), relation par laquelle on comprend que « cette
ceinture », c’est la ceinture de la « voiture [portée] en bandoulière ». « cette ceinture »,
bien qu’elle ne le dise pas explicitement, fait allusion à la voiture par relation
méronymique.
Il existe par ailleurs un autre type de relation sémantique plus complexe et moins
évidente que dans les cas précédents : c’est la métaphore in absentia54 (nous incluons la
personnification dans la métaphore et considérons que c’en est une sous-unité). C’est un
phénomène discursif qui relève évidemment de l’allusion puisque la métaphore dénomme
une chose et en désigne une autre, qu’elle évoque par relation sémantique.
Patrick Charaudeau, dans la Grammaire du sens et de l’expression, présente le
procédé de métaphorisation, première phase de construction de la métaphore :
« Soit deux termes A et B appartenant à des classes sémantiques différentes, mais ayant
en commun une ou plusieurs propriétés sémantiques. Il est possible de conjoindre ces
deux termes et l’on obtiendra un effet de métaphorisation. […] Dans le cas de la
métaphorisation, il se produit une contamination entre les contenus sémantiques des
termes A et B. Le terme [A] s’imprègne des caractéristiques de la classe du terme B, […]
et inversement, le terme B s’imprègne des caractéristiques de la classe du terme A »
(1992, p. 87).
54
La métaphore in absentia s’oppose à la métaphore in præsentia où l’élément auquel fait référence la
métaphore est présent, mais où aucun élément de comparaison n’est explicité, comme s’ils étaient
juxtaposés ; et à la comparaison, où la relation est explicitée.
61
Nous en retiendrons deux éléments majeurs : d’une part, la nécessaire différence
sémantique entre les éléments et par ailleurs une toute aussi nécessaire similarité partielle,
et d’autre part une contamination mutuelle. Il pourra être utile de noter également que deux
critères de catégorisation des mots sont proposées : la classe et les propriétés. Les éléments
doivent appartenir à des classes absolument distinctes (l’exemple donné est
humain/animal), mais au moins une propriété doit être commune (par exemple la taille).
C’est sur ces critères qu’une métaphore est jugée possible ou non au départ.
Catherine Kerbrat-Orecchioni explique le repérage et la « réparation » de la
métaphore, deuxième phase de sa construction55 :
« Sa Sé1 Sé2
\____________/
même référent
Sé1 : correspond au sens littéral de l’unité lexicale, que l’on décode d’abord dans la
mesure où il est attaché au Sa par une règle codique, mais qui ne peut s’actualiser dans le
contexte pour des raisons de cohérence combinatoire ou de vraisemblance référentielle.
Pour que soit résorbée l’anomalie, il faut que le Sé1 renvoie à un
Sé2 : plus adéquat au contexte, et relié au Sé1 par un ou plusieurs métasèmes. » (1977,
p. 150)56.
« le terme y [a] phagocité le terme x (mais en réalité, c’est bien ce terme absent […] qui
bénéficie au premier chef de l’identification métaphorique). » (1977, p. 154).
Nous comprenons que nous sommes en présence d’une métaphore lorsqu’un terme
présente une anomalie sémantique alors qu’il s’intègre syntaxiquement. En fait, c’est le Sé2
du terme qui est utile dans la compréhension de l’énoncé, mais ce contenu est rattaché à un
autre terme par similarité de connotation : le « sens littéral [est] dégradé en contenu
connoté, [et le] sens dérivé [est] promu en contenu dénoté » (Kerbrat-Orecchioni, 1986,
p. 96).
Les exemples suivants illustrent exactement cela :
Patrick Timsit, La grossesse (en annexe, p. 170)57 :
Et le môme, va falloir lui préparer son coin [sa chambre], sa gamelle [ses biberons], une
caisse pour ses besoins [ses couches puis son pot].
Roland Magdane, Le merdier (en annexe, p. 170) :
Les CONducteurs : 90 chevaux dans le moteur, 1 âne [un conducteur stupide] au volant.
Le premier exemple propose une métaphore inédite, tandis que le second présente
une métaphore lexicalisée, c’est-à-dire qu’elle est installée dans la langue, et que le
55
En effet, nous considérons que les phénomènes relevant de l’implicite n’ont d’existence pour le récepteur
que s’il les perçoit.
56
Sa = signifiant, Sé = signifié.
57
Les crochets indiquent le contenu dénoté de la métaphore.
62
contenu connoté est devenu un des contenus dénotés, puisqu’une des définitions de « âne »
est « Personne ignorante, à l’esprit borné. » (Larousse, 1992, p. 68).
Jean-François Le Ny propose une explication cognitive de la compréhension de la
métaphore selon laquelle les processus mis en marche négligent, voire inhibent le sens
dénoté afin que les particularités sémantiques de la métaphore par rapport au référent
soient minimisés. En parallèle, l’activation des traits pertinents et similaires à ceux du
référent est accrue afin qu’il prenne presque le sens de ce qu’il désigne (2005, p. 345). Le
résultat de ce double processus cognitif est un glissement sémantique du terme
métaphorique vers le référent, et parfois du référent vers le terme métaphorique. Dans le
dernier cas, la métaphore se fige généralement parce qu’elle finit par prendre le sens du
référent. Cette idée de glissement sémantique entre ce qui est explicité et ce qui est
implicité est particulière aux allusions par relations sémantiques.
2.3.4. Les allusions référentielles
Les métaphores posent le problème du référent réel du discours, tandis que les allusions
référentielles concernent les relations de référence entre le référent du discours et la
reprise. Ces allusions fonctionnent sur la base d’un rappel proximal par pronom ou
déterminant : les seuls indices dont dispose le récepteur sont le genre et le nombre du mot
qui renvoie au référent. Patrick Charaudeau, dans La Grammaire du sens et de l’expression
(1992, p. 220), rappelle qu’il existe deux types de pronoms démonstratifs (mais nous
pouvons supposer que c’est aussi le cas pour tous les mots qui renvoient à un référent,
pronoms démonstratifs ou déterminants possessifs par exemple), ceux dont « le référent se
trouve dans l’environnement physique commun des interlocuteurs, et [ceux dont] le
référent est mentionné dans le contexte. » Le deuxième cas peut relever de l’allusion
discursive, contrairement au premier. La Grammaire parle de désignation à « référence
contextuelle » (p. 222). Nous préférons parler de « référence cotextuelle » afin de laisser au
mot « contexte » le sens de « ce qui entoure le texte, qui fait partie de la situation de
production et / ou de réception du discours »).
Le problème qui se pose dans l’allusion référentielle, c’est celui de la mise en
relation du pronom ou du déterminant avec sa référence cotextuelle. Laurent Roussarie
(2007 [2002]) propose une série de propriétés nécessaires à un référent du discours pour
pouvoir être repris par un pronom. Nous nous demandons à l’inverse quelles sont les
propriétés nécessaires à un référent du discours pour être le référent d’un pronom ou d’un
63
déterminant ? En règle générale, c’est le référent qui précède ou qui suit immédiatement le
pronom ou le déterminant. Mais l’ambiguïté est parfois conservée par les humoristes :
Anne Roumanoff, dans Internet (en annexe, p. 171) :
[– Mac ou P.C., c’est pareil, madame, de toute façon, dans trois mois, votre matériel sera
obsolète. [à un autre client] J’arrive.
– Faut peut-être mieux que j’attende trois mois ?
– Ce sera pareil madame, avec l’informatique, tout va vite, tout va très très vite. »] Et
c’est vrai que ça va vite, en cinq minutes, j’ai dépensé 8990 francs.58
Pierre Desproges, dans Les cintres (en annexe, p. 171) :
Prenez une porte, c’est un exemple, partez pas comme ça.
Dans le premier exemple, le « ça » de « c’est vrai que ça va très vite » est en relation
de référence cotextuelle anaphorique avec « tout », lui-même réfèrant à un des énoncés
précédents qui informe sur la rapidité à laquelle le matériel informatique devient obsolète.
Le « tout » aurait pour référence cotextuelle « le matériel informatique » (généralisation de
« votre matériel » par le pronom de substitution englobant « tout »). Le récepteur ayant un
référent anaphorique sémantiquement plausible, il pense logiquement que « ça » réfère à la
même chose que « tout »59 : on peut effectivement interpréter « Et c’est vrai que ça va
vite » en comprenant « c’est vrai que le matériel informatique devient vite obsolète »,
d’autant plus que c’est le thème des échanges précédents. Mais la fin de cet énoncé
propose une référence cotextuelle par cataphore qui déstabilise la référenciation et remet en
cause la relation qui avait été établie entre « ça » et « le matériel informatique » : « ça » fait
finalement référence à « dépenser de l’argent », référence cotextuelle impliquée par « j’ai
dépensé 8990 francs. ». Le récepteur se rend compte que l’humoriste s’est joué de lui et
58
Les crochets extérieurs encadre la partie du sketch qui permet de comprendre l’allusion. Les crochets à
l’intérieur des premiers indiquent une didascalie.
59
Comme nous l’avons vu avec Jean-François Le Ny (2005), les informations sont traitées par l’esprit et le
cerveau au fur et à mesure. Lorsque le récepteur est en présence d’un pronom et que sa mémoire lui indique
qu’il peut déjà y rattacher un antécédent compatible, c’est la solution qu’il choisit. C’est pourquoi Georges
Kleiber donne une importance majeure à la mémoire, et au contexte :
« Le contexte n’est plus conçu comme quelque chose d’extérieur mais comme une réalité cognitive : contexte
linguistique, situation extra-linguistique, connaissances générales se retrouvent tous traités mémoriellement :
ils ont tous le statut de représentation interne, même s’ils se différencient quant à l’origine et au niveau de la
représentation (mémoire courte, mémoire longue, etc.).
Pour preuve, des sujets typiquement contextuels comme l’anaphore se retrouvent redéfinis et traités en des
termes impliquant crucialement la mémoire (G. Kleiber, 1991 et 1992a). […] Il faut aussi mentionner
l’évolution discursive : l’historique du discours qui passe au premier plan à travers les différentes
modifications contextuelles (les mutants référentiels, la successivité temporelle) sous l’angle de la continuité
et du changement. » (1994, p. 19)
N.B. : Les ouvrages cités par Georges Kleiber dans la citation sont de lui-même :
KLEIBER Georges (1991) : « Anaphore et deixis : où en sommes-nous ? », L’information grammaticale 51,
p. 3-18.
KLEIBER Georges (1992) : « L’anaphore : d’un problème à l’autre », Le français moderne 60-1, p. 1-22.
64
que ce dernier a voulu que « ça » évoque le matériel informatique, alors qu’il faisait une
référence par anticipation. La première référenciation (la référenciation cotextuelle par
anaphore) n’en est pas vraiment une, et pourtant la pseudo-référence en question est
effectivement évoquée : c’est en cela que nous voyons une allusion référentielle. Une
analyse de cet énoncé à postériori rend évidente la référence cataphorique : il n’y a dans
l’énoncé qu’un référent. Pourtant l’esprit du récepteur en conçoit deux : l’allusion n’est
pas, encore une fois, intrinsèque au discours, elle est constituée cognitivement, par le
récepteur lorsqu’il traite l’information, et par le producteur s’il fait exprès de brouiller la
compréhension du récepteur.
Dans le deuxième exemple, la référence cotextuelle est la même pour le producteur
et le récepteur. En revanche, l’humoriste lui donne deux dimensions différentes, et indique
après coup aux récepteurs laquelle doit être comprise. Dans « Prenez une porte, c’est un
exemple, partez pas comme ça. », « Prenez une porte » serait d’office considéré dans son
sens mondain (par opposition à métalinguistique) si les conditions s’y prêtaient, ce qui
n’est pas le cas dans un théâtre : dans ces conditions, le récepteur le considère dans sa
dimension métalinguistique. L’humoriste semble ne pas être sûr que tous les spectateurs
ont compris la dimension métalinguistique, comme s’il craignait que certains ne se
trompent et « pren[nent] la porte ». Il précise que « c’est un exemple », explicitant la
dimension métalinguistique de son premier énoncé et y conférant dans un retour
autodialogique la modalité autonymique. Le « c’ » ne réfère pas tant à « Prenez une porte »
qu’à la dimension dans laquelle il doit être compris.
L’effet humoristique est produit par l’incongruité de l’information : si un spectateur
paie une place de théâtre, ce n’est pas pour s’entendre dire qu’il doit sortir avant la fin. La
dimension métalinguistique est une évidence pour les récepteurs, mais Pierre Desproges a
prétendu que ce n’était pas le cas pour tous. En revanche, certains spectateurs n’avaient
peut-être pas pensé au sens mondain de l’expression, et le fait que l’humoriste demande de
se focaliser sur la dimension métalinguistique a pu leur faire prendre conscience de
l’incongruité de la dimension mondaine. En précisant la référence, l’humoriste fait allusion
à l’autre dimension.
2.4. Les allusions autodialogiques
Les allusions autodialogiques nécessitent un retour sur le discours en train d’être énoncé,
elles concernent le processus de mise en mots du texte, la réflexion et les cheminements
65
qui y mènent ainsi que la prise de conscience après coup d’une allusion « subie » (AuthierRevuz, 2000, p. 225-228).
2.4.1. Les allusions par raisonnement
L’allusion par raisonnement est un type particulier d’allusion discursive parce qu’elle ne
fait pas véritablement allusion à un discours matérialisé dans la parole, mais à un discours
resté dans un état qui relève souvent davantage de la logique, dans l’esprit.
Coluche, dans C’est l’histoire d’un mec (en annexe, p. 171) :
Je veux pas m’engueuler avec tout le monde... hein... Non, y a quand même moins
d’étrangers que de racistes en France, alors... Si j’ai le choix, je veux dire j’aime autant
m’engueuler avec les moins nombreux...
Jean-Marie Bigard, dans Les expressions (en annexe, p. 171) :
Alors après elle insiste, elle dit : « Si vous voulez bien me suivre… ». Un peu que je veux
la suivre ! Je ne me suis pas tapé deux heures d’embouteillages dans Paris pour craquer à
3 mètres du bol de sangria quand même !
Le premier exemple suit la logique suivante :
Présupposé : Je veux m’engueuler avec un minimum de gens.
Fait 1 : nombre de racistes en France > nombre d’étrangers en France
Fait 2 : Je vais m’engueuler avec un des deux groupes.
Conséquence 1 : Je vais m’engueuler avec « les moins nombreux ».
Conséquence 2 (conséquence 1 explicitée) : Je vais m’engueuler avec les étrangers.
Implication 1 : Les racistes doivent m’identifier comme faisant partie de leur groupe.
Implication 2 : Je dois faire croire aux racistes que j’adhère à leur idéologie.
On retrouve ici le Modus tollendo ponens de Dan Sperber et Deirdre Wilson (1989 [1986],
p. 136-137) :
Input : (i) (P ou Q)
(ii) (non P)
Output : Q
(= Fait 2)
(= Conséquence 1)
(= Conséquence 2)
Le deuxième exemple propose le processus logique suivant :
Présupposé 1 : Je veux que mes activités soient rentables.
Présupposé 2 : Je n’attends pas qu’on me propose avant de me servir.
Fait 1 : J’ai passé trois heures dans les embouteillages.
Fait 2 : Je suis arrivé à destination.
66
Fait 3 : L’hôtesse fait l’invitation « venez boire un verre ».
Conséquence 1 : Je vais boire un verre
Conséquence 2 : Je juge que l’invitation de l’hôtesse était superflue puisque mes trois
heures d’embouteillages doivent être rentabilisées et que je n’avais pas l’intention
d’attendre une autorisation.
Les conséquences des extraits correspondent comme nous avons pu le voir au
résultat d’un cheminement intellectuel, raisonné, et c’est à ce cheminement silencieux
qu’elles font allusion. Mais ce processus de raisonnement peut-il être qualifié de discursif
pour que l’on puisse effectivement parler d’allusion discursive ? Nous le pensons
effectivement. Un discours n’a pas besoin d’être physiquement présent à travers des ondes
sonores ou des traces d’encre sur du papier, la réflexion met en branle le cerveau et la
pensée, et même si on ne les entend pas, des mots supportent cette pensée. La pensée est
comparable à un discours qui se passe en interne. C’est en tout cas ce que postule JeanFrançois Le Ny (2005, p. 386-387) qui déduit cela d’une réflexion sur les inférences :
« Que l’activation d’une représentation, plus précisément ici d’une proposition, puisse
causer l’activation immédiate consécutive d’une autre représentation, d’une autre
proposition, n’est-ce pas ce qui constitue le tissu même de la pensée en mouvement ? »
2.4.2. Les ellipses
Les allusions par raisonnement évoquent une réflexion, un cheminement de pensée, tandis
que les ellipses sont un procédé qui consiste à laisser un blanc lexical sans qu’il ne laisse
un blanc sémantique dans l’énoncé : l’absence de discours matériel n’est pas pour autant
une absence de sens. Ce dernier est à construire ou à reconstruire, par le producteur comme
par le récepteur.
Notre corpus nous a permis d’identifier trois types d’ellipses (le premier type a été
évoqué en II.2.2.1., p. 52 parce que relevant davantage du dialogisme interdiscursif que de
l’autodialogisme).
–
Le discours est consciemment coupé et interrompu pour que le récepteur n’entende pas
ce que le producteur avait l’intention de dire. Dans ce cas, il y a bien une intention de
dire, mais une réflexion et un retour autodialogique sur cette intention discursive
conduisent à une interruption (parfois intempestive, comme dans notre exemple) du
discours, puis à une reprise décalée :
67
Élie Sémoun, dans Le dragueur (en annexe, p. 172) :
« Je t’ai[me]… je t’apprécie ! »60
–
La construction du discours au moment de la réflexion n’aboutit pas à une construction
matérielle, mais à une intercompréhension entre les participants au discours. C’est un
moment de recherche pendant lequel le producteur et le récepteur tentent tous deux de
remplir un vide lexical, et où ils arrivent à un degré considéré suffisant
d’intercompréhension pour reprendre le discours sans remplir le vide lexical. On
assiste en général à une reprise du discours qui oriente le point de vue d’une autre
manière sur le même thème :
Coluche, dans C’est l’histoire d’un mec (en annexe, p. 172) :
Parce que un Belge et un Suisse, on peut toujours se gourer, mais un noir... Je veux dire,
parce que [ça se voit]… Bon, oui, je veux dire, y en a pas tellement [de doutes], mais je
[veux dire], c’est [évident]… Non, mais parce que les noirs, c’est les mecs y se [mettent tout
en noir], je [veux dire], y sont [tout noirs]
Ces deux types d’ellipses correspondent à deux types de relations du producteur à
son énoncé en construction : dans le premier cas, un retour autodialogique interrompt la
progression ; dans le second, on n’assiste pas à un retour autodialogique mais à une
recherche autodialogique, donc une réflexion autodialogique qui veut aller de l’avant et
non revenir en arrière, le producteur ne sait pas quelle suite donner à son discours (l’idée
est peut-être confuse ou bien ce sont les mots qui « ne viennent pas »). Ces deux cas ont un
effet conscient de recherche, soit ensemble avec le producteur, soit pour retrouver ce que le
producteur a souhaité cacher. Cette réflexion sur les ellipses nous montre que sous cette
appellation apparemment simple se trouvent des réalités tout à fait hétérogènes.
2.4.3. Les modalités métalinguistique et autonymique
Roman Jakobson a inclus la fonction métalinguistique du langage parmi les six fonctions
qu’il a proposé (voir I.2.2.5., p. 28). Jacqueline Authier-Revuz a abordé un aspect
particulier de cette fonction du langage du métalangage : la modalité autonymique. Cette
modalité permet d’énoncer un mot sans solliciter son sens, mais sa forme.
Coluche, dans L’ancien combattant (en annexe, p. 172) :
J’avais un copain y s’appelait Cocu. C’est agréable ! Il osait pas se marier, dis donc.
Nous avons affaire à un premier exemple relativement complexe puisque « Cocu »
ici, est un nom propre, et que c’est une forme dont le sens mondain n’est pas considéré. Le
60
Dans les cas d’ellipse, les mots entre crochets sont ceux qu’aurait pu dire le locuteur.
68
nom propre n’est pas pour autant un mot vide de sens, il est, au contraire, ce qui désigne
une personne, une famille, une ville, une marque… C’est la réalité qu’il désigne qui lui
donne son sens (un sens qui change avec la réalité ou en fonction de la facette de cette
réalité que l’on montre). Le mot « Cocu » est un nom de famille qui désigne « un
compagnon de guerre » dans un premier temps puis « un ami qui avait peur de s’engager
sentimentalement ». Le premier sens fait référence à la réalité sous le nom propre, mais le
second réveille le sens mondain de « Cocu », « dont le/la partenaire n’est pas fidèle en
amour »61. La modalité métalinguistique est mise en place par le « C’est agréable ! » qui
implicitement (et ironiquement) juge que « c’est très désagréable d’avoir un nom de
famille qui signifie ‘je suis trompé par ma femme’ » (c’est par ailleurs ici une allusion
intratextuelle et non autodialogique puisqu’elle fait allusion à un élément précis d’un
discours précis). On voit bien ici comment se développe la modalité métalinguistique dans
le discours de l’ancien combattant. Mais déjà, dans le premier énoncé « J’avais un copain
qui s’appelait Cocu. », le nom de famille (on ne sait que c’est son nom de famille que parce
que le verbe est « s’appelait » ; s’il avait été « était », le sens de la phrase aurait été tout
autre) est considéré comme un nom propre et le sens mondain est inhibé par le verbe
« s’appeler ». Il est pourtant difficile d’éviter de penser aussi au sens mondain, même avant
que l’humoriste ne le relève dans la pseudo-réalité de son sketch (« Il osait pas se
marier »). L’allusion autodialogique se fait en fait par la force du sens mondain du mot et
par la rareté du nom de famille (nous sommes habitués à des Dupont, à des Leroy ou à des
Dubois, et le sens mondain ne nous vient plus en tête).62
La modalité autonymique est un cas très particulier de modalité métalinguistique qui
concerne la réflexivité du langage et la nominalisation de tout élément d’un discours (qu’il
soit morphème ou ensemble d’énoncés). La modalité autonymique permet de mettre « le »
devant l’unité qui est considérée et de la regarder sous l’angle de sa forme. Jacqueline
Authier-Revuz a beaucoup étudié les rapports entre cette modalité et un écart interne qui
produirait un autodialogisme nécessaire : « c’est la modalité autonymique, en elle-même,
et quelles que soient les formes par lesquelles elle se réalise, qui – dans la réflexivité qui la
fonde – relève de la représentation de cet écart interne que creuse dans l’énonciation
61
Le dictionnaire Larousse donne la définition suivante : « Trompé par son conjoint, son amant, sa
maîtresse » (1992, p. 239).
62
Selon les estimations de nom-famille.com (Collectif, 2007 [2006]), 1173 personnes portent le nom de
famille « Cocu » en France (ce serait le 7617e nom de famille le plus porté en France).
69
l’auto-réception qui la traverse. » (1995, p. 153). Cet écart interne qui donne une réalité à
l’autodialogisme est présent par exemple dans :
Pierre Palmade, Le Scrabble (en annexe, p. 172) :
De toute façon c’est sûr qu’avec ta gueule on ne peut pas aller bien loin. Quoi ? Mais non,
je dis simplement que tu as mis « gueule » en travers du jeu et ça bloque tout le monde !
Le « je dis simplement » montre que l’énonciateur prend de la distance par rapport à
son propre dire, qu’il le relit (certes après une réaction d’un interlocuteur, ce qui
n’empêche pas l’auto-réception) et qu’il précise sa pensée. En fait, le malentendu vient du
fait que la modalité autonymique d’un élément est plutôt signalée par un déterminent
masculin que féminin, et que, l’accord du déterminent avec le genre du nom ne facilite pas
la différenciation entre modalité autonymique et dimension mondaine. L’auto-réception et
la distance qu’elle permet mettent en place une double énonciation (dédoublement que
Jacqueline Authier-Revuz dit relever plutôt d’un redoublement, que nous qualifions de
rétroactif, parce que ce redoublement n’a lieu qu’après relecture de l’énoncé par le
producteur). Le dédoublement énonciatif est visible à chaque fois que l’énonciateur revient
sur son discours pour expliciter la modalité autonymique.
L’énonciateur prend généralement du recul sur son énoncé : il lui donnait une valeur
autonymique mais il prend conscience que cette modalité n’est pas intrinsèque63. Il
convient alors pour l’énonciateur de revenir sur son dire, et d’expliciter la valeur qu’il lui a
donnée. L’allusion au sens mondain a en fait lieu avant que la réflexivité autodialogique ne
survienne.
Les allusions autodialogiques apparaissent en réponse à une réflexion que le locuteur
se fait sur son propre discours. Cette réflexion peut être un cheminement de pensée, elle
peut être la recherche du mot juste ou la recherche de ce que le locuteur veut bien laisser
entendre à son interlocuteur, ou elle peut être la prise de conscience par le locuteur qu’il
utilise une modalité particulière qui peut ne pas être remarquée par l’interlocuteur. On voit,
dans ce troisième cas, une dimension interlocutive à la réflexion : le locuteur effectue un
retour sur son propre discours dans la perspective de le rendre plus accessible à son
interlocuteur ou de s’assurer que son énoncé a été perçu avec la modalité qu’il lui a
donnée.
63
Jacqueline Authier-Revuz nous précise :
« Aucun segment de langue ou de discours n’est autonyme ‘par lui-même’, comme on peut dire que ‘joli’ est
un adjectif […] : autrement dit, c’est contextuellement qu’un segment acquiert le statut autonyme. » (2003,
p. 76).
70
2.5. Les allusions interlocutives
Les allusions qui jouent sur la modalité d’un groupe de mots relèvent non seulement de
l’autodialogisme, mais aussi du dialogisme interlocutif (voir I.2.5., p. 31-33). Un autre type
d’allusions entre également dans cette catégorie : les « allusions-réponses ». Ce que nous
appelons « allusions-réponses » est une particularité de certains sketchs et de certaines
situations d’énonciation. En effet, elles correspondent à l’enchaînement « discours d’un
interlocuteur – discours du locuteur », où l’interlocuteur n’est pas présent, et où ses paroles
sont à reconstruire. Le discours qui vient en réponse à ces paroles permet en général de le
reconstituer, c’est pourquoi nous parlons d’allusions-réponses. La réponse du locuteur fait
allusion à l’intervention de l’interlocuteur. Nous pensons pouvoir parler de dialogisme
interlocutif dans ce cas parce que l’interlocuteur n’est pas physiquement présent et son
discours n’est pas matérialisé. Le discours du locuteur qui vient y répondre permet au
spectateur de reconstituer celui de l’interlocuteur.
Étant donné que le discours de l’interlocuteur n’est pas matérialisé, la reconstitution
est nécessairement soumise à la subjectivité des récepteurs, elle n’est d’ailleurs à la limite
pas reconstruite mot par mot, mais plutôt comprise de manière globale et synthétique.
Ainsi, dans l’exemple suivant, la reconstruction du discours de l’interlocuteur proposée par
nous n’est qu’une des nombreuses possibilités (notre reconstitution est signalée par des
crochets en début et en fin) :
Albert Dupontel, dans Le bac (en annexe, p. 172) :
Texte du sketch :
Bon, avant de commencer, je vais faire pipi, c’est une tradition pis je reviens. Comment ?
J’ai pas le droit ? Houuuu !
Texte et interventions reconstituées (l’interaction est simulée) :
Bon, avant de commencer, je vais faire pipi, c’est une tradition pis je reviens. [Non.]
Comment ? [C’est interdit] J’ai pas le droit ? [Non.] Houuuu !
Il serait tout aussi crédible de remplacer le [Non.] par un [Comment ça ? Mais il n’en est pas
question !]
ou bien encore [Ah ! Vous croyez que vous êtes le premier à me faire ça ? Je vous jure, ces
jeunes…],
et ce ne sont pas les seules possibilités. En fait, nous ne sommes pas certains que
le spectateur reconstruise le discours, mais ce qui nous semble évident est qu’il construit au
moins des suppositions quant aux traits sémantiques pertinents du discours absent, ici :
[- autorisation d’aller aux toilettes] et [+ rester dans la salle d’examen]. Ce qui pousse le
spectateur à spéculer cela est contenu dans la réaction qui s’ensuit chez le locuteur :
« Comment ? J’ai pas le droit ? Houuuu ! » dont il ressort que l’intention d’action qu’il
71
avait engagée précédemment a été arrêtée avant la mise en actes, et qu’une autorité
supérieure n’autorise pas ces actes (sortir de la salle et aller aux toilettes). Cette allusion
fonctionne par reconstruction sémantique à partir d’un discours réagissant. On y voit
évidemment un grand intérêt en didactique du français comme langue étrangère, puisqu’en
situation de communication, il arrive que l’apprenant ait besoin de deviner ce qu’il n’a pas
compris, et qu’une des stratégies les plus évidentes est de déduire de ce qui suit le discours
qui a entraîné cette réaction (voir la stratégie de « spéculation », III.2.2.2., p. 103).
3. Conclusion
Nous avons cherché à préciser nos connaissances sur le phénomène de l’allusion discursive
tout au long de ce travail. Pour cela, nous avons créé une typologie à trois niveaux, nous
avons étudié les 14 types d’allusions que nous avons conçus afin de comprendre les liens et
les distinctions entre eux, et nous sommes arrivée à un point où la synthèse devient
possible. Que retiendrons-nous des études linguistiques auxquelles nous avons procédé ?
Qu’est-ce, l’allusion discursive ?
Nous commencerons par reprendre la définition qu’a proposé Pierre Fontanier :
« [L’allusion] consiste à faire sentir le rapport d’une chose qu’on dit avec une autre qu’on
ne dit pas, et dont ce rapport même réveille d’idée. » (1968 [1821], p. 125)
Cette définition nous a inspiré trois points d’étude :
–
la nature du rapport entre les éléments de l’allusion, soit entre celui qui est explicité et
celui qui est évoqué,
–
la nature de l’élément évoqué.
–
les mécanismes cognitifs de l’éveil de l’élément évoqué dans l’esprit des récepteurs,
Nous avons compris que le rapport entre l’élément explicité et l’élément évoqué est
la similarité, linguistique (phonétique, sémantique ou syntaxique), discursive (normes,
intentions ou dimensions64 par exemple) ou codique (c’est-à-dire similarité de langue ou de
registre). Nous parlons cependant bien de similarité et non d’identicité : ce sont les
ressemblances qui éveillent l’idée d’autre chose, mais l’identique n’éveille rien d’autre
puisque l’autre est dans ce cas exactement le même. Les différences sont nécessaires à
64
Dimensions autonymique ou métalinguistique et mondaine en particulier.
72
l’éveil de l’autre. Elles peuvent être également linguistiques, discursives (nous pouvons ici
ajouter aux normes et aux intentions des différences touchant la mémoire des mots) ou
codiques. Les sources de différences sont nombreuses, et c’est une des raisons pour
lesquelles les allusions peuvent prendre des formes aussi différentes que le pastiche
satirique et l’allusion-réponse.
Dans les allusions discursives, la nature de « ce qu’on ne dit pas » est discursive.
Belle tautologie… et pourtant, nous avons pu voir tout au long de ce travail notre difficulté
à délimiter le discursif, déjà lorsque nous nous sommes demandée si l’éveil d’une idée était
nécessairement accompagnée de l’éveil de la forme linguistique qui la dénomme (voir
I.1.2.2., p. 16). Nous pouvons maintenant dire que notre conception de l’allusion discursive
concerne les allusions à un type de discours ou à un discours, quel que soit le type de
rapport discursif.
Nous avons compris, au fil de nos analyses, que la notion d’éveil est à situer dans la
cognition : les connexions se font dans l’esprit et dans le cerveau. Les avancées en sciences
de la cognition ne sont pas encore assez précises pour que nous sachions où et comment
cela a lieu dans le cerveau, mais nous savons que c’est bien là que tout se passe. C’est
d’ailleurs ce qui explique que l’allusion est « réussie » ou « perdue » selon les individus :
le processus étant situé dans le cerveau et non dans le discours, il reste individuel. Ce que
nous pouvons également déclarer avec une relative certitude est la cause de l’éveil : c’est
bien, comme l’a dit Pierre Fontanier, le rapport entre les deux idées qui fait que l’évocation
réussit. Nous pouvons conclure sur le rôle primordial dans l’esprit de la similarité et de la
différence dans l’éveil de l’idée à laquelle il est fait allusion. Le cerveau est sensible aux
relations de similarité et de différence, ce qui permet la réussite de l’allusion.
Nous proposons une définition de l’allusion discursive qui semble correspondre à
notre objet de recherche, une définition partielle et provisoire.
L’allusion discursive serait une mise en co-présence cognitive réussie d’un
élément discursif nécessairement in præsentia avec un autre élément, schéma discursif
ou élément d’un autre texte, d’un autre discours ou du discours présent. Cette mise
en co-présence est due à une similarité assez forte pour faire réussir l’allusion, mais
une similarité partielle. C’est à partir de la similarité comme de la différence entre les
73
éléments en co-présence cognitive que se constitue une interprétation chez le
récepteur. L’allusion est donc une construction cognitive.
Pour conclure sur ce que sont les allusions discursives, nous allons étudier une limite
que nous posons à cette définition : le récepteur ne doit pas pouvoir anticiper l’allusion (à
moins qu’il ne connaisse le texte).
Le discours humoristique joue avec les normes discursives et les représentations que
possèdent les récepteurs65. Il arrive que le récepteur s’attende à une suite que le locuteur ne
produit pas. Nous appelons ce phénomène « l’anticipation déçue ».
Albert Dupontel, dans Le bac (en annexe, p. 159) :
Les Misérables c’est pas lui [Jean-Paul Sartre], c’est Goethe.
Dans cet exemple, le spectateur a pris connaissance du thème de l’examen dès le
début du sketch. Il a mobilisé ses connaissances sur le sujet : Jean-Paul Sartre. Il n’a pas
mobilisé ce qui n’a pas lieu d’apparaître dans un discours sur un philosophe du XXe siècle.
Lorsque l’examinatrice demande au candidat quelles œuvres Jean-Paul Sartre a écrites, il
ne s’attend pas à entendre parler des Misérables. C’est la réalisation d’une première
anticipation déçue : le spectateur s’attend à une œuvre de Jean-Paul Sartre et il ne s’attend
pas à une œuvre très connue d’un auteur très connu qui a vécu un siècle avant. La réponse
n’est, finalement, ni exacte (ç’aurait été un miracle), ni proche de celle attendue.
Les Misérables ouvre (osons l’espérer) chez le spectateur des connexions, par
exemple Jean Valjean, Cosette, Victor Hugo, XIXe siècle, ainsi que Jean Gabin, Lino
Ventura ou Gérard Depardieu pour certains, absolument pas Johann Wolfgang von Goethe
(rappelons simplement ses dates de naissance et de mort, 1749 et 1832, et sa nationalité,
allemande66). C’est ici l’attente du partage de connaissances encyclopédiques minimales
qui est déçue. L’importance de l’écart entre la vérité et le discours est productrice d’un
effet humoristique ponctuel. Bernard Lefort (2003, p. 32) explique d’ailleurs que
l’importance de l’écart67 est proportionnelle à la force du rire. Même si l’on ne peut pas
imaginer que l’intégralité de la population française ait ces connaissances, l’humoriste
65
Parmi ces normes intériorisées et non conscientes, on pensera par exemple à celles qu’énonce Herbert Paul
Grice (1975, p. 56-57) : les maximes de qualité, de quantité, de relation et de modalité, maximes qui servent
un principe de coopération pour la communication.
66
Larousse (1992, p. 1362).
67
Bernard Lefort parle d’écart entre réseaux sémantiques, mais nous l’élargissons aux écarts faits par rapport
aux maximes de conversation, parce que le mécanisme cognitif d’attente et de préparation cognitive est le
même : il y a mobilisation, puis déception de la mobilisation et par ailleurs mobilisation d’un espace cognitif
(très) éloigné de celui de l’anticipation.
74
suppose que ses spectateurs sont en mesure de remarquer ces erreurs (sinon, l’effet
humoristique n’a pas lieu, ce qui n’est pas son objectif).
Dan van Raemdonck propose même une théorie fondée sur l’analyse d’histoires
drôles dans laquelle il explique que « tout objet risible présente une rupture de
déterminisme »68 qui peut être en rapport avec une rupture du principe de coopération.
« le discours comique, lui aussi, peut être considéré comme un discours réglé. Partant du
principe que le comique repose sur des règles, on aurait pu hasarder un modèle
d’explication linguistique du comique, qui consisterait en l’ensemble des maximes de
Grice dont chacune serait niée. Pour faire rire, il suffirait alors de produire un discours qui
respecterait une de ces nouvelles maximes – alors que dans le discours non comique
toutes les maximes doivent être respectées – comme, par exemple, ‘Vous êtes censé être
ambigu’ ou ‘Vous êtes censé ne pas être sincère’. » (2003, p. 58)
Mais il prévient que la réalité est plus compliquée : ce ne serait pas la rupture qui
provoquerait le rire mais la prise de conscience des conséquences de cette rupture (2003,
p. 59).
Il conviendra de conclure que les anticipations ne sont pas considérées comme des
allusions parce qu’elles correspondent à un processus mental quasiment inverse : le
récepteur s’attend (ou pas) à un discours A (ou à un discours approchant de A), mais c’est
un discours B qu’il entend, un discours radicalement différent qui exclue tout double-sens
ou toute intratextualité. Le discours B est en général monosémique et bloque l’idée du
discours A.
68
C’est une idée qu’il reprend par ailleurs à Jean Fourastié.
75
III. QUELQUES PERSPECTIVES DIDACTIQUES
76
Les études discursives auxquelles nous avons procédé et leurs résultats nous donnent
quelques moyens pour faire entrer l’allusion discursive dans la didactique du français
comme langue étrangère. Nous savons que l’allusion est un phénomène qui est permis par
le discours mais qui est compris par l’esprit des individus. Nous savons également que de
nombreux facteurs entrent en compte dans le repérage et dans la compréhension puis
l’interprétation de l’allusion. Notre projet est de faire passer l’allusion, et plus largement
l’implicite dans l’enseignement des langues (III.2., p. 99-104). Pour cela, nous devons
prendre en considération les aspects cognitifs de l’apprentissage et proposer des stratégies
d’enseignement et d’apprentissage axés sur les trois phases d’analyse de l’allusion citées
plus haut69, phases que nous supposons être transférables pour l’implicite en général.
Avant de présenter davantage notre projet, nous proposons de faire un bref état des
lieux de la place accordée à l’allusion et à l’humour dans les programmes de français
comme langue étrangère et d’étudier les compétences qui peuvent être développées en
travaillant sur l’allusion, et l’impact de l’humour sur les conditions d’apprentissage et sur
les apprentissages (III.1., p. 77-99).
