Faut-il supprimer les cours d`éducation sexuelle

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Faut-il supprimer les cours d`éducation sexuelle
Faut-il supprimer les
cours d’éducation
sexuelle avant 9 ans
dans les écoles suisses ?
La jeunesse débat
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Fiches
argumentaires
avril 2014
Sarah Chevalley
Fondation Dialogue
Campus
pour la démocratie
En mars 2013 une initiative intitulée : « Protection contre la sexualisation à l’école maternelle et à l’école
primaire » a été déposée à Berne. Elle émane d’un groupe de parents bâlois indignés par des accessoires
utilisés à des fins pédagogiques auprès d’enfants de 4 ans. Jugeant inapproprié ce matériel reproduisant
des organes sexuels masculins et féminins, ils ont obtenu qu’il soit retiré.
L’initiative soulève les questions suivantes : à quel âge est-il le plus adéquat de commencer l’éducation
sexuelle dans les écoles ? Qu’entend-on par « éducation sexuelle » pour des enfants de maternelle ? Doitelle être obligatoire ? Comment et par qui doit-elle être dispensée ?
Actuellement en Suisse :
Au niveau national, il n’existe pas de directive
pédagogique pour l’éducation sexuelle avant 9 ans. En
Suisse romande et au Tessin, elle est enseignée par
des spécialistes externes à l’école. A Lausanne, par
exemple, leur intervention est soumise à l’information et
à l’autorisation des parents. En Suisse alémanique, dans
la majorité des cantons, l’éducation sexuelle est de la
responsabilité des enseignants. Ils peuvent néanmoins
faire appel à des spécialistes s’ils le souhaitent. Les
contenus liés à l’éducation sexuelle sont généralement
abordés dès 12 ans partout.
Fin 2006, l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP)
décide d’introduire des cours d’éducation sexuelle à
l’école dès les petites classes. Un mandat est donné
à la Haute École Pédagogique de la Suisse Centrale
qui a créé le Centre de compétences pour l’éducation
sexuelle à l’école.
Qu’entend-on par « éducation sexuelle » ?
L’UNESCO, en collaboration avec d’autres organisations
des Nations Unies, définit l’éducation sexuelle comme
suit : «Par éducation sexuelle, on entend une manière
d’aborder l’enseignement de la sexualité et des relations
interpersonnelles qui soit adaptée à l’âge, culturellement
pertinente et fondée sur une information scientifiquement
précise, réaliste et s’abstenant de jugements de valeur.
L’éducation sexuelle offre la possibilité d’explorer ses
propres valeurs et attitudes, et de développer des
compétences en matière de prise de décisions, de
communication et de réduction des risques, concernant de
nombreux aspects de la sexualité.» En Suisse actuellement,
il semble difficile de s’accorder sur une définition qui fait
l’unanimité. Concrètement, qu’inclut-on dans l’« éducation
sexuelle » ? C’est autour de cette question que se cristallise
le débat.
Que demande l’initiative ?
Le texte de l’initiative porte sur les cinq points suivants :
• « L’éducation sexuelle est l’affaire des parents.
• Un cours destiné à la prévention des abus sexuels envers les
enfants peut être dispensé à partir de l’école maternelle. Ce
cours n’aborde pas l’éducation sexuelle.
• Un cours facultatif d’éducation sexuelle peut être dispensé par
le maître de classe aux enfants et aux jeunes âgés de neuf ans
révolus.
• Un cours obligatoire destiné à la transmission de savoirs sur la
reproduction et le développement humains peut être dispensé
par l’enseignant de biologie aux enfants et aux jeunes âgés de
douze ans révolus.
• Les enfants et les jeunes ne peuvent être contraints de suivre un
cours d’éducation sexuelle qui dépasserait ce cadre. »
Source : www.admin.ch
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© 2001, Hélène Bruller, Zep, Le guide du zizi sexuel
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Faut-il supprimer les cours d’éducation sexuelle avant 9 ans dans les écoles suisses ?
