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Voix plurielles 11.2 (2014)
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L’enseignement des langues entre pratiques évaluatives et politique éducative :
le FLE au lycée au Maroc
Mina SADIQUI, Université My Ismail-ENS-MAROC
Introduction
L’évaluation devrait être au cœur de tout processus d’enseignement/apprentissage.
De même, toute réflexion sur les pratiques évaluatives devrait impliquer une interrogation sur
le degré d’efficacité et d’efficience de l’acte pédagogique dans sa complexité et surtout dans
sa finalité éducative. En effet, toute pratique pédagogique devrait cibler des compétences,
mettre en place des démarches et prendre en considération les programmes et les besoins du
public ciblé sans toutefois oublier les contraintes matérielles et les imprévus de la classe qui
sont souvent difficiles à gérer.
Au Maroc, l’enseignement/apprentissage du français et plus particulièrement au
lycée acquiert une importance primordiale. Cette discipline est indispensable aussi bien pour
parachever les études supérieures que pour s’intégrer dans le monde professionnel. Elle a
subit depuis 2002 plusieurs réformes. Les contenus des programmes de la classe de français
dans ce cycle ont été révisés et de nouvelles démarches d’enseignement/apprentissage
préconisées. Ces dernières devraient logiquement entrainer des pratiques évaluatives
différentes de celles qui prédominaient auparavant. La cohérence de tout acte éducatif dépend
étroitement du degré de connexité ente l’enseignement, l’apprentissage et l’évaluation.
Dans cette contribution, nous essayerons de voir de près les pratiques évaluatives
relatives à l’enseignement/apprentissage du FLE au lycée après la réforme, telles qu’elles
sont esquissées dans les textes officiels et certaines « épreuves certificatives ». Nous nous
interrogerons sur le degré de cohérence entre les démarches d’enseignement/apprentissage
préconisées par la réforme et les pratiques évaluatives dominantes et nous nous arrêterons sur
les principales « dérives » qui, selon nous, ne permettent pas souvent l’instauration d’une
nouvelle culture de l’évaluation. Dans une dernière partie, nous esquisserons quelques
repères qui permettraient de
repenser
les éléments organisateurs d’un dispositif
d’évaluation si on veut vraiment mettre en place une nouvelle politique éducative relative à
l’enseignement/apprentissage des langues, en l’occurrence celle du FLE au lycée au Maroc.
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1.Évaluation et classe FLE au lycée au Maroc après la réforme
1.1. Un nouveau contexte de l’enseignement/apprentissage du FLE au lycée
Conformément à un mouvement international, le choix de la réforme du système
éducatif marocain est de promouvoir une « approche par compétences » centrée sur
l’apprenant et lui permettant en conséquence un apprentissage « actif » et « significatif ».
Ainsi et en ce qui concerne le lycée, la plupart des disciplines enseignées ont subi de larges
révisions tant au niveau de leurs contenus (programmes) que de leurs modalités de mise en
œuvre ou encore de celles de leur évaluation. En ce sens, le texte officiel pour l’enseignement
du français au lycée, Les orientations pédagogiques générales (2007), met en place de
nouveaux programmes et introduit de nouvelles démarches d’enseignement/apprentissage du
français.
Le texte littéraire, l’œuvre intégrale plus précisément, apparaît comme étant le
nouvel objet d'enseignent proposé. Elle devient le support fondamental des diverses activités
qui devraient caractériser cet enseignement : « L’œuvre intégrale est à la fois […] une des
finalités de l’enseignement du français dans le secondaire qualifiant [...] et le support
principal des diverses activités » (3). A travers l’introduction de ce nouveau support/objet
dans la classe de français s'esquissent une nouvelle fonction de l’école (construire le
lecteur/citoyen autonome), une nouvelle conception de l’enseignement/apprentissage des
langues, le français en l’occurrence, et de nouvelles représentations de l’apprenant et de
l’enseignant. Ce nouvel objet/support de la classe de langue devrait inviter tous les
enseignants du français à repenser leur dispositif didactique de façon à mieux gérer les
nouvelles situations d'apprentissage qu’il peut et doit créer. Il devrait les amener logiquement
à concevoir et finaliser de nouvelles situations d’évaluation.
1.2. Pratiques évaluatives préconisées et effectives
Considérons d’abord la nouvelle conception de l’évaluation dans ce nouveau texte
officiel. « Le curriculum se doit de doter les lycéens de compétences de communication » (3).