1. L’humour et les allusions dans la didactique
Le Conseil de l’Europe propose depuis quelques années une référence curriculaire pour
l’enseignement des langues étrangères, le Cadre Européen Commun de Référence pour les
langues, ou CECR (Conseil de l’Europe, 2001). Il se définit comme :
« une base commune pour l’élaboration de programmes de langues vivantes, de
référentiels, d’examens, de manuels, etc. en Europe. Il décrit aussi complètement que
possible ce que les apprenants d’une langue doivent apprendre afin de l’utiliser dans le
but de communiquer ; il énumère également les connaissances et les habiletés qu’ils
doivent acquérir afin d’avoir un comportement langagier efficace. La description englobe
aussi le contexte culturel qui soutient la langue. » (2001, p. 9).
Les objectifs du Cadre sont de fixer une base sur laquelle on peut s’appuyer. Nous
proposons de voir dans un premier temps ce que ce texte dit de l’humour et des allusions
dans l’enseignement et l’apprentissage d’une langue. Nous envisagerons la façon dont les
allusions s’insèrent dans l’humour afin de replacer le phénomène étudié dans son contexte
de communication puisque le Cadre de référence propose de les étudier ensemble. Nous
verrons enfin comment notre recherche et nos priorités peuvent s’intégrer dans les
exigences de ce Cadre et comment nous pouvons apporter quelque chose à la didactique
des langues.
69
Le repérage, la compréhension et l’interprétation.
77
1.1. Le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues
Le Cadre Européen Commun de Référence propose d’introduire les allusions et l’humour
dans l’enseignement à partir du niveau C1 :
C1 : « Peut utiliser la langue en société avec souplesse et efficacité, y compris dans un
registre affectif, allusif ou humoristique. » (2001, p. 62)
« Peut reconnaître une gamme étendue d’expressions idiomatiques et de tournures
courantes en relevant les changements de registre. » (2001, p. 55)
« Peut comprendre une gamme étendue de matériel enregistré ou radiodiffusé, y compris
en langue non standard et identifier des détails fins incluant l’implicite des attitudes et des
relations des interlocuteurs. » (2001, p. 56)
« Peut suivre un film faisant largement usage de l’argot et d’expressions idiomatiques. »
(2001, p. 59)
C2 : « Possède une bonne maîtrise d’expressions idiomatiques et de tournures courantes,
avec une conscience du sens connotatif. Peut exprimer avec précision des nuances fines
de signification, en utilisant assez correctement une gamme étendue de modalités. Peut
revenir sur une difficulté et la restructurer de manière si habile que l’interlocuteur s’en
rende à peine compte. » (2001, p. 61)
Il est à noter que c’est au même niveau que les notions de registre, de variations
sociolinguistiques et d’expressions figées sont introduites. On ne demande pas à
l’apprenant une maîtrise parfaite ni une compréhension exacte des variétés du français,
mais au moins une capacité à reconnaître la variation et à la situer, ainsi qu’un début
d’apprentissage dans ces domaines, qui se complètera au niveau C2. Notre travail permet
de mieux comprendre ce qu’attend le Cadre, et ce qu’il entend par « allusion » : nous
pensons que les auteurs du CECR réfèrent principalement aux allusions intertextuelles et
interdiscursives, éventuellement intratextuelles. Nous pensons, cependant, qu’il n’est pas
nécessaire d’attendre l’acquisition du niveau B2 pour exposer les apprenants à l’humour et
aux allusions. Ils apprennent par exemple des expressions idiomatiques avant ce niveau,
alors que c’est à ce moment de l’apprentissage que le Cadre propose d’aborder cette
difficulté (des expressions connues généralement avant le niveau C1 sont par exemple « en
avoir marre » et « avoir mal »).
Le Cadre met en évidence l’importance de la pragmatique et des relations entre les
participants de la communication : il parle de l’usage de la langue « en société », de
l’identification de « détails fins incluant l’implicite des attitudes et des relations des
interlocuteurs ». Il marque également l’intérêt d’un travail sur l’implicite culturel (les
connotations par exemple) et sur l’humour dans lequel les allusions peuvent apparaître.
78
Nous allons étudier brièvement les relations entre les allusions et l’humour afin d’apporter
des précisions au Cadre sur ce point.
1.2. Les allusions dans l’humour et dans les sketchs
Une approche discursive de l’allusion ne suffit pas à traiter un phénomène langagier dont
l’impact social est si important. Il devient nécessaire d’étudier les aspects sociaux de
l’allusion, en les mettant en relation avec les aspects sociaux du sketch humoristique, et de
l’humour en général. Cette petite analyse pragmatique/sociologique nous permet de faire le
lien entre les intentions et les effets du sketch (niveau global), et celles et ceux affectés aux
allusions (niveau micro, sauf pour les transformations et imitations qui relèvent du niveau
global), ce qui nous permettra d’en déduire de manière réduite quelques fonctions des
allusions dans le discours humoristique qu’est le sketch.
1.2.1.
Le contrat
De nombreux chercheurs sur l’humour, le rire, le comique et le théâtre s’accordent à dire
qu’un contrat lie implicitement les participants. Nous nous rapporterons tout au long de
cette partie à Jacqueline Authier-Revuz (2000), Jean-Marc Defays (1996), Jean Emélina
(1991), Charles Mauron (1964), Béatrice Priego-Valverde (2003), Jean Sareil (1984),
David Victoroff (1953)70 qui abordent tour à tour un ou plusieurs des points que nous
reprendrons ici.
Le premier point du contrat que nous aborderons, et non des moindres, est celui de la
nécessaire disposition de chacun à assurer son rôle (Béatrice Priego-Valverde l’identifie
sous le terme « longueur d’onde ») : l’humoriste doit avoir la volonté de faire rire et il doit
le montrer, et l’auditoire doit être prêt à rire et à accepter les points de vue que l’humoriste
va lui exposer71 (il est dans un « état de réceptivité » selon les mots de Jean Sareil, 1984,
p. 97). Cette disposition que nous qualifierons de positive dans le sens où l’humeur et
l’ambiance générale sont bienveillantes et non agressives, est l’engrenage qui nous semble
mettre de l’huile dans tous les autres rouages : la connivence, la dédramatisation,
l’acceptation des intentions de l’auteur, et des réactions rassurantes chez le public. Les
70
À noter par ailleurs que ces mêmes auteurs reprennent chacun les grandes théories du rire et de l’humour
parmi lesquelles celles d’Aristote, de Baudelaire, de Nietzsche, de Freud, de Bergson ou d’Eastman.
71
Remarquons que chacun possède un seuil de tolérance à l’attaque, même humoristique, que certains
domaines touchent certains individus de trop près pour qu’ils soient disposés à dédramatiser : les maladies
handicapantes, le chômage, les angoisses incontrôlables par exemple (Priego-Valverde, 2003, p. 14). Ce sont
des tabous individuels et personnels.
79
conséquences sont observables : réactions adéquates, rythme, intercompréhension, absence
de résistances flagrantes… L’acteur travaille en fonction de ces observables, il se permet
des écarts, il revient en arrière dans la familiarité, il ajuste sa prestation en fonction de son
public (Pillet, 2005, p. 6).
Le deuxième point majeur est la connivence qui doit s’installer entre l’acteur et les
spectateurs. Il ne peut y avoir humour que s’il y a un interlocuteur au moins (notons qu’il
peut être soi-même, dans un retour autodialogique, mais que plus on est nombreux, plus on
a tendance à rire, voir Victoroff, 1953, p. 164). Cette connivence s’affiche à trois niveaux
différents : personnel, linguistique et culturel. Au niveau personnel, l’acteur doit entrer
dans l’interaction en étant bienveillant vis-à-vis de son public, et le public doit identifier
les intentions de l’acteur très rapidement. Les méthodes sont très différentes pour ouvrir et
maintenir la connivence personnelle entre l’acteur et les spectateurs, mais nous pouvons
noter par exemple l’interpellation du public en « vous » ou en « tu »72 ou bien encore en
« nous », construisant ainsi d’emblée une identité commune au groupe acteur + spectateurs
(comme Jean-Marie Bigard avec « Alors que nous dans les pays riches, nous, chez nous on
se souhaite ‘Bon appétit’, nous. », en annexe, p. 134). D’autres utilisent la transformation
ou l’imitation satirique, que nous classerons plutôt dans la connivence linguistique, pour
faire appel à un fond commun de représentations, de connaissances et de points de vue
collectifs, que nous classerons dans la connivence culturelle (Le bac d’Albert Dupontel
éveille chez beaucoup des souvenirs ou des représentations de contenus abstraits, peut-être
incompréhensibles, de situations angoissantes, joués par l’acteur dans un style satirique et
ludique, voir en annexe, p. 124-126). Cette connivence personnelle est maintenue par
l’utilisation, entre autres procédés, d’allusions discursives intratextuelles qui, comme l’a
fait remarquer Jacqueline Authier-Revuz (voir I.1.2.1., p. 14), contribuent à donner
l’impression que les spectateurs sont privilégiés, puisqu’ils sont les interlocuteurs directs
du discours de l’humoriste, et que ces allusions leur sont destinées de manière quasiprivée. Elle parle de communauté « instaurée » par la co-présence dans la situation de
communication.
Par ailleurs, une connivence linguistique est mise en jeu dans les allusions
discursives intertextuelles et interdiscursives (allusions pour lesquelles les connaissances
linguistiques sont particulièrement mobilisées : expressions figées, traits sémantiques,
72
Retenons par exemple : « C’est l’histoire d’un mec… Vous la connaissez ? » de Coluche, en annexe,
p. 129.
80
syntaxe, normes discursives) et dans les métaphores figées, mais aussi dans les
transformations et les imitations stylistiques et discursives73. Donner la possibilité aux
apprenants d’avoir accès à la construction de cette connivence linguistique devrait faire
partie des prérogatives des ensignants. L’apprentissage de la langue et de ses normes
d’utilisation en discours est un moyen pour les apprenants d’avoir accès aux mêmes
connaissances que les locuteurs natifs à ce niveau.
Enfin une connivence culturelle ou communautaire, que l’on retrouvera plutôt dans
les thèmes que dans les mots (pensons par exemple à la boutade de Coluche sur la
« connerie » des Suisses et des Belges, en annexe, p. 130). Cette connivence
communautaire a été étudiée sous différents angles. Médéric Gasquet-Cyrus (2000)
propose une étude sociologique de l’humour marseillais et montre comment la
communauté marseillaise se construit en contraste avec Paris, et comment les clichés
qu’apportent les Parisiens des Marseillais à Marseille figent la perception qu’ont les
Marseillais d’eux-mêmes, et par conséquent comment ils redéfinissent aussi leur identité
par rapport à ces clichés : définition par contraste, mais aussi en accord avec les
représentations que se fait le « camp adverse » de cette communauté.
David Victoroff (1953) parle de rire stéréotypé lorsque l’humour est fondé sur un
thème qui fait unanimité dans la communauté par un ensemble d’attitudes (qu’il indique
comme étant surtout affectives) stéréotypées. Nous penserons par exemple aujourd’hui aux
fonctionnaires, aux blondes, aux Belges… Chaque sous-communauté peut avoir ses
propres souffre-douleurs (les hommes ont les femmes et vice-versa, les étudiants en
médecine ont les étudiants en pharmacie, les lyonnais ont les stéphanois), ce qui permet à
chacun d’avoir sa place à tous les niveaux de la société (national, local, sexuel, sportif).74
Enfin, mis à part la disposition et la connivence, doit également être instaurée par
l’acteur une rupture affective entre les spectateurs et le personnage qui va souffrir afin de
leur permettre de dédramatiser75, et d’avoir ainsi la distance nécessaire pour accepter qu’il
73
Une étude de la connivence linguistique dans les brèves de comptoirs est proposée par Bernard Chanfrault,
2005.
74
Voir également Éliane Beranger (2005) pour la connivence identitaire d’appliquée aux connaissances
encyclopédiques dans l’humour en Inde ou Benedict Anderson (2002 [1983]) pour la connivence identitaire
appliquée à l’essor du nationalisme en Europe.
75
Dédramatiser nécessite d’une part de considérer que ce qui se passe est un spectacle, et donc d’instaurer de
la distance entre le réel et le spectateur, d’autre part l’absence de conséquences graves pour lui et pour
l’acteur. Jean Emélina (1991, p. 69) considère que c’est l’anormalité vue et dédramatisée qui produit l’effet
comique. Notre corpus nous montre cependant que l’anormalité ne doit pas être considérée comme
nécessairement intrinsèque au texte (comme cela peut être le cas avec les paronomases), mais elle peut être
81
soit critiqué et/ou ridiculisé sans qu’un sentiment de pitié ne vienne empêcher l’humour de
fonctionner : les spectateurs ne sont plus participants, mais juges (Sareil, 1984, p. 107). La
bienveillance et la connivence sont réservés à la relation spectateur-acteur, et elle est
exclue de la relation spectateur-personnage. L’acteur est-il toujours un personnage, même
s’il se met en scène lui-même ? Dans ces termes, nous considérons que c’est le cas : il
récite un texte, il raconte des histoires, il se met en scène. Un dédoublement énonciatif a
lieu quoi qu’il arrive (mis à part dans les discours périphériques, voir I.2.2.3., p. 26). Jean
Sareil déclare que « Les lois du genre l’emportent sur toutes les considérations morales ou
réalistes. » (1984, p. 96). La dédramatisation est primordiale pour que le rire jaillisse, et
non les larmes. Elle passe par une acceptation de ce contrat que le spectateur doit passer
avec l’acteur au moment où il se met en condition pour voir (et l’acteur pour effectuer) le
sketch.
Ce contrat implicite et la connivence entre l’humoriste et les récepteurs donnent à
l’humour une dimension sociale : l’humoriste propose à ses spectateurs sa vision de la
société, ces derniers profitent de la verve de l’auteur pour exorciser leurs démons.
L’humour est un art d’utilité publique.
1.2.2. Critique sociale et catharsis comique
Les humoristes « conviennent de la dureté de la condition de l’homme, mais ils
n’entendent pas s’apitoyer sur ses malheurs ». C’est de cette constatation que Jean Sareil
(1984, p. 23)76 part pour expliquer le paradoxe de l’humoriste, à la fois pessimiste et
optimiste : « leur réflexion est sombre, leur commentaire désabusé, mais leur réaction est
joyeuse, ainsi qu’il sied à des gens qui considèrent cette vie comme mal faite et
irremplaçable. » (1984, p. 24). Le rire est la seule arme qui reste aux plus faibles, dit-on :
les humoristes se sentiraient-ils impuissants face aux hypocrisies du monde ? Jean Sareil,
toujours, analyse leur comportement généralement dubitatif comme une attitude de
protection contre les dogmes, et il ajoute que « leur ambition, moins voyante mais tenace,
est de débarrasser celui [le monde] dans lequel ils vivent de quelques erreurs et préjugés. »
constituée dans l’interprétation par les récepteurs du discours (c’est le cas entre autres pour les défigements
interprétables).
76
Jean Sareil travaille dans cet ouvrage sur les auteurs comiques, mais nous avons vu en introduction que la
majorité des humoristes sont aussi leurs propres auteurs, ou les auteurs d’autres humoristes, et que même
s’ils n’étaient pas l’auteur du texte de leurs sketchs, ils en étaient toujours les interprètes, donc des metteurs
en scène un peu particuliers, qui prennent en charge au moins autant que l’auteur le discours qu’ils énoncent.
Nous n’hésiterons donc pas à reprendre cette citation sur les auteurs comiques pour les humoristes.
82
(1984, p. 116). Ce processus de réflexion, cette distance vis-à-vis de leurs propres préjugés,
les humoristes les mettent en scène, cachés dans une histoire, derrière une situation, que le
rire dévoile peu à peu aux spectateurs. L’humoriste peut choisir la chute comme moyen
radical pour montrer l’erreur et la détruire, ou bien il peut choisir de la révéler à force de
procédés humoristiques divers, hyperboles ou pastiche satirique, gestes, mais aussi et
surtout, une incongruité souvent discernée par jeux de sonorités, de registres, de sens qui
sont l’objet des allusions que nous avons repérées. Les allusions, souvent, mettent en
lumière l’incongruité, la « rupture de prévision » (Fourastié, 1983) par le décalage qu’elles
proposent avec l’attendu. Les allusions intratextuelles oppositives sont particulièrement
adaptées à ce genre d’intention communicative, mais tous les procédés qui relèvent de
l’opposition (chiasmes, parallélismes par opposition, paronomases…) sont utilisés à ces
fins.
Seulement, il est impossible de faire réfléchir, de faire prendre de la distance vis-àvis du sacré tant qu’il est sacré. Une des tâches majeures de l’humoriste est de désacraliser.
D’autres noms ont été donnés à cette idée : ridiculisation, dégradation, dévaluation,
irrespect, quoi qu’il en soit, l’idée est la même, faire prendre conscience que le sacré est un
sentiment qu’ont les individus (personnellement ou collectivement) de respect démesuré
pour une idée ou une valeur, une personne ou une institution. L’humoriste attaque tous les
fronts : les institutions77 (pensons au baccalauréat avec Albert Dupontel, à la politesse avec
Jean-Marie Bigard, mais aussi à la sécurité sociale avec un sketch de Coluche) ; les
personnes (les adolescents avec Anne Roumanoff, les mauvais joueurs avec Pierre
Palmade, les victimes de la société de consommation avec Roland Magdane)78 ; les valeurs
(l’engagement avec Bourvil, la paternité avec Patrick Timsit). Les allusions sont encore
une fois au service de ces attaques, révélant l’absurdité des tabous et des métaphores ou
périphrases qui les accompagnent généralement comme dans Le dragueur d’Éli Sémoun
où il est fait référence aux relations à très court terme (en annexe, p. 133) :
Non Micheline, prenons le temps de faire connaissance, attendons une petite demiheure...
77
Que nous prenons dans un sens politique et juridique, et plus largement sociologique : « Ensemble des
règles établies en vue de la satisfaction d’intérêts collectifs ; organisme visant à la maintenir. » Larousse
(1992, p. 555).
78
Jean Sareil dit à ce sujet :
« L’homme s’est fait une si haute idée de lui-même qu’il est bon de lui rappeler ses fonctions excrémentielles
et son besoin de copulation. On lui met sous les yeux le tableau de ses folies, de ses faiblesses, de sa férocité
ou de sa lâcheté […] non pour le plaisir de le rabaisser, mais pour lui montrer sa sotte vanité. » (1984, p. 23).
83
On pourrait analyser ce parallélisme en termes d’opposition, bien que cela ne semble
pas être voulu par l’énonciateur : pour le dragueur à « court terme », discuter une demiheure, c’est long. Les décalages entre la sémantique et les représentations sont souvent
source de jeux sur les tabous, et les humoristes en profitent (pensons également par
exemple à Anne Roumanoff, La boum : « Mais papa, mais la drogue mais c’était à ton
époque, maintenant, c’est le shit. », en annexe, p. 128). Les interdits dans la société
amènent les humoristes à utiliser un discours oblique évidemment propice aux allusions
discursives (comment autrement dire un mot et en penser un autre, si ce n’est par allusions
intertextuelles, interdiscursives ou par métaphores).
Nous ne nous attarderons pas sur le sentiment de supériorité qui est retiré par les
spectateurs lors d’un sketch humiliant, ridiculisant ou désacralisant, largement étudié par
Henri Bergson (1900) et repris par la suite par de nombreux chercheurs. Ce que nous en
déduisons cependant est l’effet cathartique que peut avoir un tel sentiment sur le public : le
sketch de La boum (Anne Roumanoff, en annexe, p. 128-129) ne représente-t-il pas une
forme de vengeance par substitution pour des parents en prise avec leur adolescente, Le
Scrabble (Pierre Palmade, en annexe, p. 143-145) pour tous les joueurs qui reconnaissent
en ce joueur un de leurs concurrents ? Puisque l’humoriste peut transgresser les tabous et
les interdits, puisqu’il peut dire tout haut (même de manière détournée) ce que nombreux
pensent tout bas, le simple fait d’entendre la réalité moquée par tous les autres spectateurs,
rassure et calme probablement le public tendu par les pressions quotidiennes de la vie
sociale. L’humour et les sketchs offrent un temps de pause aux personnes qui subissent ces
pressions, indéterminées mais nombreuses.
La catharsis comique est efficace chez les spectateurs parce que les humoristes
savent utiliser les procédés humoristiques, ils savent gérer les macro-procédés et les microprocédés, ils savent gérer le temps et les pauses.
1.2.3. Les allusions et le rythme humoristique
Nombre de chercheurs s’accordent à donner une place cruciale au rythme dans les discours
humoristiques, comme Béatrice Priego-Valverde (2003) et Jean Sareil (1984). Rythme ne
signifie pas pour autant rapidité : le rythme de l’humour est plutôt celui de la boîte du
diable sauteur, une lenteur et une attente, puis une accélération soudaine et, de nouveau, un
ralentissement toujours accompagné de l’attente, jusqu’à la chute. L’attente est présente
84
jusqu’au bout, c’est le suspense qui est détruit par le rire (Sareil, 1984, p. 143), ce qui
laisse l’envie de rire encore intacte. Les allusions sont un maillon important dans la chaîne
rythmique, et les procédés auxquels elles correspondent offrent une source importante de
rebondissements. Une des caractéristiques des discours humoristiques qui va de pair avec
le rythme est la surabondance de micro-procédés qui a pour conséquence la multiplication
des effets. Mises à part les transformations et imitations qui sont souvent des macroprocédés, toutes les autres allusions sont des micro-procédés qui rythment en partie le
sketch. Mais une étude plus approfondie nous montre également que la majorité des chutes
de nos sketchs sont réalisées par allusion discursive79.
Si la chute n’est pas une allusion discursive, c’est une allusion non discursive ou bien
un brusque changement de topique. Cela est-il du au style des humoristes que nous avons
sélectionnés ? Probablement, mais ce biais ne contredit pas la constatation à laquelle nous
avons été amenée : l’allusion discursive à la fois ponctue le sketch de micro-effets et, à la
fois, peut être utilisée pour la chute qui est un macro-effet. C’est un outil que les
humoristes peuvent mobiliser à tout moment de leur écriture et pour obtenir une
multiplicité d’effets.
L’humour présente un aspect social et culturel qui peut apporter une dimension
différente au cours de langue. Il transgresse les tabous, il désacralise ce qui est pris au
sérieux, il met en scène des thèmes clés de la société qu’il croque. L’enseignant peut en
profiter pour exposer les apprenants à une vision de la culture et de la langue.
1.3. Des sensibilisations diverses
Dans le travail sur les allusions et sur les sketchs, nous envisageons certains apports
davantage comme des sensibilisations que comme des apprentissages. Lorsque
l’apprentissage est terminé, l’apprenant est capable de reproduire ce qu’il a appris dans une
situation différente de celle(s) de départ. Pour nous, la sensibilisation relève de la prise de
conscience sans objectif de reproduction d’actes. La prise de conscience correspond à
l’instant où l’individu se rend compte de l’existence ou de l’importance de l’objet de la
sensibilisation, c’est un processus de création et de précision des représentations du monde.
Cet instant n’est pas reproductible, mais il peut être suivi d’autres prises de conscience. La
sensibilisation peut être progressive pour arriver à la prise de conscience dont l’ampleur
79
Nous en avons vu un certain nombre au cours des analyses. Il suffira pour voir un exemple de lire les
dernières phrases des transcriptions des sketchs en annexe, p. 123-145.
85
correspond à l’objectif fixé. Une sensibilisation à l’humour, par exemple, passerait par
diverses étapes : la prise de conscience que l’humour peut être pratiqué dans la langue
cible, qu’il peut être pratiqué grâce à divers procédés, qu’il prend plusieurs formes, qu’il
est culturellement ancré, par exemple.
Nous pensons que les cours de langue doivent amener à une sensibilisation à
l’humour et à l’implicite linguistique. Une exposition régulière à l’humour français et aux
formes d’humour francophones permettrait aux apprenants de développer des
représentations sur ces humours, sur les tabous que les humoristes se permettent de violer.
Cela leur donnerait quelques moyens pour percevoir les lieux de l’implicite, des tabous et
des silences des cultures.
L’humour et les allusions permettent aux apprenants de développer une sensibilité à
la pragmatique et aux variations sociolinguistiques dans les types d’interactions (en
particulier par les transformations stylistiques, voir II.1., p. 41-45). En effet, les sketchs
proposent des situations de vie très variées, des relations entre locuteurs différentes, des
scénarios différents, des accents différents (voir par exemple Le bac d’Albert Dupontel, La
boum d’Anne Roumanoff ou Le répondeur de Muriel Robin, en annexes, p. 124-126, 128129 et 137-139). La variété des types de discours, des types de locuteurs et des situations
de communication que l’on peut rencontrer dans les sketchs sensibilise les apprenants à la
diversité linguistique80, à l’adaptation et l’adéquation entre le type de discours et les
marques pragmatiques du discours (« tu » ou « vous », registre de langue, intentions de
communication), ou à l’ordre des événements discursifs dans un scénario81.
Les allusions, enfin, permettent aux apprenants de prendre confiance en leurs
connaissances, et les mettent devant un fait accompli : les locuteurs natifs aussi font des
erreurs, la langue-cible n’est pas sans ambiguïtés. Ces erreurs et ambiguïtés sont parfois
intentionnelles : elles ont un sens. Elles permettent un apprentissage positif parce qu’elles
renforcent des savoirs et des savoir-faire, elles renforcent une confiance linguistique
souvent malmenée en cours de langue. Ainsi, Pauline Tee Anderson fait remarquer (2002
[2000], p. 327) que « les jeux de mots fournissent un entraînement hors-pair à
l’acceptation, voire à l’appréciation, de l’ambiguïté dans la langue. » et elle ajoute que
« les efforts considérables qu’implique la compréhension de l’humour verbal dans une L2
80
Les apprenants du cours de français comme langue étrangère que nous avons dispensé (voir note 93, p. 94)
ont été capables de rapprocher la variété de français utilisée par Jean-Marie Bigard de celle utilisée par
Coluche sans qu’une comparaison ne soit sollicitée.
81
Le Répondeur de Muriel Robin permet par exemple de très bons entraînements pour le praxéogramme qui
y correspond (voir en annexe, p. 137-139).
86
pourraient très bien aider l’apprenant à retenir les termes polysémiques, etc., dont il est
question. ». L’affect joue un rôle dans l’apprentissage (voir III.1.6., p. 95-99), le rire et
l’humour provoquent un affect positif qui aurait une influence sur l’apprentissage.
Les sensibilisations aux implicites de la culture et des interactions dans la langue
enseignée peuvent se concevoir comme un cadre didactique pour introduire des
enseignements et développer des apprentissages linguistiques, culturels et cognitifs.
1.4. Quatre compétences à développer
Les allusions permettent de développer des connaissances et elles en nécessitent certaines
pour être compréhensibles. Les normes du discours doivent faire partie de l’apprentissage,
mais cela est loin de suffire. Il faut y ajouter des connaissances encyclopédiques et les
représentations qui y sont liées. Enfin, l’apprenant devra travailler à interpréter les relations
entre ces données, ce qui lui permettra de comprendre non plus analytiquement l’allusion,
mais globalement.
1.4.1. Les normes linguistiques et discursives
L’enseignant se fonde sur ses intuitions de locuteur et sur les apprentissages linguistiques
qu’il a effectués pour produire des énoncés ou pour en traiter et pour les reprendre et les
corriger le cas échéant. Il se fixe une limite entre l’acceptable et ce qui ne l’est pas, entre le
grammatical et ce qui ne l’est pas. Dans ces conditions, l’acceptable et le grammatical
correspondent à la norme interne de l’enseignant : c’est l’ensemble des discours qu’il
considère comme normaux. Notre conception de la norme est fortement inspirée de Louis
Hjelmslev (1959) et de Eugenio Coseriu (1952, 2001).
Il ne s’agit pas de la norme dans le sens habituel, établie ou imposée selon des critères de
correction et d’évaluation subjective de ce qui est exprimé, mais de la norme
objectivement vérifiable dans une langue, la norme que nous suivons nécessairement
pour être membres d’une communauté linguistique. (Coseriu, 1952, p. 90) [notre
traduction]82
Dans ce sens, la norme est constituée par ce qui existe déjà dans les productions
discursives. Elle correspond à la normalité et à la tradition linguistique d’une communauté
linguistique. Elle sert à simplifier l’intercompréhension en créant des attentes et des
schémas linguistiques.
82
« No se trata de la norma en le sentido corriente, establecida o impuesta según criterios de corrección y de
valoración subjetiva de lo expresado, sino de la norma objetivamente comprobable en una lengua, la norma
que seguimos necesariamente por ser miembros de una comunidad lingüistica » (Coseriu, 1952, p. 90).
87
Un grand nombre d’allusions utilise les normes pour mieux en jouer (Oursel, à
paraître [2007]). Certaines constituent une variation par rapport à la norme : ce sont toutes
les allusions que l’on repère par leur caractère anormal83. Certaines sont dans la norme,
mais évoquent une variation84. D’autres enfin85 proposent une variation qui devient
l’interprétation normale dans le discours. Ce dernier cas est particulier : le récepteur
s’occupe habituellement de la forme métaphorique dans le sens « glissé » ou de la
dimension métalinguistique ou autonymique du discours lorsqu’il est métaphorique ou
lorsqu’un énoncé est autonymique, mais le locuteur fait allusion à ce que l’esprit occulte
habituellement : le sens premier de la métaphore ou la dimension mondaine.
Ces trois relations norme-variation recouvrent un grand nombre d’allusions du
corpus. Les allusions-réponses et les ellipses par exemple (II.2.5., p. 71-72 et II.2.4.2.,
p. 67-68), sont des cas relativement particuliers parce qu’il n’y a pas de discours auquel se
raccrocher, il y a seulement une reconstruction sémantique.
Connaître les normes linguistiques et discursives donne des repères aux récepteurs
pour savoir s’ils ont affaire à un discours à priori normal ou non. Encore faut-il avoir
confiance en ses repères. Il semble que les normes des apprenants de langue sont sans
cesse remises en question lors de l’apprentissage : les normes qu’ils ont intériorisées
(autrement appelées « interlangue ») sont erronées sur certains points par rapport aux
normes des utilisateurs natifs, et l’enseignant a tendance à reprendre et corriger les erreurs
(et par conséquent à ébranler l’interlangue de l’apprenant) plutôt que de lui signaler toutes
les erreurs qu’il n’a pas commises et de renforcer son interlangue. Or c’est la confiance qui
permet de déceler dans le discours d’un locuteur natif une anormalité86 ; elle est
primordiale dans la détection des allusions, principalement celles qui présentent une
variation. Par ailleurs, le repérage d’une variation permet au groupe de revoir la norme qui
y correspond et de renforcer un apprentissage passé.
En ce qui concerne les deux autres types de relations norme-variation, c’est une
sensibilisation à l’humour et aux jeux de langage que les apprenants ont besoin de
développer, parce que c’est une tournure d’esprit particulière qui permet de les repérer. Il
nous semble que les individus qui apprennent une langue cherchent d’abord à comprendre
ce qui leur est dit, comme si le discours était mono-référentiel, d’où les difficultés
83
Les transformations et imitations en II.1., p. 41-45, les paronomases en II.2.1.2., p. 48-49 et les
défigements « audibles » en II.2.2.1., p. 51-52, par exemple.
84
Cette variation est due à un déplacement de point de vue ou à plusieurs niveaux d’énonciation en général.
85
Principalement les métaphores et les allusions à la dimension mondaine.
86
Sinon l’apprenant pense que c’est une norme qu’il ne connaît pas encore.
88
rencontrées avec l’implicite. L’exposition répétée à des discours pluri-référentiels, à des
non-dits, à des intentions communicatives déviantes de l’habitude leur permettraient peutêtre de développer cette tournure d’esprit qu’ils ont peut-être dans leur langue maternelle87.
Nous pensons qu’un entraînement serait utile aux apprenants. C’est une piste que nous
avons commencé à suivre cette année, mais les conditions n’ont pas été réunies pour nous
permettre d’obtenir des résultats objectivables.
Les apprentissages linguistiques potentiels sont importants avec des documents
humoristiques et avec les allusions discursives, mais la compréhension et l’interprétation
de ces derniers requièrent également des connaissances encyclopédiques souvent
conditionnées par la culture de la communauté.
1.4.2. Les connaissances encyclopédiques
Les connaissances encyclopédiques sont parfois communes à tous, parce qu’elles relèvent
soit de réalités physiques ou biologiques88 soit de la nature humaine89, mais elles relèvent
le plus souvent de connaissances culturelles, c’est-à-dire qui sont ancrées dans une société.
Le Cadre Européen
Commun de Référence évoque l’enseignement des
« connaissances du monde » (2001, p. 82-83) mais laisse le soin aux enseignants de choisir
ce qu’ils enseignent, quand, à quels niveaux et dans quelles proportions90. Nous irons plus
loin, afin de tenter d’apporter des précisions sur les types de cultures à promouvoir et sur
quelques entrées possibles par les allusions discursives.
Robert Galisson (1995, p. 113-118) propose une typologie des cultures mobilisées
dans les palimpsestes verbaux, correspondant relativement au phénomène de la
paronomase. Nous en retiendrons :
–
la « culture cultivée » (littérature, arts, histoire : titres, citations, personnages)
87
L’éducation, l’entourage social, les habitudes des individus font que tous ne sont pas égaux face aux
allusions « interprétables ». On peut éventuellement en déduire que certains apprenants acquérront plus
rapidement cette envie de chercher de l’implicite que d’autres.
88
Par exemple, le « vers solitaire » de la Causerie anti-alcoolique de Bourvil.
89
Par exemple, l’adolescente de La boum (Anne Roumanoff, en annexe, p. 127) dit : « Papa, […] t’es trop
vieux pour passer pour mon frère. Je n’ai vraiment pas de chance d’avoir un père plus vieux que moi. ».
Quelle que soit la culture du récepteur, il sait que le père est nécessairement plus âgé que son enfant. Cette
plainte est absurde pour tous, sans distinction d’origines ou de culture.
90
« Les utilisateurs du Cadre de référence envisageront et expliciteront selon le cas
– quel niveau de culture générale ou de connaissance du monde l’utilisateur/apprenant sera tenu d’avoir ou
sera censé avoir
– quelle culture nouvelle, notamment sur le pays dans lequel la langue est parlée, l’apprenant devra acquérir
durant son apprentissage. » (2001, p. 82)
89
–
la « culture culturelle » ou « expérientielle » (productions médiatisées, unités lexicales
d’usage courant – noms de villes, de marques, proverbes… –, connaissances diverses –
événements d’actualité, rituels, personnages publics)
–
la « culture croisée » ou « expérientionnelle » (contes pour enfants, chansons
populaires, citations religieuses banalisées, connaissances historiques folklorisées – le
chevalier sans peur et sans reproche, Jeanne d’Arc, pucelle d’Orléans)
Il semblerait normal que la didactique donne priorité aux deux derniers types de
culture puisqu’ils incluent les connaissances les plus partagées par la population et les plus
sollicitées dans les discours qui s’adressent aux masses (publicité, slogans…). Cependant,
la culture dite cultivée ne doit pas être laissée à l’abandon pour autant dans la mesure où
elle permet de s’insérer dans les sphères supérieures de la société et d’avoir l’air cultivé,
dans le milieu professionnel par exemple.
Les apprenants ont besoin d’avoir un premier accès aux cultures croisée et culturelle
pour décoder la partie encyclopédique des allusions. Cette culture est principalement
répandue par les médias, la famille (et les relations sociales dans une moindre mesure) et
l’école jusqu’à la fin de l’enseignement primaire. Ce sont les discours donnés dans ces
cadres qu’il sera le plus judicieux d’utiliser pour l’enseignement.
L’allusion peut trouver sa place dans un apprentissage en spirale. Cette méthode de
travail suit une progression dans laquelle l’apprenant découvre un élément (un mot, une
forme syntaxique, un phonème), puis il le revoit dans une autre activité, puis il l’utilise, et
plus il le rencontre, plus l’élément est présenté dans sa complexité. Ce type d’apprentissage
permet à l’apprenant de découvrir les subtilités du système linguistique au fur et à mesure
de son apprentissage et en fonction de ses capacités. L’apprentissage en spirale, les
psittacismes et autres répétitions sont utiles pour la mémorisation et l’apprentissage. Les
défigements « audibles » par exemple (voir II.2.2.1., p. 51-52) peuvent être utilisés dans la
spirale pour réveiller un souvenir enfoui par évocation. Le défigement offre un décalage
entre ce qui a été appris et ce qui est exposé à l’apprenant, d’où l’évocation. Le rappel n’est
pas direct, il nécessite un travail cognitif pour retrouver l’élément originel. Ce travail
cognitif est utile à la concentration, qui l’est elle-même pour l’apprentissage.
Les connaissances encyclopédiques qui lient une communauté sont nombreuses et
elles touchent des domaines très divers. Elles permettent d’approcher une société par des
90
faits, des personnages, des textes… Les représentations permettent, à l’inverse, d’entrer
dans la subjectivité de la communauté en découvrant ses implicites.
1.4.3. Les représentations
Le contrat entre l’humoriste et ses spectateurs est en partie fondé sur la connivence
communautaire et linguistique (voir III.1.2.1., p. 79-82). Les représentations correspondent
plus ou moins, dans notre conception, à la partie immergée des connaissances qui
favorisent cette connivence91.
Dans de nombreux cas d’allusions, les représentations ont un rôle non négligeable et
elles doivent être intégrées à l’enseignement pour que les apprenants puissent comprendre
les allusions de manière autonome. Nous considérons l’enseignement des connaissances
encyclopédiques aussi importante que celle des représentations (ce que Robert Galisson
appelle la charge culturelle partagée, voir I.3., p. 35-36). Nous sommes cependant
conscients de la difficulté à enseigner ces représentations puisqu’elles sont implicites et
ancrées dans une communauté et qu’il est difficile pour l’enseignant de replacer la
légitimité de ses représentations et de leur enseignement92. Robert Galisson proposait la
création d’un dictionnaire des mots à charge culturelle partagée en 1991. Sa conception
pose de nombreux problèmes. En effet, comment recueillir les représentations sociales
d’une population nationale ? À partir de quel pourcentage de réponses communes peut-on
considérer la représentation comme légitimement enseignable ? Peut-on sortir de
l’ethnocentrisme dans ce type de dictionnaire et intégrer les représentations québécoises,
algériennes ou louisianaises par exemple ?
L’enseignement des représentations ne devrait pas être seulement une option, des
outils devraient être proposés aux enseignants, la formation devrait les amener à une ethnodécentration. Quant aux apprenants, l’exposition répétée à des allusions et à des blagues
leur donnerait les moyens de se construire eux-mêmes leurs propres représentations, plus
justifiées et moins caricaturales que les stéréotypes.