Education sexuelle et santé
Incursion dans la sphère privée
L’éducation sexuelle est ancrée dans une perspective de
santé. C’est l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui a
déterminé des standards de référence, expliquant ce qui peut
être enseigné pour chaque âge. Les études menées dans
ce cadre montrent que l’éducation sexuelle contribue à la
diminution des relations sexuelles à risques (grossesses non
désirées, infections sexuellement transmissibles, violences,
etc…). En effet, c’est en acquérant des connaissances que
les enfants peuvent adopter une conduite plus responsable,
l’ignorance augmentant la prise de risque.
Pour les opposants à l’éducation sexuelle, celle-ci doit être
assumée par les parents des enfants en bas âge. D’une
part, ils estiment que ce n’est pas à l’Etat (via les écoles)
d’aborder un sujet relevant de l’intimité : cela revient à violer
le droit à la sphère privée qui relève des droits fondamentaux.
Les familles doivent pouvoir éduquer leurs enfants selon les
valeurs qu’elles souhaitent.
Education sociale
Suite à la révélation de scandales de pédophilie, certains experts ont réfléchi à la manière d’aborder ce sujet avec des
enfants en bas âge. Au jardin d’enfant, il s’agirait plutôt d’aborder des questions plus générales. Par exemple il s’agit pour
les enfants d’apprendre à connaître leur corps et d’en identifier les parties les plus intimes de sorte à pouvoir se défendre en
cas d’abus en tous genres. On parle alors d’éducation sociale portant sur l’intégrité physique qui ne se résume pas à des
contenus sexuels.
POUR
Faut-il supprimer les cours d’éducation sexuelle
« Nous ne devons pas nous laisser dicter par l’Etat ce qui est
le mieux pour nos enfants. L’école doit instruire nos enfants ;
mais l’éducation et la transmission de valeurs relève en
premier lieu de notre compétence à nous autres, parents ».
Ulrike Walker co-présidente du comité d’initiative, BS, février 2014
« Je ne pense pas que c’est en montrant comment on met un
préservatif à un enfant de 4 ans à 8 ans (…) qu’on va régler les
problèmes de pédophilie. »
Olivier Dehaudt,
président de l’association Choisir la vie,
retranscription de la RTS, mars 2014
« (…). Nous affirmons que la classe n’est en aucun cas
le cadre juste pour dispenser un enseignement éthique
pratique sur la sexualité, cette instruction devant toujours
être soigneusement adaptée aux besoins particuliers et
personnels des individus. »
Jean-Marc Berthoud,
Président de l’Association vaudoise des parents, avril 1979
« Nous ne sommes pas d’accord avec les projets de l’OFSP.
Un enfant de 4 ans ne doit pas encore avoir à apprendre
la différence existant entre homosexuel, gay, lesbienne et
bisexuel. Nous nous défendons contre une telle éducation
sexuelle dictée par l’idéologie. »
Comité d’initiative, février 2014
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« Impossible de critiquer l’éducation sexuelle à l’école sans
être traité d’esprit réactionnaire, coincé, voire de mémère mal
b… Et si les esprits malades étaient plutôt dans l’autre camp?
Pour preuve, examinez ces sex-box, kit d’apprentissage de la
sexualité avec vulve en fourrure (fausse, cela va de soi!) et zizi
couillu en bois et velours (exactement comme on les aime)
pour permettre aux petits de 5 ans de «toucher» la réalité du
doigt! »
Marie-Hélène Miauton, Le Temps, septembre 2011
« L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) veut introduire
des cours d’éducation sexuelle obligatoires financés par les
impôts à hauteur de plusieurs millions dans toutes les écoles
maternelles et primaires de Suisse! »
Comité d’initiative, février 2014
« Je pense qu’entre 3 et 4 ans surtout, elle (l’éducation
sexuelle) doit se faire dans le milieu familial. L’école, qui
ne peut prendre en compte la singularité de chacun, est la
plus mal placée pour effectuer un travail de transmission.