L’objet de l’évaluation est donc bien ciblé : les compétences communicationnelles de
l’apprenant. Pour atteindre cet objectif, plusieurs fonctions lui sont conférées. L’évaluation
est diagnostique et donc encadre l’apprentissage. Elle doit avoir lieu au début de l’année
« permettant de dégager le profil de la classe » (5). Elle est aussi intégrée dans le cursus et
acquiert ainsi sa fonction formative. « L’évaluation et la régulation constituent donc un
travail quotidien » (11). Elle peut être enfin sommative : « L’évaluation qui clôt la séquence
permettra, en même temps, d’évaluer les nouveaux acquis et de prévoir les actions de
remédiation et de consolidation qui s’imposent » (7). Nous retrouvons donc les fonctions
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« traditionnelles » de toute pratique évaluative, mais ce qui est nouveau c’est la mise en
valeur dans le texte des modalités de cet acte déterminant dans le cursus de tout apprenant.
En effet, le texte précise que « [l’]’évaluation doit donc aller au-delà des contenus
d’apprentissage pour viser le transfert des compétences et la créativité, autrement dit, le degré
d’autonomie atteint par l’élève face à un problème à résoudre » (11). L’évaluation apparait
être un élément clé organisateur d’un nouvel enseignement/apprentissage du français au lycée
où l’apprenant devient le centre de tout dispositif à concevoir et à mettre en œuvre. Elle doit
cibler des compétences et non des contenus. On précise également les supports à exploiter en
matière d’évaluation, lesquels sont composés surtout d’extraits d’œuvres littéraires
programmées. Un canevas de l’épreuve normalisée, l’évaluation certificative, est aussi
proposée. Il devrait en principe valider les compétences communicatives de l’apprenant à ce
stade de son parcours scolaire. Il cible deux composantes importantes : l’étude de texte et la
production écrite, la durée de l’épreuve étant de deux heures.
Étude de texte : Support(s) écrit(s) : extrait(s) de(s)l’œuvre(s) étudiée(s)
- Compréhension et analyse : consignes portant sur l’ensemble des
compétences ayant sous-tendu les apprentissages (l’évaluation de la dimension
linguistique se fera de manière intégrée).
- Production écrite : un sujet en rapport avec une ou plusieurs œuvres au
programme. (11)
Ce qui devrait donc essentiellement être évalué ce sont les compétences communicatives à
partir d’un support littéraire. Ce qui est tout à fait logique vu que l’œuvre intégrale est le
support et l’objet principal de la classe de langue après la réforme. Cependant, la conception
de ces compétences communicatives est un peu confuse et certaines dérives dans les
pratiques évaluatives effectives telles qu’elles apparaissant dans quelques manuels de
français, ou dans certains examens certificatifs, seraient selon nous la conséquence de cette
confusion contenue dans ce document de référence.
2. De quelques dérives dans les pratiques évaluatives du FLE au lycée
2.1. Du référentiel des compétences
Comme nous l’avions déjà souligné, l’enseignement/apprentissage du FLE au lycée
au Maroc veut s’inscrire, en matière et d’apprentissage et d’évaluation, dans la perspective de
l’approche par compétence en ciblant en priorisé les compétences communicatives. Le texte
officiel précise que « le curriculum se doit de doter le lycéen de compétences de
communication » (3). Pour expliciter les composantes de cette compétence, le texte met en
valeur l’appropriation des dimensions linguistiques, discursives et culturelles de la langue
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cible. Cette conception s’inspire largement de celle de Sophie Moirand (1982). Les activités
de mise en œuvre telles qu’elles apparaissent dans le texte s’organisent autour des « quatre
savoir-faire fondamentaux : la compréhension orale et écrite ainsi que la production orale et
écrite » (Paquay 107-108). Cependant, quand le texte précise un peu plus loin que l’apprenant
compétent est celui qui construit et mobilise les « compétences adéquates pour répondre
à/gérer des situations problèmes d’ordre communicatif » (3), ou encore celui qui réagit
efficacement face à « des situations de communications complexes » (2), elle s’inscrit plutôt
dans la perspective de l’approche actionnelle. C’est d’ailleurs ce qui apparait plus nettement
dans les composantes du profil de sortie, une sorte de référentiel de compétences terminales
proposé, où sont énumérées plusieurs compétences, et qui précisent plusieurs situations
communicatives complexes que l’apprenant au lycée doit gérer efficacement pour accéder au
niveau supérieur.