91
Nous nous situons à la fois dans une perspective qui respecte l’idée de Moscovici (1961) selon laquelle les
représentations sociales sont « un système de valeurs, de notions et de pratiques relatives à des objets, des
aspects ou des dimensions du milieu social, qui permet non seulement la stabilisation du cadre de vie des
individus et des groupes, mais qui constitue également un instrument d’orientation de la perception des
situations et d’élaborations des réponses » et celle de Denise Jodelet (1984) selon laquelle « le concept de
représentation sociale désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les
contenus manifestent l’opération de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus
largement, il désigne une forme de pensée sociale. » (cités par Gustave-Nicolas Fischer, 2005 [1996], p. 130),
ce que reprend Marie-Anne Paveau (2006) dans son étude sur les pré-discours.
92
Que l’enseignant soit natif ou non natif, il a toujours des représentations.
91
Les compétences linguistique et culturelle (connaissances et représentations) arrivent
au premier plan pour décrypter une allusion et pour la comprendre. Mais l’interprétation
est la phase de mise en commun de toutes les informations et de recherche de cohérence
dans l’incongruité. Sans cela, l’allusion n’est pas réussie.
1.4.4. L’interprétation
Une allusion est interprétable lorsque plusieurs phases de compréhension sont achevées.
Nous distinguons la compréhension, décryptage et traitement simple des données, de
l’interprétation, qui fait intervenir un « calcul » (Kerbrat-Orecchioni, 1986, p. 39, voir
citation supra, p. 13) et une mise en relation de plusieurs niveaux de compréhension.
L’apprenant a accès à la signification complète de l’allusion s’il effectue les cinq étapes
suivantes :
–
une lecture au premier degré du déclencheur de l’allusion, littérale
–
une lecture au second degré, connotative
–
une lecture au premier degré de l’« autre chose », littérale (perception de l’allusion)
–
une lecture au second degré, connotative
–
une lecture globale par mise en relation des lectures partielles, interprétation.
L’interprétation nécessite que toutes les données soient présentes à l’esprit du
récepteur : signifiants et signifiés dénotés et connotés (voir I.3., p. 35-36), connaissances
linguistiques et discursives, connaissances encyclopédiques, représentations diverses liées
aux signes linguistiques, à la progression et au genre de discours, en fonction du niveau où
se trouve l’allusion.
La causerie anti-alcoolique de Bourvil illustre cela (en annexe, p. 129). Ce sketch
présente une énonciation représentée dans laquelle le « je » est un énonciateur dédoublé.
Le personnage est d’une part le délégué de la ligue anti-alcoolique, qui doit prêcher la
sobriété et promouvoir l’abstinence ; d’autre part l’homme ivre qui ne tient pas debout, au
langage fortement influencé par l’alcool, et qui a beaucoup de mal à prononcer son
allocution. Ce dédoublement énonciatif permet au spectateur d’accepter le non-respect de
la maxime de pertinence et de la cohérence discursive. Le même texte, avec les mêmes
lapsus et les mêmes difficultés, prononcé par un personnage sobre et ayant de la tenue ne
ferait probablement pas « rire ». Le spectateur aurait été dérouté par l’écart énonciatif, sans
avoir de moyen de le raccrocher à une explication plausible.
La lecture de premier degré du pastiche satirique est « type de discours engagé »,
avec les connotations attendues de langue de bois, de promesses qui n’engagent que ceux
92
qui y croient, de tenue correcte et de sérieux. Elle est mise en concurrence par une seconde
lecture de premier degré « type de discours éthylique », avec les connotations de
désinhibition, de manque de tenue et de discours sans ambages. Ces deux lectures
dénotatives et connotatives peuvent être mises en relation parce que le même personnage
les habite et qu’elles se retrouvent dans le même discours. Bien qu’elles semblent
s’opposer, elles ne s’excluent pas mutuellement : on peut énoncer un discours engagé tout
en étant ivre, ce que prétend faire l’humoriste ici. La seule interprétation possible est alors
que le personnage n’est pas crédible puisqu’il prêche dans un sens et agit à l’inverse. La
contradiction interne fait perdre toute valeur aux arguments présentés. L’argumentation ne
tenant pas, le personnage engagé est destitué de son pouvoir d’influence.
On voit ici à quel point l’interprétation est importante dans la compréhension des
allusions discursives, elle donne la clé pour redonner une cohérence à un texte qui l’avait
plus ou moins perdue.
La communication est risquée lorsqu’une allusion est introduite parce que rien ne
garantit d’avance qu’elle sera perçue ni comprise ni interprétée. Les compétences
linguistique et culturelle donnent quelques moyens pour la repérer et la comprendre. Un
calcul interprétatif est ensuite nécessaire pour que l’effet de l’allusion soit complet.
Au niveau de la progression dans l’apprentissage, nous envisageons deux méthodes
principales pour l’enseignant : utiliser l’allusion pour faire découvrir ou pour renforcer un
apprentissage passé.
1.5. L’allusion pour apprendre ou pour renforcer l’apprentissage
Le Cadre Européen Commun de Référence propose une approche curriculaire du
problème, c’est-à-dire qu’il considère les éléments à faire acquérir entre un niveau et le
suivant (voir III.1.introduction et III.1.1., p. 77-79), mais il se préoccupe moins de la façon
dont les éléments sont organisés dans un syllabus, c’est-à-dire dans un plan de cours jour
par jour, heure par heure. Le syllabus comprend des informations qui sont des détails pour
l’organisation d’un programme, mais qui, au jour le jour, permettent à l’enseignant de
s’organiser : documents à distribuer, durée et nature des tâches prévues, micro-objectifs
sont parmi les informations que contient le syllabus. Dans cette perspective, nous voyons
deux utilisations principales de l’allusion discursive : elle peut être envisagée soit pour
apprendre, soit pour renforcer un apprentissage déjà mis en place auparavant. Les
implications sont différentes.
93
L’allusion pour renforcer l’apprentissage nécessite une plus grande préparation de la
part de l’enseignant puisque ce dernier doit savoir à l’avance quelle allusion il va proposer,
et enseigner les éléments nécessaires à sa compréhension avant d’exposer ces apprenants
au discours allusif. Ou bien, il peut enseigner divers éléments, puis chercher une allusion
qui lui permettrait de revenir sur les connaissances en question. L’avantage majeur de ce
choix (en particulier pour les allusions qui nécessitent des connaissances lexicales,
homonymie, défigements interprétables, en II.2.1.1., p. 46-48 et II.2.2.2., p. 53) est que
l’apprenant a toutes les clés en main pour se rendre compte que ce qu’il lit ou entend est
effectivement une allusion (repérage non guidé), et comprendre l’allusion. Cela permet à
l’enseignant d’évaluer d’une part, sa capacité à repérer une allusion et à la comprendre, et
d’autre part l’état de l’acquisition de ses apprentissages. C’est en cela que nous voyons un
renforcement de l’apprentissage.
L’allusion pour apprendre fonctionne de manière radicalement différente :
l’apprenant n’est pas capable, avant d’être exposé à l’allusion, de comprendre que c’est
une allusion, soit parce qu’il ne comprend pas les mots qui la compose, soit parce qu’il ne
comprend pas ce qu’est une allusion (la métaphore, les dimensions autonymique et
mondaine peuvent offrir des complications non négligeables dans le processus de
compréhension, voir II.2.3.3., p. 61 et II.2.4.3., p. 68). L’exposition sert alors à enseigner la
langue afin que l’apprenant comprenne les différents degrés de lecture de l’allusion, et à
enseigner les différentes pratiques allusives : écarts par rapport à la norme, glissements
sémantiques, absence de discours, entre autres.
Ce sont deux méthodes complémentaires d’exposition et d’apprentissage de
l’allusion discursive, que nous avons expérimentées en classe de français comme langue
étrangère. Nous avons pu remarquer la fierté des apprenants à repérer une expression figée
qu’ils avaient apprise auparavant surtout lorsque l’apprentissage n’avait pas été
homogène93. Nous avons également pu faire remarquer aux apprenants les variétés de
93
C’était un cours de français enseigné comme langue étrangère pour un groupe de jeunes adultes et
d’adultes de niveau B1 à l’université de la Sorbonne nouvelle – Paris III dans le cadre du Diplôme
Universitaire de Langue Française (D.U.L.F.). Les seize apprenants du groupe étaient d’origines aussi
diverses que la Bolivie, l’Allemagne, la Mongolie, la Corée ou le Japon. Ils avaient 16 heures de cours de
français par semaine, dont trois davantage axées sur l’oral.
Nous avons proposé régulièrement aux apprenants différents textes, libres à eux de choisir lequel ils allaient
apprendre, par exemple, entre La Cigale et la fourmi et Le Corbeau et le renard (Jean de la Fontaine), ou
bien entre « Un chasseur sachant chasser… », « Les chaussettes de l’archiduchesse… » et d’autres
virelangues afin qu’ils se constituent une culture personnelle qui pouvait ensuite se manifester dans une
allusion. Nous avons par hasard trouvé des documents faisant allusion à ces apprentissages. Nous avons
trouvé par exemple : « Un sondeur sachant sonder… » dans le chapeau de l’article « Les Français aiment les
sondages, selon les sondeurs » du quotidien 20minutes du 06/03/07. Nous avons fait lire le titre et le chapeau
94
français parlées par les humoristes94, et la prolifération des double-sens dans le discours
humoristique, ce qui les a rendus plus attentifs à cela.
On peut enfin remarquer que la plus simple façon de savoir si un apprenant
comprend ce qui est dit n’est pas de lui demander de reformuler, mais d’y réagir
spontanément : s’il rit à une blague, il y a de fortes chances qu’il l’ait comprise. C’est
d’ailleurs la seule façon raisonnable, nous semble-t-il, d’évaluer la compréhension d’une
allusion. En effet, comment faire sinon ? Ne serait-ce que le fait d’indiquer une allusion et
demander en quoi c’en est une, c’est déjà préparer le travail, puisque le repérage fait partie
des compétences à acquérir. Et comment s’assurer que l’apprenant a repéré une allusion si
on ne lui dit pas qu’il y en a une et qu’il doit la chercher ? L’évaluation du repérage ne
nous semble possible que par la réaction spontanée et non sollicitée95. En ce qui concerne
le travail de compréhension des différents niveaux de lecture (voir III.1.4.4., p. 92-93), cela
peut être vérifié plus facilement.
L’humour et les allusions sont sources de sensibilisations et d’apprentissages
linguistiques et socio-culturels, ils sont utilisables en cours de plusieurs manières en
fonction des objectifs de l’enseignant. Mais ils entrent également en compte dans le cours,
au-delà du contenu, dans la dimension sociale du groupe.
1.6. Quelques considérations pédagogiques et cognitives
L’humour et les allusions peuvent améliorer les capacités d’entrée (autrement appelées
l’intake ou la saisie) des apprenants en améliorant les conditions d’apprentissage.
L’humour et les allusions peuvent être utilisés dans un cours de langue, mais ils doivent
être adaptés aux individus qui participent au cours. Ils peuvent également être utilisés pour
à une apprenante et nous avons demandé au groupe si cela leur rappelait quelque chose. Ceux qui avaient
appris le virelangue auquel il est fait allusion ont été capables de le retrouver en entier. Le fait de le revoir
avec le groupe complet a permis à ceux qui ne l’avaient pas appris de le ré-entendre.
Nous avons également proposé aux apprenants d’étudier la première page d’une édition du Canard
enchaîné : la lecture des titres a permis à certains d’exprimer leur désarroi face à la complexité des énoncés,
d’autres ont réussi à comprendre certaines allusions, d’autres encore ont proposé une explication aux titres
qui n’était pas correcte. Nous souhaitions leur faire prendre conscience du fait que dans certains discours, il
importe parfois davantage de comprendre ce qui n’est pas dit que ce qui est explicité. Les réactions à
posteriori des apprenants ont été positives par rapport à l’objectif parce qu’ils ont exprimé leur sentiment
d’incapacité face à ce genre de documents et leur manque d’autonomie. Ils nous ont demandée de leur venir
en aide pour la compréhension s’ils venaient à se procurer un de ces journaux.
94
Coluche, Les Inconnus et Muriel Robin ne prennent pas les mêmes modèles à l’oral, ils n’ont pas la même
maîtrise des différentes variétés du français.
95
Cette réaction peut prendre la forme d’une explicitation orale ou d’une réaction physique comme un
sourire.
95
permettre aux apprenants de profiter au mieux des enseignements prodigués et pour
améliorer les conditions de leur apprentissage.
1.6.1. Les allusions, l’humour et les acteurs du cours
Nous conseillons un recours à l’humour et aux allusions pour enseigner le français comme
langue étrangère, mais nous sommes conscients que tous ne peuvent pas enseigner ou
apprendre avec l’humour. Les critères d’âge, de niveau et de culture semblent être parmi
les facteurs déterminants de l’apprentissage (et d’enseignement pour l’enseignant) et parmi
les facteurs de tolérance à l’humour. En effet, le sens de l’humour n’est pas également
partagé, pas davantage que l’aisance dans l’humour.
Si l’enseignant ne se sent pas capable de faire de l’humour ou d’utiliser de l’humour
dans son cours, rien ne l’y oblige. L’humour n’est pas nécessaire à l’apprentissage. Il est en
revanche important que l’enseignant se sente à l’aise avec son enseignement et avec ses
apprenants. Ainsi, si la culture éducative des apprenants leur donne une représentation de
la situation d’enseignement comme nécessairement sérieuse pour être crédible,
l’enseignant a intérêt à utiliser l’humour avec parcimonie, s’il le fait.
L’âge et la culture sont deux éléments que nous pourrons plus ou moins rapprocher
puisqu’ils influent sur la sensibilité des apprenants, et par conséquent sur les thèmes
abordables en cours. Certains sketchs ne sont pas très adaptés à l’enseignement (voir
I.1.1.3., p. 16-17) parce qu’ils exposent les apprenants à des thèmes qui ne sont pas à leur
portée ou qui sont délicats. Le groupe d’apprenants ne doit pas devenir ingérable : les
thèmes adaptés à l’âge et à la culture des apprenants permettent d’introduire l’humour dans
le cours. On peut envisager, par ailleurs, d’utiliser un thème controversé dans le groupe
pour ouvrir sur un débat d’opinions, l’humour adoucissant l’entrée en matière.
Au niveau culturel, il convient de s’assurer que les apprenants ont les connaissances
encyclopédiques nécessaires à la compréhension globale du sketch, comme savoir ce
qu’est le Scrabble®, et en connaître les règles de base pour le sketch de Pierre Palmade (en
annexe, p. 143-145) ou savoir ce qu’est Le baccalauréat pour le sketch d’Albert Dupontel
(en annexe, p. 124-126).
Le niveau de la compétence linguistique du groupe a son importance dans le choix
du matériel pédagogique. Nous savons qu’un enfant ne comprend pas une métaphore avant
96
environ sept ans96, il est difficile d’imaginer les faire travailler en langue étrangère sur un
glissement sémantique aussi fort, s’ils ne sont pas capables de le gérer dans leur propre
langue. Le matériel doit être adapté aux connaissances et aux capacités linguistiques des
apprenants, sans quoi ils risquent de se décourager.
De plus, en fonction du niveau, on pourra proposer aux apprenants des types
d’allusions différents : les imitations et transformations peuvent être introduites rapidement
parce qu’elles nécessitent un traitement global, plus facile qu’un traitement détaillé
(puisqu’il nécessite une compréhension globale, plus facile qu’une compréhension
détaillée), ainsi que les parallélismes, qui ne jouent pas tant sur la polysémie et
l’homophonie que sur les rythmes, les discriminations linguistiques… En revanche, on
réservera les ellipses et les défigements interprétables pour des apprenants qui ont déjà un
bagage linguistique important et qui ont développé une sensibilité aux jeux de mots
(sensibilité que l’enseignant aura pu travailler avec les paronomases ou les défigements
« audibles » par exemple).
Les personnalités, les âges, les cultures sont des facteurs importants de la cohésion
du groupe d’apprenants. Ce sont des critères que l’enseignant utilise pour préparer ses
cours. Les contenus, mais également l’atmosphère jouent un rôle dans les conditions
d’apprentissage.
1.6.2. L’atmosphère du cours
Les sciences cognitives et sociales et les sciences de l’éducation s’accordent à dire que les
conditions de l’apprentissage ont une influence positive ou négative sur l’apprentissage. La
cohésion du groupe d’apprenants permet à chacun de se sentir intégré, ce qui développe un
sentiment d’appartenance et d’interdépendance rassurant (Fischer, 2005 [1996], p. 217218). Parmi les facteurs de cette cohésion, les expériences communes (Halbwachs, 2001,
[1950/1967]) et la connivence (voir III.1.2.1., p. 79-82) sont particulièrement développées
dans la classe de langue, surtout lorsque l’humour est intégré à l’enseignement.
Une certaine disposition peut être nécessaire pour percevoir l’humour. Pourtant, il a
un effet cathartique97 (voir III.1.2.2., p. 82-84) et le rire est « contagieux ». Même si les
apprenants ne sont pas disposés à rire en classe, ils sont au moins disposés à comprendre.
96
François Richaudeau (1980, p. 31) cite un article de deux auteurs américains dont il ne précise pas
l’identité, « L’enfant et la métaphore ».
97
C’est ce qui explique par exemple que quelqu’un qui pleure de tristesse peut aussi rire, d’un rire timide
certes, mais quand même, si la cause du rire dédramatise sa situation.
97
Certains sont sensibles à l’humour, ce qui peut dynamiser le groupe. Lors de nos
expériences en cours de langue, la cohésion du groupe mettait les membres à l’aise, et ils
se sentaient suffisamment en confiance pour se laisser aller à rire lorsque l’occasion se
présentait : les sketchs d’humoristes présentés ont bien souvent produit l’effet escompté. Si
les apprenants ne réagissaient pas, c’est parce qu’ils n’avaient pas compris, et non parce
qu’ils ne voulaient pas rire… L’humour, les jeux de langage et l’ambiguïté peuvent
favoriser la cohésion dans le groupe et promouvoir une atmosphère agréable et propice à
l’enseignement et à l’apprentissage. L’humour ne doit cependant pas se retourner contre
les apprenants, cela va sans dire, puisque les moqueries auraient pour conséquence possible
un blocage.
Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca (2003, p. 108) rappellent l’importance que joue la
partie du cerveau consacrée aux émotions, dans l’apprentissage. C’est cette partie qui traite
les données et qui fait naître un affect particulier, positif ou négatif. Les apprenants
ressentent de l’ennui ou de l’intérêt pour l’enseignement, ils peuvent être traumatisés ou se
sentir gratifiés dans l’apprentissage.
1.6.3. Concentration et déconcentration
L’atmosphère du cours est une chose, les moments d’apprentissage en sont une autre. La
notion de temps dans le cours de langue est particulière. On y retrouve les moments
d’introduction ou de brainstorming, les moments de prescription et d’explicitation des
tâches, les moments mobilisés par le matériel, les moments « annexes » (noter le travail
pour la séance suivante, l’appel) et les moments d’enseignement et d’apprentissage.
L’apprenant peut être plus ou moins déconcentré tant qu’il n’apprend pas, mais les
moments consacrés à l’enseignement et à l’apprentissage doivent être des plages de
concentration intense. Alain Costes fait remarquer qu’il est « illusoire de croire pouvoir
retenir l’attention de quiconque de manière ininterrompue pendant plus de quelques
minutes » (2003, p. 88) et propose la solution suivante :
« le problème de tout pédagogue, de tout orateur, n’est pas d’éviter les ruptures
d’attention – puisqu’elles sont inévitables – mais plutôt d’apprendre à les gérer, et
notamment d’enrayer les éclipses trop longues en en proposant soi-même, selon la
stratégie du célèbre mot des Mariés de la Tour Eiffel de Jean COCTEAU : ‘Puisque ces
mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur !’ » (2003, p. 90)
« Rien n’est donc plus sérieux, en pédagogie, que de saupoudrer épisodiquement nos
discours d’humour, car si nous ne nous soucions pas de ménager des temps de régressions
à nos auditeurs, ils se les octroient quand même, sans que personne ne s’en rende
compte. » (2003, p. 90)
98
Proposer un matériel didactique incluant l’humour serait une solution pour intégrer
automatiquement des périodes de déconcentration gérées, contrôlées et organisées, et
ensuite de refocaliser l’attention sur l’objet de la déconcentration. Cela limiterait les pertes
d’attention involontaires et non remarquées, cela augmenterait la concentration aux
moments adéquats (puisque la mémoire ne serait pas « fatiguée » à ces moments-là) et cela
pourrait améliorer le produit des efforts cognitifs des apprenants.
Le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues fait une place tardive
aux allusions et à l’humour puisqu’il propose de les introduire aux enseignements au
niveau B1 seulement. Nous pensons que les aspects sociaux de l’humour et de l’implicite
ont leur place dans les enseignements de français comme langue étrangère plus tôt. Les
allusions discursives étant un objet aux réalisations très variées, on peut envisager de les
utiliser pour différents objectifs (sensibilisation ou apprentissage, découverte ou
approfondissement, aux niveaux pragmatique, linguistique ou culturel). On voit également
l’intérêt mais aussi les risques que l’humour présente en cours de langue : conditions
favorisant l’apprentissage et risques de blocages, entre autres.
Nous utiliserons les apports de cette recherche pour progresser dans la
compréhension de l’implicite dans la langue lors de la thèse.
2. Un projet théorique et expérimental
Nous souhaitons revenir sur l’implicite et voir les formes qu’il prend dans les interactions
orales. Nous nous appliquerons à étudier la compétence de compréhension orale et les
processus mis en jeu pour décrypter et comprendre l’oral et pour repérer, comprendre et
interpréter l’implicite. Nous proposons ici plusieurs axes de recherche et quelques
protocoles expérimentaux qu’il faudra mettre en place pour vérifier nos hypothèses.
2.1. Des axes de recherche
La recherche que nous présentons ici est une étape dans le projet de la thèse. Nous avons
l’intention d’élargir nos intérêts à d’autres formes d’implicites et de préciser les
compétences d’apprentissage que nous souhaitons développer chez les apprenants. Nous
allons reprendre les allusions discursives, étudier également les autres types d’allusions, les
allégories, approfondir les difficultés que posent les métaphores, et chercher d’autres
formes d’implicites dans le discours. Nous allons nous focaliser sur les discours oraux et
sur la compétence de compréhension orale en didactique du français langue étrangère. Le
99
corpus sera composé de bribes de conversations entendues « au vol », de transcriptions
d’enregistrements d’interactions de cours de langue et d’entreprise si cela nous est
possible.
Nous envisageons une étude discursive du corpus qui serait axée sur les points
communs dans le fonctionnement de l’implicite dans les discours afin de dégager les
processus cognitifs généraux qui sont mis en œuvre pour repérer, comprendre et interpréter
les implicites. Nous aurons besoin pour cette partie du travail de faire appel à des théories
telles que celle des traits sémantiques, des « prédiscours » (Marie-Anne Paveau), du
dialogisme et de la « mémoire des mots » (Sophie Moirand), de l’énonciation, de
l’acquisition des langues (Willem Levelt), de la psycholinguistique et de la
sociolinguistique entre autres.
Pour la partie cognitive, nous voulons travailler avec les outils de la psychologie
cognitive (qui réunit des domaines aussi vastes que la psychologie, les neurosciences,
l’anthropologie et la philosophie) et la psychosociologie, et les intégrer à une recherche
clairement située en didactique des langues, comme la conçoivent par exemple Robert
Gagné et Jacques Tardif.
Nous souhaitons revoir les étapes cognitives qui mènent à la compréhension de
l’oral : discriminations phonétique et lexicale, repérage de l’organisation morphosyntaxique de l’énoncé, mise en relation de la sémantique et de la syntaxe. L’étude des
allusions nous offre des exemples d’énoncés qui permettent de travailler ces étapes. Les
parallélismes phonétiques, les paronomases et les virelangues permettent de travailler la
discrimination phonétique. Les virelangues développent également le découpage lexical.
Les défigements sont adaptés à un travail sur l’organisation morpho-syntaxique de
l’énoncé. Les allusions autodialogiques conviennent pour les difficultés que pose la
compréhension orale en particulier (les hésitations, les ellipses, le raisonnement, la
modalité autonymique).
Dans cette optique, il sera utile d’étudier les stratégies d’apprentissage et d’écoute
pour la compréhension orale : Claudette Cornaire (1998) évoque le repérage des pauses et
des hésitations, du débit et de l’intonation, le décodage auditif par discrimination, le
traitement des modifications morphologiques et syntaxiques, et du type de texte. À ces
stratégies correspondent des expériences qui ont déjà été effectuées sur des groupes
d’individus dans diverses langues, nous souhaitons en reprendre certaines et en proposer de
nouvelles (voir III.2.2., p. 102-104).
100
L’étude des allusions nous a permis de dégager trois étapes nécessaires à leur
réussite : le repérage, la compréhension et l’interprétation (voir III.1.4.4., p. 92-93). Les
allusions peuvent être utilisées en cours de langue soit pour développer les compétences
linguistique et culturelle, soit pour développer la capacité chez les apprenants à effectuer
ces trois étapes. Les protocoles expérimentaux proposés sont principalement axés sur le
traitement de l’implicite par les apprenants (voir III.2.2.2., p. 103-104). Nous supposons
que les étapes du traitement de l’implicite sont les mêmes que celles de l’allusion :
repérage, compréhension, interprétation.
Nous avons des pistes de réflexions en ce qui concerne ces trois étapes. Le
repérage de l’implicite peut se faire par reconnaissance d’une variation ou d’une
incohérence pour une grande partie des allusions (comme les métaphores et les
paronomases). L’implicite peut également être perçu parce qu’il est permis par le nonrespect d’une maxime de conversation de Herbert Paul Grice (note 65, p. 74), en particulier
la maxime de quantité. Il est concevable de demander aux apprenants s’ils ont l’impression
que l’énoncé cache quelque chose, ou s’ils pensent que ce qui est dit est crédible par
exemple. L’objectif est de développer chez les apprenants une certaine confiance dans leur
compétence linguistique qui leur permettra de repérer ces écarts.
Lorsque le récepteur sait qu’il y a de l’implicite dans un énoncé, il lui faut encore
trouver ce qui est implicité et le comprendre. L’analyse du moyen de repérage permet
probablement de retrouver l’implicite et de l’expliciter. Cette explicitation est une phase
nécessaire à la compréhension parce qu’elle pose l’implicite comme une réalité sousjacente et non comme un nuage sémantique abstrait et caché. Les apprenants peuvent alors
comprendre l’implicite comme de l’explicite puisqu’il est devenu explicite. Les protocoles
(voir III.2.2., p. 102-104) présentent plusieurs méthodes d’explicitation proposées par
divers chercheurs (Murphy, 1987 et Chamot et al., 1988 entre autres).
Nous envisageons un processus en particulier pour le développement de la
compétence d’interprétation chez les apprenants, mais nous espérons en trouver encore
avec nos travaux à venir. Nous pensons nous focaliser sur l’interprétation par inférences.
Les inférences sont des cheminements implicites logiques utilisés pour résoudre des
incohérences. Nous supposons par exemple qu’un apprenant utiliserait l’inférence pour
comprendre une métaphore. L’incohérence décelée est l’utilisation d’un mot dont le
référent ne correspond pas au référent cohérent du discours. L’esprit procède à une
tentative de mise en relation des traits sémantiques communs entre les deux référents afin
de résoudre l’incohérence, et d’opérer un glissement sémantique entre le référent désigné
101
par le mot et celui du discours afin d’interpréter l’incohérence. Dans le cas particulier des
glissements sémantiques, nous pensons que les relations associatives et que les
représentations mentales culturellement conditionnées doivent être prises en compte : elles
doivent faire partie de l’enseignement du français comme langue étrangère.
2.2. Les protocoles expérimentaux envisagés
Les recherches passées concernant l’oral ont été fondées sur des protocoles expérimentaux.
Nous avons l’intention d’en reprendre certains pour notre recherche et d’en proposer
d’autres. Cela permettrait de trouver des moyens pour remédier aux difficultés que pose
l’implicite dans l’oral. Notre charge de cours (voir note 93, p. 94) nous a permis de
commencer quelques tentatives, d’ébaucher quelques activités et d’entrevoir une éventuelle
progression, mais cela n’est pas suffisant.
Nous concevons deux objectifs majeurs pour les activités des protocoles
expérimentaux : soit les tâches développent les connaissances linguistiques et culturelles,
soit elles développent les étapes qui mènent à l’interprétation de l’implicite. Les objectifs
des protocoles seront placés à un niveau différent : nous souhaitons étudier les stratégies
d’écoute et de résolution des problèmes que les apprenants utilisent pour arriver à leur
compréhension. Nous axons nos expériences sur la compréhension de l’oral.
2.2.1. Le développement des compétences linguistique et culturelle
Les expériences mises en place pour étudier le développement des compétences
linguistique
et
culturelle
reprendront
les
méthodes
de
la
découverte
et
de
l’approfondissement (voir III.1.5., p. 93-95). Deux progressions sont possibles :
–
L’enseignant fait découvrir aux apprenants le sens d’un implicite en le traitant, phase
par phase, avec eux. Ils apprennent une nouvelle forme syntaxique ou les différents
sens d’un mot nouveau. Quelques séances plus tard, les apprenants doivent se souvenir
de la forme syntaxique vue dans l’implicite pour comprendre un document. On leur
demandera également pourquoi ils s’en souviennent. L’évaluation de l’apprentissage
passe par la compréhension globale d’un autre document. Un groupe témoin passera
par les mêmes étapes, mais la découverte de la nouveauté ne sera pas motivée par un
implicite.
–
L’enseignant fait apprendre un texte ou une forme linguistique nouvelle aux
apprenants. Quelques séances plus tard, il propose un document dans lequel un
implicite fait référence à l’apprentissage passé. L’évaluation pourra se faire par une
102
question parmi d’autre portant sur la compréhension du document, du type : « Que
vous inspire ‘…’ ? », puis, « Comment êtes-vous arrivez à cela ? ».
L’objectif de ces questions est de préciser le poids de l’implicite dans l’apprentissage
et d’étudier les processus cognitifs et méta-cognitifs des apprenants. Mais notre recherche
ne s’arrête pas là : nous souhaitons également étudier la possibilité de développer chez les
apprenants la compétence d’interprétation.
2.2.2. Le développement du traitement de l’implicite
Des expériences devront focaliser indépendamment sur les étapes du repérage, de la
compréhension et de l’interprétation.
La seconde expérience que nous proposons plus haut (voir supra, III.2.2.1., p. 103)
peut être utilisée pour évaluer le repérage d’un implicite, mais idéalement, il faudrait que le
repérage soit opéré par les apprenants sans que rien ne les influence (sans indices).
L’enseignant pourrait également demander aux apprenants en début de séance de
s’exprimer s’ils voient une allusion ou un implicite. La consigne est assez générale et ne
porte pas sur un document précis. Elle peut également être énoncée au début de chaque
séance afin que les apprenants s’entraînent à chercher des implicites sans toujours en
trouver. Il faudra là aussi un groupe témoin auquel seront présentés les implicites mais à
qui l’enseignant n’aura pas donné de consigne. Cependant, le fait que les apprenants de ce
groupe ne s’expriment pas ne signifie pas qu’ils n’auront pas vu les implicites.
En ce qui concerne la compréhension et l’interprétation, Claudette Cornaire (1998,
p. 60-6198) expose quatre stratégies d’écoute qui correspondent à quatre types d’activités
que l’on pourrait mettre en place : le rappel (recalling) qui consiste à reformuler ce que
l’on a entendu et retenu ; la spéculation (speculating) où l’apprenant utilise son
imagination et ses compétences logiques ; l’analyse (probing) qui consiste à étudier les
idées du texte et à porter un jugement critique ; l’introspection (introspection) qui amène
l’apprenant à décrire son expérience d’écoute. Ces types d’activités ainsi que la réflexion à
haute voix (Chamot et al., 1988) permettraient d’exercer les apprenants à la compréhension
et à l’interprétation des implicites en améliorant leur capacité d’analyse et leurs processus
d’inférence.
98
Elle résume les résultats d’une expérience de John M. Murphy (1987).
103
Après les analyses discursives auxquelles nous avons soumis les allusions, nous
avons tenté de concevoir leur intégration dans l’enseignement du français comme langue
étrangère dans diverses perspectives. Nous avons étudié les apports de notre recherche
pour le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues et nous avons approfondi
les relations entre les allusions et l’humour. Nous avons considéré les sensibilisations qui
peuvent être effectuées avec l’utilisation de l’humour et des allusions dans le cours de
langue. Nous avons ensuite étudié les compétences que permettent de développer les
allusions en particulier, compétences qui nous ont été utiles, par la suite, pour notre
réflexion sur l’implicite. Nous avons également proposé deux méthodes d’utilisation des
allusions dans l’enseignement, puis nous avons repris quelques recherches sur les aspects
socio-cognitifs de l’humour et des allusions.
Nous avons enfin exposé notre projet de recherche et présenté les ouvertures que
nous envisageons à partir de ce travail : un élargissement de l’objet vers l’implicite, et une
focalisation des compétences vers la compréhension orale et l’interprétation. Nous avons
accompagné nos axes de recherche de protocoles expérimentaux qui serviront à confirmer
ou à infirmer notre hypothèse de départ : la compétence d’interprétation peut être
développée et est utile pour l’apprentissage d’une langue étrangère.
104
CONCLUSION
En commençant cette recherche, nous nous sommes fixée les objectifs de
mieux comprendre les allusions discursives et d’utiliser les conclusions d’une
étude de cet objet en analyse du discours pour trouver des stratégies
d’enseignement et d’apprentissage qui correspondent au traitement des
allusions. Nous considérions le travail sur les allusions discursives comme une
porte d’entrée vers l’implicite dans les discours, sur lequel nous reviendrons
dans de futures recherches.
La découverte de l’objet de la recherche nous a amenée vers d’autres
sphères
scientifiques :
l’« humorologie »,
les
sciences
cognitives,
la
psychosociologie, la sémiologie et la psychologie cognitive. Nous avons ainsi
élargi le cadre de notre recherche de manière à ce qu’elle soit davantage
complète et adaptable à la perspective didactique que nous nous étions donnée.
Les résultats de notre travail présentent quelques innovations : nous avons
créé une typologie des allusions discursives à trois niveaux dans laquelle nous
avons inclus les allusions à un genre de discours, les parallélismes, les allusions
référentielles, les allusions autodialogiques et les virelangues. Nous pensons que
ces inclusions sont inédites dans la mesure où les lectures que nous avons
effectuées sur le sujet ne proposent pas une acception si large ni une typologie si
précise des allusions discursives. Nous avons proposé une définition de
l’allusion qui synthétise les études effectuées et qui inclut plusieurs cadres
théoriques : discursif et cognitif.
Après avoir situé la recherche dans le Cadre Européen Commun de
Référence pour les langues, nous avons apporté des précisions aux
recommandations formulées dans le texte au niveau de l’utilité des allusions et
de l’humour pour diverses sensibilisations, pour le développement des
105
compétences linguistique, culturelle et d’interprétation, pour les conditions de
l’apprentissage ; et au niveau de l’utilisation des allusions dans la progression
de l’apprentissage. Nous avons également formulé des perspectives de
recherche et proposé la mise en place de protocoles expérimentaux qui
pourraient étayer notre propos.
Nous sommes cependant consciente de certaines limites de notre travail.
Le corpus humoristique, bien que choisi pour son ergonomie didactique, nous
amène à nous demander si les conclusions que nous avons tirées de notre étude
ne sont pas valables exclusivement pour les allusions humoristiques. Nous
pensons que cela nous a contrainte dans une moindre mesure. Le projet que
nous présentons, n’étant pas consacré aux discours humoristiques, permettra de
faire la part des choses.
L’ancrage théorique a orienté notre regard sur l’allusion discursive d’une
manière particulière. La typologie et la définition que nous proposons des
allusions ne conviendra pas à un cadre théorique littéraire ou sociologique par
exemple.
Enfin, nous envisageons la didactique des langues comme une didactique
qui ne peut pas laisser de côté la culture. L’importance que nous donnons à cet
aspect se retrouve dans certaines de nos priorités en matière d’enseignement,
dont la compétence culturelle, les représentations sociales, le poids de ces
représentations dans le travail d’interprétation entre autres.
Nous souhaitons conclure sur l’espoir que le lecteur n’est pas trop déçu
par le ton sérieux de ce travail. En effet, l’étude de l’humour n’est pas moins
sérieuse qu’une autre.
106
BIBLIOGRAPHIE
En bibliographie, se trouvent les références des ouvrages cités dans le mémoire et
des ouvrages qui n’ont pas été cités mais dont la lecture a eu un impact important. Les
références des ouvrages cités dans les citations que nous faisons sont indiquées en note de
bas de page et ne sont pas reprises ici.