Symboliquement, je trouve déplacé que ce lieu, qui est
celui des apprentissages scolaires collectifs, soit aussi celui
de l’apprentissage individuel, qui relève de l’intimité. Il est
essentiel que très jeune, l’enfant fasse la différence entre le
public et le privé, le collectif et l’intime. En revanche, que les
enseignants – dans le cadre d’un programme scolaire, comme
cela se fait, d’ailleurs – puissent divulguer des informations
sur la sexualité, une fois que les parents ont fait leur travail à
la maison, me paraît une très bonne chose. »
Gérard Bonnet, psychanalyste, psychologie.com, avril 2014
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Fiche
Coûts inutiles
L’école comme cadre neutre
L’intervention d’experts externes n’est pas justifiée.
L’enseignant est la personne la plus adéquate pour aborder
un sujet comme l’éducation sexuelle car il a un lien privilégié
avec ses élèves, ce qui facilite la communication autour
d’un thème délicat. Cela permettrait de réduire les coûts
des interventions externes qui ne doivent pas être à la
charge de l’Etat.
Les défenseurs de l’éducation sexuelle dès les petites
classes s’appuient sur l’accès à l’information qui est un
droit pour tous selon la Déclaration des droits de l’homme.
L’école est, selon eux, le lieu pour assurer cette information
car elle garantit un traitement neutre et égalitaire. L’école
offre le cadre propice pour aborder un sujet délicat dont il
peut être difficile de parler en famille. L’intervention d’experts
externes qui n’ont pas de liens particuliers avec les élèves
facilite un échange dénué d’émotions et d’embarras.
L’école : source d’informations scientifiques
Pour les opposants, l’accès à l’information se fait par le biais des cours ordinaires. Le rôle de l’école n’est pas d’offrir une
éducation sociale aux enfants, mais des informations scientifiques sur différents sujets. Concernant l’éducation sexuelle,
les informations nécessaires liées à l’anatomie et à la reproduction trouvent leur place dans le cadre des cours de biologie.
Ceux-ci interviennent à l’école secondaire dès 12 ans. Auparavant, des interventions ponctuelles destinées à prévenir les
abus sont envisagées.
avant 9 ans dans les écoles suisses ?
« La littérature scientifique montre que l’éducation sexuelle
ne provoque ni anticipation de l’âge des premières relations
sexuelles ni accroissement de l’activité sexuelle des jeunes.
Elle est à l’origine d’un accroissement des connaissances
liées à la sexualité. (…) Elle contribue à l’adoption de pratiques
sexuelles plus sûres. »
Standards pour l’éducation sexuelle en Europe, OMS, 2013
« Tu as bien plus de chances d’être contaminée pendant tes
règles. Je ne savais pas, on m’a appris ça en 4ème en cours
d’éducation sexuelle. Certainement, en effet, pour qu’on ne
joue pas avec le feu. »
Lifelsajoke, forum des ados, avril 2013
« Je pense qu’(il est important d’) acquérir une compétence
pour pouvoir comprendre, pour pouvoir décider, pour pouvoir
se défendre, pour pouvoir avoir confiance en soi, pour pouvoir
prévenir justement, oser dire non entre 4 et 6 ans c’est
extrêmement important. »
Anita Cotting, directrice de Planes,
l’organisation faîtière de l’éducation sexuelle,
retranscription de la RTS, mars 2014
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CONTRE
« Si, depuis trente ans, le nombre d’interruptions de grossesse
en Suisse a nettement baissé, on le doit beaucoup à l’éducation
sexuelle mise en place dans les écoles. »
Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois,reiso.org, mai 2012
« L’histoire de l’éducation sexuelle (…) s’est construite dans
un partenariat avec les parents - toujours informés, libres de
dispenser leur enfant des cours – et les autorités scolaires
et sanitaires communales et cantonales.
