Le Soir - Corruption Kabla
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Le Soir - Corruption Kabla
SAMEDI ET DIMANCHE 29 et 30 octobre 2016 / Edition Bruxelles / Brabant wallon / Quotidien / No 254 / 2,50 € / 02 225 55 55 GRAND DÉBAT « Bruxelles doit mieux prendre son avenir en main » P. 18 & 19 SUPPLÉMENT Comment internet a changé notre quotidien P. 27 à 33 IL Y A 3.000 ANS, LES IRLANDAIS INVENTAIENT HALLOWEEN lesoir.be P. 14 er 1 JOURNAL À BRUXELLES Didier Reynders fait l’éloge de Paul Magnette et accable le CDH a crise de ces derniers jours est clôturée. Vendredi soir tard, l’Union européenne a donné son feu vert au Ceta. Le sommet entre l’UE et le Canada se tiendra dimanche, a annoncé Donald Tusk, président du Conseil européen. Didier Reynders, ministre des Affaires étrangères, revient pour Le Soir sur ces péripéties et les longues négociations belges. Le libéral fait l’éloge de ministre-président wallon, devenu le symbole de l’opposition au traité commercial : « Ce qu’on a réussi à construire avec Paul Magnette, c’est une vraie discussion pour avoir un message au nom de la Belgique, et de toutes ses composantes ». Le discours à l’égard du CDH est moins amène. Reynders revient sur les accusations de « délinquance politique » lancées par Benoît Lutgen à l’égard de la Commission européenne : « Qu’il précise qui a dit quoi ! Et qu’on puisse poursuivre ces gens, politiquement et juridiquement. Mais non, évidemment, il ne dit rien. » ■ L P. 6 À 9 NOTRE ENTRETIEN week-end + La corruption du régime Kabila vue de l’intérieur Jean-Jacques Lumumba, ex-employé d’une banque proche de la famille Kabila, dénonce des pratiques de corruption dans l’entourage du président. Il a confié au « Soir » de nombreux documents compromettants. a perspective d’un report des élections inquiète et révolte beaucoup de jeunes Congolais. D’ici la fin décembre, les manifestations risquent de se multiplier. A l’intérieur du système aussi, de jeunes diplômés sont témoins d’irrégularités, en particulier au sein de la Commission électorale indépendante (Ceni) qui assure ne pas avoir les moyens d’organiser en temps voulu les élections promises. Jean-Jacques Lumumba, chef du département des engagements à la BGFI, une banque de Kinshasa proche de la famille Kabila, au lieu de couvrir des opérations douteuses, a préféré claquer la porte. Il s’est présenté à la rédaction du Soir chargé de lourds L dossiers, impliquant la banque BGFI, dont le directeur n’est autre qu’un ami d’enfance du chef de l’Etat. Il nous a confié des documents compromettants pour la Banque nationale du Congo, pour une société d’importation de produits alimentaires dirigée elle aussi par un proche du président Kabila. Et surtout, il nous a donné les preuves d’opérations douteuses au détriment de la Commission électorale indépendante. Cette dernière a obtenu un crédit de 25 millions de dollars auprès de la BGFI Bank alors qu’elle disposait de plus de 55 millions sur un compte parallèle. Sur le crédit de 25 millions, la BGFI Bank a prélevé en cinq mois près de trois millions de dollars d’intérêts et commissions diverses. De plus, le chef des engagements de BGFI nous a confié des extraits de compte illustrant de multiples retraits douteux, allant parfois jusqu’à 1,5 million de dollars. Des chèques non justifiés qui se succèdent à un rythme infernal. Où va cet argent ? « Il s’agit de détournement de fonds publics », selon Lumumba. Le résultat est clair : tout ceci conduit à un appauvrissement de la Ceni... qui invoque pourtant le manque de moyens pour ne pas organiser les scrutins prévus. ■ P. 2 À 4 NOS INFORMATIONS L’ÉDITO Colette Braeckman ILS N’ONT MÊME PAS TRENTE ANS n’ont pas trente ans et connu que Joseph KabiIla, lsn’ont arrivé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père. En peu de mots et beaucoup d’actes, il les a fait rêver d’un pays meilleur. Un Congo sorti de la guerre, réunifié, modernisé. Une