Fusion Avoués et avocats Junillon
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Fusion Avoués et avocats Junillon
99 LA SEMAINE DU DROIT APERÇUS RAPIDES AVOUÉS 99 Fusion avoués/avocats Pour le meilleur et pour le pire POINTS-CLÉS ➜ La loi n° 2011-94 emporte fusion des professions d’avocat et d’avoué près les cours d’appel à la date du 1er janvier 2012 ➜ La représentation reste obligatoire et est désormais assurée par l’avocat ➜ La territorialité est maintenue et la représentation devant la cour sera assurée par un avocat exerçant dans le ressort de la cour ➜ Une période transitoire de 3 mois est instaurée pendant laquelle, l’avoué peut exercer simultanément les deux professions ➜ Le tarif des avoués est supprimé ➜ Des mesures d’indemnisation sont mises en place aussi bien pour les avoués que pour leur personnel ➜ Des facilités d’intégration dans la fonction publique sont envisagées Jacques Junillon, avocat honoraire, avoué à la cour honoraire O bjet du texte. - La loi du 25 janvier 2011 (L. n° 2011-94 : JO 26 janv. 2011, p. 1544) qui procède par modification de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, emporte fusion des professions d’avocat et d’avoué à la cour d’appel. Derrière cette appellation, il s’agit en fait de la suppression de la profession d’avoué à la cour. La commission Attali appelait les choses par leur nom lorsqu’elle proposait « de supprimer la profession d’avoué » (Commission Attali, rapp. 23 janv. 2008, prop. n° 213 : La Documentation française, 2008) Motifs de la réforme. - Le rapport Attali, dans sa proposition 213, a fait ressurgir un problème discuté depuis des décennies, même si la proposition ne visait qu’à la suppression d’une profession aux termes de quelques lignes lapidaires. Il reste que l’on pouvait s’interroger légitimement sur la pertinence du maintien d’une dualité de professionnels au niveau de la cour d’appel, d’autant que la dualité de professions est inconnue dans de nombreux pays de la Communauté européenne. Le souci de rationnaliser un système judiciaire et d’abaisser le coût des procédures, même Page 200 si l’on revient sur le principe de gratuité du service public en instaurant une taxe, peut légitimer une décision. Mais il n’apparaît pas nécessaire de se référer à une contrainte issue de textes européens (Dir. 2006/123 CE, 12 déc. 2006 relative aux services dans le marché intérieur : JOUE n° L 376, 27 déc. 2006), qui n’est pas démontrée ainsi que l’a relevé le professeur Nourissat (C. Nourissat, Intervention du 27 juin 2008, XXVIIe Journées d’étude de la chambre nationale des avoués, Palais des congrès, Paris). Au surplus, il y aurait de ce point de vue, une certaine incohérence à se référer à une exigence née de la directive européenne du 12 décembre 2006, alors même que la réforme précise que les avoués pourront accéder aux professions d’avocat aux conseils et d’huissier, qui bénéficient d’un monopole et qu’elle ne modifie pas la situation des avocats à la cour d’Alsace Moselle… En réalité, le motif est à rechercher dans une simple approche de politique interne, ce qui dans son principe, ne lui enlève pas sa légitimité. Les conséquences prévisibles. - Les avoués, qui n’ont que très peu de clientèle personnelle, verront leur activité réduite à néant. Si une partie non négligeable d’entre eux prendra sa retraite, si une petite fraction usera des possibilités d’intégrer le service public, si certains deviendront collaborateurs de cabinets d’avocats, la majorité devra recréer ex nihilo un cabinet d’avocat avec une clientèle convenable, ce qui nécessitera de longues années. S’agissant des salariés, qui présentent la double particularité d’être plus nombreux que dans les cabinets d’avocats en proportion des dossiers traités et mieux rémunérés, ils vont faire l’objet de licenciements économiques massifs d’autant que le texte prévoit que les indemnités de licenciement ne seront pris en charge que dans la mesure où le licenciement interviendra avant le 31 décembre 2012 (31 décembre 2014 pour le personnel de la chambre nationale des avoués). Plus importantes encore pour le futur sont les conséquences d’une telle réforme sur la qualité de la justice. Une amélioration de la situation est incertaine pour de multiples raisons. Il est prévisible, et cela est d’ailleurs relevé par l’étude d’impact, que les avocats constitueront un filtre moins performant que les avoués autrefois de telle sorte qu’une augmentation des appels de l’ordre de 15 % est envisagée. Par ailleurs, il y a une spécificité de la