INFLUENCE DU β-CAROTENE SUR LES - Thèses
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INFLUENCE DU β-CAROTENE SUR LES - Thèses
ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT Année 2007 INFLUENCE DU β-CAROTENE SUR LES PERFORMANCES DE REPRODUCTION CHEZ LA VACHE LAITIERE THESE Pour le DOCTORAT VETERINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL le 25 Octobre 2007 par Marianne Dominique BULVESTRE Née le 11 Novembre 1981 à Rouen (Seine-Maritime) JURY Président : M. Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL Membres Directeur : Andrew PONTER Maître de Conférences à l’ENVA Assesseur : Dominique REMY Maître de conférences à l’ENVA LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT Directeur : M. le Professeur COTARD Jean-Pierre Directeurs honoraires : MM. les Professeurs MORAILLON Robert, PARODI André-Laurent, PILET Charles, TOMA Bernard Professeurs honoraires: MM. BUSSIERAS Jean, CERF Olivier, LE BARS Henri, MILHAUD Guy, ROZIER Jacques DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP) Chef du département : M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur - Adjoint : M. DEGUEURCE Christophe, Professeur -UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES - UNITE D’HISTOLOGIE , ANATOMIE PATHOLOGIQUE Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur M. CRESPEAU François, Professeur M. DEGUEURCE Christophe, Professeur* M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur * Mlle ROBERT Céline, Maître de conférences Mme BERNEX Florence, Maître de conférences M. CHATEAU Henri, Maître de conférences Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences -UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE , MICROBIOLOGIE, IMMUNOLOGIE Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur* M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur -UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE M. BRUGERE Henri, Professeur Mme COMBRISSON Hélène, Professeur* M. TIRET Laurent, Maître de conférences -UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur * M. TISSIER Renaud, Maître de conférences M. PERROT Sébastien, Maître de conférences -UNITE : BIOCHIMIE M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences M. BELLIER Sylvain, Maître de conférences - UNITE DE VIROLOGIE M. ELOIT Marc, Professeur * Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences -DISCIPLINE : PHYSIQUE ET CHIMIE BIOLOGIQUES ET MEDICALES M. MOUTHON Gilbert, Professeur -DISCIPLINE : GENETIQUE MEDICALE ET CLINIQUE M. PANTHIER Jean-Jacques, Professeur Mlle ABITBOL Marie, Maître de conférences -DISCIPLINE : ETHOLOGIE M. DEPUTTE Bertrand, Professeur -DISCIPLINE : ANGLAIS Mme CONAN Muriel, Ingénieur Professeur agrégé certifié DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC) Chef du département : M. FAYOLLE Pascal, Professeur - Adjoint : M. POUCHELON Jean-Louis , Professeur - UNITE DE MEDECINE - UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE M. POUCHELON Jean-Louis, Professeur* M. FAYOLLE Pascal, Professeur * Mme CHETBOUL Valérie, Professeur M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences M. BLOT Stéphane, Maître de conférences M. MOISSONNIER Pierre, Professeur M. 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NUDELMANN Nicolas, Maître de conférences M. CHERMETTE René, Professeur M. FONTBONNE Alain, Maître de conférences M. POLACK Bruno, Maître de conférences* M. REMY Dominique, Maître de conférences (rattaché au DPASP) M. GUILLOT Jacques, Professeur M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences Mme MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences contractuel Mlle CONSTANT Fabienne, Maître de conférences (rattachée au Mlle HALOS Lénaïg, Maître de conférences DPASP) Mlle LEDOUX Dorothée, Maître de conférences contractuel (rattachée -UNITE DE NUTRITION-ALIMENTATION au DPASP) M. PARAGON Bernard, Professeur * M. GRANDJEAN Dominique, Professeur DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP) Chef du département : M. MAILLARD Renaud, Maître de conférences - Adjoint : Mme DUFOUR Barbara, Maître de conférences -UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES - UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE M. BENET Jean-Jacques, Professeur* M. 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ADJOU Karim, Maître de conférences Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique * Responsable de l’Unité AERC : Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel REMERCIEMENTS A Monsieur le Professeur, Professeur à la Faculté de Médecine de Créteil, Qui me fait l’honneur de présider le jury de thèse Hommage respectueux. A Monsieur Andrew PONTER, Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Qui m’a permis de poursuivre ce travail et m’a guidée dans sa réalisation Pour sa disponibilité et ses conseils Qu’il trouve ici l’expression de ma profonde reconnaissance. A Monsieur Dominique REMY, Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Qui a accepté de faire partie de ce jury de thèse Pour son efficacité et ses encouragements Sincères remerciements. A Madame Bénédicte GRIMARD-BALLIF, Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Qui a m’a proposé ce sujet d’étude et initié la réalisation de ce travail Sincères remerciements. A ma mère Catherine, Pour m’avoir toujours soutenue au cours de ces années et pour m’avoir permis de me construire telle que je suis ; sans toi je ne serais pas ici aujourd’hui. Merci pour ton courage et ton amour. A ma sœur Eve, Pour me supporter encore et toujours malgré les sautes d’humeur, je souhaite que ta réussite à venir soit à la mesure de tes espoirs, tu le mérites. A ma sœur Juliette, Pour m’avoir accompagnée sur les routes de notre jeunesse, que ta vie soit douce ; j’espère que nous serons prochainement à nouveau réunies. A ma famille paternelle, Vous m’avez donné le goût de l’exercice rural et accueillie à bras ouverts à chaque fois que j’en ai eu besoin. J’espère que nous resterons en contact et continuerons à former une famille. A Dominique et Pascal, Jean-Luc et Muriel, Merci d’avoir été mes bonnes fées depuis ma naissance, nos réunions annuelles restent gravées dans ma mémoire. A mes amis. TABLE DES MATIERES LISTE DES TABLEAUX ....................................................................................................................... 3 LISTE DES FIGURES............................................................................................................................ 7 LISTE DES ABREVIATIONS ............................................................................................................. 9 INTRODUCTION.................................................................................................................................11 I. MESURE DES PERFORMANCES DE REPRODUCTION DES TROUPEAUX BOVINS LAITIERS ................................................................................................13 A. Les critères exprimés sous forme d’intervalles................................................................13 B. Les critères exprimés sous forme de ratios......................................................................14 C. Les critères non spécifiques et plus élaborés ...................................................................15 D. La définition des objectifs ..................................................................................................15 E. Evolution et état actuel des performances de reproduction des troupeaux laitiers ................................................................................................................................................17 1. Taux de réussite à la première IA......................................................................................17 2. Taux de non retour en chaleurs et intervalles entre IA..................................................17 3. Intervalle vêlage-1ère IA.......................................................................................................18 5. Intervalle entre vêlages successifs .....................................................................................18 6. Origines de la dégradation des performances de reproduction ....................................19 II. REPRISE D’ACTIVITÉ SEXUELLE APRÈS LE VÊLAGE CHEZ LA VACHE LAITIÈRE...........................................................................................................................21 A. Physiologie de la reprise d’activité sexuelle après le vêlage ...........................................21 1. Folliculogenèse.....................................................................................................................21 2. Régulation du nombre de follicules ovulatoires..............................................................25 3. La stéroïdogenèse folliculaire.............................................................................................26 4. L’atrésie folliculaire..............................................................................................................26 5. L’ovulation............................................................................................................................27 6. Le corps jaune ......................................................................................................................29 7. Anoestrus post-partum et expression des chaleurs ........................................................30 8. Anomalies de reprise de la cyclicité post-partum............................................................32 B. Facteurs de variation des performances de reproduction après le vêlage. ..................34 1. Facteurs intrinsèques de variation des performances de reproduction .......................34 -1- 2. Facteurs extrinsèques de variation des performances de reproduction, hors alimentation........................................................................................................................................40 3. III. Facteurs nutritionnels de variation des performances de reproduction ......................45 INFLUENCE DU β-CAROTÈNE SUR LA FERTILITÉ DES VACHES LAITIÈRES. .........................................................................................................................59 A. Propriétés générales des caroténoïdes ..............................................................................59 1. Structure générale et propriétés physico-chimiques des caroténoïdes.........................60 2. Biosynthèse des caroténoïdes ............................................................................................61 3. Métabolisme des caroténoïdes...........................................................................................61 4. Distribution des caroténoïdes............................................................................................62 5. Fonctions biologiques des caroténoïdes...........................................................................63 B. Le β-carotène chez les Ruminants ....................................................................................66 1. Le β-carotène et les caroténoïdes dans l’alimentation des ruminants ..........................66 2. Digestion et absorption des caroténoïdes et du β-carotène ..........................................69 3. Métabolisme du β-carotène chez les ruminants ..............................................................74 C. Le β-carotène et la fertilité des vaches laitières ...............................................................80 1. β-carotène et modifications biochimiques du plasma ....................................................80 2. β-carotène et cycle ovarien.................................................................................................83 3. β-carotène, fertilité et fécondité.........................................................................................91 4. β-carotène et pathologies de l’appareil reproducteur .....................................................97 5. Synthèse des effets de la supplémentation en β-carotène sur la fertilité des vaches laitières .................................................................................................................................100 CONCLUSION .....................................................................................................................................103 BIBLIOGRAPHIE ...............................................................................................................................105 ANNEXES ..............................................................................................................................................111 Annexe 1 : Représentation graphique des profils progestéronémiques pour les principaux types de reprise de cyclicité post-partum. ........................................................................................111 Annexe 2 : Nomenclature des carotènes selon leur groupement terminal (d’après Mouthon, 2000)....................................................................................................................................112 Annexe 3 : Groupements fonctionnels les plus fréquents parmi les caroténoïdes (d’après Mouthon, 2000)....................................................................................................................................113 Annexe 4 : Mécanismes moléculaires de la biosynthèse des caroténoïdes ..................................113 -2- LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Pertinence des objectifs de reproduction (d’après Seegers et Mahler, 1996a)............ 16 Tableau 2 : Corrélations génétiques entre taux de réussite à l’IA1 ou délai de mise à la reproduction (IVIA1) et production laitière en race Prim’Holstein (d’après Boichard et al., 2002). ........................................................................................................................... 19 Tableau 3 : Comparaison du délai de mise à la reproduction (IVIA1 en jours) entre les vaches à profil normal et les vaches présentant une anomalie de reprise de cyclicité selon différents auteurs...................................................................................................... 33 Tableau 4 : Effets des troubles de santé sur les paramètres de reproduction (d’après Seggers, 1998).................................................................................................................... 36 Tableau 5 : Variation de la réussite à l’IA en fonction du niveau de production cumulée à 60 jours, évaluée avec 3 modèles alternatifs (13000 vaches Holstein ; d’après Eicker et al., 1996)............................................................................................................................ 38 Tableau 6 : Effet du délai de mise à la reproduction (IVIA1) sur la probabilité de réussite en 1ère insémination : odds ratios ajustés pour une modalité de référence 70-79 jours (d’après Espinasse et al., 1998)........................................................................................... 40 Tableau 7 : Grille de notation de l’état corporel des vaches Holstein ......................................... 46 Tableau 8 : Relations entre quelques critères de fertilité et cétose (d’après Andersson, 1988) ..... 47 Tableau 9 : Besoins alimentaires en éléments minéraux majeurs d’une vache de 600 kg produisant 30kg de lait par jour (d’après Meschy et Guéguen, 1992).................................. 55 Tableau 10 : Apports recommandés en oligo-éléments pour une vache de 600 kg produisant 30 kg de lait par jour (d’après Meschy et Guégen, 1992)................................... 57 Tableau 11 : Plantes toxiques affectant le développement embryonnaire et fœtal (d’après James, 1992.) ..................................................................................................................... 58 Tableau 12 : Distribution des pigments caroténoïdes selon la taxinomie .................................... 62 Tableau 13 : Taux de disparition kd du β-carotène (βC), de la lutéine (LU), des caroténoïdes (CT) et xantophylles totaux (XT), de la matière sèche (MS) et de la cellulose (C) dans le fluide ruminal de bovins et caprins lors d’études in vitro et in situ (d’après Mora et al., 1999). ................................................................................................................................ 72 Tableau 14 : Distribution du rétinol, des rétinyl esters et du β-carotène dans divers tissus bovins issus de carcasses d’abattoir (d’après Chew et al., 1984) .......................................... 76 -3- Tableau 15 : Teneur en β-carotène et en vitamine A de différents tissus et organes chez des génisses soumises à un apport en β-carotène différent (d’après Lotthammer et al., 1977 et Ahlswede et Lotthammer, 1978)............................................................................ 77 Tableau 16 : Effet de la concentration alimentaire en β-carotène sur les concentrations tissulaires (en μg/g) en β-carotène et en rétinol chez des bovins holstein (d’après Mora et al., 2001) ........................................................................................................................ 78 Tableau 17 : Valeurs moyennes du taux de cholestérol plasmatique (mg/100ml) dans les groupes test et témoin et pour les 3 essais, et coefficients de corrélation avec le taux de β-carotène plasmatique (d’après Lotthammer et al., 1977). ............................................ 80 Tableau 18 : Coefficients de corrélation entre les taux plasmatiques de β-carotène et de cholestérol à différentes périodes (d’après Folman et al., 1987).......................................... 81 Tableau 19 : Valeurs moyennes plasmatiques des transaminases (en U/l) chez des vaches laitières soumises à des régimes supplémentés ou non en β-carotène (d’après Lotthammer et al., 1977 ; Ascarelli et al., 1985).................................................................. 81 Tableau 20 : Valeurs moyennes plasmatiques du glucose, de l’insuline et du glucagon, chez des vaches laitières soumises à des régimes supplémentés ou non en β-carotène (d’après Bindas et al., 1984a ; Lotthammer et al., 1977 ; Ascarelli et al., 1985) .................... 82 Tableau 21 : Valeurs moyennes des taux de phosphates inorganiques (mg/dl) du sérum selon la supplémentation en β-carotène (d’après Lotthammer et al., 1977)........................ 82 Tableau 22 : Intervalle vêlage-1ères chaleurs selon la supplémentation en β-carotène selon divers auteurs..................................................................................................................... 83 Tableau 23 : Intervalle entre chaleurs et durée des chaleurs (en jours) chez des génisses laitières selon la supplémentation en β-carotène (d’après Meyer et al., 1975 et Lotthammer et al, 1976)..................................................................................................... 84 Tableau 24 : Intervalle entre le premier jour des chaleurs et l’ovulation (en jours) selon la supplémentation en β-carotène (d’après Meyer et al., 1975 et Lotthammer et al, 1976). ..... 84 Tableau 25 : Mesures moyennes de l’évolution du corps jaune au cours du cycle selon la supplémentation en β-carotène (d’après Meyer et al., 1975) ............................................... 86 Tableau 26 : Intervalle (en heures) entre le pic de LH et l’augmentation de la progestéronémie jusqu’à une valeur de 1 ng/ml chez des génisse supplémentées ou non en β-carotène (d’après Schams et al., 1977)................................................................. 90 Tableau 27 : Délais moyens de mise à la reproduction (IVIA1 en jours) selon la supplémentation en β-carotène et selon différents auteurs ................................................. 91 -4- Tableau 28 : Délais moyens de fécondation (IVIAF en jours) selon la supplémentation en β-carotène et selon différents auteurs ................................................................................ 92 Tableau 29 : Effet d’une supplémentation en β-carotène sur le taux de réussite en première insémination selon différents auteurs. ................................................................................ 94 Tableau 30 : Effets d’une supplémentation en β-carotène sur les taux globaux de conception et de gestation selon différents auteurs. ........................................................... 95 Tableau 31 : Influence de la supplémentation en β-carotène sur le nombre d’inséminations réalisées selon différents auteurs. ....................................................................................... 96 Tableau 32 : Valeurs plasmatiques moyenne en β-carotène (en mg/l) chez les génisses carencées selon la réussite à l’IA et/ou la présence de kystes ovariens (d’après Lotthammer et al., 1977).................................................................................................... 98 -5- LISTE DES FIGURES Figure 1 : Notions de fertilité et de fécondité appliquées en élevage bovin laitier (d’après Constant, 2004) ................................................................................................................. 13 Figure 2 : Evolution moyenne IVIA1 (jours) en première lactation pour les trois principales races laitières françaises (d’après Barbat et al., 2005) .......................................................... 18 Figure 3 : Représentation schématique de l’évolution d’un follicule (d’après Drion et al., 1998) ................................................................................................................................. 21 Figure 4 : Représentation schématique d’un ovaire de vache (d’après Tiret et Lefrançois, 2002) ................................................................................................................................. 31 Figure 5 : Effets de l’âge au premier vêlage sur le risque relatif de retour après IA1 en première lactation (d’après Héry, 1994).............................................................................. 35 Figure 6 : Interactions entre délai de mise à la reproduction et niveau individuel de production laitière (représentation schématique d’après Seegers, 1998). ............................. 39 Figure 7 : Effets de IVIA1 sur TRIA1 : représentation schématique (d’après Seegers, 1998)...... 41 Figure 8 : Conséquences d’un bilan énergétique négatif sur l’expression des chaleurs (d’après Spicer et al., 1990) ................................................................................................ 48 Figure 9 : Relation entre urémie et taux de réussite à l’insémination (d’après Fergusson, 1991) ................................................................................................................................. 49 Figure 10 : Evolution de l’urémie et du pH utérin durant une période d’étude de 40 heures, en relation avec l’alimentation (d’après Butler, 1998) ......................................................... 50 Figure 11 : Classification du β-carotène parmi les grands groupes de pigments d’origine naturelle (d’après Mouthon, 2000) ..................................................................................... 59 Figure 12 : Condensation irrégulière de 2 GGPP (géranylgéranyl-diphosphate) pour former un β-carotène avec étape intermédiaire : phytoène (d’après Mouthon, 2000)...................... 60 Figure 13 : Les produits du métabolisme des caroténoïdes......................................................... 62 Figure 14 : Dégradation oxydative du β-carotène en vitamine A (d’après Mouthon, 2000)......... 63 Figure 15 : Effet du mode de conservation sur la teneur en caroténoïdes des fourrages (d’après Chauveau-Duriot et al., 2005)............................................................................... 68 Figure 16 : Evolution de la quantité de lutéine (en μg) présente dans les différentes phases de substrat ruminal (d’après Cardinault et al., 2004). .......................................................... 70 -7- Figure 17 : Evolution de la quantité de β-carotène (en μg) présente dans les différentes phases de substrat ruminal (d’après Cardinault et al., 2004)................................................ 70 Figure 18 : Evolution des flux digestifs de caroténoïdes chez des brebis recevant du trèfle violet frais (d’après Cardinault et al., 2006)......................................................................... 71 Figure 19 : Métabolisme du β-carotène (d’après Schweigert, 2004) ............................................ 74 Figure 20 : Concentrations sériques moyennes en β-carotène (μg/l) dans les groupes témoin et test (d’après Gossen et al., 2004). ....................................................................... 79 Figure 21 : Variation des concentrations sérologiques en β-carotène selon l’apport alimentaire : carence pour les 2 groupes puis supplémentation du groupe témoin en semaine 3 et du groupe test en semaine 31 (d’après Meyer et al., 1975). ............................. 79 Figure 22 : Effets de l’ajout de β-carotène sur la production de progestérone stimulée par le cholestérol par des cultures de cellules lutéales (d’après Arikan et Rodway, 2000).............. 87 Figure 23 : Effets de l’ajout de β-carotène sur la production de progestérone stimulée par le cholestérol et la LH par des cultures de cellules lutéales (d’après Arikan et Rodway, 2000) ................................................................................................................................. 88 Figure 24 : Profils de progestéronémie typiques de chaque groupe de supplémentation (d’après Schams et al., 1977) .............................................................................................. 89 -8- LISTE DES ABREVIATIONS AGNE: acide gras non estérifié AMPc : adénosine monophosphate cyclique ARNm: acide ribonucléique messager CaBP : calcium binding protein CUP : coefficient d’utilisation des paillettes DSB : deutsches schwarzes Buntes EGF: epidermal growth factor FGF: fibroblast growth factor FSH : follicular secreting hormon FSP : FSH suppressing protein GH: growth hormon GnRH : gonadotropin releasing hormon hCG: human chorionic gonadotropin HDL : high density lipoprotein HF : holstein Friesian HPLC: high pressure liquid chromatography IA: insémination artificielle IAF : insémination artificielle fécondante IGF-1: insuline-like growth factor 1 IVC1 : intervalle vêlage-1ères chaleurs IVIA1 : intervalle vêlage -1ère insémination IVIAF : intervalle vêlage-insémination fécondante IVV : intervalle vêlage-vêlage LDL : low density lipoprotein LH : luteinising hormon NIA/F : nombre d’inséminations par conception NK : natural killer OR: Odds ratio p. cent 3IA+ : pourcentage de vaches inséminées 3 fois et plus PAF : platelet activating factor PGE2: prostanglandine E2 PGF2α: prostaglandine F2α PP : post partum SAG : sexually active group SGOT: Glutamate Oxaloacétate Transaminases TGF : transforming growth factor TNF: tumor necrosis factor TNR : taux de non retour en chaleurs TR : taux de réforme TRF : taux de réforme pour infécondité TRIA1 : taux de réussite en 1ère insémination UFL: unités fourragères lait UI: unités internationales VLDL : very low density lipoprotein VLHP: vaches laitières hautes productrices -9- INTRODUCTION La maîtrise des performances de reproduction est l’un des postes importants et difficiles à gérer au sein d’une exploitation bovine laitière. Idéalement, l’intervalle vêlage-vêlage devrait être d’un an, mais l’évolution de ce paramètre depuis les 20 dernières campagnes de production montre une franche dégradation de ce critère, avec un allongement de l’intervalle entre vêlages d’un jour par an pour les vaches de race Prim’Holstein. Cette détérioration des performances de reproduction s’observe également pour les autres critères de mesure de la fertilité et de la fécondité, et entraîne nécessairement une augmentation des charges de l’exploitation : coûts économiques des inséminations supplémentaires, temps perdu à cause des échecs d’insémination, ou encore réforme d’animaux à performances réduites. Ces mauvais résultats peuvent être reliés à l’évolution de l’élevage au cours des 30 dernières années : l’augmentation du nombre d’animaux par exploitation entraîne une diminution du temps disponible de l’éleveur pour chacune de ses vaches ; la sélection des géniteurs sur des critères de qualité et de production laitière relègue les critères de reproduction à un second plan, surtout lorsqu’on sait que, d’un point de vue génétique, le niveau de production est corrélé négativement avec la fertilité. De plus, les difficultés à assurer un bilan énergétique et azoté en adéquation avec des niveaux de production élevés, au détriment de la fonction reproductrice, aggravent le phénomène. En outre, l’augmentation de la fréquence des anomalies de reprise de cyclicité post-partum dans les troupeaux Prim’Holstein en France et en Europe (Royal et al., 2000 ; Lecouteux, 2005) aggrave le phénomène : diminution du nombre d’animaux potentiellement en chaleurs et détection des chaleurs difficile. Tous ces éléments altèrent le délai de mise à la reproduction et dégradent la fertilité des troupeaux laitiers. La reprise de la cyclicité post-partum répond à des processus physiologiques et à des régulations hormonales complexes. Elle peut être modifiée par de nombreux facteurs, ce qui provoquera une variation des performances de reproduction des troupeaux bovins laitiers. Ces facteurs peuvent être intrinsèques, liés aux caractéristiques propres à l’individu, ou extrinsèques, souvent confondus avec la conduite d’élevage. Parmi les facteurs extrinsèques, l’alimentation joue un rôle prépondérant car ses modalités peuvent être aisément modifiées en vue d’améliorer les résultats du bilan de reproduction, mais tous ses effets ne sont pas encore connus, particulièrement en ce qui concerne les apports vitaminique et minéraux. Nous nous sommes intéressés, lors de cette étude, à l’influence que le β-carotène, antioxydant de la famille des caroténoïdes, pouvait avoir sur les performances de reproduction d’un troupeau bovin laitier, en nous basant sur la bibliographie disponible. En effet, son rôle sur le système reproducteur, indépendamment de sa fonction de précurseur de la vitamine A, reste mal défini. L’objectif de cette étude était donc de rassembler et de confronter les résultats des différentes études réalisées sur le sujet, afin de déterminer au mieux si une supplémentation en βcarotène permettait d’améliorer la fertilité et la fécondité des vaches laitières, et si les effets éventuels justifiaient un tel investissement. - 11 - I. MESURE DES PERFORMANCES DE REPRODUCTION DES TROUPEAUX BOVINS LAITIERS L’amélioration de la maîtrise de la reproduction, ou simplement son évaluation, dans un troupeau laitier, nécessite de disposer de moyens de description, d’évaluation et d’investigation s’appuyant sur des critères de mesure des performances. Ces critères devront être facilement identifiables au sein de chaque exploitation, et devront être basés sur des actes ou évènements fiables et, autant que possible, disponibles pour tous les animaux du troupeau. Ils visent à rendre compte des deux sous-ensembles qui sont classiquement distingués : fertilité et fécondité, et sont le plus souvent calculés sur une période de douze mois. La fécondité est, au sens propre, la capacité d’une femelle à mener à terme sa gestation, mettant bas un ou des produits vivants et viables. En élevage bovin laitier, elle a un sens économique et peut se traduire par l’intervalle entre deux vêlages. La fertilité est, par définition, l’aptitude à féconder ou à se reproduire ; pour la femelle, c’est la capacité à produire des ovocytes fécondables. C’est une notion plus précise que la fécondité ; en exploitation laitière, elle correspond au temps perdu à cause des inséminations artificielles infructueuses. La fertilité se traduit par le pourcentage de vaches inséminées trois fois ou plus et par le taux de fécondation à la première insémination (figure 1). Figure 1 : Notions de fertilité et de fécondité appliquées en élevage bovin laitier (d’après Constant, 2004) Intervalle vêlage-vêlage Vêlage n Chaleurs 1 IA1 FECONDITE IA2 IAF Délai de mise à Temps perdu la reproduction à cause des Vêlage n+1 Durée de gestation échecs d’IA A. Les critères exprimés sous forme d’intervalles Les principaux paramètres dérivés d’intervalles décrivent la fécondité. Ils sont exprimés en moyenne de valeurs relevées pour l’ensemble des vaches, ainsi qu’en dispersion de valeurs avec des proportions d’animaux supérieures ou inférieures à une valeur seuil (souvent considérée comme étant l’objectif à atteindre). 9 L’intervalle entre vêlages successifs (IVV) C’est un critère facile à calculer, très global et qui possède une forte signification économique. Il est directement lié à l’objectif de sélection et largement utilisé. Il représente le temps nécessaire pour féconder une vache et combine le temps de retour en cyclicité après le vêlage avec le - 13 - nombre d’IA nécessaires pour obtenir une fécondation et la durée de gestation. Il n’a donc pas de signification étiologique particulière et n’est connu que tardivement. De plus, il est biaisé du fait qu’il ne considère que les vaches finalement fécondées. Il ne prend donc pas en compte tous les animaux du troupeau (vaches réformées ou n’ayant pas vêlé à nouveau). 9 L’intervalle vêlage-insémination fécondante (IVIAF) Les remarques pour l’IVV s’appliquent également à ce critère. En général, l’insémination fécondante est constatée par le vêlage qui suit, par déduction de la durée de gestation. En cas de diagnostic de gestation systématique, ou encore en présumant fécondantes les IA non suivies de retour en chaleurs, il est possible d’exprimer l’IVIAF moins tardivement. 9 L’intervalle vêlage-1ère insémination (IVIA1) L’intervalle vêlage-1ère insémination est, assez logiquement, responsable de la majorité des variations de l’IVIAF dans la plupart des troupeaux français. Il peut être calculé sur un plus grand nombre d’animaux que les critères précédents (concerne toutes les vaches inséminées, qu’elles aient ou non produit un veau par la suite). Il reflète à la fois la reprise de cyclicité mais aussi la qualité de la détection des chaleurs et la décision de l’éleveur d’inséminer ou non. Il conviendra donc d’être attentif aux reports volontaires des IA, utilisés dans certains troupeaux pour éviter les vêlages certains mois de l’année ou pour favoriser les fortes productrices et/ou les primipares, et aux traitements de maîtrise de l’oestrus (progestagènes, prostaglandines), qui peuvent biaiser les résultats. 9 L’intervalle vêlage-1ères chaleurs (IVC1) C’est un critère précoce et intéressant pour sa signification étiologique, mais rarement disponible car il nécessite un enregistrement fiable des chaleurs par l’éleveur, à la différence des précédents où les données sont consignées sur les bordereaux d’IA, les déclarations de vêlages ou les saisies par le Contrôle Laitier. En outre, même s’il est présenté, il faut en cas d’intervalle augmenté, distinguer l’anœstrus post-partum vrai (pas de reprise de la cyclicité), d’une mauvaise détection ou expression des chaleurs (suboestrus). Un examen gynécologique systématique (avec palpation des ovaires) sur toutes les vaches non vues en chaleurs à partir de X jours permettra de s’affranchir de ce problème et d’évaluer la qualité de la détection des chaleurs. B. Les critères exprimés sous forme de ratios Les principaux paramètres exprimés sous forme de ratios décrivent la fertilité. Ils expriment directement le résultat global. 9 Le taux de réussite en première insémination (TRIA1) C’est un critère intéressant pour évaluer la fertilité mais il est peu utile sur le plan étiologique car de multiples facteurs peuvent l’affecter. Il doit en effet être interprété en fonction de l’IVIA1, les inséminations précoces ayant un taux de réussite moins élevé. Ce critère de mesure peut être accompagné des taux de réussite aux inséminations suivantes : TRIA2, TRIA3, etc. Il nécessite la mise en œuvre de diagnostics de gestation précoces sur l’ensemble du troupeau. Si ce type de suivi n’est pas réalisé, on parle de taux de non-retour en chaleurs X jours après la première IA qui mesure le pourcentage de vaches ne présentant pas de nouvelle insémination à cette date et donc supposées pleines. - 14 - 9 Le pourcentage de vaches inséminées trois fois et plus (p. cent 3IA+) C’est le deuxième critère traduisant la fertilité, représentatif de l’effort nécessaire pour féconder une vache, mais il est à considérer avec prudence. En effet, selon le type de gestion de l’élevage (pratiques de réforme en particulier), il peut être sous-estimé. En règle générale, on pourra inclure dans son calcul les vaches qui ont déjà été inséminées deux fois mais qui sont diagnostiquées non-gestantes et celles qui ont été réformées après la deuxième IA. Il s’agira donc dans ce cas d’un pourcentage de vaches non gestantes après les deux premières IA. 9 Le nombre d’insémination(s) par conception (NIA/F) C’est une mesure de la fertilité sans grande signification étiologique. Il s’obtient en divisant, au niveau de la population dans son ensemble, le nombre total d’IA par le nombre de vêlages. Le nombre total d’IA est la somme des IA réalisées sur les vaches fécondées, non fécondées ou réformées sans que l’on puisse déterminer avec certitude si elles sont gestantes ou non. Ce critère ne reflète donc plus l’effort, en terme d’IA, pour féconder une vache, mais plutôt le nombre d’inséminations nécessaires au niveau d’une exploitation pour obtenir un vêlage. Il est peu utilisé en France où on lui préfère le coefficient d’utilisation des paillettes (nombre d’IA/nombre de vaches mises à la reproduction), plus représentatif de la fertilité. 9 Les critères décrivant les retours en oestrus après IA Peu utilisés jusqu’à présent, ils sont néanmoins intéressants car ils permettent de quantifier les effets de la mortalité embryonnaire tardive (retour en oestrus plus de 24 jours après l’IA) et d’évaluer l’efficacité de la détection des chaleurs. En France, on s’intéresse de plus en plus à la distribution des intervalles entre IA successives. C. Les critères non spécifiques et plus élaborés 9 L’impact des troubles de la reproduction sur les réformes C’est un élément important à considérer pour corriger les critères précédemment décrits. De plus, il possède une forte signification économique. Le flux de réforme doit néanmoins être examiné avec prudence, surtout en raison de la subjectivité des motifs de réforme déclarés par l’éleveur. On considèrera le taux de réforme global toutes causes confondues sur deux ou trois campagnes successives, puis, s’il est élevé, la proportion de réformes pour infertilité ou le taux partiel de réforme pour infertilité. 