Olivier FREDERIC Le basket-ball à l`école : construction du jeu

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Olivier FREDERIC Le basket-ball à l`école : construction du jeu
Olivier FREDERIC
Maître-assistant à la Haute Ecole de la Province de Liège
Le basket-ball à l’école : construction du jeu collectif
I. Introduction
Lorsqu’un enseignant observe ses élèves en
situation de match, il relève une série de
problèmes récurrents.
Une première constatation concerne bien
entendu la faiblesse technique des apprenants.
Afin de faire face à cette problématique, bon
nombre d’enseignants mettent en place un
processus d’apprentissage majoritairement
analytique et techniciste dont le contenu
n’offre que peu de sens aux élèves. Les
séances de cours sont construites sur un
schéma
traditionnel
répétitif
constitué
respectivement par des drills techniques sans
défenseur, des jeux réduits et enfin, en fonction
du temps encore disponible, de situations de
match. Si le niveau technique des élèves
conditionne inévitablement le déroulement du
jeu, il est possible de le développer en
inversant l’ordre des situations présentées aux
apprenants et de plonger directement ceux-ci
dans un contexte d’opposition aux adversaires.
Dès lors, les exercices techniques fermés ne
seront proposés qu’en réaction aux problèmes
mis en évidence par les élèves eux-mêmes au
cours des situations d’opposition.
Si le jeu un contre un constitue selon nous un
cadre de choix à cette manière de procéder,
nous avons décidé de nous centrer sur des
situations plus globales faisant intervenir le
caractère éminemment collectif du basket-ball.
Revue de l’Education Physique, vol. 48, 2008.4
Dans cette optique, l’observation d’un match
d’élèves nous permet de mettre également en
évidence
des
difficultés
relatives
à
l’organisation du jeu collectif.
Nous reprenons ci-dessous certains aspects du
jeu qui posent un problème aux élèves. Pour
chacun d’entre eux, nous proposons un ou
plusieurs moyens permettant de les aborder et,
dans le même temps, de participer à la
progression technique des élèves dans des
situations plus proches de la réalité culturelle
de la discipline.
II. La transition offensive
Pratiquer un jeu de contre-attaque offre
plusieurs avantages : meilleur pourcentage au
tir,
jeu
attrayant,
démoralisation
de
l’adversaire, provocation de fautes. Il s’agit
donc d’un type de jeu à favoriser avant toute
autre considération « tactique ».
Afin de pouvoir développer une transition
offensive efficace, il convient d’insister auprès
des élèves sur la notion de « ballon vers
l’avant ». Si le dribble est une solution
permettant effectivement d’amener le ballon en
zone offensive, la passe s’avère être une option
plus rapide. Deux drills permettent de travailler
cet aspect du jeu.

Jeu des dix passes orienté vers la
contre-attaque
101
Au départ d’un jeu des dix passes classique, il
est possible d’aborder la notion de « ballon
vers l’avant ». Ainsi, à l’intérieur du jeu
traditionnel, on imposera que les passes « 3 »,
« 6 » et « 9 » franchissent la ligne médiane.
Cette règle obligera les joueurs à regarder vers
l’avant pour passer le ballon à un partenaire
démarqué. En fonction du niveau des élèves, le
dribble peut être autorisé.

5 contre 5 avec un joueur
« attaquant »
Au départ d’une situation de jeu en 3 contre 3
sur demi-terrain, on impose aux joueurs d’une
même équipe de réaliser cinq passes
consécutives avant d’attaquer. Cependant, pour
que ces passes soient valables, elles doivent se
faire entre des joueurs appartenant à deux
zones différentes. L’interdiction du dribble
centre
davantage
l’exercice
sur
les
démarquages.
Son autorisation permet l’introduction de
notions
de
« spacing »
c’est-à-dire
d’occupation de l’espace grâce aux
déplacements des non possesseurs de balle
(NPB) par rapport au PB (libération de
l’espace ou action de soutien).
Jeu 5 contre 5 dans lequel un joueur de chaque
équipe ne peut évoluer qu’en zone offensive.
Les
attaques
s’effectuent
donc
systématiquement en surnombre (5 contre 4).
En outre, après récupération du ballon par les
défenseurs, si ces derniers parviennent à faire
franchir au ballon le milieu du terrain en passe,
directement dans les mains du joueur
« attaquant »,
un
point
leur
est
automatiquement octroyé quel que soit l’issue
de l’attaque (panier marqué ou non). Le jeu
vers l’avant est donc valorisé.
III. L’utilisation de l’espace
En situation de match, les élèves ont tendance
à se regrouper autour du ballon. L’évolution en
passes ou en dribbles est dès lors rendu
difficile par la densité des joueurs autour du
possesseur de balle (PB).
Afin de tenter de remédier à ce problème, nous
proposons deux situations respectivement sur
demi puis tout terrain.


