IUFM de l`académie de Dijon
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IUFM DE BOURGOGNE CONCOURS DE RECRUTEMENT : Professeur des écoles Les jeux collectifs M. GUERAUD Vincent Et La citoyenneté Directeur de mémoire : Mr Béguine Année 2004-2005 N° de dossier : 04STA00409 SOMMAIRE Introduction……………………………………………………………………………………..p.1 I. Questionnements théoriques A. Mes interrogations personnelles…………………..…………………….p.3 B. La citoyenneté du point de vue théorique………………………….p.6 1). Apports théoriques sur la citoyenneté……………………….p.6 2). Pourquoi la citoyenneté ?......................................p.6 3). EPS et citoyenneté………………………………………………………p.7 4). La citoyenneté et les instructions officielles………………p.9 C. L’autonomie et le développement de la personne…………….p.11 D. Les règles en EPS…………………………………………………………………p.13 1). Les différents types de règles et leurs effets…………….p.13 2). Niveaux d’intégration de la règle……………………………….p.15 II. Mise en situation pratique A. Les hypothèses d’action……………………………………………………….p.18 B. Description et analyse des séances…………………………………….p.20 1) . séance 1……………………………………………………………………..p.20 2). Séance 2……………………………………………………………………..p.22 3). Séance 3……………………………………………………………………..p.25 4). Séance 4………………………………………………………………………p.27 5). Le jeu du « chasseur-lapin »……………………………………..p.28 6). Bilan……………………………………………………………………………..p.29 CONCLUSION………………………………………………………………………………………p.31 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………………….p.33 INTRODUCTION La constitution du mémoire professionnel à la charge des professeurs des écoles s’inscrit dans une démarche réflexive qui doit permettre à son auteur de s’interroger sur une question de divers ordres. Il est donc à la charge du stagiaire de construire sa pensée de manière à la faire évoluer pour répondre, dans la mesure du possible, à ses interrogations. Je vais donc essayer de démontrer le cheminement réflexif que j’ai mené pour réaliser ce mémoire. Dans mon cas je me suis toujours intéressé à la vie en collectivité et aux interactions mises en jeu lors des échanges dans les groupes. Il m’a donc été naturel de choisir comme thème la citoyenneté, même s’il s’agit d’un sujet récurrent dans ce support d’évaluation. Mais comment peut-il en être autrement quand on est dans une classe ? La citoyenneté en tant que valeur s’expose, à différents degrés, dans toute situation. A ce moment je devais donner une nouvelle orientation. Pour ce faire il fallait préciser le champ disciplinaire des programmes de l’école élémentaire sur lequel j’allais porter mon attention. J’ai choisi l’Education Physique Sportive, et plus particulièrement le chapitre des programmes intitulé « s’opposer individuellement ou collectivement ». Il me semblait plus pertinent d’observer les comportements des enfants dans des actes les engageant sans retenue, lors desquels leur mise en action ne serait pas perturbée par d’autres obligations. J’ai remarqué, au moment de mon stage tutelle, que les enfants envisageaient les jeux collectifs comme tel, c'est-à-dire dans les premiers temps comme des jeux pour s’amuser, pour prendre du plaisir. L’aspect « apprentissage » comme il peut l’être dans d’autres disciplines ne figurent pas dans leur esprit. Pour eux, l’enseignant leurs propose des activités où ils peuvent se dépenser. Il s’agit également d’un champ de liberté pour les élèves en terme de réussite et d’échec. Un enfant n’a pas peur, ou moins peur, de se tromper ou de « faire mal ». Il n’hésite pas à proposer des réponses personnelles aux questions qu’on lui pose. Il n’a plus l’appréhension de la moquerie ou encore le regard de ses camarades lui semble plus supportable. Ce qui importe c’est le JEU. Dès lors l’enseignant revêt un rôle d’observateur des plus importants pour mener les enfants dans des situations les amenant à construire leurs savoirs, car le maître devient un guide garant des connaissances mais sans une approche transmissive. Je développerai précédemment de la les quelques manière pistes suivante : de dans travail un suggérées premier temps j’approfondirai mon questionnement dans la perspective d’en dégager une problématique affinée à la suite de laquelle des éléments théoriques viendront préciser la réflexion. Afin de répondre aux hypothèses soulevées j’expliciterai la mise en œuvre pratique au travers de séances d’apprentissages envisagées et dans le même temps je porterai une analyse de cette pratique. I. Les questionnements théoriques A. Mes interrogations personnelles Le métier de professeur des écoles exige de savoir gérer différentes obligations : en terme de polyvalence relative aux différents enseignements, de compétences dans la construction de situations d’apprentissages, de conduite de la classe et gestion de l’hétérogénéité des élèves, et enfin dans le domaine de la responsabilité éducative. Si certes l’objectif consiste à maîtriser les contenus de chacun des items précédents, il en est un particulièrement où l’enfant est au centre. Il s’agit bien entendu de celui de la conduite de la classe et de l’hétérogénéité. La classe demeure un lieu de vie pour les enfants. Ils la fréquentent de plus en plus assidûment au cours de leur scolarité. La question de la citoyenneté apparaît alors comme un axe prioritaire d’interrogation. La citoyenneté traduit des comportements de vie de chacun dans un groupe d’individus. En cela elle est inhérente au fonctionnement d’une classe. La vie en communauté, que peut représenter un groupe d’élèves et son maître, nécessite un ensemble de points d’accord afin que chacun y évolue dans les meilleures conditions. Pour moi un tel objectif semble prioritaire. Les différentes observations que j’ai pu faire lors de mon année en tant que liste complémentaire ou encore lors des divers stages ont toujours démontré l’importance du groupe,et donc des individus pris isolement, de sa cohésion et de son équilibre dans le bien être de la classe. Sous cet angle, la citoyenneté, traduisant les rapports sociaux et moraux entre des individus, dans notre cas les enfants, peut se définir comme la socialisation. Faire en sorte que les enfants apprennent à évoluer ensemble. Formulé ainsi est certes réducteur mais on pourrait s’en contenter. Seulement j’ai pu remarquer que l’enfant ne peut se résoudre à une si simple acceptation, ou alors elle ne serait que ponctuelle, épisodique donc non intégrer ou acquise par l’enfant. Il doit s’imprégner d’une situation concrète pour en saisir le sens. L’enfant se construit dans l’action qu’il réalise. L’enfant doit vivre la situation. Autrement dit il faut que l’enfant soit acteur, non pas qu’il compose, mais qu’il construise lui-même ses apprentissages. Ici la notion d’acteur est empruntée au champ lexical de la sociologie. L’enfant doit alors s’interroger sur une situation, pratique on non, qui lui pose problème et ensuite la mise en oeuvre, elle aussi pratique ou non, permet d’analyser et