9 Les indices élaborés et synthétiques Ces indices, comme le Herd reproductive status (HRS) et le Herd fertility index (HFI), constituent une note d’efficacité technique synthétique mais sans signification économique ou étiologique précises, d’autant que, à performances techniques égales, l’impact de l’infécondité/infertilité varie d’une exploitation à l’autre. Ils ne sont pratiquement pas utilisés en France. D. La définition des objectifs Les objectifs vers lesquels devraient tendre les critères précédemment décrits ne sont pas les mêmes pour tous les systèmes d’exploitation. Leur définition doit donc tenir compte de certaines idées-clés : - 15 - o Les implications pratiques des objectifs doivent être réalisables dans l’exploitation considérée ; o Les résultats moyens obtenus par un groupe départemental ou régional ne doivent pas être considérés comme des objectifs, il s’agit de les combiner avec des références internes à l’exploitation sur les campagnes antérieures ; o Il peut exister un décalage substantiel entre la valeur d’objectif définie par des arguments économique, et la valeur correspondant au degré maximal de l’efficacité technique ; o Les objectifs établis pour les différents critères doivent être cohérents les uns avec les autres (corrélations entre certains critères). Actuellement, on peut considérer que les objectifs pour la plupart des critères sont justifiés par les contraintes économiques et les attentes des éleveurs (tableau 1). Tableau 1 : Pertinence des objectifs de reproduction (d’après Seegers et Mahler, 1996a) Objectifs « Classiques » Acceptant un taux de réforme élevé IVV IVIAF IVIA1 TRIA1 % 3IA+ TRF et TR % IVV>365j : <15 % IVIAF>110j : <15 % IVIA1>70j : <15 >60% <15% TRF<6% et TR<27% % IVV>365j : <15 % IVIAF>110j : <15 % IVIA1>70j : <25 >50% <20% TRF<12% et TR<35% Indications • Pour valoriser le regroupement des vêlages ou limiter volontairement l’effectif des vaches traites durant une période donnée • Si le niveau de production est faible • Si le coût de production de génisses est élevé • Si le quota risque de ne pas être atteint, avec un effectif de génisses limité par rapport au besoin de renouvellement • Pour valoriser le regroupement des vêlages • Si le coût de production des génisses est faible • Pour valoriser fortement les vaches réformées • Si le quota est très sécurisé par des effectifs de renouvellement en surnombre - 16 - Tolérant plus de vaches à IVIAF long mais avec faible taux de réforme % IVV>400j : <15 % IVIAF>110j : <35 % IVIA1>70j : <40 >60% <15% TRF<5% et TR<25% • Si on ne favorise pas le regroupement des vêlages • Si le niveau de production est très élevé • Si on tolère un déficit énergétique prolongé en début de lactation • Si le troupeau est très rajeuni (fort % de vaches en 1ère et 2ème lactation) • Si les effectifs de renouvellement sont faibles • S’il est nécessaire de réformer pour d’autres causes (mammites) • Si on souhaite vendre beaucoup de génisses • Si le coût de production de génisses est très élevé E. Evolution et état actuel des performances de reproduction des troupeaux laitiers Depuis les 20 dernières années, les critères d’évaluation de la fertilité et de la fécondité montrent une dégradation continue et rapide des performances de reproduction en race Prim’Holstein ; en race Normande, une baisse nettement moins marquée est observée alors qu’en race Montbéliarde, les performances de reproduction sont relativement stables au cours des différentes campagnes (Barbat et al., 2005). Une chute de fertilité importante et continue est également observée chez les génisses pour les trois principales races laitières françaises. 1. Taux de réussite à la première IA Chez les génisses, on observe, pour les trois races, une chute du TRIA1 de 63% en 1995 à 55% en 2003. Si la réduction est régulière pour la Montbéliarde et la Prim’Holstein (1% par an), elle est surtout marquée pour la Normande entre les campagnes 2001 et 2002. Chez la vache en lactation, le TRIA1 est relativement stable depuis 1995, pour les races Normande et Montbéliarde avec néanmoins une tendance à la baisse en race Normande après 1999. En Prim’Holstein, on observe pour les 3 premières lactations et comme pour les génisses une baisse de 1% par an, augmentant encore son déficit de fertilité vis-à-vis des deux autres races (Barbat et al., 2005). Cette dégradation est confirmée par Fréret et Chevallier (2002) : en race Prim’Holstein, le taux de réussite en 1ère insémination a chuté d’une dizaine de points (pour les primipares, de 72 à 64% et, pour les multipares, de 60 à 50% entre 1987 et 2002). Ces tendances ont été observées dans d’autres études comme celles de Chevallier et Humblot (1998), Le Mezec et al. (2005) et, hors de France, par Royal et al (2000). Cette baisse de 1% par an observée est très supérieure à la dégradation qui semblerait expliquée par la sélection soit 0,3 à 0,5% compte tenu des corrélations génétiques et du progrès génétique sur la production laitière. D’autres éléments tels que les systèmes de production, les pratiques pour la détection des chaleurs et l’insémination, l’alimentation sont également mis en cause. Il apparaît également que dans un modèle ajusté avec interaction, pour un IVIA donné, la fertilité à l’IA2 est généralement inférieure à celle de l’IA1 à l’exception des IA très tardives. L’effet est assez similaire pour les primipares (Seegers et al., 2005b). 2. Taux de non retour en chaleurs et intervalles entre IA Entre 2 et 28 jours après la première IA, période durant laquelle on observe la moitié des IA de rang 2, les différences entre les 3races sont faibles (2%), de même que les évolutions entre années. Au-delà de 28 jours, on observe encore une grande stabilité entre les campagnes pour les taux de non retour des deux races Normande et Montbéliarde, avec des résultats très proches : entre 1995 et 2003, le TNR avant 56 jours varie respectivement entre 62 et 64% et entre 63 et 64% (Barbat et al., 2005). La race Prim’Holstein obtient des résultats inférieurs à tous les stades entre 28 et 282 jours. L’écart du TNR, vis-à-vis des deux autres races, augmente entre 28 et 282 jours. Cette chute de résultats s’accroît régulièrement de 1995 à 2003 pour atteindre plus de 10 points sur le taux de non retour avant 282 jours en 2003 (Barbat et al., 2005). - 17 - La distribution des intervalles entre IA reste stable entre années et comparable dans les trois races. Il est difficile de préciser, à partir des observations statistiques sur les dates d’IA, l’importance respective des différentes causes de l’échec de l’insémination. Cependant, pour la race Prim’Holstein, l’absence de différence précoce observée à 28 jours et la dégradation des résultats seulement au-delà de 28 jours, ainsi qu’un nombre important de retours tardifs après 24 jours, peuvent être le signe d’une augmentation récente de la mortalité embryonnaire tardive et aussi des difficultés de détection de chaleurs, en liaison avec l’augmentation du potentiel génétique laitier (Le Mezec et al., 2005). 3. Intervalle vêlage-1ère IA En première lactation, l’IVIA1 est plus long en race Prim’Holstein, moins long en race Normande et intermédiaire en race Montbéliarde (figure 2). En races Montbéliarde et Normande, la tendance de l’IVIA1 est assez stable avec quelques fluctuations entre années. L’intervalle moyen se situe, pour ces deux races, entre 79 et 82 jours et entre 79 et 80 jours respectivement. En race Prim’Holstein, l’IVIA1 augmente au cours des campagnes, variant de 84 jours en 1995 à 89 jours en 2003, soit un accroissement de 5 jours en 8 ans (Barbat et al., 2005). Figure 2 : Evolution moyenne IVIA1 (jours) en première lactation pour les trois principales races laitières françaises (d’après Barbat et al., 2005) 90 IVIA1 (jours) 88 86 84 Montbéliarde Normande Prim'Holstein 82 80 78 76 74 72 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Par ailleurs, le nombre de vaches inséminées à moins de 50 jours post-partum a diminué sensiblement au cours des dernières campagnes de reproduction. Ceci peut expliquer partiellement l’allongement de l’IVV notamment du fait du nombre croissant de vaches mises à la reproduction très tardivement (Chevallier et Humblot, 1998). 4. Nombre d’inséminations En accord avec les taux de réussite, le rang de l’insémination fécondante, le nombre d’IA et le nombre d’IA par vache et nombre d’IA par fécondation sont plus élevés en race Prim’Holstein et augmentent au cours du temps dans cette race. Leur évolution montre que le nombre d’IA réalisées par vache s’accroît quel que soit le résultat final de la série d’IA (Barbat et al., 2005). Cela indiquerait que les éleveurs insistent probablement plus avant de réformer une de leurs vaches, particulièrement pour une haute productrice. 5. Intervalle entre vêlages successifs La tendance observée sur les critères précédents depuis 1995 semble beaucoup plus ancienne pour l’IVV. En effet, l’intervalle entre vêlages s’est accru d’environ un jour par an en - 18 - race Prim’Holstein depuis 1981 pour atteindre plus de 13 mois aujourd’hui. A la fin des années 1980 et sur la majeure partie des années 1990, cet accroissement était même de 2 jours par an. Cette évolution est confirmée par Chevallier et Humblot (1998), qui notent une lente dégradation de l’IVV entre les exercices 1987-1988 et 1993-1994, jusqu’à atteindre 397 jours au cours de la campagne 1996-1997. De même, l’intervalle vêlage-vêlage est passé de 385 à 405 jours en 15 ans pour Fréret et Chevalier (2002), et s’est allongé de 6 à 12 jours entre 1995 et 2002 pour Le Mezec et al. (2005). Cette tendance est beaucoup moins marquée et plus récente en race Normande. En race Montbéliarde, on peut même constater une diminution de l’IVV au cours des années 1980. 6. Origines de la dégradation des performances de reproduction Cette dégradation des performances de reproduction entraîne des pertes économiques importantes dans les élevages, dues principalement aux réformes pour infécondité. Ainsi, une diminution du taux de réussite en première insémination de 20% entraîne une baisse de revenu de 10% (Fourrichon et al., 2001). Les principales causes avancées pour expliquer la dégradation des performances de reproduction sont au nombre de trois. Tout d’abord, jusqu’au début des années 90, la sélection des bovins laitiers était essentiellement axée sur le potentiel laitier (aspects quantitatifs et qualitatifs de la production laitière, conformation de la mamelle) ; d’un point de vue génétique, la production laitière est corrélée négativement avec le taux de réussite en 1ère IA, d’où un effet défavorable sur les performances de reproduction (corrélation génétique entre production laitière et fertilité de -0,3 environ). On observe également une corrélation négative entre la production laitière en 100 jours de lactation et l’intervalle vêlage-1ère IA en race Prim’Holstein (tableau 2). Tableau 2 : Corrélations génétiques entre taux de réussite à l’IA1 ou délai de mise à la reproduction (IVIA1) et production laitière en race Prim’Holstein (d’après Boichard et al., 2002). Quantité de lait Quantité de matière grasse Quantité de matière protéique TRIA1 -0,32 -0,29 -0,25 IVIA1 -0,21 -0,17 -0,08 En plus de cette sélection génétique qui s’est faite au détriment des performances reproductrices, le niveau de production laitière lui-même est également mis en cause. En effet, la dégradation de la fertilité s’est faite en parallèle d’une forte augmentation du niveau de production laitière et, même si les troupeaux de plus haut niveau de production sont aussi les plus techniques, la dégradation de la fertilité ne peut être totalement compensée par un meilleur suivi. Le phénomène pourrait impliquer un déficit énergétique plus important dans les troupeaux de vaches très hautes productrices, et une volonté des éleveurs de limiter les coûts. D’autre part, l’évolution de la structure des troupeaux bovins laitiers (augmentation de la taille des élevages associée à une diminution du nombre de cheptels et à une réduction du personnel) entraînent une baisse du temps de surveillance des animaux, et pourrait donc avoir des effets néfastes sur les performances de reproduction. Enfin, la fréquence des anomalies de reprise de cyclicité post-partum est en nette augmentation depuis ces dernières années (31,4% en 1975-1982 vs 43,7% en 1995-1998 ; Royal et - 19 - al., 2000). Cette évolution est également une hypothèse avancée pour expliquer la baisse des performances de reproduction dans les troupeaux bovins laitiers. Des résultats de reproduction défavorables sont susceptibles d’affecter le fonctionnement économique d’une exploitation d’élevage laitier ; ils modifient l’efficacité du processus de production via deux types de répercussions : les pertes et les coûts de maîtrise. Les pertes, transposition économique des différents « manques à gagner » induits, sont dues à l’allongement de l’intervalle vêlage-vêlage et à la réduction de la productivité en lait et en veaux par vache qui en résulte, aux réformes pour infécondité, au coût des inséminations supplémentaires et à la réduction du progrès génétique du troupeau. Les coûts de maîtrise résultent des traitements et des mesures de prévention, et correspondent à des dépenses et à des charges réelles. En pratique, hors mesures médicales, il peut être considéré que leur coût est au moins compensé par les bénéfices entraînés en retour sur la production (Seegers et Malher, 1996b). Sur le plan économique, les troubles de la reproduction représentent 18% des pertes associées aux troubles de santé, ce qui les place en deuxième position derrière les mammites (34%), mais devant les troubles métaboliques et digestifs (14%), les troubles du péripartum (12%) et les maladies des veaux (11%) (Fourrichon et al., 2001). L’importance et l’impact économique des troubles d’infertilité/infécondité justifient l’intérêt d’actions de maîtrise des résultats de reproduction et la pertinence de recherches visant à les améliorer. - 20 - II. REPRISE D’ACTIVITÉ SEXUELLE APRÈS LE VÊLAGE CHEZ LA VACHE LAITIÈRE A. Physiologie de la reprise d’activité sexuelle après le vêlage 1. Folliculogenèse Pendant le post-partum, la première ovulation est précédée de modifications de la sécrétion des hormones hypothalamiques et hypophysaires, suivies de changements dans les processus de croissance folliculaire. a) La phase de croissance folliculaire La folliculogenèse se définit comme étant la succession des différentes étapes du développement du follicule depuis le moment où il sort de la réserve jusqu’à l’ovulation ou, plus fréquemment, jusqu’à l’atrésie. La phase de croissance folliculaire est concomitante de la croissance de l’ovocyte que le follicule contient. Selon leur morphologie et leur stade de développement, on parlera de follicules primordiaux, follicules primaires et follicules secondaires pour les follicules préantraux, tandis que les termes de follicules tertiaires et follicule de De Graaf s’appliquent respectivement aux follicules cavitaires et au follicule mûr (figure 3). Figure 3 : Représentation schématique de l’évolution d’un follicule (d’après Drion et al., 1998) follicule primordial 30 à 40 μm follicule primaire 60 à 80 μm follicule secondaire 200 à 400 μm follicule tertiaire follicule préovulatoire 18 à 20 mm (ovocyte 120 μm) - 21 - Chez la vache laitière, les points forts de la croissance folliculaire concernent : 9 Sa durée : 5 mois en moyenne 9 Le faible nombre de follicules qui parviendront jusqu’à ovulation : plus de 99% des follicules primordiaux seront voués à l’atrésie, c’est-à-dire qu’ils dégénèreront à un stade variable de leur croissance sans avoir pu évoluer jusqu’à l’ovulation. 9 Le parallélisme qui s’installe entre la croissance du follicule et l’acquisition de la compétence ovocytaire 9 La théorie des vagues selon laquelle le développement folliculaire évolue sous la forme de croissances et de régressions successives de plusieurs follicules. Chaque vague consiste en l’émergence, tous les 7 à 9 jours environ, de plusieurs follicules de diamètre égal ou supérieur à 5 mm parmi lesquels apparaît le follicule dominant. Chez la vache, habituellement, un cycle ne comporte que 2 à 3 vagues de croissance folliculaire (avec des extrêmes de 1 à 4). Chaque vague comporte un follicule dominant, mais seule la dernière vague génèrera un follicule ovulatoire. Si trois vagues sont observées, elles débutent en général aux jours 2, 9 et 16 du cycle ; si celui-ci n’en comporte que deux, elles apparaissent aux jours 2 et 11 du cycle (Drion et al., 1998). Cette variation du nombre de vagues explique la variation de la longueur des cycles parfois observée (21,5 vs 19,7 jours), les régulations en jeu impliquant des facteurs génétiques, nutritionnels ou paracrines. Les études échographiques de la croissance folliculaire au cours du post-partum de la vache laitière montrent que le premier follicule dominant apparaît 5 à 39 jours après la mise-bas ; celui-ci ovule dans 74% des cas étudiés, devient kystique dans 21% des cas et, après régression, est suivi de l’apparition d’un nouveau follicule dominant dans 5% des cas. La précocité d’apparition du follicule dominant influence la durée du cycle : plus précoce est la détection du follicule dominant (<9 jours PP), plus élevée sera la proportion de cycles d’une durée supérieure à 25 jours et, à l’inverse, une détection tardive (>20 jours PP) s’accompagne d’un raccourcissement du cycle (9 à 13 jours). (Drion et al., 1998) Les modifications de la concentration en progestérone ont une double influence sur la croissance folliculaire et le principe du développement par vagues. L’action peut être locale : l’observation d’un nombre plus important de follicules sur l’ovaire ipsilatéral au corps jaune pourrait être le résultat de l’atrésie du follicule dominant induite localement par la progestérone capable d’y supprimer localement la synthèse d’oestradiol. L’action peut également être d’ordre plus générale et médiée par l’hormone LH : une progestéronémie élevée exerce une rétroaction négative sur la libération de l’hormone LH et entraîne par ce biais une réduction de la synthèse d’oestradiol par le follicule dominant et, par conséquent, son atrésie. Ainsi, au cours du cycle, si la progestéronémie diminue alors que le follicule dominant est en phase de croissance, il ovule, et le cycle ne comporte que deux vagues. A l’inverse, si la progestéronémie se maintient à un niveau élevé après que le follicule dominant de la deuxième vague ait atteint sa taille maximale, il commence à régresser, et une troisième vague de croissance apparaît. b) Régulation de la croissance folliculaire A une phase de croissance folliculaire indépendante de la présence de gonadotropines endogènes succède une phase de croissance gonadotrope dépendante. Différentes substances peptidiques interviennent (inhibine, activine, follistatine), ainsi que des facteurs de croissance. Enfin, l’état physiologique est impliqué pour une grande part dans le déroulement ou la reprise des cycles. - 22 - 9 Déterminisme de l’entrée en croissance : la phase gonadotrope indépendante : Les facteurs responsables de l’entrée en croissance des follicules primordiaux sont encore mal connus. L’importance du pool de follicules primordiaux influence le nombre de follicules le quittant chaque jour. Ainsi, la diminution du stock de réserve avec l’âge est concomitante d’une baisse du nombre de follicules entamant chaque jour leur croissance. Des expériences d’hypophysectomie et d’injections à long terme d’agonistes de la GnRH n’empêchent pas les follicules d’évoluer jusqu’à une taille de 6 à 7 mm chez la vache ; de même, l’injection de gonadotropines exogènes ne modifie pas le nombre de follicules qui entrent en croissance. Ainsi le développement précoce du follicule semble être indépendant de la présence des gonadotropines FSH et LH. Bien qu’indispensables, en synergie avec d’autres facteurs, à la croissance des follicules à partir du stade secondaire et aux stades précoces du développement précoce de l’ovocyte, les gonadotropines, et surtout le taux basal de FSH, semblent être davantage responsables de la régulation des capacités de synthèse et de régulation des cellules de la granulosa que de la croissance du follicule proprement dite. D’autres facteurs influencent le nombre de follicules quittant chaque jour la réserve : l’état corporel de l’animal, la quantité et la qualité de son alimentation et l’étape du cycle de reproduction qu’il franchit (post-partum par exemple) en constituent les principaux. 9 Phase gonadotrope dépendante : A partir d’un diamètre de 4 mm, le développement des follicules passe d’une croissance de type continue à une croissance de type cyclique, dépendante des variations du taux des gonadotropines. De multiples expériences ont démontré que la croissance folliculaire est le résultat d’interactions existant entre les hormones gonadotropes FSH et LH d’origine hypophysaire et les substances polypeptidiques présentes dans le follicule (inhibine, follistatine, activine). L’effet de ces substances est indirect : elles exercent une rétroaction négative sur l’hypophyse. Elles pourraient également exercer une action directe sur l’ovaire (Drion et al., 1998). L’inhibine présente une dualité d’action. Elle limiterait localement la conversion d’androgènes en oestrogènes, par action sur l’aromatase des cellules de la granulosa et inhiberait la sécrétion de FSH hypophysaire au niveau périphérique, et induit ainsi la régression des follicules antraux non dominants tout en permettant au follicule dominant lui-même d’évoluer. L’activine semble réguler de manière autocrine la différenciation des cellules de la granulosa en relation avec l’état de maturité du follicule. Elle contrôlerait également l’acquisition par ces cellules de récepteurs à la FSH., effet qu’elle peut exercer en l’absence de FSH. Le message majeur issu des facteurs non stéroïdiens produits par l’ovaire est en fait un message inhibiteur destiné à l’ase hypothalamo-hypophysaire (la quantité d’activine présente au niveau du liquide folliculaire ne représentant en fait que 5% de celle d’inhibine). La follistatine (FSP) favorise la lutéinisation ou l’atrésie folliculaire par neutralisation des effets folliculaires de l’activine. De plus, elle est répertoriée comme « activin binding protein », et antagonise l’effet de l’activine au niveau pituitaire. La production de follistatine dépend de la FSH, de l’activine et de l’état évolutif ou atrétique du follicule. - 23 - 9 Facteurs de croissance : transforming growth factor α et β, insulin-like growth factor 1, epidermal growth factor : Malgré leur influence sur les cellules de la granulosa, il semble que l’on ne puisse attribuer une action directe des gonadotropines sur la prolifération des cellules folliculaires. Des facteurs de croissance ont été mis en évidence notamment au niveau des cellules thécales de l’ovaire bovin. Ces facteurs modulent la folliculogenèse et ont à la fois des effets stimulateurs et répresseurs sur la croissance et la différenciation des cellules de la granulosa. La compréhension exacte du rôle de ces facteurs locaux dans la folliculogenèse est incomplète et il est difficile de connaître leur importance par rapport à celle des hormones hypophysaires. Leur importance est en fait dépendante du stade de l’évolution folliculaire. Ainsi, la possibilité pour les follicules de moins de 2 mm de diamètre d’évoluer en l’absence de gonadotropines suggère la plus grande dépendance de ces follicules vis-à-vis des facteurs intraovariens. La présence des TGF-α et -β est démontrée dans la thèque du follicule. Alors que le TGF-β stimule la multiplication, la croissance et l’activité aromatase des cellules de la granulosa, le TGF-α, dont la présence simultanée est rapportée, exerce sur les mêmes cellules une action antagoniste. Les concentrations relatives de chacun de ces deux facteurs, au cours des différentes phases de croissance folliculaire, modulent les vitesses de prolifération des cellules de la granulosa. L’IGF-1 semble être un puissant inducteur de la prolifération des cellules de la granulosa chez le bovin et, par conséquent, un puissant stimulant de la croissance folliculaire. Son mode d’action conduit majoritairement à amplifier l’action des gonadotropines sur le follicule. L’EGF, produit par les cellules de la thèque interne des follicules, présente une nature multifonctionnelle. Selon les informations endocrines et/ou micro-environnementales reçues, son action peut être stimulatrice ou inhibitrice pour la croissance, la différenciation ou certaines fonctions enzymatiques des cellules de la granulosa. 9 Influence de l’état physiologique : anœstrus de gestation, anœstrus post-partum • Gestation et post-partum Pendant la gestation, la progestérone, les oestrogènes et les hormones placentaires agissent en synergie pour s’opposer à la sécrétion de gonadotropines. De même, après le part, l’allaitement et un bilan énergétique négatif inhibent l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique et retardent le moment du retour en chaleur, ce qui affecte la reprise de la dynamique folliculaire et de la cyclicité de la vache. Basée sur la détection des manifestations comportementales de l’oestrus, la durée de l’anœstrus post-partum est comprise entre 20 et 70 jours chez la vache laitière bien que la reprise de la croissance folliculaire survienne bien avant (Drion et al., 1998). La GnRH constitue l’élément principal régulateur de la libération de gonadotropines par l’hypophyse. La reprise de l’activité ovarienne est donc dépendante de celle de l’activité hypothalamo-hypophysaire et, plus précisément, de la reprise de la sécrétion pulsatile de la LH. En effet, l’accroissement du taux basal de la LH jusqu’à l’apparition du pic préovulatoire de la LH est fonction de l’augmentation de la fréquence de la pulsatilité de l’hormone. Cette « remise en marche » est influencée par différents facteurs parmi lesquels le bilan énergétique est sans doute le plus important. - 24 - • Production laitière et balance énergétique De nombreuses études ont démontré l’influence majeure du bilan énergétique en postpartum sur la reprise de cycles ovariens chez les vaches à haute production laitière. Ainsi, le retour rapide à un fonctionnement ovarien régulier est fortement tributaire d’une prise alimentaire suffisante. Mais, comme le pic de lactation survient bien avant la récupération de la capacité d’ingestion maximale, les femelles passent par une période de déficit énergétique d’autant plus important que le niveau de production est élevé. Une adaptation métabolique s’ensuit : augmentation de la lipolyse, augmentation de la néoglucogenèse et de la glycogénolyse hépatique, mobilisation de protéines musculaires et de minéraux osseux. Le schéma classique de reprise de sécrétion pulsatile de LH 2 à 3 semaines après le part, avec apparition de vagues de croissance folliculaire et sélection d’un follicule dominant, s’en trouve perturbé. Les taux de LH diminuent, retardant ainsi la première ovulation. Le mécanisme de cette perturbation semble passer par la voie des opiacés hypothalamiques et de l’insuline. En cas de déficit énergétique, tant la baisse de l’insulinémie, que la très forte augmentation de l’utilisation des corps cétoniques comme source énergétique pour les voies hypothalamiques, pourraient entraîner une baisse de l’activité gonadotrope de ce tissu. D’autre part, l’insuline exerce une activité directe sur les follicules ovariens en stimulant la prolifération des cellules de la granulosa. 2. Régulation du nombre de follicules ovulatoires Seuls les follicules qui atteignent la taille adéquate en temps opportun poursuivent leur développement. C’est parmi eux que le (ou les) follicule(s) ovulatoire(s) est (ou sont) désigné(s).Trois étapes sont responsables de ce tri folliculaire et, le mécanisme de développement folliculaire est associé à des changements dans l’expression des ARNm codant pour les récepteurs aux gonadotropines et pour les enzymes de la stéroïdogenèse. Ces changements permettront au(x) follicule(s) recruté(s), une fois exposé(s) à un environnement hormonal approprié, d’ovuler en réponse au pic préovulatoire de gonadotropines. a) Le recrutement Le recrutement est l’entrée en croissance terminale et rapide d’une cohorte de follicules gonadodépendants (diamètre : 2 mm). Il s’agit d’un mécanisme aléatoire où seuls sont recrutés les follicules atteignant « la bonne taille au bon moment ». Le recrutement est provoqué par une augmentation transitoire des taux de FSH qui agit sur ces follicules en augmentant leur aptitude à aromatiser les androgènes en oestrogènes et à produire de l’inhibine. Le recrutement d’un nombre de follicules supérieur à celui nécessaire constitue en quelque sorte la garantie qu’au moins un follicule se trouve dans les conditions optimales de développement et de sensibilité à l’action de concentrations minimales de FSH. b) La sélection La sélection est l’émergence du (ou des) follicule(s) ovulatoire(s) parmi les follicules recrutés. Cette sélection est secondaire à la réduction du taux de FSH qui avait initié le recrutement. En effet, le développement du groupe de follicules recrutés s’accompagne d’une augmentation de la production d’oestradiol, mais également d’inhibine. Ces deux hormones exercent un rétrocontrôle négatif sur la production hypophysaire de FSH. Dès que la concentration en FSH circulante devient inférieure à celle induisant le recrutement, les follicules recrutés entrent en atrésie, à l’exception du (ou des) seul(s) follicule(s) sélectionné(s). - 25 - c) La dominance La dominance fait suite à la sélection. Elle est morphologique, c’est-à-dire qu’elle est exercée par le plus gros follicule présent sur l’un ou l’autre des ovaires, et fonctionnelle, parce que le follicule dominant est le seul qui soit capable de provoquer la régression de follicules en croissance ou d’inhiber la croissance d’autres follicules, et d’ovuler dans un environnement hormonal approprié. Bien que les taux circulants de FSH diminuent, le follicule dominant persiste car il a acquis un mécanisme d’autostimulation interne : l’oestradiol qu’il produit amplifie sa synthèse d’IGF-1 qui est normalement sous le contrôle de FSH. L’IGF-1 stimule à son tour l’aromatisation des androgènes en oestrogènes. De plus, l’acquisition par la granulosa de récepteurs à LH, associée à la sécrétion active de LH, contribue à maintenir une concentration élevée en AMPc dans les cellules folliculaires, facteurs favorables à la croissance du follicule dominant. La disparition du follicule dominant se traduirait par une nouvelle augmentation de l’hormone FSH ce qui permettrait aux seconds follicules de devenir dominants à leur tour. 3. La stéroïdogenèse folliculaire La stéroïdogenèse folliculaire correspond à la synthèse, par les cellules de la thèque interne, des androgènes à partir du cholestérol sanguin, puis à leur aromatisation en œstrogènes par les cellules de la granulosa. La stéroïdogenèse est fortement compartimentée dans le follicule : 9 La thèque interne, qui contient des récepteurs à LH, synthétise préférentiellement les androgènes. Ceux-ci diffusent au travers de la membrane de Slavjansky vers les cellules de la granulosa. 9 Les androgènes sont alors aromatisés en oestrogènes par les cellules de la granulosa qui possèdent des récepteurs à FSH. Une collaboration est donc nécessaire pour produire des taux suffisants d’oestradiols. En effet, les équipements enzymatiques de ces deux tissus étant différents, chacun limite les capacités de l’autre. 9 A partir de la granulosa, les oestrogènes diffusent dans le liquide folliculaire et dans le compartiment vasculaire (effets périphériques et déroulement du cycle oestral). Les oestrogènes sont sécrétés de manière importante par les follicules antraux. Le follicule mûr produit une concentration plasmatique de 12 pg/ml d’oestradiol chez la vache (25 pg/ml chez la brebis), cette concentration étant à l’origine de la décharge ovulatoire. 4. L’atrésie folliculaire Encore appelée involution folliculaire, l’atrésie constitue le devenir de la majorité des follicules présents dans l’ovaire des mammifères (99,9%). L’atrésie joue donc indirectement un rôle important dans la régulation du taux d’ovulation. Elle peut se produire à n’importe quel moment de la folliculogenèse et est contrôlée par un mécanisme de mort cellulaire programmée, l’apoptose. La coexistence de phénomène de dominance et d’atrésie conditionne l’ovulation d’un nombre de follicules spécifiques de l’espèce considérée. - 26 - a) Signes cytologiques et biochimiques Pour les follicules de moins de 1 mm, l’atrésie conduit à une disparition rapide de l’ovocyte, suivie d’une rétraction rapide également des cellules de la granulosa puis d’une hypertrophie de la thèque interne. Cytologiquement, elle n’est identifiable chez les follicules primaires, secondaires ou tertiaires que par la mise en évidence de pycnose (grains de chromatine condensée) ou d’apoptose (corps apoptotiques) dans les cellules de la granulosa. On peut aussi observer des processus dégénératifs (opacification) au niveau de l’ovocyte. La granulosa disparaît progressivement et le cumulus se dissocie. L’ovocyte dégénéré reste la dernière cellule identifiable Biochimiquement, elle s’accompagne d’une augmentation des concentrations en enzymes lysosomiales et en glycosaminoglycans ainsi que d’une diminution des concentrations en oestradiol. b) Modifications de la stéroïdogenèse Dès le début de l’atrésie, la stéroïdogenèse est perturbée. Le follicule atrétique perd la capacité d’aromatiser les androgènes en oestrogènes. Il ne sécrète donc plus que des androgènes. La physiologie de la folliculogenèse et les facteurs impliqués constituent le prologue aux mécanismes de l’ovulation et à la mise en place du corps jaune dans la cavité folliculaire. 5. L’ovulation Durant sa phase d’évolution terminale, le follicule dominant acquiert la possibilité de répondre à un pic de gonadotropines (LH principalement). Par ailleurs, un profond remaniement de sa structure permet l’expulsion d’un ovocyte mature, puis la formation d’un corps jaune. a) Les mécanismes de l’ovulation Les oestrogènes synthétisés par le follicule terminal exercent une influence positive sur l’hypophyse qui produit une décharge de gonadotropines FSH et LH (jusqu’à 100 fois le taux de LH circulante). Les premiers effets de l’augmentation des taux de FSH et de LH sont une augmentation de la vascularisation de l’ovaire. Différents facteurs vasodilatateurs sont impliqués dont l’histamine, la bradykinine, l’angiotensine II et le PAF et les produits dérivés de l’acide arachidonique comme les prostaglandines I2 et E2, les leucotriènes et les lipoxines. Dans les parois des capillaires apparaissent de nombreuses fenestrations qui laissent s’échapper du plasma et des cellules sanguines dans le follicule, ce qui provoque un œdème des couches de la thèque externe. Les cellules de la granulosa se détachent de la lame basale et arrêtent de se diviser tandis que le nombre de jonctions serrées les reliant diminue. Le cumulus et la granulosa sécrètent des enzymes protéolytiques qui induisent la dissociation des fibres de collagène présentes dans la thèque, l’albuginée et l’épithélium ovarien au niveau de l’apex folliculaire. L’acide hyaluronique sécrété par les cellules du cumulus provoque une entrée d’eau dans la cavité antrale mais la dissociation structurale permet au follicule d’augmenter de taille sans augmentation de sa pression interne. La compression de l’épithélium ovarien au niveau de l’apex induit une stase sanguine avec ischémie et nécrose de ses cellules qui libèrent alors leurs propres hydrolases. Ces hydrolases et la plasmine produites par les cellules de la granulosa, de la thèque interne et des nombreux - 27 - fibroblastes situés en périphérie, achèvent de détruire les couches cellulaires sous-jacentes. La rupture de la paroi folliculaire externe induit une chute brutale de la pression hydrostatique intrafolliculaire qui provoque une contraction des fibres musculaires lisses de la thèque externe. La combinaison de ces deux phénomènes expulse l’ovocyte entouré de sa corona radiata qui est recueilli par le pavillon de l’oviducte. Parallèlement à tous ces évènements et suite à la décharge de LH, l’ovocyte, libéré des influences inhibitrices de cellules de la granulosa, reprend sa méiose : il achève sa première division méiotique en éjectant le premier globule polaire et devient ovocyte II (arrêt en métaphase de seconde division méiotique). L’achèvement de la deuxième division méiotique est différé jusqu’à l’arrivée d’un spermatozoïde qui l’activera. b) Régulation de la sécrétion de LH et de FSH Principalement connue pour son action déterminante dans le phénomène de l’ovulation (pic de LH ou pic préovulatoire), l’hormone LH est de plus en plus considérée comme indispensable (taux basal) pendant la phase de croissance folliculaire du cycle ovarien afin d’assurer la viabilité de l’ovocyte. En effet, tant durant la phase lutéale terminale que pendant la phase de croissance folliculaire, la présence de LH, à des taux modérés, et de FSH, à des taux plus élevés, permettent la croissance folliculaire et la maturation ovocytaire. Ce taux basal de LH est également impliqué dans le phénomène de reprise de la méiose ovocytaire. 9 La progestérone Lors de l’évolution terminale du follicule, la progestérone favorise durant quelques heures le phénomène de l’ovulation. En effet, le taux basal de progestérone associé aux oestrogènes présents en phase pro-oestrale entraîne le pic de gonadotropines nécessaire à déclencher la cascade d’évènements menant à l’ovulation. 9 L’inhibine L’inhibine participe également à la régulation de l’ovulation en assurant, à l’inverse des oestrogènes du follicule mûr, une régulation négative sur l’axe hypothalamo-hypophysaire. Cette balance entre les différentes hormones circulantes pondère le mécanisme de l’ovulation en évitant le phénomène de superovulation qui irait à l’encontre de la physiologique ovarienne. 