Faut-il supprimer les cours d`éducation sexuelle
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Faut-il supprimer les cours d`éducation sexuelle
Faut-il supprimer les cours d’éducation sexuelle avant 9 ans dans les écoles suisses ? La jeunesse débat Rue de la Tour 16 1004 Lausanne +41 21 311 28 05 [email protected] www.lajeunessedebat.ch Fiches argumentaires avril 2014 Sarah Chevalley Fondation Dialogue Campus pour la démocratie En mars 2013 une initiative intitulée : « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école primaire » a été déposée à Berne. Elle émane d’un groupe de parents bâlois indignés par des accessoires utilisés à des fins pédagogiques auprès d’enfants de 4 ans. Jugeant inapproprié ce matériel reproduisant des organes sexuels masculins et féminins, ils ont obtenu qu’il soit retiré. L’initiative soulève les questions suivantes : à quel âge est-il le plus adéquat de commencer l’éducation sexuelle dans les écoles ? Qu’entend-on par « éducation sexuelle » pour des enfants de maternelle ? Doitelle être obligatoire ? Comment et par qui doit-elle être dispensée ? Actuellement en Suisse : Au niveau national, il n’existe pas de directive pédagogique pour l’éducation sexuelle avant 9 ans. En Suisse romande et au Tessin, elle est enseignée par des spécialistes externes à l’école. A Lausanne, par exemple, leur intervention est soumise à l’information et à l’autorisation des parents. En Suisse alémanique, dans la majorité des cantons, l’éducation sexuelle est de la responsabilité des enseignants. Ils peuvent néanmoins faire appel à des spécialistes s’ils le souhaitent. Les contenus liés à l’éducation sexuelle sont généralement abordés dès 12 ans partout. Fin 2006, l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) décide d’introduire des cours d’éducation sexuelle à l’école dès les petites classes. Un mandat est donné à la Haute École Pédagogique de la Suisse Centrale qui a créé le Centre de compétences pour l’éducation sexuelle à l’école. Qu’entend-on par « éducation sexuelle » ? L’UNESCO, en collaboration avec d’autres organisations des Nations Unies, définit l’éducation sexuelle comme suit : «Par éducation sexuelle, on entend une manière d’aborder l’enseignement de la sexualité et des relations interpersonnelles qui soit adaptée à l’âge, culturellement pertinente et fondée sur une information scientifiquement précise, réaliste et s’abstenant de jugements de valeur. L’éducation sexuelle offre la possibilité d’explorer ses propres valeurs et attitudes, et de développer des compétences en matière de prise de décisions, de communication et de réduction des risques, concernant de nombreux aspects de la sexualité.» En Suisse actuellement, il semble difficile de s’accorder sur une définition qui fait l’unanimité. Concrètement, qu’inclut-on dans l’« éducation sexuelle » ? C’est autour de cette question que se cristallise le débat. Que demande l’initiative ? Le texte de l’initiative porte sur les cinq points suivants : • « L’éducation sexuelle est l’affaire des parents. • Un cours destiné à la prévention des abus sexuels envers les enfants peut être dispensé à partir de l’école maternelle. Ce cours n’aborde pas l’éducation sexuelle. • Un cours facultatif d’éducation sexuelle peut être dispensé par le maître de classe aux enfants et aux jeunes âgés de neuf ans révolus. • Un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la reproduction et le développement humains peut être dispensé par l’enseignant de biologie aux enfants et aux jeunes âgés de douze ans révolus. • Les enfants et les jeunes ne peuvent être contraints de suivre un cours d’éducation sexuelle qui dépasserait ce cadre. » Source : www.admin.ch © 2014 - La jeunesse débat © 2001, Hélène Bruller, Zep, Le guide du zizi sexuel PAGE 1 Faut-il supprimer les cours d’éducation sexuelle avant 9 ans dans les écoles suisses ? Education sexuelle et santé Incursion dans la sphère privée L’éducation sexuelle est ancrée dans une perspective de santé. C’est l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui a déterminé des standards de référence, expliquant ce qui peut être enseigné pour chaque âge. Les études menées dans ce cadre montrent que l’éducation sexuelle contribue à la diminution des relations sexuelles à risques (grossesses non désirées, infections sexuellement transmissibles, violences, etc…). En effet, c’est en acquérant des connaissances que les enfants peuvent adopter une conduite plus responsable, l’ignorance augmentant la prise de risque. Pour les opposants à l’éducation sexuelle, celle-ci doit être assumée par les parents des enfants en bas âge. D’une part, ils estiment que ce n’est pas à l’Etat (via les écoles) d’aborder un sujet relevant de l’intimité : cela revient à violer le droit à la sphère privée qui relève des droits fondamentaux. Les familles doivent pouvoir éduquer leurs enfants selon les valeurs qu’elles souhaitent. Education sociale Suite à la révélation de scandales de pédophilie, certains experts ont réfléchi à la manière d’aborder ce sujet avec des enfants en bas âge. Au jardin d’enfant, il s’agirait plutôt d’aborder