Les documents disponibles sur Internet sont référencés dans la bibliographie. Les
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de la première traduction]
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Ambiguïté : 46, 55, 64, 86, 98
Bloc lexical : 9, 29, 50, 51, 54
Cognition : 5, 6, 15, 17, 19, 20, 21, 29,
34, 35, 39, 43, 44, 50, 63, 65, 72, 73, 74,
77, 87, 90, 95, 97, 99, 100, 103, 104, 105
Humour : 5, 6, 8, 9, 10, 11, 17, 20, 21,
22, 23, 24, 25, 26, 28, 34, 35, 36, 39, 41,
46, 48, 49, 51, 54, 60, 64, 65, 74, 75, 77,
78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88,
89, 91, 95, 96, 97, 98, 99, 104, 105, 106
Cohérence discursive : 27, 33, 47, 48, 49,
52, 53, 55, 59, 60, 62, 92, 93, 101, 102
Implicite : 5, 12, 13, 14, 15, 17,29, 45,
61, 77, 78, 86, 87, 89, 91, 99, 100, 101,
102, 103, 104, 105
Cohésion sociale : 97, 98
Incongruité : 65, 83, 92
Connivence : 13, 14, 15, 29, 33, 55, 79,
80, 81, 82, 91, 97
Intercompréhension (et Intertexte) : 14,
17, 29, 32, 33, 34, 68, 80, 87
Connotation : 35, 36, 62, 63, 78, 92, 93
Interprétation (de l’implicite) : 5, 13, 14,
17, 20, 27, 31, 32, 34, 39, 46, 47, 54, 58,
59, 74, 77, 87, 88, 89, 92, 93, 99, 100,
101, 102, 103, 104, 106
Contexte : 6, 13, 15, 18, 20, 21, 23, 29,
46, 53, 54, 55, 62, 63, 77
Dédoublement énonciatif : 22, 26, 27, 46,
47, 70, 82, 92
Intertexte (voir Intercompréhension)
Défigement : 28, 29, 39, 40, 51, 52, 53,
54, 90, 94, 97, 100
Intertextualité :13, 14, 17, 29, 30, 39, 40,
46, 50, 51, 54, 55, 78, 80, 84
Dialogisme : 12, 14, 17, 18, 24, 30, 31,
32, 33, 39, 46, 49, 65, 67, 68, 69, 70, 71,
80, 100, 105
Intratextualité :14, 16, 17, 29, 39, 40, 46,
50, 55, 56, 59, 60, 69, 75, 79, 80, 83
Écart (et Norme) : 48, 52, 54, 55, 69, 70,
72, 73, 74, 80, 81, 87, 88, 92, 94, 101
Polyphonie : 22, 23, 24, 25
Énonciation : 9, 10, 13, 14, 16, 17, 22,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 32, 42, 46, 47, 48,
51, 54, 58, 60, 69, 70, 71, 82, 84, 92, 100
Évaluation : 94, 95, 102, 103
Fonctions du langage : 16, 22, 28, 33, 34,
39, 40, 45, 65, 68, 69, 88
Genres de discours (et Types de
discours) : 9, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22,
39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 53, 54, 73, 82,
86, 92, 93, 100, 105
Glissement sémantique : 63, 94, 97, 101,
102
Intention de communication :15, 18, 19,
20, 32, 44, 45, 48, 49, 58, 67, 72, 73, 79,
80, 83, 86, 89
Norme (voir Écart)
Progression (discursive) : 22, 33, 43, 68,
92
Représentations (discursives, sociales,
collectives) : 19, 20, 21, 25, 30, 31, 35,
36, 42, 43, 44, 46, 48, 59, 60, 67, 74, 80,
81, 84, 85, 86, 87, 91, 92, 96, 102, 106
Sens des mots : 30, 31,48
Similarité : 28, 48, 50, 56, 57, 59, 60, 62,
72, 73
Surénonciation, sousénonciation et
coénonciation : 27, 47, 48
Types de discours (voir Genres de
discours)
118
TABLE DES MATIÈRES
REMERCIEMENTS .............................................................................. 2
SOMMAIRE ......................................................................................... 3
INTRODUCTION ................................................................................. 4
I. LA CONSTRUCTION DE L’OBJET DE RECHERCHE ........................ 7
1. La constitution des corpus .......................................................... 8
1.1.
1.1.1.
1.1.2.
1.1.3.
1.2.
1.2.1.
1.2.2.
1.2.3.
2.
2.1.
2.1.1.
2.1.2.
2.1.3.
2.2.
2.2.1.
2.2.2.
2.2.3.
2.2.4.
2.2.5.
2.3.
2.4.
2.5.
2.6.
3.
Les paramètres de sélection des sketchs ............................................... 9
La disponibilité des transcriptions
Les paramètres de l’énonciation
La situation didactique
9
10
11
La constitution du corpus d’étude....................................................... 12
Qu’est-ce qu’une allusion ?
Qu’est-ce qu’une allusion discursive ?
Quelques remarques concernant les corpus
12
15
16
Ancrage théorique, sketchs et allusions....................................17
Les genres et les types de discours ..................................................... 17
Qu’est-ce qu’un genre de discours ?
Le sketch humoristique est-il un type de discours ?
Caractéristiques textuelles des sketchs
18
20
21
Des approches énonciatives ................................................................ 22
L’énonciation chez Émile Benveniste
La polyphonie selon Oswald Ducrot
L’énonciation dans les sketchs de notre corpus
L’énonciation dans les allusions
Les fonctions du langage selon Roman Jakobson
23
23
25
27
28
L’intratextualité et l’intertextualité ..................................................... 29
Le dialogisme interdiscursif................................................................ 30
Le dialogisme interlocutif ................................................................... 31
L’autodialogisme ................................................................................ 33
Une analyse du discours dans une perspective didactique .......34
119
II. UNE DESCRIPTION DES DIFFÉRENTS TYPES D’ALLUSIONS ......38
1. Les allusions à un genre de discours.........................................41
2. Les allusions à un texte ou à un discours..................................45
2.1.
2.1.1.
2.1.2.
2.1.3.
2.2.
2.2.1.
2.2.2.
2.2.3.
2.3.
2.3.1.
2.3.2.
2.3.3.
2.3.4.
2.4.
2.4.1.
2.4.2.
2.4.3.
2.5.
3.
Les allusions interdiscursives ............................................................. 46
L’homonymie
La paronomase
Les virelangues
46
48
49
Les allusions intertextuelles................................................................ 50
Les défigements « audibles »
Les défigements « interprétables »
Les écarts des allusions intertextuelles et interdiscursives
51
53
54
Les allusions intratextuelles................................................................ 55
Les parallélismes connexes
Les parallélismes proximaux et distaux
Les relations sémantiques
Les allusions référentielles
56
59
61
63
Les allusions autodialogiques ............................................................. 65
Les allusions par raisonnement
Les ellipses
Les modalités métalinguistique et autonymique
66
67
68
Les allusions interlocutives................................................................. 71
Conclusion ................................................................................72
III. QUELQUES PERSPECTIVES DIDACTIQUES ...............................76
1. L’humour et les allusions dans la didactique............................77
1.1.
1.2.
1.2.1.
1.2.2.
1.2.3.
1.3.
1.4.
1.4.1.
1.4.2.
1.4.3.
1.4.4.
1.5.
1.6.
1.6.1.
1.6.2.
1.6.3.
2.
2.1.
2.2.
2.2.1.
2.2.2.
Le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues ............ 78
Les allusions dans l’humour et dans les sketchs................................. 79
Le contrat
Critique sociale et catharsis comique
Les allusions et le rythme humoristique
79
82
84
Des sensibilisations diverses............................................................... 85
Quatre compétences à développer ...................................................... 87
Les normes linguistiques et discursives
Les connaissances encyclopédiques
Les représentations
L’interprétation
87
89
91
92
L’allusion pour apprendre ou pour renforcer l’apprentissage ............ 93
Quelques considérations pédagogiques et cognitives......................... 95
Les allusions, l’humour et les acteurs du cours
L’atmosphère du cours
Concentration et déconcentration
96
97
98
Un projet théorique et expérimental .........................................99
Des axes de recherche ......................................................................... 99
Les protocoles expérimentaux envisagés.......................................... 102
Le développement des compétences linguistique et culturelle
Le développement du traitement de l’implicite
102
103
120
CONCLUSION .................................................................................105
BIBLIOGRAPHIE.............................................................................107
VIDÉOGRAPHIE .............................................................................115
WEBOGRAPHIE ..............................................................................117
INDEX DES NOTIONS ......................................................................118
TABLE DES MATIÈRES ...................................................................119
SOMMAIRE DES ANNEXES .............................................................122
ANNEXES ........................................................................................123
TABLE DES ANNEXES .....................................................................178
121
SOMMAIRE DES ANNEXES
Transcription des sketchs de l’étude ............................................................. 124
Corpus de travail ........................................................................................... 147
Corpus classé................................................................................................. 159
Tableau des correspondances corpus d’étude – corpus d’analyse ................ 173
122
AN N E X E S
123
TRANSCRIPTION DES SKETCHS DE L’ÉTUDE
Albert Dupontel, Le bac
« L’universalité, l’universalité de la pensée philosophique du XXe siècle, l’universalité de
la pensée philosophique du XXe siècle repose sur la controverse existant entre les
individualités d’écriture et l’instinct surréaliste sous-jacent chez la plupart des auteurs tout
en respectant la linéarité de la pensée du monde occidental. »
[Il retourne le livre qu’il a dans les mains].
Allez, putain je le sais ça je le sais, je le sais, je le sais, je le sais, je le sais… L’université
du XXe est adjacente avec des « insoltis » sur l’inverse du…
Oh putain je sais rien !! Oh la vache, oh ça va être à moi. J’ai pas eu le temps de tout
apprendre ! [Il cache le livre dans son pantalon.] J’ai rien fait ! J’ai rien fait !!! [Il prend un
deuxième livre par terre et le cache aussi.] J’ai rien fait !!! Ça se voit pas, ça se voit pas. Si
y a des questions, je dirais que je fais de l’œdème. Les antisèches, les antisèches… Les
mains, les mains [sur la gauche les œuvres, sur la droite les auteurs, il essaie différentes
positions pour lire sur ses mains] Auteurs… Là, c’est discret mais je vois rien du tout là…
Auteurs hop… Là je vois bien tout mais alors je suis piqué là…Œuvres, hop là… Auteurs
hop là, comme ça, auteurs oui, œuvres là oui, auteurs oui, ah ah bien sûr oui… Auteurs ah
oui, ah… Auteurs oui… Auteurs ah ah ah oui les auteurs.
Oui c’est moi ! C’est moi j’arrive, c’est moi j’arrive !!! C’est moi ? Oui on me confirme,
c’est moi ! J’arrive tout de suite !!!
Oh putain, ça y est, je pisse, je pisse sur les philosophes… J’arrive tout de suite ! Houuuu !
[très détendu] Bonjour. Comment ? Je, je, je tire un sujet ? avec mon fusil ? Ça y est. Je
choisis, je choisis, je prends, je prends [il hésite]… C’est fini, c’est fini, je prends, je
prends…[il en renifle un… Il déplie le papier]. Sartre. Comme le, comme le département ?
Ah, ah non comme le philosophe. Ah, mais vous avez le droit, c’est au programme. Bon,
avant de commencer, je vais faire pipi, c’est une tradition pis je reviens. Comment ? J’ai
pas le droit ? Houuuu ! J’y vais tout de suite, vous énervez pas. J’y vais, j’y vais…
François Sartre. Jean-Paul ? Jean-Paul. Je savais, je savais, je savais !!! François, c’est le
frère aîné. Euh, Jean-Paul Sartre. Bon, petit 1 : Jean-Paul Sartre. Petit 1 : Jean-Paul Sartre.
Jean-Paul Sartre… Jean-Paul Sartre… Jean-Paul Sartre… Jean-Paul Sartre… Jean-Paul
Sartre… J’ai bon ? Vous énervez pas, oui oui, j’y vais… Sartre Jean-Paul. Ça marche aussi
de l’autre côté.
Sartre Jean-Paul est un philosophe. Comment ? Était ? Il est mort ? Jean-Paul Sartre est
mort ? C’est pas possible ça, c’est arrivé quand ça ? Ah, oui oui y a, hou là, y a quand
même longtemps… Non, je dis ça parce que j’ai pas été prévenu. C’est pour ça qu’on avait
plus de nouvelles, il écrivait plus. Oui, j’y vais, j’y vais, j’y vais tout de suite… Bon, alors,
Jean-Paul Sartre, Jean-Paul Sartre était. Était, oh ça fait quand même quelque chose hein !
Je sais pas si c’est très décent de continuer ? Si, si, si, j’y vais, j’y vais, j’y vais …
124
Jean-Paul Sartre était (quand même hein) était un philosophe qui, qui, qu’a bien marché. Je
commence ? Ah mais j’avais commencé là ! Historique ? OK, l’historique. Petit 2 parce
que j’ai fait petit 1. Petit 2 : l’historique, petit 2 : l’historique. Alors… Jean-Paul Sartre,
Jean-Paul Sartre, Jean-Paul Sartre, Jean-Paul Sartre… Oui, on parle bien du même… JeanPaul Sartre, Jean-Paul Sartre, Jean-Paul Sartre est né, Jean-Paul Sartre est né. Ça on est sûr,
hein, il est né. Jean-Paul Sartre est né… C’était un, c’était un, c’était un mercredi soir…
vers 19 h… mais alors, la date exacte je me rappelle plus trop… Bon, j’y vais, bon, je,
bon… Il pesait 2 kilos 8 – 3 kilos 2 mais on s’en fout… Bon alors c’est, hein, bon, c’est
hein, quand même Sartre bon Sartre bien mais… oui je précise… Oui, vers 3 ans 4 ans il a
pas fait grand chose d’intéressant, alors après par contre il a fait l’école, il a fait l’école. À
l’école ça se passe bien. Faut dire que les profs savaient quand même qui c’était ! Sauf
peut-être en sport ! Maintenant qu’il est mort, on peut le dire : Jean-Paul Sartre était pas
très physique. Pas handicapé mais juste au-dessus, voyez ! Par exemple si vous prenez par
exemple par rapport à moi, ben il arrivait à peu près à ce niveau-là. C’est pas… [il regarde
ses anti-sèches et place sa main en face de lui] : peut-être une fois il est venu là parce qu’il
pleuvait.
Son influence a été majeure sur l’existentialisme, mouvement qu’il a collaboré à fonder
avec également de nombreux autres mouvements de tendance politique. [Il sourit
fièrement] Comment ? La tendance des mouvements politiques ? Oh, putain, j’ai pas… Ça,
j’ai pas noté ça. Hein ? Non, je dis j’ai pas voté. Bon pendant la guerre, il avait tendance à
se taire, un peu comme tout le monde, hein ; après il était plutôt… Sartre hein ? Il était
plutôt… Oh c’était pas un nazi mais enfin il était quand même bien à droite ! Oh non !!!
gauche, gauche, gauche bien sûr !!! On l’a bien vu d’ailleurs en mai 48 quand il y a eu la
révolution des étudiants, qu’il était de gauche.
Hein ? Qu’est-ce qu’il a écrit ? Ah, oui, c’était pas un peintre. Euh Sartre, hein ? Sartre
qu’est-ce qu’il a écrit ??? Les Misérables c’est pas lui, c’est Goethe. Il a écrit à sa mère
mais ça compte pas… Qu’est-ce qu’il a fait…[essayant de regarder ses antisèches]. Il a
fait… la Bible ça, c’est pas lui non plus… Non, non, de toute façon, ça c’est après. Les 6,
Les 6 Mousquetaires, Les 6 Mousquetaires, non, non, non, ça c’est, ça c’est Cousteau…
Qu’est-ce qu’il a bien fait comme… Je me rappelle pas du tout… Oh là là, ce Sartre alors,
si je me rappelle… [Il se tient le front comme s’il cherchait ou s’il avait mal à la tête].
C’est l’autre main… Hein ? Non, je dis qu’il écrivait des 2 mains. Il a fait 2, il a fait 3, il a
fait à peu près 3, 4, 5, il a fait à peu près 5… Il a fait… mais alors pour me rappeler
lesquels… Excusez-moi, j’ai une de ces sortes de barres… [Il se frotte le front pour essayer
de lire ses antisèches] Qu’est-ce qu’il a fait… Merde, c’est insensé ça. Il a écrit Seiko. Il a
pas écrit Seiko euh… Qu’est-ce qu’il a écrit ? Comment ? Il a écrit les mains sales, oui, il a
écrit les mains sales. Ah ben ça compte plus, vous me l’avez dit, Jean-Paul Sartre a écrit les
mains sales, ça a même été le premier à avoir écrit les mains sales. Quoi d’autre je sais pas,
je sais pas… J’ai pas tout lu…
Comment ? L’entourage ? Ah oui, alors ça, je peux vous en parler. L’entourage, alors petit
3 : l’entourage. L’entourage. Jean-Paul Sartre était quelqu’un de très entouré. À la guerre,
il a même été encerclé. Comment ? Sa femme ? La femme de Sartre… La femme de
Sartre… euh… oui, Sartre était marié, la pauvre femme, bien sûr je la connais ! C’était…
et ben c’était, et ben c’était, et ben c’était Mme Sartre ! De Beauvoir ! Je savais, Rolande
de Beauvoir. Bien sûr, ça me dit quelque chose. Alors elle c’était pareil que lui, elle
réfléchissait beaucoup avant d’écrire. Seulement bon, ça a jamais atteint des sommets,
c’est une femme. Vous aussi vous êtes une femme ? J’ai bien vu ! [clin d’œil… il montre
125
ses muscles et prend des attitudes d’adolescent dragueur]. Ah ! [Un petit peu fatigué, alors
il s’étire…]
N’appelez pas ! N’appelez pas ! N’appelez pas ! Je m’arrête tout de suite, c’est les
hormones, c’est la puberté ! N’appelez pas !!! J’ai tenté ma chance sur Rolande parce
qu’ils ont fait Beauvoir. Est-ce que j’ai terminé ? Pourquoi, j’ai oublié des trucs ? Ah ça je
l’ai pas dit oui… Ah c’est lui qui a fait le… Ah ben en plus j’apprends des trucs alors !
Ça veut dire que je l’ai pas ? Je l’ai pas. C’est pas tellement pour moi, ben, ça aurait été
pour mon père. À la ferme je suis le seul à savoir lire. Alors si en plus j’avais eu Le bac,
alors là, houlala… On passait les vacances à Lourdes ! Mais là je l’ai pas, je l’ai pas tant
pis, je vais chercher du travail à la mine. Dès que j’aurai trouvé un autre logement. Parce
qu’avec mes logeurs, avec les Thénardier ça va pas fort. C’est à cause de ma sœur Cosette,
elle est séropositive, alors… Aïe ! Ah c’est rien, c’est encore un cancer qui débute, ça… Je
l’ai pas ? Je l’ai toujours pas ? Bon ben, au revoir madame, au revoir.
Anne Roumanoff, Internet
Et, vous savez, ça y est, je suis rentrée dans le XXIe siècle, je suis connectée à Internet. Je
surfe, je navigue, enfin, pour l’instant, je rame. Ça a commencé quand j’ai acheté
l’ordinateur.
« Euh, monsieur, je voudrais un Mac parce que P.C., ça veut dire Plante Constamment.
- Mac ou P.C., c’est pareil, madame, de toute façon, dans trois mois, votre matériel sera
obsolète. [à un autre client] J’arrive.
- Faut peut-être mieux que j’attende trois mois ?
- Ce sera pareil madame, avec l’informatique, tout va vite, tout va très très vite. »
Et c’est vrai que ça va vite, en cinq minutes, j’ai dépensé 8990 francs. En plus mon
ordinateur, j’essaie de faire tout ce qu’il me dit mais lui il fait rien de ce que je veux. Non,
mais déjà quand il me parle, je comprends rien :
« Vous avez mal éteint l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. » Qui « nous » ? Ils sont
plusieurs là-dedans ?
« L’application ayant servi à créer ce document est introuvable. » Attends, si lui il la trouve
pas, comment je la trouve moi ?
« Une erreur système est survenue inopinément. » Genre tu es une erreur système qui
passait par là : « Je suis une erreur système, je m’ennuie, qu’est-ce que je vais faire ?...
Tiens, je vais survenir inopinément. »
« Veuillez libérer de la mémoire. » Attends, je demande pas mieux moi. « Mémoire, par
ordre de sa majesté, je vous libère ».
Putain, elle est où la touche « mémoire » ? Y a pas de touche « mémoire ». Tu sais ce que
ça veut dire P.C. ? P’tit Con.
126
Non, mais il est très poli, mon ordinateur, parce que j’ai beau l’insulter, il continue de me
vouvoyer. Poli mais mauvais caractère, des fois il se braque, y a plus aucune touche qui
marche : « Bad command, invalid response. » Quand il parle anglais, c’est qu’il est très
énervé. Alors là, pour débloquer la situation je le débranche et quand je le rallume il
m’engueule : « Vous avez mal éteint l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. »
J’ai acheté une super imprimante sophistiquée. Ben manque de bol, j’ai jeté le driver
d’installation avec le carton d’emballage. Le driver d’installation pour ceux qui savent pas,
c’est la disquette que tu mets dans l’ordinateur pour lui dire qu’il est relié à une
imprimante, sinon il est pas au courant. 9000 balles, il est pas au courant. Franchement, tu
branches une machine à laver le linge dans le mur, t’as pas besoin de lui dire au mur qu’il
est relié à une machine à laver. Alors, j’appelle le dépannage. Pour les ordinateurs, ça
s’appelle la hot line, 50 francs la minute. « Vous avez demandé le service technique, ne
quittez pas, toutes nos lignes sont saturées, veuillez patienter toute la journée. » Au bout de
deux jours, j’arrive à joindre un être humain : [Voix très lassée] « Si vous êtes vraiment
pressée madame, le plus simple, c’est que vous téléchargiez directement le logiciel sur
Internet. » [elle décolle le combiné de son oreille] Là, je me suis dit « On est au XXIe
siècle, courage, télécharge ». Sur Internet, y avait une bombe avec marqué : « fatal system
error ». « Allô, mon ordinateur est sur le point d’exploser. »
Non, mais, y en a qui sont encore moins doués que moi en informatique. J’ai un copain,
dans son bureau, on lui a demandé de sauvegarder une disquette, il l’a photocopiée puis il
l’a mise dans un préservatif pour la protéger des virus. Et lui quand il a vu une bombe dans
l’ordinateur, il a coupé le disjoncteur de l’immeuble et il a appelé les pompiers. Non, mais
c’est formidable, Internet parce qu’il y a tout. Y a tout. On sait pas ce qu’on y cherche, et
on trouve tout… ce qu’on cherche pas.
Sur Internet y a les horaires des trains. Ça c’est facile. C’est http/h, le temps de taper
l’adresse sans te gourer, t’as plus vite fait d’aller à la gare. Sur Internet, tu as les dialogues
en ligne, tu peux discuter avec des gens du monde entier que tu connais pas... et que tu sais
pas quoi leur dire. Mais surtout, sur Internet, tu peux aussi écouter la radio tout en payant
le téléphone.
Moi, j’ai essayé de faire mes courses de supermarché en ligne. Au moment de payer, ils
m’ont mis : « Vous avez envoyé un formulaire de paiement non sécurisé, les informations
fournies peuvent être lues pendant le transfert, souhaitez-vous poursuivre ? » Genre « Estce que tu veux encore empirer ton découvert ? »
Non, mais je suis contente parce que maintenant j’ai une adresse e-mail. Non mais j’en
avais assez qu’on me demande : « T’as pas d’e-mail ?
- Non, j’ai un téléphone…
- Ouais mais t’as pas d’e-mail ? »
Ça me prend un temps fou d’être une internaute de la cyberplanète, parce que j’envoie des
mails, après je téléphone pour vérifier qu’ils sont bien arrivés.
- Attends, comment ça tu l’as pas reçu ? Ton adresse c’est bien canard point arobase… ah
c’est canard arobase point. Okay, ce qu’on va faire c’est que tu raccroches comme ça je te
le renvoie ensuite je te rappelle pour te dire que je te l’ai envoyé, tu regardes si tu l’as reçu
et tu me rappelles. Non, je t’envoie pas de fax, c’est plus rapide Internet !
On peut faire des rencontres grâce au web. Ouais, y a un copain y me dit :
127
« Prouve-moi que c’est utile ton Internet.
- Okay, je sais pas quoi faire cet été, je fais une recherche sur le mot « vacances ». 18795
sites à visiter. Ça va m’occuper tout l’été.
- Parce que moi je connais un site à visiter, c’est un mec très sympa. »
Bon pis, là, il a sorti son disque dur, on s’est connectés et ça a fait bug.
Anne Roumanoff, La boum
Papa, mais qu’est-ce que tu fais là ? Mais, papa, il est neuf heures et quart ! Bah il y a les
invités de ma fête qui vont arriver. Tu veux être sûr que tout va bien ? [chantonné] Mais
tout va bien, tout tout tout va bien, tout va bien sauf que t’es là. Mais non papa, elle est pas
trop courte ma jupe, c’est la mode sexy… Non, ça sent pas mauvais, c’est mon nouveau
parfum. Shampoing à la pomme, parfum à la vanille, savon à la fraise. Yves Rocher,
Kookaï, Carrefour. Mais t’inquiète pas, ça va s’évaporer.
[Sonnerie] On sonne, mais papa, mais reste pas là. Oh la honte ! [Elle regarde par le trou
de la porte] Ça va, c’est Élodie. On l’a échappée belle. [À Élodie] Salut, mon père, tu as
trop de chance de le voir, il allait juste partir… Attends, j’y peux rien, c’est pas ma faute si
il s’incruste. Ouais, bah, reviens dans dix minutes. [Elle referme la porte] Elle revient. Eh,
papa t’as vu sa jupe à elle, elle est carrément... on dirait même pas qu’elle a une jupe. Non
mais je sais pas papa, mais je veux dire, on dirait que tu ne me fais pas confiance. Ouais,
mais je veux dire papa, si toi tu ne me fais pas confiance, je veux dire mais qui va me faire
confiance sur cette planète ? Je veux dire papa, je veux dire, je suis plus un bébé, j’ai 14
ans, je suis une adulte. Mais je sais pas combien on sera papa, [chantonné] 60 ou 80, on
verra bien… Mais non papa, c’est pas de l’alcool, c’est de la vodka-orange. Attends, je
vais quand même pas leur donner du Champomy. Je sais, si y a une tâche qui tombe sur la
moquette, je nettoie tout de suite la moquette sinon je dois te rembourser la moquette avec
mon argent de poche de la semaine que tu m’auras donné. Avec quoi je nettoie la
moquette ? Je sais pas, avec de la javel.
Papa, je veux pas me mêler de ta vie de couple mais je veux dire, en ce moment, y a
maman qui t’attend pour dîner au resto. Mais papa, faut pas faire attendre la femme qu’on
aime. Tu préfères surveiller la fille que t’aimes ? Mais pourquoi tant d’amour ? Mais papa,
mais dis-moi de quoi t’as peur ? De la drogue ? Mais papa, mais la drogue mais c’était à
ton époque, maintenant, c’est le shit. Mais oui, y aura des mecs, encore heureux. Je vais te
dire, une fête sans mecs, je vois pas l’intérêt. Attends papa, t’as quand même pas peur que
je couche avec un mec ce soir ? Papa, je vais te dire, même si j’en avais envie avec les
verres à laver, les CDs, j’aurais vraiment pas le temps. Mais qu’est-ce que t’attends pour
partir ? Que je sois calmée ? Je vais te dire, je me calme en 3 secondes. Je suis calmée, je
suis calmée ! Bon écoute, je sais pas, mais faudrait qu’on ait des rapports d’adulte à adulte,
okay ?
[Sonnerie à la porte, elle regarde par le trou de la serrure] Papa, c’est Azziz, Jean-Édouard
et Steevy ! Mais en plus, c’est des Terminales, des redoublants. Papa, tu me jures, tu ne dis
rien. Ouvre ta chemise. En plus, t’es trop vieux pour passer pour mon frère. Je n’ai
vraiment pas de chance d’avoir un père plus vieux que moi.
[Elle ouvre la porte et embrasse les mecs] Ah, c’est vous ! Salut. Salut. Salut. Azziz, JeanÉdouard, Steevy, je vous présente Alex. C’est le nouveau mec de ma mère. Non, mais
128
t’inquiète, il ne parle pas français. C’est un réfugié politique belge. C’est par là, j’arrive...
[À son père] Ils l’ont cru. Papa mais ne sois pas fâché, mais Alex, ça rend quand même
mieux que Bernard. Papa, pars pas en colère [Elle le raccompagne] Eh papa, je t’aime.
[Elle ferme la porte] Il est parti, ouh ouh ouh. [Elle rejoint les garçons en chantant] It’s
raining men, alleluia, it’s raining men…
Bourvil, La causerie anti-alcoolique
Paroles : Roger Pierre et Bourvil, Editions Pathé Marconi, enregistré le 29 juin 1950.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
En tant que dégueulé, que… délégué de... de la ligue anti-alcoolique, je vous parlerai de...
de, de l’eau minérale, de l’eau fer… de l’eau ferrugineuse. L’eau fer, l’eau fer, l’eau
ferrugineuse, comme son nom l’indique, contient du fer... du fer [rire]. Et le dire, c’est
bien, mais le faire, c’est mieux ! [rire] L’alcool non, mais l’eau fer, l’eau ferru, l’eau
ferrugineuse oui !
Et je suis fer, heu... et je suis fier, de faire à cheval... euh, à cheval sur le principe une
conférence contre hoc, contre, contre l’alcool. L’alcool non, mais l’eau ferru, l’eau
ferrugineu, l’eau ferrugineu-neuse oui ! Et je suis f… Et pourquoi y a- t-il du fer dans
l’alcool ? Euh, dans l’eau ferrugine, dans l’eau ferrugineu-neuse, hum ? Parce que le fer a
repassé, heu, non, pas le fer à repasser... l’eau, disais-je, l’eau, c’est parce que l’eau a passé
et repassé sur le fer, et le fer a dissout. [rire] Il a dissout le fer. [rire] Et le fer a dix sous,
c’est pas cher, hoc, hein ?
Alors pourquoi boire cet alcool qui plus onéreux que l’eau ferrugineu,
ferru[bafouille]neuse ruine la santé et le portefeuille ? L’alcool non, mais l’eau ferrugine,
l’eau ferrugineu-neuse oui ! D’ailleurs, l’alcool brûle les tissus de l’organisme et vous le
sentez quand vous quand vous en bouvez, quand vous en buvez, ça pique ! Alors que le
vers solitaire, heu, non, pas, pas le vers solitaire, heu, heu, le, heu, le fer est salutaire [rire].
Il est salutaire, lui, le fer. D’ailleurs ne dit-on pas : une santé de fer ? hum ? Un homme de
fer ? hum ? [Presque tout bas et hésitant...] Un mammifère ?
Alors suivez-moi et comme disait mon grand fer heu, mon grand frère, il faut vivre mais il
faut pas s’en faire [long rire exagéré]. L’alcool non, mais l’eau rugine, l’eau ferrugine
ferrugineu-neuse oui !
Coluche, C’est l’histoire d’un mec…
C’est l’histoire d’un mec... Vous la connaissez ? Non ? Non, parce que par... euh parce que
par exemple euh alors euh parce que par exemple si vous voulez, non parce que par
exemple si, quand, y a des… par exemple des histoires, des mecs y… C’est… ou alors euh
des fois c’est des histoires [bafouille] ah euh [bafouille] Mais là non.
Non là, c’est l’histoire d’un mec, mais un mec bah, non non, oui, non mais c’est un mec
normal je veux dire… un blanc quoi... Oui, parce que non, parce que si vous voulez y a des
mecs, quand par exemple, si… non je veux dire par exemple quand, si vous vouliez… ça
dépend des mecs ! Parce que par exemple y a des… par exemple parce que alors… Oh le
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mec parce que non parce que par exemple… y a deux genres de mecs... Alors par exemple
tu as le genre de mec, par exemple tu as le genre de mec, le genre de mec euh... Oui, euh.
Moi, euh, oui, euh, ça, euh, oui, euh, ça euh... Et puis les mecs non, moi, non, non, non...
Alors on leur dit « Mais des fois on est obligé... » Non, non, le mec non... Alors attends,
parce que là vous allez vous marrer. [les spectateurs rient] Non, non, je vous dirai, je vous
dirai. Alors là le mec, ce serait plutôt un mec non, mais normal je veux dire... Pas un Juif...
Ah oui, non parce que ça dépend des histoires aussi... Parce que par exemple, parce que y a
deux genres d’histoires, bon par exemple... Y a des histoires, c’est plus rigolo quand c’est
un Juif... si on est... pas Juif... Ben oui, faut un minimum... Et puis y a les histoires, c’est
plus rigolo quand c’est un Belge... bah... si on est... Suisse... et puis le contraire... Si c’est
un Suisse quand on est Belge... parce que les Belges et les Suisses c’est les deux seuls qui
se rendent pas compte qu’en fait c’est pareil, c’est normal, c’est à cause de la distance qui
les sépare, ils se disent c’est pas possible, faut pas déconner... [bafouille] non, mais il se
gourent...
En fait, Mais oui, non, oui, non... J’exagère, non, oui, non, y a quand même, oui… Mettons
qu’on rencontre un vrai con en Suisse... C’est un Belge... Mais dans l’ensemble ça valait
pas le coup de faire deux pays rien que pour ça, hein ils aurait pu se débrouiller... Enfin
moi, je dis ça... je m’en fous, hein, je suis ni Belge, ni Suisse, ni Juif... Je suis normal...
Alors euh, alors là le mec euh normal aussi, mais si on préfère que ça soit un Suisse, je
m’en fous. Je veux pas m’engueuler avec tout le monde... hein...
Non, y a quand même moins d’étrangers que de racistes en France, alors... Si j’ai le choix,
je veux dire j’aime autant m’engueuler avec les moins nombreux... Bon alors un Suisse,
voilà...
Mais en tout cas, c’est pas un noir... D’abord parce que y a pas de raison pour que ce soit
toujours les mêmes qui dérouillent, et puis deuxièmement, si c’est un noir, c’est facile, un
noir, hein ? Non ! Parce que un Belge et un Suisse, on peut toujours se gourer, mais un
noir... Je veux dire, parce que… Bon, oui, je veux dire, y en n’a pas tellement, mais je,
c’est… Non, mais parce que les noirs, c’est les mecs y se, je, y sont [touche son visage, ses
mains] On les appelle comme ça exprès nous d’ailleurs, oui ben, ils le font pas
méchamment la plupart... Oui parce que nous, si vous voulez, c’est, on se dit, parce que on
se dit « Tiens [montre le dessus de sa main, puis la retourne et montre la paume] moins
là ! » D’ailleurs mais c’est… Non, mais en fait, c’est parce que on se dit « Tiens… » Mais
en fait, c’est, je veux dire, c’est [désigne son corps] euh… tout petits déjà... des fois, même
leurs parents, hein... Oui, pas tous, mais enfin la plupart...
Alors là, le mec, non normal. Alors euh, alors le mec, alors le mec... Parce que le mec, bon.
Ah oui parce que non, si quand même il y a une histoire... Déjà, que les gens restent, hein ?
C’est beau. Non, parce que si. Non, parce que c’est l’histoire d’un mec, d’accord, si on
veut... Mais c’est l’histoire d’un mec qui est sur le pont de l’Alma, le mec, ah ouais, et
c’est l’histoire d’un mec qui est sur le pont de l’Alma, d’accord, si on veut, mais c’est
l’histoire d’un mec qui est sur le pont de l’Alma qui regarde dans l’eau le mec... Pas con le
mec... Ah oui, parce que moi, je croyais pas, hein ? Ben j’ai été voir, c’est vrai, woh, t’as
les mecs sur le pont de l’Alma, euh… ils passent tous les jours sur le pont de l’alma et y
regardent pas dans l’eau, les mecs. T’as des mecs ils passent euh sur le pont de l’Alma, et
ben... Y aurait pas d’eau dessous... ils passeraient quand même. Et c’est con parce que nous
on passe sur les ponts à cause qu’y a de l’eau dessous... on irait pas faire un détour, pas que
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ça à foutre non plus... Alors les gens y disent « Ah ben, on sait pas où passe notre
pognon ! », y regardent pas.
Alors là le mec, y regarde, y regarde tout ça et puis ça l’intéresse tout ça, bon... Alors au
bout d’une demi-heure, parce que normalement ça dure une demi-heure, mais moi j’abrège
parce que, on va pas passer une demi-heure avec une histoire aussi courte. Alors, non,
enfin, je veux dire... On va pas… enfin, y a d’autres trucs… Au bout d’une demi-heure, y a
un autre mec qui arrive, normal aussi, hein. Blanc. Il arrive et alors qu’est-ce qu’y voit ? Y
voit un mec qui est là depuis une demi-heure et qui regarde dans l’eau, dis donc, le mec,
hé... [rire] Alors le mec, parce que, bon je veux dire y… parce que... parce que maintenant
y a deux mecs... Ah non, prenez des notes parce que je vais pas répéter...
Alors y dit, alors parce que le mec, parce que le mec, alors y dit, alors y dit… « Hé, dites
donc, qu’est-ce que vous faites à regarder dans l’eau, hé ? » Y dit, le mec... Au Suisse...
Alors y dit… « Qu’est-ce que vous faites à regarder dans l’eau ? ». Alors, l’autre, y dit
« Ho ben, je suis emmerdé parce que j’ai laissé tomber mes lunettes dans la Loire »...
Parce que le pont de l’Alma c’est sur la Seine... Ah, ça, si on sait pas, on comprend que
dalle... Ouais ouais, à cet endroit-là, c’est la Seine... Alors euh… alors le mec, parce que
quand même faut pas prendre les Suisses que pour des cons... Non, y a des Belges dans le
tas... alors le mec, non, y a de tout d’ailleurs, alors le mec y dit, parce que le mec, c’est déjà
quand même… faut, alors y dit « Ho... hé... c’est pas la Loire, c’est la Seine, hé »... [rire]
Elle est rigolote hein... Non mais elle est pas finite là, oui oui... Alors le mec y dit, parce
que l’autre y lui dit c’est pas là... [bafouille] Je l’ai déjà dit... Alors non, alors, c’est là
qu’elle est rigolote, l’histoire. Alors, le mec, parce que y dit [bafouille] bon alors, alors
attends, alors l’autre y dit… Non, non, merde, non c’est déjà pas facile. Non, suivez…
Bon, je reprends. Alors y dit… Non, pas tout, hein. Alors, y dit, parce que si vous voulez
[bafouille] bon alors [bafouille] alors l’autre y dit [bafouille] bon alors l’autre, alors le mec
alors, parce que alors l’autre y dit « Ho, ben vous savez, moi, sans mes lunettes »... Elle est
rigolote, hein ?
Coluche, L’ancien combattant
Je me présente : Dumoulin ! Je m’appelle Dumoulin, mais les copains m’appelaient
Duboudin parce que chaque fois que j’entrais dans la chambrée, y en avait toujours un qui
chantait : « Tiens voilà Dumoulin, voilà Dumoulin... » Elle est très bonne. Wah, nom da
Dieu. Oh, voyez, faut pas se plaindre, on n’est pas les plus malheureux ! J’avais un copain
y s’appelait Cocu. C’est agréable ! Il osait pas se marier, dis donc. Pourtant, il en avait
trouvé une qui voulait bien. C’est peut-être pour ça qu’y voulait pas ! Alors pour se donner
du courage, y s’étaient cuités tous les deux. Il est arrivé devant le maire avec sa promise
bourrée. Tiens... D’habitude, ça fait rigoler ça, promise bourrée. [bafouille, cherche] Ah
non ! Cuitée ! Promise cuitée, c’est « promise cuitée » qui fait rire ! Ça fait rien, partez pas,
je vais vous la refaire. Alors il est arrivé devant monsieur le maire avec sa promise
complètement cuitée... Ça fait rien, laissez tomber !
Wah nom da Dieu. Il est mort en 14, au début de la guerre. Il a toujours gagné ça, il a pas
vu la suite. Il avait été blessé au front... Non, pas à la tête, aux pieds. Ah ben ça rigolait
pas ! Moi qui vous cause, j’ai été blessé deux fois : une fois à l’abdomen, une fois à
l’improviste. Lui, il avait eu le pied arraché par un obus de passage. Wah nom da Dieu !