9 Les oestrogènes La complexité de la dualité du mécanisme d’action de LH (dépendante du taux de sa sécrétion) est renforcée par l’intervention également bimodale des oestrogènes folliculaires : en effet, au début de la croissance folliculaire, les taux faibles d’oestrogènes circulant exercent un rétrocontrôle négatif sur l’axe hypothalamo-hypophysaire (principe de dominance) ; à l’inverse, en fin de croissance folliculaire, les taux élevés tendent à promouvoir (feedback positif) la production de GnRH par l’hypothalamus, et donc la sécrétion de gonadotropines. Il semble exister un mécanisme qui empêcherait le déclenchement prématuré du pic de LH tant que l’ovocyte n’est pas mûr. Ce mécanisme, encore incomplètement élucidé, ferait intervenir un facteur protéique, le GnSI/AF, qui maintiendrait un taux de LH à un niveau basal, en rendant les cellules gonadotropes hypophysaires insensibles aux stimulations de GnRH. - 28 - 6. Le corps jaune 9 La formation du corps jaune La mise en place d’un corps jaune fonctionnel dans les jours qui suivent l’ovulation implique d’importants remaniements morphologiques des structures folliculaires. L’activité générique autocrine et paracrine des facteurs de croissance, impliqués dans les proliférations locales (activité mitogénique) et les remodelages tissulaires, peut être invoquée pour la transformation lutéale d’un follicule rompu. En effet, les mécanismes biologiques dans lesquels interviennent ces peptides (processus inflammatoires, production de progestérone, synthèses de protéases et angiogenèse) se retrouvent également dans la formation du corps jaune. Ainsi, la vascularisation rapide des couches cellulaires issues de la granulosa, à partir des vaisseaux qui irriguaient la thèque, est induite par l’activité angiogénique du fluide folliculaire. Elle est dépendante du FGF, de l’IGF, du TGF-β, de l’activine, de l’inhibine et de la follistatine. Le corps jaune est constitué de deux types de cellules stéroïdogènes : les grandes cellules (diamètre de 20 à 40 μm) sont issues de la granulosa et les petites cellules (diamètre inférieur à 20 μm) proviennent de la thèque interne. Chez les ruminants, les deux types de cellules sont bien identifiables lors de la formation du corps jaune, puis elles se mêlent dans le tissu conjonctif à des éléments vasculaires et des fibroblastes pour former un tissu plus homogène. 9 Les fonctions du corps jaune Dans toutes les espèces de ruminants et dans de nombreuses de mammifères, le corps jaune exerce une fonction essentielle dans la régulation du cycle oestral. Il joue en plus un rôle déterminant dans la mise en place et le maintien de la gestation. Le corps jaune (corpus luteum) est qualifié de : • Corps jaune cyclique qui régresse spontanément en l’absence de fécondation Seul un petit amas, blanchâtre ou jaunâtre, conjonctivo-fibreux persiste sur l’ovaire et constitue le corpus albicans qui ne semble jouer aucun rôle physiologique ; • Corps jaune gestatif lorsqu’il assure le maintien de la gestation. La principale hormone sécrétée par le corps jaune est la progestérone. Elle est issue de la transformation du cholestérol sanguin (LDL et HDL). Les récepteurs aux lipoprotéines présents sur la cellule lutéale permettent l’entrée du cholestérol dans la cellule. Celui-ci est alors transformé en prégnélonone dans les mitochondries avant d’être converti en progestérone par la 3β-hydroxystéroïde-deshydrogénase cytoplasmique. La production de progestérone est quantitativement élevée par rapport au poids du tissu qui la produit : le corps jaune de la vache (5 à 6 g) synthétise environ 200 mg de progestérone par 24 heures. De manière générale, une action préalable de l’oestradiol est nécessaire à l’action de la progestérone. Celle-ci intervient sur tous les tissus impliqués dans la régulation sexuelle de la femelle : elle inhibe l’ovulation avec cependant une action permissive sur la reprise de la croissance folliculaire en fin de période lutéale ; elle conditionne la descente de l’embryon par l’oviducte ; elle assure la préparation de l’utérus à la réception de l’embryon et à l’initiation de la gestation. Par cette adaptation de la muqueuse utérine et par l’inhibition de la contractilité du myomètre, elle constitue un facteur essentiel dans l’initiation et la régulation de la gravidité. Enfin elle modifie les caractères de la glande cervicale, provoque la mucification de l’épithélium vaginal et participe au développement de la glande mammaire. - 29 - La progestérone est nécessaire au maintien de la gestation. Dans de nombreuses espèces, le placenta prend le relais du corps jaune pour sa synthèse. L’échéance de cette prise de relais varie considérablement selon les espèces et a lieu du 150ème au 200ème de gestation chez la vache. La chute de la progestéronémie en fin de cycle conditionne, directement ou indirectement, la sécrétion des gonadotropines hypophysaires dont dépend la maturation folliculaire, l’ovulation et l’installation d’un nouveau cycle. Ce mécanisme d’action particulier de la progestérone a servi de base à la mise au point de nombreuses méthodes de synchronisation ou d’induction de l’oestrus chez les ruminants et les animaux de ferme. Par ailleurs, son action antiovulatoire est surtout exploitée dans les moyens de contraception chez les carnivores et dans l’espèce humaine. Le corps jaune assure également la production d’autres hormones. La relaxine, d’origine placentaire, intervient dans la relaxation des ligaments sacro-sciatiques en fin de gestation, dans la dilatation du col utérin et dans la croissance de l’utérus. L’ocytocine, d’origine majoritairement posthypophysaire, elle intervient dans la lutéolyse cyclique, en synergie avec la prostaglandine F2α et les oestrogènes folliculaires. 9 Contrôle de la fonction lutéale Deux systèmes complémentaires coordonnent l’initiation et la chronologie de la lutéolyse pendant le cycle : les œstrogène synthétisés par le follicule dominant et l’ocytocine lutéale. Par ailleurs, trois grands facteurs contrôlent la transformation du corps jaune cyclique en corps jaune gestatif : • L’hypophyse produit les hormones lutéotropes LH et prolactine ; • L’utérus sécrète une substance lutéolytique bien identifiée, la prostaglandine F2α. Chez les ruminants, cette PGF2α induit une réduction rapide du flux sanguin irriguant le corps jaune. L’ischémie ainsi provoquée entraîne la mort rapide des cellules lutéales, donc une chute rapide de la production de progestérone. Par ailleurs, PGF2α induit un arrêt de la production d’AMPc LHdépendante dans les petites cellules lutéales et une réduction du nombre de grandes cellules lutéales par un effet cytotoxique, menant alors à une réduction de la stéroïdogenèse et à une chute rapide des taux de progestérone circulante. En plus de cette action locale sur l’ovaire, PGF2α intervient dans un mécanisme plus complexe d’induction de la lutéolyse. L’ocytocine, synthétisée par les grandes cellules du corps jaune en fin de phase lutéale chez les ruminants, participe à la libération de la prostaglandine endométriale par contraction active des fibres du myomètre. La libération de PGF2α stimule alors la libération d’ocytocine lutéale, ce qui constitue une véritable boucle catalytique qui précipite la lutéolyse. Les oestrogènes sécrétés par le follicule préovulatoire induisent la synthèse des récepteurs à ocytocine sur l’endomètre, renforçant ainsi l’efficacité de la lutéolyse initiée. • Le conceptus inhibe la régression du corps jaune par la sécrétion d’une trophoblastine qui constitue, dans le langage courant, le signal embryonnaire, et lui permet de dépasser la période critique d’émission du signal lutéolytique (17ème jour chez la vache). Le corps jaune cyclique devient ainsi gestatif. 7. Anoestrus post-partum et expression des chaleurs Le délai de reprise de l’activité cyclique ovarienne est souvent confondu avec l’anœstrus post-partum. Or, l’anœstrus post-partum correspond à l’intervalle entre le vêlage et les premières - 30 - chaleurs ; cette durée dépend donc à la fois du délai de reprise de l’activité cyclique et de l’expression et la détection des premières chaleurs. Si l’anœstrus post-partum dure de 20 à 70 jours chez la vache laitière, la reprise de la croissance folliculaire est très précoce en général, entre 5 et 40 jours post-partum. Plus l’ovulation est précoce, moins la vache va exprimer de comportement de chaleurs. Chez les vaches laitières, dans 75% des cas, le premier follicule dominant va ovuler donnant ainsi naissance à un premier cycle sexuel. En revanche, dans 20% des cas ce follicule dominant va devenir kystique et dans 5% des cas, il sera atrétique (Mialot et al., 1998). L’ensemble des étapes de l’évolution d’un follicule au sein de l’ovaire, de la sortie de la réserve, à la régression du corps jaune sous forme de corps blanc, en passant par toutes les étapes de croissance folliculaire qui mènent à l’ovulation, sont rappelées sur la figure 4. Figure 4 : Représentation schématique d’un ovaire de vache (d’après Tiret et Lefrançois, 2002) corps jaunes des 3 cycles précédents follicules de la réserve fragmentés par la poussée folliculaire corps blanc follicule à antrum débutant follicule préantral follicule préovulatoire follicule en atrésie forte medulla follicule secondaire follicule primaire follicule en atrésie tardive corps jaune du cycle précédent ligament large stigma cortex ovarien Atrésie folliculaire Croissance folliculaire Ces considérations physiologiques expliquent ainsi ce que l’on observe entre 60 et 90 jours après vêlage lorsque l’on veut mettre les vaches laitières à la reproduction : parmi les animaux non vus en chaleurs par l’éleveur, en fait 90% ont une activité ovarienne cyclique. Le problème réside donc dans une mauvaise détection des chaleurs ou des manifestations oestrales frustres (existence de véritables ovulations silencieuses). En revanche, l’anœstrus vrai, dû à une absence d’ovulation, reste une situation rare chez la vache laitière. Enfin, les kystes ovariens constituent des formations dont la présence est pratiquement normale au cours du post-partum, mais s’ils ne doivent pas empêcher l’apparition d’une activité cyclique ovarienne normale ultérieurement, ils retardent souvent la première ovulation post-partum. - 31 - Par ailleurs, passée la première ovulation, la cyclicité ne reprend pas toujours de façon régulière, certaines vaches présentent des anomalies de reprise de cyclicité. Ces anomalies compliquent la détection des chaleurs car les intervalles entre les périodes d’oestrus peuvent être irréguliers et donc, moins prévisibles. 8. Anomalies de reprise de la cyclicité post-partum La période d’inactivité ovarienne se définit comme l’intervalle entre le vêlage et la première ovulation, et diffère donc de l’anoestrus post-partum. La survenue de la première ovulation peut être détectée par l’augmentation de la concentration en progestérone révélant la mise en place d’un corps jaune sécrétant. Cette augmentation du taux circulant de progestérone peut être décelée par différentes techniques de dosage (radio-immunologie, techniques ELISA) réalisées sur le sang ou, plus fréquemment car plus facile à mettre en œuvre, sur le lait. a) Identification des anomalies de reprise de cyclicité L’identification et la définition des anomalies de reprise de cyclicité fait appel à la caractérisation dans le temps de l’activité du (ou des) corps jaune(s) sécrétant(s). On utilise à cette fin le concept de phase lutéale ; une phase lutéale correspond à la période où la concentration en progestérone dans le plasma ou le lait est supérieure à une valeur seuil préalablement définie. Cependant, on peut observer des augmentations transitoires des taux circulants de progestérone qui ne correspondent pas à la présence d’un corps jaune. C’est pourquoi beaucoup d’auteurs ne parlent de phase lutéale que lorsque la concentration en progestérone est supérieure à cette valeur seuil pour deux prélèvements consécutifs au moins ou pendant plus de 5 jours. Par conséquent, des phases lutéales réelles de moins de 4 jours correspondant à la présence d’un corps jaune ne peuvent être détectées. Les techniques de dosage de progestérone dans le lait permettent de suivre l’activité postpartum d’un troupeau et de définir et quantifier les anomalies de reprise de cyclicité. Les principaux profils anormaux identifiés sont les suivants : retard de reprise de cyclicité ou retard d’ovulation, phase lutéale prolongée, interruption de cyclicité et phase lutéale courte. Des exemples graphiques de profils progestéronémiques figurent en Annexe 1. La définition des profils lutéaux montre une hétérogénéité importante selon auteurs, ce qui explique, du moins partiellement, les différences importantes concernant leurs fréquences d’apparition. Les profils normaux restent majoritaires et concernent 37 à 78% des animaux. Les retards de reprise de cyclicité et les phases lutéales prolongées montrent une nette augmentation entre les fréquences relevées durant les années 1980 et celles observées plus récemment ; les fréquences actuelles varient de 10 à 25% pour les retards de plus de 50 jours post-partum et de 7 à 35% pour les phases lutéales de plus de 20 jours. Les phases lutéales courtes et les interruptions de cyclicité sont observées plus rarement : de 0,5 à 5% des animaux pour les phases lutéales de moins de 10 jours et de 3 à 10% pour les interruptions de 14 jours ou plus (d’après Lecouteux, 2005). L’apparition d’anomalies de reprise de la cyclicité post-partum est influencée par de nombreux facteurs, que nous évoquerons ultérieurement, et dont la compréhension permet d’envisager des actions de maîtrise. En effet, les anomalies de reprise de cyclicité ont des effets délétères sur les performances de reproduction des vaches laitières et donc sur l’économie des élevages. - 32 - b) Effets des anomalies de reprise de cyclicité sur les performances de reproduction 9 Anomalies de reprise de cyclicité et délai de mise à la reproduction La reprise de cyclicité est un facteur limitant du délai de mise à la reproduction (tableau 3). En effet, les vaches présentant une anomalie de reprise de cyclicité ont, par rapport aux vaches à profil normal, des intervalles vêlage-1ère insémination ou vêlage-1ères chaleurs plus longs (Touzé et al., 2004 ; Fréret et al., 2005 ; Lecouteux et al, 2005). Tableau 3 : Comparaison du délai de mise à la reproduction (IVIA1 en jours) entre les vaches à profil normal et les vaches présentant une anomalie de reprise de cyclicité selon différents auteurs. Profil normal Lecouteux et al., 2005 Touzé et al., 2004 Fréret et al., 2005 9 68,2 ± 1,3 (n=122) 70,3 ± 1,9 (n=64) 78 (n=202) Retard de reprise p Phase lutéale de cyclicité prolongée 76,9 ± 2,6 <0,01 79,4 ± 5,2 (n=32) (n=31) 78,6 ± 4,4 <0,10 84,1 ± 7,7 (n=14) (n=12) Toutes anomalies confondues : IVIA1 (jours)= 92 (n= 73) p 0,06 NS <0,01 Anomalies de reprise de cyclicité et fertilité Les anomalies de reprise de cyclicité dégradent la fertilité. En effet, le taux de réussite en 1 IA est meilleur chez les vaches présentant un profil normal que chez les vaches présentant une anomalie quelle qu’elle soit : 61% vs 44% ; p=0,001 (Lamming et Darwash, 1998) ; 60% vs 33% ; p=0,04 (Kerbrat et Disenhaus, 2000). ère Il est également constaté un nombre d’inséminations par fécondation plus élevé pour les vaches présentant un retard de reprise de cyclicité par rapport aux vaches à profil normal : 1,8 vs 1,49 ; p<0,01 (Lamming et Darwash, 1998) ; 2,70 ± 0,26 vs 2,17 ± 0,12 ; p=0,05 (Lecouteux et al., 2005). 9 Anomalies de reprise de cyclicité et fécondité L’allongement du délai de mise à la reproduction ainsi que l’altération de la fertilité entraînent un allongement de l’intervalle vêlage-insémination fécondante et de l’intervalle vêlagevêlage (Lamming et Darwash, 1998 ; Shreshta et al., 2004). Plus particulièrement, les retards de reprise de cyclicité et les phases lutéales prolongées entraînent un allongement de l’intervalle entre le vêlage et la fécondation par rapport aux vaches à profil normal : respectivement 136 ± 11 et 155 ± 14 jours vs 95 ± 9 jours ; p<0,01 (Shreshta et al., 2004). Cet effet n’est retrouvé que pour les retards de reprise de cyclicité par Lecouteux et al. (2005) : 150,4 ± 12,9 jours vs 116,5 ± 5,9 jours ; p=0,01. La dégradation des performances de reproduction observée depuis ces 20 dernières années pourrait être expliquée partiellement par l’augmentation de la fréquence des anomalies de reprise de la cyclicité post-partum. D’autres facteurs exercent également une influence sur les performances de reproduction durant la période du post-partum. - 33 - B. Facteurs de variation des performances de reproduction après le vêlage. Les facteurs de variation des performances de reproduction pendant la période du postpartum chez les bovins laitiers peuvent être liés aux caractéristiques mêmes de l’animal ou non, et ils sont alors appelés respectivement facteurs intrinsèques et extrinsèques. Parmi les facteurs extrinsèques, on accordera une importance particulière au cas des facteurs alimentaires, l’alimentation constituant un des postes les plus faciles à modifier en cas de besoin. De plus, ces facteurs peuvent présenter une action indirecte, par le biais d’une modification des manifestations comportementales liées à l’oestrus, oestrus qui pourra alors subir une chute du taux de détection ; ce phénomène entraîne donc une baisse des performances de reproduction. 1. Facteurs intrinsèques de variation des performances de reproduction Les facteurs intrinsèques sont liés aux caractéristiques de l’animal et sont donc plus ou moins difficiles à maîtriser : certains sont inévitables et immuables pour chaque lactation (âge, rang de lactation, niveau génétique), et d’autres pourraient être évités ou, du moins, minimisés par des actions de maîtrise (difficultés de vêlage, pathologie du post-partum…). a) Age et parité de l’animal L’effet du numéro de lactation et de l’âge est important en troupeau bovin laitier. La tendance générale est à la diminution des performances de reproduction avec l’accroissement du rang de lactation : un numéro de lactation supérieur à 4 correspond à une dégradation nette de la fertilité en 1ère et 2ème IA (Seegers et al., 2005b), mais cet effet est controversé en ce qui concerne les primipares. Beaucoup d’études révèlent que les primipares ont un intervalle vêlage-1ère insémination plus long, qu’elles ne compensent pas systématiquement par une meilleure fertilité. On mentionnera également que l’amplitude de la diminution des performances, avec l’âge ou la parité, est influencée par les pratiques de réforme : dans les élevages pratiquant une faible intensité de réforme pour infertilité, la diminution des performances avec l’âge sera plus marquée que dans les élevages pratiquant une politique de réforme pour problèmes de reproduction plus intensive. Par ailleurs, l’effet du numéro de lactation peut être non significatif s’il est ajusté de l’effet de la production et du mois d’insémination, sur des caractères comme IVIAF et TRIA1. On observe aussi des situations très variables entre troupeaux à cause des multiples interactions entre les différents facteurs. Concernant les primipares, les âges extrêmes sont associés à des résultats plus faibles mais l’effet le plus significatif est attribué aux vêlages tardifs, après 30 mois (figure 5). Les primipares ont un retard moyen de 3 semaines par rapport aux multipares. Le taux d’anœstrus plus élevé, généralement rapporté pour les primipares, pourrait être dû à leur plus grande sensibilité à la sous-nutrition dont les effets sur la sécrétion de LH et sur la croissance folliculaire sont particulièrement marqués chez ce type d’animaux. Enfin, la durée de l’oestrus est plus longue chez les multipares que chez les primipares et l’intensité des manifestations de l’oestrus augmente avec le nombre de lactations. La détection des chaleurs est donc plus difficile chez les vaches primipares que chez les vaches multipares et cette différence devient de plus en plus marquée avec l’âge (Orihuela, 2000). - 34 - Figure 5 : Effets de l’âge au premier vêlage sur le risque relatif de retour après IA1 en première lactation (d’après Héry, 1994) 1.2 1.09 1.1 1.06 1.02 1 1 0.9 0.8 <25 mois 25-27 mois 28-30 mois (référence) >30 mois Par ailleurs, le rang de vêlage est un facteur de risque important d’anomalie de reprise de cyclicité. Ce sont les vaches de rang de lactation moyen (de 2 à 5) qui présentent la plus haute fréquence de profils normaux, alors que les vaches en 4ème lactation et plus présentent une fréquence de phase lutéale prolongée plus élevée que les autres (OR=2,5 ; Opsomer et al., 2000). En effet, les vaches âgées ont une involution utérine plus lente, et sont donc plus prédisposées aux métrites en période post-partum. De plus, Lecouteux et al. (2005) et Touzé et al. (2004) ont montré que le pourcentage de primipares est plus élevé parmi les vaches à reprise de cyclicité tardive que parmi les vaches à profil normal (respectivement 61,1% vs 30,9% et 71,4% vs 26,6%). Cette observation serait liée à la couverture énergétique : en effet, une capacité d’ingestion restreinte et des besoins énergétiques élevés en début de lactation (besoins de production et de croissance) exposent les primipares à un déficit énergétique plus important que les multipares, ce qui est un facteur de risque de retard de reprise de cyclicité. En revanche, Fréret et al. (2005) ont trouvé une répartition comparable des anomalies de reprise de cyclicité chez les primipares et les multipares. b) Poids et note d’état corporel De nombreux travaux montrent que le poids et la note d’état corporel influencent très fortement les performances de reproduction. Une influence positive du poids au vêlage ou à 60 jours post-partum est observée dans plusieurs races. Les variations de poids ont moins d’influence ou sont sans effet sur les taux d’anœstrus. La note d’état corporel, mesurée en général sur une échelle de 1 à 5, est un bon indicateur de l’état nutritionnel des animaux. Sa mesure à différents moments du post-partum montre qu’elle est en relation avec la durée de l’anœstrus. Une note légèrement supérieure à la moyenne (3 sur 5) apparaît optimale pour obtenir des taux de cyclicité élevés. Néanmoins, Fréret et al. (2005) n’ont observé aucune relation entre la note d’état au vêlage et les performances de reproduction après insémination. L’influence de la note d’état corporel sur l’incidence des anomalies de reprise de cyclicité est peu claire : pour certains auteurs, elle n’a que peu d’effet sur le profil de reprise de cyclicité (Shrestha et al., 2004 ; Opsomer et al., 2000 ; Touzé et al., 2004 ; Freret et al., 2005). Cependant - 35 - des poids au vêlage faibles ou des pertes d’état corporel importantes semblent associés aux retards de reprise de cyclicité (Lecouteux et al., 2005 ; Opsomer et al., 2000 ; Fréret et al., 2005). c) Difficultés de vêlage Les vêlages difficiles, plus fréquents chez les primipares, influencent négativement le rétablissement de l’activité ovarienne par un mécanisme inconnu et favorisent donc une baisse des performances de reproduction. Une simple intervention manuelle au vêlage retarde l’observation des premières chaleurs ou de la première ovulation. De plus, les dystocies sont fréquemment associées au complexe rétention placentaire – retard d’involution – métrite qui provoque une dégradation des performances. On notera également que le risque de retard de cyclicité est augmenté chez les vaches qui ont eu un vêlage difficile (Opsomer et al., 2000). d) Pathologies du post-partum De nombreux troubles de santé sont susceptibles d’affecter les performances de reproduction individuelles (tableau 4). Les infections et maladies spécifiques responsables de mortalité embryonnaire ou d’avortements ainsi que les affections ovariennes ne seront pas abordées ici, mais deux entités enzootiques majeures méritent surtout d’être rappelées ici : le complexe dystocie – rétention placentaire – retard d’involution – métrite et les troubles locomoteurs. Tableau 4 : Effets des troubles de santé sur les paramètres de reproduction (d’après Seggers, 1998) Trouble Vêlage difficile Rétention placentaire Métrite chronique Cétose clinique Boiterie Mammite clinique Effet sur IVIAF (jours) + 5 à 20 + 5 à 12 + 7 à 21 +0à5 + 0 à 30 + 3 à 15 Effet sur TRIA1 (points %) -4 à -12 -3 à -5 -8 à -15 -6 0 à -15 -8 • Complexe dystocie – rétention placentaire – retard d’involution – métrite Les retards d’involution utérine et les métrites chroniques possèdent les mêmes facteurs de risque et ne sont guère à dissocier zootechniquement. Leur incidence peut atteindre 15 à 40% dans certains troupeaux (Lewis, 1997 ; Leblanc et al., 2002) et ils sont associés (effets directs ou causes communes) à l’allongement de l’IVIA1 (se répercutant sur IVIAF) et à des dégradations de la fertilité. Les facteurs de risque les plus communs associés à ce complexe peuvent être liés à l’appareil reproducteur : naissance gémellaire, mortinatalité, dystocie et rétention placentaire, ou concerner l’organisme dans son ensemble : âge de l’animal, fièvre de lait, cétose, déplacement de caillette (Lewis, 1997). Dans l’étude de Leblanc et al. (2002) portant sur 1865 vaches laitières, les vaches présentant une pathologie utérine sans répercussion sur l’état général (rétention placentaire, retard d’involution utérine, métrite) avaient un taux de gestation relatif réduit de 27% et leur IVIAF était plus long de 32 jours par rapport aux vaches normales. Cet allongement du délai de gestation était associé à une augmentation de l’IVIA1 de 3 jours et, surtout, à une baisse importante du taux de réussite en première IA (OR = 0,69 ; P = 0,05) et à un nombre d’inséminations plus important. - 36 - En conséquence, les vaches souffrant d’endométrite avaient 1,7 fois plus de risques d’être réformées pour troubles de la reproduction que les vaches normales. Par ailleurs, concernant l’influence des pathologies utérines sur la fréquence des anomalies de reprise de cyclicité, il semble que le risque de retard de cyclicité est augmenté chez les vaches qui présentent des pertes vaginales anormales dans les semaines suivant le vêlage, ou chez les vaches présentant un retard d’involution utérine associé, ou non, à des métrites (Opsomer et al., 2000). Les affections puerpérales pourraient supprimer les sécrétions hypothalamiques de gonadotropines et, par conséquent, retarder la folliculogenèse et la reprise d’une cyclicité normale. En revanche, ces troubles, et plus particulièrement les rétentions placentaires, représentent le facteur de risque principal des phases lutéales prolongées (Opsomer et al., 2000, Taylor et al., 2003, Lecouteux et al. 2005). Toute inflammation de l’endomètre compromet probablement sa capacité à produire une quantité suffisante de prostaglandines pour induire la lutéolyse et donc, la fin de la phase lutéale. Ainsi, l’utérus est constamment sous l’influence de la progestérone produite par le corps jaune qui, connue pour ses propriétés immunosuppressives, favorise la croissance bactérienne. • Troubles locomoteurs Les vaches atteintes de troubles locomoteurs réalisent moins de tentatives de chevauchement pendant l’oestrus et ont un intervalle IVIA1 allongé. Le risque relatif de non fécondation peut aussi être particulièrement élevé et il convient d’intégrer l’effet associé sur les réformes anticipées. Les effets attribués sont en partie des effets « niveau de production plus élevé » des vaches atteintes, qui sont donc moins vite réformées que les autres. e) Facteurs génétiques Les différences entre races sont souvent évoquées comme facteurs de variation des performances de reproduction, mais elles ne sont que rarement évaluées en conditions comparables et sont confondues avec celles associées à des différences de niveau de production par exemple. En revanche, l’utilisation d’un taureau de race différente de celle des vaches est associée à un taux de réussite supérieur (moindre mortalité embryonnaire). Au niveau intra-racial, les valeurs d’héritabilité génétique obtenues sont extrêmement faibles : en règle générale, elles sont inférieures à 0,05 pour les critères de fécondité (IVIAF) et inférieures à 0,07 pour les critères de fertilité (TRIA1 ou NIA/F). En revanche, une variabilité non négligeable existe, en particulier pour la fertilité : l’écart-type génétique est de l’ordre de 5 points de pourcentage pour le taux de réussite. Ceci signifie qu’un écart de valeur génétique additive d’environ 20 points sépare les meilleurs des plus mauvais individus. Cette variabilité ouvre des possibilités d‘application en sélection, sous réserve qu’une bonne précision d’estimation de la valeur génétique soit atteinte (ce qui est envisageable chez les taureaux d’IA) et qu’il n’y ait pas de corrélations génétique défavorable avec les caractères majeurs de sélection (ce qui n’est pas le cas : corrélation négative entre fertilité et niveau de production laitière par exemple) (Seegers, 1998). De plus, des variations dans l’intensité du comportement d’oestrus ont été rapportées entre vaches issues d’un même taureau, et pourraient être expliquées par une héritabilité faible, égale à 0,21 (Orihuela, 2000). Les anomalies à déterminisme génétique affectant la reproduction seront simplement rappelées pour mémoire : hypoplasie gonadique et autres anomalies de l’appareil génital ; - 37 - anomalies chromosomiques se traduisant par des troubles de la fertilité ; gènes responsables de mortalité embryonnaire ou fœtale. Il convient d’ajouter à ces affections déterminées par des modifications du génome, des affections à forte composante génétique de susceptibilité : maladie des ovaires kystiques par exemple, pour laquelle des valeurs plus élevées d’héritabilité (0,12) ont été rapportées. f) Niveau de production Les études analysant les relations entre production laitière et caractères de reproduction ont été nombreuses. Cependant, elles sont très loin de dégager des conclusions univoques : effet ou absence d’effet ? Cause, conséquence ou encore effet indirect ? Une bonne partie des divergences peut être attribuée au critère considéré (niveau individuel ou de troupeau, niveau 305 jours ou niveau en début de lactation, niveau en valeur absolue ou en valeur relative au sein du troupeau…), à l’amplitude des écarts entre niveaux de production comparés, à la qualité des modélisations statistiques mises en œuvre. D’autres différences peuvent être liées au fait que les niveaux génétiques et les conduites d’élevage diffèrent entre les études. • Effets associés à la quantité de lait La majorité des études concluent à une association défavorable entre le niveau de production individuel et les performances de reproduction, mais plutôt modérée, surtout si la production considérée est bien celle réalisée avant la mise à la reproduction (et non la production en 305 jours). En conditions françaises, l’effet moyen associé au niveau de production phénotypique peut être évalué à -2 à -3 points de TRIA1 pour 5 kg de lait de plus au pic (c’est-àdire au meilleur des deux premiers contrôles), ce qui correspond aussi approximativement à 1000 kg de lait en plus sur la lactation. Il est souvent difficile d’évaluer dans quelle mesure l’effet mesuré a été ou non influencé par les pratiques de réforme (élimination plus précoce d’animaux faibles producteurs vs IA supplémentaires accordées aux plus fortes productrices) (tableau 5). Tableau 5 : Variation de la réussite à l’IA en fonction du niveau de production cumulée à 60 jours, évaluée avec 3 modèles alternatifs (13000 vaches Holstein ; d’après Eicker et al., 1996) Niveau de production (cumul en 60 jours, en kg de lait) ≤ 1582 1583 à 1891 1892 à 2195 2196 à 2541 > 2541 Probabilité relative de réussite de l’IA (référence : niveau le plus faible) Modèle de base Vaches réformées Vaches réformées avec IAF le jour de la non gestantes à 200 réforme jours 1 1 1 0,99 0,97 1,06 (p<0,01) 1,01 0,99 1,12 (p<0,01) 1,01 0,96 1,17 (p<0,01) 0,92 0,86 (p<0,001) 1,14 (p<0,01) La corrélation génétique négative existant entre l’aptitude à la reproduction et le niveau de production laitière est évaluée en moyenne à 0,40 (varie de 0,10 à 0,80 selon les études). Son intensité diminue avec l’accroissement du numéro de lactation, pour quasiment disparaître en 3ème lactation. La sélection classique sur la quantité de lait aurait été responsable d’une dégradation annuelle non négligeable : environ 0,3 points de TRIA et 0,35 jours d’IVIAF. - 38 - Par ailleurs, plus le pic de production est élevé et plus il survient tardivement après le vêlage, plus il pénalise les TRIA1et TRIA2 (Seegers et al., 2005b). De nombreuses interactions du niveau individuel de production laitière avec d’autres facteurs ont été étudiées : délai de mise à la reproduction, rang de lactation, pratiques de réforme (figure 6). Cependant, l’effet majeur d’interaction est sans doute celui du potentiel laitier de l’animal et de la conduite de l’alimentation qu’il reçoit. Les effets de la production individuelle sur la fertilité seraient même, en fait, relativement mineurs s’ils étaient considérés en effets ajustés de l’état corporel. La principale composante de l’effet subsistant serait un allongement de l’IVIA1 chez les primipares, alors qu’il s’agirait d’une réduction de la fertilité chez les multipares. Figure 6 : Interactions entre délai de mise à la reproduction et niveau individuel de production laitière (représentation schématique d’après Seegers, 1998). TRIA1 (%) Forte intensité de réforme pour reproduction Faible niveau de production 60-70 Faible intensité de réforme 45-50 pour reproduction Fort 30-35 niveau de production 40-45 65-70 100-105 IVIA1 (jours) Les associations entre le niveau de production moyen du troupeau et les performances moyennes de reproduction du troupeau sont moins étroites qu’au niveau individuel. L’effet négatif d’un haut niveau de production est atténué par le fait que la conduite de l’alimentation du troupeau s’adapte en général au niveau moyen ou au niveau du tiers supérieur du troupeau, et aussi par le fait que la qualité de la réaction face aux problèmes est meilleure dans les troupeaux à fort niveau de production. De plus Disenhaus et al. (2002) ont diminué artificiellement la production laitière en soumettant un lot de vache à une traite quotidienne unique. Ils observent alors une fréquence nettement plus faible des profils anormaux et en particulier des phases lutéales prolongées chez les plus faibles productrices (20% chez les vaches traites deux fois par jour contre 5% chez les vaches traites une seule fois par jour, p<0,05). Lecouteux et al. (2005) ont montré que la production laitière plus faible, d’une part aux 3 premiers contrôles laitiers chez les animaux présentant un retard de reprise de cyclicité, et d’autre part au contrôle laitier le plus proche de l’insémination chez les vaches présentant une phase lutéale prolongée. On peut penser que les vaches avec le moins bon niveau de production laitière sont celles qui puisent le plus dans leurs réserves corporelles et ont un déficit énergétique plus marqué, entraînant des retards d’ovulation. • Effets associés à la composition du lait Quelques études ont considéré les effets du taux protéique ou du taux butyreux, en relation avec ceux de la quantité du lait (au niveau individuel). Les faibles taux protéiques en premier et/ou 2ème contrôle laitier (corrigés du stade de lactation) sont associés à une dépression - 39 - de la fertilité. Cet effet est pratiquement effacé si l’on considère aussi l’évolution du niveau de production ou de l’état corporel, en termes dynamiques. Ces trois paramètres sont des marqueurs de la couverture des besoins énergétiques. Le taux butyreux semble être aussi associé des variations de la fertilité. Différentes études rapportent que les meilleurs résultats de reproduction sont observés pour les vaches produisant les plus faibles quantités de matières grasses. Il s’agit vraisemblablement de la traduction de situations de mobilisation des réserves corporelles. Le rapport TP/TB influence donc les performances de reproduction : plus il est faible, c’est-à-dire TP diminué et TB augmenté, plus les taux de réussite en 1ère et 2ème IA seront dégradés (Seegers et al., 2005). 2. alimentation a) Facteurs extrinsèques de variation des performances de reproduction, hors Conduite de la reproduction 9 Délai de mise à la reproduction L’effet de l’IVIA1 sur l’IVIAF est implicite et retrouvé dans différentes études. Sa traduction est cependant variable en fonction de la réussite aux IA et des intervalles entre IA (détection des chaleurs, mortalité embryonnaire). A l’échelle individuelle, les variations de TRIA1 en fonction de IVIA1 ne sont pas linéaires et ont été décrites par de multiples études. L’effet général est une amélioration d’abord rapide puis plus lente suivie d’une stabilisation (ou enfin, éventuellement, d’une nouvelle dégradation ou non selon l’intensité de réforme pour infécondité) avec l’accroissement de l’IVIA1. Ainsi, pour Espinasse et al. (1998), l’effet du délai de mise à la reproduction, chez les primipares comme chez les multipares, a été important avant 50 jours post-partum en accord avec la durée classiquement décrite de l’involution utérine, modéré entre 50 et 80 jours postpartum, et nul après 80 jours post-partum (tableau 6). Tableau 6 : Effet du délai de mise à la reproduction (IVIA1) sur la probabilité de réussite en 1ère insémination : odds ratios ajustés pour une modalité de référence 70-79 jours (d’après Espinasse et al., 1998). IVIA1 (jours) Odds ratio p 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80-89 90-99 0,92 100109 0,94 110119 1,16 0,50 0,66 0,81 0,91 1 1,02 <0,01 <0,01 <0,01 <0,05 référence >0,05 >0,05 >0,05 >0,05 L’analyse des probabilités de réussite en première IA en fonction de l’IVIA1 réalisées par Barbat et al. (2005), montre un accroissement de la probabilité jusqu’à 70 jours en races Montbéliarde et Normande et 80 jours en race Prim’Holstein. Ensuite, la probabilité atteint un plateau où un accroissement de l’IVIA1 ne s’accompagne plus d’un meilleur TRIA1. L’effet défavorable, en bilan sur l’IVV, d’IA trop précoces n’existerait qu’en dessous de 50 jours, et commencer à inséminer dès ce stade permettrait d’obtenir les IVV les plus courts y compris chez les fortes productrices. En effet, le gain de fertilité potentiel consécutif au retard de - 40 - la 1ère IA ne compense pas l’allongement de l’intervalle vêlage-fécondation qui en résulte. Ce retard de fécondation nécessiterait de réformer plus pour conserver un intervalle entre vêlages proche de douze mois, ce qui pénaliserait les résultats économiques de l’exploitation (figure 7). Figure 7 : Effets de IVIA1 sur TRIA1 : représentation schématique (d’après Seegers, 1998) Forte intensité de réforme pour reproduction TRIA1 (%) 60-70 Autres facteurs favorables Faible intensité de réforme pour reproduction Autres facteurs défavorables 30-40 IVIA1 (jours) 40-45 55-60 100-105 Les IA précoces ont également un effet sur les anomalies de reprise de cyclicité : ainsi Opsomer et al. (2000) ont montré que des vaches qui reprenaient une cyclicité avant 19 jours ont un risque plus élevé de présenter une phase lutéale prolongée (OR=2,8 ; p<0,01), et Lecouteux et al. (2005) ont montré que 50% des vaches présentant une phase lutéale prolongée ont une activité lutéale avant 20 jours post-partum, contre 28,7% pour les vaches à profil normal (p<0,01) et que la reprise de la synthèse de progestérone est plus précoce chez les animaux qui présentent une phase lutéale prolongée que chez les vaches à profil normal (23,3 jours vs 27,8 jours ; p=0,03). Ceci confirme l’hypothèse selon laquelle, si l’ovulation a lieu précocement, avant involution complète de l’utérus, les vaches ont plus de risque de développer une phase lutéale prolongée, éventuellement associée à une métrite. 