d’interpréter les résultats afin d’en dégager une conclusion. Cette démarche se retrouve dans l’approche scientifique développée en école primaire. Je voulais essayer de montrer qu’une telle approche pouvait se mettre en place de manière significative dans un autre champ disciplinaire. Mais lequel ? L’E.P.S. m’a semblé convenir dans la mesure où l’enfant évolue souvent en groupe dans lequel se créent des rapports sociaux. Puisqu’il s’agit de groupe les programmes proposent un intitulé convenant à mes attentes : celui de « s’opposer collectivement ». Ma recherche portera sur les jeux collectifs. Comment l’enfant devient-il acteur de son savoir et de ses connaissances? Etre acteur signifie être dans l’action ou plus précisément dans l’acte à accomplir. Par exemple il peut pratiquer, manipuler, agir mais cela ne suffirait pas car son rôle alors seulement être celui d’imitateur. Acteur c’est plus. L’acte s’accomplit dans la construction de l’action. Il faut donc placer l’enfant en situation où il construit et donc où il se construit. Ce constat suggère donc les deux axes de travail suivant. D’une part il convient de se demander se que l’enfant peut construire dans une activité de jeu collectif. Il m’a donc semblé pertinent de centrer la recherche sur la notion de règle, ici non pas les règles de vie comme on pourrait l’entendre dans l’idée de citoyenneté. D’autre part l’enfant se construit simultanément à la construction de son savoir. Pour inscrire l’enfant dans une telle démarche il est nécessaire de le placer en situation d’autonomie. Dés lors une problématique se dégage : comment la construction de règles dans une situation de jeu collectif peut amener l’enfant à devenir autonome ? Je propose donc de traiter dans la suite de cette première partie de la citoyenneté d’un point de vue purement théorique afin de dégager les notions de règles et d’autonomie adéquates à mes interrogations. B. La citoyenneté du point de vue théorique 1) Apports théoriques sur la citoyenneté Définition de la citoyenneté : « Etre citoyen : c’est tenter de dépasser son cas singulier, s’abstraire de ses conditions pour s’associer avec d’autres à la gestion de la vie publique, devenir avec eux co-partageants et co-participants au pouvoir. Il y a citoyenneté dès que l’individu accepte de suspendre son point de vue privé pour prendre en considération le bien commun, entrer dans l’espace public où les hommes se parlent à égalité et agissent les uns avec les autres. » P. BRUCKNER. « Chacun, adulte ou enfant, homme ou femme est citoyen en raison de son appartenance à la société humaine. Appartenir à une collectivité (école, entreprise, nation, monde, etc.) crée la citoyenneté qui est faite de droits et de devoirs. L’enfant qui participe là où il est, et en tant qu’enfant, à la vie de son groupe, est déjà à son niveau, un citoyen à part entière. Plus tard, les droits politiques viendront élargir le domaine d’exercice de sa citoyenneté. » M.FLONNEAU. Le citoyen n’est pas seulement celui qui obéit à la loi, c’est aussi celui qui la fait, avec les autres. Alors, on pourrait définir le citoyen comme : « celui qui apprend à faire la loi et pas seulement à y obéir. » Etre citoyen, c’est pouvoir commencer à considérer l’autre comme un autre soi-même. Le citoyen est bien celui qui doit construire avec les autres citoyens le sens qu’il entend donner à l’existence collective 2) Pourquoi la citoyenneté ? L’éducation du citoyen est restée une préoccupation constante de l’école. En 1882, Jules Ferry consacre définitivement l’institution scolaire comme lieu privilégié pour cette éducation. Aujourd’hui, face aux menaces qui pèsent sur les valeurs démocratiques et aux risques d’exclusion, elle est une priorité réaffirmée du système éducatif français. « Le discours politique et institutionnel, tout comme l’opinion publique, considère le civisme comme un rempart contre la violence et la fracture sociale dont souffre notre société », selon M. FLONNEAU. L’école est le premier espace d’exercice de la citoyenneté de l’enfant, il découvre les autres et apprend à vivre avec eux, c’est-à-dire à les respecter, à les comprendre et à élaborer avec eux des projets qui dépassent son intérêt personnel. Si l’école n’est pas capable, seule, de rétablir la cohésion sociale qui permet à l’individu de vivre dans la société et de surmonter les difficultés quotidiennes, elle fait acquérir des savoirs et des comportements qui expriment des valeurs démocratiques. Elle prépare à la participation et à la prise de responsabilité au nom de l’intérêt général. L’éducation civique, renchérit E.ALTSCHULL, consiste avant tout à faire réfléchir les élèves sur les droits et les obligations que partagent les citoyens et qui sont autant d’acquis historiques. L’enjeu de cet enseignement est fondamental car des méthodes et des options de l’enseignant d’aujourd’hui dépendront en partie l’identité et la vie sociale des adultes de demain. L’éducation à la citoyenneté est réalisée par tous les acteurs de l’école. Le professeur des écoles a donc un rôle à jouer dans ce processus d’apprentissage à la citoyenneté. En effet, il est placé au début du système éducatif et doit être donc conscient de l’importance que représente cette éducation. Il doit aussi savoir qu’il s’agit d’une entreprise qui dépasse le cadre scolaire, elle va au-delà de l’école puisque les parents ainsi que l’environnement extra-scolaire ont une influence sur les enfants. Les enfants doivent être citoyens toute l’année. 3) E.P.S. et citoyenneté : L’enseignement de l’éducation physique et sportive vise : - le développement des capacités et des ressources nécessaires aux conduites motrices, - l’accès au patrimoine culturel que représentent les diverses activités physiques, sportives et artistiques, pratiques sociales de référence, - l’acquisition des compétences et connaissances utiles pour mieux connaître son corps, le respecter et le garder en forme. En ce sens, elle apporte une contribution originale à la transformation de soi et au développement de la personne telle qu’elle s’exprime dans les activités liées au corps. Pour aborder la notion de citoyenneté, j’ai donc choisi le cadre de l’éducation physique et sportive. Un tel choix ne tient pas au hasard : si pour ma part l’E.P.S. est une activité scolaire à part entière, elle jouit chez les élèves d’un statut privilégié. En tant que discipline, elle présente quelques spécificités par rapport aux autres disciplines dites « traditionnelles » : les élèves ne sont plus assis ce qui entraîne des formes changeantes de groupements et une manipulation de matériel. Ils agissent, les actions sont visibles, et par la même, deviennent patentes et chargées du regard de l’autre. De plus, le jeu sportif permet d’avoir à sa disposition un moyen engageant, le plus direct pour présenter une tâche d’apprentissage. L’activité corporelle apparaît comme un excellent moyen