131
Alors on s’était dit : « On va y couper la jambe le plus haut possible pour éviter que ça
s’infecte au genou, hein ? ». Pis comme on n’avait rien pour l’endormir, on s’est dit : « On
va y crever les yeux pour que le malheureux y voie pas sa misère ». On lui a crevé les yeux
pis on y a dit : « On te racontera ». Pis finalement, on a pas eu besoin de lui raconter, il est
mort pendant qu’on y cassait l’os... avec les dents ! Mais on n’avait rien !
Ah ben eh, c’est que la guerre de 14, c’était pas les vacances, hein ? Heureusement dans un
sens parce qu’il a pas fait beau. On se disait toujours comme ça : « Ah ben ! Y fera beau
demain ». Et beng ! La flotte ! Remarquez faut pas se plaindre, au Pakistan, y se disent
toujours : « Ah ben ! On aura une meilleure récolte l’année prochaine ». Et beng, la dèche !
[tousse] Elle est très bonne... Wah nom da Dieu.
Ah ben, on a souffert, hein ? On a souffert de l’odeur, mon gars, on a souffert de l’odeur !
Ben, vous savez ce que c’est. Les premiers montent à l’assaut. Y se font tuer à 3 mètres, et
après ça pue pendant toute la guerre, hein ! Parce que tout le monde y disait : « Le front !
Le front ! ». Mais quand on est arrivés, nous, il existait pas le front, il a fallu qu’on le
fasse ! On est arrivés là, nom da Dieu ! Les Allemands étaient à 100 mètres de nous. On
leur a dit :
- On fait le front là !
- Ya !
- On se met ici, on creuse !
- Ya, Aufwiedersen !
- Oui ! c’est ça. Aux fines herbes.
On a fait notre tranchée, y ont fait la leur. Ça a bien duré trois mois qu’on était à découvert.
Pendant ce temps-là, on se tirait pas dessus, sans ça on n’aurait pas pu finir la guerre. Faut
être raisonnable, quand même hein !
Alors, pendant la guerre de 14, ma foi, tant qu’on a eu des munitions, ça allait encore mais
c’est qu’après... ils ont commencé à nous jeter leurs bouteilles de bière. Alors j’ai gueulé !
J’ai dit : « Merde ! Y pourraient quand même avoir des poubelles ! ». Alors nous, on leur a
jeté nos boîtes de corned-beef. Vous savez, des petites boîtes rondes qu’on avait, comme
ça, kaki dehors, voyez, et caca dedans. Alors on leur en a foutu toutes pleines dessus la
gueule. C’était des vieilles qu’y nous laissaient depuis la guerre de 1870, déjà... Ben y en
avait beaucoup. Il en est resté assez pour faire la guerre de 40 ! C’est seulement quand on
est arrivés en Algérie qu’on leur a dit : « Les gars, on vous laisse l’Algérie et vous nous
reprenez le corned-beef... » Ils sont repartis avec et c’est plus tard qu’ils l’ont revendu à
Jacques Borel. Mais ça…
Élie Semoun, Le dragueur
[Fond musical]
Bonsoir ! vous êtes Micheline, divorcée sans enfant, pas sérieux s’abstenir... Je suis JeanLuc… Prêt à tout pour faire battre ton cœur, libre de suite et plus si affinités... [Fond
musical] Tu ne t’assois pas ? Bah fais comme moi, prends une pouffe. Enfin, je veux dire,
prends un pouf...
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Tu fumes ? Ah ! J’en ai plus que 4... Tant pis ! On prend un drink ? Tenancier ? La carte
des cocktaïïls ! Alors vous allez me mettre… un branleur !... Laisse ! Je vais choisir pour
toi ! Qu’est-ce que je vais bien pouvoir te mettre ?... Alors, 75 francs, 95 francs, quand
même hein !... Un verre d’eau pour la demoiselle.
C’est la première fois que je fais les petites annonces. D’habitude, c’est pour trouver des
pièces détachées de mobylette alors, euh… C’est marrant, je ne t’imaginais pas comme ça,
remarque ça tombe bien, j’aime pas les mannequins ! Non je préfère les filles dans ton
genre, au moins on est sûr de ne pas se les faire piquer ! Et moi ?... Pas trop déçue ?...
[Fond musical]
Quoi ? Qu’est ce qu’il y a ? Quoi ? Hein ? Ah oui, j’aime bien me mettre un bout de salade
sur les dents. Oui, c’est ma blague préférée ! Ah oui, j’oubliais... j’adore l’humour ! ah !
ah ! ah ! ah ! ah ! On est fou ! Tu veux essayer ? Ça me plaît que tu me résistes !...
Tu vois Micheline... C’est ton vrai prénom Micheline ? Ah non, non comme ça ! Tu sors
de chez le coiffeur là, non ? Ah non, non, je dis ça parce que souvent, quand on sort de
chez le coiffeur on est un peu déçu, pas toi ?...
Tu vois Micheline... J’ai du mal à m’y faire ! Ça fait 5 minutes qu’on se raconte un peu
notre vie, tous ces petits tous qui font ces petits riens, c’est vrai ! J’ai déjà envie d’écrire un
poème sur toi... [Fond musical] Ça s’appellerait Micheline et les concombres !... Ce serait
l’histoire d’une fille qui te ressemblerait, enfin qui serait maquillée comme toi, enfin en
mieux hein ! et qui vendrait des concombres !
On danse un blues ? Ah… c’est fou la vie... Si ça se trouve, on va coucher ensemble ce
soir, alors qu’on se cossait… alors qu’on se… [fou rire réprimé] Ça arrive Micheline tu
sais, oui, quand on est fatigué, exact. [Rire] C’est moche, ce qui m’arrive en ce moment,
Micheline. Ça va, toi ? [Au public, toujours réprimant son rire] Ça fait gagner du temps
mais ça sert à rien. Tu vois, Micheline, je savais que ça commençait comme ça… [Se
calme]. Si tu me demandais de te faire l’amour, là, tout de suite, dans ma petite chambre de
bonne, qui est à deux pas d’ici pourtant ! ben je te dirais non ! Non Micheline, prenons le
temps de faire connaissance, attendons une petite demi-heure...
Ooooh ! Micheline, mais qu’est-ce qui nous arrive ? Et si on prenait un avion et qu’on
partait sur le mont Saint-Michel, courir à la vitesse d’un cheval au galop contre la
marée ?... Ah ! on est fou !...
Tiens, j’ai envie de te donner une note !... 8 ! Sur 20 ! Oui, oui ! T’aurais mis un autre
parfum, c’est sûr tu aurais eu la moyenne !... [Il regarde sous sa chaussure, sourit de
culpabilité].
Est-ce que tu aimes les animaux Brigitte ? Moi mon animal préféré, le lapin, je sais pas
pourquoi ! Comment ? Quoi ? Qu’est ce qu’il y a ? Je t’ai appelée « Brigitte » ? Ooooooh !
« Brigitte », « Jocelyne », « Micheline », c’est tellement laid tout ça !...
Tu aimes le Scrabble ? Non, parce que j’ai un ami qui organise des partouses de Scra... des
parties de Scrabble.
133
Oh, là, là... Je suis trop romantique, un jour, un jour ça me perdra. [Son portable sonne
avec une sonnerie d’ancien téléphone] Ah ! Excuse-moi... J’ai été l’un des premiers à les
acheter alors... « Allo ! Oui ! Qui me dérange là ? Ah, c’est toi chérie ! Euh ! C’est toi
Thierry ! Oui, non je suis sur un gros dossier là, euh, non une fin de série, oui, non, je
pense en avoir pour deux heures, oui remarque une heure ça devrait suffire, oui je... Oui,
oui, les enfants sont couchés ? Je t’ai... je t’apprécie !... »
Ah ce boulot ! tu sais, nous les chefs d’entreprises, c’est un jour à Rio, un autre à de
Janeeeeiiiro !
Non, je travaille actuellement au ministère de la NASA. Oh ! on est sur un projet, pour
envoyer une fusée sur la Lune ! Comment ? Ça a déjà été fait ? Ah, non je crois pas, on
aurait été au courant !...
Hou là, là, mais faut qu’on nique ?! Quooi ? Qu’est-ce qu’il y a ? Attends, tu crois que je
t’ai juste invitée pour te payer un verre d’eau ? Mais je suis pas un goujat quand même !...
Ben ?! Ben ?! Ben ?! Attends ben reviens ! Micheline ! Brigitte ! Bre... T’as pas payé ta
part !...
Ah, je suis trop fleur bleue !... « Allo Martine ? Oui, c’est moi, écoute, la réunion vient de
s’annuler, je suis là dans un quart d’heure... Martine ? Tu m’aimes ? »... [fond musical]
Jean-Marie Bigard, Les expressions
Alors que nous dans les pays riches, nous, chez nous on se souhaite « Bon appétit », nous.
C’est vrai, nous on a à manger dans l’assiette. Si on est venu à table, c’est sûrement parce
qu’on avait faim, quoi. Et alors y reste une vieille angoisse qui plane sur nos tables à nous,
c’est : est-ce qu’on va avoir de l’appétit ? Ça, ça nous fout les jetons, ça ! Alors on
s’encourage les uns les autres, on se dit :
« Allez, bon appétit ! » On y croit, on se bat ! On va pas se laisser emmerder par une
blanquette de veau, tu vois. Parce que d’accord on a eu de l’appétit ce matin, on en a eu à
midi, mais ce soir, on n’est pas à l’abri ! Ça, on fouette avec l’appétit, nous, hein ?
C’est marrant, ça, les expressions. Y en a plein d’autres d’ailleurs, j’en donne une paire :
Vous vous pointez au resto avec un copain, par exemple, vous arrivez, le garçon, y vient
vous accueillir, y dit : « C’est pour dîner ?
- Non, c’est pour faire un tennis, connard ! Vous avez des cours de libres non ? Non. Bah
on va dîner à ce moment là ! »
Et après il insiste, y dit : « Deux couverts ?
- Non mon pote il va manger avec ses doigts et puis, moi, je lui repasserai la fourchette, de
temps en temps, connard ! ».
Attention, attention, attention, des fois c’est le client qui est con quand même, hein. Des
fois le client il prend le menu et il dit : « Il est frais, votre poisson ?
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- Non, il est pourri depuis 4 jours mais on va essayer de le fourguer quand même ! C’est le
jeu ! » Tout ça je vous le donne, vous pouvez le ramener chez vous, je vous le donne,
cadeau. »
Tiens, un autre exemple, vous êtes invité à une soirée chez quelqu’un. Vous arrivez, la
maîtresse de maison, elle vient, elle ouvre la porte et elle fait : « Ah c’est vous ? » Déjà si
ça avait pas été toi, elle aurait peut-être pas ouvert, déjà, tu vois.
Alors toi, t’as amené un bouquet pour être poli et alors dès qu’elle voit le bouquet elle se
met à hurler à la mort, elle fait : « Ah des fleurs !!! ». Parce que d’habitude on doit lui
offrir des carottes râpées ou des boulons, ou des roues de bagnoles, donc là elle est
vachement étonnée c’est des fleurs ! On ne lui avait encore jamais fait le coup, tu vois !
Alors tu rentres quand même. Et pis là à gauche t’as les chambres à coucher, à droite t’as la
cuisine et devant t’as une pièce pleine d’invités et là elle croit bon d’ajouter : « C’est par
là » pour le cas où tu aurais voulu dormir une heure ou deux avant ou si tu voulais aller
faire un peu de vaisselle avant.
Alors après elle insiste, elle dit : « Si vous voulez bien me suivre… ». Un peu que je veux
la suivre ! Je ne me suis pas tapé deux heures d’embouteillages dans Paris pour craquer à 3
mètres du bol de sangria quand même !
Alors y a pire, y a pire, parce que une fois à l’intérieur tu rencontres un autre copain qui te
dit : « Ah tu as été invité aussi ?
- Non, non, j’ai cassé un carreau pour rentrer, connard !, j’y dis. Entre nous, si j’étais venu
pour recoller la moquette tu crois que j’aurais mis un smoking ? »
Y en a plein, tout ça, je vous le donne, cadeau ! Tiens, encore quelques autres, parce que
j’en trouve une tous les soirs en ce moment, c’est facile : tu rencontres un copain dans la
rue et il te dis : « Tiens, t’as été chez le coiffeur ?
- Non, non, ils sont tombés tous seuls cette nuit » ou alors :
« Tiens t’es rentré de vacances ?
- Non, tu vois bien que j’y suis encore, connard ! »
Y a aussi le fameux : « Faites comme chez vous !
- Ah, ben ça va être un beau bordel dans 5 minutes, hein. »
Et c’est même dangereux parce que l’autre jour, l’autre jour, je suis rentré dans une
boulangerie, j’ai dit : « Bonjour madame, est-ce que vous avez des grosses miches ? » Et
ben elle m’a mis un pain dans la gueule, hein ! Faut se méfier…
Tout ça, je vous le donne, vous pouvez le ramener chez vous. Voilà ! [un assistant lui passe
une bouteille d’eau depuis les coulisses, il s’apprête à boire] Personne, non ?
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Muriel Robin, La solitude
[Dalida chante] Avec le temps... avec le temps, va, tout s’en va et l’on se sent blanchi
comme un cheval fourbu et l’on se sent glacé dans un lit de hasard et l’on se sent tout seul
peut-être mais peinard…
Ça, c’est sûr : quand on est tout seul, on est peinard. C’est peut être même le seul avantage
d’ailleurs, parce que sinon... qu’est-ce qu’on se fait chier !
Moi, je vois, si je suis seule – à compter que je sois seule – j’ai compté : je suis seule – et
bien si je suis seule, c’est un choix. Ah ben non, c’est un choix, on ne peut pas imposer ça
à quelqu’un. Moi, on m’aurait dit : « tu vas vivre seule toute ta vie », je demande tout de
suite où est le gaz. Enfin, là, c’est pas le cas, moi, j’ai choisi la solitude. Et quand je dis que
j’ai choisi la solitude, je pourrais aussi dire que j’ai choisi la liberté... de choix... d’être
seule ! Je fais comme je veux, je ne demande rien à personne. Et personne ne me demande
rien ? C’est pas faux non plus... Non, mais enfin, je préfère vivre seule que mal
accompagnée... Comment ? Bien accompagnée ? C’est autre chose... Non mais, si c’est
pour sortir, rencontrer des gens qu’on ne connaît même pas, moi je préfère rester chez moi,
devant ma télé avec mon petit plateau, personne pour me dire « la 2 », « la 3 », « le foot »...
De toute façon, on se disputerait pas : je la regarde jamais la télévision, alors. J’aime pas
ça. En revanche, j’aime bien écouter la radio... Et j’aime bien écouter la radio devant mon
petit plateau télé... beaucoup moins intéressant dans l’autre sens : je ne regarderais pas la
télé devant un petit plateau radio, vous voyez !
Non, et puis, vivre seul ou à deux, c’est enfin, c’est pareil, ça n’a pas de rapport, ça ne
change pas les choses, comment vous dire?... Un truc qui est beau, il est beau. C’est vrai,
on ne regarde pas avec les yeux de l’autre. Moi, par exemple, hier, je suis allée voir une
exposition, toute seule, comme une grande, bon.... Ben qu’est-ce que je me suis fait chier.
J’ai peut-être pas pris le bon exemple !!!
Bon, mais vivre seule, y a quand même des avantages. Lesquels ?... À deux aussi, y a des
inconvénients ! Moi quoi qu’il en soit, je ne cours pas après la sexualité... Elle me le rend
bien, faut dire ce qui est ! Non, mais c’est vrai, c’est pas mon truc, c’est pas mon truc, c’est
pas mon truc ; chacun son truc, c’est pas le mien. Je vais pas me forcer... Manquerait plus
que ça. Non, moi, je mets mon énergie ailleurs : je fais du vélo-camping. Ah, ça, c’est très
très très sympa, hein. Moi, l’été dernier, je m’étais fait un très très joli parcours : j’ai fait
Vittel, c’est ça, après, j’ai fait une grande boucle, et je suis remontée, après, je suis
repassée par Mantes, c’est ça, vittel-menthe, et vous qu’est-ce que vous prenez ? Je
plaisante... Vaut mieux rigoler, hein. Et moi, pour la rigolade, je suis pas la dernière... je
suis pas dans le peloton de tête non plus, mais enfin, je suis pas la dernière. J’aime bien
tout ce qui est comique... dans le sens humoristique bien sûr, hein. Ah oui, j’aime bien tout
ce qui est blagues, rébus, calembours, charades, même les puzzles, j’adore ça, hein ! Je
voudrais quand même revenir sur une chose : quand je dis que je vis seule, ça ne veut pas
dire que je ne vois personne. Ah, non, j’ai des amis, j’ai des amis... oui, oh quand même,
j’ai des amis… au bureau.
Oui des amis, et puis c’est très très sympathique. Je vois par exemple, hier Yvonne n’avait
plus de papier, elle est venue m’en demander, je l’ai dépannée, c’était TRÈS sympa ! Mais
en revanche, je ne les vois pas à l’extérieur, on ne se voit pas et j’aime bien parce qu’ils ont
un vrai respect pour ma vie privée : ils me téléphonent jamais, ils me disent pas quand ils
sortent, bon je le sais toujours parce que le lendemain ils en parlent, mais vraiment ils
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respectent ma vie privée, j’aime ça. Oh oui, j’ai une vie privée... privée de tout, c’est vrai,
mais privée quand même ! En ce moment, on rigole au bureau : c’est le jeu des surnoms.
Ça n’arrête pas. Alors, Jean-Claude, c’est le distrait, il est toujours distrait ; Jacqueline,
c’est la jacasse, elle parle toute la journée, elle saoule un peu ; y a Nez rouge, bon, il a
toujours le nez rouge ; et moi, comment ils m’ont appelée déjà... ah oui ! Tronche de cake !
Je sais pas où ils vont chercher tout ça, mais alors, on s’amuse bien, hein. Non, et puis
enfin, moi, je ne suis pas vraiment seule : j’ai maman. On se voit beaucoup avec maman.
Cette année, je vais refaire mon anniversaire avec elle... Enfin, j’espère, parce que l’année
dernière on devait le faire ensemble, et puis, il m’en est arrivée une encore... J’arrive chez
elle, elle avait tout préparé, les petits plats dans les grands, ça se présentait mais,
merveilleusement bien. Il faisait très chaud dans la maison, j’ouvre la fenêtre pour aérer. Y
a un terrain de sport juste en dessous. L’amicale avec les gamins qui jouaient au foot, je
sais pas pourquoi, j’ai passé la tête à un moment, je me suis pris un ballon de foot en pleine
poire ! J’ai le nez qui a carrément éclaté, le menton accroché à la rambarde : une patate
pendant trois semaines. Oh non, ça s’est mal goupillé, hein, c’est vrai. Oui, ben cette
année, on crèvera tous sur place s’il faut, mais avant que j’ouvre la fenêtre, ils peuvent
attendre. J’étais défigurée carrément, ah non.
Pourquoi je vous dis ça ? Les anniversaires ! Y a les Noëls aussi. Ma mère, les Noëls, elle
les fait pas. Elle dit que ça coûte trop cher. C’est vrai que ce n’est pas donné, mais on n’est
pas obligé de manger du caviar non plus... Moi, je vois, l’année dernière, je m’étais fait une
petite côte de porc, avec beaucoup de jus, j’adore ça. En légume, qu’est-ce que j’avais mis,
déjà ? Ah oui bien sûr, du chou-fleur, et en dessert, la bûche ! Une petite tranche de bûche
pour la tronche de cake ! C’est vrai, ce qui compte pour Noël, c’est la bûche... La dinde ?
La dinde d’accord, mais moi toute seule, je peux pas me la descendre ! Si c’est pour être
malade, c’est pas la peine ! Moi, je dis « Noël, faut que ça reste une fête ! » J’ai une manie,
tous les ans depuis très longtemps, je garde toujours le petit père Noël, la petite hache, les
petits trucs en plastique dessus, je grave l’année avec un couteau, je les range, et comme
ça, pendant l’année, des fois je les ressors, et je me rappelle... C’est chouette, hein ? J’ai
regardé, cette année, Noël, ça tombe un mardi. Mardi, c’est bien, comme ça, y a pas de
pont. La Toussaint, elle tombe quand elle veut, de toute façon, on s’en fout, y a pas de
cadeaux ! Ah oui, parce que moi j’aime ça, les cadeaux, hein. Oh, l’année dernière, je me
suis gâtée, comme j’adore la musique classique, je me suis offert l’intégrale de
Clayderman... Ah oui, l’intégrale. Et puis alors des disques, je m’y attendais pas du tout…
On n’a pas sonné, là ? Non, c’est au-dessus ! Je crois toujours que c’est chez moi ; c’est
ridicule : j’ai pas de sonnerie. Ben, non, j’en n’ai pas mis, j’en n’ai pas l’usage, quand
même pas sonner pour rentrer chez moi ! Au-dessus, c’est une femme, comme moi. Elle vit
seule, comme moi. Elle a l’air d’être très heureuse...
Muriel Robin, Le répondeur
[Ah… Moi, j’avais dit que ça se présentait pas trop mal, de toute façon. Qu’est-ce que c’est
bon… Moi, j’adore ça, alors… Je laisserais ma place pour rien au monde, hein. Je vous le
dis. Merci beaucoup, vraiment.] Alors, j’attends quelques coups de fil, , alors je vais
brancher mon répondeur pour qu’on soit pas dérangés. Alors, j’ai simplement besoin de
refaire mon message donc je vous demande le silence 2 petites secondes, hein, ça va bien
sûr être très rapide. Je me dépêche, hein. J’en ai pour deux petites secondes.
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[Elle enregistre, parle extrêmement vite] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, je ne
suis pas là pour le moment mais laissez-moi un message avec vos coordonnées, je vous
rappellerai dès mon retour. Vous pourrez parler après le bip sonore qui va suivre, merci
d’avoir appelé au revoir et à très bientôt. [Elle coupe l’enregistrement.] Alors, on l’écoute
pour voir ce que ça donne. [Elle écoute l’annonce]. Ouh ouh ah ah ah. Et ben, moi je tombe
sur un truc comme ça déjà, je peux te dire que je ne laisse pas de message et à priori,
même, je ne rappelle plus jamais de ma vie, oui ! donc je vais peut-être le refaire, hein. Je
voudrais pas perdre tous mes amis, non plus… Non, non, hein, je le recommence, hein, je
vais faire un truc plus… plus, plus souple, hein, je… Je voulais pas vous faire attendre,
mais… Je me dépêche, hein.
[Elle enregistre] Bonjour, et bien, et bien oui vous êtes bien chez Muriel Robin, tagada
tsouin tsouin, je ne suis pas là pour le moment, je vais revenir, alors laissez-moi un
message avec vos pouet pouet coordonnées, et je vous rappellerai dès mon diling ding ding
ding retour. Vous pourrez parlez après le mda da mda da mda mda mda da bip sonore.
[Elle se met à chanter tout en parlant] Merci d’avoir appelé, au revoir et à bientôt… [Elle
coupe l’enreigstrement] Ah… Il est un peu chargé, on peut le dire. En même temps, j’étais
partie alors… C’est pas grave, il fait jeune, il fait dynamique. Alors… On écoute [Elle
écoute l’annonce, parle pendant l’écoute] Un petit peu pénible quand même… [Avant la
fin] Ta gueule !! C’est vraiment insupportable, hein, pire que l’autre. Pis vous, vous me
laissez bien faire, hein, pouet pouet, hein, ouais, je vais en faire un autre qui va être pire, et
pis voilà, et pis je vais passer la soirée sur un truc comme ça. Bon, je vais faire le classique,
le traditionnel parce que sinon, on va pas s’en sortir. J’y vais, alors là, y en a vraiment pour
deux minutes.
[Elle enregistre] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, je ne suis pas là pour le
moment, mais laissez-moi un message avec vos conoréné... avec vos coordonnées bien sûr
et je vous rappellerai dès mon retour. Vous pourrez parler après le bip sonore qui va suivre
merci d’avoir appelé au revoir, à très bientôt. [Elle coupe l’enregistrement] Voilà ! Je vais
le brancher, comme ça on sera tranquilles. Sur « coordonnées », j’ai un peu…
crognocrogné. Non, je m’en suis rendue compte, c’est pas la peine de faire « eh ah ah ah ah
ah ». Je le laisse. On comprend très bien ce que ça veut dire de toute façon, hein, ouais, pas
très… Non, on comprend, hein ? On va le recommencer, ça va me contrarier cette histoire,
maintenant. Coor-, coordonnées, c’est pas compliqué de dire « coordonnées » en plus…
Non pas cordonnier, ça veut rien dire, ah non ! Laissez-moi vos cordonniers, non, ça n’a
aucun sens ! Donc, coordonnées, on est bien d’accord, hein ? Coordonnées, coordonnées,
coordonnées.
[Elle enregistre] Bonjour, vous êtes bien chez coordonnées. [Elle arrête l’enregistrement]
Bien, on est bien partis, on recommence tout de suite…
[Elle enregistre] Bonjour, euh, je sais pas, VOUS ETES BIEN CHEZ VOUS ET BIEN
RESTEZ-Y !!! [Elle coupe l’enregistrement] Je vais pas passer 3 plombes sur ce truc !
[Elle enregistre involontairement] pour trois connards qui vont téléphoner. [D’un ton
agressif] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, je vais revenir, alors laissez-moi un
message avec vos co-ordonnées, je vous rappellerai dès mon retour. Vous pourrez parler
après le bip sonore qui va suivre. Merci d’avoir appelé, au revoir et à très bientôt. [Elle
coupe l’enregistrement] Il est agressif, je dis pas le contraire, tant pis. Mais enfin, il est
complet, il y est. Hein, voilà ! On l’écoute, et on s’en est pas trop mal sorti. Je peux vous
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dire ça aurait pu être beaucoup plus long, mais enfin, c’est pas grave, j’ai l’habitude. [Elle
écoute l’annonce] « Pour trois connards qui vont téléphoner... ». Je vais le mettre là [sous
son bras], pour qu’il se repose. En même temps, vous ne m’aidez plus beaucoup parce que
je ne vous sens plus très concentrés… Non, allez, c’est un petit peu un travail d’équipe,
maintenant. Alors, allez, non, allez, on s’accroche, on va le faire ce message, hein, allez !
On y croit, eh oh oh eh oh. Allez les gars, allez les filles !
[Elle enregistre, ton saccadé] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin. Je ne suis pas là
pour le moment mais... laissez-moi un message avec vos co-ordonnées et je vous
rappellerai dès mon retour. Vous pourrez parler après le bip sonore qui va suivre. Merci
d’avoir appelé. Au revoir et à très bientôt... [Elle coupe l’enregistrement] Et bien voilà, on
le tient, on va se l’écouter pour le plaisir celui-là. [Elle écoute l’annonce] « [parasites] et à
très bientôt. »
J’ai hésité à l’acheter cet appareil. « Prends pas ça, ça va t’énerver ! ». Ça coûte quand
même 1 500 balles. Et ben moi, je trouve que c’est un petit peu cher pour cette MERDE !!!
Bien, et ben on va recommencer. Au bout d’un moment, on va y arriver. Alors [Elle
enregistre] Bonjour, vous êtes bien chez comment elle s’appelle la fille déjà ? Muriel
Robin, ah oui, c’est ça. Je ne suis pas là. Non, vous ne vous êtes pas trompés, simplement,
c’est moi qui vais pas très bien en ce moment, j’ai un petit passage à vide. On s’est un peu
accrochés avec Bernard, euh… Bon de toute façon, vous savez que j’ai mon caractère, bon,
je vous laisse. Au revoir à tout le monde, bonjour à mémé. [Elle coupe l’enregistrement]
Bon, je vais faire un message lus court, plus direct, sans détails. Je vais dire le principal, et
pis, hein, et pis je vais vous dire que les gens comprendront. Je vais faire comme si je m’en
occupais pas hin, hin [chantonne, énervée]
[Elle enregistre] Bonjour, Muriel Robin, répondeur, message, coordonnées, bip sonore,
allô, merci. [Elle coupe l’enregistrement]. Voilà, c’est pas dans l’ordre. [Elle écoute le
message] « Bueños días, està bien a la casa de Muriel Robino pero la señora no està aquí.
Hable après el bip sonore, ciao. ». Y A QUELQU’UN LÀ-DEDANS ? On va y arriver !
[Elle enregistre, très énervée] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, c’est vrai. Je ne
suis pas là pour le moment, c’est vrai aussi ! Mais je fais ce que je veux… Alors vous me
laissez un message avec vos coordonnées si vous les avez sur vous, sinon tant pis, vous
n’aviez qu’à ranger vos affaires. Et vous parlez après le bip sonore ou avant ou même
pendant, moi j’en ai rien à CARRER !
Patrick Timsit, La grossesse
Non mais j’attends un bébé. C’est vrai ma femme est enceinte, alors moi, forcément du
coup, j’attends un bébé. Quelle angoisse ! Non mais, on dit les femmes, mais qui pense aux
mecs dans cette histoire ?
C’est très angoissant d’attendre un bébé pour un homme, on a exactement les mêmes
symptômes, les envies tout ça c’est pareil.
Tout de suite on a des envies. Moi la première envie que j’ai eue, c’est de me barrer. Non
mais, elle porte le bébé pendant neuf mois, et nous on la supporte pendant neuf mois... Plus
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elle fait des montées de lait, plus je fais des descentes de vodka, je ne reste pas là sans rien
faire.
Et les questions qu’on nous pose : « Elle est enceinte ? De qui ? », et voila encore une
angoisse. Est-ce que je suis le père ? Remarquez, on le saura tout de suite, j’ai un physique.
Ça, c’est l’avantage d’avoir un physique, hein ? D’un autre coté, j’ai un physique, je ne
sais pas si ça ira à une fille.
D’ailleurs qu’est-ce que ça va être ? Garçon ? Fille ? Les gens me demandent toujours
« Qu’est-ce qui te ferait le plus plaisir ? ». Moi, ce qui me ferait le plus plaisir, c’est un
labrador. C’est pas possible, bah, un capitaine haddock en plâtre alors, ah mais j’y connais
rien moi, c’est le premier. Un homme c’est très con tant qu’il a pas eu d’enfant. Non, en
fait, je m’en fous, garçon, fille, c’est pas grave, je prends ce qui vient. Si c’est une fille, on
en fera un autre.
[rire] Et puis, le môme, va falloir lui… [remarque un rire particulier au premier rang] Petite
locomotive au premier rang là, ah ah, tchtchtchtchtchtchtch, non, non, ça va aller, ça va
aller. Attention, me déclenchez pas, hein, me déclenchez pas [fou rire réprimé]. Non non,
mais on va se calmer tous les deux, voilà, ça va s’arrêter, hein. Forcément, si ça s’arrête
chez vous, ça m’arrête. Ah ah, voilà ! [regard avec le spectateur]. Le môme, va falloir lui
trouver un prénom. Mon père voudrait qu’on l’appelle Dominique. C’est bien
« Dominique », ça marche pour les filles et les garçons. En fait, mon père, c’est surtout
qu’il a trouvé une gourmette en or avec marqué « Dominique » dessus ! Heureusement
qu’il n’a pas trouvé un collier anti-puces… « Sultan », pour un gamin ça handicape dans la
vie. J’ai essayé de piocher un prénom au hasard dans le calendrier avec une fléchette,
j’avais peur de tomber sur « Armistice » ou « Mardi Gras », enfin si je m’étais écouté, il
s’appellerait Imprimerie-Leduc-à-Saint-Cloud Timsit. Je suis pas très bon aux fléchettes, je
suis meilleur tireur que pointeur, hein. Tout le monde a apprécié ?
Non, mais depuis qu’elle est enceinte, faire l’amour c’est pas évident, on est trois, je me
sens espionné, et après, comment expliquer au gamin qu’il ne faudra plus qu’il rentre dans
la chambre ?
Et qu’est-ce qu’on dort mal, qu’est-ce que ça va être quand il sera né ? Le biberon de
minuit, celui de trois heures, de six heures : elle va me réveiller à chaque fois qu’elle va se
lever ! Elle a des nausées, elle les a eues très tôt les nausées, pendant les rapports déjà elle
vomissait… Et le môme, va falloir lui préparer son coin, sa gamelle, une caisse pour ses
besoins. Ah mais, je connais pas les termes techniques, moi, c’est le premier, je ne sais
même pas ce que ça mange. En plus moi je suis jaloux, je ne vais jamais pouvoir supporter
de le voir toute la journée sucer les seins de ma femme. Déjà que j’y ai pas droit.
Non mais attendre un môme pour un homme c’est très angoissant. Pour me rassurer, ils lui
ont fait faire une échographie, c’est un supplice, ça fait un mal aux yeux cet écran. On dit
qu’on ne voit pas bien moi je dit qu’on voit trop ; les boyaux, la rate, le foie, tu loupes rien.
Ah, je connais tout de ma femme, la beauté intérieure maintenant je sais ce que c’est. Y a
pas beaucoup de nanas qui sont gaulées comme le foie de ma femme. Ce que j’ai vu tout
de suite à l’échographie c’est que c’est un faignant : il y a un bordel dans sa chambre. Ha !
ça va être une tête… D’ailleurs, pour le moment, c’est qu’une tête. Ce qu’on voit bien,
c’est les yeux : il a les yeux de cet acteur américain, qui a eu beaucoup de succès, euh…
E.T.
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Non mais je devais avoir l’air complètement effrayé parce que le mec de l’échographie il a
essayé de me rassurer : « Mais ne vous inquiétez pas monsieur, il va se développer. ».
Ha, je ne veux pas qu’il se développe moi, je veux qu’il change. Mais s’il se développe
comme ça, mais c’est n’importe quoi. Il va mesurer un mètre quatre vingt dix dont un
mètre de tête… avec un cordon de trente mètres de long derrière lui. Quitte à avoir un
môme, j’aimerais en avoir un sans fil. En plus pour le moment il a les mains palmées. Il
parait que c’est normal ; bah s’il se développe comme ça il a un métier tout tracé le petit :
rabatteur de merlus. Non, mais à l’échographie, on peut savoir de quel sexe il est, faudra
d’abord définir de quelle planète il vient, hein.
Du coup, pour communiquer avec lui, ma femme s’est replongée dans Laurence Pernod, et
moi dans Star Trek ! Non mais l’échographie, c’était censé me tranquilliser, depuis je fais
de ces cauchemars… Je le vois qui se nourrit déjà tout seul, mangeant des mouches, euh…
En plus avec sa langue il les chope en plein vol à plus de 2 mètres ! [imite la langue avec
sa main] Je vois ma femme en larmes qui lui rajoute une troisième manche à sa
barboteuse… Et moi avec la pince, osant à peine approcher pour lui couper les griffes…
Clac ! Je lui coupe un doigt, il va pas gueuler pour un doigt, il en a 14 ! Non mais
l’échographie, ça fout les jetons, hein.
Je ne veux plus que ma femme accouche, je ne veux plus. En plus je me suis habitué aux
gros seins, je ne pourrais jamais revenir en arrière... Non mais j’ai changé d’avis je vais pas
assister à l’accouchement, je vais peut-être même pas assister à l’enfance, je n’assisterai
qu’à l’adolescence, et encore, vers la fin, quand il aura trouvé du boulot et quitté la
maison... Et puis la meilleure, ils nous ont fait une cassette vidéo de l’échographie, et bah
comme ça après on mettra l’accouchement, déjà qu’on a filmé la conception ! Non mais
remarquez sur le film de la conception on nous voit pas très bien, on est tout au fond
cachés, derrière nos amis, ça lui fera toujours des souvenirs quand il sera grand. En plus,
j’ai un vieux film super 8 où je me tripote, je le mettrai au début ! Façon saga à la
Lelouche.
Et quand il sera né il restera encore UNE angoisse : est-ce qu’il sera beau ? On n’est pas
objectif. Et les copains, je ne les vois pas me dire : « Ah, non pas terrible, il a la tête un peu
grosse, il est tout frisé, il est plein de poils, il a du bide, euh… ». Déjà qu’ils me le disent
pas à moi… Non non, ils diront, « Il est gracieux, t’inquiète pas pour les poils, ça tombera
en même temps que les croûtes… ». Oh, les escrocs je les vois déjà défiler : « Ah, ah, ah,
ah, ah, ah, ah, ah, il est mmhmmm, mignon. Non, non mignon, mignon, mignon, non non,
franchement, mignon, non, mignon, non non, mignon, mignon, non, je trouve pas d’autre
mot, non… » Ah bah, je dirais autre chose, ça serait désobligeant. Ah il a un physique, ça,
il plaira pas à tout le monde, hein. « Alors il est où le petit monstre ? Oh pardon ! ». Et mes
parents, s’ils me disent qu’il est beau, je vais me rappeler comment c’est meublé chez eux,
ça va me vexer. Les vôtres aussi, hein ! Et pépé, je le vois pépé : « Oh mais dis donc, il a
une toute petite tête, et puis il a un long cou, quand je lui appuie sur le ventre il fait pouet
pouet.
- Mais arrête pépé c’est sa petite girafe, ça ! »
Enfin, avec tout ça, on ne sait toujours pas si c’est un garçon ou une fille, on verra bien, si
ça pond des oeufs, c’est que c’est une fille. Non mais je n’y connais rien c’est le premier.
Hein, un homme, c’est très con tant qu’il a pas eu d’enfant…
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Pierre Desproges, Les cintres
[avant-propos] Ô vertige infernal, matinal et quotidien de la penderie béante sur
l’alignement militaire des pelures incertaines aux senteurs naphtalines...
Je hais les cintres. Le cintre agresse l’homme. Par pure cruauté. Le cintre est le seul objet
qui agresse l’homme par pure cruauté. Le cintre est un loup pour l’homme.
Il y a des objets qui agressent l’homme parce que c’est leur raison d’être. Prenez la porte.
Non. Prenez une porte, c’est un exemple, partez pas comme ça. Prenez une porte, hein,
bien. Il arrive que l’homme prenne la porte dans la gueule, hein. Mais il n’y a pas là la
moindre trace de haine de la part de la porte à l’encontre de l’homme. Non, simplement,
l’homme prend la porte dans la gueule parce qu’il faut qu’une porte soit ouverte, ou bleue.
Le cintre, lui, est foncièrement méchant. Personnellement, l’idée d’avoir à l’affronter m’est
odieuse. Il arrive cependant que la confrontation homme-cintre soit inévitable.
Quelquefois, plus particulièrement aux temps froids, l’envie de porter un pantalon se fait
irrésistible.
L’homme prend alors son courage et la double porte du placard à deux mains. Il est seul. Il
est nu. Il est grand. Son maintien est digne, face au combat qu’il sait maintenant
inéluctable. Son buste est droit. Ses jambes, légèrement arquées. Ses pieds nus arc-boutés
au sol. Comme un pompier face au feu, il est beau dans sa peur.