des questions plus générales. Par exemple il s’agit pour les enfants d’apprendre à connaître leur corps et d’en identifier les parties les plus intimes de sorte à pouvoir se défendre en cas d’abus en tous genres. On parle alors d’éducation sociale portant sur l’intégrité physique qui ne se résume pas à des contenus sexuels. POUR Faut-il supprimer les cours d’éducation sexuelle « Nous ne devons pas nous laisser dicter par l’Etat ce qui est le mieux pour nos enfants. L’école doit instruire nos enfants ; mais l’éducation et la transmission de valeurs relève en premier lieu de notre compétence à nous autres, parents ». Ulrike Walker co-présidente du comité d’initiative, BS, février 2014 « Je ne pense pas que c’est en montrant comment on met un préservatif à un enfant de 4 ans à 8 ans (…) qu’on va régler les problèmes de pédophilie. » Olivier Dehaudt, président de l’association Choisir la vie, retranscription de la RTS, mars 2014 « (…). Nous affirmons que la classe n’est en aucun cas le cadre juste pour dispenser un enseignement éthique pratique sur la sexualité, cette instruction devant toujours être soigneusement adaptée aux besoins particuliers et personnels des individus. » Jean-Marc Berthoud, Président de l’Association vaudoise des parents, avril 1979 « Nous ne sommes pas d’accord avec les projets de l’OFSP. Un enfant de 4 ans ne doit pas encore avoir à apprendre la différence existant entre homosexuel, gay, lesbienne et bisexuel. Nous nous défendons contre une telle éducation sexuelle dictée par l’idéologie. » Comité d’initiative, février 2014 PAGE 2 « Impossible de critiquer l’éducation sexuelle à l’école sans être traité d’esprit réactionnaire, coincé, voire de mémère mal b… Et si les esprits malades étaient plutôt dans l’autre camp? Pour preuve, examinez ces sex-box, kit d’apprentissage de la sexualité avec vulve en fourrure (fausse, cela va de soi!) et zizi couillu en bois et velours (exactement comme on les aime) pour permettre aux petits de 5 ans de «toucher» la réalité du doigt! » Marie-Hélène Miauton, Le Temps, septembre 2011 « L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) veut introduire des cours d’éducation sexuelle obligatoires financés par les impôts à hauteur de plusieurs millions dans toutes les écoles maternelles et primaires de Suisse! » Comité d’initiative, février 2014 « Je pense qu’entre 3 et 4 ans surtout, elle (l’éducation sexuelle) doit se faire dans le milieu familial. L’école, qui ne peut prendre en compte la singularité de chacun, est la plus mal placée pour effectuer un travail de transmission. Symboliquement, je trouve déplacé que ce lieu, qui est celui des apprentissages scolaires collectifs, soit aussi celui de l’apprentissage individuel, qui relève de l’intimité. Il est essentiel que très jeune, l’enfant fasse la différence entre le public et le privé, le collectif et l’intime. En revanche, que les enseignants – dans le cadre d’un programme scolaire, comme cela se fait, d’ailleurs – puissent divulguer des informations sur la sexualité, une fois que les parents ont fait leur travail à la maison, me paraît une très bonne chose. » Gérard Bonnet, psychanalyste, psychologie.com, avril 2014 © 2014 - La jeunesse débat Fiche Coûts inutiles L’école comme cadre neutre L’intervention d’experts externes n’est pas justifiée. L’enseignant est la personne la plus adéquate pour aborder un sujet comme l’éducation sexuelle car il a un lien privilégié avec ses élèves, ce qui facilite la communication autour d’un thème délicat. Cela permettrait de réduire les coûts des interventions externes qui ne doivent pas être à la charge de l’Etat. Les défenseurs de l’éducation sexuelle dès les petites classes s’appuient sur l’accès à l’information qui est un droit pour tous selon la Déclaration des droits de l’homme. L’école est, selon eux, le lieu pour assurer cette information car elle garantit un traitement neutre et égalitaire. L’école offre le cadre propice pour aborder un sujet délicat dont il peut être difficile de parler en famille. L’intervention d’experts externes qui n’ont pas de liens particuliers avec les élèves facilite un échange dénué d’émotions et d’embarras. L’école : source d’informations scientifiques Pour les opposants, l’accès à l’information se fait par le biais des cours ordinaires. Le rôle de l’école n’est pas d’offrir une éducation sociale aux enfants, mais des informations scientifiques sur différents sujets. Concernant l’éducation sexuelle, les informations nécessaires liées à l’anatomie et à la reproduction trouvent leur place dans le cadre des cours de biologie. Ceux-ci interviennent à l’école secondaire dès 12 ans. Auparavant, des interventions ponctuelles destinées à prévenir les abus sont envisagées. avant 9 ans dans les écoles suisses ? « La littérature scientifique montre que l’éducation sexuelle ne provoque ni anticipation de l’âge des premières relations sexuelles ni accroissement de l’activité sexuelle des jeunes. Elle est à l’origine d’un accroissement des connaissances liées à la sexualité. (…) Elle contribue à l’adoption de pratiques sexuelles plus sûres. » Standards pour