puissance émergente, un géant qui retrouvait sa fierté. Durant plusieurs années, on a 43 5 413635 081613 pu y croire, à ces promesses. Les résultats étaient visibles, la « révolution de la modernité » n’était pas un vain mot. Mais voilà que les vieilles habitudes sont revenues, les trucs et ficelles pour rester au pouvoir. On croit assister à un remake des années Mobutu, mis en œuvre par des spécialistes de l’époque. Avec des pourparlers en coulisses, des grands-messes appelées « dialogue », des enveloppes qui circulent sous la forme de per diem. Des voisins complaisants qui donnent quelques conseils pratiques au nouveau membre du club de ces présidents qui, ne voulant pas quitter le pouvoir, s’entourent de griots, de flatteurs, qui prendront la fuite ou retourneront leur veste au premier coup de grisou. Ils n’ont pas trente ans, mais MARCHÉS TÉLÉVISIONS DÉTENTE 39 56 À 58 59 leurs pères leur ont raconté la comédie du pouvoir du temps de Mobutu et surtout ils leur ont dit où cela pouvait mener : On croit assister à un remake des années Mobutu les révoltes dans la rue, voire les pillages, la répression, inévitablement excessive, meurtrière. Ils savent qu’un jour la révolte sera aveugle et destructrice et qu’elle risque d’anéantir les progrès déjà enregistrés. Ils n’ont pas trente ans et leurs rêves sont simples : ils veulent du travail, une vie digne, un pouvoir qui ne ment pas, qui ne vole pas. Un pouvoir qui met les deniers du pays, qu’ils soient abondants ou diminués par la crise des matières premières, au service du social, des écoles, des dispensaires. Les jeunes Congolais savent, mieux encore que leurs aînés, que tout est lié : la démocratie, le respect de la Constitution, c’est tout simplement le pouvoir de sanctionner ceux dont le capital de confiance s’est érodé, la possibilité de donner à d’autres la chance de faire autrement, mieux si possible. Entre le refus de l’alternance et la corruption, l’impunité des puissants assurés de leur pouvoir et de leur capacité de répression, le lien crève les yeux. Ils n’ont pas trente ans, mais ils refusent de cautionner un système déjà vieilli, ils disent non et posent des actes collectifs, mènent des manifestations durement réprimées, crient dans les stades à l’issue de chaque match. Ils posent aussi des actes de courage individuel, à l’instar de ce jeune banquier qui a tout simplement refusé de se compromettre et qui, au nom d’une certaine idée de son pays, de sa famille, de sa dignité, a lancé une torpille au cœur du système. Il faut y voir un signe des temps. GRATUIT dans ce journal Saviez-vous que... la plupart de nos 205 magasins Spar sont OUVERTS le DIMANCHE ? Vous pouvez les retrouver sur sparretail.be 1 Le Soir Samedi 29 et dimanche 30 octobre 2016 2 L’ACTU AFFAIRE DE CORRUPTION AU CONGO « Ce que je voyais filer, c’est l’a Un ex-employé d’une banque congolaise dénonce, documents à l’appui, des pratiques de corruption. Il mouille des proches du président Kabila. « membre de la famille » du président Kabila, qui fait partie de son cercle rapproché (lire cicontre). Des menaces de mort Au poste qu’il occupe, JeanJacques Lumumba voit passer de bien douteuses opérations. Lorsqu’il se décide à communiquer son malaise au directeur, ce arbe bien taillée, man- dernier lui répond avec vioteau de pluie, le Congo- lence : « Il m’a quasiment menalais de haute taille qui cé de mort, m’a enjoint de me taire. » Le responsable franchit les portes du des engagements fait Soir voici quelques alors profil bas mais, jours semble courtois, dans son for intérieur, sinon inoffensif. Cepenl’indignation monte : dant, dans sa serviette « Ce que je voyais filer, de cuir, c’est une bombe c’est l’argent du peuple, qu’il transporte et qu’il l’argent destiné à fidégoupille avec des nancer les élections et gestes tranquilles et asqui avait été déposé sur surés : des documents Jean-Jacques qui démontrent des Lumumba. © DR un compte par le