Les portes du placard s’écartent dans un souffle. Les cintres sont là, accrochés à leur
tringle dans la pénombre hostile. On dirait un rang de vampires agrippés à la branche morte
d’un chêne noir dans l’attente silencieuse du poulain égaré au tendre flanc duquel ils
ventouseront leur groin immonde pour aboucher son sang clair en lentes succions
gargouillées et glaireuses, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Cependant, l’attitude de l’homme
n’est pas menaçante. Simplement, il veut son pantalon. Il veut son pantalon, le gris avec
des pinces devant et le petit revers. L’œil averti de l’homme a repéré le pantalon gris. Il est
prisonnier du troisième cintre en partant de la gauche. C’est un cintre dangereux,
particulièrement sournois. Oh bien sûr, il ne paie pas de mine. En bois rose, les épaules
tombantes, il ferait plutôt pitié. Mais regardez bien son crochet. C’est une poigne de fer.
Elle ne lâchera pas sa proie. L’homme bande. Surtout ses muscles. Il avance d’un demi-pas
feutré, pour ne pas éveiller l’attention de l’ennemi.
C’est l’instant décisif. De la réussite de l’assaut qui va suivre dépendra l’issue du combat.
Avec une agilité surprenante pour un homme de sa corpulence, l’homme bondit en avant.
Sa main gauche, vive comme l’éclair, repousse le cintre pendu à gauche du cintre rose,
tandis que sa main droite s’abat impitoyablement sur ce dernier. La riposte du cintre est
foudroyante. Au lieu d’accentuer sa pression sur la tringle, il s’en échappe brutalement,
entraînant dans sa chute le pantalon, le gris, avec les pinces devant et le petit revers, celuilà même que l’homme veut ce matin parce que, parce que bon. À terre, le cintre rose est
blessé. Rien n’est plus dangereux qu’un cintre blessé.
Dans son inoubliable J’irai cracher sur vos cintres, Ernest Hemingway n’évite-t-il pas
d’aborder le sujet ? Un silence qui en dit long, non ? L’homme, à présent, est à genoux
dans le placard. De sa gorge puissante monte le long cri de guerre de l’homme des
penderies. « Putain de bordel de merde de cintre à la con, chié. »
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Le cintre rose a senti le désarroi de l’homme. Il va l’achever. Il s’accroche dans le bois
d’un autre cintre tombé qui s’accroche à son tour dans la poignée d’une valise. Il fait noir.
La nuit, tous les pantalons sont gris. L’homme, vaincu, n’oppose plus la moindre
résistance. Le nez dans les pantoufles, il sanglote, dans la position du prieur d’Allah, la
moitié antérieure de son corps nu prisonnière du placard, l’autre offerte au regard de la
femme de ménage espagnole. Il souffre. Quelques gouttes de sueur perlent à sa paupière. Il
n’est qu’humilité, désespoir et dégoût. Quelques couilles de plomb pendent à son derrière.
Il a soif, il a froid, il n’a plus de courroux. « Donne-lui tout de même un slip », dit mon
père.
Pierre Palmade, Le Scrabble
[Non, je pensais, parce que l’autre jour, dans la rue, y a un mec qui m’a dit : « Ouais, ton
sketch sur le monopoly, il est mortel ! ».]
Non, Liliane, « Ox » ça n’existe pas. Oui d’accord ça t’aurait fait 30 points avec le mot
compte triple, mais ça n’existe pas. « Xo » non plus d’ailleurs. De toute façon c’est sûr
qu’avec ta gueule on ne peut pas aller bien loin. Quoi ? Mais non, je dis simplement que tu
as mis gueule en travers du jeu et ça bloque tout le monde ! Tu fais de l’anti-jeu Liliane, à
chaque fois c’est la même chose.
Bon ben allez joue Alexandre qu’est-ce que t’attends ? Il est comme ça, lui, [s’affale sur sa
chaise pour imiter son fils] « Érection » ? Non un seul « R ». Ben t’en enlèves un.
Comment tu connais ce mot toi d’abord ? Comment il connaît ce mot lui d’abord ? Et ben
dis donc, à 11 ans ça promet ! Bon bah 1, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 11 pour Alexandre. Hein ? Mot
compte double ? Bon ben 22 pour Alexandre. Bon ben ça va, ça va, tu veux qu’on ouvre
une bouteille de champagne ?
Bon allez, à moi. Bon, déjà j’ai que 6 lettres, c’est pas normal. Véro, passe-moi une lettre.
D’accord... la prochaine fois je la choisirai moi-même... Bon sang il me manque un « M »
et un « T » et je faisais un super mot. Ah c’est chiant. J’avais le « M » et le « T », et je
faisais « Mijoter » avec l’« Érection » d’Alexandre. Pourquoi tu ris, toi ? Ah oui c’est vrai
t’es en plein âge bête, ah oui, d’accord… Y a une drôle d’odeur ici vous ne trouvez pas ?
Hein ? Je sais pas ça fait un petit moment que... Oui j’arrive ! 2 secondes ! Ah, eh, t’as un
train à prendre ? C’est un jeu de réflexion, alors moi, je, je réfléchis. [réfléchit] Bon,
puisqu’on me presse, je fais « Le », « L.E. ». Voilà ça me fait deux points. Ça va, la partie
est pas terminée, hein !
À toi Véro. « Égérie » ? « Algérie » ! « Égérie ». Si, si je sais ce que ça veut dire. Je ne
l’emploie pas tous les jours, mais enfin bon… Bon bah ça va, tu ne vas pas nous faire un
cours de français non ! Tu ferais mieux d’essayer d’épater tes profs que tes parents. Rien,
je veux rien dire. Compte tes points.
À toi Liliane. Liliane ! On est là ! « Kawax » ? Tu peux nous rappeler la définition de
« Kawax », Liliane ? Oui tu as de très belles lettres dans ton mot mais la deuxième
condition au Scrabble c’est que ça veut dire quelque chose. C’est chiant comme tout, je te
l’accorde, mais ça rend la partie un tout petit peu plus intéressante. « Kawax » ça n’existe
pas Liliane. Oui bah tu l’as entendu, ben écoute, je ne sais pas, peut-être pendant nos
vacances à Dakar. Ça veut peut-être dire « Quelle heure est-il ? » en sénégalais mais en
143
tout cas, en français, ça ne veut rien dire. Bon fais voir tes lettres. Je triche pas, je l’aide.
Votre pauvre mère, vous croyez que c’est drôle pour elle ? Elle joue au scrabble et
finalement elle se rend compte qu’elle parle beaucoup mieux sénégalais que français. On
peut rire un peu non ? Oh, bah, le prends pas comme ça, qu’est-ce qui t’arrive ? Mais on
n’a pas dit que tu étais nulle, pourquoi tu te mets dans cet état-là ? Les enfants, dites à
votre mère qu’elle n’est pas nulle. Bah dites-le ! Tu vois même les enfants le disent, alors.
Alors qu’est-ce qu’on va bien pouvoir trouver avec ces lettres ? Et ben tu as... Et ben tu
as... Et ben tu as pas de bol, hein? Et ben tu as « Waker ». « W.A.K.E.R. ». Bien sur que ça
existe. Véronique ta gueule ! « Waker » c’est du vieux français déjà et ça veut dire, ça
désigne un objet, qui n’existe plus d’ailleurs, mais le mot existe toujours. T’as jamais
entendu l’expression : « fier comme un waker » ? Non ? Ah bah écoute ça fait rien, mets
ton mot et compte tes points.
Et Alexandre joue !
Bon, Véro, on est à combien ? Toi, 180, mhm. Alexandre 80, oui, bon moi ? 70, mhm. Et
ta mère ? 50 ? Ben tu vois c’est génial tu rattrapes tout le monde ! Moi par contre j’ai
moins qu’Alexandre ? C’est marrant !
Bon, alors Alexandre, qu’est-ce que tu nous as trouvé ? Non, « Fellation » ça ne s’écrit pas
comme ça. Mais qu’est-ce qu’on t’apprend à l’école, toi ? Oui bah ce n’est pas ici que tu
apprends des mots comme ça ! Si, oui c’est français, joue pas au con s’il te plaît ! Pis alors
cette odeur m’insupporte, y a un animal qui a du crever sous un meuble, c’est pas
possible ! Toi tu nous trouves un autre mot s’il te plaît ! Ça ne vous gêne pas, vous cette
odeur ? Ah bah moi, carrément ça m’agresse. Et ben, ça m’attaque les neurones, après je
fais que des petits mots. Bon alors « Sucre » ? Oui… T’as oublié le « R ». Tu le rajoutes.
Oui on a vu mot compte double. On va pas le prendre en photo non plus…
Bon allez, à moi ! Bon, j’ai, j’ai, j’ai pas eu beaucoup de chance jusqu’à présent, j’ai pas eu
beaucoup de chance. Bon bah, je change toutes mes lettres. Si, j’ai le droit. Vous n’allez
pas m’apprendre les règles du Scrabble, vous. Je change mes lettres... et je joue. Quoi ? Si,
je joue. Euh ! Euh ! Pourquoi je passerai mon tour ? Non, je suis pas obligé de passer mon
tour. Non, non, non c’est pas vrai, on n’est pas obligé de passer son tour quand on change
ses lettres. Ca fait 20 ans que je joue au Scrabble je n’ai jamais passé mon tour quand je
changais mes lettres. Parce que… ? je… ? triche ? Ça me fait beaucoup de peine ce que tu
me dis là, Véro. Liliane avec ton « Waker » tu la mets en veilleuse. Non non, ben d’accord,
ben je passe mon tour, alors.
À toi ma fille. Peut-être que je triche, en tout cas moi, mon bac je l’ai eu du premier coup !
Ça n’a aucun rapport, c’est pour parler. J’ai horreur qu’on me traite de tricheur, c’est tout.
Mais c’est pas grave, vas-y, joue, joue, joue. Mets-nous un de tes mots barbares.
« Trinôme » ? Ok, je t’avertis tout de suite on se fout complètement de savoir ce que ça
veut dire.
Alors Liliane, dans la série j’invente des mots, qu’est-ce que tu nous as trouvé ?
« Typhon » ? Mais tu sais que ça existe ça, Liliane ? Mais c’est super ça, Liliane. En plus
avec des lettres comme ça, tu vas avoir plus de points que ton mari et je vais être le dernier.
Mais je m’en fous, parce que comme je triche, je vais vite rattraper tout le monde, vous
comprenez. Ça, c’est l’avantage des tricheurs sur les gens honnêtes.
144
Alors Alexandre, ton nouveau mot, c’est quoi ? « Bite », « Nichon », « Couille » ? Oui je
sais, je suis de mauvaise humeur, oui, parfaitement, je suis de mauvaise humeur. D’ailleurs
si vous continuez à m’emmerder, je sens que je vais envoyer tout balader. D’ailleurs je vais
le faire maintenant. Ah ! qu’il est joli le Scrabble ! Voilà… Bonne fin de dimanche à tous,
papa va à la pêche, ah…
Raymond Devos, Ceinture de sécurité
Mesdames et messieurs, je ne voudrais pas vous affoler mais des fous il y en a, hein, y en
a ! Dans la rue on en côtoie…
Récemment, je rencontre un monsieur. Il portait sa voiture en bandoulière ! Il me dit :
« Vous ne savez pas comment on détache cette ceinture? »
Alors, je lui dis : « Dites-moi ! Lorsque que vous l’avez bouclée, est-ce que vous avez
entendu un petit déclic? »
Ah, y me dit : « Oui, dans ma tête ! »
Je me dis : « Ce type, il est fou à lier ! »
J’ai eu envie de le ceinturer... mais quand j’ai vu que sa ceinture était noire... je l’ai
bouclée !!!
Raymond Devos, Ouï dire
[des cris et des chuchotements… De quoi vous faire dresser l’oreille.] Le verbe ouïr, le
verbe ouïr, au présent, ça fait : j’ois... j’ois... Mais si au lieu de dire « j’entends », je dis
« j’ois », les gens vont penser que ce que j’entends est joyeux... alors que ce que j’entends
peut être particulièrement triste. Il faudrait préciser, n’est-ce pas : « Dieu, que ce que j’ois
est triste ! »
J’ois... Tu ois... Tu ois mon chien qui aboie le soir au fond des bois ? Il oit... Oyons-nous ?
Vous oyez... Ils oient. C’est bête ! L’oie oit. Elle oit, l’oie ! Ce que nous oyons, l’oie l’oitelle ?
Si au lieu de dire « l’oreille » on dit « l’ouïe », alors : l’ouïe de l’oie a ouï. Pour peu que
l’oie appartienne à Louis, alors là… : « L’ouïe de l’oie de Louis a ouï. » « Ah oui ? Et qu’a
ouï l’ouïe de l’oie de Louis ? » « Elle a ouï ce que toute oie oit... » « Et qu’oit toute oie ? »
« Toute oie oit, quand mon chien aboie le soir au fond des bois, toute oie oit : ouah ! ouah !
Qu’elle oit, l’oie !... »
Au passé, ça fait : J’ouïs... J’ouïs ! Il n’y a vraiment pas de quoi !
Roland Magdane, Le merdier
Bon, d’un autre côté, je vais te dire un truc, si ils nous prennent tous pour des idiots, c’est
qu’on est peut-être vraiment, hein… Non, mais pas nous ici, hein. Hein, non… tous les
autres dehors ! On l’est peut-être vraiment, je sais pas, on va essayer d’analyser ça tous
ensemble. Y a eu le siècle des lumières. Ça c’est fini, hein, maintenant, là on est au siècle
de la consommation. Et dans le mot CONsommation, oui, il y a le mot sommation
d’accord, mais la première syllabe est quand même très claire. Puis, on aime ça
145
consommer. On aime en acheter du bazar. Finalement dans la vie plus on a de bazar plus
on est content, hein. Les hommes, les femmes, les femmes aussi vous adorez acheter du
bazar, hein. Si ! Si j’ouvre un sac à main au hasard, tu vas voir ce que c’est que le bazar.
En France, on dit le merdier, hein. Si j’ouvre un sac à main au hasard, vous allez voir ce
que c’est que le merdier. « Ah non, merde, pas moi... ». Ça c’est le merdier de sortie. Mais
faut voir ce qu’on a tous chez nous. Finalement une maison c’est quoi ? Une maison, un
appartement, c’est un énorme bazar avec un plafond. Et le samedi tu fermes ta maison à
double tour pour ne pas qu’on vienne te piquer ton merdier, pendant que tu es sorti pour en
acheter encore plus. Ça s’appelle le confort. Encore une fois la première syllabe est très
claire. Pis après tu te maries, pour doubler ton pouvoir d’achat de merdier. Le bonheur
conjugal. Les deux conjoints, ou des concubins, c’est pareil, hein, la langue française est
bien faite. Pis tu l’aimes, tu l’aimes ton merdier. Quand tu pars en vacances, si tu te laissais
faire, tu prendrais absolument tout ton merdier avec toi. Mais tu ne peux pas. Faut être
raisonnable. Du coup, pour les vacances tu te fais un mini merdier. Un merdier portable.
Deux valises de merdier minimum. Le best of. Tu arrives à l’aéroport, tu enregistres tous
tes bagages, mais tu ne peux pas t’empêcher de garder un petit sac de merdier avec toi.
C’est le merdier que tu aimes le plus. Le merdier que si l’avion s’écrase, tu veux l’avoir
avec toi. On est con. Et là tu t’assois dans l’avion avec ton petit sac sur tes genoux, là
l’hôtesse elle passe et elle te dit : « Vous pouvez pas garder ce merdier sur vos genoux, ah
non, faut le mettre dans les coffres à merdier ».
Et là, tu donnes ton sac à merdier mais avant tu ne peux pas t’empêcher de prendre deux
trois merdes à l’intérieur. Pour te sécuriser. Des conneries, un bâton de rouge à lèvre, on ne
sait jamais si l’avion s’écrase. Ah, ah. Mais tu les vois les gens dans l’avion. Mais ils
arrêtent pas de se lever toutes les 5 minutes. Parfois, tu te dis : « c’est pas possible, ils ont
du perdre quelque chose ». Non, ils vont remuer leur merdier pour le plaisir. C’est pour ça
que dans les avions on les attache. La ceinture de sécurité en avion, ça a jamais été une
question de sécurité, hein. Attends, quand un avion s’écrase, on n’a jamais vu un mec qui a
été sauvé parce qu’il était attaché quand même. J’aimerais que vous soyez bien conscient
de ça ce soir. La ceinture de sécurité c’est uniquement pour empêcher les mecs de se lever
toutes les 5 minutes sinon ça ne s’arrêterait pas. En voiture c’est pareil. En voiture, c’est
encore pire, en voiture ils ont pris toutes les sécurités : non seulement le mec est attaché
mais ils ont mis le coffre à l’extérieur. Sinon les gens ils ne conduiraient jamais. Ils
passeraient leur temps à fouiller sur la banquette arrière. Les CONducteurs : 90 chevaux
dans le moteur, 1 âne au volant.
146
CORPUS DE TRAVAIL
Albert Dupontel, Le bac
1) « L’universalité, l’universalité de la pensée philosophique du XXe siècle, l’universalité
de la pensée philosophique du XXe siècle repose sur la controverse existant entre les
individualités d’écriture et l’instinct surréaliste sous-jacent chez la plupart des auteurs
tout en respectant la linéarité de la pensée du monde occidental. »
2) [Il retourne le bouquin.] Allez, putain je le sais ça je le sais, je le sais, je le sais, je le
sais, je le sais… L’université du XXe est adjacente avec des « insoltis » sur l’inverse
du…
3) [Très détendu] Bonjour. Comment ? Je, je, je tire un sujet ? avec mon fusil ?
4) Je choisis, je choisis, je prends, je prends [il hésite]… C’est fini, c’est fini, je prends, je
prends…
5) Sartre. Comme le, comme le département ? Ah, ah non comme le philosophe.
6) Ah, mais vous avez le droit, c’est au programme. Bon, avant de commencer, je vais
faire pipi, c’est une tradition pis je reviens. Comment ? J’ai pas le droit ? Houuuu !
7) Euh, Jean-Paul Sartre. Bon, petit 1 : Jean-Paul Sartre. Petit 1 : Jean-Paul Sartre. JeanPaul Sartre… Jean-Paul Sartre… Jean-Paul Sartre… J’ai bon ? Vous énervez pas, oui
oui, j’y vais… Sartre Jean-Paul. Ça marche aussi de l’autre côté.
8) Sartre Jean-Paul est un philosophe. Comment ? Était ? Il est mort ? Jean-Paul Sartre est
mort ? C’est pas possible ça, c’est arrivé quand ça ? Ah, oui y a, hou là, y a quand
même longtemps…
9) OK, l’historique. Petit 2 parce que j’ai fait petit 1. Petit 2 : l’historique, petit 2 :
l’historique. Alors…
10) La tendance des mouvements politiques ? Oh, putain, j’ai pas… Ça, j’ai pas noté ça.
Hein ? Non, je dis j’ai pas voté.
11) Oh c’était pas un nazi mais enfin il était quand même bien à droite ! Oh non !!! gauche,
gauche, gauche bien sûr !!! On l’a bien vu d’ailleurs en mai 48 quand il y a eu la
révolution des étudiants.
12) Les Misérables c’est pas lui, c’est Goethe.
13) La Bible c’est pas lui non plus…
14) Les 6, Les 6 Mousquetaires, Les 6 Mousquetaires, non, non, non, ça c’est, ça c’est
Cousteau…
15) C’est l’autre main… Hein ? Non, je dis qu’il écrivait des 2 mains.
16) Ah ben ça compte plus, vous me l’avez dit, Jean-Paul Sartre a écrit les mains sales, ça a
même été le premier à écrire les mains sales.
17) Jean-Paul Sartre était quelqu’un de très entouré. À la guerre, il a même été encerclé.
18) Sartre était marié, la pauvre femme, bien sûr je la connais ! C’était… et ben c’était, et
ben c’était, et ben c’était Mme Sartre ! De Beauvoir ! Je savais, Rolande de Beauvoir.
19) Seulement bon, ça a jamais atteint des sommets, c’est une femme.
20) Je m’arrête tout de suite, c’est les hormones, c’est la puberté !
21) Pourquoi, j’ai oublié des trucs ? Ah ça je l’ai pas dit oui… Ah c’est lui qui a fait le…
Ah ben en plus j’apprends des trucs alors !
147
22) Parce qu’avec mes logeurs, avec les Thénardier ça va pas fort. C’est à cause de ma
sœur Cosette, elle est séropositive, alors…
23) Je l’ai pas ? Je l’ai toujours pas ?
Anne Roumanoff, Internet
24) Et, vous savez, ça y est, je suis rentrée dans le XXIe siècle, je suis connectée à Internet.
Je surfe, je navigue, enfin, pour l’instant, je rame.
25) Euh, monsieur, je voudrais un Mac parce que P.C., ça veut dire « Plante
Constamment ».
26) Ce sera pareil madame, avec l’informatique, tout va vite, tout va très très vite. »
27) Et c’est vrai que ça va vite, en cinq minutes, j’ai dépensé 8990 francs.
28) « Vous avez mal éteint l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. ». Qui « nous » ? Ils
sont plusieurs là dedans ?
« L’application ayant servi à créer ce document est introuvable. ». Attends, si lui il la
trouve pas, comment je la trouve moi ?
« Une erreur système est survenue inopinément. ». Genre tu es une erreur système qui
passait par là : « Je suis une erreur système, je m’ennuie, qu’est-ce que je vais faire ?
Tiens, je vais survenir inopinément. ».
29) « Veuillez libérer de la mémoire. ». Attends, je demande pas mieux moi. « Mémoire,
par ordre de sa majesté, je vous libère ! ».
30) Putain, elle est où la touche « mémoire » ? Y a pas de touche « mémoire ».
31) Tu sais ce que ça veut dire P.C. ? P’tit Con.
32) Non, mais il est très poli, mon ordinateur, parce que j’ai beau l’insulter, il continue de
me vouvoyer.
33) Poli mais mauvais caractère, des fois il se braque, y a plus aucune touche qui marche :
« Bad command, invalid response ». Quand il parle anglais, c’est qu’il est très énervé.
34) Alors là, pour débloquer la situation je le débranche et quand je le rallume il
m’engueule : « Vous avez mal éteint l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. ».
35) 9000 balles, il est pas au courant.
36) Franchement, tu branches une machine à laver le linge dans le mur, t’as pas besoin de
lui dire au mur qu’il est relié à une machine à laver.
37) Pour les ordinateurs, ça s’appelle la hot line, 50 francs la minute.
38) « Vous avez demandé le service technique, ne quittez pas, toutes nos lignes sont
saturées, veuillez patienter toute la journée. »
39) « On est au XXIe siècle, courage, télécharge ».
40) Non, mais, y en a qui sont encore moins doués que moi en informatique. J’ai un copain,
dans son bureau, on lui a demandé de sauvegarder une disquette, il l’a photocopiée puis
il l’a mise dans un préservatif pour la protéger des virus.
41) Non, mais c’est formidable, Internet parce qu’il y a tout. Y a tout. On sait pas ce qu’on
y cherche, et on trouve tout… ce qu’on cherche pas.
42) Sur Internet y a les horaires des trains. Ça c’est facile. C’est http slash h, le temps de
taper l’adresse sans te gourer, t’as plus vite fait d’aller à la gare.
43) Au moment de payer, ils m’ont mis : « Vous avez envoyé un formulaire de paiement
non sécurisé, les informations fournies peuvent être lues pendant le transfert, souhaitezvous poursuivre ? »
148
44) Non, mais je suis contente parce que maintenant j’ai une adresse e-mail. Non mais j’en
avais assez qu’on me demande : « T’as pas d’e-mail ?
- Non, j’ai un téléphone…
- Ouais mais t’as pas d’e-mail ?
45) Ça me prend un temps fou d’être une internaute de la cyberplanète, parce que j’envoie
des mails, après je téléphone pour vérifier qu’ils sont bien arrivés.
46) Attends, comment ça tu l’as pas reçu ? Ton adresse c’est bien canard point arobase…
ah c’est canard arobase point.
47) Okay, ce qu’on va faire c’est que tu raccroches comme ça je te le renvoie ensuite je te
rappelle pour te dire que je te l’ai envoyé, tu regardes si tu l’as reçu et tu me rappelles.
Non, je t’envoie pas de fax, c’est plus rapide Internet !
48) On peut faire des rencontres grâce au web. […] Là, il a sorti son disque dur, on s’est
connectés et ça a fait bug.
Anne Roumanoff, La boum
49) [chantonné] Mais tout va bien, tout tout tout va bien, tout va bien sauf que t’es là.
50) Non, ça sent pas mauvais, c’est mon nouveau parfum. Shampoing à la pomme, parfum
à la vanille, savon à la fraise. Yves Rocher, Kookaï, Carrefour.
51) Eh, papa t’as vu sa jupe à elle, elle est carrément… on dirait même pas qu’elle a une
jupe.
52) Non mais je sais pas papa, mais je veux dire, on dirait que tu ne me fais pas confiance.
Ouais, mais je veux dire papa, si toi tu ne me fais pas confiance, je veux dire mais qui
va me faire confiance sur cette planète ? Je veux dire papa, je veux dire, je suis plus un
bébé, j’ai 14 ans, je suis une adulte.
53) Mais non papa, c’est pas de l’alcool, c’est de la vodka-orange. Attends, je vais quand
même pas leur donner du Champomy.
54) Papa, je veux pas me mêler de ta vie de couple mais je veux dire, en ce moment, y a
maman qui t’attend pour dîner au resto. Mais papa, faut pas faire attendre la femme
qu’on aime. Tu préfères surveiller la fille que t’aimes ?
55) Mais pourquoi tant d’amour ?
56) Mais papa, mais dis-moi de quoi t’as peur ? De la drogue ? Mais papa, mais la drogue
mais c’était à ton époque, maintenant, c’est le shit.
57) Papa mais ne sois pas fâché, mais Alex, ça rend quand même mieux que Bernard.
58) It’s raining men, alleluia, it’s raining men…
Bourvil, La causerie anti-alcoolique
59) Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs… En tant que dégueulé, que… délégué de…
de la ligue anti-alcoolique, je vous parlerai de… de, de l’eau minérale, de l’eau fer…
de l’eau ferrugineuse.
60) En tant que dégueulé, que… délégué de
149
61) L’eau fer, l’eau fer, l’eau ferrugineuse, comme son nom l’indique, contient du fer… du
fer [rire]. Et le dire, c’est bien, mais le faire, c’est mieux ! [rire]
62) L’alcool non, mais l’eau fer, l’eau ferru, l’eau ferrugineuse oui !!
63) Et je suis fer, heu… et je suis fier,
64) de faire à cheval.
65) une conférence contre hoc, contre, contre l’alcool.
66) L’alcool non, mais l’eau ferru, l’eau ferrugineu, l’eau ferrugineu-neuse oui !
67) Et je suis f…
68) Et pourquoi y a-t-il du fer dans l’alcool ? Euh, dans l’eau ferrugine, dans l’eau
ferrugineu-neuse, hum ?
69) Parce que le fer a repassé, heu, non, pas le fer à repasser… l’eau, disais-je, l’eau, c’est
parce que l’eau a passé et a repassé sur le fer, et le fer a dissout. [rire]
70) Il a dissout le fer. [rire] Et le fer a dix sous, c’est pas cher, hoc, hein ?
71) Alors pourquoi boire cet alcool qui plus onéreux que l’eau ferrugineu,
ferru[bafouille]neuse ruine la santé et le portefeuille ?
72) L’alcool non, mais l’eau ferrugine, l’eau ferrugineu-neuse oui !
73) D’ailleurs l’alcool brûle les tissus de l’organisme et vous le sentez quand vous quand
vous en bouvez, quand vous en buvez, ça pique !
74) Alors que le vers solitaire, heu, non, pas, pas le vers solitaire, heu, heu, le, heu, le fer
est salutaire [rire]. Il est salutaire, lui, le fer.
75) D’ailleurs ne dit-on pas : une santé de fer ? hum ? Un homme de fer ? hum ? [presque
tout bas et hésitant] Un mammifère ?
76) Alors suivez-moi et comme disait mon grand-fer heu, mon grand-frère,
77) il faut vivre mais il faut pas s’en faire [long rire exagéré].
78) L’alcool non, mais l’eau rugine, l’eau ferrugine ferrugineu-neuse oui !
Coluche, C’est l’histoire d’un mec…
79) C’est l’histoire d’un mec… Vous la connaissez ?
80) Non ? Non, parce que par… euh parce que par exemple euh alors euh parce que par
exemple si vous voulez, non parce que par exemple si, quand, y a des… par exemple
des histoires, des mecs y… C’est… ou alors euh des fois c’est des histoires [bafouille]
ah euh [bafouille] Mais là non.
81) Y a des histoires, c’est plus rigolo quand c’est un juif… si on est… pas juif… Ben oui,
faut un minimum… Et puis y a les histoires, c’est plus rigolo quand c’est un Belge…
bah… si on est… Suisse… et puis le contraire… Un Suisse si on est Belge…
82) Je veux pas m’engueuler avec tout le monde… hein… Non, y a quand même moins
d’étrangers que de racistes en France, alors… Si j’ai le choix, je veux dire j’aime autant
m’engueuler avec les moins nombreux…
83) Parce que un Belge et un Suisse, on peut toujours se gourer, mais un noir… Je veux
dire, parce que… Bon, oui, je veux dire, y en n’a pas tellement, mais je, c’est… Non,
mais parce que les noirs, c’est les mecs y se, je, y sont [touche son visage, ses mains]
84) On les appelle comme ça exprès nous d’ailleurs, oui ben, ils le font pas méchamment la
plupart… Oui parce que nous, si vous voulez, c’est, on se dit, parce que on se dit tiens
[montre le dessus de sa main, puis la retourne et montre la paume] moins là ! D’ailleurs
mais c’est… Non, mais en fait, c’est parce qu’on se dit tiens… Mais en fait, c’est, je
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veux dire, c’est [désigne son corps] euh… tout petits déjà… des fois, même leurs
parents, hein… Oui, pas tous, mais enfin la plupart…
85) Mais c’est l’histoire d’un mec qui est sur le pont de l’Alma, le mec, ah ouais, et c’est
l’histoire d’un mec qui est sur le pont de l’Alma, d’accord, si on veut, mais c’est
l’histoire d’un mec qui est sur le pont de l’Alma qui regarde dans l’eau le mec… Pas
con le mec… […] Au bout d’une demi-heure, y a un autre mec qui arrive, normal
aussi, hein ? blanc, il arrive et alors qu’est-ce qu’y voit ? Y voit un mec qui est là
depuis une demi-heure et qui regarde dans l’eau, dis donc, le mec, hé… [rire] Alors le
mec, parce que, bon je veux dire y… parce que… parce que maintenant y a deux
mecs… Ah non, prenez des notes parce que je vais pas répéter…
86) [En fait, Mais oui, non, oui, non… J’exagère, non, oui, non, y a quand même, oui… Mettons qu’on
rencontre un vrai con en Suisse… C’est un Belge… Mais dans l’ensemble ça valait pas le coup de faire
deux pays rien que pour ça, hein ils aurait pu se débrouiller… […] ] alors le mec, parce que quand
même faut pas prendre les Suisses que pour des cons… Non, y a des Belges dans le
tas…
87) [« Ho ben, je suis emmerdé parce que j’ai laissé tomber mes lunettes dans la Loire. »…] « Ho, ben
vous savez, moi, sans mes lunettes… »...
Coluche, L’ancien combattant
88) [Je m’appelle Dumoulin, mais les copains m’appellent Duboudin parce que chaque fois que j’entrais
dans la chambrée, y en avait toujours un qui chantait] « Tiens voilà Dumoulin, voilà
Dumoulin… »
89) Wah, nom da Dieu.
90) J’avais un copain y s’appelait Cocu. C’est agréable ! Il osait pas se marier, dis donc.
91) Alors pour se donner du courage, y s’étaient cuités tous les deux. Il est arrivé devant le
maire avec sa promise bourrée. Tiens… D’habitude, ça fait rigoler ça, promise bourrée.
[bafouille, cherche] Ah non ! Cuitée ! Promise cuitée, c’est « promise cuitée » qui fait
rire ! Ça fait rien, partez pas, je vais vous la refaire. Alors il est arrivé devant monsieur
le maire avec sa promise complètement cuitée… ça fait rien, laissez tomber !
92) Il avait été blessé au front… Non, pas à la tête, aux pieds.
93) Moi qui vous cause, j’ai été blessé deux fois : une fois à l’abdomen, une fois à
l’improviste.
94) On se disait toujours comme ça : « Ah ben ! Y fera beau demain ». Et beng ! La flotte !
Remarquez faut pas se plaindre, au Pakistan, y se disent toujours : « Ah ben ! On aura
une meilleure récolte l’année prochaine ». Et beng, la dèche !
95) Ah ben, on a souffert, hein ? On a souffert de l’odeur, mon gars, on a souffert de
l’odeur, tiens !
96) [Mais quand on est arrivés, mais il existait pas le front, il a fallu qu’on le fasse ! On est arrivés là, nom
da Dieu ! Les Allemands étaient à 100 mètres de nous. On leur a dit :
- On fait le front là !
- Ya !
- On se met ici, on creuse ! ]
- Ya, Aufwiedersen !
- Oui ! c’est ça. Aux fines herbes.
97) des petites boîtes rondes qu’on avait, comme ça, kaki dehors, voyez, et caca dedans.
151
Élie Sémoun, Le dragueur
98) Bonsoir ! vous êtes Micheline, divorcée sans enfant, pas sérieux s’abstenir.. Je suis
Jean-Luc… Prêt à tout pour faire battre ton cœur, libre de suite et plus si affinités…
99) Tu ne t’assois pas ? Bah fais comme moi, prends une pouffe. Enfin, je veux dire,
prends un pouf…
100) C’est marrant, je ne t’imaginais pas comme ça, remarque ça tombe bien, j’aime pas
les mannequins !
101) Tu vois Micheline… J’ai du mal à m’y faire !
102) Ça fait 5 minutes qu’on se raconte un peu notre vie, tous ces petits tous qui font ces
petits riens, c’est vrai !
103) Si ça se trouve, on va coucher ensemble ce soir, alors qu’on ne se connaissait pas,
[…] et si tu me demandais de te faire l’amour, là, tout de suite, dans ma petite chambre
de bonne, qui est à deux pas d’ici pourtant ! Ben je te dirais non ! Non Micheline,
prenons le temps de faire connaissance, attendons une petite demi-heure...
104) Et si on prenait un avion et qu’on partait sur le mont Saint-Michel, courir à la
vitesse d’un cheval au galop contre la marée ?…
105) Tiens, j’ai envie de te donner une note !… 8 ! Sur 20 ! Oui, oui ! T’aurais mis un
autre parfum, c’est sûr tu aurais eu la moyenne !…
106) Tu aimes le Scrabble ? Non, parce que j’ai un ami qui organise des partouses de…
des parties de Scrabble.
107) « Allo ! Oui ! Qui me dérange là ? Ah, c’est toi chérie ! Euh ! C’est toi Thierry !
108) Oui, non je suis sur un gros dossier là, euh, non une fin de série, oui, non, je pense
en avoir pour deux heures, oui remarque une heure ça devrait suffire, oui je...
109) Je t’ai… je t’apprécie !… »
110) Ah, je suis trop fleur bleue !… « Allo Martine ? Oui, c’est moi, écoute, la réunion
vient de s’annuler, je suis là dans un quart d’heure… […] »
111) Martine ? Tu m’aimes ?
Jean-Marie Bigard, Les expressions
112) Alors que nous dans les pays riches, nous, chez nous on se souhaite « Bon appétit »,
nous. C’est vrai, nous on a à manger dans l’assiette. Si on est venu à table, c’est
sûrement parce qu’on avait faim, quoi. Et alors y reste une vieille angoisse qui plane
sur nos tables à nous, c’est : est-ce qu’on va avoir de l’appétit ? Ça, ça nous fout les
jetons, ça ! Alors on s’encourage les uns les autres, on se dit : « Allez, bon appétit ! »
On y croit, on se bat ! On va pas se laisser emmerder par une blanquette de veau, tu
vois.
113) Parce que d’accord on a eu de l’appétit ce matin, on en a eu à midi, mais ce soir, on
n’est pas à l’abri !
114) Vous vous pointez au resto avec un copain, par exemple, vous arrivez, le garçon, y
vient vous accueillir, y dit : « C’est pour dîner ?
- Non, c’est pour faire un tennis, connard ! Vous avez des cours de libres non ? Non.
Bah on va dîner alors, ça tombe bien on avait oublié nos raquettes, connard ! »
152
115) Tiens, un autre exemple, vous êtes invité à une soirée chez quelqu’un. Vous arrivez,
la maîtresse de maison, elle vient, elle ouvre la porte et elle fait : « Ah c’est vous ? »
Déjà si ça avait pas été toi, elle aurait peut-être pas ouvert, tu vois, déjà.
116) Alors tu rentres quand même. Et pis là à gauche tu as les chambres à coucher, à
droite tu as la cuisine et devant tu as une pièce pleine d’invités et là elle croit bon
d’ajouter : « C’est par là. » pour le cas où tu aurais voulu dormir une heure ou deux
avant
117) […] ou si tu voulais aller faire un peu de vaisselle avant.
118) Alors après elle insiste, elle dit : « Si vous voulez bien me suivre… » Un peu que je
veux la suivre ! Je ne me suis pas tapé deux heures d’embouteillages dans Paris pour
craquer à 3 mètres du bol de sangria quand même !
119) Alors y a pire, y a pire, parce que une fois à l’intérieur tu tombes sur un autre
copain qui te dit : « Ah tu as été invité aussi ?
- Non, non, j’ai cassé un carreau pour rentrer, connard !, j’y dis. Entre nous, si j’étais
venu pour recoller la moquette tu crois que j’aurais mis un smoking ? »
120) Y en a plein, tout ça, je vous le donne, cadeau ! Tiens, encore quelques autres,
parce que j’en trouve une tous les soirs en ce moment, c’est facile : tu rencontres un
copain dans la rue et il te dis : « Tiens, t’as été chez le coiffeur ?
- Non, non, il sont tombés tous seuls cette nuit. »
121) « Tiens t’es rentré de vacances ?
- Non, tu vois bien que j’y suis encore, connard ! »
122) Y a aussi le fameux : « Faites comme chez vous !
- Ah, ben ça va être un beau bordel dans 5 minutes, hein. »
123) Et c’est même dangereux parce que l’autre jour, l’autre jour, je suis rentré dans une
boulangerie, j’ai dit : « Bonjour madame, est-ce que vous avez des grosses miches ? »
Et ben elle m’a mis un pain dans la gueule, hein ! Faut se méfier…
Muriel Robin, La solitude
124) Ça, c’est sûr : quand on est tout seul, on est peinard.