9 Détection des chaleurs La détection des chaleurs affecte les critères de fécondité et de fertilité. Elle est un des facteurs majeurs responsables des variations des performances de reproduction et serait insuffisante dans au moins un tiers des troupeaux laitiers. Les recommandations classiques (3 périodes de détection de 20 minutes chacune) ne seraient que peu appliquées par les éleveurs et jusqu’à un tiers des vaches inséminées ne seraient pas en chaleurs. Fréret et al. (2006) montrent que le taux de gestation est amélioré par le fait d’utiliser un planning de reproduction (45,8% vs. 17,3%, P=0,0009) et d’y noter les chaleurs douteuses (48,7% vs. 43,2%, P=0,05). Cependant, avec les troupeaux actuels et les effets liés à l’alimentation et aux forts niveaux de production, même en utilisant des plannings bien tenus et en mettant en œuvre de très bonnes conditions de détection, l’efficacité effective est dépendante de l’intensité de l’expression de l’oestrus par les vaches (oestrus de durée limitée, signes discrets, manifestations nocturnes plus que diurnes…). La prise en compte, en plus des chevauchements et/ou des acceptations du chevauchement, des signes secondaires associés à l’oestrus, mais de moindre spécificité, est donc indispensable, et réalisée depuis longtemps par les éleveurs ; ces signes secondaires peuvent être les suivants : perte de mucus vaginal, énervement/suractivité permanente, refus du chevauchement, reniflement de la vulve d’une autre vache (d’après Seegers, 1998). - 41 - De plus, il est important de noter que, pour les vaches présentant une anomalie de reprise de cyclicité (cf supra), la détection est rendue plus difficile du fait de l’inutilité des plannings de reproduction (chaleurs imprévisibles). Le nombre de chaleurs détectées varie alors selon le profil de reprise de cyclicité observé (Fréret et al., 2005). L’impact de la qualité de détection de l’oestrus sur les performances de reproduction et sur l’économie de l’exploitation a été simulé par Seegers et al. (2005a). Une baisse de détection associée à un TRIA1 faible (de l’ordre de 45%) entraîne une augmentation de l’IVIAF de plus de 20 jours et un écart de marge de -24 €/1000 litres de lait, ce qui justifie d’éventuelles actions de maîtrise. En cas de problème d’efficacité de détection insuffisante, l’accroissement du temps de surveillance supplémentaire est, en général, la solution la moins coûteuse. Si le coût d’opportunité du travail est élevé, il est sans doute préférable de recourir aux traitements de maîtrise de l’oestrus (analogues de PGF2α notamment), qui seraient plus intéressant que les podomètres (valeur prédictive positive faible) ou les dispositifs révélateurs de chevauchement (coût élevé, ne résolvent pas le problème de l’expression des chaleurs). 9 Moment et technique d’IA Les meilleurs résultats de reproduction sont obtenus avec une insémination artificielle réalisée entre le milieu des chaleurs et 6 heures après leur fin. Mais, en conditions d’élevage, la règle s’appliquera à des vaches dont les chaleurs peuvent avoir commencé bien plus tôt, et ceci d’autant plus que la détection est peu intense. Il a également été constaté des variations du délai à partir duquel la réussite de l’IA diminue : dès 12 à 18 heures, ou à partir de 24 heures seulement selon les sources. Le moment de la journée donnant les meilleurs résultats est le milieu de matinée et la période la plus défavorable est le milieu de l’après-midi (Seegers, 1998). Fréret et al. (2006) ont montré que l’incidence de non fécondation/mortalité embryonnaire précoce (NF/MEP) et le taux de gestation étaient influencés par le moment de l’IA dans la journée (p=0,002 et p=0,02 respectivement) ; en revanche l’incidence de mortalité embryonnaire tardive n’étaient pas influencée par le moment de l’insémination. La période la plus propice à l’insémination était l’intervalle entre 12h et 22h. Les effets de la technologie de préparation des paillettes ne seront pas détaillés ici. Il sera simplement mentionné que, pour la semence congelée et avec les technologies usuelles, au moins 10 millions de spermatozoïdes par dose seraient nécessaires pour des taux de motilité après décongélation satisfaisants. De nettes différences entre taureaux sont rapportés lorsque le nombre de spermatozoïdes par paillette est diminué, et certains pourraient être utilisés à 8 millions de spermatozoïdes (ou moins encore en semence fraîche). Les variations imputables à la technique d’IA sont surtout liées au non-respect du protocole de décongélation de la semence avant mise en place et de celui de mise en place proprement dite, voire exceptionnellement à la conservation. Selon Fréret et al. (2006), l’incidence de NF/MEP est également plus faible lorsque la contention est jugée bonne (34,8% contre 37,2 à 38,9% de mauvaise à plutôt bonne, p=0,03) et lorsque le passage du col est jugé facile (35,1% contre 39% sinon, p=0,04). Il faut aussi mentionner le stress subi par les animaux le jour de l’IA dont notamment le maintien à l’attache et/ou la séparation du reste du troupeau. - 42 - 9 Interventions au vêlage Le fait d’intervenir en soi, indépendamment de l’existence ou non d’une dystocie, est considéré comme un facteur de risque de dégradation des performances de reproduction. La relation serait à mettre en relation à la fois avec des facteurs traumatiques (col de l’utérus notamment) et avec des défauts d’hygiène, favorisant la survenue d’infections de l’appareil génital. b) Présence du taureau L’effet positif de la présence de mâles sur l’apparition de la cyclicité est observé dans de nombreuses études, mais essentiellement chez des femelles allaitantes en pâturage. Dans des conditions hivernales de stabulation on ne constate aucun effet favorable de la présence d’un mâle. Dans l’étude de Shipka et Ellis (1999) menée sur 45 vaches laitières en stabulation libre, les vaches exposées au taureau (ponctuellement 2 fois par jour ou en continu) montraient même une augmentation du délai de reprise de cyclicité par rapport aux vaches non exposées (respectivement 30,3 et 32,3 jours vs 21,9 jours, p≤0,05). En revanche, l’exposition au taureau n’avait pas d’effet à long terme sur les performances de reproduction. L’effet majeur de la présence de mâles serait dû à une meilleure expression des chaleurs, et donc une détection plus facile. c) Logement et environnement L’environnement et l’habitat naturel des bovins sont constitués par la parcelle de pâturage qui leur assure liberté de mouvements, caractères non glissants et souples des sols, facteurs d’environnement social ; par définition, le logement ne peut donc qu’être négativement associé aux performances de reproduction. 9 Type de logement et nature des sols La stabulation entravée est associée à de moins bons résultats de reproduction, notamment en raison d’une détection des chaleurs plus difficile et plus tardive. Les interactions sont nombreuses pour ce facteur : éclairement, activité motrice… Les sols des aires de stabulation libre, s’ils sont glissants et recouverts en permanence de lisier, sont associés à une réduction des tentatives de chevauchement. Il en est de même avec les sols durs (béton) comparativement aux sols stabilisés ou recouverts de litière. 9 Facteurs d’ambiance Le principal facteur d’ambiance responsable de dégradations des performances de reproduction est la température ambiante. La température critique supérieure de la vache durant le premier tiers de la lactation est située vers 24-27°C (30°C pour certains). Pour des températures ambiantes supérieures ou très faibles, la durée et l’intensité de l’oestrus sont diminuées (Seegers, 1998 ; Orihuela, 2000). La sous-ventilation a aussi été décrite comme associée à de moins bons résultats de fertilité sans toutefois influencer la fécondité. L’effet de l’humidité excessive est aussi d’ordre thermique. La faible luminosité jouerait également un rôle défavorable. - 43 - 9 Hygiène et conception du lieu de vêlage Peu d’études récentes ont pris en compte ces aspects. L’enlèvement trop tardif, juste avant le vêlage, de la litière dans le box de vêlage, ainsi que le vêlage en stabulation en logettes, par rapport aux aires paillées ou à la parcelle de pâture, seraient des facteurs de risque. d) Saison Classiquement rapportés, les effets du mois de vêlage ou du mois d’IA sont très contradictoires, mais souvent significatifs dans beaucoup d’études. Il semble néanmoins que la saison optimale pour la mise à la reproduction soit l’automne et le début de l’hiver ; au début du printemps, les chaleurs sont moins facilement observables, elles ne se remanifestent clairement que quelques semaines après la mise à l’herbe (effet de la sous-alimentation ou de l’excès d’azote soluble, stress, activité physique…). En fait, les effets de la saison sur les performances de reproduction correspondent en fait à des différences de conduite ou à des effets climatiques, plus ou moins répétables entre exploitations et années. De plus, la saison (de vêlage ou d’IA) doit probablement davantage être considérée comme une conséquence que comme un facteur de risque : le calendrier des vêlages retrace en fait les problèmes de la campagne de reproduction précédente. e) Troupeau et exploitation 9 Effets globaux L’importance relative des effets « troupeau » qui résument les conditions de milieu communes à tous les animaux ressort de la plupart des études récentes. A 60 jours post-partum, les taux de cyclicité varient de 0 à 100% suivant les troupeaux. Ces effets sont généralement difficiles à expliquer car les facteurs liés au troupeau ont des effets beaucoup moins importants que les facteurs individuels ; en fait, ils cumulent ce qui n’est pas mesuré : l’alimentation, le logement et la conduite d’élevage (détection des chaleurs et pratiques d’insémination), ainsi que, parfois, l’état sanitaire global de l’exploitation. 9 Taille du troupeau Les effets sont décrits comme variables, avec une tendance majoritaire à la dégradation des performances avec l’accroissement de la taille du troupeau. Ceci résulte de l’impact d’effets défavorables de la part de facteurs de dégradation, tels qu’une moins bonne surveillance et détection des chaleurs, un moins bon ajustement individuel du rationnement et, souvent, un accroissement du niveau de production. En revanche, la détection des chaleurs est en principe facilitée par le fait que, dans les lots plus importants, plus de vaches sont en oestrus simultanément (notion de SAG : meilleure accessibilité de partenaires et stimulation sexuelle lorsque plusieurs animaux en chaleurs). De plus, la technicité et les réactions en cas de problème sont en général plus efficaces dans les troupeaux à effectifs élevés. 9 Politique de réforme Les performances de reproduction mesurées par les critères classiques sont très influencées par les pratiques de réforme qui constituent un facteur de confusion. Le bilan de reproduction sera meilleur dans les élevages pratiquant une politique de réforme intense pour infécondité par rapport aux élevages moins exigeants. C’est notamment le cas dans les troupeaux où les moyens sont pris pour respecter un regroupement strict des vêlages. - 44 - 9 Facteurs humains La technicité, la disponibilité et le comportement de l’éleveur et du personnel exercent une influence sur les performances de reproduction. Par exemple, les activités extérieures à l’exploitation ainsi que le « tempérament nerveux » de l’éleveur seraient des facteurs de risque d’infécondité (Seegers, 1998). L’existence d’un objectif de regroupement des vêlages, traduisant un souci d’organisation, serait au contraire un facteur de réussite. Par ailleurs, la perception qu’a l’éleveur de la fécondité de son troupeau peut être modifiée par l’impact du vétérinaire. 3. Facteurs nutritionnels de variation des performances de reproduction Parmi les causes d’infertilité chez les vaches laitières, l’alimentation occupe une place importante et on remarque qu’à peu près tous les déséquilibres alimentaires ont été invoqués dans la genèse de troubles de la reproduction. Parmi ces anomalies de rationnement, le rôle de l’alimentation énergétique est dominant dans le risque d’infertilité bovine, mais les excès azotés et les mauvaises conduites de l’alimentation minérale et vitaminique sont aussi fréquemment mis en cause. Par contre, aussi longtemps que les ovaires fonctionnent normalement, les facteurs nutritionnels n’ont pas d’influence sur l’expression de l’oestrus (Orihuela, 2000). a) Niveau énergétique de la ration en post-partum Les déficits énergétiques après vêlage sont fréquents en élevage bovin. Chez la vache laitière, ce déficit énergétique est, avec les niveaux génétiques actuels en élevages, systématique et inévitable. Il tient, physiologiquement, à une capacité d’ingestion qui augmente beaucoup moins vite que les besoins, et à une aptitude des vaches à bon potentiel génétique à donner la priorité à la production laitière par rapport à leurs réserves corporelles (contrôle homorhétique du partage des nutriments). Cette priorité est, au plan hormonal, la traduction d’une forte sécrétion d’hormone de croissance (GH) et d’une insulinémie faible. 9 Mode d’action du déficit énergétique Le mode d’action du déficit énergétique sur les performances de reproduction n’est actuellement pas complètement connu. Les hypothèses les plus couramment admises font appel aux rôles de l’insuline et des IGF. Les IGF sont synthétisés par le foie sous stimulation de la GH, sauf en cas de déficit énergétique. Ainsi, en début de lactation, la forte sécrétion de GH ne s’accompagne pas d’une forte sécrétion d’IGF. Si le rôle des faibles teneurs circulantes en insuline et IGF est à peu près admis, le site d’action des ces déficits hormonaux est moins clair. Lors de l’essai mené sur 32 vaches laitières par Grimard et al. (2005), les concentrations plasmatiques d’IGF-1 ont été significativement plus élevées chez les vaches fertiles (gestantes après 1 ou 2 IA) que chez les vaches infertiles (3IA ou plus) : 53,7 ± 3,9 vs. 40,7 ± 3,6 ng/ml sur la période d’étude (p=0,02). On a constaté une diminution de la sécrétion de GnRH par l’hypothalamus et de LH par l’hypophyse, et surtout une baisse de la pulsatilité de la sécrétion de LH, plus importante que la baisse du niveau de sécrétion. Ces modifications entraînent les effets suivants : un ralentissement de la croissance folliculaire donc un retard d’ovulation ; une faible sécrétion de progestérone par le corps jaune et donc une chute du taux de réussite en 1ère IA. De plus, on observe une moindre réceptivité des ovaires à la sécrétion de LH. Durant les 2 à 3 premiers cycles ovariens postpartum, l’accroissement du niveau de progestérone plasmatique est réduit lors de déficit énergétique, et une chute de la progestérone circulante peut même être observée au troisième cycle lorsque le déficit est particulièrement marqué dans les 10 premiers jours post-partum - 45 - (Butler, 2000). L’explication de cet effet du déficit énergétique à distance dans le temps n’est pas encore connue. 9 Appréciation du déficit énergétique L’appréciation quantitative du déficit énergétique post-partum n’est pas toujours facile. En particulier, le contrôle des rations ne suffit pas à apprécier au niveau individuel les déficits subis, dans la mesure où la variabilité inter-individus du niveau de consommation de fourrages est très forte en post-partum. La méthode la plus sûre pour apprécier les déficits subis est la notation de l’état corporel de chaque animal sur une échelle de 0 (vache très maigre) à 5 (vache très grasse) sur des critères visuels (vache laitière) ou reposant sur la palpation (vache allaitante). Chez les vaches laitières, l’examen de l’animal est réalisé selon deux incidence aboutissant à l’attribution de deux notes, une note « arrière » et une note « flancs », chacune comprise entre 0 et 5 ; leur moyenne arithmétique, effectuée au demi près, constitue la note définitive (tableau 7). Tableau 7 : Grille de notation de l’état corporel des vaches Holstein Note 5 4 3 noyée dans un rond de tissu gras Pas de rond, masses graisseuses débordant la pointe des fesses A peine visible Queue bien dégagée Pointe des fesses couverte mais non noyée Bien visible, couvert, d’aspect épais et rebondi Non comblé, limites planes Nettement visible, couverte, régulière, différence de niveau légère Critère Arrière la Queue Base de queue Pointe fesses des Ligament sacro-tubéral Invisible, noyé Détroit caudal Totalement comblé Dos plat ou arrondi Pratiquement comblé A peine visible, noyée dans le tissu environnant 5 4 Ilium apparent, angle ouvert Epine dorsale 2 Pointe des fesses sans couverture Bien isolé, légèrement couvert 1 0 Ensemble de la tubérosité ischiatique perceptible Bassin parfaitement visible Aspect lame, sec Très sec en Profond Très profond Très creusé Ligne des apophyses épineuses marquée, peu couverte Irrégulière, différence de niveau importante, corps vertébral non apparent Corps vertébral apparent 3 2 1 0 Ilium fait saillie, reste couvert Epine dorsale bien dessinée, rein non plat, bordure des apophyses transverses nette, angle non vif Crête non apparente, angle bien vif Ligne des apophyses transverses en angle vif, le décompte devient possible Crête devient visible Crête visible Décompte facile des apophyses transverses Ligne du dos très irrégulière, apophyses transverses bien individualisées. Note Critère Flanc Pointe de hanche Apophyses transverses épineuses la Localisation et précise de l’os impossible Aucune structure repérable, rein plat, creux du flanc comblé Colonne vertébrale repérable, rein plat Les critères biochimiques utilisés pour la quantification des pertes de poids sont ceux qui permettent aussi de déceler des cétoses subcliniques : métabolites et hormones témoins du métabolisme énergétique (glucose, insuline, IGF-1, acides gras non estérifiés, βhydroxy-butyrate, urée). L’interprétation des profils biochimiques doit rester prudente, en particulier en raison des - 46 - bien variations nycthémérales des teneurs sanguines en glucose ou βhydroxy-butyrate. Par contre, les teneurs sanguines en acides gras non estérifiés (AGNE) ne sont pas un reflet correct des déficits énergétiques. D’autres critères comme le taux d’acétone du lait ou le taux de corps cétoniques urinaire ou du lait sont de bons indicateurs du déficit énergétique, et sont en relation avec les critères de fertilité, comme le montre le tableau 8 (Andersson, 1988). Tableau 8 : Relations entre quelques critères de fertilité et cétose (d’après Andersson, 1988) Taux d’acétone du lait (mg/l) IVIA1 (jours) IVIAF (jours) Nombre d’IA/IF Kystes ovariens (%) 9 <23 24-58 59-116 >117 82,5 104 1,76 1,0 85,7 111 1,83 1,8 87,6 112 1,80 2,9 91,7 113 1,87 4,1 Conséquences d’un déficit énergétique sur les performances de reproduction Les déficits énergétiques sont la règle pendant les 6 à 12 premières semaines de lactation chez les vaches produisant plus de 6000 kg de lait par lactation, et s’accompagnent de pertes de poids qui peuvent atteindre 40 voire 60 kg. Un nombre important d’enquêtes de terrain ou d’expérimentations ont mis en évidence la relation défavorable existant entre déficit énergétique et performances de reproduction. L’analyse générale de la littérature montre une tendance à la détérioration des performances de reproduction lorsque la perte d’état corporel s’accroît. Cependant, on note que tant que cette perte d’état reste inférieure à 1 point, l’influence de l’amaigrissement sur la reproduction reste modeste, alors qu’elle devient importante lorsque la perte d’état corporel atteint ou dépasse 1,5 point. Les vaches laitières présentant une perte d’état corporel supérieure à 1 point ont un risque accru de souffrir d’infertilité, avec des taux de réussite à l’insémination variant de 17 à 38% selon les études (Butler, 2000). • Déficit énergétique et retard de chaleurs Suite aux modifications des sécrétions hypothalamo-hypophysaires, les premières ovulations, et donc les premières chaleurs, ont tendance à être retardées chez les vaches en bilan énergétique négatif, et on note un fort taux de chaleurs silencieuses (figure 8). Cependant, lorsque les chaleurs sont observables, leur expression comportementale est comparable en durée et en intensité à celle de vaches à bilan énergétique positif. On considère habituellement que la reprise d’une activité sexuelle normale n’intervient que lorsque le bilan énergétique redevient positif, c’est-à-dire lorsque les animaux commencent à reprendre du poids. Les observations semblent cependant montrer que le pic de déficit énergétique est une période plus décisive que la fin de ce déficit. En particulier, il existe une corrélation très significative entre l’intervalle vêlage-1ère ovulation et l’intervalle vêlage-pic de déficit énergétique, avec reprise de la pulsatilité de la sécrétion de LH après ce pic. Celui-ci est beaucoup plus précoce que l’obtention d’un bilan énergétique positif, puisqu’il intervient en moyenne 10 à 15 jours après le vêlage. - 47 - Figure 8 : Conséquences d’un bilan énergétique négatif sur l’expression des chaleurs (d’après Spicer et al., 1990) Chaleurs exprimées (%) 80 70 60 50 Bilan énergétique positif Bilan énergétique négatif 40 30 20 10 0 Cycle 1 Cycle 2 • Déficit énergétique et première insémination Le déficit énergétique ne se traduit pas uniquement par un retard des premières chaleurs, mais aussi par un taux de réussite en 1ère IA beaucoup plus faible : la diminution peut atteindre 60 points de pourcentage de réussite. Une moindre sécrétion de progestérone par le corps jaune après les premières ovulations, liée à la baisse de sensibilité du corps jaune à la LH voire à une lutéolyse précoce, pourrait entraîner des risques de mortalité embryonnaire. Cependant, dans la majorité des cas, le déficit énergétique n’existe plus lorsque la gestation commence. Par ailleurs, lors de stéatose (plus de 20% de lipides dans le foie), la diminution d’activité hépatique entraîne une augmentation de l’IVV par retard des premières chaleurs et diminution du taux de réussite en 1ère IA. L’utilisation de rations enrichies en matières grasses en début de lactation permet théoriquement de limiter le déficit énergétique subi par les animaux. Cependant, les quelques essais prenant en compte les résultats de reproduction sont divergents. De la même manière l’utilisation de niacine, adjuvant qui a prouvé son efficacité dans la prévention des cétoses, n’améliore pas les performances de reproduction. 9 Les excès énergétiques Les excès énergétiques qui ont des répercussions sur les performances de reproduction sont ceux qui interviennent en fin de gestation (plus de 10 UFL/jour). On constate en général que deux tiers des vaches à rétention placentaire sont des vaches trop grasses au vêlage. Les rétentions sont alors une conséquence des dystocies (infiltration de la filière pelvienne par du gras), et leurs complications infectieuses (métrites) diminuent les taux de réussite à l’insémination. A ces effets s’ajoute le faible appétit généralement constaté en début de lactation sur les vaches grasses, avec la moindre fertilité qui en résulte. b) Niveau azoté de la ration en post-partum 9 Les excès azotés La majorité des études accordent aux excès azotés des effets défavorables sur les performances de reproduction des vaches laitières, en particulier lorsque ces excès ont lieu dans les périodes d’insémination. Ainsi, on a pu observer une augmentation de l’IVIAF, avec - 48 - diminution des sécrétions de LH et de progestérone. Or, le pic de progestérone en phase lutéale est très lié au taux de réussite à l’IA. La nature des matières azotées en excédent a une importance capitale. De façon générale, les excès d’azote dégradable (azote non protéique, tourteaux riches en azote soluble, ensilages d’herbe…) sont les plus préjudiciables. Les essais expérimentaux dans lesquels les effets négatifs des excès d’azote sont les plus importants sont ceux dans lesquels on observe, entre les régimes normaux et les régimes hyperazotés, des augmentations d’urémie supérieures à 0,2 g/l de sang. Les taux de réussite à l’IA peuvent être jusqu’à 3 fois moins bons pour les vaches en hyperurémie par rapport à des vaches normales, et Enjalbert (1994) considère qu’un excès de 100 g de matières azotées dégradables entraîne une baisse de 2,7% du taux de réussite à l’IA. L’effet délétère des fortes urémies sur la fertilité a également été montré par Fergusson (1991), dont les résultats sont présentés en figure 9. Taux de réussite à l'IA (%) Figure 9 : Relation entre urémie et taux de réussite à l’insémination (d’après Fergusson, 1991) 60 40 20 0 <0.22 0.22-0.44 >0.44 Urémie (g/l) Plusieurs modes d’action peuvent expliquer cette action néfaste des excès d’azote dégradable sur les performances de reproduction des vaches laitières : • L’urée et l’ammoniac sont des substances toxiques pour l’animal. Elles affectent le métabolisme intermédiaire, comme en témoignent les variations de teneurs sanguines de glucose, lactate ou d’AGNE. Elles altèrent aussi les fonctions endocrines, et le fonctionnement du corps jaune, ce qui pourrait être à l’origine de la baisse de progestéronémie. En outre, l’urée entraîne une diminution du pH utérin affectant la survie des spermatozoïdes (figure 10) et possède un effet cytotoxique potentiel sur les spermatozoïdes et l’ovocyte, voire sur l’embryon, pouvant entraîner un allongement de l’intervalle entre chaleurs (Butler, 1998). Ceci pourrait expliquer la baisse du taux de réussite à l’IA et les mortalités embryonnaires. Ces effets sont exacerbés lors de pathologie hépatique (distomatose, ou stéatose lorsque l’excès azoté se conjugue à un apport énergétique insuffisant). Enfin, l’ammoniac diminue l’efficacité des macrophages, ce qui pourrait favoriser l’apparition de métrites. • Les excès azotés ont des effets métaboliques ; la nécessité de les détoxifier augmente le déficit énergétique. En effet, la consommation d’énergie par le foie s’accroît pour la synthèse d’urée, processus prioritaire puisque destiné à éliminer l’ammoniac, très toxique, absorbé par la muqueuse ruminale. Cet effet peut être plus manifeste sur des vaches en première lactation, en raison des besoins de croissance supplémentaires de ce type d’animaux. Dans cette hypothèse, les conséquences des excès azotés seraient celles des déficits énergétiques. Cependant, contrairement à ce qui est observé lors de déficit énergétique, l’effet des excès protéiques n’est pas lié à une insuffisance de GnRH. En outre, les excès azotés n’ont pas d’effet - 49 - direct sur l’axe hypothalamo-hypophysaire, tant sur des vaches gravides que sur des vaches en lactation. Figure 10 : Evolution de l’urémie et du pH utérin durant une période d’étude de 40 heures, en relation avec l’alimentation (d’après Butler, 1998) 8.0 pH utérin 7.5 15 7.0 6.5 10 6.0 5 5.5 5.0 urée (mmol/L) 20 pH utérin Urée (mmol/L) Période d'alimentation 0 1 6 11 16 21 26 31 36 Temps (heures) L’origine d’un excès d’azote dégradable en élevage peut être complexe. Un tel excès peut provenir d’un mauvais choix de complément azoté (tourteau à protéines trop dégradables), aussi bien que d’une faible appétence des fourrages. Dans certains cas, l’excès d’azote dégradable peut être impossible à éviter, avec certains ensilages d’herbe riches en azote, ou avec de l’herbe jeune. Concernant l’azote peu dégradable (tourteaux tannés par exemple), peu de certitudes peuvent être avancées. On sait néanmoins que les rations qui en sont riches stimulent la production laitière en début de lactation, grâce notamment à un amaigrissement accru des animaux, ce qui serait plutôt défavorable en accentuant les déficits énergétiques. En revanche, l’augmentation d’absorption d’acides aminés qui survient alors stimule la néoglucogenèse et la sécrétion d’insuline, ce qui serait plutôt favorable à la reproduction. 9 Les déficits protéiques Les carences azotées peuvent être impliquées dans des troubles de la reproduction lorsqu’elles sont fortes et prolongées : elles rentrent alors dans le cadre d’une sous-nutrition globale, telle qu’on la rencontre parfois en troupeau allaitant. Les déficits protéiques en début de gestation peuvent favoriser des mortalités embryonnaires, alors qu’en fin de gestation, ils augmentent le risque de rétention placentaire. Dans la pratique, ils sont relativement rares, si bien que leur importance réelle dans la dégradation des performances de reproduction reste marginale. Rappelons que, chez les vaches laitières comme chez les vaches allaitantes, un déficit d’azote dégradable entraîne indirectement un déficit énergétique lié à une baisse de la digestion ruminale. c) Alimentation vitaminique et minérale, substances toxiques. L’existence de relations entre la fonction reproductrice, et les vitamines et minéraux, est connue depuis plusieurs années. D’un point de vue général, toutes les vitamines et les minéraux essentiels sont nécessaires à une bonne conduite de la reproduction en raison de leurs rôles dans - 50 - le métabolisme, l’entretien et la croissance cellulaire. Néanmoins, ces nutriments ont aussi des fonctions spécifiques au sein des tissus de l’organe reproducteur, et ces fonctions peuvent évoluer selon le statut physiologique de l’animal. 9 Les carences en vitamines • Vitamine A La carence en vitamine A est le déficit vitaminique le plus souvent rapporté en élevage bovin laitier. La vitamine A conditionne la synthèse protéique avec des répercussions sur l’intégrité des épithéliums, les sécrétions hormonales et l’immunité. Chez la vache laitière, la vitamine A agit principalement à trois niveaux : les corticosurrénales, l’hypophyse et l’appareil génital. Elle est nécessaire à la synthèse des hormones corticosurrénales que sont les glucocorticoïdes. Dans le corps jaune, elle participe aux phénomènes d’activation de la synthèse de progestérone. Lors de carence en vitamine A, les follicules peuvent devenir atrésiques ou persistants. La lutéolyse peut également être modifiée et le cycle perturbé. Dans le troupeau, on constate alors un allongement de l’intervalle entre vêlages, un nombre élevé d’inséminations par fécondation et des taux de conception réduits. Mais les principaux troubles liés à une carence en vitamine A surviennent après la fécondation, et particulièrement en fin de gestation : le déficit aboutit également à une réduction de taille du placenta et à des troubles de la nidation pouvant entraîner de la mortalité embryonnaire ou des avortements. Si la gestation se poursuit, les veaux souffrent à la naissance de diverses malformations : veaux faibles ou aveugles (Hurley et Doane, 1989). Dans de rares cas, on assistera à des gestations prolongées. Elle entraîne également des complications de rétentions placentaires et de métrites après le part. Toutes ces affections sont liées aux rôles joués par cette vitamine dans le fonctionnement des épithéliums. Les complémentations massives (1 million d’UI par jour) n’ont pas d’effet favorable par rapport à des complémentations normales. Le rôle du β-carotène, précurseur connu de la vitamine A, est nettement moins évident et sera développé ultérieurement. • Vitamine D Une source alimentaire de vitamine D est nécessaire uniquement pour les animaux qui ne sont pas exposés à la lumière du soleil. Chez les animaux à croissance rapide ou à forte production laitière, la synthèse de vitamine D reste malgré tout insuffisante et une forte pigmentation des poils réduit également la synthèse endogène au niveau de la peau. De plus, la ration peut contenir des antagonistes de la vitamine D, comme le β-carotène (action rachitigène). La vitamine D est bien connue pour son rôle dans le maintien de l’homéostasie phosphocalcique : elle augmente l’absorption intestinale de calcium et de phosphore, module le métabolisme calcique au niveau osseux et favorise la réabsorption du phosphore au niveau rénal.. Les fonctions de la vitamine D peuvent être élargies à la régulation quantitative des protéines liées au calcium CaBP et aux rôles du calcium dans différents types cellulaires. Il existe peu d’informations concernant l’effet spécifique de la vitamine D sur la fonction reproductrice. Des vaches laitières élevées en conditions confinées sans apport de vitamine D exogène montrent une plus forte incidence de veaux avec rachitisme clinique et faiblesse musculaire, par rapport à des vaches exposées au soleil et/ou recevant une supplémentation en - 51 - vitamine D. Une telle supplémentation influence également l’intervalle vêlage-1ères chaleurs et l’intervalle entre vêlages, mais n’a aucun effet sur le nombre d’IA par fécondation. Des relations spécifiques, entre le statut de l’animal concernant la vitamine D et la fonction endocrine et reproductrice, ont été observées. Une carence en vitamine D affecte la synthèse et le catabolisme de l’oestradiol chez la poule. Des cultures in vitro de cellules pituitaires de rat peuvent voir leur synthèse de prolactine stimulée par la 1,25-dihydroxy D3. Le rôle de la vitamine D sur le squelette fœtal pourrait faire intervenir des CaBP vitamine D-dépendantes dans le placenta. De plus, le métabolisme de la vitamine D serait régulé indépendamment chez la mère et chez le fœtus. Tous ces éléments montrent l’action spécifique de la vitamine D sur le système reproducteur est extrêmement complexe et nécessiteraient de plus amples investigations. • Vitamine E L’action de la vitamine E est rarement dissociée de celle du sélénium, et leur principal rôle est celui d’antioxydant qui protège les systèmes biologiques des dégradations oxydatives. La vitamine E agit en tant qu’antioxydant liposoluble au sein des membranes cellulaires. Bien que la vitamine E et le sélénium aient chacun des fonctions spécifiques, chacun montre une plus grande efficacité et une dose minimale d’efficacité réduite en présence l’autre : ils agissent en synergie. La vitamine E (associée au sélénium) augmente les contractions du myomètre et pourrait protéger l’ovaire des dommages oxydatifs au moment de l’ovulation. De plus, les animaux carencés en vitamine E (et Se) pourraient souffrir de baisses de l’immunité : leur leucocytes montrent une activité glutathion peroxydase réduite et leur efficacité bactéricide diminue. Ainsi, des apports adéquats en vitamine E pourraient participer à la prévention des métrites. L’effet principal des supplémentations en vitamine E et sélénium chez la vache laitière (par rapport à des animaux recevant un régime limité en vitamine E ou Se), consiste en une réduction importante de l’incidence des rétentions placentaires, mais on peut y ajouter une baisse de l’incidence des métrites, des kystes ovariens et du délai d’involution utérine. Le mode d’action de la vitamine E pourrait cependant ne pas se limiter à sa fonction antioxydante. Elle intervient en particulier dans le contrôle de l’activité de la phospholipase A2, laquelle joue un rôle dans l’utilisation de l’acide arachidonique dans la synthèse des prostaglandines. • Vitamines du groupe B Les vitamines du groupe B servent de cofacteur dans la majorité des voies métaboliques. Toutes celles qui sont nécessaires pour la croissance le sont également pour la reproduction et le développement fœtal. Les carences en acide folique (B9), riboflavine (B2), acide pantothénique (B5) et cobalamine (B12) sont toutes susceptibles d’interrompre la gestation. Cependant, dans la mesure où, dans les conditions habituelles, la synthèse des vitamines du groupe B par les bactéries ruminales affranchit le ruminant d’un apport alimentaire, et où les seules carences observables surviennent lors d’utilisation massive d’antibiotiques par voie alimentaire, nous ne développerons pas plus ce sujet. • Vitamine C La vitamine C est synthétisée de manière endogène par la plupart des mammifères (excepté primates et cobayes). Dans les années 1940, l’utilisation de vitamine C chez les ruminants à dose prophylactique a montré une certaine efficacité dans quelques cas d’infertilité - 52 - bovine, et particulièrement lors de difficultés à mener la gestation à terme. Cependant, cette thérapie n’est d’aucun secours pour la fertilité lorsque des ovaires kystiques ou d’autres anomalies anatomiques sont présents. La réponse à la vitamine C pourrait résulter d’un mauvais fonctionnement du corps jaune, la nidation et le maintien précoce de la gestation suivant alors un processus dépendant de l’acide ascorbique. De fortes concentrations de vitamine C ont été trouvées dans le sang au moment de l’oestrus chez des vaches à reproduction normale, et ont été suspectées de stimuler le développement d’un corps jaune riche en acide ascorbique après l’ovulation. Plus récemment, on a montré des variations de teneur en vitamine C dans le liquide folliculaire au cours du cycle, sans pour autant aboutir à une implication pratique. L’acide ascorbique pourrait avoir un rôle d’antioxydant, de cofacteur de la stéroïdogenèse et aussi dans une étape de la synthèse de vasopressine et d’ocytocine. 