procédure d’appel, encore renforcée par les décrets du 9 décembre 2009 (D. n° 2009-1524 : JO 11 déc. 2009, p. 21386 ; JCP G 2009, act. 3, Aperçu rapide H. Croze) et du 28 décembre 2010 (D. n° 2010-1647 : JO 29 déc. 2010, p. 22919 ; JCP G 2010, act. 37, Aperçu rapide N. Fricero). Pour être spécialiste, il faut traiter régulièrement un certain nombre de dossiers et mener très fréquemment la procédure. L’avoué qui, à longueur d’année, menait ces procès, était un spécialiste ; l’avocat, qui, très épisodique- LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 5 - 31 JANVIER 2011 LA SEMAINE DU DROIT APERÇUS RAPIDES ment au cours de l’année, représentera une partie devant la cour, ne le sera pas. Pour le surplus, à la suite de la jurisprudence très rigide portant à la fois sur l’autorité de la chose jugée (Cass. ch. mixte, 25 oct. 2004, n° 03-14.219 : JurisData n° 2004-025364 ; D. 2005, p. 757. – Cass. ass. plén., 13 mars 2009, n° 08-16.033 : JurisData n° 2009-047469 ; JCP G 2009, II, 10077, note P.-Y. Serinet) et sur la nécessité de concentrer l’ensemble des moyens (Cass. 2e civ., 4 mars 2004, n° 0212.141 : JurisData n° 2004-022590 ; D. 2004, somm. p. 1204, note N. Fricero), voire même les demandes nées d’une même cause dans une même instance (Cass. 1re civ., 28 mai 2008, n° 07-13.266 : JurisData n° 2008044114 ; JCP G 2008, II, 10157, note G. Chabot ; JCP G 2008, II, 10170, note G. Bolard. – Cass. 2e civ., 25 oct. 2007, n° 06-19.524 : JurisData n° 2007-041119), le double regard de deux spécialistes devant le tribunal puis devant la cour, apparaît bien utile. Il y avait dans cette situation, la nécessité de regarder les choses dans leur globalité et il eût peutêtre été préférable de spécialiser d’avantage la procédure d’appel et de la confier à des avocats de cour d’appel (Th. Le Bars, Suppression de la profession d’avoué : et après ? : JCP G 2009, act. 91, Libres propos. – H. Croze, Les professionnels du droit doivent-ils être spécialisés ? : Procédures 2009, repère 8). Mais c’eût été conduire une réflexion d’ensemble, incompatible avec le vœu politique d’un réformisme d’urgence, conduit par un ministère, dont le chef a été changé à trois reprises pendant le temps de la discussion du texte. Enfin le pari repose sur la mise en place d’une communication électronique efficace, qui n’existe pas partout aujourd’hui, ce dont le Gouvernement a dû enfin se convaincre, ce qui l’a conduit à différer l’appel par voie électronique par le décret du 28 décembre 2010 et à le réserver par l’arrêté ministériel du 23 décembre 2010 (JO 29 déc. 2010, p. 22920) à quelques cours d’appel déjà équipées, créant ainsi une différence de procédure d’appel selon les cours ! La représentation reste obligatoire et territoriale. - Désormais la première phrase du deuxième alinéa de l’article 5 de la loi du 31 décembre 1971 est ainsi rédigé : « Ils exercent exclusivement devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant la cour d’appel dont ce tribunal dépend, les activités antérieurement dévolues au ministère obligatoire des avoués près les tribunaux de grande instance et les cours d’appel » (L. n° 2011-94, art. 3). La représentation reste obligatoire dans les cas où elle l’était : elle s’inscrit toujours dans une territorialité maintenue en dépit d’un questionnement persistant dans certains milieux, voire même renforcé dans la perspective d’une procédure par voie électronique. Mais il est vrai que doit être pris en compte l’équilibre financier de nombreux barreaux. Il n’en reste pas moins que le système actuel est compliqué. L’avocat de première instance qui ne pouvait pas représenter son client devant le tribunal de grande instance dont ne relève pas son barreau, pourra représenter ce même client devant la cour d’appel, si celle-ci est la juridiction supérieure du tribunal auquel il appartient. Au surplus, compte tenu des particularités nées de la création de la cour de Versailles, il est prévu une disposition particulière. De même, à la suite de l’annexion de l’Alsace Moselle à l’empire allemand et des lois des 20 février 1922 et 29 juillet 1928, existe toujours le système particulier de représentation devant les cours d’appel de Metz et Colmar, laquelle est assurée par des avocats inscrits sur un tableau particulier des postulants devant la cour. Enfin un autre régime particulier de représentation par les avocats existe pour les cours d’appel d’outre mer. Une situation intermédiaire. - L’article 24 de la loi n° 2011-94 prévoit une période de trois mois, courant du 1er