Elle a pour mission
d’informer les enfants et les jeunes sur les droits, les devoirs
et les risques liés à la sexualité. »
Anne-Françoise Tornare,
Le Temps, octobre 2011
« Vers l’âge de 11 ou 12 ans, la mère peut parler du cycle
menstruel avec sa fille, et le père évoquer les premières
pollutions nocturnes avec son fils. (…) Un enfant plus jeune
ne fait pas de différence entre le langage sexuel et le langage
affectif. Parler de sexualité avec ses parents peut donc être
source de confusion pour lui. Il vaut mieux que ce soit une
personne extérieure à la famille qui s’en charge, dans un
cadre scolaire ou de groupe. »
Dr.Frenk, pédiatre et thérapeute de famille,
LeMatinDimanche, avril 2012
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Fiche
La sexualité : un sujet sensible
Lexique
La sexualité est un sujet sensible autour duquel se
rencontrent plusieurs valeurs. L’actualité mettant
régulièrement l’accent sur des faits divers terribles en lien
avec des abus sexuels, c’est également un sujet qui peut
faire peur. Les deux parties semblent être d’accord sur le
fait qu’il faut prévenir les abus sexuels sur les enfants, mais
elles ne semblent pas s’accorder sur la manière d’aborder
l’éducation sexuelle à l’école, sur la définition de cette
éducation ni sur l’âge auquel il faut commencer.
Sexualiser : doter de valeurs sexuelles, imprégner de
sexualité une chose généralement étrangère au sexe.
Le rôle d’Internet :
sexualité ou pornographie ?
Avec les nouveaux médias, la frontière entre la sexualité
et la pornographie tend à se confondre. Par sexualité, on
entend l’acte sexuel impliquant généralement un aspect
émotionnel. La pornographie montre et décrit l’acte sexuel
en le simplifiant, le vulgarisant et le détaillant ; les émotions
n’y ont pas de place. L’enfant qui se trouve confronté,
volontairement ou non à des images à caractère sexuel n’est
pas forcément en mesure de distinguer ce qui relève de la
sexualité ou de la pornographie. Il en résulte une confusion.
Comment faire comprendre cette distinction ? Est-ce que le
problème ne se situe pas plutôt du côté d’un accès facilité
à une information non filtrée ?
Histoire de l’éducation sexuelle en bref
L’apparition de la pilule contraceptive et la légalisation de
l’avortement, dans les années 1970, ont participé à dissocier
sexualité et reproduction. Ainsi on peut choisir le moment
pour avoir des enfants et le nombre désiré. La sexualité
perd alors un peu de son caractère tabou et devient un
sujet de débat public. Tout ceci a contribué, en Europe, à
l’introduction de l’éducation sexuelle en milieu scolaire.
Contraception : désigne l’emploi de moyens visant à
empêcher qu’un rapport sexuel entraîne une grossesse.
Prévention : toutes les mesures destinées à prévenir des
risques dans le domaine de la santé.
VIH/SIDA : le Sida est l’abréviation de syndrome
d’immunodéficience
acquise.
C’est
une
maladie
sexuellement transmissible, causée par un virus appelé VIH,
ou virus d’immunodéficience humaine. Il existe néanmoins
d’autres modes de transmission comme la voie sanguine,
ou la voie materno-foetale lors de l’accouchement ou de
l’allaitement.
Liens internet:
Site de l’initiative contre l’éducation sexuelle :
http://initiative-de-protection.ch
Site d’aide et information pour les adolescents :
www.ciao.ch
Fondation pour des informations
et des consultations de santé sexuelle :
www.profa.ch
Site de l’éducation sexuelle à l’école en Suisse :
www.amorix.ch
Dès 1980, le besoin de prévention dans le domaine de la
sexualité se renforce : l’épidémie du VIH/SIDA, la révélation
de violence et d’abus sexuels contre des enfants et des
adolescents, la migration de groupes de population venant
de différents horizons culturels et religieux, ou encore l’essor
fulgurant des nouveaux médias (Internet et la téléphonie
mobile) multiplient les questions en lien avec la sexualité.
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