gouvernement. J’ai alors malversations et des détournements de fonds commis pensé à mon grand-père, à son par d’éminents membres de la combat, à ses principes. J’ai 30 « galaxie Kabila », des membres ans, je ne veux pas toute ma vie de la famille ou des proches du traîner le boulet d’avoir été comchef de l’Etat, jusqu’à présent plice de ces malversations… » Jean-Jacques Lumumba, disconsidérés comme intouchables. Notre interlocuteur com- crètement, se met alors à photomence par se présenter, par ex- copier les documents les plus pliquer ses motivations. Son parlants. Des documents, datés nom déjà est tout un pro- et signés, « qui dévoilent le cœur gramme : « Je m’appelle Jean- du système de corruption qui Jacques Lumumba, fils de gangrène la République démoLouise Lumumba, une nièce de cratique du Congo ». Et puis il Patrice. Mon grand-père en ligne prend l’avion pour l’Europe, le directe était le jeune frère de Pa- train pour Bruxelles et, sa liasse trice, Louis Richard, mais je de feuillets dans une serviette considère le Premier ministre, assassiné en janvier 1961, comme mon véritable grandpère, ma référence. Jamais je n’ai fait de politique, cela ne m’intéresse pas. Moi, je suis un banquier. Après des études d’économie à Kinshasa, j’ai entamé un MBA (Master of business) en France et au début de cette année, j’ai été promu à la banque BGFI, comme chef de département des engagements. » BGFI Bank est l’une des principales banques du Congo, partiellement détenue par la famille présidentielle. Détail croustillant : à Kinshasa, le patron de la BGFI s’appelle Francis Selemani Mtwale… un B d’allure banale, il débarque au Soir en vérifiant bien s’il n’est pas suivi. Il assure, avant de dévoiler son butin : « Vous pouvez me citer, j’ai pris ma décision. Aujourd’hui même, je démissionne. » Et d’exhiber une lettre adressée au directeur général de la banque, Francis Selemani Mtwale et au directeur général adjoint, Abdel Kader Diop, dans laquelle il conclut froidement : « Fort de toutes ces basses manœuvres et dans le souci de préserver ma santé, mon intégrité, ma sécurité, ma réputation et surtout mon professionnalisme face à un environnement de travail jonché d’embûches placées volontairement par certains, je dépose ce jour ma démission au sein de la BGFI Bank RDC SA sans préavis, pour faute lourde de l’employeur et je reste dans l’attente de mon attestation de fin de service. » S’adressant à nous, il lance, comme par défi : « Tous les documents sont là, authentiques, vous pouvez me citer… » Prudence oblige, durant des jours, nous avons pris la peine de faire expertiser le dossier par des spécialistes indépendants, de bons connaisseurs du Congo. La conclusion fut unanime : « L’authenticité des documents ne fait aucun doute. C’est explosif, c’est du béton… » ■ BGFI BANK La banque des chefs Premier groupe bancaire de la zone Cemac (Afrique centrale), la BGFI compte 1.800 employés dans dix pays africains. La maison mère, basée au Gabon, est principalement aux mains de la famille du président Ali Bongo. Honorablement connue sur le marché, la BGFI Bank affiche de bons résultats : un bénéfice net consolidé de 45,73 millions d’euros en 2015, en progression de 24 %. En République démocratique du Congo, la banque est connue comme étant la préférée de la famille Kabila. Son capital social est de 25 millions de dollars, détenu à 60 % par la maison mère. Les 40 % restants (100.000 actions pour une valeur de 10 millions de dollars) appartiennent à la jeune sœur du chef de l’Etat congolais, Mme Mteyu Gloria. Au sein du conseil d’administration, on retrouve Pascal Kinduelo Lumbu (ancien directeur de la BIC) et Francis Selemani Mtwale, également directeur de la banque, qui se considère comme membre de la famille du chef de l’Etat. COLETTE BRAECKMAN XAVIER COUNASSE une drôle de combine. La Ceni, qui dispose pourtant de capitaux importants sur son autre compte, décide de s’endetter. Elle ouvre