125) Moi, je vois, si je suis seule – à compter que je sois seule – j’ai compté : je suis
seule – et bien si je suis seule, c’est un choix.
126) Je fais comme je veux, je ne demande rien à personne. Et personne ne me demande
rien ? C’est pas faux non plus.
127) je ne demande rien à personne. Et, personne ne me demande rien ?
128) Non, mais enfin, je préfère vivre seule que mal accompagnée, voilà… Comment ?
Bien accompagnée ? C’est autre chose.
129) Comment ? Bien accompagnée ?
130) moi je préfère rester chez moi, devant ma télé, personne pour me dire « la 2 », « la
3 », « le foot »…
131) En revanche, j’aime bien écouter la radio… Et j’aime bien écouter la radio devant
mon petit plateau télé… beaucoup moins intéressant dans l’autre sens : je ne
regarderais pas la télé devant un petit plateau radio, vous voyez !
132) Non, et puis, vivre seul ou à deux, c’est enfin, c’est pareil, ça n’a pas de rapport, ça
ne change pas les choses, comment vous dire?… Un truc qui est beau, il est beau. C’est
vrai, on ne regarde pas avec les yeux de l’autre. Moi, par exemple, hier, je suis allée
153
voir une exposition, toute seule, comme une grande, bon… Ben qu’est-ce que je me
suis fait chier. J’ai peut-être pas pris le bon exemple !
133) Bon, mais vivre seule, y a quand même des avantages. Lesquels ?… À deux aussi,
y a des inconvénients !
134) Moi quoi qu’il en soit, je ne cours pas après la sexualité… Elle me le rend bien, faut
dire ce qui est !
135) Non, mais c’est vrai, c’est pas mon truc, c’est pas mon truc, c’est pas mon truc ;
chacun son truc, c’est pas le mien.
136) Non, moi, je mets mon énergie ailleurs : je fais du vélo-camping. Ah, ça, c’est très
très très sympa, hein. Moi, l’été dernier, je m’étais fait un très très joli parcours : j’ai
fait Vittel, c’est ça, après, j’ai fait une grande boucle, et je suis remontée, après, je suis
repassée par Mantes, c’est ça, vittel-menthe, et vous qu’est-ce que vous prenez ? Je
plaisante.
137) Et moi, pour la rigolade, je suis pas la dernière… je suis pas dans le peloton de tête
non plus, mais enfin, je suis pas la dernière.
138) J’aime bien tout ce qui est comique… dans le sens humoristique bien sûr, hein. Ah
oui, j’aime bien tout ce qui est blagues, rébus, calembours, charades, même les puzzles,
j’adore ça, hein !
139) Oui des amis, et puis c’est très très sympathique. Je vois par exemple, hier Yvonne
n’avait plus de papier, elle est venue m’en demander, je l’ai dépannée, c’était TRÈS
sympa !
140) ils me téléphonent jamais, ils me disent pas quand ils sortent
141) Oh oui, j’ai une vie privée.. privée de tout, c’est vrai, mais privée quand même !
142) [En ce moment, on rigole au bureau : c’est le jeu des surnoms. Ça n’arrête pas. Alors, Jean-Claude,
c’est le distrait, il est toujours distrait ; Jacqueline, c’est la jacasse, elle parle toute la journée, elle saoule
un peu ; y a Nez rouge, bon, il a toujours le nez rouge ; et moi, comment ils m’ont appelée déjà… ah
oui ! Tronche de cake ! […] En légume, qu’est-ce que j’avais mis, déjà ? Ah oui bien sûr, du chou-fleur,
et en dessert, la bûche !] Une petite tranche de bûche pour la tronche de cake !
143) je garde toujours le petit père Noël, la petite hache, les petits trucs en plastique
dessus,
144) Oh, l’année dernière, je me suis gâtée, comme j’adore la musique classique, je me
suis offert l’intégrale de Clayderman.. Ah oui, l’intégrale. Et puis alors des disques, je
m’y attendais pas du tout…
145) Au-dessus, c’est une femme, comme moi. Elle vit seule, comme moi. Elle a l’air
d’être très heureuse…
Muriel Robin, Le répondeur
146) [Elle enregistre, parle extrêmement vite] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel
Robin, je ne suis pas là pour le moment mais laissez-moi un message avec vos
coordonnées, je vous rappellerai dès mon retour. Vous pourrez parler après le bip
sonore qui va suivre, merci d’avoir appelé au revoir et à très bientôt. Tac, voilà, on
l’écoute pour voir si ça a bien marché.
147) [Elle enregistre] Bonjour, et bien, et bien oui vous êtes bien chez Muriel Robin,
tagada tsouin tsouin, je ne suis pas là pour le moment, je vais revenir, alors laissez-moi
un message avec vos pouet pouet coordonnées, et je vous rappellerai dès mon diling
ding ding ding retour. Vous pourrez parlez après le mda da mda da mda mda mda da
154
bip sonore. [Elle se met à chanter tout en parlant] Merci d’avoir appelé, au revoir et à
bientôt, oh oh, oh.
148) [Elle enregistre] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, je ne suis pas là pour
le moment, mais laissez-moi un message avec vos conoréné... avec vos coordonnées
bien sûr et je vous rappellerai dès mon retour. Vous pourrez parler après le bip sonore
qui va suivre merci d’avoir appelé au revoir, à très bientôt. [Elle coupe
l’enregistrement]
149) Sur « coordonnées », j’ai un peu… crognocrogné.
150) Coor-, coordonnées, c’est pas compliqué de dire « coordonnées » en plus… Non
pas cordonnier, ça veut rien dire, ah non ! Laissez-moi vos cordonniers, non, ça n’a
aucun sens !
151) Donc, coordonnées, on est bien d’accord, hein ? Coordonnées, coordonnées,
coordonnées.
152) [Elle enregistre] Bonjour, vous êtes bien chez coordonnées. [Elle arrête
l’enregistrement]
153) Hein, voilà ! On l’écoute, et on s’en est pas trop mal sorti. Je peux vous dire ça
aurait pu être beaucoup plus long, « Pour trois connards qui vont téléphoner… »
154) [Elle enregistre, ton saccadé] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin. Je ne suis
pas là pour le moment mais… laissez-moi un message avec vos co-ordonnées et je
vous rappellerai dès mon retour.
155) [ […] Vous pourrez parler après le bip sonore qui va suivre. Merci d’avoir appelé. Au revoir et à très
bientôt. [Elle arrête l’enregistrement, applaudissements] ] On se l’écoute pour le plaisir celui-là,
et encore toutes mes excuses, merci de votre patience. [Elle écoute l’annonce]
« [parasites] et à très bientôt. »
156) [Elle enregistre] Bonjour, Muriel Robin, répondeur, message, coordonnées, bip
sonore, allô, merci. [Elle coupe l’enregistrement]. Voilà, c’est pas dans l’ordre. [Elle
écoute le message] « Bueños días, està bien a la casa de Muriel Robino pero la señora
no està aquí. Hable après el bip sonore, ciao. » Y A QUELQU’UN LÀ-DEDANS ? On
va y arriver !
157) [Elle enregistre, très énervée] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, c’est vrai.
Je ne suis pas là pour le moment, c’est vrai aussi ! Mais je fais ce que je veux… Alors
vous me laissez un message avec vos coordonnées si vous les avez sur vous, sinon tant
pis, vous n’aviez qu’à ranger vos affaires. Et vous parlez avant le bip sonore ou après
ou même pendant, moi j’en ai rien à CARRER !
Patrick Timsit, La grossesse
158) Non mais j’attends un bébé. C’est vrai ma femme est enceinte, alors moi, forcément
du coup, j’attends un bébé.
159) Non mais, elle porte le bébé pendant neuf mois, et nous on la supporte pendant neuf
mois...
160) Plus elle fait des montées de lait, plus je fais des descentes de vodka, je ne reste pas
là sans rien faire.
161) Et les questions qu’on nous pose : « Elle est enceinte ? De qui ? »
162) et voila encore une angoisse. Est-ce que je suis le père ?
155
163) D’ailleurs qu’est-ce que ça va être ? Garçon ? Fille ? Les gens me demandent
toujours « Qu’est ce qui te ferait le plus plaisir ? ». Moi, ce qui me ferait le plus plaisir,
c’est un labrador.
164) Non, en fait, garçon, fille, c’est pas grave, je prends ce qui vient. Si c’est une fille,
on en fera un autre.
165) Mon père voudrait qu’on l’appelle Dominique. C’est bien « Dominique », ça
marche pour les filles et les garçons. En fait, mon père, c’est surtout qu’il a trouvé une
gourmette en or avec marqué « Dominique » dessus ! Heureusement qu’il n’a pas
trouvé un collier anti-puces… « Sultan », pour un gamin ça handicape dans la vie.
166) J’ai essayé de piocher un prénom au hasard dans le calendrier avec une fléchette,
j’avais peur de tomber sur « Armistice » ou « Mardi Gras », enfin si je m’étais écouté,
il s’appellerait Imprimerie-Leduc-à-Saint-Cloud Timsit.
167)
Je suis pas très bon aux fléchettes, je suis meilleur tireur que pointeur, hein. Tout
le monde a apprécié ?
168) Et qu’est-ce qu’on dort mal, qu’est-ce que ça va être quand il sera né ? Le biberon
de minuit, celui de trois heures, de six heures : elle va me réveiller à chaque fois qu’elle
va se lever !
169) Elle a des nausées, elle les a eues très tôt les nausées, pendant les rapports déjà elle
vomissait…
170) Et le môme, va falloir lui préparer son coin, sa gamelle, une caisse pour ces
besoins. Ah mais, je connais pas les termes techniques, c’est le premier, je ne sais
même pas ce que ça mange.
171) Pour me rassurer, ils lui ont fait faire une échographie, c’est un supplice, ça fait un
mal aux yeux cet écran. On dit qu’on ne voit pas bien moi je dis qu’on voit trop ; les
boyaux, la rate, le foie, tu loupes rien. Ah, je connais tout de ma femme, la beauté
intérieure maintenant je sais ce que c’est. Y a pas beaucoup de nanas qui sont gaulées
comme le foie de ma femme.
172) Ce que j’ai vu tout de suite à l’échographie c’est que c’est un faignant : il y a un
bordel dans sa chambre.
173) Ha ! ça va être une tête… D’ailleurs, pour le moment, c’est qu’une tête.
174) [Non mais je devais avoir l’air complètement effrayé parce que le mec de l’échographie il a essayé de me
rassurer : « Mais ne vous inquiétez pas monsieur, il va se développer. »] Ha, je ne veux pas qu’il se
développe moi, je veux qu’il change. Mais s’il se développe comme ça, mais c’est
n’importe quoi.
175) Il va mesurer un mètre quatre vingt dix dont un mètre de tête… avec un cordon de
trente mètres de long derrière lui. Quitte à avoir un môme, j’aimerais en avoir un sans
fil.
176) Du coup, pour communiquer avec lui, ma femme s’est replongée dans Laurence
Pernod, et moi dans Star Trek !
177) Non mais j’ai changé d’avis je ne vais pas assister à l’accouchement, je ne vais
peut-être même pas assister à l’enfance, non, je n’assisterai qu’à l’adolescence, et
encore, vers la fin, quand il aura trouvé du boulot et quitté la maison.
178) [Et quand il sera né il restera encore UNE angoisse : est-ce qu’il sera beau ? On n’est pas objectif. Et
les copains, je ne les vois pas me dire : « Ah, non pas terrible, il a la tête un peu grosse, il est tout frisé, il
est plein de poils, il a du bide, euh… » […] ] « Alors il est où le petit monstre ? Oh pardon ».
179)
Hein, un homme, c’est très con tant qu’il a pas eu d’enfant…
156
Pierre Desproges, Les cintres
180) Le cintre est un loup pour l'homme.
181) Il y a des objets qui agressent l'homme parce que c'est leur raison d'être. Prenez la
porte. Non.
182) Prenez une porte, c’est un exemple, partez pas comme ça. Prenez une porte, hein,
bien.
183) Non, simplement, l'homme prend la porte dans la gueule parce qu'il faut qu'une
porte soit ouverte, ou bleue.
184) L'homme prend alors son courage et la double porte du placard à deux mains.
185) Il est seul. Il est nu. Il est grand.
186) On dirait un rang de vampires agrippés à la branche morte d'un chêne noir dans
l'attente silencieuse du poulain égaré au tendre flanc duquel ils ventouseront leur groin
immonde pour aboucher son sang clair en lentes succions gargouillées et glaireuses,
jusqu'à ce que mort s'ensuive.
187) Il est prisonnier du troisième cintre en partant de la gauche. C'est un cintre
dangereux, particulièrement sournois.
188) Oh bien sûr, il ne paie pas de mine. En bois rose, les épaules tombantes, il ferait
plutôt pitié. Mais regardez bien son crochet. C'est une poigne de fer. Elle ne lâchera pas
sa proie.
189) L'homme bande. Surtout ses muscles.
190) Il avance d'un demi-pas feutré, pour ne pas éveiller l'attention de l'ennemi.
191) Au lieu d'accentuer sa pression sur la tringle, il s'en échappe brutalement, entraînant
dans sa chute le pantalon, le gris, avec les pinces devant et le petit revers, celui-là
même que l'homme veut ce matin parce que, parce que bon.
192) A terre, le cintre rose est blessé. Rien n'est plus dangereux qu'un cintre blessé.
193) Dans son inoubliable J'irai cracher sur vos cintres, Ernest Hemingway n'évite-t-il
pas d'aborder le sujet ? Un silence qui en dit long, non ?
194) De sa gorge puissante monte le long cri de guerre de l'homme des penderies.
« Putain de bordel de merde de cintre à la con, chié. »
195) Il fait noir. La nuit, tous les pantalons sont gris.
196) Quelques gouttes de sueur perlent à sa paupière. Il n'est qu'humilité, désespoir et
dégoût. Quelques couilles de plomb pendent à son derrière.
197) Il a soif, il a froid, il n'a plus de courroux.
Pierre Palmade, Le Scrabble
198) De toute façon c’est sûr qu’avec ta gueule on ne peut pas aller bien loin. Quoi ?
Mais non, je dis simplement que tu as mis « gueule » en travers du jeu et ça bloque tout
le monde !
199) Bon sang il me manque un « M » et un « T » et je faisais un super mot. Ah c’est
chiant. J’avais le « M » et le « T », et je faisais « Mijoter » avec l’« Érection »
d’Alexandre. Pourquoi tu ris, toi ?
200) A toi Véro. « Égérie » ? « Algérie » ! « Égérie ».
157
201) Oui tu as de très belles lettres dans ton mot mais la deuxième condition au Scrabble
c’est que ça veut dire quelque chose.
202) T’as jamais entendu l’expression : « fier comme un waker » ?
203) Alors Alexandre, ton nouveau mot, c’est quoi ? « Bite », « Nichon », « Couille » ?
Raymond Devos, Ceinture de sécurité
204) Il portait sa voiture en bandoulière ! Il me dit : « Vous ne savez pas comment on
détache cette ceinture? »
205) Je me dis : « Ce type, il est fou à lier ! »
206) J'ai eu envie de le ceinturer…
207) [mais quand j'ai vu que sa ceinture était noire…] je l'ai bouclée !!!
Raymond Devos, Ouï dire
208) J’ois… Tu ois… Tu ois mon chien qui aboie le soir au fond des bois ? ? Il oit…
Oyons-nous ? Vous oyez… Ils oient. C’est bête ! L’oie oit. Elle oit, l’oie ! Ce que nous
oyons, l’oie l’oit-elle ?
209) Si au lieu de dire « l’oreille » on dit « l’ouïe », alors : l’ouïe de l’oie a ouï. Pour peu
que l’oie appartienne à Louis, alors là… : « L’ouïe de l’oie de Louis a ouï. » « Ah oui ?
Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ? » « Elle a ouï ce que toute oie oit. » « Et qu’oit
toute oie ? » « Toute oie oit, quand mon chien aboie le soir au fond des bois, toute oie
oit : ouah ! ouah ! Qu’elle oit, l’oie !… »
210) Au passé, ça fait : J’ouïs… J’ouïs ! Il n’y a vraiment pas de quoi ! !
Roland Magdane, Le merdier
211) Bon, d’un autre côté, je vais te dire un truc, si ils nous prennent tous pour des idiots,
c’est qu’on est peut-être vraiment, hein… Non, mais pas nous ici, hein. Hein, non…
tous les autres dehors ! On l’est peut-être vraiment, je sais pas, on va essayer d’analyser
ça tous ensemble. Y a eu le siècle des lumières. Ca c’est fini, hein, maintenant, là on est
au siècle de la consommation. Et dans le mot CONsommation, oui, il y a le mot
sommation d’accord, mais la première syllabe est quand même très claire. Puis, on
aime ça consommer. On aime en acheter du bazar. Finalement dans la vie plus on a de
bazar plus on est content, hein. […] Ça s’appelle le confort. Encore une fois la
première syllabe est très claire. Pis après tu te maries, pour doubler ton pouvoir d’achat
de merdier. Le bonheur conjugal. Les deux conjoints, ou des concubins, c’est pareil,
hein, la langue française est bien faite. […]
212) Les CONducteurs : 90 chevaux dans le moteur, 1 âne au volant.
158
CORPUS CLASSÉ
Remarques typographiques
–
–
–
Les « x » indiquent que l’humoriste cite un discours, rapporte des paroles en discours
direct.
Les [x] indiquent une didascalie (les didascalies portent généralement sur le non-verbal
et le paraverbal).
Les [x] indiquent la partie du discours à laquelle il est fait allusion (ils sont de taille
inférieure aux crochets de didascalies). NB : Les didascalies qui font partie du discours
indiqué sont à l’intérieur des crochets de rappel, et le texte est petit aussi :
[xxxxx[xx]xxxxx].
Ce que ne sont pas les allusions discursives
L’anticipation déçue
Les Misérables c’est pas lui, c’est Goethe.
La Bible c’est pas lui non plus…
Sartre était marié, la pauvre femme, bien sûr je la connais ! C’était… et ben c’était, et
ben c’était, et ben c’était Mme Sartre ! De Beauvoir ! Je savais, Rolande de Beauvoir.
Euh, monsieur, je voudrais un Mac parce que P.C., ça veut dire « Plante
Constamment ».
Et pourquoi y a-t-il du fer dans l’alcool ? Euh, dans l’eau ferrugine, dans l’eau
ferrugineu-neuse, hum ?
Tiens, j’ai envie de te donner une note !… 8 ! Sur 20 ! Oui, oui ! T’aurais mis un autre
parfum, c’est sûr tu aurais eu la moyenne !…
D’ailleurs qu’est-ce que ça va être ? Garçon ? Fille ? Les gens me demandent toujours
« Qu’est ce qui te ferait le plus plaisir ? ». Moi, ce qui me ferait le plus plaisir, c’est un
labrador.
Non, en fait, garçon, fille, c’est pas grave, je prends ce qui vient. Si c’est une fille, on
en fera un autre.
Et qu’est-ce qu’on dort mal, qu’est-ce que ça va être quand il sera né ? Le biberon de
minuit, celui de trois heures, de six heures : elle va me réveiller à chaque fois qu’elle va se
lever !
Les allusions à un genre de discours
Les imitations et transformations
« L’universalité, l’universalité de la pensée philosophique du XXe siècle, l’universalité
de la pensée philosophique du XXe siècle repose sur la controverse existant entre les
individualités d’écriture et l’instinct surréaliste sous-jacent chez la plupart des auteurs tout
en respectant la linéarité de la pensée du monde occidental. »
OK, l’historique. Petit 2 parce que j’ai fait petit 1. Petit 2 : l’historique. Petit 2 :
l’historique. Alors…
Seulement bon, ça a jamais atteint des sommets, c’est une femme.
159
« Vous avez mal éteint l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. » […] « L’application
ayant servi à créer ce document est introuvable. » […] « Une erreur système est survenue
inopinément. »
« Mémoire, par ordre de sa majesté, je vous libère ».
C’est http slash h, […]
« Vous avez demandé le service technique, ne quittez pas, toutes nos lignes sont
saturées, veuillez patienter toute la journée. »
« Vous avez envoyé un formulaire de paiement non sécurisé, les informations fournies
peuvent être lues pendant le transfert, souhaitez-vous poursuivre ? »
Ton adresse c’est bien canard point arobase… ah c’est canard arobase point.
Non mais je sais pas papa, mais je veux dire, on dirait que tu ne me fais pas confiance.
Ouais, mais je veux dire papa, si toi tu ne me fais pas confiance, je veux dire mais qui va
me faire confiance sur cette planète ? Je veux dire papa, je veux dire, je suis plus un bébé,
j’ai 14 ans, je suis une adulte.
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs… en tant que dégueulé, que… délégué de... de
la ligue anti-alcoolique,
L’alcool non, mais l’eau fer, l’eau ferru, l’eau ferrugineuse oui !
C’est l’histoire d’un mec... Vous la connaissez ?
Wah, nom da Dieu.
Bonsoir ! vous êtes Micheline, divorcée sans enfant, pas sérieux s’abstenir... Je suis
Jean-Luc… Prêt à tout pour faire battre ton cœur, libre de suite et plus si affinités...
Si ça se trouve, on va coucher ensemble ce soir, alors qu’on ne se connaissait pas, […]
et si tu me demandais de te faire l’amour, là, tout de suite, dans ma petite chambre de
bonne, qui est à deux pas d’ici pourtant ! Ben je te dirais non ! Non Micheline, prenons le
temps de faire connaissance, attendons […]
Et si on prenait un avion et qu’on partait sur le mont Saint-Michel, courir à la vitesse
d’un cheval au galop contre la marée ?...
Alors que nous dans les pays riches, nous, chez nous on se souhaite « Bon appétit »,
nous. […] Alors on s’encourage les uns les autres, on se dit : « Allez, bon appétit ! » On y
croit, on se bat !
Vous vous pointez au resto avec un copain, par exemple, vous arrivez, le garçon, y
vient vous accueillir, y dit : « C’est pour dîner ? »
Tiens, un autre exemple, vous êtes invité à une soirée chez quelqu’un. Vous arrivez, la
maîtresse de maison, elle vient, elle ouvre la porte et elle fait : « Ah c’est vous ? »
Alors y a pire, y a pire, parce que une fois à l’intérieur tu tombes sur un autre copain
qui te dit : « Ah tu as été invité aussi ? »
tu rencontres un copain dans la rue et il te dis : « Tiens, t’as été chez le coiffeur ? »
« Tiens, t’es rentré de vacances ? »
Y a aussi le fameux : « Faites comme chez vous ! »
[Elle enregistre, parle extrêmement vite] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, je
ne suis pas là pour le moment mais laissez-moi un message avec vos coordonnées, je vous
rappellerai dès mon retour. Vous pourrez parler après le bip sonore qui va suivre, merci
d’avoir appelé au revoir et à très bientôt.
[Elle enregistre] Bonjour, et bien, et bien oui vous êtes bien chez Muriel Robin, tagada
tsouin tsouin, je ne suis pas là pour le moment, je vais revenir, alors laissez-moi un
message avec vos pouet pouet coordonnées, et je vous rappellerai dès mon diling ding ding
ding retour. Vous pourrez parlez après le mda da mda da mda mda mda da bip sonore.
[Elle se met à chanter tout en parlant] Merci d’avoir appelé, au revoir et à bientôt, oh oh,
oh.
Et les questions qu’on nous pose : « Elle est enceinte ? De qui ? »
160
et voila encore une angoisse. Est-ce que je suis le père ?
[Mon père voudrait qu’on l’appelle Dominique. C’est bien Dominique, ça marche pour les filles et les
garçons. En fait, mon père, c’est surtout qu’il a trouvé une gourmette en or avec marqué « Dominique »
dessus !] Heureusement qu’il n’a pas trouvé un collier anti-puces… « Sultan », pour un
gamin ça handicape dans la vie.
J’ai essayé de piocher un prénom au hasard dans le calendrier avec une fléchette,
j’avais peur de tomber sur « Armistice » ou « Mardi Gras », enfin si je m’étais écouté, il
s’appellerait Imprimerie-Leduc-à-Saint-Cloud Timsit.
On dirait un rang de vampires agrippés à la branche morte d’un chêne noir dans
l’attente silencieuse du poulain égaré au tendre flanc duquel ils ventouseront leur groin
immonde pour aboucher son sang clair en lentes succions gargouillées et glaireuses,
jusqu’à ce que mort s’ensuive.
De sa gorge puissante monte le long cri de guerre de l’homme des penderies. « Putain
de bordel de merde de cintre à la con, chié. »
Oui tu as de très belles lettres dans ton mot mais la deuxième condition au Scrabble
c’est que ça veut dire quelque chose.
T’as jamais entendu l’expression : « fier comme un waker » ?
Les allusions à un texte ou à un discours
Les allusions interdiscursives
L’homonymie
Je, je, je tire un sujet ? avec mon fusil ?
Jean-Paul Sartre était quelqu’un de très entouré. À la guerre, il a même été encerclé.
je suis connectée à Internet. Je surfe, je navigue, enfin, pour l’instant, je rame.
J’ai un copain, dans son bureau, on lui a demandé de sauvegarder une disquette, il l’a
photocopiée puis il l’a mise dans un préservatif pour la protéger des virus.
L’eau fer, l’eau fer, l’eau ferrugineuse, comme son nom l’indique, contient du fer... du
fer [rire]. Et le dire, c’est bien, mais le faire / fer, c’est mieux !
de faire/fer à cheval...
Parce que le fer à repasser, heu, non, pas le fer à repasser... l’eau, disais-je, l’eau, c’est
parce que l’eau a passé et a repassé sur le fer
Il a dissout le fer. [rire] Et le fer a dix sous, c’est pas cher, hoc, hein ?
Alors pourquoi boire cet alcool qui plus onéreux que l’eau ferrugineu,
ferru[bafouille]neuse ruine la santé et le portefeuille ?
il faut vivre mais il faut pas s’en faire [long rire exagéré].
J’avais un copain y s’appelait Cocu. C’est agréable ! Il osait pas se marier, dis donc.
[…] Alors pour se donner du courage, y s’étaient cuités tous les deux. Il est arrivé devant
le maire avec sa promise bourrée. Tiens... D’habitude, ça fait rigoler ça, promise bourrée.
[bafouille, cherche] Ah non ! Cuitée ! Promise cuitée, c’est « promise cuitée » qui fait rire !
Ca fait rien, partez pas, je vais vous la refaire. Alors il est arrivé devant monsieur le maire
avec sa promise complètement cuitée... ça fait rien, laissez tomber !
Il avait été blessé au front... Non, pas à la tête, aux pieds.
Moi qui vous cause, j’ai été blessé deux fois : une fois à l’abdomen, une fois à
l’improviste.
On se disait toujours comme ça : « Ah ben ! Y fera beau demain ». Et beng ! La flotte !
Remarquez faut pas se plaindre, au Pakistan, y se disent toujours : « Ah ben ! On aura une
meilleure récolte l’année prochaine ». Et beng, la dèche ! [tousse]
161
Et c’est même dangereux parce que l’autre jour, l’autre jour, je suis rentré dans une
boulangerie, j’ai dit : « Bonjour madame, est-ce que vous avez des grosses miches ? » Et
ben elle m’a mis un pain dans la gueule, hein ! Faut se méfier…
Moi, je vois, si je suis seule - à compter que je sois seule - j’ai compté : je suis seule et bien si je suis seule, c’est un choix
Non, moi, je mets mon énergie ailleurs : je fais du vélo-camping. Ah, ça, c’est très très
très sympa, hein. Moi, l’été dernier, je m’étais fait un très très joli parcours : j’ai fait Vittel,
c’est ça, après, j’ai fait une grande boucle, et je suis remontée, après, je suis repassée par
Mantes, c’est ça, vittel-menthe, et vous qu’est-ce que vous prenez ? Je plaisante...
Oh oui, j’ai une vie privée... privée de tout, c’est vrai, mais privée quand même !
Je suis pas très bon aux fléchettes, je suis meilleur tireur que pointeur, hein.
Pour me rassurer, ils lui ont fait faire une échographie, c’est un supplice, ça fait un mal
au yeux cet écran. On dit qu’on ne voit pas bien moi je dis qu’on voit trop ; les boyaux, la
rate, le foie, tu loupes rien. Ah, je connais tout de ma femme, la beauté intérieure
maintenant je sais ce que c’est. Y a pas beaucoup de nanas qui sont gaulées comme le foie
de ma femme.
Il va mesurer un mètre quatre vingt dix dont un mètre de tête… avec un cordon de
trente mètres de long derrière lui. Quitte à avoir un môme, j’aimerais en avoir un sans fil.
Et quand il sera né il restera encore UNE angoisse : est-ce qu’il sera beau ? On n’est
pas objectif. Et les copains, je ne les vois pas me dire : « Ah, non pas terrible, il a la tête un
peu grosse, il est tout frisé, il est plein de poils, il a du bide, euh… » […] « Alors il est où
le petit monstre ? Oh pardon ».
Il y a des objets qui agressent l’homme parce que c’est leur raison d’être. Prenez la
porte. Non.
L’homme prend alors son courage et la double porte du placard à deux mains.
L’homme bande. Surtout ses muscles.
Je me dis : « Ce type, il est fou à lier ! »
J’ai eu envie de le ceinturer...
je l’ai bouclée !!!
Au passé, ça fait : J’ouïs... J’ouïs ! Il n’y a vraiment pas de quoi !
Les CONducteurs : 90 chevaux dans le moteur, 1 âne au volant.
La paronomase
Sartre. Comme le, comme le département ? Ah, ah non comme le philosophe.
En tant que dégueulé, que… délégué de...
Et je suis fer, heu... et je suis fier,
vous le sentez quand vous quand vous en bouvez, quand vous en buvez, ça pique !
Tu ne t’assois pas ? Bah fais comme moi, prends une pouffe. Enfin, je veux dire, prend
un pouf...
Tu aimes le Scrabble ? Non, parce que j’ai un ami qui organise des partouses de… des
parties de Scrabble.
[Elle enregistre] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin, je ne suis pas là pour le
moment, mais laissez-moi un message avec vos conoréné... avec vos coordonnées bien sûr
et je vous rappellerai dès mon retour. Vous pourrez parler après le bip sonore qui va suivre
merci d’avoir appelé au revoir, à très bientôt. [Elle coupe l’enregistrement]
Sur « coordonnées », j’ai un peu… crognocrogné..
Non pas cordonnier, ça veut rien dire, ah non ! Laissez-moi vos cordonniers, non, ça
n’a aucun sens !
À toi Véro. « Égérie » ? « Algérie » ! « Égérie ».
162
Les virelangues
J’ois... Tu ois... Tu ois mon chien qui aboie le soir au fond des bois ? Il oit... Oyonsnous ? Vous oyez... Ils oient. C’est bête ! L’oie oit. Elle oit, l’oie ! Ce que nous oyons,
l’oie l’oit-elle ?
Si au lieu de dire « l’oreille » on dit « l’ouïe », alors : l’ouïe de l’oie a ouï. Pour peu
que l’oie appartienne à Louis, alors là… : « L’ouïe de l’oie de Louis a ouï. » « Ah oui ? Et
qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ? » « Elle a ouï ce que toute oie oit... Et qu’oit toute oie ?
Toute oie oit, quand mon chien aboie le soir au fond des bois, toute oie oit : ouah ! ouah !
Qu’elle oit, l’oie !... »
Les allusions intertextuelles
…par défigement « audible »
On l’a bien vu d’ailleurs en mai 48 quand il y a eu la révolution des étudiants.
Les 6, Les 6 Mousquetaires, Les 6 Mousquetaires, non, non, non, ça c’est, ça c’est
Cousteau…
[une imprimante à] 9000 balles, il est pas au courant.
Pour les ordinateurs, ça s’appelle la hot line, [ça coûte] 50 francs la minute.
Mais pourquoi tant d’amour ?
Je m’appelle Dumoulin, mais les copains m’appellent Duboudin parce que chaque fois
que j’entrais dans la chambrée, y en avait toujours un qui chantait : « Tiens voilà
Dumoulin, voilà Dumoulin... »
Ça fait 5 minutes qu’on se raconte un peu notre vie, tous ces petits tous qui font ces
petits riens, c’est vrai !
Non, mais enfin, je préfère vivre seule que mal accompagnée, voilà... Comment ? Bien
accompagnée ? C’est autre chose...
Moi quoi qu’il en soit, je ne cours pas après la sexualité... Elle me le rend bien, faut
dire ce qui est !
Il va mesurer un mètre quatre vingt dix dont un mètre de tête… avec un cordon de
trente mètres de long derrière lui. Quitte à avoir un môme, j’aimerais en avoir un sans fil.
Le cintre est un loup pour l’homme.
Non, simplement, l’homme prend la porte dans la gueule parce qu’il faut qu’une porte
soit ouverte, ou bleue.
L’homme prend alors son courage et la double porte du placard à deux mains.
Dans son inoubliable J’irai cracher sur vos cintres, Ernest Hemingway n’évite-t-il pas
d’aborder le sujet ? Un silence qui en dit long, non ?
Il fait noir. La nuit, tous les pantalons sont gris.
T’as jamais entendu l’expression : fier comme un waker ?
…par défigement « interprétable »
Jean-Paul Sartre était quelqu’un de très entouré. À la guerre, il a même été encerclé.
Ah ben ça compte plus, vous me l’avez dit, Jean-Paul Sartre a écrit les mains sales, ça a
même été le premier à écrire les mains sales.
It’s raining men, alleluia, it’s raining men…
L’eau fer, l’eau fer, l’eau ferrugineuse, comme son nom l’indique, contient du fer... du
fer [rire]. Et le dire, c’est bien, mais le faire, c’est mieux ! [rire]
il faut vivre mais il faut pas s’en faire / sans fer.
Bonsoir ! vous êtes Micheline, divorcée sans enfant, pas sérieux s’abstenir… Je suis
Jean-Luc… Prêt à tout pour faire battre ton cœur, libre de suite et plus si affinités…
Oui des amis, et puis c’est très très sympathique. Je vois par exemple, hier Yvonne
n’avait plus de papier, elle est venue m’en demander, je l’ai dépannée, c’était TRÈS
sympa !
163
Du coup, pour communiquer avec lui, ma femme s’est replongée dans Laurence
Pernod, et moi dans Star Trek !
De toute façon c’est sûr qu’avec ta gueule on ne peut pas aller bien loin. Quoi ? Mais
non, je dis simplement que tu as mis « gueule » en travers du jeu et ça bloque tout le
monde !
Je me dis : « Ce type, il est fou à lier ! »
je l’ai bouclée !!!
Bon, d’un autre côté, je vais te dire un truc, si ils nous prennent tous pour des idiots,
c’est qu’on est peut-être vraiment, hein… Non, mais pas nous ici, hein. Hein, non… tous
les autres dehors ! On l’est peut-être vraiment, je sais pas, on va essayer d’analyser ça tous
ensemble. Y a eu le siècle des lumières. Ca c’est fini, hein, maintenant, là on est au siècle
de la consommation. Et dans le mot CONsommation, oui, il y a le mot sommation
d’accord, mais la première syllabe est quand même très claire. Puis, on aime ça
consommer. On aime en acheter du bazar. Finalement dans la vie plus on a de bazar plus
on est content, hein. […] Ça s’appelle le confort. Encore une fois la première syllabe est
très claire. Pis après tu te maries, pour doubler ton pouvoir d’achat de merdier. Le bonheur
conjugal. Les deux conjoints, ou des concubins, c’est pareil, hein, la langue française est
bien faite. […]
Les CONducteurs : 90 chevaux dans le moteur, 1 âne au volant.
Les allusions intratextuelles
Les parallélismes connexes
Parallélismes syntaxiques
Je m’arrête tout de suite, c’est les hormones, c’est la puberté !
Pourquoi, j’ai oublié des trucs ? […] j’apprends des trucs alors !
Je l’ai pas ? Je l’ai toujours pas ?
[je suis connectée à Internet.] Je surfe, je navigue, enfin, pour l’instant, je rame.
Ce sera pareil madame, avec l’informatique, tout va vite, tout va très très vite. »
Putain, elle est où la touche « mémoire » ? Y a pas de touche « mémoire ».
On sait pas ce qu’on y cherche, et on trouve tout… ce qu’on cherche pas.
[chantonné] Mais tout va bien, tout tout tout va bien, tout va bien sauf que t’es là.
Non, ça sent pas mauvais, c’est mon nouveau parfum. Shampoing à la pomme, parfum
à la vanille, savon à la fraise. Yves Rocher, Kookaï, Carrefour.
Mais non papa, c’est pas de l’alcool, c’est de la vodka-orange.
Mais papa, faut pas faire attendre la femme qu’on aime. Tu préfères surveiller la fille
que t’aimes ?
mais la drogue mais c’était à ton époque, maintenant, c’est le shit.
l’eau a passé et a repassé sur le fer, et le fer a dissout. [rire]
Alors pourquoi boire cet alcool qui plus onéreux que l’eau ferrugineu,
ferru[bafouille]neuse ruine la santé et le portefeuille ?
le fer est salutaire [rire]. Il est salutaire, lui, le fer.
D’ailleurs ne dit-on pas : une santé de fer ? hum ? Un homme de fer ? hum ? [presque
tout bas et hésitant...] Un mammifère ?
On se disait toujours comme ça : « Ah ben ! Y fera beau demain ». Et beng ! La flotte !
Remarquez faut pas se plaindre, au Pakistan, y se disent toujours : « Ah ben ! On aura une
meilleure récolte l’année prochaine ». Et beng, la dèche !
des petites boîtes rondes qu’on avait, comme ça, kaki dehors, voyez, et caca dedans.
Ah, c’est toi chérie ! Euh ! C’est toi Thierry !
Parce que d’accord on a eu de l’appétit ce matin, on en a eu à midi, mais ce soir, on
n’est pas à l’abri !
164
Non, mais c’est vrai, c’est pas mon truc, c’est pas mon truc, c’est pas mon truc ; chacun
son truc, c’est pas le mien.
ils me téléphonent jamais, ils me disent pas quand ils sortent
je garde toujours le petit père Noël, la petite hache, les petits trucs en plastique dessus,
Au-dessus, c’est une femme, comme moi. Elle vit seule, comme moi. Elle a l’air d’être
très heureuse...
Non mais, elle porte le bébé pendant neuf mois, et nous on la supporte pendant neuf
mois...
Plus elle fait des montées de lait, plus je fais des descentes de vodka, je ne reste pas là
sans rien faire.
Elle a des nausées, elle les a eues très tôt les nausées, pendant les rapports déjà elle
vomissait…
Ha ! ça va être une tête… D’ailleurs, pour le moment, c’est qu’une tête.