d’éducation car elle implique l’être dans sa totalité, en interaction avec un environnement physique et social. Les activités servant de support à l’E.P.S. mettent en jeu le corps et produisent des émotions. Comment l’E.P.S. peut-elle développer les qualités du citoyen ? Comment aide-t-elle à s’informer, à construire le sens critique et le sens des responsabilités ? Les nouveaux programmes précisent : « l’éducation physique et sportive contribue à la formation du citoyen, en éduquant à la responsabilité et à l’autonomie. Elle offre la possibilité de jouer avec la règle, de mieux la comprendre, de la faire vivre, et d’accéder ainsi aux valeurs sociales et morales. » Les démarches devant être mises en œuvre pendant les A.P.S. doivent faciliter l’intégration de l’élève dans le groupe et même faire comprendre les règles de la vie de groupe. L’acceptation de la pratique sportive dans ses aspects organisationnels (du fait d’appartenir à un groupe ayant un but commun) dans une certaine mesure fait prendre conscience à l’enfant de l’idée de citoyenneté. L’éducation physique participe pleinement à la construction de l’identité de la personne et ce, dès l’école maternelle. Par les activités motrices, l’enfant prend conscience de ses possibilités, de ses limites car la connaissance de soi passe par l’appropriation de son corps. L’E.P.S. a un rôle très important à jouer dans l’élaboration de l’enfant individu-citoyen . Elle représente l’axe fondamental qui permet de faire vivre, et c’est essentiel pour l’enfant, l’éducation civique et de lui donner sens. Les activités physiques à l’école primaire permettent de mettre le corps dans des situations inhabituelles ; cela permet à l’enfant de se sortir de ses repères pour s’en construire d’autres et prendre conscience de son adaptabilité à des situations nouvelles, aussi déstabilisantes soient-elles. L’enseignant doit donc proposer aux enfants des activités adaptées à leur développement, son approche pédagogique (ses formes de groupement, sa façon de faire réfléchir l’élève ou un groupe d’élèves sur leur attitude…) est une donnée essentielle au travail de la citoyenneté dans le cadre des cours d’E.P.S. . 4) La citoyenneté et les Instructions Officielles : Dans le chapitre Education Civique, se trouve le paragraphe « Participer pleinement à la vie de son école » qui développe les notions : Ecouter l’autre ; Respecter les différences ; Respecter les règles élémentaires ; Comprendre les contraintes de la vie collective. En ce sens, les programmes pour l’école élémentaire proposent aux enseignants de mettre en place une éducation civique dans leurs classes car « c’est à partir de la vie en classe que l’enfant découvre les règles de la vie en société, les valeurs qui la fondent et fait l’apprentissage de sa propre responsabilité ». L’éducation civique intervient auprès de l’élève comme un véritable apprentissage de la vie d’adulte. En ce qui concerne les Instructions Officielles relatives à l’E.P.S., elles indiquent que l’enfant doit être capable « d’organiser ses actions en fonction de règles… de communiquer avec les autres… d’agir en fonction des autres selon des règles, et de tenir divers rôles dans une équipe… d’acquérir des règles de l’action motrice individuelle et collective, de dominer ses appréhensions ». Les programmes soulignent que l’Education Physique et Sportive « favorise le comportement corporel, physique et social ». Dans le chapitre Education Physique et Sportive, un des objectifs principaux est la contribution « à la formation du citoyen, en éduquant à la responsabilité et à l’autonomie. Elle offre la possibilité de jouer avec la règle, de mieux la comprendre, de la faire vivre et d’accéder ainsi aux valeurs sociales et morales. » On indique aussi, que l’E.P.S. permet d’acquérir des attitudes, des méthodes, des démarches favorables aux apprentissages, dans la pratique de l’activité mais également dans la vie sociale. Les élèves apprennent à mieux se connaître, à mieux connaître les autres, à comprendre et à mettre en œuvre des règles. Le travail en équipe permet de réfléchir avec les autres sur la meilleure façon d’agir, de pouvoir aider un camarade ou de se faire aider par une parade ou un conseil. A travers l’E.P.S. l’élève peut construire des principes de vie collective c’est-à-dire se conduire dans le groupe en fonction de règles, de codes. Il apprend à écouter et respecter les autres, à coopérer. La coopération représente un axe important de réflexion dans l’appréhension des jeux collectifs d’opposition mais je fais le choix de ne pas la traiter et de l’inclure dans ma recherche pour me centrer sur la règle et l’autonomie. C. L’autonomie et le développement de la personne. L’E.P.S. doit permettre le développement de la sécurité, la solidarité, la responsabilité et l’autonomie en vue d’une éducation citoyenne. Nous allons donc nous intéresser, au niveau de l’école primaire, à l’autonomie. L’autonomie est une notion. Elle n’appartient à aucun champ scientifique et relève plutôt d’une réflexion philosophique (KANT) et pédagogique (les pédagogies actives, non directives). De ce fait, elle est confuse. D’abord, elle peut donner l’illusion d’un « état autonome » parfait, définitif, état qui évidemment n’existe pas. L’autonomie serait plutôt un processus long, non linéaire de situations de moindre dépendance. De plus, le passé de la notion (NEILL, 1960 ; ROGERS, 1961) renvoie souvent à l’idée d’une libération individuelle, d’un épanouissement qui ferait l’économie du « social ». Cette conception conduit à des impasses car justement l’autonomie est une « liberté sociale » (MEARD et BERTONE, 1998), ce qui n’a pas grand chose à voir avec la vision idyllique d’une liberté hors du monde. Au niveau pratique, l’autonomie repose sur un paradoxe : en effet, l’action d’éduquer implique l’influence volontaire sur une personne, donc sa « dépendance », au moins momentanée. En ce sens, pour BATESON, parler d’autonomie dans le cadre scolaire est une « injonction paradoxale ». Mais en même temps, cette influence de l’éducateur est mise en œuvre dans le but de disparaître à terme (sinon la personne ne devient jamais autonome). Situé au centre de l’acte d’éducation, ce paradoxe est une source permanente de contradictions ; il ouvre la voie, en ce qui concerne les mises en œuvre, à tout et son contraire. Ceci, afin d’aider chaque élève, fort ou faible, à grandir, s’épanouir, à réaliser le meilleur de lui-même, à devenir adulte. En définitive, c’est l’aider à atteindre une autonomie toujours plus réelle. Mais qu’est-ce que l’autonomie de la personne ? Lorsqu’on interroge des enseignants sur ce qu’évoque pour eux l’expression « être autonome », apparaissent dans un premier temps les propositions les plus diverses, qui ont toutes trait à la vie individuelle, au « moi » : être libre, faire des choix, être créatif, prendre des initiatives, apprendre par