9 Les déséquilibres minéraux Le métabolisme minéral dépend en grande partie de l’équilibre énergie/azote/fibres. La fertilité peut être diminuée non seulement par une carence, mais aussi par un excès. Toutefois, les effets néfastes d’un excès sont beaucoup plus faibles que ceux d’une sous-alimentation, de sorte que l’apport raisonné d’un supplément permet en général de protéger l’animal contre une carence. • Les minéraux majeurs Calcium En plus de son importance pour la croissance du squelette et pour le processus de lactation, le calcium est impliqué dans le contrôle de nombreux processus cellulaires : régulation enzymatique du métabolisme des nucléotides cycliques, phosphorylation de protéines, contractions musculaires, métabolisme du glycogène, ou encore fonctions sécrétoires des cellules et assemblage de microtubules. De plus, des mécanismes calcium-dépendants sont impliqués dans la synthèse des hormones stéroïdiennes par les glandes surrénales, les ovaires ou le placenta, et dans la stimulation par la GnRH du relargage de LH par les cellules hypophysaires. Le calcium possède un autre rôle dans la stéroïdogenèse : il influence l’apport et/ou l’utilisation du cholestérol par les mitochondries et stimule la conversion de pregnenolone en progestérone. Les carences en calcium en fin de gestation sont impliquées dans les dystocies, les rétentions placentaires et donc les retards d’involution utérine et les métrites, ainsi que dans les prolapsus utérins. Les apports de calcium en fin de gestation doivent cependant rester limités (inférieurs à 65 g/jour) pour éviter les hypocalcémie puerpérales. En début de lactation, des apports importants en calcium, associés à de la vitamine D, permettent d’accroître l’involution utérine et la reprise des cycles ovariens. On peut donc supposer que les hypocalcémies puerpérales peuvent se compliquer de retards d’involution utérine, et donc de retard à la fécondation. Un apport trop libéral en calcium en début de lactation devra néanmoins être évité, car le risque secondaire de carence en oligo-éléments par diminution de l’absorption intestinale (Mg, Zn, Cu) est réel. De même, un excès prolongé de calcium diminue l’absorption de phosphore et peut même conduire à des pertes de phosphore endogène. Les troubles de la fertilité sont alors - 53 - probablement davantage liés à une carence en phosphore ou en oligo-éléments qu’à l’excès de calcium. Phosphore En dehors de l’influence du rapport Ca/P sur les performances de reproduction et de son interaction avec la vitamine D, le phosphore possède un effet propre. Il est souvent associé à des anomalies de la reproduction chez les vaches laitières, même si l’infertilité due à un déficit en phosphore ne se manifeste habituellement que lorsque les autres signes de carence sont déjà apparents. Les carences en phosphore sont assez fréquentes car les ruminants sont nourris principalement avec du fourrage grossier qui ne contient souvent que très peu de phosphore. Les hypophosphatémies affectent à peu près tous les types cellulaires, en raison de la grande participation du phosphore à la composition des acides nucléiques, nucléotides, phospholipides et protéines cellulaires. Il est également nécessaire pour les transferts et utilisations d’énergie, pour le métabolisme de base des phospholipides, et compose une part importante de nombreux coenzymes. L’implication du phosphore dans les synthèses de phospholipides et d’AMPc pourrait expliquer ses effets sur la reproduction : les rôles du calcium, de la protéine kinase phospholipide-dépendante et la protéine kinase AMPc-dépendante pourraient être cruciaux dans la médiation hormonale. Les manifestations classiques d’un déficit en phosphore sur la reproduction consistent majoritairement en une altération de l’oestrus : taux de conception diminués, chaleurs irrégulières, anoestrus, activité ovarienne réduite, kystes folliculaires et dépression généralisée de la fertilité. Magnésium On observe une carence en magnésium par suite d’une teneur variable de l’aliment, du blocage de l’absorption ou d’une excrétion accrue, car l’organisme n’a pas de réserves appréciables de magnésium facilement disponible. Les déficits en magnésium pourraient aussi retarder l’involution utérine. Plus généralement, une carence ou un excès de magnésium favorisent l’infertilité. Sodium et potassium Les symptômes d’une carence en sodium n’apparaissent qu’après plusieurs mois d’approvisionnement insuffisant, car les ruminants ont un mécanisme de régulation efficace qui leur permet de maintenir une natrémie normale. Dans le cas d’une carence prolongée, la fertilité est diminuée parallèlement à une baisse d’ingestion d’aliment, de croissance et de production laitière. Une distribution excessive de sel peut conduire à une intoxication si les animaux souffrent d’une carence en protéines et vitamine E et, en particulier, s’ils reçoivent de l’eau en quantité insuffisante. De plus, Cockwill et al. (2000) ont montré que la fréquentation des distributrices de minéraux (P<0,05) et l’ingéré minéral quotidien (P<0,01) étaient plus faibles chez les vaches nourries avec un régime à teneur en sel élevée (22,5% du complément minéral) que chez celles nourries avec une ration à teneur en sel normale (9,8% du complément minéral). Un excès de NaCl peut donc conduire à une baisse de l’ingestion minérale et à donc des troubles similaires à ceux provoqués par une carence en un autre minéral. - 54 - Un excès de potassium a un effet néfaste sur l’absorption du magnésium et le métabolisme du sodium. On observe alors une dégradation des performances de reproduction, et surtout de la fertilité. Les apports recommandés en minéraux majeurs sont indiqués dans le tableau 9. Tableau 9 : Besoins alimentaires en éléments minéraux majeurs d’une vache de 600 kg produisant 30kg de lait par jour (d’après Meschy et Guéguen, 1992) Minéral Phosphore Calcium Magnésium Sodium Potassium P Ca Mg Na K Besoins journaliers (g/j) 75 140 26 (35 si prévention de la tétanie d’herbage) 26 110 • Les oligo-éléments Sélénium Le sélénium est l’oligo-élément pour lequel le rôle spécifique dans la reproduction chez la vache laitière a été le plus étudié. Cet élément est impliqué dans l’activité de la glutathion peroxydase qui réduit les peroxydes cytosoliques. Le sélénium, en général étudié en association avec la vitamine E, a des effets protecteurs à l’égard des rétentions placentaires, des métrites, voire des kystes folliculaires. Il pourrait être impliqué dans la contractilité de l’utérus et des injections de sélénium trois semaines avant le vêlage accélèrent l’involution utérine. Son rôle réel n’est pas encore élucidé, mais il doit être pris en considération lors de fréquence anormale de rétention placentaire, surtout si elles ont associées à des pathologies encore plus spécifiques comme les myopathies des veaux. Une complémentation suffisante doit être mise en œuvre pendant le tarissement, alors que beaucoup d’éleveurs négligent les apports minéraux et vitaminés pendant cette période. Ces apports seront d’autant plus intéressants que le sélénium possède aussi un rôle protecteur à l’égard des infections mammaires. Iode Les effets de l’iode sur les performances de reproduction peuvent être attribués à son importance lors de la synthèse des hormones thyroïdiennes et à son action sur la fonction thyroïdienne fœtale. La carence en iode entraîne une diminution, voire un arrêt d’activité ovarienne, par le biais des hormones thyroïdienne stimulant l’activité gonadotrope de l’hypophyse. Lors d’un déficit en iode, le développement fœtal peut s’arrêter à n’importe quel stade, et mener à des troubles tels que mortalité embryonnaire précoce, résorption fœtale, avortement, mortinatalité ou naissance de veaux à goitre et/ou faibles. Ces troubles sont souvent associés à des gestations ou des mises-bas prolongées, et à des rétentions placentaires. Les excès sont cependant à éviter : des apports supérieurs à 50 mg/j (les apports recommandés sont d’environ 16 à 20 mg/j) favorisent les avortements, par diminution des résistance aux infections, et les malformations des veaux. - 55 - Cuivre L’élément cuivre intervient dans la formation de nombreuses protéines possédant des fonctions enzymatiques. Il est impliqué dans le maintien de l’activité des hormones hypophysaires labiles dans le sang. Il facilite également l’action de la prostaglandine E2, probablement en stimulant sa liaison avec son récepteur. Enfin, le cuivre extracellulaire sécrété par les terminaisons axonales pourrait moduler l’action de la PGE2 sur le relargage de LH par les neurones hormonaux de l’hypophyse. Les carences en cuivre entraînent des diminutions d’activité ovarienne avec baisse du taux de réussite à l’IA, des mortalités embryonnaires précoces et des avortements, voire des difficultés de vêlage et des rétentions placentaires. Une synergie entre cuivre et magnésium est suspectée sur l’IVIAF et le taux de gestation à 150 jours, sans que les modalités de cette interaction soient connues. L’efficacité du cuivre est réduite lorsque d’autres minéraux (fer, calcium, zinc, et molybdène) sont en excès, ou en présence d’agents réducteurs forts. Des supplémentations associant le cuivre au cobalt ou au magnésium ont permis d’améliorer le taux de gestation et la fertilité (Hurley et Doane, 1989). Molybdène Le molybdène est nécessaire pour le fonctionnement de différentes métallo-enzymes et les besoins sont généralement couverts par un régime normal. Ce n’est donc pas la carence qui nous préoccupera ici, mais plutôt l’excès de molybdène. Les ruminants supportent mal les excès de cet élément et des intoxications sévères surviennent sur du bétail pâturant dans diverses régions du globe. L’essentiel de la toxicité du molybdène repose sur ses interactions avec le métabolisme du cuivre : un excès de cet élément est soupçonné de réduire les capacités de stockage du cuivre par le foie, de diminuer l’efficacité de l’utilisation du cuivre et de réduire sa mobilisation à partir des tissus. On observe des pubertés tardives et de forts taux d’anoestrus sur les animaux recevant des fourrages issus de pâtures riches en molybdène et pauvres en cuivre, et les taux de réussite à l’IA sont affectés par des rapports Cu/Mo inappropriés. En revanche, les effets d’un surdosage de molybdène sont annulés si une supplémentation adéquate en cuivre est mise en place. On notera également que, in vitro, le molybdène semble posséder un effet direct sur la fonction de reproduction, par l’existence d’interactions avec les récepteurs des hormones stéroïdiennes. La liaison du Mo sur le récepteur entraînerait la stabilisation de celui-ci dans une forme empêchant la fixation de l’hormone stéroïde, mais on ignore si le molybdène possède des effets similaires in vivo. Manganèse Pour la plupart, les effets d’une carence en manganèse peuvent être expliqués par le rôle de cet élément dans la synthèse des mucopolysaccharides, sans compter son intervention dans diverses métallo-enzymes à manganèse (hydrolases, kinases, décarboxylases et transférases). Le manganèse joue également un rôle actif dans les processus d’oxydoréduction, de respiration tissulaire, de formation osseuse et sanguine, de croissance, de reproduction et dans le fonctionnement des glandes endocrines. - 56 - Les carences en manganèse sont rares chez les ruminants, et les symptômes révèlent une dépression de la fonction de reproduction : anoestrus, chaleurs irrégulières, interruption de cyclicité. Des troubles tels que croissance folliculaire ralentie, retard d’ovulation, baisse d’intensité de l’oestrus, taux de conception réduits, avortement et naissance de veaux faibles peuvent également y être associés. Les mécanismes d’action du manganèse sur le système reproducteur ne sont pas compris. L’inhibition de synthèse du cholestérol et de ses précurseurs lors d’une carence pourrait entraîner une inhibition de la synthèse des hormones stéroïdiennes et sexuelles. Le manganèse semble également tenir un rôle dans le métabolisme et le fonctionnement du corps jaune, et ses fortes concentrations dans l’ovaire et l’hypophyse suggèrent une fonction importante au sein de ces tissus. Cobalt Le cobalt est nécessaire à la synthèse, par les bactéries du rumen, de la cobalamine (vitamine B12) mais il semble que son action métabolique ne se limite pas à cet effet. La carence en cobalt est associée à de l’anémie et à une fonte des réserves corporelles, ce qui est susceptible d’avoir des répercussions sur la fertilité. La manifestation la plus commune d’un déficit en cobalt est la baisse du taux de gestation. D’autres troubles ont également été rapportés : chaleurs silencieuses, puberté tardive, ovaires non-fonctionnels, avortements, naissance de veaux faibles et infertilité généralisée. En raison du rôle de la vitamine B12 dans la néoglucogenèse à partir du propionate, on peut rapprocher les conséquences de la carence en cobalt de celles des déficits énergétiques. Zinc Le zinc pourrait jouer un rôle dans la reproduction en tant qu’activateur essentiel des enzymes de la stéroïdogenèse, mais aussi par sa fonction dans le transport de la vitamine A. Il pourrait agir sur les gonadotropines indirectement par le biais de l’hypophyse, ou directement au niveau des gonades en se complexant avec des ligands spécifiques. Il est également important dans son interaction avec le calcium et le cuivre : une teneur élevée en zinc peut entraîner une carence en cuivre et le calcium favorise sa mobilisation dans l’organisme. Concernant le troupeau laitier, on observe une augmentation des taux de gestation chez les animaux supplémentés en zinc par rapport à ceux qui ne le sont pas, mais les apports optimaux en vue d’améliorer la reproduction n’ont pas été définis. Les apports recommandés en oligo-éléments sont indiqués dans le tableau 10. Tableau 10 : Apports recommandés en oligo-éléments pour une vache de 600 kg produisant 30 kg de lait par jour (d’après Meschy et Guégen, 1992) Oligo-élément Cuivre Zinc Manganèse Sélénium Iode Cobalt Cu Zn Mn Se I Co Apports recommandés (mg/kg de MS) 10 50 50 0.1 0.2 – 0.8 0.1 - 57 - 9 Les substances toxiques. Le nombre de substances toxiques que peut contenir la ration des vaches laitières est trop important pour aborder une revue complète de ce sujet. Cette étude se limite aux substances fréquemment retrouvées dans l’alimentation, à l’exclusion de toxiques ou de polluants occasionnels ou accidentels. Un apport global en nitrates supérieur à 440 mg/kg de poids vif, soit environ 13 g/kg de matière sèche ingérée, correspond aux valeurs potentiellement toxiques chez les ruminants et peut entraîner des mortalités embryonnaires. La présence de mycotoxines dans les aliments des ruminants, en particulier les ensilages, n’a pas été mise en cause dans les troubles de la reproduction. En particulier, la zéaralénone, toxine oestrogénique produite par Fusarium spp, est très peu active chez les ruminants, la majorité des cas d’intoxication étant rencontrée chez la truie. Une allergie à des Candida peut être mise en cause dans certaines baisses de fertilité (James, 1992). Les plantes toxiques peuvent représenter un risque plus important, bien que la majorité des plantes incriminées lors de baisse de performances de reproduction ne se rencontrent pas en pâtures françaises. Le tableau 11 récapitule les principales plantes rencontrées en Europe et qui peuvent être impliquées dans des troubles de la reproduction. Les troubles dus aux phytooestrogènes ont surtout été observés sur des petits ruminants consommant du trèfle souterrain, mais aussi des luzernes contaminées par un champignon, Pseudopezzia medicaginis. Tableau 11 : Plantes toxiques affectant le développement embryonnaire et fœtal (d’après James, 1992.) Plante Trifolium subterraneum (trèfle souterrain) Lupinus spp. (lupins) Conium maculatum (grande ciguë) Nicotiana spp. (tabacs) Principe toxique Formononétine (isoflavone) Conséquences Infertilité Anagyrine (alcaloïde) Ammodendrine (alcaloïde) Coniine (alcaloïde) Anomalies du squelette Fente palatine Anomalies du squelette Anabasine (alcaloïde) Anomalies du squelette Fente palatine - 58 - III. INFLUENCE DU β-CAROTÈNE SUR LA FERTILITÉ DES VACHES LAITIÈRES. Le β-carotène appartient à la famille des caroténoïdes qui compte plus de 600 molécules synthétisées par les végétaux supérieurs et par les algues, et qui sont impliquées dans le processus de photosynthèse. A. Propriétés générales des caroténoïdes Les caroténoïdes sont une famille de composés terpéniques largement répandus dans la nature et qui, par leur nature, absorbent électivement la lumière ; ce sont des pigments montrant une grande diversité en terme de structure, et leur distribution est universelle dans la matière vivante, quelle que soit le degré d’évolution et de complexité : on les retrouve des archéobactéries et procaryotes aux angiospermes et des protozoaires aux mammifères. Figure 11 : Classification du β-carotène parmi les grands groupes de pigments d’origine naturelle (d’après Mouthon, 2000) Pigments naturels CAROTENOÏDES Dérivés tétrapyrroles Chlorophylles Anthocyanines Pigments sanguins et biliaires Carotènes α-Carotène β-Carotène Dérivés benzopyranes Flavonoïdes Xanthophylles (Phylloxanthines) Cryptoxanthines Lutéine Zéaxanthines β-Carotène Les caroténoïdes sont un des groupes principaux de pigments d’origine naturelle (figure 11). Les xanthophylles, carotènes et lycopènes sont responsables respectivement des colorations jaune, orange et rouge. Les caroténoïdes végétaux sont transférés aux produits animaux, parfois en grande quantité (jaune d’œuf), ou de manière moins importante, comme pour les produits issus des ruminants chez lesquels ils modifient la couleur du lait, des produits laitiers ou de la graisse corporelle. Les consommateurs sont sensibles à la coloration des produits, même si leurs préférences diffèrent selon les pays ou les régions. Une coloration jaune du lait est associée aux - 59 - pâturages, ce qui, pour la plupart des Européens, confère une connotation d’alimentation naturelle. Ainsi, les caroténoïdes pourraient être des indicateurs d’élevage plein air. 1. Structure générale et propriétés physico-chimiques des caroténoïdes Les composés terpéniques, ou terpénoïdes, ont une origine biosynthétique commune et sont retrouvés dans diverses substances : les huiles essentielles, les phytohormones, les stéroïdes, les glycosides cardiogéniques, les vitamines liposolubles (A, D, E et K), ou encore le latex. Les caroténoïdes sont des composés caractérisées par une structure polyisoprène linéaire à doubles liaisons contenant 40 atomes de carbone, polyinsaturés et bicycliques : ce sont deux cycles (deux noyaux β-ionone pour le β-carotène) reliés par une longue chaîne de doubles liaisons conjuguées. Ce sont des tétraterpènes, issus de la condensation irrégulière de molécules de monoou diterpènes (figure 12), et leur structure moléculaire est symétrique. Les molécules de caroténoïdes ont un caractère lipophile, particulièrement fort chez celles possédant des groupements hydroxyles. Figure 12 : Condensation irrégulière de 2 GGPP (géranylgéranyl-diphosphate) pour former un β-carotène avec étape intermédiaire : phytoène (d’après Mouthon, 2000) CH2 — O — P P P ― P ― O ― CH2 Géranylgéranyl-PP Géranylgéranyl-PP Phytoène β-Carotène Ces composés sont dits chromophores, c’est-à-dire qu’ils absorbent les photons dans le spectre visible entre 320 et 550 nm. La caractérisation du chromophore est liée au nombre de doubles liaisons et à la variation de groupes fonctionnels et de diverses conformations. Ces variations de structure entraînent la modification de l’absorption lumineuse et donc, de la couleur. Elles permettent aussi leur identification par spectrophotomérie. Les caroténoïdes sont en fait divisés en deux groupes majeurs : les carotènes et les xantophylles qui dérivent des carotènes par oxydation. Les xanthophylles se subdivisent en trois sous-groupes (cryptoxanthines, lutéine, zéaxanthines). La nomenclature des carotènes est fonction du groupement terminal, des groupes fonctionnels et de l’isomérisation cis-trans, et figure en annexes 2 et 3 respectivement. - 60 - 2. Biosynthèse des caroténoïdes La synthèse de novo des caroténoïdes s’effectue exclusivement par les micro-organismes, les champignons, les algues et les plantes supérieures. La biosynthèse est souvent étroitement liée à la photosynthèse, et est strictement localisée au niveau cellulaire dans les plastides. Par exemple, chez les végétaux, les caroténoïdes sont intégrés à la membrane des tylakoïdes, en compagnie des deux types de chlorophylle (a et b), à l’intérieur des chloroplastes. Les caroténoïdes absorbent certaines longueurs d’ondes que la chlorophylle n’absorbe pas, élargissant ainsi le spectre des couleurs qui peuvent alimenter la photosynthèse. Si un photon frappe un pigment accessoire (un caroténoïde ou la chlorophylle b), l’énergie est transférée à la chlorophylle a, qui se comporte alors comme si elle avait elle-même absorbé le photon. Dans les plastides, la biosynthèse des caroténoïdes et, plus spécifiquement, des pigments carotènes, met en jeu trois mécanismes successifs : 9 La biosynthèse du squelette en C40, principalement à partir de l’acétyl-CoA, pour aboutir finalement à diverses terpènes et au phytoène, tétraterpène dont la structure est la base des caroténoïdes. 9 La désaturation du phytoène : la déshydrogénation permet la création de multiples doubles liaisons, jusqu’à obtention du lycopène. 9 La cyclisation du lycopène donne naissance à différents carotènes qui subiront des oxydations successives responsables de l’acquisition de groupements terminaux et/ou de groupes fonctionnels qui leur confèrent leur structure définitive. Les transformations moléculaires intervenant lors de ces trois mécanismes successifs de la biosynthèse des caroténoïdes sont détaillées en annexe 4. 3. Métabolisme des caroténoïdes Au sens strict, le catabolisme des caroténoïdes est constitué par la dégradation oxydative des molécules, au terme de laquelle on obtient des apo- et seco-caroténoïdes, et l’anabolisme des caroténoïdes qui permet, par des modifications structurales des molécules, la création de caroténoïdes nouveaux et complexes (figure 13). Plus largement, on observe des processus de substitution des groupements terminaux par des fonctions oxygénées ou la conversion des cycles β en cycles η et γ. Ainsi, le métabolisme des pigments caroténoïdes donne naissance à divers produits parmi lesquels des molécules ayant une importance fonctionnelle (hormones, vitamine A, caroténoïdes complexes) ou structurelle (acides gras, glycosides et esters glycosylés), un rôle de molécules intermédiaires (oxo-, époxy-, apo- et secocaroténoïdes) ou encore de simples déchets (dioxyde de carbone, eau, autres métabolites). On retiendra particulièrement le rôle du β-carotène comme précurseur de la vitamine A. - 61 - Figure 13 : Les produits du métabolisme des caroténoïdes Caroténoïdes en C45 et C50 Métabolites terpéniques divers Caroténoïdes complexes Acides gras, esters glycosylés Vitamine A Glycosides, etc Hormones diverses CO2 et H2O CAROTENOÏDES Oxocaroténoïdes Secocaroténoïdes Epoxycaroténoïdes Apocaroténoïdes 4. Distribution des caroténoïdes Les pigments caroténoïdes sont largement distribués parmi les organismes vivants, mais on observe parfois des spécificités selon les groupes d’organisation identifiés par la taxinomie (tableau 12). Tableau 12 : Distribution des pigments caroténoïdes selon la taxinomie RÈGNE Monères* Groupe / Embranchement Archæbactéries Types de caroténoïdes présentés Carotènes rares Bactérioruberins (halobactérium) Eubactéries non phototrophes Carotènes rares Eubactéries phototrophes Rhodovibrine, Anhydrorhodovibrine, Spirilloxanthine ψ-carotènes Protistes* Algues (Chrysophytes, Zéaxanthine Phéophytes, Chlorophytes, Fucoxanthine Rhodophytes) Péridinine, Diatoxanthine, Hétéroxanthine, Siphonaxanthine Mycètes* Champignons (Zygomycètes, Divers carotènes Ascomycètes, Basidiomycètes, Deutéromycètes) Végétaux* Bryophytes, Ptéridophytes, • Organes végétatifs : surtout des caroténoïdes ; Spermatophytes abondamment β-carotène, néoxanthine, lutéine et violaxanthine ; moins fréquemment : α-carotène, zéaxanthine • Organes génératifs : surtout des xanthophylles ; haut degré de spécificité d’espèce et grande diversité Animaux** Parazoaires Aussi diversifiés que dans les plantes : carotènes et Radiaires xanthophylles, mais spécificité d’espèce expliquée par : Artiozoaires (Acœlomates, • les habitudes alimentaires, Pseudocœlomates, • l’absorption des pigments, Schizocœlomates, • leurs transformations métaboliques (stock Deutérostomiens) enzymatique de chaque espèce) *Règne dans lequel la biosynthèse de novo des caroténoïdes est possible : également présence des molécules intermédiaires (phytoène, phytofluène, terpénoïdes…) ** Règne dans lequel la biosynthèse de novo des caroténoïdes est impossible : source alimentaire uniquement. - 62 - On notera, concernant le règne animal, quelques particularités importantes : les invertébrés marins et terrestres sont particulièrement riches en caroténoïdes, ce qui se traduit par la vivacité de leurs couleurs. Chez les mammifères, le stockage des caroténoïdes reste rare : les bovins et les chevaux ont la capacité à accumuler le β-carotène, mais seul l’homme est capable de stocker le β-carotène et la xantophylle. 5. Fonctions biologiques des caroténoïdes 9 Chez les organismes inférieurs et les végétaux Les fonctions biologiques des caroténoïdes dans le règne végétal et chez les organismes inférieurs sont liées à la photosynthèse et à leur nature d’anti-oxydants. En effet, durant le processus de photosynthèse, on assiste à la création de molécules d’oxygène qui sont des oxydants puissants ; les caroténoïdes assurent alors la protection des molécules organiques contre les oxydations destructrices. En plus de cette activité d’anti-oxydants, ils exercent d’autres fonctions telles que : • Captage et/ou conduction de la lumière ou d’autre type d’énergie : bactériorhodopsine ; α- et β-carotène (voir supra) ; pigments accessoires de certaines algues permettant une adaptation optimale à des habitats à spectre lumineux réduit ; • Protection contre la photo-oxydation : les sacs polliniques de nombreuses plantes à fleur contiennent un polymère de caroténoïdes, la sporopollenine, qui protège le génome pollinique des dommages dus aux radiations UV ; • Avertissement et ou signalement (couleurs vives de certains fruits, fleurs, champignons…). 9 Chez les animaux Dans le règne animal, les caroténoïdes ont plusieurs grandes fonctions qui justifient leur importance. La première est sans doute liée à leur rôle de provitamine A (figure 14). En effet, en tant que précurseurs de la vitamine A, aussi appelée rétinol, ils ont indirectement une influence sur des fonctions comme la vision, la croissance, la reproduction et la résistance aux infections bactériennes ou fongiques par le développement normal de la peau et des muqueuses ; Figure 14 : Dégradation oxydative du β-carotène en vitamine A (d’après Mouthon, 2000) 18’ 19 17 4’ 20 5’ 3’ 16 1 7 2 6 9 8 11 10 13 12 15 14 14’ 12’ 15’ 13’ 10’ 11’ 8’ 9’ 6’ 7’ 2’ 1’ 16’ 3 4 5 20’ 18 17’ 19’ β-Apocaroténoïdes 8’-al Vitamine A ester 10’-al 12’-al 8’-COOH 10’-COOH 12’-COOH 14’-COOH Vitamine A Vitamine A aldéhyde - 63 - Vitamine A acide Il est parfois difficile de déterminer si leur action est liée à leur rôle de précurseur de la vitamine A ou à un effet propre. Néanmoins, certaines fonctions biologiques des caroténoïdes n’impliquant pas leur activité provitaminique ont été mises en évidence. • Effets sur la fonction de reproduction Chez les poissons et les crustacés, ils interviennent dans les processus de développement et de maturation des gonades, de fertilisation, d’éclosion et de viabilité des oeufs. Des effets sur l’appareil reproducteur des oiseaux, du bétail, des chevaux et des porcs ont également été trouvés. Ils ont également un rôle dans le déroulement de la croissance. • Effets sur la fonction immunitaire et anti-tumorale Les caroténoïdes ont une action immunoprotectrice : chez les poissons, les individus présentant un taux élevés de caroténoïdes sont plus résistants, et chez les poulets, ils protègent de l’encéphalomalacie. De plus, ces molécules augmentent la cytotoxicité des cellules tueuses (lymphocytes NK …), ce qui entraîne une diminution de l’incidence et de la vitesse d’évolution des tumeurs. • Effets sur les systèmes de réparation moléculaire et de protection cellulaire, activité antioxydante Les caroténoïdes ont une activité anti-oxydante bien connue, mais leur rôle dans la protection cellulaire et tissulaire est plus étendu ; on peut ainsi leur attribuer une action protectrice vis-à-vis des irradiations (yeux, oeufs...), des hautes températures, des enzymes digestives et des modifications chromatiques. La plupart des membres de la famille des caroténoïdes possède une activité anti-oxydante, mais le plus important est le trans-β-carotène. Un anti-oxydant peut-être défini comme toute substance qui, en présence d’un substrat oxydable et à des concentrations bien inférieures à celles de ce dernier, va retarder de façon significative l’oxydation de ce substrat, ou le réduire. En ce qui concerne les anti-oxydants biologiques, ils peuvent également être définis comme des substances qui protègent les systèmes biologiques contre les effets délétères potentiels des processus ou réactions qui engendrent une oxydation excessive (Clausse, 2001). Il existe plusieurs mécanismes selon lesquels les caroténoïdes agissent comme des molécules anti-oxydantes. En premier lieu, ils sont capables d’inactiver l’oxygène singulet, forme très réactive de l’oxygène, formée le plus souvent au cours d’une réaction photochimique faisant intervenir au préalable l’activation d’une molécule sensible. L’inactivation de l’oxygène singulet par les caroténoïdes se fait en deux étapes, selon le schéma suivant (d’après Clausse, 2001): + caroténoïde → ¹O2 caroténoïde* → caroténoïde O2 + + caroténoïde* (forme activée) chaleur L’énergie est transférée de l’oxygène singulet vers le β-carotène. Celui-ci se retrouve sous forme activée à son tour. Il va retrouver son niveau énergétique de base en dissipant l’énergie excédentaire sous forme de vibration en interaction avec le solvant. La molécule de caroténoïde reste intacte et peut entamer un nouveau cycle de désactivation. Il a été estimé qu’une molécule de caroténoïde pouvait ainsi désactiver mille molécules d’O2 avant de réagir chimiquement et de former divers produits d’oxydation (carbonyles, époxydes…). - 64 - Il a également été suggéré que le β-carotène pouvait réagir directement avec le radical peroxyde (ROO·) pour former un radical stabilisé par résonance centré sur l’atome de carbone : caroténoïde + ROO· → ROO-caroténoïde Dans cette situation, comme dans le cas de la réaction avec l’oxygène singulet, il se forme des dérivés de carbonyle primaire et certains époxydes du β-carotène. De plus, il apparaît que l’effet anti-oxydant des caroténoïdes serait dépendant de la pression d’oxygène. Ainsi, le β-carotène présente une activité anti-oxydante plus élevée à 15 mm Hg (2% d’O2) qu’à 150 mm Hg (15% d’O2). Il pourrait même agir comme pro-oxydant à 760 mm Hg (Clausse, 2001). A l’instar de la vitamine E, les caroténoïdes appartiennent à la catégorie des anti-oxydants lipophiles. Il a ainsi été mis en évidence in vivo l’effet bénéfique d’une supplémentation en caroténoïdes sur la résistance des low density lipoprotein, forme de transport majeure des lipides dans le sang, à la suite d’un stress oxydatif ; une administration de β-carotène pendant trois semaines à une dose de 90 mg/jour entraînait une augmentation de la capacité antioxydante du plasma après traitement avec un générateur de radicaux libres, révélée par une diminution significative de la formation d’hyperoxydes de phospholipides (Clausse, 2001). De plus, les pigments caroténoïdes sont des stabilisateurs de protéines, de membranes et d’activités enzymatiques (carthaxanthines, actaxanthines). Ils ont également un rôle dans les transports calciques et possèdent la capacité de modifier la perméabilité membranaire et, indirectement, permettent le maintien de la balance hydrique. Enfin, ils améliorent l’oxygénation des cellules et des tissus, et certaines xanthophylles constituent des réservoirs d’oxygène sur la chaîne respiratoire neuronale particulièrement intéressants. Ils augmentent également l’efficacité des mécanismes de cicatrisation et, chez les Arthropodes, ils stabilisent la structure de la chitine. • Effets sur les systèmes sensoriels Les caroténoïdes ont une fonction dans la perception lumineuse (rhodopsine au niveau du pourpre rétinien). Ils sont également retrouvés dans certains chémorécepteurs. • Effets sur le métabolisme hépatique Les pigments caroténoïdes pourraient améliorer les performances hépatiques et réduire les taux de cholestérol circulant (LDL). • Effets sur les modalités de communication intra- ou inter-espèce Comme chez les végétaux, les caroténoïdes ont un rôle important de signaux visuels à l’attention d’individus de même espèce et/ou de prédateurs (attraction, avertissement) ou, au contraire, peuvent assurer un camouflage efficace. On pourra citer de façon non exhaustive et à titre d’exemples les cas suivants (Mouthon, 2000) : - amphibiens hautement toxiques arborant des couleurs vives (Dendrobates pumilo, crapaud Bombina variegata...), - 65 - - insectes ou reptiles imitant leur environnement (serpent corail Micrurus sp., mante insectivore Hymenopus coronatus, papillon de nuit Phalera bucephala), - papillons dont le dessin alaire évoque les yeux de prédateurs (Inachis io) - ou encore plumages chatoyants des Oiseaux (rouge-gorge Eopsaltria sp.), cas pour lequels on observe souvent une différenciation sexuelle marquée, le mâle étant alors le plus voyant (passereaux Sericulus chrysocephalus, faisans Phasianus colchicus...) Les pigments caroténoïdes ont donc un rôle très important dans les mécanismes de communication des Animaux et on peut même étendre ce rôle à l’usage qui en a été fait par l’Homme dans le cadre de l’industrie agro-alimentaire ou pharmaceutique (amélioration de l’appétence ou identification de différents produits). En plus de leur importance dans le cadre de la santé animale, des concentrations élevées de caroténoïdes dans le lait des ruminants contribuent à l’amélioration de la valeur nutritionnelle des produits laitiers. Même s’il est évident que dans beaucoup de pays les caroténoïdes présents dans l’alimentation humaine dérivent principalement de la consommation de carottes et d’autres fruits et légumes, une concentration élevée dans les produits laitiers pourrait augmenter leur consommation en donnant au lait une meilleure image dans l’esprit du consommateur. De plus, les caroténoïdes pourraient protéger les composants du lait des dégradations oxydatives. Enfin, dans les régions où les carences en vitamine A sont fréquentes, la consommation de produits laitiers à teneur élevée en caroténoïdes pourrait améliorer les statuts humains en rétinol. B. Le β-carotène chez les Ruminants Comme nous l’avons vu précédemment, chez les Ruminants comme chez les autres espèces du règne animal, le β-carotène a une origine alimentaire, et provient essentiellement des fourrages ingérés. 1. Le β-carotène et les caroténoïdes dans l’alimentation des ruminants Malgré la grande variété des caroténoïdes présents dans les végétaux, pas plus d’une dizaine de molécules différentes est retrouvées dans l’alimentation des ruminants, dont les plus importantes quantitativement sont le β-carotène et la lutéine. Structuralement, la lutéine diffère du β-carotène par la présence de deux groupement hydroxyles en C3 et C3’. a) Analyses des teneurs végétales en caroténoïdes A ce jour, du fait de l’intérêt limité donné aux caroténoïdes dans l’alimentation des ruminants, les analyses chimiques sur végétaux sont souvent peu spécifiques et concernent les « carotènes », terme englobant différentes molécules et isomères de cette sous-famille. Certaines études ont déterminé des concentrations en lutéine ou en xanthophylles totaux, et la distinction entre molécules distinctes n’est que rarement effectuée. Ceci est probablement dû à des méthodes d’analyse inadaptées, développées pour l’analyse d’échantillons de nature différente, comme le lait, le sang, ou l’alimentation humaine. En effet, il est difficile de s’affranchir de la contamination des échantillons par les pigments chlorophylles. Aujourd’hui, les méthodes d’analyse adaptées aux fourrages sont longues, mais des méthodes plus rapides utilisant des techniques de chromatographie liquide haute performance (HPLC) sont possibles. Néanmoins, il est important de souligner que la plupart des méthodes de - 66 - conservation des échantillons (lyophilisation, congélation/décongélation, réfrigération) associées à de longues périodes de stockage avant analyse, entraînent des dégradations de ces molécules. b) Diversité des caroténoïdes des fourrages La concentration en caroténoïdes des fourrages dépend des mécanismes de synthèse et de dégradation. La synthèse est achevée dans les plastides et se produit majoritairement dans les feuilles. Selon les espèces végétales concernées, les feuilles contiennent 5 à 10 fois plus de caroténoïdes que les tiges. Les dégradations surviennent rapidement par oxydation, principalement à cause de l’exposition à la lumière et aux radiations solaires. Grâce à des méthodes d’analyse appropriées, il a été montré que les fourrages cultivés contiennent quatre caroténoïdes majeurs : lutéine, trans-β-carotène et, en moindres proportions, zéaxanthine et un autre xanthophylle identifié comme étant l’épilutéine. Plusieurs études ont révélé la présence d’autres caroténoïdes dans les prairies naturelles, mais toujours en faibles quantités. Les différences concernant le nombre de molécules décrites dans les fourrages proviennent soit de légères variations dans la méthode d’identification utilisée, soit d’une plus grande diversité des molécules dans les pâturages. c) Caroténoïdes dans les fourrages frais Les différences inter espèces de teneurs en caroténoïdes sont moins importantes que les différences intra espèces dues à la dessiccation. Quelques études ont comparé différentes espèces fourragères. Chauveau-Duriot et al. (2005) ont montré que la teneur en caroténoïdes était plus élevée (de l’ordre de 25% supérieure) pour une légumineuse, le Trèfle violet (Trifolium pratense) que pour deux graminées, le Ray-grass anglais (Lolium perenne) et le Dactyle (Dactylis glomerata). Cette différence était particulièrement due à la lutéine. Toutefois, la littérature disponible ne permet pas de conclure sur les différences systématiques entre les espèces fourragères cultivées et celles présentes dans les prairies naturelles, ou entre graminées et légumineuses. De plus, la fertilisation azotée augmenterait la concentration en β-carotène des fourrages, ce qui pourrait être dû à une activation de sa biosynthèse par les protéines. Les effets du stade de développement des plantes et de la saison restent controversés. Il semble néanmoins que la concentration en caroténoïdes totaux reste stable au printemps et au début de l’été pour ensuite décroître à la fin de l’été. Cette chute serait surtout liée aux xanthophylles et au β-carotène. Différents résultats concernant le stade de développement semblent indiquer que la concentration en caroténoïdes diminue avec l’âge des végétaux, plutôt qu’avec la saison, le nombre de coupes ou de repousses. Cette évolution pourrait être liée à la diminution du ratio feuilles/tiges au cours de la croissance végétale (Nozière et al., 2006). d) Caroténoïdes dans les fourrages conservés Le séchage au soleil des fourrages diminue fortement la teneur en caroténoïdes, particulièrement si les fourrages sont exposés à la pluie durant la fenaison. Chauveau-Duriot et al. (2005) ont mesuré les concentrations des principales molécules caroténoïdes présentes dans les fourrages (épilutéine, lutéine, zéaxanthine et β-carotène), pour deux espèces de graminées (Raygrass anglais : RGA et Dactyle : Da) et une légumineuse (Trèfle violet : TV), selon huit modes de conservation différents. Les modes de conservation testés étaient les suivants : 9 3 ensilages : ensilage après coupe directe avec conservateur : ED ensilage après ressuyage à 25% de matière sèche (MS) : ER ensilage après préfanage à 30% de MS : EP - 67 - 9 2 enrubannages : 9 3 fanages : foin récolté par beau temps : FB foin récolté sec après 2 jours d’arrosage : FM foin récolté humide et séché en grange : FG balles rondes à 50% de MS : B50 balles rondes à 70% de MS : B70 Les résultats de cette étude sont présentés dans la figure 15. 