Non mais j’ai changé d’avis je ne vais pas assister à l’accouchement, je ne vais peutêtre même pas assister à l’enfance, non, je n’assisterai qu’à l’adolescence, et encore, vers la
fin, quand il aura trouvé du boulot et quitté la maison...
il faut qu’une porte soit ouverte, ou bleue.
Il est seul. Il est nu. Il est grand.
Quelques gouttes de sueur perlent à sa paupière. […] Quelques couilles de plomb
pendent à son derrière.
Il a soif, il a froid, il n’a plus de courroux.
Parallélismes sémantiques
Je m’arrête tout de suite, c’est les hormones, c’est la puberté !
Pourquoi, j’ai oublié des trucs ? […] j’apprends des trucs alors !
je suis connectée à Internet. Je surfe, je navigue, enfin, pour l’instant, je rame.
j’envoie des mails, après je téléphone pour vérifier qu’ils sont bien arrivés.
Shampoing à la pomme, parfum à la vanille, savon à la fraise. Yves Rocher, Kookaï,
Carrefour.
Mais non papa, c’est pas de l’alcool, c’est de la vodka-orange.
Mais papa, faut pas faire attendre la femme qu’on aime. Tu préfères surveiller la fille
que t’aimes ?
Mais papa, mais la drogue mais c’était à ton époque, maintenant, c’est le shit.
On se disait toujours comme ça : « Ah ben ! Y fera beau demain ». Et beng ! La flotte !
Remarquez faut pas se plaindre, au Pakistan, y se disent toujours : « Ah ben ! On aura une
meilleure récolte l’année prochaine ». Et beng, la dèche !
des petites boîtes rondes qu’on avait, comme ça, kaki dehors, voyez, et caca dedans.
tous ces petits tous qui font ces petits riens, c’est vrai !
Parce que d’accord on a eu de l’appétit ce matin, on en a eu à midi, mais ce soir, on
n’est pas à l’abri !
Non, mais enfin, je préfère vivre seule que mal accompagnée, voilà... Comment ? Bien
accompagnée ? C’est autre chose...
personne pour me dire « la 2 », « la 3 », « le foot »...
Ah oui, j’aime bien tout ce qui est blagues, rébus, calembours, charades, même les
puzzles, j’adore ça, hein !
En légume, qu’est-ce que j’avais mis, déjà ? Ah oui bien sûr, du chou-fleur, et en
dessert, la bûche ! Une petite tranche de bûche pour la tronche de cake !
Non mais, elle porte le bébé pendant neuf mois, et nous on la supporte pendant neuf
mois...
Plus elle fait des montées de lait, plus je fais des descentes de vodka
165
Non, simplement, l’homme prend la porte dans la gueule parce qu’il faut qu’une porte
soit ou verte ou bleue.
Alors Alexandre, ton nouveau mot, c’est quoi ? « Bite », « Nichon », « Couille » ?
Les CONducteurs : 90 chevaux dans le moteur, 1 âne au volant.
Parallélismes phonétiques
Ça, j’ai pas noté ça. Hein ? Non, je dis j’ai pas voté.
C’est l’autre main… Hein ? Non, je dis qu’il écrivait des 2 mains.
« On est au XXIe siècle, courage, télécharge ».
Alors que le vers solitaire, heu, non, pas, pas le vers solitaire, heu, heu, le, heu, le fer
est salutaire [rire]. Il est salutaire, lui, le fer.
D’ailleurs ne dit-on pas : une santé de fer ? hum ? Un homme de fer ? hum ? [presque
tout bas et hésitant...] Un mammifère ?
Alors suivez-moi et comme disait mon grand-fer heu, mon grand-frère,
Ya, Aufwiedersen !
- Oui ! c’est ça. Aux fines herbes.
des petites boîtes rondes qu’on avait, comme ça, kaki dehors, voyez, et caca dedans.
Ah, c’est toi chérie ! Euh ! C’est toi Thierry !
Une petite tranche de bûche pour la tronche de cake !
Quelques gouttes de sueur perlent à sa paupière. […] Quelques couilles de plomb
pendent à son derrière.
J’ois... Tu ois... Tu ois mon chien qui aboie le soir au fond des bois ? Il oit... Oyonsnous ? Vous oyez... Ils oient. C’est bête ! L’oie oit. Elle oit, l’oie ! Ce que nous oyons,
l’oie l’oit-elle ?
Si au lieu de dire « l’oreille » on dit « l’ouïe », alors : l’ouïe de l’oie a ouï. Pour peu
que l’oie appartienne à Louis, alors là… : « L’ouïe de l’oie de Louis a ouï. » « Ah oui ? Et
qu’a ouï l’ouïe de l’oie de Louis ? » « Elle a ouï ce que toute oie oit... - Et qu’oit toute oie ?
- Toute oie oit, quand mon chien aboie le soir au fond des bois, toute oie oit : ouah ! ouah !
Qu’elle oit, l’oie !... »
Parallélismes par opposition
Mais non papa, c’est pas de l’alcool, c’est de la vodka-orange.
Mais papa, faut pas faire attendre la femme qu’on aime. Tu préfères surveiller la fille
que t’aimes ?
Mais papa, mais la drogue mais c’était à ton époque, maintenant, c’est le shit.
une conférence contre hoc, contre, contre l’alcool.
Parce que d’accord on a eu de l’appétit ce matin, on en a eu à midi, mais ce soir, on
n’est pas à l’abri !
Non, mais enfin, je préfère vivre seule que mal accompagnée, voilà... Comment ? Bien
accompagnée ? C’est autre chose...
Ha, je ne veux pas qu’il se développe moi, je veux qu’il change. Mais s’il se développe
comme ça, mais c’est n’importe quoi.
Parallélismes pseudo-morphologiques
D’ailleurs ne dit-on pas : une santé de fer ? hum ? Un homme de fer ? hum ? [presque
tout bas et hésitant...] Un mammifère ?
Non mais, elle porte le bébé pendant neuf mois, et nous on la supporte pendant neuf
mois...
Bon, d’un autre côté, je vais te dire un truc, si ils nous prennent tous pour des idiots,
c’est qu’on est peut-être vraiment, hein… Non, mais pas nous ici, hein. Hein, non… tous
les autres dehors ! On l’est peut-être vraiment, je sais pas, on va essayer d’analyser ça tous
ensemble. Y a eu le siècle des lumières. Ca c’est fini, hein, maintenant, là on est au siècle
166
de la consommation. Et dans le mot CONsommation, oui, il y a le mot sommation
d’accord, mais la première syllabe est quand même très claire. Puis, on aime ça
consommer. On aime en acheter du bazar. Finalement dans la vie plus on a de bazar plus
on est content, hein. […] Ça s’appelle le confort. Encore une fois la première syllabe est
très claire. Pis après tu te maries, pour doubler ton pouvoir d’achat de merdier. Le bonheur
conjugal. Les deux conjoints, ou des concubins, c’est pareil, hein, la langue française est
bien faite. […]
Parallélismes par répétition
Je choisis, je choisis, je prends, je prends [il hésite]… C’est fini, c’est fini, je prends, je
prends…
Euh, Jean-Paul Sartre. Bon, petit 1 : Jean-Paul Sartre. Petit 1 : Jean-Paul Sartre. JeanPaul Sartre… Jean-Paul Sartre… Jean-Paul Sartre… J’ai bon ? Vous énervez pas, oui oui,
j’y vais… Sartre Jean-Paul. Ça marche aussi de l’autre côté.
Non, mais je suis contente parce que maintenant j’ai une adresse e-mail. Non mais j’en
avais assez qu’on me demande : « T’as pas d’e-mail ? »
- Non, j’ai un téléphone…
- Ouais mais t’as pas d’e-mail ?
[chantonné] Mais tout va bien, tout tout tout va bien, tout va bien sauf que t’es là.
Non ? Non, parce que par... euh parce que par exemple euh alors euh parce que par
exemple si vous voulez, non parce que par exemple si, quand, y a des… par exemple des
histoires , des mecs y… C’est… ou alors euh des fois c’est des histoires [bafouille] ah euh
[bafouille] Mais là non.
Ah ben, on a souffert, hein ? On a souffert de l’odeur, mon gars, on a souffert de
l’odeur, tiens !
Ça, c’est sûr : quand on est tout seul, on est peinard.
Non, mais c’est vrai, c’est pas mon truc, c’est pas mon truc, c’est pas mon truc ; chacun
son truc, c’est pas le mien.
Non mais j’attends un bébé. C’est vrai ma femme est enceinte, alors moi, forcément du
coup, j’attends un bébé.
Chiasmes
Euh, Jean-Paul Sartre. Bon, petit 1 : Jean-Paul Sartre. Petit 1 : Jean-Paul Sartre. JeanPaul Sartre… Jean-Paul Sartre… Jean-Paul Sartre… J’ai bon ? Vous énervez pas, oui oui,
j’y vais… Sartre Jean-Paul. Ça marche aussi de l’autre côté.
mais la drogue mais c’était à ton époque, maintenant, c’est le shit.
l’eau a passé et a repassé sur le fer et le fer a dissout.
Y a des histoires, c’est plus rigolo quand c’est un juif... si on est... pas juif... Ben oui,
faut un minimum... Et puis y a les histoires, c’est plus rigolo quand c’est un Belge... bah...
si on est... Suisse... et puis le contraire... Un Suisse si on est Belge...
Parce que d’accord on a eu de l’appétit ce matin, on en a eu à midi, mais ce soir, on
n’est pas à l’abri !
je ne demande rien à personne. Et personne ne me demande rien ?
Et j’aime bien écouter la radio devant mon petit plateau télé... beaucoup moins
intéressant dans l’autre sens : je ne regarderais pas la télé devant un petit plateau radio,
vous voyez !
Les parallélismes proximaux ou distaux
[« L’universalité, l’universalité de la pensée philosophique du XXe siècle, l’universalité de la pensée
philosophique du XXe siècle repose sur la controverse existant entre les individualités d’écriture et l’instinct
surréaliste sous-jacent chez la plupart des auteurs tout en respectant la linéarité de la pensée du monde
occidental. » [Il retourne le bouquin.] Allez, putain je le sais ça je le sais, je le sais, je le sais, je le sais, je le
e
sais…] L’université du XX est adjacente avec des insoltis [bafouille] sur l’inverse du…
167
[Parce qu’avec mes logeurs, avec les Thénardier ça va pas fort.] C’est à cause de ma sœur
Cosette, elle est séropositive, alors…
[P.C., ça veut dire Plante Constamment.] Tu sais ce que ça veut dire P.C. ? P’tit Con.
[« Vous avez mal éteint l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. » […] « Veuillez libérer de la
mémoire. »] Non, mais il est très poli, mon ordinateur, parce que j’ai beau l’insulter, il
continue de me vouvoyer.
[« Vous avez mal éteint l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. » […] « L’application ayant servi à
créer ce document est introuvable. » […]] Poli mais mauvais caractère, des fois il se braque, y a
plus aucune touche qui marche : « Bad command, invalid response. ». Quand il parle
anglais, c’est qu’il est très énervé.
[« Vous avez mal éteint l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. »] Alors là, pour débloquer la
situation je le débranche et quand je le rallume il m’engueule : « Vous avez mal éteint
l’ordinateur, nous allons le reconfigurer. ».
[Le driver d’installation pour ceux qui savent pas, c’est la disquette que tu mets dans l’ordinateur pour
lui dire qu’il est relié à une imprimante, sinon il est pas au courant.] Franchement, tu branches une
machine à laver le linge dans le mur, t’as pas besoin de lui dire au mur qu’il est relié à une
machine à laver.
[C’est http slash h, le temps de taper l’adresse sans te gourer, t’as plus vite fait d’aller à la gare.] Non,
je t’envoie pas de fax, c’est plus rapide Internet !
[L’alcool non, mais l’eau fer, l’eau ferru, l’eau ferrugineuse oui !] L’alcool non, mais l’eau ferru,
l’eau ferrugineu, l’eau ferrugineu-neuse oui !
[Et je suis fer, heu... et je suis fier] Et je suis f…
[L’alcool non, mais l’eau fer, l’eau ferru, l’eau ferrugineuse oui ! […] L’alcool non, mais l’eau ferru,
l’eau ferrugineu, l’eau ferrugineu-neuse oui !] L’alcool non, mais l’eau ferrugine, l’eau ferrugineuneuse oui !
[L’alcool non, mais l’eau fer, l’eau ferru, l’eau ferrugineuse oui ! […] L’alcool non, mais l’eau ferru,
l’eau ferrugineu, l’eau ferrugineu-neuse oui ! […] L’alcool non, mais l’eau ferrugine, l’eau ferrugineu-neuse
oui !] L’alcool non, mais l’eau rugine, l’eau ferrugine ferrugineu-neuse oui !
Non ? Non, parce que par… euh parce que par exemple euh alors euh parce que par
exemple si vous voulez, non parce que par exemple si, quand, y a des… par exemple des
histoires, des mecs y… C’est… ou alors euh des fois c’est des histoires [bafouille] ah euh
[bafouille] Mais là non.
[Mais c’est l’histoire d’un mec qui est sur le pont de l’Alma, le mec, ah ouais, et c’est l’histoire d’un mec
qui est sur le pont de l’Alma, d’accord, si on veut, mais c’est l’histoire d’un mec qui est sur le pont de l’Alma
qui regarde dans l’eau le mec… Pas con le mec… […] Au bout d’une demi-heure, y a un autre mec qui
arrive, normal aussi, hein ? Blanc, il arrive et alors qu’est-ce qu’y voit ? Y voit un mec qui est là depuis une
demi-heure et qui regarde dans l’eau, dis donc, le mec, hé… [rire] Alors le mec, parce que, bon je veux dire
y… parce que…] parce que maintenant y a deux mecs... Ah non, prenez des notes parce que
je vais pas répéter...
[En fait, Mais oui, non, oui, non… J’exagère, non, oui, non, y a quand même, oui… Mettons qu’on
rencontre un vrai con en Suisse… C’est un Belge… Mais dans l’ensemble ça valait pas le coup de faire deux
pays rien que pour ça, hein ils aurait pu se débrouiller… […]] alors le mec, parce que quand même
faut pas prendre les Suisses que pour des cons… Non, y a des Belges dans le tas…
[« Ho ben, je suis emmerdé parce que j’ai laissé tomber mes lunettes dans la Loire »] « Ho, ben vous
savez, moi, sans mes lunettes… »…
[Tu vois Micheline… C’est ton vrai prénom Micheline ? ah non, non comme ça !] Tu vois
Micheline… J’ai du mal à m’y faire !
[Oui, non je suis sur un gros dossier là, euh, non une fin de série, oui, non, je pense en avoir pour deux
heures, oui remarque une heure ça devrait suffire, oui je…] Allo Martine ? Oui, c’est moi, écoute, la
réunion vient de s’annuler, je suis là dans un quart d’heure…
[« Allo ! Oui ! Qui me dérange là ? Ah, c’est toi chérie ! Euh ! C’est toi Thierry ! […] Je t’ai… je
t’apprécie !… »] Martine ? Tu m’aimes ?
168
[Et pis là à gauche t’as les chambres à coucher, […] et devant t’as une pièce avec pleine d’invités et là
elle croit bon d’ajouter : « C’est par là »] pour le cas où tu aurais voulu dormir une heure ou deux
avant
[à droite t’as la cuisine et devant t’as une pièce avec pleine d’invités et là elle croit bon d’ajouter :
« C’est par là »] ou si tu voulais aller faire un peu de vaisselle avant.
[Alors après elle insiste, elle dit : « Si vous voulez bien me suivre… »] Un peu que je veux la
suivre ! Je ne me suis pas tapé deux heures d’embouteillages dans Paris pour craquer à 3
mètres du bol de sangria quand même !
[Non, moi, je mets mon énergie ailleurs : je fais du vélo-camping.] Et moi, pour la rigolade, je suis
pas la dernière… Je suis pas dans le peloton de tête non plus, mais enfin, je suis pas la
dernière.
[En ce moment, on rigole au bureau : c’est le jeu des surnoms. Ça n’arrête pas. Alors, Jean-Claude, c’est
le distrait, il est toujours distrait ; […] et moi, comment ils m’ont appelée déjà... ah oui ! Tronche de cake !
[…] En légume, qu’est-ce que j’avais mis, déjà ? Ah oui bien sûr, du chou-fleur, et en dessert, la bûche !]
Une petite tranche de bûche pour la tronche de cake !
[L’intégralité du sketch] Au-dessus, c’est une femme, comme moi. Elle vit seule, comme
moi. Elle a l’air d’être très heureuse…
[laissez-moi un message avec vos conoréné… avec vos coordonnées bien sûr] [Elle arrête le
répondeur] Sur « coordonnées », j’ai un peu… crognocrogné.
[laissez-moi un message avec vos conoréné... avec vos coordonnées bien sûr […] Sur « coordonnées »,
j’ai un peu… crognocrogné.] Donc, coordonnées, on est bien d’accord, hein ? Coordonnées,
coordonnées, coordonnées.
[Coor-, coordonnées, c’est pas compliqué de dire « coordonnées » en plus…] Non pas cordonnier,
ça veut rien dire, ah non ! Laissez-moi vos cordonniers, non, ça n’a aucun sens !
[Donc, coordonnées, on est bien d’accord, hein ? Coordonnées, coordonnées, coordonnées.] [Elle
enregistre] [Elle enregistre] Bonjour, vous êtes bien chez coordonnées. [Elle arrête
l’enregistrement]
[Je vais pas passer 3 plombes sur ce truc ! En plus, on le connaît par cœur ! [Elle enregistre
involontairement] pour trois connards qui vont téléphoner. [D’un ton agressif] Bonjour, vous êtes bien chez
Muriel Robin, je vais revenir, alors laissez-moi un message avec vos COORDONNEES, je vous rappellerai
dès mon retour. […]] Hein, voilà ! On l’écoute, et on s’en est pas trop mal sorti. Je peux vous
dire ça aurait pu être beaucoup plus long, [elle écoute l’annonce] « Pour trois connards qui
vont téléphoner... »
[laissez-moi un message avec vos conoréné... avec vos coordonnées bien sûr] [Elle enregistre, ton
saccadé] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin. Je ne suis pas là pour le moment
mais... laissez-moi un message avec vos co-ordonnées et je vous rappellerai dès mon
retour.
[[Elle enregistre, ton saccadé] Bonjour, vous êtes bien chez Muriel Robin. Je ne suis pas là pour le
moment mais... laissez-moi un message avec vos co-ordonnées et je vous rappellerai dès mon retour. Vous
pourrez parler après le bip sonore qui va suivre. Merci d’avoir appelé. Au revoir et à très bientôt... [Elle arrête
l’enregistrement, applaudissements]] On se l’écoute pour le plaisir celui-là, et encore toutes mes
excuses, merci de votre patience. [Elle écoute l’annonce] « [parasites] et à très bientôt. »
[[Elle enregistre] Bonjour, Muriel Robin, répondeur, message, coordonnées, bip sonore, allô, merci.
[Elle coupe l’enregistrement]. Voilà, c’est pas dans l’ordre. [Elle écoute le message] « Bueños días, està bien
a la casa de Muriel Robino pero la señora no està aquí. Hable après el bip sonore, ciao. »] Y A
QUELQU’UN LÀ-DEDANS ? On va y arriver !
[Tous les enregistrements qui ont précédé] [Elle enregistre, très énervée] Bonjour, vous êtes
bien chez Muriel Robin, c’est vrai. Je ne suis pas là pour le moment, c’est vrai aussi ! Mais
je fais ce que je veux… Alors vous me laissez un message avec vos coordonnées si vous
les avez sur vous, sinon tant pis, vous n’aviez qu’à ranger vos affaires. Et vous parlez avant
le bip sonore ou après ou même pendant, moi j’en ai rien à CARRER !
169
[Non mais je devais avoir l’air complètement effrayé parce que le mec de l’échographie il a essayé de me rassurer :
« Mais ne vous inquiétez pas monsieur, il va se développer. »] Ha, je ne veux pas qu’il se développe moi,
je veux qu’il change. Mais s’il se développe comme ça, mais c’est n’importe quoi.
[Les gens me demandent toujours qu’est ce qui te ferait le plus plaisir ? Moi, ce qui me ferait le plus
plaisir, c’est un labrador. C’est pas possible, bah, un capitaine haddock en plâtre alors, ah mais j’y connais
rien moi, c’est le premier. Un homme c’est très con tant qu’il a pas eu d’enfant.] Hein, un homme, c’est
très con tant qu’il a pas eu d’enfant…
[Il veut son pantalon, le gris avec des pinces devant et le petit revers.] Au lieu d’accentuer sa
pression sur la tringle, il s’en échappe brutalement, entraînant dans sa chute le pantalon, le
gris, avec les pinces devant et le petit revers, celui-là même que l’homme veut ce matin
parce que, parce que bon.
[Bon ben allez joue Alexandre qu’est-ce que t’attends ? Il est comme ça, lui, [s’affale sur sa chaise pour
imiter son fils] « Érection » ? […] Bon, alors Alexandre, qu’est-ce que tu nous as trouvé ? Non, « Fellation »
ça ne s’écrit pas comme ça. […] « Sucre » ? Oui… T’as oublié le « R ».] Alors Alexandre, ton nouveau
mot, c’est quoi ? Bite, Nichon, Couille ?
[J’ois... Tu ois... Tu ois mon chien qui aboie le soir au fond des bois ? Il oit... Oyons-nous ? Vous oyez...
Ils oient. C’est bête ! L’oie oit. Elle oit, l’oie ! Ce que nous oyons, l’oie l’oit-elle ?] Si au lieu de dire
« l’oreille » on dit « l’ouïe », alors : l’ouïe de l’oie a ouï. Pour peu que l’oie appartienne à
Louis, alors là… : « L’ouïe de l’oie de Louis a ouï. » « Ah oui ? Et qu’a ouï l’ouïe de l’oie
de Louis ? » « Elle a ouï ce que toute oie oit… » « Et qu’oit toute oie ? » « Toute oie oit,
quand mon chien aboie le soir au fond des bois, toute oie oit : ouah ! ouah ! Qu’elle oit,
l’oie !... »
Les allusions par relations sémantiques
Je m’arrête tout de suite, c’est les hormones, c’est la puberté !
On peut faire des rencontres grâce au web. […] Là, il a sorti son disque dur, on s’est
connecté et ça a fait bug.
Mais non papa, c’est pas de l’alcool, c’est de la vodka-orange.
Mais papa, mais dis-moi de quoi t’as peur ? De la drogue ? Mais papa, mais la drogue
mais c’était à ton époque, maintenant, c’est le shit.
Oui, non je suis sur un gros dossier là, euh, non une fin de série, oui, non, je pense en
avoir pour deux heures, oui remarque une heure ça devrait suffire
Ah, je suis trop fleur bleue !... « Allo Martine ? Oui, c’est moi, écoute, la réunion vient
de s’annuler, je suis là dans un quart d’heure...
Et le môme, va falloir lui préparer son coin, sa gamelle, une caisse pour ces besoins.
Ce que j’ai vu tout de suite à l’échographie c’est que c’est un faignant : il y a un bordel
dans sa chambre.
On dirait un rang de vampires agrippés à la branche morte d’un chêne noir dans
l’attente silencieuse du poulain égaré au tendre flanc duquel ils ventouseront leur groin
immonde pour aboucher son sang clair en lentes succions gargouillées et glaireuses,
jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Il est prisonnier du troisième cintre en partant de la gauche. C’est un cintre dangereux,
particulièrement sournois.
Oh bien sûr, il ne paie pas de mine. En bois rose, les épaules tombantes, il ferait plutôt
pitié. Mais regardez bien son crochet. C’est une poigne de fer. Elle ne lâchera pas sa proie.
Il avance d’un demi-pas feutré, pour ne pas éveiller l’attention de l’ennemi.
À terre, le cintre rose est blessé. Rien n’est plus dangereux qu’un cintre blessé.
Il portait sa voiture en bandoulière ! Il me dit : « Vous ne savez pas comment on
détache cette ceinture? »
Les CONducteurs : 90 chevaux dans le moteur, 1 âne au volant.
170
Les allusions référentielles
Et c’est vrai que ça va vite, en cinq minutes, j’ai dépensé 8990 francs.
[à propos des noirs] On les appelle comme ça exprès nous d’ailleurs, oui ben, ils le
font pas méchamment la plupart... Oui parce que nous, si vous voulez, c’est, on se dit,
parce que on se dit tiens [montre le dessus de sa main, puis la retourne et montre la paume]
moins là ! D’ailleurs mais c’est… Non, mais en fait, c’est parce que on se dit tiens… Mais
en fait, c’est, je veux dire, c’est [désigne son corps] euh… tout petits déjà... des fois, même
leurs parents, hein... Oui, pas tous, mais enfin la plupart...
Tu vois Micheline... J’ai du mal à m’y faire !
Prenez une porte, c’est un exemple, partez pas comme ça. Prenez une porte, hein, bien.
Les allusions autodialogiques
Les allusions par raisonnement
Papa mais ne sois pas fâché, mais Alex, ça rend quand même mieux que Bernard.
Je veux pas m’engueuler avec tout le monde... hein... Non, y a quand même moins
d’étrangers que de racistes en France, alors... Si j’ai le choix, je veux dire j’aime autant
m’engueuler avec les moins nombreux...
C’est marrant, je ne t’imaginais pas comme ça, remarque ça tombe bien, j’aime pas les
mannequins !
Ah, je suis trop fleur bleue !... « Allo Martine ? Oui, c’est moi, écoute, la réunion vient
de s’annuler, je suis là dans un quart d’heure... […] »
Alors tu rentres quand même. Et pis là à gauche t’as les chambres à coucher, à droite
t’as la cuisine et devant t’as une pièce avec pleine d’invités et là elle croit bon d’ajouter :
« C’est par là » pour le cas où tu aurais voulu dormir une heure ou deux avant
[…] ou si tu voulais aller faire un peu de vaisselle avant.
Alors après elle insiste, elle dit : « Si vous voulez bien me suivre… » Un peu que je
veux la suivre ! Je ne me suis pas tapé deux heures d’embouteillages dans Paris pour
craquer à 3 mètres du bol de sangria quand même !
Un truc qui est beau, il est beau. C’est vrai, on ne regarde pas avec les yeux de l’autre.
Moi, par exemple, hier, je suis allée voir une exposition, toute seule, comme une grande,
bon.... Ben qu’est-ce que je me suis fait chier. J’ai peut-être pas pris le bon exemple !!!
Bon, mais vivre seule, y a quand même des avantages. Lesquels ?... À deux aussi, y a
des inconvénients !
Oh, l’année dernière, je me suis gâtée, comme j’adore la musique classique, je me suis
offert l’intégrale de Clayderman... Ah oui, l’intégrale. Et puis alors des disques, je m’y
attendais pas du tout…
Au-dessus, c’est une femme, comme moi. Elle vit seule, comme moi. Elle a l’air d’être
très heureuse...
[Elle enregistre] Bonjour, Muriel Robin, répondeur, message, coordonnées, bip sonore,
allô, merci. [Elle coupe l’enregistrement]. Voilà, c’est pas dans l’ordre. [Elle écoute le
message] « Bueños días, està bien a la casa de Muriel Robino pero la señora no està aquí.
Hable après el bip sonore, ciao. » Y A QUELQU’UN LÀ-DEDANS ? On va y arriver !
Non mais j’attends un bébé. C’est vrai ma femme est enceinte, alors moi, du coup,
j’attends un bébé.
Mon père voudrait qu’on l’appelle Dominique. C’est bien Dominique, ça marche pour
les filles et les garçons. En fait, mon père, c’est surtout qu’il a trouvé une gourmette en or
avec marqué Dominique dessus ! Heureusement qu’il n’a pas trouvé un collier antipuces… Sultan, pour un gamin ça handicape dans la vie.
Non, simplement, l’homme prend la porte dans la gueule parce qu’il faut qu’une porte
soit ouverte, ou bleue.
171
Les ellipses
NB : Les ellipses ne sont pas exprimées, donc les mots que nous proposons ne sont qu’une
possibilité parmi d’autres.
Eh, papa t’as vu sa jupe à elle, elle est carrément [hyper courte]... on dirait même pas
qu’elle a une jupe.
Parce que un Belge et un Suisse, on peut toujours se gourer, mais un noir... Je veux
dire, parce que [ça se voit]… Bon, oui, je veux dire, y en n’a pas tellement [de doutes], mais
je, c’est [évident]… Non, mais parce que les noirs, c’est les mecs y se, je, y sont [tout noirs]
[touche son visage, ses mains]
Je t’ai[me]... je t’apprécie !... »
Bon, mais vivre seule, y a quand même des avantages. Lesquels ? [Là, tout de suite, je n’en
trouve pas]... À deux aussi, y a des inconvénients !
Les allusions par modalité métalinguistique ou autonymique
J’avais un copain y s’appelait Cocu. C’est agréable ! Il osait pas se marier, dis donc.
Prenez une porte, c’est un exemple, partez pas comme ça. Prenez une porte, hein, bien.
De toute façon c’est sûr qu’avec ta gueule on ne peut pas aller bien loin. Quoi ? Mais
non, je dis simplement que tu as mis « gueule » en travers du jeu et ça bloque tout le
monde !
Bon sang il me manque un « M » et un « T » et je faisais un super mot. Ah c’est chiant.
J’avais le « M » et le « T », et je faisais « Mijoter » avec l’« Érection » d’Alexandre.
Pourquoi tu ris, toi ?
Bon, d’un autre côté, je vais te dire un truc, si ils nous prennent tous pour des idiots,
c’est qu’on est peut-être vraiment, hein… Non, mais pas nous ici, hein. Hein, non… tous
les autres dehors ! On l’est peut-être vraiment, je sais pas, on va essayer d’analyser ça tous
ensemble. Y a eu le siècle des lumières. Ca c’est fini, hein, maintenant, là on est au siècle
de la consommation. Et dans le mot CONsommation, oui, il y a le mot sommation
d’accord, mais la première syllabe est quand même très claire. Puis, on aime ça
consommer. On aime en acheter du bazar. Finalement dans la vie plus on a de bazar plus
on est content, hein. […] Ça s’appelle le confort. Encore une fois la première syllabe est
très claire. Pis après tu te maries, pour doubler ton pouvoir d’achat de merdier. Le bonheur
conjugal. Les deux conjoints, ou des concubins, c’est pareil, hein, la langue française est
bien faite. […]
Les allusions interlocutives
NB : Comme pour les ellipses, les discours auxquels il est fait allusion ne sont pas
exprimés. Nous ne faisons qu’imaginer les paroles des autres personnages, à titre indicatif.
Ah, mais vous avez le droit, c’est au programme. Bon, avant de commencer, je vais
faire pipi, c’est une tradition pis je reviens. [Non.] Comment ? [C’est interdit] J’ai pas le
droit ? [Non.] Houuuu !
Sartre Jean-Paul est un philosophe. [était] Comment ? Était ? Il est mort ? [Oui.] JeanPaul Sartre est mort ? [Effectivement.] C’est pas possible ça, c’est arrivé quand ça ? [Le 15
avril 1980.] Ah, oui y a, hou là, y a quand même longtemps…
Je fais comme je veux, je ne demande rien à personne. [Mais personne ne vous demande rien
non plus…] Et, personne ne me demande rien ? C’est pas faux non plus...
Non, mais enfin, je préfère vivre seule que mal accompagnée, voilà... [Et bien
accompagnée ?] Comment ? Bien accompagnée ?
172
1
1
1
1
1
1
1
1
1 1
1
1
1
relations sémantiques
1
1
1
1
1
all. référentielle
raisonnement
ellipse
métalangage
allusion réponse
ALLUSIONS A DU DISCOURS
1
1
1 1
1 1
1
1 1
1
1
1
1
1
1
1
parall. proximaux et
distaux
T&I
1
1
1
1
homonymie
paronomase
virelangue
défig. audible
défig. interprétable
parall. syntaxique
parall. sémantique
parall. phonétique
parall. par opposition
parall.
chiasme
parall. par répétition
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
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23
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25
26
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28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
173
TABLEAU DES CORRESPONDANCES CORPUS D’ÉTUDE – CORPUS
1
1
1
1
1
1
1
transformation
imitation
D’ANALYSE
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
non allusion
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
60
61
62
63
64
65
66
67
68 1
69
70
71
72
73
74
75
76
77
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79
80
81
82
83
non allusion
T&I
1
1
1
1
1
1
1
transformation
imitation
1
1
1
1
1
1
1
homonymie
1
1
1
paronomase
virelangue
1
défig. audible
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
parall. syntaxique
1
1
1
1
1
parall. sémantique
1
1
1
1
parall. phonétique
1
1
1
1
parall. par opposition
1
parall. morphologique
1
1
1
chiasme
1
1
1
parall. par répétition
1
1
1
1
1
1
parall. proximaux et
distaux
1
1
1
relations sémantiques
all. référentielle
1
1
raisonnement
1
1
ellipse
métalangage
allusion réponse
ALLUSIONS A DU DISCOURS
1
1
1
défig. interprétable
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
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60
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67
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69
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76
77
78
79
80
81
82
83
174
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
100
101
102
103
104
105 1
106
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108
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110
111
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114
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117
118
119
120
121
122
123
124
125
126
127
128
non allusion
T&I
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
transformation
imitation
1
1
1
1
1
1
homonymie
1
1
paronomase
virelangue
1
1
1
défig. audible
1
1
1
1
1
1
1
1
1
parall. syntaxique
parall. sémantique
1
1
1
parall. phonétique
1
1
parall. par opposition
parall. morphologique
1
1
chiasme
1
1
parall. par répétition
1
1
1
1
1
1
1
1
1
parall. proximaux et
distaux
1
1
relations sémantiques
1
1
all. référentielle
1
1
1
1
1
raisonnement
1
ellipse
1
métalangage
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
100
101
102
103
104
105
106
107
108
109
110
111
112
113
114
115
116
117
118
119
120
121
122
123
124
125
1 126
127
128
allusion réponse
ALLUSIONS A DU DISCOURS
1
défig. interprétable
175
129
130
131
132
133
134
135
136
137
138
139
140
141
142
143
144
145
146
147
148
149
150
151
152
153
154
155
156
157
158
159
160
161
162
163 1
164 1
165
166
167
168 1
169
170
171
172
173
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
allusion réponse
métalangage
ellipse
raisonnement
all. référentielle
relations sémantiques
parall. proximaux et
distaux
parall. par répétition
chiasme
parall. morphologique
parall. par opposition
parall. phonétique
parall. sémantique
parall. syntaxique
défig. interprétable
défig. audible
virelangue
paronomase
ALLUSIONS A DU DISCOURS
homonymie
transformation
imitation
non allusion
T&I
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211
212
1
1
allusion réponse
métalangage
ellipse
raisonnement
all. référentielle
relations sémantiques
parall. proximaux et
distaux
parall. par répétition
chiasme
parall. morphologique
parall. par opposition
parall. phonétique
parall. sémantique
parall. syntaxique
défig. interprétable
défig. audible
virelangue
paronomase
ALLUSIONS A DU DISCOURS
homonymie
transformation
imitation
non allusion
T&I
174
175
176
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1
1
1
1
1
1
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34
34
1
1
1
1
1
1
30 10 2 14 13 33 21 13 7
3 7
250
284
293
9
39
15 4 15 6
5
4
177
TABLE DES ANNEXES
Transcription des sketchs de l’étude ............................................................. 124
Albert Dupontel, Le bac .................................................................................................. 124
Anne Roumanoff, Internet ............................................................................................. 126
Anne Roumanoff, La boum............................................................................................. 128
Bourvil, La causerie anti-alcoolique ................................................................................. 129
Coluche, C’est l’histoire d’un mec… ............................................................................... 129
Coluche, L’ancien combattant.......................................................................................... 131
Élie Semoun, Le dragueur ............................................................................................... 132
Jean-Marie Bigard, Les expressions ................................................................................ 134
Muriel Robin, La solitude ................................................................................................ 136
Muriel Robin, Le répondeur ............................................................................................ 137
Patrick Timsit, La grossesse............................................................................................. 139
Pierre Desproges, Les cintres.......................................................................................... 142
Pierre Palmade, Le Scrabble............................................................................................ 143
Raymond Devos, Ceinture de sécurité ........................................................................... 145
Raymond Devos, Ouï dire .............................................................................................. 145
Roland Magdane, Le merdier ......................................................................................... 145
Corpus de travail ........................................................................................... 147
Albert Dupontel, Le bac .................................................................................................. 147
Anne Roumanoff, Internet ............................................................................................. 148
Anne Roumanoff, La boum............................................................................................. 149
Bourvil, La causerie anti-alcoolique ................................................................................. 149
Coluche, C’est l’histoire d’un mec… ............................................................................... 150
Coluche, L’ancien combattant.......................................................................................... 151
Élie Sémoun, Le dragueur ............................................................................................... 152
Jean-Marie Bigard, Les expressions ................................................................................ 152
Muriel Robin, La solitude ................................................................................................ 153
Muriel Robin, Le répondeur ............................................................................................ 154
Patrick Timsit, La grossesse............................................................................................. 155
Pierre Desproges, Les cintres.......................................................................................... 157
Pierre Palmade, Le Scrabble............................................................................................ 157
Raymond Devos, Ceinture de sécurité ........................................................................... 158
Raymond Devos, Ouï dire .............................................................................................. 158
Roland Magdane, Le merdier ......................................................................................... 158
178
Corpus classé................................................................................................. 159
Remarques typographiques .......................................................................................... 159
Ce que ne sont pas les allusions discursives............................................................... 159
L’anticipation déçue......................................................................................................................159
Les allusions à un genre de discours ........................................................................... 159
Les imitations et transformations ................................................................................................159
Les allusions à un texte ou à un discours.................................................................... 161
Les allusions interdiscursives .......................................................................................................161
L’homonymie..................................................................................................................................161
La paronomase ................................................................................................................................162
Les virelangues................................................................................................................................163
Les allusions intertextuelles..........................................................................................................163
…par défigement « audible »..........................................................................................................163
…par défigement « interprétable »..................................................................................................163
Les allusions intratextuelles..........................................................................................................164
Les parallélismes connexes .............................................................................................................164
Les parallélismes proximaux ou distaux .........................................................................................167
Les allusions par relations sémantiques ..........................................................................................170
Les allusions référentielles ..............................................................................................................171
Les allusions autodialogiques .......................................................................................................171
Les allusions par raisonnement .......................................................................................................171
Les ellipses ......................................................................................................................................172
Les allusions par modalité métalinguistique ou autonymique ........................................................172
Les allusions interlocutives...........................................................................................................172
Tableau des correspondances corpus d’étude – corpus d’analyse ................ 173
179