soi-même, s’affirmer, être authentique, se prendre en charge…. Mais « viennent ensuite, au cours des échanges, d’autres notions telles que communiquer, être à l’écoute, respecter l’autre, être tolérant, prendre des responsabilités, savoir coopérer, faire des projets communs….qui montrent que l’autonomie se vit en relation avec les autres, se vit en société. » (HOFFMANS-GOSSET, 1987). « La finalité dernière- dit P.MERIEU- (1991) est bien l’émergence d’un sujet libre, d’une volonté capable de se donner ses propres fins, d’effectuer le plus lucidement possible ses propres choix, de décider en toute indépendance de ses propres valeurs ». Dans le même sens, pour O.REBOUL, la finalité de l’éducation est de donner aux élèves « le pouvoir de se passer de maîtres, de poursuivre par eux-mêmes leur propre éducation, d’acquérir par eux-mêmes de nouveaux savoirs et de trouver leurs propres normes ». L’autonomie de la personne n’est pas quelque chose qui s’attend, mais quelque chose qui s’apprend : non pas une autonomie seulement pour plus tard, comme la résultante d’une somme d’exigences assumées, mais bien un objet d’apprentissage progressif et permanent. C’est dans l’exercice régulier de l’autonomie que l’élève pourra réaliser, dans les relations mais aussi au travers des conflits avec d’autres et avec l’enseignant lui-même, « l’expérience de l’altérité, qui est la reconnaissance de l’autre comme vraiment autre » G.FOUREZ, 1990). De là, pourra découler une éducation au respect des autres, avec leurs particularités, avec leurs différences sur le plan de l’habileté, de la culture, de la religion, de la race…. La recherche concrète de l’autonomie n’est-elle pas le plus sûr chemin de la motivation des élèves ? D. Les règles en E.P.S. « De même que l’écolier peut réciter sa leçon sans la comprendre et substituer le verbalisme à l’activité rationnelle, de même l’enfant obéissant est parfois un esprit soumis à un conformisme extérieur, mais qui ne saisit “en fait ” ni la portée réelle des règles auxquelles il obéit, ni la possibilité de les adapter ou d’en construire de nouvelles. » A travers cette phrase, PIAGET résume une situation qui me semble importante : de même qu’il faut donner du sens aux apprentissages, il faut donner du sens aux règles. 1) Les différents types de règles et leurs effets Les règles propres à l’éducation physique doivent s’inscrire dans celles du code de vie de l’école. Elles ne doivent en aucune façon venir à l’encontre des règles de l’institution. Pour J-A.MEARD et S.BERTONE, l’attitude des élèves en E.P.S. est déterminée par les rapports de celui-ci aux différentes règles qui régissent le cours. Ces auteurs définissent cinq types de règles : - Les règles de sécurité : obligation visant le maintien de l’intégrité des personnes, souvent incluse dans le règlement institutionnel et renvoyant à une responsabilité individuelle (exemples : s’assurer et assurer un camarade en escalade, s’assurer que le matériel est bien en place au saut en hauteur). - Les règles institutionnelles : elles sont écrites et dépassent le cadre strict du cours d’E.P.S. Elles sont de l’ordre de la loi, celles sur lesquelles l’élève et l’enseignant ont moins de prise. Pourtant, elles sont sans cesse adaptées, filtrées par le maître et le groupe. - Les règles groupales : elles sont spécifiques à chaque groupe et changeantes, mais elles sont toujours sous-tendues par de grands principes (intégrité des personnes, égalité des droits). (exemples : répartir les charges de travail lors du rangement du matériel, négocier et accepter une décision collective, la répartition des rôles). - Les règles des jeux sportifs : règles « pour du beurre », mais en même temps, elles sont les conditions du jeu car elles comportent l’émotion spécifique de l’activité en garantissant l’égalité des chances ; les règles des jeux sont souvent complexes et imposent une interprétation (exemples : arbitrer, accepter de se faire arbitrer par un camarade, négocier une modification de règle). - Les règles d’apprentissage : procédés de résolution de certaines catégories de problèmes. Ils correspondent aux opérations à découvrir et à faire fonctionner pour apprendre et pouvant être : dictées par l’enseignant, induites par un modèle à imiter (apprentissage par observation), masquées volontairement (résolution de problème – C.Amade-Escot, 1989) Parmi ces règles de jeux sportifs, se dégagent deux sous-groupes : - Les règles essentielles ou fondamentales : elles sont non négociables et donnent le sens du jeu pratiqué. Peu nombreuses, elles permettent d’entrer dans l’action rapidement. - Les règles particulières : elles sont construites avec les élèves et permettent le fonctionnement du jeu à un moment précis. Elles sont négociables. Ces auteurs procèdent aussi à une distinction entre leurs fonctions : D’une part, les règles à fonction opératoire (règles d’apprentissage) qui engagent prioritairement la mise en œuvre de résolutions cognitives et de pouvoirs moteurs. D’autre part, les règles à fonction sociale (règles institutionnelles, groupales, de sécurité et des jeux sportifs) qui ont une fonction avant tout sociale et relèvent de processus socio-affectifs, relationnels, voire moraux. On note que les règles du jeu possèdent une double fonction. Elles ont une fonction sociale car elles déterminent les pouvoirs respectifs des joueurs. Elles véhiculent l’émotion de l’activité et peuvent être modifiées dans un but didactique. Parce qu’elles sont à l’origine des règles d’apprentissage et qu’elles sont manipulées par les élèves, on peut penser qu’elles ont aussi une fonction opératoire. 2) Niveaux d’intégration de la règle Pour rendre l’élève plus autonome, il est nécessaire d’identifier le processus qui préside chez lui au passage d’un niveau de décodage à un autre. J-A.Méard et S.Bertone isolent cinq niveaux d’attitudes, de conduites typiques. - Tout d’abord, l’anomie (déviance). Certains élèves difficiles ignorent ou rejettent l’appareillage réglementaire institutionnel, scolaire, social, parce qu’ils sont privés des outils d’encodage-décodage nécessaire. - Ensuite, l’autonomie négative (déviance). Une forme d’attitude rassemble les conduites volontairement et ouvertement déviantes. Contrairement au profil précédent, on postule ici à un assujettissement du sujet à un système de règles dont les valeurs sous-jacentes sont différentes de celles véhiculées par l’école. On peut penser que le système scolaire fait parfois connaître tant d’échecs répétés à l’enfant anomique ou simplement non performant que celui-ci se construit une cohérence basée sur le rejet global de l’école et la constitution d’une contre-culture. - Puis, l’hétéronomie (soumission). C’est une catégorie de comportement qui se manifeste par la docilité, la soumission à la règle scolaire, avec contrôle extérieur. Le système de règles est imposé de l’extérieur et son application vérifiée, ce