un crédit de Le dossier le plus 25 millions de dollars, explosif qu’a étalé sur toujours chez BGFI. la table Jean-Jacques « Il est pour le moins Lumumba, c’est celui imprudent dans le chef de la Ceni. Au Congo, de la BGFI d’avoir prêté la Commission électoune somme aussi élevée. rale nationale indéAu Congo, il est interdit pendante (Ceni) est aux banques de prêter chargée d’organiser des sommes dépassant les élections. Une 25 % de leurs fonds Francis tâche gigantesque, vu propres. Or avec 36 Selemani la taille du pays. Mais millions de fonds Mtwale. © D.R. les dirigeants de la propres, la BGFI ne Ceni assurent depuis pouvait pas prêter plus des mois que les finande 9 millions. C’est une cements font défaut, infraction à la règle entre autres parce que prudentielle », comla communauté intermente un expert nationale, faute de consulté par nos soins. calendrier clair, n’a pas Autre curiosité : alors payé les sommes proqu’elle thésaurise sur mises. Et il est désorson premier compte, mais confirmé qu’il ici, la Ceni liquide tout. sera impossible d’orgaUne partie via des niser les scrutins aux virements identifiés, vers dates prévues (avant le 19 la société française Gemalto décembre 2016). par exemple (lire ci-contre). Or il apparaît que le gouverneMais on observe également de ment congolais a déjà versé des nombreux chèques inexplifonds destinés à financer qués : 350.000 dollars par-ci, l’achat de matériel électoral. 750.000 dollars par-là, 1,5 Depuis janvier 2016, la Ceni a million de dollars la fois suireçu six versements du Trésor vante. Entre mai et septembre pour un total de 55 millions de 2016, la Ceni a procédé à des dollars, sur l’un de ses comptes retraits par chèque pour un logés à la BGFI. Si ce n’est un montant total de 7,5 millions de chèque d’un peu plus de dollars ! À quoi ont servi ces 900.000 dollars retiré le chèques ? Aucune idée. Mais il 10 mai, rien n’a été dépensé sur flotte un parfum de corruption. ce compte. Fin septembre, au « Ces retraits ont été faits alors moment où s’arrêtent nos inforque le client était blacklisté, ce mations, il reste donc à la Ceni qui aurait dû l’empêcher de bénéplus de 54 millions sur ce livret. ficier de tout service bancaire. La Sauf que la Ceni joue un double procédure a été outrepassée e jeu, avec un 2 compte, égalesciemment », dénonce Jeanment logé à la BGFI. Début mai Jacques Lumumba. Pour le 2016, il n’y avait pas un euro prouver, il livre des mails, où un sur ce compte. Démarre alors 1 De louches retraits Ci-contre, un extrait d’un rapport d’audit de BGFI Bank réalisé par PwC, qui illustre parfaitement l’opacité de certains paiements réalisés par la banque. Bizarrement, ce paragraphe aurait disparu du rapport final de PwC. En dessous, un extrait des mouvements sur l’un des comptes de la Ceni, sur lequel on observe d’étranges retraits par chèque. Bizarrement toujours, les montants retirés sont particulièrement arrondis, avec au minimum cinq zéros à la suite. GROUPE SA ROSSEL ET C Rue Royale, 100 1000 Bruxelles Président et éditeur responsable Patrick Hurbain Administration générale Rue Royale, 100 - 1000 Bruxelles Tél. : 02-225.55.55 Deogratias Mutombo Nyembo est gouverneur de la Banque nationale du Congo. Originaire du Katanga, il ne fait pas partie du premier cercle de la galaxie Kabila, mais il lui est difficile de refuser un « coup de pouce » à une société dirigée par un frère du chef de l’État. Qui a siphonné les caisses électorales ? DOCUMENTS ie C.B. ET X.C. Francis Selemani Mtwale a grandi en Tanzanie avec Joseph Kabila, qu’il considère comme son frère. Aujourd’hui, Selemani dirige la BGFI Bank de Kinshasa, appartenant à 40 % à la sœur du président. PUBLICITÉ Rossel Advertising Annonces téléphonées Tél. : 02-225.55.00 Fax : 02-225.59.06 [email protected] Annonces Tél. : 02-225.55.55 Fax : 02-225.59.08 ou 02-225.59.00 Publicité nationale Tél. : 02-542.10.10 Fax : 02-542.10.11 Directeur général et directeur de la rédaction Jean-Pierre Miranda Rédaction centrale Tél. : 02-225.54.32 Fax : 02-225.59.14 ou 02-225.59.10 Rédacteur en chef Christophe Berti Courrier des lecteurs Fax : 02-225.59.14 ou 02-225.59.10 [email protected] Rédacteurs en chef adjoints Philippe Laloux Véronique Lamquin François Mathieu lesoir.be (internet) http://www.lesoir.be Tél. : 02-225.54.32 [email protected] Ce journal est protégé par le droit d’auteur, tous droits réservés. © Rossel & Cie S.A. – Le Soir, Bruxelles, 2016. 