500 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 RGA Da TV RGA Da TV RGA Da TV RGA Da TV RGA Da TV RGA Da TV RGA Da TV RGA Da TV Teneur en caroténoïdes (g/kg MS) Figure 15 : Effet du mode de conservation sur la teneur en caroténoïdes des fourrages (d’après Chauveau-Duriot et al., 2005) ED ER EP ENSILAGE épilutéine B50 B70 ENRUBANNAGE lutéine zéaxanthine FB FM FG FANAGE β-carotène A l’issue de ces analyses, il a été montré que l’ensilage, de manière générale, comporte des teneurs en caroténoïdes plus importantes que les balles rondes d’enrubannage et que le foin, qui ne diffèrent pas significativement les uns des autres. La moyenne des pertes en caroténoïdes totaux entre l’ensilage après coupe directe et les autres modes de conservation varient de 78,7% à 81,4% pour les techniques d’enrubannage et de 77,9% à 83,2% pour les méthodes de fanage. L’ensilage après coupe directe se différencie des ensilages après ressuyage ou préfanage par sa forte teneur en caroténoïdes (pertes moyennes respectives de 49,8% et 67,2%). Cette perte en caroténoïdes est majoritairement liée aux radiations solaires, les méthodes de fenaison, préfanage, enrubannage et ressuyage nécessitant de laisser les plantes sur la parcelle. L’ensilage direct semble donc être le moyen de conservation le plus approprié pour conserver les caroténoïdes. Ultérieurement, des pertes modérées peuvent survenir lors du stockage à l’abri des rayons UV, et sont probablement dues à la présence d’oxygène dans l’environnement (Nozière at al., 2006). - 68 - Concernant les ensilages fourragers, les processus chimiques mis en jeu peuvent diminuer la teneur initiale en caroténoïdes à des degrés variés. La perte est dépendante du pH, et favorisée par les conditions d’aérobiose. Ainsi, la chute des concentrations en caroténoïdes sera plus importante chez les légumineuses que chez les graminées en cas de pH élevé (environ 5) ou lorsque la fermeture du silo est retardée. De même, la disparition des caroténoïdes s’accroît avec la durée de stockage dans le silo. Elle peut atteindre 80% de la concentration initiale même si, dans les ensilages réalisés dans le respect des règles, elle dépasse rarement 20%. Les méthodes de déshydratation de la luzerne conduisent à des pertes en carotènes et xanthophylles dont l’étendue dépend du processus utilisé. Ces pertes sont plus fortes lors de l’utilisation de températures élevées et lorsque le produit final contient un faible taux d’humidité. Néanmoins, la mise en œuvre de méthodes de déshydratation moins drastiques (120°C, 8% d’humidité dans le produit final) permettrait de préserver les caroténoïdes et aurait un impact moins négatif que les procédés d’ensilage ou de fenaison. Les teneurs moyennes en β-carotène pour les fourrages frais, fourrages déshydratés, ensilages et foins sont respectivement de 200, 160, 80 et 35 mg/kg de matière sèche (Nozière et al., 2006). e) Caroténoïdes dans les concentrés La plupart des aliments concentrés distribués aux vaches laitières sont à teneur très faible en caroténoïdes. Les procédés de fabrication impliquent fréquemment le recours au chauffage des matières, qui détruit vraisemblablement une grande quantité de ces pigments. L’apport en caroténoïdes par les aliments concentrés est donc très restreint. 2. Digestion et absorption des caroténoïdes et du β-carotène La concentration des pigments caroténoïdes dans les produits bovins est déterminée d’une part par leurs caractères qualitatifs et quantitatifs des fourrages ingérés, et d’autre part par leur transfert de la matrice végétale vers les tissus. En regard des faibles teneurs en caroténoïdes retrouvées dans le lait, l’efficacité du transfert vers la glande mammaire semble fortement limitée. Il est vraisemblable que les différentes étapes du transfert des caroténoïdes de l’alimentation au lait (digestion ruminale, absorption intestinale et métabolisme tissulaire) puissent influencer leur disponibilité pour la mamelle et les autres organes cibles. a) Digestion ruminale Le premier évènement dans le processus de digestion des caroténoïdes est la dégradation de la matrice végétale qui libère les caroténoïdes dans la phase liquide du rumen. L’importance de la dégradation du β-carotène par les micro-organismes du rumen reste mal connue du fait d’une large dispersion des résultats issus d’études in vivo et in vitro. La forme sous laquelle le β-carotène est administré pourrait expliquer ces discordances, le taux de dégradation étant habituellement plus élevé dans les cas de supplémentation en caroténoïdes sous forme purifiée que dans les cas d’apport par les fourrages. Cardinault et al. (2004) ont étudié in vitro les variations des quantités de caroténoïdes non conjuguées dans les phases liquide et solide d’un substrat composé de contenu ruminal ovin et de foin riche en caroténoïdes (foin de prairie naturelle séché en grange). Ils constatent dans les premières heures une augmentation de la lutéine et du β-carotène dans la phase liquide concomitante à une baisse dans la phase solide, mais la quantité de caroténoïdes qui disparaît de la phase solide reste supérieure à celle qui apparaît dans la phase liquide. Puis les évolutions restent constantes entre 2 et 6 heures. Après 6h d’incubation, ils observent une augmentation - 69 - progressive des quantités de lutéine et de β-carotène présentes dans les deux phases (figures 16 et 17). Figure 17 : Evolution de la quantité de β-carotène (en μg) présente dans les différentes phases de substrat ruminal (d’après Cardinault et al., 2004). 3000 300 2500 250 0 14 12 10 6 8 0 4 0 2 50 0 500 Temps (en heures) ensemble 100 14 1000 phase liquide 12 ensemble phase solide 150 8 phase liquide 10 1500 200 6 phase solide 4 2000 2 Figure 16 : Evolution de la quantité de lutéine (en μg) présente dans les différentes phases de substrat ruminal (d’après Cardinault et al., 2004). Temps (en heures) Ces résultats indiquent une libération rapide des formes libres (non conjuguées) de la matrice végétale et leur transfert vers la phase ruminale liquide dès les premières heures. Néanmoins, la récupération incomplète dans la phase liquide des caroténoïdes libérés suggère une dégradation et/ou métabolisation de ces caroténoïdes dans le fluide ruminal. L’apparition d’une quantité graduelle de caroténoïdes dans la phase solide durant les dernières heures de la cinétique pourrait traduire la déconjugaison de formes conjuguées pour les xanthophylles ou une néosynthèse sous l’action des micro-organismes du rumen, les deux phénomènes pouvant également exister de manière concomitante. Parallèlement, la quantité de caroténoïdes retrouvée dans la phase liquide croît régulièrement ce qui traduit le transfert des caroténoïdes libérés et/ou néosynthètisés dans la phase solide vers la phase liquide. Il n’est pas exclu que la dégradation observée au début de l’expérimentation ne se poursuive pas durant toute la cinétique. Lors d’une manipulation ultérieure, Cardinault et al. (2006) se sont intéressés aux modalités de digestion et d’absorption des caroténoïdes chez des brebis de race texel recevant une ration de trèfle violet (Trifolium pratense) sous forme fraîche, et porteuses de canules ruminales, duodénales et iléales ou de cathéters permettant de mesurer les flux de nutriments dans le système porte artério-veineux. L’évolution des flux digestifs des différents caroténoïdes présents dans le fourrage est présentée dans la figure 18. La quantité de lutéine excrétée dans les fèces est similaire à celle de l’apport ; seule l’épilutéine montre un flux fécal inférieur à l’apport alimentaire (P<0,001), correspondant à une digestibilité apparente de 52% de l’apport initial. En revanche, les deux formes de β-carotène montrent une quantité excrétée par les fèces augmentée de plus du double de la quantité fournie par la ration (P<0,001). La digestibilité apparente (quantité excrétée rapportée à l’apport) représente une image finale correspondant à plusieurs étapes du processus digestif et ne permet pas d’expliquer le devenir des caroténoïdes. En détaillant ces observations par segments de tube digestif, une spécificité de comportement des différents caroténoïdes est confirmée à certains stades de digestion, mais des similarités sont également présentes. Ainsi, les quantités de caroténoïdes atteignant le duodénum sont supérieures aux apports, pour les quatre pigments. Cette augmentation de la quantité de β- 70 - carotène entre l’apport alimentaire et le duodénum confirme l’hypothèse d’une dégradation ruminale faible et d’une éventuelle synthèse par les micro-organismes du rumen, impliquant en autres Staphylococcus spp. Néanmoins, la contribution du β-carotène d’origine microbien au flux duodénal pourrait être négligeable chez des animaux nourris avec un fourrage plus riche en caroténoïdes que celui utilisé lors de cette étude. En revanche, la synthèse de lutéine ou d’épilutéine par les micro-organismes ruminaux n’a jamais été démontrée ; leur augmentation serait plus vraisemblablement liée à la production de formes libres de xanthophylles par l’action de micro-organismes sur des formes conjuguées (formes glycosylées, polyphénols…), et donc non mesurées dans le fourrage. Flux de caroténoïdes (mg/jour) Figure 18 : Evolution des flux digestifs de caroténoïdes chez des brebis recevant du trèfle violet frais (d’après Cardinault et al., 2006) 250 200 lutéine épilutéine trans-β-carotène 13-cis-β-carotène 150 100 50 0 Apport Duodénal Iléal Fécal Flux (mg/jour) Le flux de tous les caroténoïdes décroît entre le duodénum et l’iléum, correspondant à une digestibilité apparente dans l’intestin grêle de 16%, 28%, 13% et 17% pour la lutéine, l’épilutéine, le trans- et le 13-cis-β-carotène respectivement. Le trans-β-carotène représente alors 13% des caroténoïdes absorbés dans l’intestin grêle, alors que la proportion ingérée n’était que de 8%. Ces résultats sous-estiment probablement l’absorption réelle, car une partie du β-carotène retrouvée dans l’iléum provient du cycle entéro-hépatique et/ou des caroténoïdes contenus dans les cellules du tractus gastro-intestinal éliminées par le renouvellement cellulaire. La quantité de lutéine excrétée par les fèces est plus importante que celle trouvée dans le flot iléal (P=0,05). Au contraire, les quantités fécales d’épilutéine et de trans-β-carotène diminuent entre flux iléal et fèces (P<0,001 et P<0,05 respectivement), avec des digestibilités apparentes au niveau du gros intestin de 38% et 10% respectivement. Une tendance similaire est observée pour le 13-cis-β-carotène, mais la différence n’est pas significative. Ainsi, excepté pour la lutéine, la quantité de caroténoïdes diminue entre l’iléum et les fèces, ce qui serait davantage le résultat de l’activité microbienne intense dans le colon et le caecum que le signe d’une absorption à ce niveau. Concernant la lutéine, il est envisageable que la déconjugaison des formes conjuguées soit incomplète dans le rumen et qu’elle se poursuive dans le gros intestin. Mora et al. (1999) ont étudié in vitro et in situ les taux de disparition du β-carotène et de la lutéine de la luzerne (Medicago sativa) dans le fluide ruminal de bovins et de caprins équipés de canules ruminales. Les résultats obtenus in vitro montrent des taux de disparition du β-carotène inférieurs à ceux des autres caroténoïdes ; la disparition des caroténoïdes suit une courbe linéaire (P<0,01) et les pourcentages de disparition du β-carotène observés entre 8 et 16 heures - 71 - d’incubation sont de 10,52% à 10,56% pour les boeufs et de 9,16% à 9,90% pour les chèvres. Ces résultats sont inférieurs à ceux relevés lors d’autres études, pour lesquelles les pertes importantes en β-carotène étaient vraisemblablement dues davantage à une dégradation par la lumière et/ou la température qu’à une destruction par les micro-organismes ruminaux. Pour l’étude in situ, des quantités définies de foin de composition connue ont été placées dans des sacs de nylon poreux introduits dans le rumen via la canule ruminale, les caroténoïdes mesurés étant alors ceux contenus dans le sac expérimental. La disparition des caroténoïdes in situ tend à suivre une courbe de fonction carrée (P<0,01) et les pourcentages de disparition du βcarotène observés entre 8 et 16 heures d’expérimentation sont de 71,94% à 79,49% pour les bouvillons et de 72,44% à 80,08% pour les chèvres, résultats nettement supérieurs à ceux trouvés in vitro. Les taux de disparition obtenus lors des deux parties de cette étude sont rapportés dans le tableau 13 ; la disparition du β-carotène est plus importante lors de l’étude in situ par rapport à l’étude in vitro. Cette différence peut être reliée aux taux de disparition de la matière sèche et de la cellulose ; ainsi, les taux de disparition de la matière sèche et des caroténoïdes montrent une similarité de 89% et de 92,5% pour le β-carotène et la lutéine respectivement (P<0,01). Ces résultats indiquent que les caroténoïdes passent probablement dans le duodénum sans subir de dégradation (ou peu de dégradation) dans le réticulo-rumen. Tableau 13 : Taux de disparition kd du β-carotène (βC), de la lutéine (LU), des caroténoïdes (CT) et xantophylles totaux (XT), de la matière sèche (MS) et de la cellulose (C) dans le fluide ruminal de bovins et caprins lors d’études in vitro et in situ (d’après Mora et al., 1999). In vitro βC LU CT XT MS C In situ kd r² kd r² Bovins Caprins Bovins Caprins Bovins Caprins Bovins Caprins 0,13 0,37 0,11 0,15 2,5 1,2 0,85 0,81 0,20 0,25 0,28 0,14 2,5 1,5 0,84 0,81 0,20 0,62 0,29 0,15 2,2 1,0 0,75 0,81 0,30 0,77 0,36 0,26 2,1 1,1 0,77 0,87 1,9 1,5 0,94 0,91 2,0 2,3 0,96 0,94 La composition du régime ne semble pas affecter la digestion ruminale des caroténoïdes, même si la présence dans la ration de graines de soja, de céréales ou de coton, enrichies en lipooxygénases pourrait stimuler la dégradation des caroténoïdes dans le rumen (Nozière et al., 2006). b) Transport et absorption intestinale Concernant le passage des caroténoïdes au travers de la paroi intestinale, les informations disponibles sont majoritairement basées sur l’étude des monogastriques. Dans ces espèces, l’importance et la nature des lipides alimentaires influence la solubilisation des caroténoïdes et, par conséquent, leur absorption intestinale. Rappelons que les caroténoïdes sont des molécules liposolubles et qu’elles sont donc transportées avec la phase lipidique. L’expérimentation de Cardinault et al. (2006) menées sur des brebis recevant du trèfle violet sous forme fraîche et munies de cathéters fixés au niveau de la circulation portale permet de déceler uniquement la lutéine et l’épilutéine dans le plasma. L’absence de β-carotène dans le sang du système porte peut être expliqué par une conversion intensive en vitamine A, l’activité de clivage de la 15-15’-mono-oxygénase intestinale étant très efficace chez les ovins. Ces résultats confirment également que, du fait des caractéristiques lipophiles des caroténoïdes, leur absorption se fait presque exclusivement par les vaisseaux lymphatiques. - 72 - Dans le tractus digestif, les xanthophylles, qui sont des molécules polarisées, sont exposées en surface externe des émulsions et des micelles, leur transfert entre émulsion et micelles est donc plus facile et plus efficace que pour les carotènes qui, en tant que molécules moins polarisées, sont piégées au centre de ces particules. Le transfert des caroténoïdes de l’émulsion aux micelles pourrait être un facteur limitant de leur absorption intestinale, et tout particulièrement dans les cas d’apports déséquilibré avec trop de caroténoïdes ou trop peu de graisses. Selon un consensus général datant des années 1970, l’absorption des caroténoïdes par la muqueuse intestinale s’effectuait selon un mécanisme passif. Cependant, l’existence de différences selon l’espèce animale étudiée, les molécules ou les segments intestinaux impliqués dans l’absorption des caroténoïdes suggère en réalité un mécanisme actif. Un récepteur facilitant leur transport serait impliqué dans le passage des caroténoïdes au travers de la membrane de la face muqueuse des entérocytes (Nozière et al., 2006). Plusieurs études confirment cette hypothèse en montrant que les capacités d’absorption du β-carotène sont dépendantes de la dose et de la durée, et qu’elles sont également saturables. L’expérimentation menée par Mora et al. (2001) et portant sur des bœufs de race holstein porteurs de canules ruminales et duodénales, et recevant des doses différentes de β-carotène alimentaire (0 ; 5,5 ; 44 ou 352 mg/kg de matière sèche), confirme cette hypothèse. La quantité de β-carotène présent dans le fluide ruminal, détectable uniquement pour les deux apports les plus forts, est proportionnelle au niveau de fourniture alimentaire. La même tendance est observée pour le β-carotène du fluide duodénal, mais l’analyse des fèces montre que l’excrétion de ce composé augmente moins fortement, suivant une fonction non proportionnelle de l’élévation des apports alimentaires. La digestibilité du β-carotène lors de cette étude est de 66,25%, 84,39% et 88,14% respectivement pour les traitements avec 5,5 ; 44 et 352 mg/kg de matière sèche (P<0,01). Ces résultats, complémentaires des observations précédentes selon lesquelles le βcarotène ne serait pas dégradé dans le rumen (Mora et al., 1999), confirment que l’absorption du β-carotène augmente lorsque la supplémentation est intensifiée. Chez les ruminants, les mécanismes exacts restent inconnus, mais présentent vraisemblablement des spécificités liées aux modifications de la composition des lipides passant dans le duodénum induites par le métabolisme ruminal des graisses alimentaires. Les sécrétions biliaires peuvent également jouer un rôle dans la composition des caroténoïdes présents dans le tractus digestif grâce au recyclage entéro-hépatique. Parmi les composants de la ration, les lipides modifient l’absorption intestinale chez les ruminants. Ainsi, la digestibilité intestinale apparente du β-carotène chez les bovins est meilleure lorsque la dose administrée est solubilisée dans un solvant lipidique, par rapport à l’eau. La présence dans la ration de triacylglycérols pourrait favoriser l’incorporation des caroténoïdes dans les micelles digestives, la sécrétion des sels biliaires et le passage par les entérocytes ; toutefois, ces composants pourraient également stimuler les dégradations microbiennes dans les derniers segments de l’intestin (Nozière et al., 2006). Enfin, de même que chez les non-ruminants, la présence dans la ration d’autres facteurs tels que des fibres, des stérols, ou d’autres micronutriments liposolubles, pourrait diminuer l’absorption intestinale des caroténoïdes, mais aucune donnée n’est encore disponible concernant les Ruminants. On pourra retenir que, chez les ruminants, des phénomènes spécifiques au niveau du tractus digestif peuvent ainsi modifier l’absorption intestinale et donc la disponibilité sanguine des caroténoïdes : le mécanisme de vidange du rumen qui provoque un échelonnement dans le temps - 73 - du passage des caroténoïdes dans le duodénum ; la composition des nutriments liposolubles du duodénum (sauf en cas de sources alimentaires protégées, les lipides de la ration sont hydrolysés en acides gras dans le rumen) ; et enfin l’importance relative du recyclage entéro-hépatique. 3. Métabolisme du β-carotène chez les ruminants La disponibilité des caroténoïdes dépend de leur transport dans la lymphe et le plasma, de leur métabolisme tissulaire (particulièrement la conversion en vitamine A et l’utilisation comme pigments et anti-oxydants), mais également de leur stockage dans les tissus adipeux ou de leur sécrétion biliaire par le foie. Les principales étapes du métabolisme du β-carotène, depuis son absorption digestive jusqu’à son utilisation par les tissus périphériques sont synthétisées sur le schéma de la figure 19. Figure 19 : Métabolisme du β-carotène (d’après Schweigert, 2004) Circulation sanguine INTESTIN Ooo Caroténoïdes Absorption Ooo ENTEROCYTE estérifiés FOIE Vitamine A Ooo Hydrolyse CHYLOMICRON Vitamine A β-carotène β-carotène Clivage Clivage Vitamine A ester β-carotène β-carotène Sécrétion Microvillosités Circulation lymphatique LIPOPROTEINE (VLDL, LDL, HDL) TISSUS PERIPHERIQUES Vitamine A Métabolites β-carotène OO Clivage Distribution Dégradations OO oxydatives β-carotène - 74 - Circulation sanguine a) Conversion des caroténoïdes en vitamine A Tous les caroténoïdes sont des provitamines et peuvent être transformés dans de nombreux types cellulaires, principalement les entérocytes et hépatocytes, pour produire par clivage oxydatif, suite à l’action de la β-carotène 15’15’-mono-oxygénase, deux molécules de rétinol. Chez les polygastriques, ce processus montre une efficacité supérieure pour le trans-βcarotène, mais les xanthophylles ont un effet inhibiteur sur la conversion du β-carotène. Chez les ruminants, l’activité de l’enzyme intestinale semble être meilleure chez les ovins que chez les bovins ou les caprins. L’expression de cette enzyme de clivage dans les entérocytes bovins ne semble pas être régulée par l’apport alimentaire en β-carotène. Ainsi, le passage du β-carotène au travers des entérocytes serait suffisant pour induire une coloration jaune de graisse des carcasses et des produits laitiers chez les bovins élevés en pâture. De plus, après une administration parentérale de β-carotène à des vaches laitières, les concentrations en vitamine A augmentent dans le lait mais pas dans le sang, ce qui suggère que la conversion du β-carotène en vitamine A se produit probablement aussi dans la glande mammaire chez les vaches en lactation (Nozière et al., 2006). b) Transport des caroténoïdes dans le plasma En dépit de la grande diversité de xanthophylles et carotènes présents dans les fourrages, le β-carotène, particulièrement le trans-β-carotène, est la forme circulante principale des caroténoïdes chez les bovins. En plus faible importance, les isoformes cis-13-β-carotène, le αcarotène et la lutéine peuvent également être retrouvés dans leur circulation. Ces proportions diffèrent entre les espèces, comme par exemple chez les petits ruminants, chez lesquels la lutéine est majoritaire et d’autres caroténoïdes peuvent être retrouvés, dont la zéaxanthine. Chez les bovins, les caroténoïdes plasmatiques sont essentiellement associés aux HDL, ce qui est cohérent avec la composition lipoprotéinique de leur plasma, alors que chez les ovins et caprins, ils seront majoritairement associés aux fractions LDL et VLDL. Ainsi, la proportion relative de caroténoïdes d’origine alimentaire transportés par les chylomicrons par rapport aux caroténoïdes plasmatiques totaux reste négligeable du fait de la demi-vie très courte de ces particules (moins de 5 minutes). Cependant, il ne faut pas négliger l’importance de la contribution des chylomicrons dans le transport des caroténoïdes : ils représentent en effet le premier mode de transport des caroténoïdes dans le plasma et la première étape de leur distribution tissulaire. c) Réserves tissulaires et stockage du β-carotène 9 Quantification des réserves et organes de stockage du β-carotène et de la vitamine A Chez les bovins, les caroténoïdes sont présents en quantités particulièrement importantes dans le foie et les tissus adipeux, ces derniers constituant sans doute la majeure partie des réserves corporelles en caroténoïdes, particulièrement en β-carotène, et l’importance de ces réserves dépend du stade de croissance de l’animal. L’étude de la distribution du β-carotène au sein des tissus de l’organisme ne peut s’envisager que parallèlement à celle de la vitamine A sous toutes ses formes, du fait des nombreuses interactions entre ces deux molécules. Ainsi, LeBlanc et al. (2004) ont montré que les concentrations sériques en β-carotène et en rétinol étaient positivement corrélées l’une à l’autre, ainsi qu’aux teneurs en α-tocophérol. - 75 - Afin de mieux comprendre la distribution des réserves en vitamine A et en β-carotène, des analyses ont été menées par Chew et al. (1984) sur des carcasses de vaches d’abattoirs, dont l’origine et, par conséquent, le mode de nutrition étaient inconnus. Les teneurs en vitamine A, sous forme de rétinol et de rétinyl esters, et en β-carotène ont été quantifiées dans le plasma, le foie, le liquide folliculaire et le corps jaune. Les résultats (tableau 14) ont montré que le rétinol était la forme de vitamine A majoritaire dans le plasma et le fluide folliculaire (58% et 67% de la vitamine A totale), alors que les rétinyl esters étaient les plus représentés dans le foie et le corps jaune (94% et 75% de la vitamine A totale). Les concentrations en β-carotène étaient élevées dans le plasma et les tissus ovariens, mais plutôt faibles dans le foie. Si une forte hétérogénéité des teneurs en vitamine A et en β-carotène selon les animaux était évidente (gamme de valeurs très importante), elle peut néanmoins être expliquée par les origines nutritionnelles différentes de ces animaux d’abattoir. Tableau 14 : Distribution du rétinol, des rétinyl esters et du β-carotène dans divers tissus bovins issus de carcasses d’abattoir (d’après Chew et al., 1984) Tissu concerné Plasma (μg/dl) Etendue de la gamme % Vitamine A totale Foie (μg/g) Etendue de la gamme % Vitamine A totale Fluide folliculaire (μg/dl) Etendue de la gamme % Vitamine A totale Corps jaune (μg/g) Etendue de la gamme % Vitamine A totale n 31 32 26 23 Vitamine A totale 24 ± 3 0 – 60 100% 81 ± 10 4 – 224 100% 15 ± 3 0 – 60 100% 2,8 ± 0,8 0 – 18 100% Rétinol 14 ± 2 0 – 34 58% 5±1 0 – 13 6% 10 ± 2 0 – 32 67% 0,7 ± 0,2 0 – 2,8 25% Rétinyl ester 10 ± 2 0 – 54 42% 76 ± 10 3 – 217 94% 5±1 0 – 25 33% 2,1 ± 0,8 0 – 17,7 75% β-carotène 94 ± 15 0 – 365 3±1 0 – 22 37 ± 7 0 – 133 14,2 ± 3,6 0,5 – 79 Les résultats obtenus ont également montré que les concentrations en rétinol, rétinyl esters, vitamine A totale et β-carotène dans le plasma des vaches laitières étaient corrélées positivement avec les teneurs correspondantes du liquide folliculaire (P<0,05 à 0,01). En revanche, la corrélation des concentrations plasmatiques avec les teneurs correspondantes du corps jaune n’était significative que pour la forme rétinol de la vitamine A (P<0,05). Haliloglu et al. (2002) démontrent également, suite à des analyses menées sur des carcasses d’abattoirs que les teneurs en vitamine A du plasma, du corps jaune et du liquide folliculaire ne sont pas corrélées les une aux autres, alors que, au contraire, les teneurs en βcarotène de ces différents tissus sont significativement corrélées les unes aux autres, indépendamment de la vitamine A. Concernant la concentration intrafolliculaire en β-carotène, Schweigert et Zucker (1988) ont montré que, de la même manière que la vitamine A ou le cholestérol, elle ne dépendait ni de la taille ni de la qualité du follicule considéré, et qu’elle résultait plutôt du mécanisme de transport sanguin lié aux HDL de ces molécules. La très forte teneur en β-carotène du corps jaune, ainsi que la présence d’une enzyme de clivage locale, mettent en évidence le rôle de stockage local de ce tissu et sa capacité à fournir du rétinol in situ. Néanmoins du fait de son faible poids par rapport à l’organisme dans son ensemble, la quantité de β-carotène stockée dans le corps jaune peut être considérée comme négligeable lors de l’estimation des réserves corporelles totales des bovins. - 76 - Le foie et les tissus adipeux, du fait de leur taille dans l’organisme, comportent aussi de grandes quantités de β-carotène, même si les teneurs relevées sont moindres par rapport à celles du corps jaune. Il semble néanmoins que ce soit le sérum qui contienne la plus grande partie des réserves en β-carotène car, à concentrations comparables, le sang représente une part plus importante de l’organisme. Le foie joue un rôle central dans la disponibilité des caroténoïdes pour les organes cibles ; il régule en effet des étapes de leur distribution comme le recyclage biliaire, leur conversion en vitamine A, la mobilisation des réserves en caroténoïdes ou encore leur sécrétion associés aux lipoprotéines hépatiques. Le tissu adipeux possède principalement une fonction de stockage, et joue ainsi le rôle de réserves desquelles les caroténoïdes peuvent être mobilisés indépendamment des lipides lorsque l’apport alimentaire en β-carotène est réduit, ou lorsque les animaux mobilisent leurs réserves lipidiques corporelles. La corrélation entre les teneurs en β-carotène du plasma et du foie a été chiffrée de manière linéaire : lorsque le taux sérologique augmente de 1mg/l, la teneur hépatique augmente de 0,824 μg/g pour le groupe témoin, et de 2,118 μg/g pour le groupe test (Ashlwede et al., 1978). 9 Effet d’un apport en β-carotène sur les concentrations tissulaires en β-carotène et en vitamine A Une série d’expérimentations germaniques menées sur des génisses durant les années 1970 permet d’établir les teneurs moyennes en vitamine A et en β-carotène de différents tissus selon que l’apport alimentaire de β-carotène était nul (groupe test recevant, par kg de poids vif, 220 UI/kg de vitamine A) ou adéquat (groupe témoin recevant, par kg de poids vif, 0,3 mg de βcarotène et 100 UI de vitamine A). Les résultats ont montré que la teneur en β-carotène dans le corps jaune, le foie, les tissus adipeux et le sérum sanguin, était significativement inférieure chez les animaux soumis au régime pauvre en β-carotène (tableau 15). Les quantités de β-carotène présentes dans l’organisme sont donc fortement dépendantes de l’apport alimentaire. Tableau 15 : Teneur en β-carotène et en vitamine A de différents tissus et organes chez des génisses soumises à un apport en β-carotène différent (d’après Lotthammer et al., 1977 et Ahlswede et Lotthammer, 1978). β-carotène (μg/g ou mg/l) Tissus Vitamine A (μg/g ou UI/l) groupe témoin groupe test p groupe témoin groupe test p 0,91 (n=6) 2,34 (n=20) 0,24 (n=12) 0,78 (n=20) p<0,05 p<0,001 53,4 (n=6) 73,9 (n=20) 65,5 (n=12) 67,1 (n=20) NS NS 16,25 (n=6) 12,05 (n=18) 1,25 (n=12) 0,59 (n=20) p<0,001 p<0,001 0,28 (n=6) 1,01 (n=6) 1,84 (n=6) 0,14 (n=12) 0,53 (n=12) 0,61 (n=12) NS NS p<0,05 0,781 (n=114) 1,369 (n=90) 0,918 (n=288) 0,182 (n=238) 0,237 (n=96) 0,203 (n=293) p<0,001 p<0,001 p<0,001 1233 (n=111) 1743 (n=90) 1584 (n=288) 881 (n=238) 1377 (n=96) 1192 (n=293) p<0,001 p<0,001 p<0,001 Foie Essai I Essai III Corps jaune Essai I Essai III Tissus adipeux (I) Graisse mésentérique Graisse rénale Graisse sous-cutanée Sérum sanguin Essai I Essai II (1ère période) Essai III - 77 - Il existait une forte corrélation entre l’apport en β-carotène et son niveau sérique, mais une telle corrélation n’est pas retrouvée entre l’apport en vitamine A et son taux dans le sérum sanguin. L’apport suffisant en β-carotène fourni au groupe témoin induit une teneur sérologique en vitamine A plus élevée que pour le groupe expérimental (groupe test), qui reçoit pourtant un fort apport alimentaire en vitamine A. De même, il n’y a pas de corrélation entre le taux de vitamine A du foie et l’apport en vitamine A ou en β-carotène ; les teneurs en vitamine A du foie sont similaires entre les deux groupes d’étude. De nombreuses études ont confirmé cette corrélation entre le niveau journalier d’apport alimentaire en β-carotène et sa concentration dans le sérum sanguin : Bindas et al. (1984a), Ducker et al. (1984), Ascarelli et al. (1985), Akordor et al. (1986), Folman et al. (1987) et Wang et al. (1988). Mora et al. (2001) ont également porté leur attention sur l’influence de la dose de βcarotène apportée par voie alimentaire sur les concentrations tissulaires en β-carotène et en vitamine A chez le bœuf holstein, et les résultats sont rapportés dans le tableau 16. La supplémentation à 5,5 mg/kg MS n’a pas d’effet sur la quantité de β-carotène déposé dans le foie et les tissus adipeux, contrairement aux supplémentations plus fortes (44 ou 352 mg/kg MS). Il est possible que, dans le traitement par 5,5 mg/kg MS, la majeure partie du β-carotène absorbé soit convertie en rétinol, cette dose ayant été choisie car correspondant aux recommandations de 2200 UI/kg MS en vitamine A. Les concentrations en β-carotène du foie et de la graisse souscutanée sont une fonction carrée (P<0,05 et P<0,01 respectivement) de l’augmentation de l’apport alimentaire de β-carotène ; concernant la graisse rénale, la fonction est linéaire. Tableau 16 : Effet de la concentration alimentaire en β-carotène sur les concentrations tissulaires (en μg/g) en β-carotène et en rétinol chez des bovins holstein (d’après Mora et al., 2001) Apport en β-carotène (mg/kg de MS) Foie β-carotène Retinol Graisse sous-cutanée β-carotène Retinol Graisse rénale β-carotène Retinol a,b,c : des indices différents significativement différentes. 0 5.5 44 352 SE 0,8a 101,1a 1,2a 113,6a 4,7b 161,7b 8,1c 199,6b 0,7 13,96 0,07a 0,9 0,15a 1,0 0,5a 1,0 3,7b 1,0 0,57 0,08 ND ND 0,09a 0,23b 0,04 1,0 0,9 0,9 0,9 0,04 sur une même ligne signifient que les valeurs sont Par ailleurs, cette expérience ne révèle aucune différence significative de concentration en rétinol dans les tissus adipeux selon le traitement, seul le foie est affecté par les deux traitements les plus forts. Cela pourrait indiquer que le tissu adipeux ne possède pas la capacité de cliver le βcarotène et/ou de stocker la vitamine A. La concentration hépatique en rétinol répond selon une fonction carrée à l’élévation de l’apport alimentaire de β-carotène. Ces résultats signifient que le foie et le tissu adipeux n’ont qu’une capacité limitée de stockage de la vitamine A. Ils suggèrent également une capacité élevée des tissus étudiés à stocker le β-carotène, mais une moindre capacité à le convertir en vitamine A, ce qui pourrait expliquer la coloration jaune des graisses issues de carcasses bovines. En revanche, il a été montré par Gossen et al. (2004), qu’un apport ponctuel de βcarotène sous forme injectable à intervalle de 4 à 6 semaines ne permet pas d’élever durablement - 78 - le taux plasmatique de β-carotène (P>0,05) par rapport au groupe témoin, les prélèvements pour l’analyse des concentrations ayant été réalisés juste avant la prochaine injection (figure 20). Figure 20 : Concentrations sériques moyennes en β-carotène (μg/l) dans les groupes témoin et test (d’après Gossen et al., 2004). 2000 1500 1000 β-carotène NaCl 500 0 3-4 semaines 1-2 semaines jour de l'IA1 ante partum post-partum Durant la première expérience de Meyer et al. (1975), les groupes témoin et test reçoivent un régime pauvre en β-carotène durant la phase préparatoire (Essai II), et le taux plasmatique diminue très rapidement ; puis seul le groupe témoin est supplémenté en β-carotène comme décrit précédemment. Comme le montre la figure 28, l’écart entre les concentrations des deux groupes est important et stable jusqu’à ce que le groupe test soit à son tour supplémenté par la même dose de β-carotène : les teneurs sérologiques en β-carotène sont alors rapidement similaires dans les deux groupes en quelques jours. La différence entre les deux groupes de supplémentation est réversible à l’arrêt de la carence. béta-carotène (microg/ml) Figure 21 : Variation des concentrations sérologiques en β-carotène selon l’apport alimentaire : carence pour les 2 groupes puis supplémentation du groupe témoin en semaine 3 et du groupe test en semaine 31 (d’après Meyer et al., 1975). 