En effet, ce référentiel contient à notre sens plusieurs décalages. Tout d’abord, nous
ne comprenons pas pourquoi cette dichotomie entre compétences orales, compétences écrites
et compétences soi-disant méthodologiques, puisqu’une compétence est à considérer en terme
de savoir combinatoire (Le Boterf) qui s’acquiert dans et par l’action et que, comme le
souligne Louis Porcher, « d’une manière globale, l’unique compétence visée par
l’enseignement d’une langue étrangère, est la capacité à communiquer » (31). En
effet, l’apprenant « communique en langue étrangère en mobilisant ses savoirs, ses savoirfaire et ses savoir-être en vue de résoudre un problème lié à une situation de communication »
(Dumortier 9-10). Ne risque-t- on pas de morceler les tâches d’apprentissage et
conséquemment celles relatives à l’évaluation, de raisonner autour des activités et de revenir
à une pédagogie basée sur les objectifs au lieu de cibler les compétences ? Les activités de
réception ou de production orales ou écrites ne doivent être que des moyens de mise en œuvre
pour aider à construire et à développer des compétences. En conséquence, il aurait été plus
logique et plus cohérent de ne proposer que des compétences communicatives globales.
Plus encore, ce référentiel juxtapose uniquement « des compétences ». On ne
retrouve pas de cheminement didactique qui justifierait pourquoi, par exemple, « produire des
énoncés en adéquation avec la situation de communication » est proposé avant « utiliser le
lexique approprié et respecter les règles morphosyntaxiques » et après « participer de manière
efficace à un échange en respectant les paramètres situationnels » (4). Soulignons au passage
qu’on aurait pu y esquisser quelques jalons d’un parcours éventuel, mettant ainsi en relief une
certaine logique dans la perspective d’un enseignement/apprentissage progressif., On n’y voit
qu’une juxtaposition entre des compétences face à des situations complexes et des
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compétences réduites à leur simple dimension linguistique : « utiliser un vocabulaire
précis », « utiliser le lexique approprié » (4).la compétence communicative se trouve réduite à
un simple apprentissage de ressources. Cette conception devrait impacter les pratiques
évaluatives effectives.
2.2. A l’évaluation des ressources
Même si le ministère a élaboré un cadre de référence de langue française
énonçant les paramètres qui serviront de fondement à l’évaluation des acquis des élèves de la
première année du cycle du baccalauréat, toutes sections confondues, celui-ci devrait
constituer un document de référence permettant de cibler les éléments essentiels et
représentatifs à évaluer. Plusieurs écueils sont à souligner dans certains examens certificatifs.
« Relever, repérer, reconnaitre, dégager », voilà les « tâches » que l’apprenant devrait
accomplir face au texte littéraire sans forcement construire un sens. On se limite à évaluer des
ressources morcelées, abstraction faite d’une situation précise : « repérer un champ lexical,
identifier une figure de style ». Non contextualisées, ces « tâches » sont donc non finalisées.
Même le culturel est souvent conçu comme objet de connaissance. L’apprenant est toujours
invité à contextualiser dans le cadre de ces examens certificatifs. Cette démarche est en fait
erronée sur le plan méthodologique parce que comme le souligne Puren : « l’erreur en culture
est considérée comme une erreur d’interprétation et non d’information ». Ces dérives dans la
conception de l’évaluation entraînent plusieurs dérives dans la représentation de
l’enseignement/apprentissage de FLE à partir du texte littéraire dans certains manuels. Le
cours de langue est souvent alors assimilé à un cours d’histoire littéraire ou encore à un cours
sur les techniques de l’analyse narratologique (telle la focalisation), même si ces notions
n’apparaissent que de façon très limitée dans le référentiel.
Pour évaluer les compétences communicatives face à un texte littéraire, qui
représenterait une situation complexe, il serait plus pertinent et plus formateur de concevoir le
texte comme une unité où tout a un sens. Toutes les tâches que l’apprenant devrait accomplir,
devraient converger vers un but précis : « [Il] doit y avoir un fil conducteur dans tout ce qui
est proposé à l’élève, […] un ensemble complexe et articulé de tâches à effectuer, qui sont
orientées dans une direction précise et non une suite de petites questions sans liens les unes
avec les autres » (Paquay 15). Les pratiques évaluatives devraient donc mettre en valeur des
démarches synthétiques.