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Il préside la Fédération des entreprises du Congo, ainsi que le conseil d’administration de diverses grandes sociétés congolaises (Egal, Texico et la Gecamines). Les documents mouillent le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila. © REUTERS sur son autre compte, pour éviter ces frais inutiles. « C’est du détournement de fonds », gronde Lumumba, qui accuse le patron de la BGFI Bank, Francis Selemani, de s’en mettre plein les poches au passage. Appelée à s’expliquer, la BGFI n’a pas répondu à nos sollicitations. Le patron de la Ceni s’est, lui, limité à un commentaire général. « Nous essayons de gérer au mieux le peu de ressources dont nous disposons. En outre, les opérations normales que nous pratiquons font l’objet d’un rapport présenté au Parlement. » Et sur les questions plus précises, c’est silence radio. COPIREL S.A.S - RCS Paris 443 681 903. Agence : io-Paris cadre de la BGFI demande systématiquement de lever ces blocages au moment des retraits… pour les remettre juste après. Le patron de la Ceni, Corneille Nangaa, réfute : la Ceni n’est pas blacklistée. Mais Lumumba persiste, preuves à l’appui. Mais ce n’est pas tout. BGFI Bank se sert aussi allègrement. Sur le compte à découvert de la Ceni, la banque prélève en effet de généreux intérêts et commissions. Entre mai et septembre, ce sont près de 3 millions de dollars qui ont été prélevés par la banque. Or il aurait suffi à la Ceni d’éviter ce découvert en utilisant les millions de dollars qui sommeillent Suite en page 4 C.B. ET X.C. MARCHÉ ÉLECTORAL Gemalto, rival de Zetes Pour préparer les prochaines élections, c’est une société française, Gemalto, qui a emporté le marché de la fourniture de kits d’enrôlement. La décision prise le 10 février 2016 écarte ainsi la société belge Zetes, qui avait fourni le matériel électoral pour les deux élections précédentes, en 2006 et 2011. La société belge, qui a fait appel de cette décision, n’a cependant pas tout perdu ; si elle n’interviendra pas dans les opérations électorales, elle s’est vue confier le juteux marché des passeports. Pour le quotidien de Kinshasa Le Potentiel, la société française Gemalto serait totalement en phase avec la majorité présidentielle. Le quotidien donne les précisions suivantes : « Inscrits totalement dans la logique du glissement du calendrier électoral, les animateurs de la Ceni ont “volontairement” omis d’inscrire dans l’appel d’offres que les données de base de Zetes pouvaient être prises en compte. » Ces données avaient servi de base pour les élections de 2006 et de 2011, les prendre en compte aurait donc permis à Gemalto de ne pas partir de zéro. « Pour rendre plus élastiques les opérations d’enrôlement des électeurs, la Ceni a ignoré en toute connaissance de cause les données de Zetes, rendant ainsi inéluctable le report des élections », écrit Le Potentiel. C’est en janvier dernier que la partie se serait jouée entre Gemalto et le pouvoir congolais, lorsque l’influent sénateur She Okitundu, membre de la majorité présidentielle, se serait rendu à Paris pour jouer les intermédiaires, se substituant ainsi à la Ceni. La société française Gemalto, qui s’est vue confier l’élaboration du fichier électoral, n’est pas une inconnue en Afrique : au Gabon, ce leader de la sécurité numérique a été désigné par le pouvoir d’Ali Bongo pour établir, en 2011, des fichiers électoraux sur une