qui rend le sujet dépendant de l’adulte qui énonce et fait respecter ce système de règles. Dans ce cas, l’élève modifie les mobiles habituels de son activité, il « s’immunise » des sources habituelles de la motivation en même temps qu’il se déresponsabilise. Or, la plupart du temps, les tâches scolaires comportent cette pression sociale. - L’autorégulation. Dans ce cas, l’appareillage réglementaire est reconnu. L’élève attribue un sens aux règles parce qu’il les relie à un principe, un contrat, une loi. C’est une sorte de soumission volontaire, basée sur la reconnaissance d’une nécessité de la réglementation. Cet accès à la fonction de la règle permet à l’enseignant de faire l’économie du contrôle et même de la formulation de la règle. - Enfin l’autonomie, dernière étape observable chez les élèves qui se manifeste par une capacité à négocier, à amender, à adapter une règle. Au niveau de l’apprentissage, cette étape se caractérise par une capacité à élaborer des règles, justement en rapport avec leur fonction dans la réalisation d’une tâche. Cependant, conformément au modèle de la sociologie institutionnelle qui décrit un enchaînement de périodes de stabilisation des rapports de force (instituant), et des périodes de reconstruction de nouveaux équilibres (institutionnalisation), l’évolution des attitudes n’est pas un processus linéaire, continu et serein. Au contraire, les transformations d’attitudes conduisent à une représentation conflictuelle, marquée par des crises… On note donc des périodes de stabilisation, de régression, de latence. MEARD et BERTONE mettent aussi en avant la « contamination d’attitude », qui pousse à concevoir les rapports aux règles de manière systémique, c’est à dire comme un ensemble d’éléments en interaction, ensemble qui déterminerait l’attitude des élèves vis à vis des contenus d’enseignement (les règles d’apprentissage) et par rapport aux personnes (toutes les autres règles). En E.P.S., laisser les enfants s’exprimer constitue un vecteur important de l’enseignement et cette discipline semble apporter des solutions quant à la prise de parole où l’enseignant joue un rôle de médiateur. En sensibilisant les élèves au respect d’autrui, aux confrontations langagières nécessaires à la résolution d’un conflit, le maître les guide sur la voie de la tolérance. Cependant, il est indispensable d’engager les enfants dans des activités de réflexion aboutissant à une réelle prise de conscience de la nécessité de développer des attitudes citoyennes à l’école mais aussi dans la vie quotidienne. C’est pourquoi je vais tenter, en m’appuyant sur les pratiques de terrain de comprendre en quoi et comment les règles, et leur construction, peuvent permettre aux élèves de développer des attitudes citoyennes. II. MISE EN SITUATION PRATIQUE A. Les hypothèses d’action Avant de se lancer dans la mise en œuvre pratique il est nécessaire d’envisager au préalable quelles séances construire afin de répondre aux questions soulevées par la recherche théorique. Je rappelle donc que je cherche à montrer comment former l’élève à la responsabilité et à l’autonomie. Pour cela l’élève doit jouer avec la règle, c'est-à-dire que pour la comprendre il faut qu’il la fasse vivre, autrement dit qu’il la construise. L’acquisition d’aptitudes à l’autonomie permettra de savoir si une telle démarche, de construction de règles, est efficace ou non. L’autonomie reflète la construction par soi-même, en ce sens l’individu est acteur, et oblige à faire des choix sur les normes à élaborer. Quelles règles permettent-elles de placer l’élève dans un tel processus ? Les règles groupales, faisant place à la négociation, et les règles de jeux sportifs, pour la même raison et le travail d’interprétation, y semblent favorables. Parmi celles-ci, les règles particulières valorisant leur construction et la négociation apparaissent comme les plus importantes. Les règles dites « masquées », situation équivalente aux situations problèmes en mathématiques, correspondent-elles, au niveau des règles d’apprentissage, à une entrée dans le processus de recherche d’autonomie ? A partir de ces quelques remarques il convient de construire des situations de jeu en adéquation avec les hypothèses envisagées. Je vais donc proposer aux élèves des jeux collectifs d’opposition, ceux-ci favorisant la confrontation, aussi bien physique que mentale. La confrontation devant se soustraire par la suite à un travail de négociation pour développer les choix émis par les enfants. La conception des jeux devra dans un premier temps ne pas enfermer les enfants dans des situations restreignant leurs comportement. La situation ne devra donc comporter que quelques règles simples et basiques afin de laisser un champ vaste de liberté d’action. Une telle condition engendrera de manière quasi certain un plus ou moins léger chaos nécessaire à la prise en considération du besoin de règles et de leurs constructions communes. Le rôle de l’enseignant devient alors celui de médiateur et de régulateur. Enfin le processus d’acquisition d’autonomie s’inscrivant dans la durée, il paraît obligatoire de mener de telles observations sur une longue période, que les situations de stage offrent plus ou moins. Dans mon cas les observations proviennent de mes deux stages en responsabilité lors desquels de telles situations n’ont pas toujours été effectives. Les résultats s’en trouvant biaisés. Je vous propose maintenant de passer à la description des séances que j’ai mis en place ainsi qu’à leur analyse. B. Description et analyse de séances Afin de répondre aux hypothèses mises en évidence précédemment, je développerai dans cette partie les séances réalisées lors de mes différents stages en responsabilité. Je tiens à signaler que je n’ai pu mener convenablement les séquences : pour mon premier stage des disciplines sportives étant planifiées je n’ai pu vivre qu’une séance en lien avec mon interrogation, et lors de mon deuxième stage les intempéries (cours enneigée et gelée) ont suspendu la pratique sportive de la classe pendant une semaine. Je ne pus donc n’exploiter que les quelques séances de ce dernier stage. 