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3. Repères pour mettre en place une nouvelle culture de l’évaluation dans la classe de
langue
3.1. Compétence et situation complexe
Pour avancer des pistes didactiques qui pourraient mettre en place une nouvelle
culture de l’évaluation du FLE au lycée, il faudrait d’abord préciser quelques notions. C’est
dans « l’action que les compétences doivent être inférées » (Scallon 123). Être compétent,
c’est « avoir la capacité d’agir efficacement dans un type définie de situation. » (Perrenoud)
Toute compétence doit donc être mise à l’épreuve dans des situations appropriées dans une
optique d’évaluation, ce que le Boterf appelle la compétence en situation. La notion de
situation doit donc être au cœur de la méthodologie de l’évaluation dans une approche par
compétence : « une évaluation de la maitrise de compétence implique nécessairement des
mises en situation » (Paquay 115). Le terme de situation a d’ailleurs plusieurs autres
appellations « situation problème », « situation complexe ». Tout dispositif d’évaluation doit
donc être basé sur la conception de situations qui aideraient l’apprenant à mobiliser ses
compétences : « Concevoir des situations qui permettront aux élèves de révéler leurs
compétences est une composante essentielle dans toute démarche d’évaluation » (Scallon
101). De plus, il est fondamental de préparer ces situations en respectant deux exigences :
créer des contextes où les apprenants pourraient accéder aux connaissances propres à enrichir
et à orienter leur progression, et « fournir aux apprenants des occasions d’exercer leurs
capacités » (125).
Et afin de concevoir une progression dans la construction et le développement des
compétences, il faudrait proposer un parcours : « Présenter une succession de situations de
même nature, tout en diminuant progressivement le soutien offert à l’élève pour l’aider à
évoquer les ressources qu’il doit utiliser. Présenter une suite de situations graduées en
exigence et en difficultés de mobilisation » (122). Il faudrait donc à partir de ce support/objet,
à savoir le texte littéraire, concevoir des situations graduées en termes de complexités et de
ressources à mobiliser puisque « le développement des compétences est loin d’être linéaire.
Au contraire les compétences se construisent de manière spiralaire » (24).
Nous nous inspirons de l’ouvrage de Bernard Rey, et al. où sont proposés les trois
degrés de compétences. En effet, la compétence conçue comme une disposition à accomplir
une tâche met en valeur l’activité de l’apprenant comme réalisation d’un faire : « Puisqu’une
tâche est une activité finalisée, ce qu’introduit l’approche par compétences, c’est une
finalisation des activités scolaires. Cela signifie que l’on va s’efforcer de faire pratiquer par
les élèves des activités qui ont un usage, et plus précisément encore, un usage perceptible par
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eux » (18). Pour favoriser une entrée plus dynamique dans le savoir, trois degrés de
compétences sont distingués « en fonction d’une part de caractère simple ou complexe de la
tâche, et d’autre part de la plus ou moins grande nouveauté de la tâche pour l’individu » (24).
Il s’agit d’abord des compétences dites élémentaires : « savoir exécuter une opération (ou une
suite prédéterminée d’opérations) en réponse à un signal». L’apprenant n’est pas du tout
confronté à des situations nouvelles. Puis il y a les compétences de deuxième degré .Il s’agit
de mettre l’apprenant face à «une gamme de compétences élémentaires et (il doit) savoir,
dans une situation inédite, choisir celle qui convient ». Et enfin les compétences complexes :
« savoir choisir et combiner correctement plusieurs compétences élémentaires pour traiter
une situation nouvelle et complexe » (26), Tout en prenant en considération ces degrés, il ne
faudrait pas oublier qu’il « devrait y voir un fil conducteur dans tout ce qui est proposé à
l’élève » (Paquay 15). Cette hiérarchisation des situations de construction des compétences
nous semble en effet très pertinente pour esquisser un parcours d’enseignement/apprentissage
du FLE à partir du texte littéraire, pour proposer des activités d’apprentissage et concevoir
des dispositifs d’évaluation cohérents et synthétiques
3.2. Définir la compétence culturelle
« Un apprentissage de langue n’est jamais indépendant d’un apprentissage culturel »
(Porcher 44). En effet, la maitrise de la dimension linguistique n’est que « la surface d’un
iceberg qui cache des réalités culturelles dont l’appréhension est nécessaires dans toute
situation de communication » (Barthélémy 115). D’ailleurs, si la compétence de
communication « s’est révélée un concept beaucoup plus opératoire que tous ceux qui
l’avaient précédé dans la mesure où elle les englobe […] s’agissant de l’enseignement de la
civilisation, la compétence de communication s’est monnayée opératoirement en compétence
culturelle » (44).