base biométrique. Selon une étude d’un analyste proche de l’opposition gabonaise et publiée par Le Potentiel, le nombre d’électeurs inscrits dans 59 localités du Gabon s’était avéré supérieur à la population locale. Au Gabon, tous les éléments de la contestation des élections étaient donc en place bien avant la date du scrutin qui donna la victoire au président sortant, Ali Bongo, un ami personnel du président Kabila… LE BEAU DORMIR Passage à l’heure d’hiver. Dimanche 30 octobre En matière de sommeil, je n’ai rien contre une heure sup’ Matelas, sommiers, dosserets, oreillers, couettes www.epeda.fr C.B. 3 Le Soir Samedi 29 et dimanche 30 octobre 2016 4 L’ACTU AFFAIRE DE CORRUPTION AU CONGO Des révélations en plein cœur de la galaxie Kabila haque semaine ou presque apparaissent de nouveaux C rapports, aussi accablants les uns que les autres, sur la République démocratique du Congo, devenue le terrain d’investigation favori de certaines ONG spécialisées. Les révélations que nous publions sont bien différentes de cette sollicitude internationale parfois équivoque : elles émanent d’un citoyen congolais, professionnellement très qualifié sans doute, mais « lambda » sur le plan politique, formé uniquement par le souvenir de son grand-père. Un citoyen indigné par des abus de pouvoir commis par des proches du chef de l’État. Sans doute y a-t-il pire, plus cruel, plus lourd, mais comme le dit le vieil adage, « la femme de César doit être irréprochable ». Et donc aussi son frère, sa sœur, son ami. Or, dans ce cas-ci, nous voilà au cœur des relations affectives et familiales d’un homme qui assurait jadis « qu’il n’avait pas quinze Congolais auxquels il pouvait accorder sa confiance ». Le petit réseau de parents et d’amis dont il est question représente effectivement des personnalités qui relèvent d’un autre ordre : toutes sont issues des années d’exil en Tanzanie auxquelles le jeune Joseph Kabila, (25 ans) n’échappa qu’en 1996, lorsque son père, Laurent-Désiré Kabila, devint le porte-parole puis le chef d’un mouvement armé qui, parti du Kivu en octobre 1996, atteignit Kinshasa sept mois plus tard, chassant le président Mobutu après 32 ans de règne. Le jeune frère Zoé, la sœur cadette Gloria partagèrent l’en- C’est la Banque centrale qui régale fance de l’actuel chef de l’État, lorsque la famille Kabila fut obligée de s’exiler en Tanzanie, après avoir « tenu » durant des années dans la « zone rouge » de Hewa Bora, le maquis que Laurent Désiré Kabila avait créé et maintenu sur les rives du lac Tanganyika. Comme le dit le vieil adage, « la femme de César doit être irréprochable » Francis Selemani Mtwale appartient lui aussi à ce petit cercle soudé par l’exil, la pauvreté, le combat politique : son fameux label d’origine congolaise. Ces produits sont donc exonérés de certaines taxes. Original. Parmi les documents fournis par Jean-Jacques LumumMais il y a plus surprenant. Le 29 novembre 2013, soit ba, on trouve des extraits de compte de la société Egal. un mois après la constitution de la société, quatre verse« Il s’agit d’une société apparentée au chef de l’Etat, sous ments ont atterri sur l’un des comptes de la société couvert de monsieur Albert Yuma », prétend Lumumba. Le chez BGFI Bank. Montant total : 42,999 millions de nom du président Kabila n’apparaît pas dans les dollars. C’est l’expéditeur de ces versements statuts de cette société anonyme, mais – au 31 qui interpelle : la Banque centrale du Congo. décembre 2014 – le conseil d’administration était Motif du versement : « Provision investissebien présidé par Albert Yuma, un proche du prément ». sident. On y retrouve également Alain Wan et Bref, c’est comme si la Banque nationale de Marc Piedbœuf (un Belge). Belgique versait 43 millions à une société Egal produit, stocke et transforme « des produits privée. On nage dans l’illégalité. Selon les halieutiques, avicoles, caprins, bovins et divers autres comptes d’Egal, ce