Jeu 6 contre 6
Deux équipes de six joueurs s’affrontent sur un
terrain complet. Au sein de chaque équipe,
trois paires de joueurs sont constituées.
Chacune de ces paires participe au jeu dans un
espace propre et déterminé : zone offensive,
zone défensive, zone centrale. Les joueurs
d’une zone ne peuvent pas se rendre dans une
autre région du terrain. Ceci donne lieu à une
série de jeux 2 contre 2. Après un certain
temps, les joueurs changent de zone.
Jeu 3 contre 3 demi-terrain
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Ces joueurs périphériques ont un ballon et
dribblent dans leur cerceau.
L’objectif des joueurs engagés dans
l’opposition est de réaliser cinq passes
consécutives sans dribble avant d’attaquer.
Cependant, la difficulté du jeu réside dans le
fait que, après avoir fait une passe à un
partenaire, un joueur doit aller remplacer un de
ses deux coéquipiers dans un cerceau et
dribbler à son tour. C’est le joueurs ainsi
« libéré » qui prend place au jeu.
IV. Action après la passe
Un des gages de qualité d’une organisation
offensive en basket-ball est la mobilité des
joueurs. Parmi ces déplacements, et à côté de
ceux des NPB par rapport au dribble du PB
évoqués ci-avant, il y a les actions à effectuer
après avoir fait une passe. D’une manière
générale, il est demandé aux débutants de
« couper » vers l’anneau après avoir passé le
ballon à un partenaire. L’objectif est de
prendre son défenseur en défaut et
d’éventuellement recevoir le ballon près de
l’anneau afin de tenter un tir (principe du
« Give and Go » ou « Passe et va »).
Deux jeux permettent entre autres d’aborder ce
thème; l’un abordant la notion dans sa
globalité, l’autre étant plus spécifique au
basket-ball.

Jeu 5 contre 5 sur demi-terrain
avec des cerceaux
Dans ce jeu 5 contre 5 sur demi-terrain, seuls
trois joueurs de chaque équipe sont impliqués
simultanément. Les deux autres joueurs de
chaque formation se trouvent chacun dans un
cerceau situé dans un coin du demi-terrain.
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
Jeu 3 contre 3 sur demi-terrain
avec contraintes
Il est possible d’aborder spécifiquement la
notion d’action après la passe dans un jeu
classique de 3 contre 3 sur demi-terrain. Pour
se faire, l’enseignant imposera aux joueurs
d’aller au minimum mettre un pied dans la
raquette après avoir fait une passe. Tout
manquement à cette règle sera sanctionné au
même titre que les fautes ou les violations
prévues par le règlement de basket-ball.
V. Position triple menace
Un autre grand problème rencontré chez les
élèves et, de manière plus générale, chez tous
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les débutants, est leur tendance, lors de la
réception du ballon, à soit s’en débarrasser le
plus vite possible, soit partir dans une série de
dribbles totalement inutiles. Ces deux
comportements traduisent une absence totale
de lecture du jeu. Il convient donc d’insister
sur davantage d’analyse du jeu par les élèves.
La première étape consiste à mettre en
évidence la position triple menace à partir de
laquelle le joueur peut shooter, dribbler ou
encore passer. Ceci peut bien entendu se faire
dans toutes les situations de jeu 1 contre 1
proposées et notamment dans celles faisant
intervenir un démarquage préalable de
l’attaquant.
Le jeu 3 contre 3 permet également d’instaurer
des automatismes à ce niveau. Ainsi, comme
nous le proposions pour développer le jeu
après la passe, l’enseignant peut imposer aux
élèves de regarder l’anneau et de se mettre en
position de shoot à chaque réception de balle.
Comme ci-dessous, le non respect de cette
« obligation » entraîne la perte du ballon pour
l’équipe en attaque.
Si instaurer la position triple menace chez les
élèves dans le but de les amener à mieux lire le
jeu constitue une première étape, l’enseignant
peut les aider à aller plus loin en fixant un
ordre des priorités de jeu lors de la réception
du ballon. Cet ordre est le suivant :
1. Position triple menace lors de chaque
réception ;
2. Attaquer l’anneau si son accès est
ouvert ;
3. Regarder le partenaire qui coupe ;
4. Jouer son 1 contre 1 ou passer la balle
et couper à son tour.
Outre l’établissement de règles relatives au
passage dans la raquette après la passe ou à
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l’adoption de la position triple menace lors de
chaque réception, la limitation du nombre de
dribbles à chaque possession du ballon stimule
une utilisation plus rationnelle du dribble par
les élèves. Cette nouvelle contrainte peut être
introduite seule puis en combinaison avec les
deux autres.
VI. Notions défensives
D’une manière générale, dans le basket-ball
scolaire, la défense a tendance à prendre le pas
sur l’attaque en raison de la faiblesse technique
et organisationnelle de celle-ci. C’est la raison
pour laquelle, dans un premier temps, le travail
défensif sera limité à deux notions de base :
être entre son homme et l’anneau, toujours voir
son homme et le ballon.
Par la suite, il est possible d’envisager d’autres
éléments défensifs. Nous en développons deux
au travers de deux situations.