3.5 3 2.5 2 1.5 1 0.5 0 Supplémentation groupe témoin Supplémentation groupe test groupe test groupe témoin 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 Temps (semaines) On retiendra que, malgré des différences notables de teneurs en β-carotène dans les organes de stockage (foie, tissus adipeux, corps jaune et plasma), les concentrations restent modérées, même chez les animaux recevant un apport alimentaire important. Les réserves en βcarotène sont donc faibles, chutent rapidement en cas de privation et ne permettent alors de maintenir un apport correct à l’organisme que pendant 3 à 4 jours. L’apport de β-carotène alimentaire, suite à une carence, permet un retour rapide à la normale des taux circulants. - 79 - Par ailleurs, les caractéristiques de l’expression et de l’activité du récepteur-transporteur entérocytaire et de l’enzyme de clivage tissulaire sont mal connues chez les vaches laitières. Les informations concernant le flux, le transport et le métabolisme des caroténoïdes au sein des tissus et entre des organes comme la paroi intestinale, le foie, les tissus adipeux, la mamelle et les organes reproducteurs sont insuffisantes pour comprendre pleinement la régulation du métabolisme du β-carotène. C. Le β-carotène et la fertilité des vaches laitières 1. β-carotène et modifications biochimiques du plasma Avant d’aborder l’influence précise du β-carotène sur les performances de reproduction des vaches laitières, certains auteurs ont tenté de mettre en évidence son effet sur le statut métabolique et énergétique des animaux, par le biais de l’étude de certains paramètres de la biochimie sanguine. a) Cholestérol et triglycérides La série d’études germaniques réalisées durant les années 1970, et visant à déterminer l’existence d’un effet spécifique du β-carotène, indépendant de la vitamine A, sur la fertilité des vaches laitières, comprenait des analyses de certains paramètres biochimiques du plasma des animaux des différents lots. Les résultats des deuxième et troisième essai montrent, concernant le taux de cholestérol plasmatique, des différences significatives entre les deux lots de génisses (supplémenté et non supplémenté), et sont présentés dans le tableau 17. Tableau 17 : Valeurs moyennes du taux de cholestérol plasmatique (mg/100ml) dans les groupes test et témoin et pour les 3 essais, et coefficients de corrélation avec le taux de βcarotène plasmatique (d’après Lotthammer et al., 1977). Lots expérimentaux Valeur Groupe témoin moyenne cholestérol Groupe test plasmatique Significativité Coefficient de Groupe témoin corrélation Groupe test Essai 1 91,4 ± 23,4 (n=129) 94,2 ± 24,0 (n=279) NS 0,455 0,082NS Essai 2 82,5 ± 13,2 (n=90) 87,2 ± 12,8 (n=90) P<0,05 0,235 0,450 Essai 3 101,9 ± 17,2 (n=301) 91,1 ± 15,7 (n=306) P<0,05 0,318 0,118 Cependant, ces résultats étaient discordants, la différence étant en faveur du groupe test (non supplémenté) dans l’essai II et du groupe témoin dans l’essai III, et ont donc été considérés comme non interprétables. Par ailleurs, ces études ont montré l’existence d’une corrélation positive entre les teneurs du sérum en cholestérol et en β-carotène et également que les animaux présentant les taux circulants de cholestérol inférieurs à la moyenne de leur groupe, avaient des teneurs en β-carotène plasmatique significativement inférieures aux animaux dont les taux de cholestérol étaient supérieurs à la moyenne de leur groupe. De même, l’étude menée par Folman et al. (1987) ne permet pas de mettre en évidence de différence significative pour les valeurs plasmatiques du cholestérol entre les groupes d’animaux supplémentés ou non en β-carotène. Néanmoins, elle révèle également une corrélation positive entre les taux de β-carotène et de cholestérol plasmatiques (tableau 18). - 80 - Tableau 18 : Coefficients de corrélation entre les taux plasmatiques de β-carotène et de cholestérol à différentes périodes (d’après Folman et al., 1987). Lots Semaines ante- ou post partum expérimentaux* -5 -2 4 8 12 a NS c NS A – A (n=50) 0,34 0,25 0,50 0,28 0,38b Car – A (n=50) 0,01NS -0,01NS 0,55d 0,52c 0,33a a a NS b Car – Car (n=55) 0,34 0,33 0,27 0,41 0,33a * La désignation des lots suit le mode de complémentation : la première et la deuxième partie du nom du lot correspondent respectivement à la supplémentation ante-partum et postpartum ; A et Car signifient respectivement vitamine A (sous forme de d’acétate de rétinol) et β-carotène. Signification des indices : a P<0,05 ; b P<0,01 ; c P<0,001 ; d P<0,0001 Ces résultats (pas d’influence de l’apport en β-carotène sur le taux de cholestérol plasmatique et corrélation avec le taux de β-carotène plasmatique) avait également été trouvée par Ascarelli et al. (1985), à la différence que, pour le groupe recevant la supplémentation en βcarotène, les corrélations entre les taux plasmatiques de cholestérol et de β-carotène étaient particulièrement fortes : pour des mesures couvrant la même période, les coefficients de corrélations variaient de 0,52 à 0,59 (P<0,01 pour r = 0,325). Cette étude n’a pas non plus permis de mettre en évidence un effet significatif de l’apport alimentaire en β-carotène sur le taux de triglycérides plasmatique. Au vu de ces différents résultats, il semble que le β-carotène n’a pas d’influence sur les taux de cholestérol et de triglycérides sanguins, mais une corrélation positive est très fréquemment retrouvée entre les teneurs plasmatiques en cholestérol et en β-carotène. Cette corrélation est particulièrement intéressante quand on sait que le cholestérol sanguin est un important précurseur de la progestérone produite par le corps jaune, qu’il pourrait être un indicateur de la fonction thyroïdienne chez les ruminants, et que le transport sanguin des carotènes s’effectue majoritairement grâce aux HDL. b) Transaminases SGOT Peu d’études ont inclus des mesures plasmatiques des transaminases (ou SGOT), et seule la première partie de l’essai II réalisé par Lotthammer et al. (1977) révèle des valeurs significativement supérieures pour le groupe ne recevant pas de complémentation en β-carotène (tableau 19). Ce seul résultat ne peut permettre d’affirmer que le β-carotène influe sur le fonctionnement hépatique. Tableau 19 : Valeurs moyennes plasmatiques des transaminases (en U/l) chez des vaches laitières soumises à des régimes supplémentés ou non en β-carotène (d’après Lotthammer et al., 1977 ; Ascarelli et al., 1985) Etude Lotthammer et al., 1977 Essai I Essai II Essai III Ascarelli et al., 1985 Lot β-carotène Lot témoin P 29,5 (n=123) 30,3 (n=66) 30,7 (n=301) 34,5 (n=55) 31,5 (n=264) 33,2 (n=60) 29,5 (n=306) 33,4 (n=46) NS P<0,05 NS NS - 81 - c) Glucose, insuline et glucagon Afin d’évaluer l’impact du β-carotène sur le métabolisme énergétique des vaches laitières, des études ont inclut des mesures de glycémie, ainsi que de ses hormones régulatrices, insuline et glucagon. Les résultats sont présentés dans le tableau 20. Aucune des études présentées ne permet de mettre en évidence de différence significative pour les teneurs plasmatiques en glucose, insuline et glucagon entre les lots expérimentaux de supplémentation. Il semble donc que l’apport alimentaire de β-carotène n’ait pas d’influence sur le métabolisme énergétique des vaches laitières. Tableau 20 : Valeurs moyennes plasmatiques du glucose, de l’insuline et du glucagon, chez des vaches laitières soumises à des régimes supplémentés ou non en β-carotène (d’après Bindas et al., 1984a ; Lotthammer et al., 1977 ; Ascarelli et al., 1985) Etude Lots expérimentaux β-carotène (600mg/j) Bindas et al., 1984a Témoin Significativité Test Lotthammer et al., 1977 Témoin (0.3mg/kg/j) Significativité Ascarelli et al., Rétinol (500-700 mg/j) 1985 Carotène Significativité d) Glucose (mg/dl) 64,6 60,7 NS 76,5 64,5 72,7 74,0 64,0 72,2 NS NS NS 55,6 57,4 NS Insuline (ng/ml) 0,77 0,87 NS _ _ _ _ _ _ Glucagon (ng/ml) 0,33 0,42 NS _ _ _ _ _ _ Urée et phosphate inorganique L’effet de l’apport en β-carotène sur l’urémie a été évalué par Ascarelli et al. (1985). Aucune différence significative n’était présente entre le groupe supplémenté en β-carotène et le groupe non supplémenté, ni sur la durée totale de l’expérimentation (valeurs moyennes égales respectivement à 349 mg/l et 344 mg/l, P>0,05), ni à aucun des moments de l’étude. Par ailleurs, les taux plasmatiques de phosphates inorganiques ont été relevés par Lotthammer et al. (1977) pour leurs trois études (tableau 21). Les résultats sont contradictoires : ils montrent que la phosphatémie est significativement plus élevée ou plus faible dans le groupe non supplémenté en β-carotène par rapport au groupe supplémenté pour respectivement l’essai I et l’essai II. Au vu de la faible différence numérique (malgré la significativité) et de la discordance entre les études, aucune signification n’a été accordée à ces résultats. Tableau 21 : Valeurs moyennes des taux de phosphates inorganiques (mg/dl) du sérum selon la supplémentation en β-carotène (d’après Lotthammer et al., 1977) Essai I Essai II Essai III Groupe test 8,4 ± 1,4 (n=251) 7,7 ± 0,7 (n=54) 8,1 ± 0,9 (n=283) Groupe témoin (0.3 mg/kg/j) 7,8 ± 1,2 (n= 117) 8,1 ± 1,0 (n=60) 8,3 ± 0,8 (n=276) P <0,001 <0,05 NS L’apport expérimental de β-carotène ne semble donc avoir d’influence ni sur l’urémie, ni sur la teneur en phosphates inorganiques du sérum, mais les informations disponibles à ce sujet - 82 - sont trop peu nombreuses pour émettre un jugement définitif. Il apparaît qu’à ce jour, aucun effet du β-carotène sur le métabolisme minéral et le fonctionnement rénal n’a été démontré. L’exploration biochimique ne permet pas de mettre en évidence un effet spécifique de l’apport alimentaire en β-carotène sur le métabolisme énergétique et minéral, pas plus que sur le fonctionnement hépatique et rénal des vaches laitières. La seule donnée significative concerne l’existence d’une corrélation fortement positive entre les taux de cholestérol et de β-carotène plasmatiques, information à mettre en relation avec le transport des caroténoïdes dans le sang, la synthèse de progestérone à partir du cholestérol circulant, et une éventuelle implication de la fonction thyroïde. 2. a) β-carotène et cycle ovarien Survenue, intensité et durée des chaleurs De nombreuses études ont été menées sur des vaches laitières multipares, et ne révèlent pas d’effet d’une supplémentation en β-carotène sur le délai de réapparition des chaleurs après le vêlage (intervalle vêlage-1ères chaleurs IVC1). Les résultats concernant ce critère, et selon des études menées sans traitement de synchronisation d’oestrus ou de stimulation hormonale, sont consignées dans le tableau 22. Tableau 22 : Intervalle vêlage-1ères chaleurs selon la supplémentation en β-carotène selon divers auteurs. Etude Supplémentation Lot témoin Lot β-carotène 0 – 300 mg/j Wang et al., 1988 PO 41,8 ± 4,1 (n=26) 45,2 ± 4,3 (n=25) 0 – 600 mg/j Bindas et al., 1984a PO 64 ± 11 (n=40) 74 ± 7 (n=35) 0 – 400 mg/j Akordor et al., 1986 PO 44,0 (n=23) 47,0 (n=28) P P>0,05 – NS P>0,05 – NS P>0,05 – NS Aucune différence significative n’a été trouvée entre les animaux recevant un apport alimentaire journalier en β-carotène et ceux ne recevant qu’une quantité équivalente en vitamine A. Les différences observées entre les études peuvent être expliquées par la proportion variable de chaleurs silencieuses en post-partum et par des qualités de détection inégales. De même, Gossen et Hoedemaker (2005) ont montré que le taux plasmatique de β-carotène n’influait pas sur le délai de reprise de la cyclicité post-partum. Des constatations similaires ont été faites lors de travaux menés avec utilisation de traitements hormonaux. Ainsi, après traitement par PGF2α dans le but de synchroniser et de prédire l’oestrus, Aréchiga et al. (1998) montrent que 3 injections de 800 mg de β-carotène autour de la date d’insémination ne modifient ni la proportion de vaches détectées en oestrus, ni l’intervalle entre l’administration de PGF2α et l’oestrus (respectivement 2,83 ± 0,16 jours et 2,90 ± 0,16 jours pour les groupes témoin et β-carotène). En revanche, les expérimentations menées par Meyer et al. (1975) et Lotthammer et al. (1976) révèlent que la supplémentation en β-carotène modifie la durée et l’intensité des chaleurs, ainsi que l’intervalle entre chaleurs chez les génisses laitières (tableau 23). Les chaleurs durent plus longtemps et l’intervalle entre chaleurs est plus faible chez les animaux recevant un régime pauvre en β-carotène par rapport aux génisses recevant une supplémentation. Les observations cliniques et gynécologiques qualitatives montrent également que la tonicité utérine, l’intensité de - 83 - l’expression des chaleurs et la quantité de glaires vaginales sont significativement diminuées chez les animaux carencés. Les différences entre les lots d’animaux disparaissent lorsqu’un supplément alimentaire en β-carotène est donné aux génisses recevant le régime pauvre en β-carotène (2nde période de l’essai II). Les effets de la carence sont donc réversibles. Tableau 23 : Intervalle entre chaleurs et durée des chaleurs (en jours) chez des génisses laitières selon la supplémentation en β-carotène (d’après Meyer et al., 1975 et Lotthammer et al, 1976). Intervalle entre chaleurs (jours) β-carotène Témoin P 20,4 ± 1,3 19,6 ± 1,4 P<0,05 (n=35) (n=82) Etude Essai I Essai II 1ère période 2nde période (supplémentation) Essai III 20,9 ± 1,7 (n=47) 21,7 ± 1,5 (n=13) 20,7 ± 1,8 (n=75) 20,2 ± 2,2 (n=58) 21,6 ± 1,1 (n=15) 20,1 ± 1,4 (n=78) P<0,1 NS P<0,05 Durée des chaleurs (jours) β-carotène Témoin P 1,9 ± 0,7 2,4 ± 0,8 P<0,05 (n=33) (n=62) 2,2 ± 0,7 (n=27) 2,5 ± 0,5 (n=12) - 2,9 ± 0,8 (n=26) 2,4 ± 0,7 (n=12) - P<0,05 P>0,05 - Il semble donc que la supplémentation en β-carotène, si elle n’a pas d’influence sur la survenue des premières chaleurs en post-partum, modifie la durée et l’intensité de l’expression de l’oestrus chez les génisses. Le manque d’informations fiables concernant l’intensité des chaleurs chez les multipares ne permet pas d’étendre ce résultat à toutes les vaches. Pour Akordor et al. (1986), l’expression de l’oestrus chez les multipares ne serait vraisemblablement pas affecté par le statut en β-carotène, alors que pour Lotthammer (1978), un apport insuffisant de β-carotène dans la ration peut provoquer une expression des chaleurs de faible intensité et de durée prolongée, ce qui rend le moment optimal d’insémination particulièrement difficile à déceler. b) Délai d’ovulation Chez les génisses laitières, conjointement à l’allongement de la durée des chaleurs chez les génisses, l’intervalle entre le premier jour des chaleurs et l’ovulation est augmenté d’une journée en moyenne chez les animaux carencés en β-carotène (Tableau 24). Cette anomalie est réversible à l’arrêt de la carence. Tableau 24 : Intervalle entre le premier jour des chaleurs et l’ovulation (en jours) selon la supplémentation en β-carotène (d’après Meyer et al., 1975 et Lotthammer et al, 1976). Etude Essai I Essai II 1 période ère 2nde période (supplémentation) Essai III Lot sans β-carotène 2,2 ± 0,6 (n=69) Lot avec β-carotène 1,3 ± 0,5 (n=35) P P<0,01 2,9 ± 1,1 (n=21) 2,5 ±1,4 (n=10) 2,29 ± 0,7 (n=49) 1,9 ± 0,8 (n=14) 2,1 ± 0,9 (n=12) 1,58 ± 0,64 (n=52) P<0,05 P>0,05 P<0,01 Le follicule préovulatoire est également moins fluctuant au premier jour des chaleurs chez les animaux carencés (Meyer et al., 1975), et l’intervalle entre le pic de LH et l’ovulation est significativement augmenté (groupe carencé : 44,5 à 4,.5 heures vs. groupe supplémenté : 20,4 à 31,4 heures ; P<0,0025 ; Schams et al., 1977). - 84 - Les résultats concernant le délai d’ovulation chez les vaches laitières multipares concordent avec les données décrites précédemment concernant l’effet du β-carotène sur les chaleurs. L’intervalle moyen entre le vêlage et la première ovulation n’est pas modifié par la supplémentation en β-carotène : il est respectivement de 28,5 jours contre 25,5 jours (Wang et al., 1988) et de 22 jours contre 19,5 jours (Akordor et al., 1986) pour les animaux supplémentés ou non ; la différence entre les lots n’est pas significative. c) Corps jaune et production de progestérone Le corps jaune des bovins contient environ deux à cinq fois plus de β-carotène que les organes et tissus de stockages principaux, tels que le foie, le tissu adipeux et le plasma, même en cas d’apport insuffisant. C’est cette forte concentration relative qui lui confère sa coloration jaune caractéristique, et qui suggère l’importance du β-carotène pour la croissance et la fonction lutéale. 9 Distribution du β-carotène dans les cellules lutéales Arikan et al. (2002) ont étudié la distribution du β-carotène au sein de cellules lutéales bovines fraîches ou issues de cultures, cultures qui étaient supplémentées, ou non, en β-carotène sous forme liée à des molécules de HDL. Des mesures réalisées grâce à des techniques de HPLC ont révélé, sans surprise, que les concentrations en β-carotène des cellules de culture augmentaient ou diminuaient significativement selon que le milieu de culture contenait, ou non, un apport de β-carotène. L’utilisation du spectroscope de Raman leur a permis d’affiner sa localisation. L’étude spectroscopique des fractions cellulaires montre que le β-carotène est localisé préférentiellement dans les composants cellulaires riches en lipides, même s’il peut être retrouvé dans tout le volume cellulaire. Les concentrations sont plus fortes dans la fraction microsomiale (constituée des membranes externes des cellules) que dans les autres fractions, mitochondriales ou nucléiques. L’existence d’un mécanisme de liaison du β-carotène dans la fraction microsomiale pourrait expliquer cette différence et également un effet éventuel sur la stéroïdogenèse. Le spectroscope de Raman, utilisé en mode image sur cellules fraîches entières, a confirmé cette distribution : les concentrations les plus fortes sont observées au niveau des surfaces cellulaires ainsi qu’en quelques points intracellulaires discrets, ne correspondant à aucun organite cellulaire connu et qui pourraient être des gouttelettes lipidiques. La présence de telles gouttelettes est bien connue dans les tissus à activité stéroïdogénique, et elles pourraient avoir une importance dans l’accumulation du β-carotène par les cellules lutéales. 9 β-carotène et formation du corps jaune Afin dévaluer l’effet du β-carotène sur la formation du corps jaune, Meyer et al. (1975) ont procédé à des relevés échographiques et, suite à l’abattage, aux mesures des ovaires et des corps jaunes des animaux d’expérimentation. Ils ont ainsi montré que la concentration en βcarotène relevée dans le corps jaune était significativement supérieure chez les génisses ayant reçu un apport en β-carotène (cf supra, tableau 15), et que la courbe d’évolution de taille du corps jaune des animaux carencés en β-carotène était significativement inférieure, durant la majorité du cycle, à celle des animaux recevant un supplément de β-carotène. Post-mortem, les ovaires des animaux recevant le supplément en β-carotène (10,9 ± 1,6 g) était plus lourds de 2,3 grammes que ceux du groupe carencé (8,6 ± 1,6 g ; P<0,005) et la même constatation pouvait être effectuée concernant le poids des corps jaunes : respectivement 4,9 ± 0,7 g vs 3,8 ± 0,7 g ; P<0,05 (Ahlswede et Lotthammer, 1978). - 85 - Par ailleurs, les résultats de cette étude montrent également que, pour les animaux supplémentés, la taille moyenne du corps jaune au 11ème jour du cycle à l’examen échographique est significativement supérieure, et que l’intervalle entre le premier jour des chaleurs et le jour d’observation du corps jaune de taille maximale est plus court (tableau 25). Ces différences disparaissent lorsque le groupe carencé reçoit une supplémentation. Tableau 25 : Mesures moyennes de l’évolution du corps jaune au cours du cycle selon la supplémentation en β-carotène (d’après Meyer et al., 1975) Etude : Essai II 1ère période 2ème période (supplémentation) Taille moyenne au 11ème jour du cycle (sur une échelle arbitraire de 1 à 9) β-carotène Témoin P 3,75 ± 0,85 2,71 ± 1,08 P<0,05 (n=24) (n=24) 4,36 ± 0,50 4,25 ± 0,87 P>0,05 (n=11) (n=12) Intervalle entre 1er jour des chaleurs et taille maximale (jours) β-carotène Témoin P 9,3 ± 1,9 13,3 ± 2,5 P<0,01 (n=23) (n=23) 8,3 ± 1,1 9,5 ± 2,3 P>0,05 (n=12) (n=14) L’ensemble de ces résultats montrent qu’un apport insuffisant en β-carotène modifie l’évolution du corps jaune : sa croissance est ralentie et ne parvient pas jusqu’à la taille maximale observée dans des conditions optimales. Comme pour les modifications de l’ovulation et des chaleurs, ces anomalies sont réversibles à l’arrêt de la carence. De plus, Haliloglu et al. (2002) observent une corrélation positive entre le taux de βcarotène du corps jaune et son diamètre (P<0,01) ou sa taille (P<0,05). Ils relèvent également une corrélation positive entre la concentration plasmatique en progestérone et le taux de β-carotène du plasma, du liquide folliculaire et du corps jaune d’une part, et entre la teneur en progestérone du corps jaune et le poids ou le diamètre du corps jaune (P<0,01) d’autre part. Ces observations suggèrent l’existence d’un effet de l’apport en β-carotène sur la fonction lutéale. 9 β-carotène et synthèse de progestérone par le corps jaune • Etudes menées in vitro sur des cultures de cellules lutéales L’expérimentation menée in vitro par Arikan et Rodway (2000) met particulièrement en évidence l’influence du β-carotène sur la production de progestérone par des cellules lutéales bovines. La première expérience vise à mesurer la production de progestérone par les cultures cellulaires après ajout dans le milieu de culture de β-carotène (sous forme de capsule de cyclodextrine) à différentes concentrations et en présence, ou non, de cholestérol, connu pour son rôle de précurseur de la progestérone. Durant les deux premiers jours, le cholestérol seul (25μg/ml), le β-carotène seul (2 μmol/ml), et plus encore la combinaison des deux induisent une production de progestérone significativement plus élevée que pour les cultures témoins (P<0,01 pour les traitements individuels et P<0,001 pour le traitement combiné). Après 4 jours de traitement, seules les cultures traitées au cholestérol seul montrent une différence de production significative, la concentration étant environ 10 fois supérieure à celles des autres cultures. Lors de la deuxième expérience, la production basale de progestérone, c’est-à-dire sans stimulation par le cholestérol, après traitement par différentes concentrations de β-carotène, décline au fil du temps quel que soit le traitement. L’ajout de β-carotène à la dose de 1μmol/l induit une stimulation rapide au 3ème jour mais cause un déclin rapide de la production rapide aux 5ème, 7ème et 9ème jours de traitement (progestérone indétectable à partir du 7ème jour). En revanche, si l’ajout de β-carotène à la dose de 0,1μmol/l n’affecte pas la production de progestérone au 3ème jour, elle la stimule de manière significative aux 5ème, 7ème et 9ème jours de traitement (P<0,01). - 86 - Les effets combinés de l’ajout aux cultures cellulaires de β-carotène (sous forme de capsule de cyclodextrine) à différentes concentrations (0,1 μmol/l ou 1 μmol/l) et associé au cholestérol, sur la production de progestérone par les cellules lutéales sont rapportés dans la figure 22 (3ème expérience). Le traitement des cellules par le cholestérol seul produit une stimulation significative de la production de progestérone (P<0,001) à chaque moment de l’expérience, et l’association au β-carotène à faible dose (0,1 μmol/l) engendre une stimulation encore plus forte. En revanche, l’utilisation d’une plus forte concentration de β-carotène (1μmol/l) associée au cholestérol provoque une inhibition significative (P<0,001) de la production de progestérone, qui chute à un niveau indétectable à partir du 7ème jour de traitement. 5 progestérone (ng/10 cellules) Figure 22 : Effets de l’ajout de β-carotène sur la production de progestérone stimulée par le cholestérol par des cultures de cellules lutéales (d’après Arikan et Rodway, 2000) 1000 800 témoin 600 cholestérol 25 μg/ml 400 200 0 1 3 5 7 9 β-carotène 0.1μmol/l et cholestérol 25 μg/ml β-carotène 1μmol/l et cholestérol 25 μg/ml Jours de traitement Les trois expériences précédentes montrent que le β-carotène à faible concentration, avec ou sans cholestérol, stimulerait la production lutéale de progestérone, au moins jusqu’au 9ème jour de traitement. Deux expériences supplémentaires ont alors été réalisées, afin d’évaluer les effets du β-carotène, utilisé en combinaison avec soit de la LH, soit du dibutyryl-AMPc, dont le rôle commun est de maintenir la stéroïdogenèse. Comme prévu, l’ajout de LH (100 ng/ml) ou de AMPc (1 μmol/l) stimulent significativement la production de progestérone durant toute la durée du traitement (P<0,01), mais en raison du faible nombre de cellules disponibles, aucune relation dose-dépendante n’a pu être mise en évidence. Néanmoins, le traitement des cultures de cellules lutéales par le cholestérol associé soit à la LH, soit à l’AMPc, induit une production de progestérone plus de trois fois supérieure à celle observée avec LH ou AMPc seuls. De manière inattendue, les cellules traitées avec une combinaison de β-carotène à dose faible (0,1 μmol/l) et de LH ou AMPc ont produit significativement moins de progestérone (P<0,001) du 5ème jour à la fin de la période de culture, que celles traitées avec LH ou AMPc seuls. La dernière expérience a été menée dans le but de confirmer l’observation précédente selon laquelle le β-carotène associé au cholestérol provoque une augmentation de la production de progestérone significative à partir de 7 jours, alors que la combinaison de ces deux molécules à la LH inhibe cet effet. Les résultats (figure 23) montrent que l’association β-carotène à faible dose (0,1 μmol/l)/cholestérol stimule de façon significative la production de progestérone à partir du 9ème jour, alors que l’ajout supplémentaire de LH inhibe substantiellement la stimulation produite par la LH donnée seule. - 87 - 5 Progestérone (ng/10 cellules) Figure 23 : Effets de l’ajout de β-carotène sur la production de progestérone stimulée par le cholestérol et la LH par des cultures de cellules lutéales (d’après Arikan et Rodway, 2000) cholestérol 25 μg/ml 1200 1000 800 cholestérol 25 μg/ml et βcarotène 0.1μmol/l 600 400 cholestérol 25 μg/ml et LH 100 ng/ml 200 0 1 3 5 7 Jours de traitement 9 cholestérol 25 μg/ml et βcarotène 0.1μmol/l et LH 100 ng/ml Les résultats de cet ensemble d’expérimentations indiquent que la sélection d’une dose optimale de β-carotène pour le traitement des cellules lutéales est indispensable. Les concentrations initiales de 1 à 2 μml/l, soit la moitié de la teneur retrouvée dans le liquide folliculaire, ont provoqué une stimulation précoce rapidement suivie par une inhibition de la production de progestérone. Il faut souligner que, dans le liquide folliculaire, le β-carotène est majoritairement lié aux HDL, et que sa biodisponibilité peut être augmentée dans cette étude du fait de sa présentation sous forme de capsule de cyclodextrine. Ainsi, des traitements par le βcarotène, à concentrations inférieures aux teneurs obtenues dans les conditions physiologiques, peuvent se révéler toxiques quand la cyclodextrine est utilisée pour l’approvisionnement des cellules lutéales. Cette toxicité, lorsque le β-carotène est utilisé à fortes concentrations, ou pendant de longues périodes d’incubation, provoque une inhibition de la production de progestérone, même en présence LH ou d’AMPc. Les hypothèses avancées pour expliquer cet effet évoquent la possibilité qu’à forte concentration et dans certaines circonstances, le β-carotène se comporte comme un pro-oxydant et augmente les dommages cellulaires oxydatifs provoqués par la stéroïdogenèse. Si tel était le cas, l’augmentation des dommages cellulaires pourrait inhiber la stéroïdogenèse sans que l’on observe pour autant une diminution du nombre de cellules ou une baisse de leur viabilité. Dans cette étude, l’utilisation de faibles concentrations de β-carotène (0,1μmol/l) permet de maintenir un niveau élevé dans la sécrétion de progestérone par les cellules lutéales. Cet effet pourrait être lié à son rôle d’anti-oxydant et d’agent réducteur des radicaux libres. En effet, le processus de stéroïdogenèse provoque la formation de radicaux libres particulièrement liposolubles et donc accumulés dans les membranes cellulaires, et les fortes concentrations de βcarotène des ovaires et des glandes surrénales sont susceptibles de protéger les membranes des organites cellulaires des dommages oxydatifs occasionnés, et ainsi de maintenir la synthèse des hormones stéroïdes, dont la progestérone. La stimulation de la production de progestérone par le cholestérol (précurseur de la progestérone), la LH et l’AMPc (impliqués dans plusieurs étapes de la biosynthèse de progestérone) est bien connue. Mais les mécanismes par lesquels le β-carotène interagit avec les deux derniers sont peu clairs. Ici, le traitement par le β-carotène associé à la LH ou à l’AMPc induit une stimulation significativement moins importante que lorsque la LH ou l’AMPc sont utilisés seuls. L’action de la LH, outre d’augmenter la quantité d’AMPc, consiste à stimuler la formation de jonctions intercellulaires communicantes de type gap, qui jouent un rôle important - 88 - dans la régulation de la stéroïdogenèse mais également de la lutéolyse. Le β-carotène serait susceptible lui aussi de stimuler la formation de gap-junctions, il est donc possible que la combinaison de fortes concentrations de LH et de β-carotène stimule fortement la mise en place de ces jonctions intercellulaires communicantes à tel point que l’apoptose cellulaire et la lutéolyse puissent survenir. • Etudes menées in vivo Les observations de Haliloglu et al. (2002) détaillées précédemment confirment celles de Ahlswede et Lotthammer (1978) qui montrent que la concentration en progestérone dans le corps jaune du groupe déficient en β-carotène est significativement inférieure à celle du groupe recevant un supplément alimentaire en β-carotène (16,81 ± 11,3 μg/g vs 24,00 ± 8,2 μg/g ; P<0,05). De même, Schweigert et Zucker (1988) observent une corrélation positive significative (coefficient de corrélation : 0,38 ; P>0,02) entre les concentrations intrafolliculaires de progestérone et de β-carotène. Graves-Hoagland et al. (1989) ont étudié in vivo l’influence de la concentration plasmatique en β-carotène sur la production de progestérone par le corps jaune de 39 vaches laitières en post-partum après pic de LH induit par injection de GnRH. Les résultats de cette étude ont révélé des coefficients de régression positifs pour la relation entre le pourcentage d’évolution de progestérone et la concentration plasmatique de β-carotène, et tendent à être significatifs pour la race jersey (réputée présenter des taux élevés de β-carotène sanguin) durant l’été (b=1,45 ; P<0,08). Cependant Schams et al. (1977) ont comparé les courbes de progestéronémie chez des génisses de race pie noire allemande recevant soit un apport réduit en β-carotène, soit 300 mg de β-carotène par jour. En utilisant comme critère relatif le calcul des aires sous courbes (figure 24), il n’existe pas de différence significative entre les deux groupes de supplémentation. 8 6 β-carotène 4 Témoin 2 17 15 13 11 9 7 5 3 0 1 Progestéronémie (ng/ml) Figure 24 : Profils de progestéronémie typiques de chaque groupe de supplémentation (d’après Schams et al., 1977) Durée du cycle (jours) De la même manière, ni Ascarelli et al. (1985), ni Bindas et al (1984a) n’observent de différence significative pour les taux de progestérone du plasma entre les vaches laitières hautes productrices de race holstein supplémentées en β-carotène alimentaire et celles recevant un équivalent en vitamine A. - 89 - Ces résultats concordent avec ceux de Wang et al. (1988) qui montrent que, pour le premier et pour le deuxième cycle, la durée du cycle (en jours) et la progestéronémie maximale sont similaires entre les vaches holstein recevant, ou non, un supplément alimentaire en βcarotène. L’étude menée par Gossen et al. (2004) et visant à évaluer l’effet de trois injections par voie intramusculaire de 200mg de β-carotène (soit 20 ml de Carofertin®) réalisées à un mois d’intervalle durant une période s’étendant de l’ante-partum à l’IA, sur la fertilité de vaches et de génisses de race pie noire allemande croisées holstein, révèle que la quantité de progestérone totale produite au cours du cycle (mesurée par l’aire sous la courbe), la progestéronémie moyenne par jour, et la progestéronémie maximale ne diffèrent pas entre les animaux recevant la supplémentation par la solution injectable et ceux traités par injection de sérum physiologique de même volume. En revanche, Schams et al. (1977) montrent que le retard d’ovulation observé précédemment (cf supra, tableau 24) s’exprime aussi dans l’intervalle entre le pic de LH et l’augmentation de la progestéronémie jusqu’à une valeur de 1ng/ml, même si la quantité de progestérone produite au cours du cycle n’est pas affectée par un apport insuffisant en β-carotène (Tableau 26). Ainsi, il existe un retard dans la montée de la progestérone plasmatique, retard qui n’est qu’une tendance pour l’essai II (1ère période) mais qui est significatif pour l’essai I. Cet effet de l’apport en β-carotène sur la fonction lutéale est également retrouvé sur des vaches adultes par Lotthammer (1978), avec une production hésitante de progestérone chez les animaux recevant un apport insuffisant en β-carotène. Tableau 26 : Intervalle (en heures) entre le pic de LH et l’augmentation de la progestéronémie jusqu’à une valeur de 1 ng/ml chez des génisse supplémentées ou non en β-carotène (d’après Schams et al., 1977) Etude Essai I Essai II (1ère période) Lot supplémenté 92 ± 7 (n=5) 104 ± 20 (n=6) Lot carencé 103 ± 14 (n=9) 112 ± 23 (n=6) P P<0,05 P>0,05 Bindas et al. (1984b) ont étudié la réponse progestéronique du corps jaune suite à l’injection de 5 000 UI de hCG à 10 jours post-partum chez des vaches holstein supplémentées, ou non, en β-carotène (600mg/jour). Dans ce but, des mesures de la progestéronémie ont été réalisées à dix minutes d’intervalle, durant une période de 6 heures débutant une heure avant l’injection de hCG. Les premiers résultats montrent que, comme dans les études susnommées, le taux de progestérone plasmatique n’est pas affecté par le traitement. Néanmoins, l’étude des courbes de régression cubique de la progestérone au cours de l’échantillonnage révèle des réponses différentes à hCG selon le groupe de supplémentation. Initialement, la progestéronémie augmente plus rapidement chez les vaches supplémentées en β-carotène que chez les vaches du groupe carencé, mais après 60 minutes, la sécrétion de progestérone augmente plus fortement pour les animaux du lot carencé alors qu’elle ralentit chez le groupe supplémenté. Cinq heures après l’injection de hCG, la progestéronémie des deux groupes est similaire. Cette différence de comportement dans la réponse à hCG suggère qu’une supplémentation en β-carotène serait susceptible de modifier la production lutéale de progestérone dans le temps, et de jouer un rôle dans la stéroïdogenèse ovarienne, ce qui avait été suggéré par les études in vivo (Arikan et Rodway, 2000). - 90 - 3. a) β-carotène, fertilité et fécondité Délais de mise à la reproduction et délai de fécondation 9 Intervalle vêlage – 1ère insémination (IVIA1) Concernant le délai de mise à la reproduction, la plupart des auteurs ne peuvent mettre en évidence de différence significative pour les intervalles entre vêlage et première insémination (IVIA1), entre des groupes de vaches supplémentées ou non, en β-carotène. Les résultats de ces études sont reportés dans le tableau 27, et sont comparables entre eux, avec un IVIA1 compris entre 63 et 79 jours pour les supplémentations données par voie alimentaire, quel que soit le groupe étudié. Tableau 27 : Délais moyens de mise à la reproduction (IVIA1 en jours) selon la supplémentation en β-carotène et selon différents auteurs Auteurs Supplémentation en β-carotène Bindas et al., 1984a Bindas et al., 1984b IVIA1 Lot contrôle Race* Nb d'animaux (suppl/contrôle) Lot supplémenté 600mg/j de 30 à 90j PP; PO holstein 32 S/ 37 C 74 ± 4 76 ± 4 P>0,05 600mg/j de 30 à 90j PP; PO holstein 10 S / 10 C 63 67 P>0,05 Ascarelli et al, 500mg/j AP et 1985 750mg.j PP; PO VLHP 70 S / 65 C 64,9 68,2 P>0,05 P Akordor et al., 1986 400mg/j à partir de 10j PP; PO holstein 28 S / 24 C 77 73 P>0,05 Folman et al., 1987 500mg/j AP et 700mg.j PP; PO VLHP 55 S / 50 C 79,4 79,9 P>0,05 Wang et al., 1988 300mg/j de 3 à 98j PP; PO holstein 25 S / 26 C 69,3 ± 2,9 59,1 ± 2,8 P<0,05 Gossen et al., 3x200mg de -4s à 2004 8s PP; IM DSBxHF 85 S / 85 C 88,5 ± 29,5 84,4 ± 25,6 P>0,05 * VLHP : haute productrice de race non précisée DSBxHF : pie noire allemande croisée holstein Néanmoins, certaines études montrent des résultats discordants. Wang et al. (1988) trouvent que la mise à la reproduction est significativement retardée chez les animaux supplémentés, mais n’expliquent pas cette différence. Selon Gossen et Hoedemaker (2005), l’IVIA1 de vaches de race pie-noire allemande croisée holstein diffère selon le taux plasmatique de β-carotène et selon le moment du dosage : ainsi, les vaches dont la concentration sérologique trois à quatre semaines avant vêlage est la plus faible ont un IVIA1 supérieur à celles dont la concentration sérologique est la plus forte (90,4 jours vs 81,2 jours), mais la différence n’est pas significative. Lors du deuxième dosage, réalisé une à deux semaines après le part, il n’y a pas de corrélation entre le taux de β-carotène plasmatique et le délai de mise à la reproduction. Et enfin, les animaux dont le taux plasmatique de β-carotène au moment de l’IA est le plus faible ont un IVIA1 significativement plus élevé que celles dont la sérologie en β-carotène est forte (93,2 jours vs 80,2 jours, P<0,05). - 91 - Les résultats concernant le délai de mise à la reproduction sont donc très variés selon les auteurs, la race utilisée et le mode de supplémentation en β-carotène. 9 Intervalle vêlage – insémination fécondante (IVIAF) Les délais de fécondation (IVIAF) obtenus par divers auteurs sont rassemblés dans le tableau 28 et sont à étudier en parallèle des délais de mise à la reproduction (IVIA1, tableau 27). Certains auteurs n’ont trouvé de différence selon l’apport en β-carotène pour aucun de ces deux critères (Bindas et al., 1984a ; Akordor et al., 1986 ; Gossen et al., 2004). Tableau 28 : Délais moyens de fécondation (IVIAF en jours) selon la supplémentation en βcarotène et selon différents auteurs IVIAF Auteurs Supplémentation en β-carotène Race* Nb d'animaux (suppl/contrôle) Lot supplémenté Lot contrôle P Bindas et al., 1984a 600mg/j de 30 à 90j PP; PO holstein 32 S/ 37 C 95 ± 11 102 ± 8 P>0,05 Bindas et al., 1984b 600mg/j de 30 à 90j PP; PO holstein 10 S / 10 C 116 186 P<0,05 Akordor et al., 1986 400mg/j à partir de 10j PP; PO holstein 28 S / 24 C 97 82 P>0,05 Folman et al., 1987 500mg/j AP et 700mg.j PP; PO VLHP 55 S / 50 C 147,8 110,4 P<0,01 85 S / 85 C 107 ± 39,4 108 ± 37,2 P>0,05 Gossen et al., 3x200mg de -4s à 2004 8s PP; IM DSBxHF * VLHP : haute productrice de race non précisée DSBxHF : pie noire allemande croisée holstein Cependant, Bindas et al. (1984b) observent que le délai de fécondation après le vêlage est augmenté lors de carence en β-carotène (IVIAF de 116 jours pour le groupe supplémenté, et de 186 jours pour le groupe à apport réduit : P<0,05), alors que les IVIA1 n’étaient pas différents. Les résultats d’IVIAF de l’étude menée par Gossen et Hoedemaker (2005) sont similaires aux observations concernant l’IVIA1 : ainsi, comme pour l’IVIA1, les plus fortes valeurs d’IVIAF sont observées chez les animaux dont le taux de β-carotène plasmatique était le plus bas. Une corrélation négative significative est même présente entre la concentration sérologique du βcarotène et le délai de fécondation (r : -0,19 ; P<0,05). Un apport en β-carotène pourrait donc, d’après ces deux études, favoriser une diminution de la durée de l’IVIAF. Inversement, Folman et al. (1987) montrent qu’une supplémentation provoquerait un allongement du délai de fécondation avec un IVIAF à respectivement 147,8 jours et 110,4 jours pour les lots supplémentés ou non (P<0,01). Le retard de fécondation lors de supplémentation en β-carotène n’est significatif que pour les animaux âgés, c’est-à-dire dans ce cas pour les vaches de parité supérieure ou égale à 4. 