1) Séance 1 Le jeu originel est la balle assise mais dans mon but de construction de règles un certain nombres d’entre elles, propre au jeu, n’ont pas été divulguées. L’objectif étant que les élèves, par observation et interprétation de leur pratique, construisent des règles pour jouer correctement. Echauffement : trottiner en se faisant des passes. Dispositif : l’ensemble des élèves sur un terrain de 10*15 Matériel : un ballon mousse et un sifflet. Objectifs : savoir attraper le ballon Viser une cible qui bouge Agir selon les règles Analyse La consigne est « je lance le ballon, n’importe qui peut le rattraper. Le but du jeu est de toucher les autres joueurs avec le ballon. » Dès la mise en jeu deus comportements se distinguent : ceux qui veulent la balle et ceux qui ne la veulent pas. Mais, surtout comme attendu, le jeu devint vite du « n’importe quoi ». J’interrompt alors le jeu et fais asseoir les élèves pour leur demander leur impressions : « je l’ai touché mais il a continué, un tel a été touché, il est sorti... On remarque ici que l’absence de règles essentielles des jeux sportifs bride le jeu. Il convient de les mettre en place. Pour être sûr qu’elles soient bien comprises je laisse les enfants les trouver. Un tel fonctionnement peut cependant engendrer un long moment d’interruption du jeu. Je leur demande donc ce qu’il faut changer : on n’a pas le droit de sortir du terrain, quand on est touché on ne joue plus sont les deux propositions pertinentes ressorties de la confrontation. Après une phase rapide de validation par l’ensemble du groupe le jeu reprend. Le jeu devient plus fluide avec ses deux règles. Les joueurs sont vites touchés surtout qu’un élève garde la balle et se déplace avec. « Mais il n’a pas le droit » se plaint une élève. J’interrompt de nouveau le jeu et je lui demande d’expliquer à ses camarades ce qu’elle a dit et pourquoi. Les autres sont d’accord avec elle. Les propositions pour palier à cette situation sont variées : marcher, faire cinq pas, courir doucement, rester immobile. Ces propositions furent ensuite discuter et marcher, courir doucement furent écartées car difficiles à évaluer. Le principe d’observation/interprétation est ici mis en évidence. Un enfant observe un comportement et le groupe, après confrontation/discussion, propose une solution. Celui qui a le ballon n’a pas le droit de bouger. Le jeu reprend. Cette fois le temps réel de jeu devient convenable. Des stratégies individuelles se développent. Je laisse le jeu se terminer. Une fois fini je leur demande, pour valider la nécessité des règles, comment était le jeu. La réponse fut positive mais quelques remarques existaient. La séance se termine sur ce jeu après avoir fait formuler par les élèves les règles du jeu. Toutes furent citées. Cette première séance, bien que ne mettant par en jeu une opposition collective, montre déjà l’importance des règles fondamentales. Sans celles-ci le jeu n’en était pas un au début. Mais il n’empêche, qu’au prix d’un début de séance houleux et agité pour les enfants, obligeant l’enseignant à une vigilance accrue ainsi qu’une adaptabilité et une réactivité immédiate, ces règles peuvent néanmoins être construites par les élèves. Elles sont donc négociables. Mon rôle aura été celui de médiateur et régulateur. Bien que je disposais des réponses à leurs questions mon intervention se limita au bon déroulement des phases de discussion. On remarque également qu’en l’absence de règles les enfants adoptent des comportements très variés. Certains en profitent pour se permettre des comportements déplacés. Ce qu’on pourrait assimiler à une certaine autonomie négative dans la mesure où leurs attitudes leurs sont propres et non dictées. Mais une fois la mise en vigueur de certaines règles ces actions se dissipent, ce que l’on a appelé hétéronomie ou soumission. A noter que le groupe classe a décidé des règles. Elles ne sont pas imposées par un adulte. 2) Séance 2 Echauffement : identique à séance 1 Dispositif : 2 équipes de 9 joueurs sur un terrain de 10*15 Matériel : un ballon en mousse, des chasubles et un sifflet Objectifs : identiques à la séance 1 Analyse La deuxième séance commence, après l’échauffement, par un rapide rappel oral du jeu vu la veille ainsi que des règles. Les enfants sont concernés et restituent l’ensemble des règles. J’annonce que le jeu est le même sauf qu’aujourd’hui se sont deux équipes qui s’opposent. Le jeu débute par une cohue sous le ballon. Les contacts sont plus durs qu’hier. J’interviens de suite pour régulariser le problème en demandant ce qu’il venait de se passer. Les filles réagissent de suite en stipulant l’engagement des garçons. Désormais personne n’a le droit de pousser. Une fois de plus cette proposition a été formulée par une élève et l’approbation admise par le groupe. Le jeu pu reprendre. Le porteur du ballon oubliant souvent ses partenaires, étant plus attiré par la cible adverse (les chasubles étant de couleurs vives attiraient-elles peut être aussi instinctivement l’œil !!!). Se dégagea alors plusieurs problèmes : que faire de la balle lorsqu’elle touche le sol avant de toucher quelqu’un, que faire quand on rattrape la balle avant qu’elle ait touché le sol et enfin a-ton le droit de se cacher derrière un élève déjà touché pour éviter d’être touché. Ces quelques remarques provenant de mon observation pendant la pratique. Le jeu dura sans qu’aucune équipe de parvienne à battre l’autre. Je décidais alors d’arrêter la partie. Y a t il un vainqueur ? « On a gagné » pourquoi ? « On en a touché plus qu’eux » Alors quand est ce qu’une équipe gagne ? « Une équipe gagne quand elle a touché plus d’adversaire que l’autre équipe » Tout le monde semble d’accord. Mais je fais remarquer que cela ne marche que si j’arrête le jeu avant qu’une équipe soit totalement éliminer. Mais ils ne trouvent rien à dire donc je passe à autre chose. Je décide de revenir plus tard sur cette question. Quelles attitudes avez-vous observées chez certains de vos camarades ? J’ai eu toutes sortes de réponses mais pas celles attendues. Puis un enfant dit qu’il avait touché un autre après que la balle ait touchée le sol, mais qu’il avait continué à jouer. Je demandais au reste des élèves ce qu’ils en pensaient. Il décidèrent finalement après négociation et vote à main levée qu’une fois que la balle avait touché le sol, elle n’étais plus dangereuse. Lors de ce débat fut mis en évidence par les enfants le fait que sans cette règle on ne pouvait pas ramasser la balle. Ainsi le jeu deviendrait plus rapide. On note ici la construction d’une règle de jeux sportifs sur la base de la négociation, mais surtout le souci d’adapter la règle au bon fonctionnement du jeu. La règle sert le jeu. De ce point de vue un tel comportement reflète une certaine autonomie chez les élèves. Après une telle phase, assez longue, je décidais de remettre les enfants en activité. Le jeu commençait à prendre sens pour les enfants. Des stratégies apparaissaient. Les déplacements et l’occupation de l’espace se faisaient plus précis. Le jeu gagnait en rapidité mais certains continuaient de ne pas prendre la balle. Les enfants ayant assimilés cette nouvelle règle ne manquaient de leurs rappeler que maintenant ils pouvaient prendre la balle après qu’elle ait touchée le sol. Puis certains, par imitation, se cachèrent derrière des enfants déjà touchés. J’interrompis le jeu en obligeant les enfants à rester sur place pour qu’ils puissent observer la position des petits malins. A ce moment je leurs demandais de trouver un moyen pour éviter se problème sans interdire de se mettre quelqu’un. « On peut se déplacer » « non on a dit qu’on n’avait pas le droit » « on a cas se baisser » « s’asseoir quand on est touché » « on peut aussi oui c’est une bonne idée » « on essaie » Pas le temps de dire quoi que se soit qu’ils étaient déjà presque tous en place. Sans discussion, comme si la négociation était devenue un consensus immédiat. Ils venaient de mener seuls la procédure sur laquelle je les guidait depuis le début, bien que je leurs ai avancé le problème. On peut parler ici d’une construction de règles mais il faut quand y amputer l’absence d’interprétation de l’observation. Néanmoins l’empressement à débuter une nouvelle partie montre que les élèvent commencent à accorder du sens aux règles puisqu’ils veulent voir ce que la dernière trouvée peut amener dans le jeu. On parle alors d’autorégulation. Mais il reste encore à valider ou non cette idée. Le jeu se déroula normalement et enfin une équipe parvint à toucher tous les membres de l’autre équipe. Cette réussite, une fois verbalisée, valide donc la nécessité et la justesse de la règle. 