Placement défensif par rapport au
ballon
Afin d’aborder le placement défensif par
rapport au ballon, le jeu suivant est intéressant.
Il s’agit de l’opposition entre deux équipes
évoluant sur un terrain jalonné de cerceaux. Le
nombre minimum de cerceaux est égale aux
nombres de joueurs d’une équipe plus un.
L’objectif pour l’équipe en possession du
ballon est d’aller déposer ce dernier dans un
cerceau. Un point est alors attribué et l’équipe
adverse prend possession de la balle. Afin
d’empêcher l’équipe en attaque de déposer le
ballon dans un cerceau et donc de marquer un
point, les défenseurs peuvent simplement
fermer les cerceaux en y plaçant un pied.
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La similitude entre ce jeu et le placement
défensif en basket-ball réside dans le fait que,
pour protéger les cerceaux, les défenseurs
doivent adopter les mêmes placements que
dans le jeu réel de basket-ball. En effet, les
cerceaux proches du ballon doivent être fermés
de la même manière que, en situation de
match, on demandera aux défenseurs proches
du ballon de contester la passe à leur attaquant
(position « deny »).
Dans le même état d’esprit, les défenseurs des
cerceaux les plus lointains seront amenés à
« flotter » entre ceux-ci, plus nombreux,
comme ils « flotteront » entre leur homme
éloigné du ballon et ce dernier.

Repli défensif
Le repli défensif fait souvent défaut chez les
élèves qui n’ont pas intégré cette notion de
transition. Un drill est particulièrement bien
adapté à ce travail. Il s’agit d’une situation
répétitive de 3 contre 3 dans laquelle la
succession des actions est toujours la même à
savoir : attaque – défense – repos. Ainsi, après
avoir attaqué contre les triangles 1, 2 et 3, les
ronds 1, 2 et 3 reviennent en défense contre les
triangles 4, 5 et 6. Et ainsi de suite.
Notons que cette exercice peut également être
réalisé en 2 contre 2.
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VII. Conclusion
Si le basket-ball occupe une place de choix
dans les programmes mis en œuvre
concrètement par les enseignants en éducation
physique, son enseignement auprès des élèves
n’est pas chose aisée principalement en rapport
avec les difficultés techniques rencontrées par
les apprenants.
Face à ce constat, nous proposons une
approche davantage centrée sur le jeu et sur ses
aspects organisationnels. Ce type de
méthodologie offre aux élèves des situations
plus concrètes et significatives permettant en
outre de développer indirectement, dans
l’opposition, leurs caractéristiques techniques.
En outre, de manière tout à fait
complémentaire, un retour à des situations de
travail techniques plus fermées peut également
être envisagé sur base d’un constat d’échec
établit directement par les élèves.
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