l’éducation sexuelle en Europe, OMS, 2013 « Tu as bien plus de chances d’être contaminée pendant tes règles. Je ne savais pas, on m’a appris ça en 4ème en cours d’éducation sexuelle. Certainement, en effet, pour qu’on ne joue pas avec le feu. » Lifelsajoke, forum des ados, avril 2013 « Je pense qu’(il est important d’) acquérir une compétence pour pouvoir comprendre, pour pouvoir décider, pour pouvoir se défendre, pour pouvoir avoir confiance en soi, pour pouvoir prévenir justement, oser dire non entre 4 et 6 ans c’est extrêmement important. » Anita Cotting, directrice de Planes, l’organisation faîtière de l’éducation sexuelle, retranscription de la RTS, mars 2014 © 2014 - La jeunesse débat CONTRE « Si, depuis trente ans, le nombre d’interruptions de grossesse en Suisse a nettement baissé, on le doit beaucoup à l’éducation sexuelle mise en place dans les écoles. » Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois,reiso.org, mai 2012 « L’histoire de l’éducation sexuelle (…) s’est construite dans un partenariat avec les parents - toujours informés, libres de dispenser leur enfant des cours – et les autorités scolaires et sanitaires communales et cantonales. Elle a pour mission d’informer les enfants et les jeunes sur les droits, les devoirs et les risques liés à la sexualité. » Anne-Françoise Tornare, Le Temps, octobre 2011 « Vers l’âge de 11 ou 12 ans, la mère peut parler du cycle menstruel avec sa fille, et le père évoquer les premières pollutions nocturnes avec son fils. (…) Un enfant plus jeune ne fait pas de différence entre le langage sexuel et le langage affectif. Parler de sexualité avec ses parents peut donc être source de confusion pour lui. Il vaut mieux que ce soit une personne extérieure à la famille qui s’en charge, dans un cadre scolaire ou de groupe. » Dr.Frenk, pédiatre et thérapeute de famille, LeMatinDimanche, avril 2012 PAGE 3 Faut-il supprimer les cours d’éducation sexuelle avant 9 ans dans les écoles suisses ? Fiche La sexualité : un sujet sensible Lexique La sexualité est un sujet sensible autour duquel se rencontrent plusieurs valeurs. L’actualité mettant régulièrement l’accent sur des faits divers terribles en lien avec des abus sexuels, c’est également un sujet qui peut faire peur. Les deux parties semblent être d’accord sur le fait qu’il faut prévenir les abus sexuels sur les enfants, mais elles ne semblent pas s’accorder sur la manière d’aborder l’éducation sexuelle à l’école, sur la définition de cette éducation ni sur l’âge auquel il faut commencer. Sexualiser : doter de valeurs sexuelles, imprégner de sexualité une chose généralement étrangère au sexe. Le rôle d’Internet : sexualité ou pornographie ? Avec les nouveaux médias, la frontière entre la sexualité et la pornographie tend à se confondre. Par sexualité, on entend l’acte sexuel impliquant généralement un aspect émotionnel. La pornographie montre et décrit l’acte sexuel en le simplifiant, le vulgarisant et le détaillant ; les émotions n’y ont pas de place. L’enfant qui se trouve confronté, volontairement ou non à des images à caractère sexuel n’est pas forcément en mesure de distinguer ce qui relève de la sexualité ou de la pornographie. Il en résulte une confusion. Comment faire comprendre cette distinction ? Est-ce que le problème ne se situe pas plutôt du côté d’un accès facilité à une information non filtrée ? Histoire de l’éducation sexuelle en bref L’apparition de la pilule contraceptive et la légalisation de l’avortement, dans les années 1970, ont participé à dissocier sexualité et reproduction. Ainsi on peut choisir le moment pour avoir des enfants et le nombre désiré. La sexualité perd alors un peu de son caractère tabou et devient un sujet de débat public. Tout ceci a contribué, en Europe, à l’introduction de l’éducation sexuelle en milieu scolaire. Contraception : désigne l’emploi de moyens visant à empêcher qu’un rapport sexuel entraîne une grossesse. Prévention : toutes les mesures destinées à prévenir des risques dans le domaine de la santé. VIH/SIDA : le Sida est l’abréviation de syndrome d’immunodéficience acquise. C’est une maladie sexuellement transmissible, causée par un virus appelé VIH, ou virus d’immunodéficience humaine. Il existe néanmoins d’autres modes de transmission comme la voie sanguine, ou la voie materno-foetale lors de l’accouchement ou de l’allaitement. Liens internet: Site de l’initiative contre l’éducation sexuelle : http://initiative-de-protection.ch Site d’aide et information pour les adolescents : www.ciao.ch Fondation pour des informations et des consultations de santé sexuelle : www.profa.ch Site de l’éducation sexuelle à l’école en Suisse : www.amorix.ch Dès 1980, le besoin de prévention dans le domaine de la sexualité se renforce : l’épidémie du VIH/SIDA, la révélation de violence et d’abus sexuels contre des enfants et des adolescents, la migration de groupes de population venant de différents horizons culturels et religieux, ou encore l’essor fulgurant des nouveaux médias (Internet et la téléphonie mobile) multiplient les questions en lien avec la sexualité. © 2014 - La jeunesse débat PAGE 4