3) Séance 3 L’échauffement, le matériel, le dispositif et les objectifs sont les mêmes que pour la séance précédente. La coopération sera le nouvel élément attendu dans le comportement des élèves. Je rappel que cet aspect ne fait pas partie de l’analyse bien qu’elle demeure un objectif d’apprentissage. Analyse La séance commence par l’habituelle verbalisation des règles. Je fais attention à ce que se ne soient pas toujours les mêmes élèves qui restituent les règles. Je demande donc à ceux qui prennent moins volontairement la parole. Résultat à une énonciation claire et complète des différents points s’ajoute un vocabulaire adapté. Signe que la construction est porteuse de sens pour les enfants. Ce sentiment renforcé s’accroît lorsqu’ils expliquent par une mise en scène des diverses situations correspondantes à une règle précise. Il ne faut pas laisser une phase trop longue d’attente avant la mise ne action. Ils se montrent impatients de jouer. Ce que je ne dois pas entraver. Mon souhait, masqué, sur cette séance est la complexification du jeu en permettant aux joueurs touchés de pouvoir se libérer. Place au jeu. Ce dernier se déroule dans les règles. Les enfants se les précisent entre eux : « non tu n’as pas le droit » « tu es sorti » « la balle a touché le sol avant »… ces remarques s’accompagnent néanmoins souvent de coup d’œil à mon égard afin de s’assurer de la justesse et de la validité de leur propos. Cependant mes interventions restent minimes. Je peux tenir convenablement mon rôle d’observateur. Je note donc que les enfants voulant la balle se font toucher rapidement car ils laissent échapper la balle en voulant l’attraper. Je vois sur leur visage un sentiment de frustration et de résignation. Plus le jeu avance et plus ne reste en jeu que les joueurs qui se contentent d’esquiver la balle. Je laisse la partie suivre son cours pour valider la justesse des règles en vigueur. A la fin je les regroupe dans le but de partager les réactions, mais personne ne dit rien. Alors une nouvelle partie commence. Les situations se reproduisent à l’identique, notamment pour les joueurs éliminés de suite. De nouveau j’attends la fin de la partie. Cette fois je sollicite les enfants concernés par cette situation. Je leurs demande ce qu’il ne va pas, pourquoi ils font la tête. Un élève me répond qu’il ne joue pas. Je lui signale qu’il est sur le terrain comme les autres et donc que je ne comprends pas son objection. « Je perds toujours tout de suite. J’en ai marre » répond-il. Je lui demande de répéter ses mots à l’ensemble de la classe. Alors un autre lui répond que « c’est le jeu, ce sont les règles », « elles sont nulles » rétorque-t-il. Cet échange, bien que vif, est porteur de sens. La confrontation des réactions fait émerger deux comportements liés à l’application des règles : pour le premier on peut parler d’autorégulation puisque l’élève attribue un sens aux règles mais il y reste soumis, alors que pour le second enfant le sentiment de frustration provient de sa volonté, inconsciente puisqu’il ne peut le verbaliser, de trouver une adaptation de la règle pour pallier à de telles situations. En ce sens ce dernier fait preuve d’une certaine autonomie dans la réalisation d’une tâche. Reste à voir s’il est capable ou quelqu’un d’autre de trouver la solution à un tel problème, à savoir adapter la règle. Je laisse alors quelques secondes pour voir la réaction du groupe mais rien n’émerge. Je leur propose de commencer une nouvelle partie tant en faisant attention aux comportements de certains et qu’après on réfléchirait à d’éventuels changements. Je ne donne pas de suite la solution. Je veux leur accorder encore une chance. Dans le cas contraire la solution viendra de l’adulte et dans ce cas je pourrai évaluer le niveau d’intégration de la règle quand celle-ci est imposée de l’extérieur. Aucune intervention ne m’obligeant à réagir je laissais les enfants s’amuser et gérer. Une fois terminé, je les regroupais. De nouveau rien ne ressortie. Je décidais d’arrêter la séance sur ce point pour débuter la prochaine sur cette interrogation que je devrai susciter. 4) Séance 4 Analyse De nouveau les règles sont verbalisées et de nouveau la restitution est bonne, signe que les règles font sens pour les élèves. Ils utilisent les mêmes mises en scène et le même vocabulaire que lors de la séance précédente. Je leur demandais s’ils se souvenaient du problème rencontré en fin de séance précédente. Une fois de plus rien à signaler une nouvelle partie pu commencer. C’est alors qu’un enfant assis se retrouva avec la balle dans les mains. Par réflexe il l’attrapa alors qu’elle venait sur lui. « Non tu n’as pas le droit de la prendre » protestèrent certains, « oui mais sinon je la prenait dans la tête » répondit l’enfant concerné. C’était l’occasion à saisir. J’interrompis le jeu pour me faire expliquer ce qu’il se passait. Les enfants me restituant clairement la situation. Je leur demandais alors comment on pourrait faire pour libérer un de ses camarades assis. Seulement je n’eu pas une seule réponse et j’imposais alors la règle suivante : passer le ballon à ses partenaires pour les délivrer. Il s’agit ici d’une règle imposée par l’enseignant. L’enfant devient alors sujet dépendant. Quel comportement aura-t-il ? Une nouvelle partie débuta. Le jeu se développa comme à l’accoutumée. La règle précédemment annoncée ne change rien. Je vois deux explications plausibles : soit la règle intervient après plusieurs parties sans réelle évolution et donc les élèves se sont installés dans ces principes de jeu, soit la soumission à une règle non construite par euxmêmes leur demande plus de temps pour être effective. A la fin de cette partie deux élèves se plaignirent de ne pas avoir jouer « ils n’ont pas essayé de me libérer ». Il expliqua à l’ensemble de la classe la nouvelle règle après lui avoir demander. Je fis ensuite répéter la règle par plusieurs enfants pour être sûr qu’un maximum l’ait au moins entendu. Après la fin de la partie suivante je leur demandais ce qu’amenait cette nouvelle règle. La réponse fut : « elle permet de jouer tout le temps ». Bien que cette règle ne fût pas amenée par les élèves, elle leurs permet quand même de donner du sens à celle-ci. Là on ne parle pas d’autonomie mais plutôt d’une autorégulation dans le sens où les élèves se soumettent volontairement à l’application de la règle. 