montant n’a jamais été produits vivriers », peut-on lire dans l’un des docuremboursé. Et il n’apparaît pas non plus Deogratias ments. En gros, cette société spécialisée dans dans le bilan comptable de la société. CuMutombo. l’alimentaire mise sur le poisson, la volaille, la rieux… © D.R. chèvre et le bœuf. Constituée en octobre 2013, « Ce détournement a été fait avec la complicité Egal a détrôné le groupe Damseaux. du gouverneur de la Banque centrale du Congo Détail amusant : Egal semble être dans les bons à peine nommé », explique Lumumba. Ce papiers du fisc congolais. Ses produits de pêche gouverneur, c’est Deogratias Mutombo maritime sont en effet reconnus « d’origine Mwana, nommé en mai 2013. Il nous a procongolaise », ce qui leur permet d’éviter cermis une réaction écrite… qui n’est jamais taines taxes. Sauf qu’aucune mer ne borde le arrivée. Chez Egal, personne ne s’est montré Congo. Qu’à cela ne tienne ! Même lorsque les plus bavard. poissons viennent de Namibie, Egal a obtenu le C.B. ET X.C. 2 père était Adrien Kanambe, le plus proche ami de Laurent Désiré Kabila, un militant du PRP (parti pour la révolution populaire). Après sa disparition, les enfants des deux familles grandirent ensemble en Tanzanie, et aujourd’hui encore Francis Selemani, qui a étudié l’économie à l’Université Harvard, se considère comme un membre de la famille Kabila. Bien qu’originaire du Katan- ga, Albert Yuma n’est, lui, pas un véritable membre de la « famille » Kabila. Mais il est certainement très proche du chef de l’Etat, et cela pour plusieurs raisons : la première c’est que cet homme puissant, à la tête de diverses entreprises congolaises, est l’un des argentiers du pouvoir en place. La deuxième est plus idéologique : Albert Yuma est aussi un « souverainiste » qui défend les choix idéologiques et économiques du Congo de Kabila. ■ C.B. et X.C. Des intérêts prélevés deux fois mai 2016, c’est 2,7 millions de dollars qui ont été déduits manuellement par la BGFI, au détriment de la Gécamines. « Le directeur général La Gécamines est la plus grande m’a obligé à débiter doublement ces entreprise d’État au Congo. Les intérêts. Je lui ai fait comprendre le documents que Le Soir a pu consulcaractère irrégulier de l’opéter révèlent que la société ration et j’ai été menacé », minière, dirigée par Albert témoigne Jean-Jacques Yuma, a ouvert une ligne Lumumba, désormais de découvert de 30 milex-employé de BGFI Bank. lions de dollars auprès de Albert Yuma conteste. À la BGFI Bank en date du 15 ses yeux, le taux d‘intérêt septembre 2015. La Gécademandé par BGFI (11,5 %) mines a douze mois pour n’est pas excessif. Quant à rembourser, à un taux la somme de 2,7 millions relativement élevé (11,5 %, Albert Yuma. de dollars d’intérêt qui auquel s’ajoutent diverses © AFP auraient été comptés deux commissions et la TVA). fois, monsieur Yuma est Jusque-là, rien de grave. formel. « Il s’agit d’une Mais – surprise – les erreur, d’origine informaintérêts remboursés par tique (on parle pourtant de la Gécamines ont en retraits manuels, NDLR), réalité été prélevés deux qui a été relevée à temps. La fois par la banque. Une BGFI a rectifié et remboursé fois automatiquement, sans problème. » et une seconde fois C.B. ET X.C. manuellement. Au total, entre octobre 2015 et 3 LE SOIR EN DIRECT DES ÉTATS-UNIS + + + + + + + + + + + + + + Élection américaine du 25/10 au 11/11 LE SOIR AU JOUR LE JOUR > du 29/10 au 16/11 : Tom Jenné, envoyé spécial du Soir, suit l’élection présidentielle en direct de New York. > du 31/10 au 5/11 : cinq Unes historiques des présidents qui ont marqué les USA, accompagnées d’explications historiques. > du 31/10 au 8/11 : des portraits de campagne avec des Américains de tous les horizons + de grandes interviews culturelles. > 5/11 : un cahier spécial élections + les pouvoirs du Président expliqués dans Les Clés de l’actu. > 9/11 : une édition digitale spéciale dès le matin sur Le Soir+. 4