Il est en fait admis que la culture est un produit sociohistorique et une pratique
sociale. Et comme l’a bien souligné Robert Galisson, il y a, d’une part, la culture littéraire,
l’histoire de l’art, la culture humaniste qu’il nomme « le cultivé », ou encore « la culture
savante », et, d’autre part « le culturel » qui renvoie au mode de vie, à la culture quotidienne
partagée par un certain nombre d’individus et c’est dans ce sens qu’il parle aussi de « culture
partagée ». Il se trouve que, dans les programmes préconisés par le ministère et mis en œuvre
dans la classe de langue au lycée, c’est le texte littéraire qui est la seule et unique facette de la
culture française. En assimilant l’enseignement/apprentissage du FLE à un enseignement
surtout de textes littéraire français (nous ne nions pas que les programmes de 2007 intègrent
deux œuvres de littérature maghrébine, mais le reste représente uniquement les grands
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classiques de la littérature française : quatre nouvelles de Maupassant, une pièce de Molière,
un roman de Hugo, un de Balzac et un conte philosophique de Voltaire !), c’est uniquement
la culture savante qui est mise en valeur.
« Vu l’enjeu considérable que représente l’ouverture sur les autres cultures dans la
classe de langue » (Groux 11), il serait pertinent de mieux gérer cette double dimension
attribuée au concept de culture. On pourrait alors mieux concevoir et mieux évaluer
l’enseignement/apprentissage du FLE au lycée, et ce d’autant plus que le texte officiel, dans
les objectifs généraux et dans le référentiel, insiste sur l’agir social. En effet, « La culture
comportementale pourrait non seulement réconcilier l’enseignement de la langue avec celui
de la culture, mais aussi souligner le lien étroit que le cultivé noue avec le culturel » (Briet 7).
Conclusion
L’évaluation dans sa double fonction de régulation et de validation devrait être au
centre de tout processus d’enseignement/apprentissage et de toute construction du citoyen de
demain. L’écart persistant entre des approches qui, théoriquement, sont censées être centrées
sur l’autonomisation de l’apprenant et donc sur sa responsabilisation, et des pratiques
évaluatives qui s’inscrivent dans « la logique quantitative d’un savoir considéré comme
empilement d’informations » (Rey 24), réduit inéluctablement l’impact de la portée éducative
de la classe de langue : « La notion de compétence peut jouer ce rôle en définissant ce qui est
exigé à l’école non pas par accumulation de connaissances, mais par la maitrise de
démarches » (24). S’approprier une démarche, c’est avancer sur une voie où on est amené à
faire preuve d’esprit critique, d’initiative personnelle et d’ouverture sur les autres. L’école
deviendrait alors le lieu ou l’on construit l’essentiel, l’Humain : « En enseignant les langues
et les cultures, on s’efforce de former des citoyens du monde, lucides et dénués de
dogmatisme, et d’en faire des acteurs conscients et responsables pour transformer le monde
en un milieu plus humain, plus juste, plus équitable » (Groux 14).
Bibliographie
Barthélémy, Fabrice, et al. Le français langue étrangère. Paris : Harmattan, 2011.
Briet, Geneviève, et al. Que voulez-vous dire ? Compétence culturelle et stratégies
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Dumortier, Jean-Louis. « L’évaluation des compétences et pédagogie par tâches. Le cas du
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Galisson, Robert. De la langue à la culture par les mots. Paris : Clé international, 1991.
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Groux Dominique, et al. Classe de langues et culture(s), vers l’interculturalité. Paris :
Harmattan, 2011.
Le Boterf, Guy. De la compétence : essais sur un attracteur étrange. Paris : Organisation,
1994.
Ministère de l’Education nationale. Les orientations pédagogiques générales pour
l’enseignement du français dans le cycle secondaire qualifiant, 2007.
Paquay, Léopold, et al. L’évaluation des compétences chez l’apprenant, pratiques, méthodes
et fondements. Louvain-la-Neuve : PUL, 2002.
Perrenoud, Philippe. Construire des compétences à l’école. Paris : ESE, 1997.
Porcher, Louis. L’enseignement des langues étrangères. Paris : Hachette éducation, 2004.
Rey, Bernard, et al. Les compétences à l’école, apprentissage et évaluation. Louvain-laNeuve : De Boeck, 2006.
Scallon, Gérard. L’évaluation des apprentissages dans une approche par compétences.
Louvain-la-Neuve : De Boeck, 2004.