5) Le jeu du chasseur et des lapins Je décidai pour la dernière séance de changer de jeu afin de juger de l’adaptabilité des enfants à un jeu nécessitant les mêmes règles que celles construites lors des séances précédentes. Echauffement : passe à dix Dispositif : un cercle de 10m de diamètre Matériels : 2 ballons Objectifs : savoir tirer vite et juste Savoir esquiver une balle Savoir anticiper une trajectoire Agir selon des règles Je leur donnais comme consigne qu’une équipe, les chasseurs devaient tirer sur l’autre équipe, les lapins, celle dans le cercle. C’est alors que les questions fusèrent : « est ce qu’on a le droit de sortir du cercle ? ou d’y entrer ? Que fait-on quand on est touché ? » Ils comprirent alors qu’il manquait des règles pour jouer efficacement. Je leur proposait donc de construire ensemble les règles. Chacun devait voter à main lever pour décider de la validité d’une règle proposée. Les unes après les autres, les règles du jeu précédent furent votées. Avec les quelques règles fondamentales données le jeu aurait pu se dérouler mais les enfants ont bien saisis l’importance d’un règlement adapté pour rendre appréciable et vivable une situation. Même si dans ce cas les règles sont les mêmes que celles déjà construites, ils ont été néanmoins dans la capacité de se rendre de la nécessité d’une telle rigueur pour réaliser leur tâche, jouer avec plaisir. 6) Bilan Ce déroulement de séances a mis en évidence l’importance des règles dans un jeu collectif. Je suis conscient que le cheminement intellectuel et déductif réalisé par les élèves a été une chance pour mes observations et l’avancé du travail. On remarque l’ensemble des règles définies précédemment (règles de sécurité, groupales, des jeux collectifs, les règles fondamentales et les règles particulières) ont toutes leur importance et leur niveau d’efficacité. Chacune a besoin de l’autre pour leurs applications effectives. Chacune apportant un aspect essentiel pour le bon déroulement d’une activité. Le processus de recherche d’autonomie se définit bien en différents stades : autonomie négative, hétéronomie, autorégulation et autonomie. Cependant l’évolution ne paraît pas si linéaire au du moins si automatique. L’enfant ne passe pas d’un stade à un autre de manière définitive. Il va et vient dans ces catégories de comportement selon sa compréhension de la situation dans laquelle il évolue. Bien entendu ces changements ne sont pas incessants. L’autonomie effective sur une tâche n’est pas gage d’une autonomie totale pour l’enfant. Il convient alors de toujours se soucier d’inscrire l’enfant dans une telle démarche en s’assurant de son stade dans ce processus, et ainsi de lui proposer des tâches adaptées. Pour finir le parallèle entre la construction de règles et le processus d’autonomie paraît porteur de sens. Les différents types de règles, leur imposition ou non de la part de l’enseignant offrent la possibilité d’adapter pédagogiquement les séances selon l’objectif rechercher. Ainsi, selon la réactivité des enfants il est possible de d’ajuster sa progression. Le panel de règles permet à l’élève de toujours, ou souvent, trouver un aspect à améliorer. De plus l’échange qui se manifeste entre les enfants lors des phases de négociation est source de leur construction d’autonomie. Le travail de l’enseignant est multiple : médiateur et observateur sont les principaux. Mais il doit également envisager au préalable des séances les réactions des élèves et les choix qu’ils feront. Se montrer patient et accorder un statut à l’erreur afin de mieux rebondir. Enfin un travail fin d’analyse immédiate afin d’orienter les enfants dans la direction voulue sans que ces derniers ne le ressentent comme une imposition. CONCLUSION Pour un enseignant en formation rencontrer des problèmes sonne comme un pléonasme. Un mémoire permet de faire émerger une réflexion sur sa propre pratique. Bien que la mise en application sur le terrain ne soit pas toujours évidente à mettre en place, se heurtant souvent à la dure réalité, je suis arrivé à certaines conclusions. La prise de conscience, par les élèves, de la nécessité de développer des comportements citoyens, semble favorisée par le pratique de l’E.P.S au sein de l’école. C’est par l’interrogation qu’il peut engager au sujet de la notion de règle que l’enseignant semble en mesure de faire construire à l’élève des compétences transversales. Cette construction se développant grâce à la recherche d’autonomie. Ce processus s’avérant long et non linéaire, oblige l’enseignant à, d’une part, anticiper le plus finement possible les réactions des élèves et, d’autre part, savoir se détacher de sa préparation pour adapter ses choix et orientations nécessaires pour faire progresser les enfants. Les séances d’EPS, étant de véritables lieux d’échanges où chacun peut s’exprimer librement, favorise la prise de conscience de nécessité de règles par le principe de négociation entre pairs, puisque l’enseignant ne doit, dans la mesure du possible, que se soustraire au rôle de médiateur. Un tel principe de citoyenneté développant la responsabilité et donc l’autonomie de l’individu. Ce qui signifie que les pratiques de référence de l’EPS sont porteuses, au-delà, des techniques, de normes et de valeurs morales. Le souci de l’EPS n’est donc pas de greffer de la citoyenneté sur les contenus, mais d’exploiter la richesse des pratiques sociales qui légitiment sa présence à l’école. Enfin une démarche basée sur l’intégration d’un système réglementaire ne dispense pas de la question du sens à donner aux contenus d’apprentissage. Ainsi la règle peut devenir un outil pour apprendre, comprendre et gérer ses apprentissages, seul et avec les autres. La règle peut devenir le lien incontournable entre les droits et les devoirs de l’élève, qui l’aide à construire sa citoyenneté et à se construire lui-même. BIBLIOGRAPHIE # Ouvrages : M.E.N., « Qu’apprend-on à l’école, les nouveaux programmes », 2002 Flonneau M, « l’éducation à la citoyenneté aux cycles 2 et 3 » Nathan 1998 MéardJ, « l’autonomie et l’intégration des règles en éducation physique », PUF 1998 Mérieu P, « apprendre…Oui, mais comment ? » ESF, 1990 # Revus : EPS, N° 278 « pour une contribution de l’EPS à l’éducation à la citoyenneté », 1999 N° 273 « de la règle et du sens », 1998 N° 282 « respect des règles et socialisation », 2000 EPS 1, N°96 « Autonomie de l’élève et intégration des règles en EPS », 2001