9 Intervalle 1ère-insémination – insémination fécondante (IA1-IAF) Le critère IA1-IAF (intervalle 1ère insémination-insémination fécondante) reflète précisément le retard de fécondation accumulé à cause des échecs d’insémination et permet d’expliquer les éventuelles augmentations de l’IVIAF. Il sera donc à mettre en relation avec les taux de conception. - 92 - Les résultats de Gossen et al. (2004) concernant les effets du β-carotène par voie injectable sur la fertilité des vaches laitières, montrent qu’il n’y a logiquement de différence ni pour l’IVIA1 et l’IVIAF, ni concernant l’IA1-IAF, entre les vaches recevant le traitement et celles recevant le placebo (P>0,05). L’étude menée sur des génisses holstein par Ducker et al. (1984) montre que, chez les animaux supplémentés per os en β-carotène (300 mg/jour), il existe une corrélation négative significative entre le taux plasmatique de β-carotène au moment de la première insémination, et la durée de la période comprise entre cette date et l’établissement de la gestation (r = -0,289 ; P<0,05). Selon eux, la raison principale de cette corrélation est que les génisses dont le taux plasmatique de β-carotène était supérieur à 5,75 mg/l au moment de l’IA ont eu de meilleurs taux de conception en 1ère IA que celles à taux plasmatique inférieurs (0,69 et 0,47 respectivement). Cette corrélation n’a pas été retrouvée chez les animaux ne recevant qu’un équivalent en vitamine A. Cet effet n’a pu être attribué à un état corporel autour de l’IA trop faible. La corrélation négative entre le taux plasmatique de β-carotène et la durée du retard de fécondation a également été retrouvée par Gossen et Hoedemaker (2005). Les animaux présentant les plus faibles taux sériques de β-carotène trois à quatre semaines après le vêlage ont un IA1-IAF plus de deux fois supérieur à celui des vaches à fort taux sérique (respectivement 34,7 et 16,3 jours ; P<0,05), et le coefficient de corrélation est aussi significatif (r= -0,19 ; P<0,05). Au vu de ces résultats, il semble que des taux plasmatique de β-carotène bas, et donc des apports insuffisants, puissent entraîner un retard de fécondation, même si le délai de mise à la reproduction n’est pas modifié. Les causes envisageables d’un tel allongement de l’intervalle entre première insémination et insémination fécondante sont principalement liées à une forte proportion d’échecs à l’insémination. b) Réussite à l’insémination et taux de gestation 9 Taux de réussite en 1ère insémination (TRIA1) Les résultats de diverses études, concernant le taux de réussite en première IA, montrent que le TRIA1 est généralement meilleur pour les vaches recevant un apport alimentaire en βcarotène que pour les animaux carencés, mais aucune différence significative n’est établie dans ce sens (tableau 29). Les taux de conception lors de la première insémination sont plutôt faibles, même dans le lot supplémenté, mais sont à corréler avec les forts potentiels de production laitière des animaux de ces études. Seuls Ascarelli et al. (1985) montrent que, durant la première période de vêlages, les vaches jeunes (2ème ou 3ème lactation) supplémentées en β-carotène ont des TRIA1 significativement plus élevés que celles ne recevant pas de supplémentation (respectivement 70% vs 33% ; P<0,05). Cependant, Folman et al. (1987) trouvent un effet inverse très significatif : le TRIA1 est considérablement plus faible chez les animaux recevant la supplémentation en β-carotène. Par ailleurs, cette diminution du taux de conception en première insémination chez les animaux complémentés est également présente lors de la deuxième IA (TRIA2 respectivement égale à 35,9% et 69,2% pour le lot complémenté et le lot témoin P<0,025). - 93 - Tableau 29 : Effet d’une supplémentation en β-carotène sur le taux de réussite en première insémination selon différents auteurs. Taux de réussite en 1ère IA Auteurs Race* Lot supplémenté Lot contrôle Lotthammer et al., 1976 DSB 68,4% (n=19) 40% (n=20) Ducker et al., 1984 holstein 55% (n=80) 48% (n=80) Ascarelli et al., 1985 VLHP 49% (n=70) 37% (n=65) Akordor et al., 1986 holstein 54% (n=28) 54% (n=24) Folman et al., 1987 VLHP 21,8% (n=55) 46% (n=50) Wang et al., 1988 holstein 38,1% (n=25) 30,2% (n=26) Aréchiga et al., 1998 (inconnue) 21,6% (n=37) 24,4% (n=41) Gossen et al., 2004 DSBxHF 37,7% (n=85) 41,9% (n=85) * VLHP : haute productrice de race non précisée DSBxHF : pie noire allemande croisée holstein DSB : pie noire allemande P P>0,05 P>0,05 P>0,05 P>0,05 P<0,025 P>0,05 P>0,05 P>0,05 Les études de Aréchiga et al. (1998) et de Gossen et al. (2004), relatives à l’effet d’un apport en β-carotène par voie injectable (respectivement 3 injections de 800 mg réalisées dans les jours encadrant l’IA et 3 injections de 200 mg dans les semaines encadrant le part), ne permettent pas non plus d’établir de différence significative entre le lots supplémenté et le lot recevant le placebo, et les résultats sont parmi les plus faibles. Si l’on considère la relation entre le taux de β-carotène plasmatique et le taux de réussite en 1 insémination, les données disponibles sont peu nombreuses et parfois inexplicables. Ainsi, Gossen et Hoedemaker (2005) montrent qu’au moment de l’insémination, le TRIA1 est significativement plus faible (TRIA1 = 23,8%) pour les vaches à sérologie comprise entre 751 et 947 μg/l par rapport aux vaches à sérologie inférieure (TRIA1 = 45,5%) ou supérieure (TRIA1 de 42,9% à 47,6% ; P<0,05). Ces résultats sont doivent être interprétés avec d’autant plus de précautions que les animaux de l’étude n’étaient pas supplémentés en β-carotène. ère Pour leur part, Ducker et al. (1984) ne trouvent pas de différence significative de concentration plasmatique de β-carotène entre les génisses devenues, ou non, gestantes après l’insémination (insémination précédée d’une synchronisation de l’IA par le cloprosténol), que ce soit dans le lot recevant la supplémentation en β-carotène (respectivement 5,78 ± 0,2 et 5,35 ± 0,2 mg/l) ou dans le lot témoin (respectivement 2,30 ± 0,2 et 2,45 ± 0,1 mg/l). Avant d’étudier l’influence d’une supplémentation en β-carotène sur les taux de conception et de gestation globaux, certains auteurs se sont intéressés aux taux de réussite pour les inséminations suivantes. Ainsi, le taux de conception après la deuxième insémination (c’est-àdire IA1 et IA2 confondues) tend à être nettement meilleur chez les animaux complémentés en β-carotène par rapport à ceux n’en recevant pas (respectivement TRIA1+2 de 79% vs 67% ; Akordor et al., 1986), et la différence est même significative pour une étude portant sur des génisses (respectivement 89,5% vs 55%, P<0,05 ; Lotthammer et al., 1975). Après la troisième insémination, le taux de conception est significativement plus élevé chez les vaches supplémentées (93% vs 71%, P<0,05), mais cet effet s’inverse plus tard (taux de conception en 4ème insémination et plus = 3% vs 21%, P<0,01). Il semble donc que, pour ces auteurs, une supplémentation en β-carotène augmente les chances de réussite en 2ème et 3ème insémination. - 94 - 9 Taux de conception global Le taux de conception global est défini comme étant le taux de réussite à l’IA, toutes inséminations confondues. Les résultats obtenus selon les différentes études (tableau 30) ne permettent pas de dégager de tendance nette. Tableau 30 : Effets d’une supplémentation en β-carotène sur les taux globaux de conception et de gestation selon différents auteurs. Auteurs Race Ducker et al., 1984 Ascarelli et al., 1985 Akordor et al., 1986 H VLHP H Folman et al., 1987 Wang et al., 1988 Gossen et al., 2004 VLHP H DSBxH Taux de conception global Lot Lot supplémenté contrôle P 50,0% 37,0% P>0,05 27,9% 31,9% 53,9% 38,7% P<0,001 P>0,05 Taux de gestation durant l’étude Lot Lot supplémenté contrôle P 86,0% 94,0% P>0,05 96,0% 92,0% P>0,05 40,0% 47,6% 70,8% 66,0% 41,7% 79,8% P<0,02 P>0,05 P>0,05 Folman et al. (1987) trouvent un taux de conception global significativement inférieur pour les animaux supplémentés en β-carotène par rapport à ceux ne recevant qu’un apport équivalent en vitamine A, ce qui concorde avec leurs résultat concernant les taux de réussite aux première et deuxième insémination. Par ailleurs, en affinant leurs résultats, Ascarelli et al. (1985) montrent, pendant la première période de vêlages, que le taux de conception est meilleur chez les jeunes vaches (2ème et 3ème lactation) supplémentées par rapport au jeunes vaches non supplémentées (respectivement 71% vs 38% ; P<0,01). Si l’on considère soit les jeunes animaux de toute l’expérimentation, soit tous les animaux de la première période, cet effet est toujours présent bien que moins fort (respectivement 54% vs 38% et 55% vs 38% ; P<0,05), mais il disparaît dans les résultats finaux englobant tous les animaux sur toute la durée de l’étude. Au vu de ces résultats, l’influence du β-carotène sur le taux de conception des vaches laitières reste mal connue, même si une interaction avec l’âge semble vraisemblable, au bénéfice des animaux les plus jeunes (2ème et 3ème lactation). 9 Taux de gestation global : TG Le taux de gestation global est le pourcentage de vaches gestantes par rapport au nombre de vaches mises à la reproduction (tableau 30). De même que pour le taux de conception, la plupart des études ne permettent pas de conclure à une influence de la supplémentation en βcarotène sur le taux de gestation, et seuls Folman et al. (1987) trouvent un effet négatif. Néanmoins, ce sont surtout les vaches les plus âgées (4ème lactation et plus) qui sont touchées par cette influence négative de la supplémentation en β-carotène avec un taux de gestation à 120 jours post-partum de 20% dans le lot « vaches âgées supplémentées » contre respectivement 68,6%, 60% et 56,7% dans les lots « vaches jeunes témoins », « vaches âgées témoins » et « vaches jeunes supplémentées » (P<0,02). Ces résultats confirment, en un sens, les observations de Ascarelli et al. (1986) sur le taux de conception global : la baisse du taux de gestation atteint plus volontiers les vaches âgées (en 4ème lactation et plus) que les vaches jeunes. - 95 - Il apparaît donc que la parité des vaches laitières aurait une influence sur les modifications des taux globaux de conception et de gestation provoquées par une supplémentation en βcarotène, le plus grand bénéfice allant aux jeunes animaux. c) Nombre d’inséminations réalisées 9 Coefficient d’utilisation des paillettes : CUP Le coefficient d’utilisation des paillettes est le rapport du nombre total d’inséminations sur le nombre de vaches inséminées au moins une fois. Il permet de quantifier l’utilisation des paillettes sur l’ensemble du troupeau, en ne dissociant pas les vaches selon qu’elles sont gestantes ou non. Les résultats des différentes études concernant ce critère sont reportés dans le tableau 31. Selon l’étude menée sur des génisse de race pie-noire allemande par Lotthammer et al. (1976), le coefficient d’utilisation des paillettes est significativement inférieur dans le lot supplémenté en βcarotène par rapport au lot carencé, ce qui concorde avec les observations détaillées précédemment sur les taux de réussite en 1ère et 2ème insémination. Les autres auteurs ne peuvent établir de différence pour le CUP selon la supplémentation en β-carotène. Tableau 31 : Influence de la supplémentation en β-carotène sur le nombre d’inséminations réalisées selon différents auteurs. Coefficient d’utilisation des paillettes Lot Lot supplémenté contrôle P Auteurs Nombre d’IA par fécondation Lot Lot supplémenté contrôle P Lotthammer et al., 1976 Bindas et al., 1984a Bindas et al., 1984b 1,42 ± 0,69 - 2,00 ± 0,91 P<0,05 - 1,7 ± 0,3 3,2 ± 0,8 1,9 ± 0,2 5,1 ± 1,0 P>0,05 P>0,05 Ducker et al., 1984 Akordor et al., 1986 Folman et al., 1987 Gossen et al., 2004 1,9 ± 0,15 2,14 - 2,0 ± 0,15 2,00 - 1,63 2,9 1,72 ± 0,9 1,86 1,8 1,76 ± 1,0 P>0,05 P<0,05 P>0,05 9 P>0,05 P>0,05 Nombre d’inséminations par gestation : NIA/F Le nombre d’inséminations par gestation, fréquemment nommé index de gestation par les anglo-saxons et les allemands, a été plus fréquemment utilisé que le coefficient des paillettes, même s’il doit être interprété en relation avec le taux de gestation. En effet, si dans un troupeau le taux de gestation est faible, cela pourra induire une surévaluation du nombre d’inséminations réalisées, même si chaque vache mise à la reproduction n’a pas nécessité l’utilisation d’un grand nombre de paillettes (CUP faible). Les résultats de diverses études concernant ce paramètre (tableau 31) semblent dégager une tendance à la réduction du nombre d’inséminations par gestation chez les animaux supplémentés en β-carotène. Selon Bindas et al. (1984b) la différence est importante, mais ne peut être significative du fait du faible échantillonnage (moins de 10 vaches dans chaque groupe). Ces observations sont à nouveau en contradiction avec celles de l’étude de Folman et al. (1987), pour laquelle le nombre d’inséminations par gestation des animaux supplémentés est plus de deux fois supérieur à celui des animaux du lot témoin (P<0,005). Par ailleurs, dans cette étude, l’influence de l’âge est encore une fois démontrée : les plus mauvais résultats concernent les animaux âgés du lot supplémenté. Le NIA/F des vaches du lot témoin est de 1,80 pour les deux - 96 - catégories d’âge, et augmente dans le lot supplémenté jusqu’à 2,45 (P>0,05 : NS) pour les vaches en 2ème ou 3ème lactation et à 3,38 (P<0,001) pour les vaches en 4ème lactation et plus. Ils mettent également en évidence une forte corrélation positive entre le taux plasmatique de β-carotène aux semaines 4, 8 et 12 post-partum, et le nombre d’inséminations par conception de vaches en 4ème lactation et plus : coefficient de corrélation égal respectivement à 0,51 (P<0,001), 0,42 (P<0,005) et 0,33 (P<0,02). L’influence du taux plasmatique de β-carotène sur le nombre d’inséminations par fécondation a été étudiée par Gossen et al. (2005) ; le NIA/F des animaux dont le niveau sérique au moment de l’insémination est comprise entre 947 μg/l et 1176 μg/l ont un NIA/F significativement plus faible que celui des animaux à sérologie comprise entre 751 μg/l et 947 μg/l (respectivement 1,6 et 2,0 ; P<0,05). Aucune différence significative n’a été relevée pour les autres catégories de taux plasmatiques en β-carotène (supérieurs ou inférieurs). d) Fécondité économique à long terme : IVV et réformes L’influence d’une supplémentation en β-carotène sur les critères de fécondité dont l’impact économique est visible sur le long terme, comme l’intervalle vêlage-vêlage et le taux de réforme pour infertilité, n’a été que peu étudiée. Dans la majorité des études, soit les animaux étaient sacrifiés à la fin de l’expérimentation en vue de mesures des organes ou d’analyses des teneurs tissulaires en β-carotène et en vitamine A (Meyer et al., 1975, Lotthammer et al., 1976), soit ces paramètres ne figurent pas dans les résultats. Gossen et al (2004) n’ont pu mettre en évidence de différence pour l’intervalle vêlagevêlage entre les animaux recevant un apport en β-carotène sous forme injectable (3 injections de 200 mg par voie intramusculaire durant les semaines encadrant le part et l’insémination) et les animaux recevant un placebo (respectivement 385 et 386 jours, P>0,05). Ils se sont également intéressés aux motifs de réforme de chaque groupe : le taux de réforme global était de 44% pour les animaux supplémentés et de 39,6% pour les animaux du lot témoin (P>0,05). Les problèmes d’infertilité étaient la première cause de réforme dans les deux groupes ave respectivement 19% et 11,9% pour les lots supplémenté ou non, mais la différence n’est pas significative. Les autres causes de réforme sont, par ordre d’importance relative, les pathologies mammaires, locomotrices et les faibles productions ; les proportions de vaches réformées pour chacun de ces motifs ne diffèrent pas selon le groupe de supplémentation. Néanmoins, l’ensemble de cette étude (Gossen et al., 2004) n’a montré aucune influence de la supplémentation en β-carotène par voie injectable. On peut donc s’interroger sur l’opportunité et la rentabilité de cette voie d’administration. Folman et al. (1987) qui avaient trouvé un effet défavorable de la supplémentation en βcarotène sur les performances de reproduction des vaches laitières, obtiennent des taux de réforme pour infertilité concordants avec le reste de leur étude : les TRF varient de 4% pour les animaux du lot témoin à 18% pour les animaux recevant un supplément alimentaire en βcarotène (500 mg /jour avant vêlage et 700 mg/jour après vêlage). 4. a) β-carotène et pathologies de l’appareil reproducteur Pathologies ovariennes : kystes folliculaires et lutéaux La série d’études germaniques menées durant les années 1970 sur des génisses de race pienoire allemande montre que la carence en β-carotène a une forte influence sur la survenue de kystes ovariens. Ainsi, durant le premier essai, après 20 semaines d’une alimentation très pauvre - 97 - en β-carotène, sur les 12 génisses carencées, 4 ont présenté des kystes folliculaires et 2 des kystes lutéaux. Dans le deuxième essai, toutes les génisses souffrant d’apport insuffisant ont présenté au moins une anomalie kystique de l’ovaire (sur 6 : 4 kystes folliculaires et 2 kystes lutéaux). Aucune des génisses supplémentées en β-carotène n’a présenté de tels troubles pour ces deux premiers essais (Meyer et al., 1975). Cet effet peut difficilement être attribué à une prédisposition génétique, étant donné que chaque groupe du deuxième essai était composé de paires de demisœurs appariées entre elles. Par la suite, le troisième essai (Lotthammer et al., 1976) révèle également que le groupe carencé présente une plus forte proportion d’animaux à kystes ovariens que le groupe supplémenté en β-carotène : respectivement 30% vs 0% pour les kystes lutéaux (P<0,01) et 10% vs 5% pour les kystes folliculaires (P>0,05). Par ailleurs, en analysant les variations au cours du temps de la concentration en βcarotène plasmatique, Lotthammer et al. (1977) ont montré qu’elle est positivement corrélée à la fonction ovarienne pour le groupe carencé en β-carotène (tableau 32) et que les périodes où les plus faibles sérologies individuelles sont observées correspondent à la présence d’une formation kystique. De plus, les taux de β-carotène du corps jaune, du foie et de la graisse sont positivement corrélés à la fertilité, les teneurs les plus faibles étant observées chez les génisses à kystes ovariens. Tableau 32 : Valeurs plasmatiques moyenne en β-carotène (en mg/l) chez les génisses carencées selon la réussite à l’IA et/ou la présence de kystes ovariens (d’après Lotthammer et al., 1977) Etude Essai I Essai II (1ère période) Essai III Groupe 1 : Réussite à l’IA 0,160 ± 0,09 (n=35) 0,239 ± 0,13 (n=14) 0,333 ± 0,14 (n=16) Groupe 2 : Echec à l’IA 0,121 ± 0,07 (n=18) 0,134 ± 0,04 (n=8) 0,246 ± 0,12 (n=24) Groupe 3 : Kyste ovarien 0,087 ± 0,06 (n=15) 0,135 ± 0,09 (n=9) 0,165 ± 0,07 (n=8) P P<0,05 P<0,05 P<0,01 Cet effet positif de la supplémentation en β-carotène sur la survenue de pathologies kystiques de l’ovaire n’est pas retrouvé chez d’autres auteurs ayant travaillé sur des vaches de race holstein. Ainsi, pour Akordor et al. (1986), la tendance serait à une augmentation du taux de vaches à kystes folliculaires et à une diminution du taux de vaches à kystes lutéaux lors de supplémentation, tandis que, pour Wang et al. (1988), le taux de vaches à kystes ovariens (toutes formations confondues) serait plus élevé lors de supplémentation, mais aucune différence significative n’est apparue entre les groupes supplémentés ou non dans l’une ou l’autre de ces études. Par ailleurs, aucune différence n’est observée pour le nombre de traitements de ces anomalies ovariennes (Akordor et al., 1986). La corrélation entre le taux plasmatique de β-carotène et les kystes ovariens n’a pas non plus été retrouvée par Gossen et Hoedemaker (2005) : les vaches présentant de telles anomalies et celles à ovaires sains avaient des sérologies en β-carotène similaires à chaque instant de l’étude. b) Pathologies utérines en post-partum En post-partum, la supplémentation en β-carotène ne semble pas avoir d’influence sur l’involution utérine, que cela soit sur sa durée (Wang et al., 1988) ou sur la proportion d’animaux à involution utérine complète à une date donnée (Akordor et al., 1986). Il n’y pas non plus d’influence significative de la supplémentation par voie alimentaire en β-carotène sur le nombre de vaches présentant des métrites (Akordor et al., 1986 ; Gossen et al., 2004) ou des pyomètres (Akordor et al., 1986), ni sur le nombre de traitements intra-utérins - 98 - recommandés par le vétérinaire en cas de métrite (Wang et al., 1986). La supplémentation par voie injectable ne modifie ni la proportion de vaches à métrites, ni celle de vaches souffrant de rétention placentaire (Gossen et al., 2004). Ces résultats sont contredits par Kolb et Seehawer (1998) qui suggèrent que le β-carotène (ainsi que les vitamines A, E et le sélénium) pourrait renforcer le système immunitaire défaillant des vaches en post-partum, et ainsi limiter les risques infectieux tels que métrites et mammites, et même les rétentions placentaires. La phagocytose serait améliorée et les lymphocytes seraient plus nombreux ; ces améliorations de l’efficacité des cellules du système immunitaire seraient liées aux capacités d’antioxydant et de piégeage des radicaux libres du β-carotène, mais également à son rôle de précurseur de la vitamine A. En effet, le rétinol stimule la phagocytose des bactéries par les macrophages activés et les neutrophiles, l’activation de l’interleukine I et du TNF par les macrophages, la production des lymphocytes T et B, et également l’activation de lymphocytes T cytotoxiques et des cellules tueuses. L’amélioration de l’efficacité du système immunitaire qui en résulte pourrait contribuer à réduire les risques de métrites ou de mammites. Comme pour les kystes ovariens, les concentrations plasmatiques en β-carotène des vaches saines, à rétention placentaire, ou à métrite, ne présentent pas de différence significative (Gossen et Hoedemaker, 2005). De même, LeBlanc et al. (2004) ne trouve lors d’une étude menée sur plus de 1000 vaches laitières réparties dans 20 élevages, aucune association statistique entre les taux sériques de β-carotène et l’apparition de rétentions placentaires ou de mammites. En revanche, Akar et Gazioglu (2006) ont comparé les niveaux sériques de β-carotène et de vitamine A en période post-partum chez des vaches présentant ou non des rétentions placentaires. Ils montrent que les concentrations sériques en β-carotène s’élèvent considérablement dans les jours suivant la mise-bas dans les deux groupes, et qu’à chaque dosage (J14, J21, J28, J35, J42), les concentrations sériques en β-carotène sont statistiquement plus élevées pour les animaux du groupe contrôle (1,41 ; 2,44 ; 3,44 ; 5,09 et 5,46 μg/l) par rapport aux animaux n’ayant pas délivré totalement dans les 24 heures suivant le part (1,12 ; 1,32 ; 1,48 ; 1,63 et 1,94 μg/l respectivement ; P<0,05 à J14 et P<0,01 aux autres instants). Par ailleurs, les intervalles vêlage-1ères chaleurs et vêlage-1ère insémination étaient significativement plus élevés pour les animaux à rétention placentaire, mais aucune répercussion liée à cette pathologie n’était notable pour les autres critères de fertilité : intervalle vêlage-fécondation, nombre d’IA par conception, taux de réussite à la 1ère IA et taux de gestation global. Ils en ont conclu que des niveaux de β-carotène insuffisants étaient associés à des rétentions placentaires responsables de mauvais résultats de reproduction. c) Mortalité embryonnaire précoce Lotthammer et al. (1976) ont observé que pour le groupe de génisses recevant un apport insuffisant en β-carotène, l’intervalle moyen entre les chaleurs était plus faible avant la première insémination (20,06 ± 1,44 jours) qu’après la première insémination (21,00 ± 1,84 jours ; P<0,05), ce qui suggère une influence du β-carotène sur la mortalité embryonnaire précoce. Les examens cliniques ont d’ailleurs révélé l’existence de ces avortements précoces : dans le lot des génisses carencées en β-carotène, une a présenté des pertes vulvaires sanglantes 19 jours après l’insémination, accompagnées de la régression du corps jaune gestatif à 20 jours post-IA et de la survenue des chaleurs à 23 jours post-IA, et l’autopsie d’une autre génisse a révélé à la présence d’un amnios sans embryon. Par ailleurs, au 8ème jour du cycle, les concentrations en glucose et en minéraux du contenu de la corne utérine ipsilatérale au corps jaune sont significativement plus élevé dans le lot carencé que dans le lot supplémenté en β-carotène. Le stade de sécrétion utérine serait donc - 99 - retardé lors d’apport en β-carotène insuffisant, ce qui pourrait avoir une influence négative sur l’œuf fertilisé et engendrer des cas de mortalité embryonnaire précoce, avec non détection de la gestation et retour rapide en chaleurs (Ahlswede et Lotthammer, 1978). Cette influence du β-carotène sur la mortalité embryonnaire ou fœtale est confirmée par Aslan et al. (1998). Basée sur l’imagerie ultrasonographique et les dosages sériques, leur étude a montré que les vaches souffrant de mortalité embryonnaire précoce (MEP) ou de mortalité fœtale avaient des taux sériques de β-carotène et de progestérone significativement inférieurs à ceux des vaches gestantes (β-carotène : de 1,75 à 2,81 μg/l vs. de 5,62 à 6,92 μg/l et progestérone : de 0,87 à 3,99 nmol/l vs. de 25,8 à 32,64 nmol/l entre les jours 18 à 58 après insémination) ; en parallèle, le diamètre moyen du corps jaune des vaches gestantes (de 19,9 à 22,0 mm) était supérieur à celui des vaches non gestantes, ou ayant présenté une MEP (de 13 à 16 mm). Par ailleurs, le diamètre du corps jaune était corrélé positivement avec les concentrations en progestérone (r=0,945) et en β-carotène (r=0,904), elles-mêmes corrélées l’une avec l’autre (r=0,954). Le mécanisme de l’influence du β-carotène sur les mortalité embryonnaires précoces serait que cette molécule permet une augmentation de la sécrétion de progestérone, ainsi que la production d’une protéine de liaison assurant le transport du rétinol vers l’embryon, qui sera alors capable d’envoyer le signal antilutéolytique au corps jaune, permettant ainsi d’assurer le maintien de la gestation. d) Autres pathologies fréquentes en post-partum La supplémentation en β-carotène ne semble pas avoir d’incidence sur la proportion de vaches souffrant de troubles locomoteurs ou de déplacements de caillette (Gossen et al. 2004 ; Wang et al., 1988), mais peu d’études sur le sujet sont disponibles. Il est néanmoins intéressant de souligner que les vaches supplémentées en β-carotène ont nécessité moins de traitements de mammite clinique que les vaches recevant un apport insuffisant (respectivement 0,57 et 3,63 traitements par vache, P<0,01), bien que les scores moyens obtenus au Wisconsin Mastitis Test ne soient pas différents entre les groupes (Wang et al., 1988). 5. vaches laitières Synthèse des effets de la supplémentation en β-carotène sur la fertilité des L’ensemble des études décrites précédemment donne des résultats divers concernant l’effet d’une supplémentation en β-carotène sur la fertilité des vaches laitières. Malgré ces différences, plusieurs grandes tendances semblent se dégager. En premier lieu, il apparaît que la voie de supplémentation la plus efficace est la voie alimentaire, les complémentations par voie parentérale (intramusculaire) ne permettant pas d’élever durablement les teneurs sériques en βcarotène et ni d’induire une amélioration des performances de reproduction (Gossen et al., 2004 ; Aréchiga et al., 1988). De plus, une supplémentation en β-carotène distribuée quotidiennement sous forme mélangée à la ration permet l’élévation rapide des taux de β-carotène plasmatique, corrélée positivement aux taux de cholestérol sanguin, forme majeure de transport des caroténoïdes, et qui pourrait impliquer la fonction thyroïdienne dans les interactions entre le métabolisme du β-carotène et la fonction de reproduction. Par ailleurs, le cholestérol circulant est un précurseur important lors de la synthèse de progestérone par le corps jaune, et le niveau d’apport en β-carotène est également corrélé la fonction lutéale. Ainsi, bien qu’une supplémentation en β-carotène n’augmente pas la quantité globale de progestérone synthétisée, elle modifie les modalités de la stéroïdogenèse : il existe une corrélation positive entre les teneurs sériques en β-carotène et le pourcentage d’évolution de la progestérone, ce qui signifie que des concentrations élevées en β-carotène permettent une - 100 - production précoce de progestérone plus rapide qu’en l’absence de supplémentation (GravesHoagland et al., 1989 ; Bindas et al., 1984b ; Arikan et Rodway ; 2000). Cet effet est à associer aux retards de développement du corps jaune observés sur des génisses carencées en β-carotène, avec des taux sériques inférieurs à 0.5 mg/l (Meyer et al., 1975 ; Lotthammer et Ahlswede, 1978). Concernant l’effet de la supplémentation, ou de la carence en β-carotène, sur les performances de reproduction, les résultats globaux ne montrent que peu d’effet significatif du βcarotène sur la fertilité des vaches laitières. Néanmoins certains critères de mesure des performances donnent des résultats similaires pour plusieurs auteurs. Ainsi, il semble qu’il existe une corrélation négative entre les taux sériques de β-carotène et l’intervalle entre mise à la reproduction et fécondation, et que les animaux avec les plus forts taux plasmatiques présentent les taux de gestation les plus élevés. Une supplémentation en β-carotène permettrait donc de réduire la période de pertes liées aux échecs d’insémination (Ducker et al., 1984 ; Bindas et al., 1984 a et b) de même qu’une carence entraînerait des taux de conception faibles (Lotthammer et al., 1975). La comparaison des divergences entre les différentes expérimentations menées sur le sujet permet cependant de révéler l’existence de divers facteurs interagissant avec l’éventuelle relation entre fertilité et β-carotène. On peut ainsi relever l’influence de l’âge et/ou du numéro de lactation, les moindres bénéfices étant attribués aux animaux les plus âgés, alors que les génisses profitent pleinement des effets positifs d’une supplémentation (Meyer et al., 1975 ; Lotthammer et al., 1975 ; Ducker et al. 1984 ; Ascarelli et al., 1984 ; Folman et al., 1987). La race bovine considérée est également un facteur important : les animaux de race jersiaise montrent par exemple des teneurs en β-carotène bien plus élevées que les vaches de race holstein, ainsi qu’une corrélation entre ces taux sériques et l’évolution de la progestéronémie très forte (GravesHoagland et al., 1989). La saison (période lumineuse croissante ou décroissante, taux de caroténoïdes dans les fourrages apportés) et la région géographique (stress thermique) interviennent également (Ascarelli et al., 1984 ; Folman et al., 1987 ; Wang et al., 1988). Tous ces effets sont à mettre en relation avec le stress provoqué par la production laitière, particulièrement intense au moment de la mise à la reproduction après le vêlage (pic de production). Le β-carotène pourrait ainsi avoir une influence sur la répartition de l’énergie entre dépôts corporels et utilisation métabolique. En conclusion, au vu des nombreuses interactions et du coût des compléments alimentaires, les avis convergent vers une utilisation raisonnée et économique des supplémentations en β-carotène, à ne réserver qu’aux cas de troupeaux à performances de reproduction faibles et dont les taux sériques de β-carotène, inférieurs à 0.5 mg/l, montrent une carence vraie. - 101 - CONCLUSION L’étude de la littérature a mis en évidence la dégradation des performances de reproduction des troupeaux bovins laitiers. La physiologie de la reprise de cyclicité post-partum répond à un ensemble de mécanismes et de régulations complexes. Les critères de mesure de la fertilité et de la fécondité sont sous l’influence de facteurs intrinsèques et extrinsèques, parmi lesquels la nutrition joue un rôle essentiel. Les fonctions du β-carotène, anti-oxydant de la famille des pigments caroténoïdes, et précurseur de la vitamine A, ont fait l’objet de nombreuses expérimentations dont les résultats divergent parfois. Néanmoins, des observations communes peuvent être réalisées. En premier lieu, une supplémentation en β-carotène distribuée quotidiennement sous forme mélangée à la ration permet l’élévation rapide des taux de β-carotène plasmatique, corrélée positivement aux taux de cholestérol sanguin, forme majeure de transport des caroténoïdes, et qui pourrait impliquer la fonction thyroïdienne dans les interactions entre le métabolisme du β-carotène et la fonction de reproduction. Par ailleurs, le cholestérol circulant est un précurseur important lors de la synthèse de progestérone par le corps jaune, et le niveau d’apport en β-carotène est également corrélé à la croissance et à la fonction lutéales. Ainsi, bien qu’une supplémentation en β-carotène n’augmente pas la quantité globale de progestérone synthétisée, elle modifie les modalités de la stéroïdogenèse : des concentrations élevées en β-carotène permettraient d’obtenir, lors des stades précoces de production, une synthèse de progestérone intense mais brève. Une carence en βcarotène provoquerait des retards de développement du corps jaune chez les génisses laitières. Concernant l’effet de la supplémentation, ou de la carence en β-carotène, sur les performances de reproduction, les résultats globaux ne montrent que peu d’effet significatif du βcarotène sur la fertilité des vaches laitières. Néanmoins certains critères de mesure des performances donnent des résultats similaires pour plusieurs auteurs. Une supplémentation en βcarotène permettrait de réduire la période de pertes liées aux échecs d’insémination, de même qu’une carence entraînerait des taux de conception faibles. La comparaison des divergences entre les différentes expérimentations menées sur le sujet permet cependant de révéler l’existence de divers facteurs interagissant avec l’éventuelle relation entre fertilité et β-carotène. On peut ainsi relever l’influence de l’âge et/ou du numéro de lactation, de la race bovine, de la saison et de la région géographique. L’importance de ces interactions pourrait justifier la mise en œuvre d’investigations ultérieures. Tous ces effets sont à mettre en relation avec le stress provoqué par la production laitière, particulièrement intense au moment de la mise à la reproduction après le vêlage. Le β-carotène pourrait ainsi avoir une influence sur la répartition de l’énergie entre dépôts corporels et utilisation métabolique, avec intervention de la fonction thyroïdienne. En conclusion, au vu des nombreuses interactions et du coût des compléments alimentaires, les avis convergent vers une utilisation raisonnée et économique des supplémentations en β-carotène, à ne réserver qu’aux cas de troupeaux à performances de reproduction faibles et dont les taux sériques de β-carotène, inférieurs à 0.5 mg/l, montrent une carence vraie, et surtout pour les animaux jeunes. - 103 - BIBLIOGRAPHIE AHLSWEDE L., LOTTHAMMER K.H. (1978) Untersuchung über eine spezifische, vitamin-Aunabhängige Wirkung des ß-Carotins auf die Fertilität des Rindes (5. Mitteilung: Organuntersuchungen (Ovarien, Corpora lutea, Leber, Fettgewebe, Uterussekret, Nebennierren) – Gewichts- und Gehaltsbestimmungen). Dtsch. Tierärztl. Wschr., 85, 1-40. AKAR Y., GAZIOGLU A. (2006) Relationship between vitamin A and β-carotene levels during the post-partum period and fertility parameters in cows with or without retained placenta. Bull. Vet. Inst. Pulawy, 50, 93-96. 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Annexe 1a : Profil progestéronémique d’une reprise de cyclicité normale P4 (ng/ml) 4 3 2 1 0 0 7 14 21 28 35 42 49 56 63 70 77 84 Temps post-partum (jours) Annexe 1d : Profil progestéronémique de phases lutéales courtes Annexe 1b : Profil progestéronémique d’un retard de reprise de cyclicité 4 3 P4 (ng/mL) P4 (ng/mL) 4 2 1 3 2 1 0 0 0 0 7 14 21 28 35 42 49 56 63 70 77 84 Temps post-partum (jours) Temps post-partum (jours) Annexe 1c : Profil progestéronémique d’une phase lutéale prolongée Annexe 1e : Profil progestéronémique d’une interruption de cyclicité 4 4 3 3 P4 (ng/mL) P4 (ng/mL) 7 14 21 28 35 42 49 56 63 70 77 84 2 1 2 1 0 0 0 7 14 21 28 35 42 49 56 63 70 77 84 0 Temps post-partum (jours) 7 14 21 28 35 42 49 56 63 70 77 84 Temps post-partum - 111 - Annexe 2 : Nomenclature des carotènes selon leur groupement terminal (d’après Mouthon, 2000) 18’ 19 17 4’ 20 5’ 3’ 16 1 7 2 9 6 8 11 10 13 12 15 14’ 14 15’ 12’ 13’ 10’ 11’ 8’ 9’ 6’ 7’ 2’ 1’ 16’ 3 5 20’ 4 19’ 18 Structure de base : β, β - Carotène Structure du groupement terminal Préfixe et type chimique Structure du groupement terminal Préfixe et type chimique 16 17 16 1 2 R 6 3 5 4 17 18 16 1 2 5 4 β – (béta) Cyclohexyl 18 6 3 5 4 16 1 2 6 4 5 4 R 18 18 φ – (phi) Phényl 16 17 ε – (epsilon) Cyclohexyl 6 3 γ – (gamma) Méthylène Cyclohexyl R 1 2 5 18 17 R 1 2 R 6 5 17 χ – (chi) Phényl 4 CH2R 16 17 1 5 2 18 4 κ – (kappa) Clyclopentyl 3 18 1 3 2 - 112 - R 5 4 6 ψ – (psi) Acyclique 17’ Annexe 3 : Groupements fonctionnels les plus fréquents parmi les caroténoïdes (d’après Mouthon, 2000) Groupement — OH — OCH3 — OC6H11O4 — COOH Nom hydroxy méthoxy glycosyloxy carboxy Groupement — C=O —C—O—C— — CHO Nom oxo epoxy aldéhyde Annexe 4 : Mécanismes moléculaires de la biosynthèse des caroténoïdes Annexe 4a : Synthèse du squelette C40 des caroténoïdes dans les plastides (d’après Mouthon, 2000) H3C ― CO ― CoA H3C ― CO ― SCoA Acétyl-CoA CoAS ― C O CH3 O CH3 H3 C Diméthyl-allyl-PP CH2 ― CO ― SCoA HO Acide mévalonique Acéto-acétyl-CoA CH3 CH2 ― CH2OH HOOC ― CH2 CH2O – P ― P CH3 H2 C H3 C Isopentényl-PP CH2 ― CH2O – P — P Hémiterpènes Géranyl-PP CH2O – P ― P Farnésyl-PP CH2O- P ― P Géranylgéranyl-PP CH2O – P ― P Monoterpènes Sesquiterpènes Triterpènes Diterpènes Tétraterpènes Caroténoïdes Phytoène - 113 - Annexe 4b : Désaturation du phytoène (d’après Mouthon, 2000) - 2H Phytoène - 2H Phytofluène - 2H Neurosporène - 2H ζ-Carotène Lycopène Annexe 4c : Cyclisations du lycopène, et obtention du β-carotène (d’après Mouthon, 2000) Lycopène δ-Carotène γ-Carotène α-Carotène β-Carotène - 114 - INFLUENCE DU β-CAROTENE SUR LES PERFORMANCES DE REPRODUCTION CHEZ LA VACHE LAITIERE BULVESTRE Marianne, Dominique Résumé Les performances de reproduction des troupeaux bovins laitiers sont évaluées à l’aide de critères décrivant la cyclicité sexuelle ou, plus généralement, la fertilité et la fécondité. Ces critères dépendent de facteurs connus, et peuvent ainsi être améliorés. Dans ce but, diverses études ont porté sur le rôle du β-carotène, mais les résultats sont parfois discordants et peu significatifs. Bien que les mécanismes de digestion, d’absorption et d’action du β-carotène ne soient pas complètement compris, il semble posséder une fonction propre, indépendante de son rôle de précurseur de la vitamine A. Une supplémentation alimentaire améliore les performances de génisses carencées. Par ailleurs, le β-carotène stimulerait aussi la stéroïdogenèse. Chez les multipares, des taux plasmatiques de β-carotène faibles peuvent être associés à des retards de fécondation, à de faibles taux de réussite en 1ère insémination, à un gaspillage des paillettes important et à des pathologies de l’appareil reproducteur. Une influence de l’âge et de la race est également possible. Mots clés : reproduction femelle, β-carotène, post-partum, alimentation, vitamine A, bovin, vache laitière. Jury : Président : Pr. Directeur : Dr. PONTER Andrew Assesseur : Dr. REMY Dominique Mlle BULVESTRE Marianne 16, rue des Marayeurs – 76130 Mont-Saint-Aignan - France EFFECT OF β-CAROTENE ON REPRODUCTIVE PERFORMANCE IN DAIRY COWS BULVESTRE Marianne, Dominique Summary Reproductive performance in dairy herds can be evaluated using criteria which describe either the sexual cycle or more generally fertility and fecundity. These criteria dependon known factors andcan therefore be improved. Several studies have been conducted to investigate the role of β-carotene on reproduction. The results obtained are sometimes contradictory and only small improvements seen. Even though the mechanisms concerning β-carotene digestion, absorption and its action have not been completely elucidated, it appears that β-carotene has a direct effetc on reproduction independent of its role as the vitamin A precursor. Dietary supplements of βcarotene improve reproductive performance in heifers and stimulate steroidogenesis. In multiparous dairy cows, low plasma β-carotene has been associated with: a delay in fertilization, low conception rates after the 1st artificial insemination (AI), wastage of AI straws and an increase in pathologies of the reproductive tract. There also appears to be an influence of age and breed on the action of β-carotene. Keywords : female reproduction, β-carotene, post-partum, nutrition, vitamin A, cattle, dairy cow. Jury : President : Pr. Director : Dr. PONTER Andrew Assessor : Dr. REMY Dominique Mss BULVESTRE Marianne 16, rue des Marayeurs – 76130 Mont-Saint-Aignan - France