octobre au 31 décembre 2011, pendant laquelle l’avoué, ensuite de sa demande d’inscription au barreau, pourra exercer simultanément les deux professions. Cette période demandée par les avoués a été limitée à trois mois, de crainte d’une concurrence déloyale envers les avocats, mais le temps de trois mois retenu est évidemment ridicule et ne permet nullement à l’avoué de prendre des dispositions de nature à trouver une nouvelle clientèle. En outre, le second alinéa précise que : « Toutefois, ils ne peuvent simultanément postuler et plaider dans les affaires introduites devant la cour d’appel avant cette date pour lesquelles la partie est déjà assistée d’un avocat à moins que le dernier ne renonce à cette assistance ». LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 5 - 31 JANVIER 2011 99 La transmission des dossiers aux fins de représentation. - La difficulté est traitée par l’article 27 de la loi, qui pose le principe du maintien des rôles de chacun jusqu’à la fin de la procédure. « Dans les instances en cours à la date d’entrée en vigueur du chapitre Ier de la présente loi [1er janvier 2012], l’avoué antérieurement constitué qui devient avocat conserve, dans la suite de la procédure et jusqu’à l’arrêt sur le fond, les attributions qui lui étaient initialement dévolues. De même l’avocat choisi par la partie assure seul l’assistance de celle-ci ». Dans la majorité des cas, les avoués mèneront ainsi à terme les procédures d’appel à eux confiées avant la fusion. Le législateur a précisé que cette situation s’appliquait sous réserve de la démission, du décès ou de la radiation de l’un des auxiliaires. Cela semble évident et constitue d’ailleurs aux termes de l’article 369 du Code de procédure civile une interruption légale. Dans les hypothèses où l’avoué ne souhaite pas devenir avocat et interrompt son activité, il y aura d’évidence nécessité pour la partie de mandater un nouveau représentant. Dans la mesure où plus de 20 % des avoués ont plus de 60 ans et où d’autres voudront changer d’activité, des radiations et démissions interviendront. Il faudra distinguer les hypothèses où la représentation était assurée par une personne physique de celles où elle était assurée par une SCP, dont l’existence ne sera pas obligatoirement affectée par le retrait de l’un des associés. L’article 27 envisage également une situation différente d’une part en cas d’accord entre avocat et avoué et en cas de décision contraire de la partie intéressée. Il en ressort qu’en cours de procédure d’appel, la partie peut elle-même décider de retirer le dossier confié à l’avoué pour le confier à son avocat. Le texte précise encore « Dans tous les cas, chacun est rémunéré selon les dispositions applicables avant cette entrée en vigueur ». Il faut en déduire que pour tous les dossiers engagés avant la fusion des deux professions, l’avoué à la cour est rémunéré selon le tarif des avoués, tandis que l’avocat est rémunéré par un honoraire librement fixé sauf aide juridictionnelle. Les notes risquent d’être difficilement compréhensibles pour le justiciable. Une procédure plus onéreuse devant la cour. - Le tarif des avoués ne survit pas à la fusion et l’avocat sera rémunéré selon un Page 201 99 honoraire fixé consensuellement. Il reste que parallèlement est envisagé d’insérer dans les frais de justice restant à charge du perdant, une somme forfaitisée sur le montant de laquelle il est encore discuté mais qui pourrait être de l’ordre de 800 €. Dès lors, si ce système est mis en place (mais cette idée n’est plus discutée au moins officiellement de telle sorte que le flou demeure !), soit l’avocat se contente de cette somme et celle-ci sera prise en compte dans les dépens, soit il convient d’une somme supérieure à ce titre et le recouvrement sur le perdant ne pourra se faire au-delà de la somme forfaitaire. Au simple titre de la représentation, il est ainsi acquis d’une part que dans certains cas le gagnant supportera une partie de la charge financière, et d’autre part que pour les procès de petite importance financière où un droit minimum trouvait à s’appliquer autrefois (environ 175 €), les dépens seront désormais très supérieurs, et ce sans compter la taxe de 150 € due par les parties à l’instance d’appel (à l’exclusion des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle), instituée par la loi de finances rectificative n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 créant un article 1635 bis P du Code général des impôts. En l’état des textes, non seulement la procédure d’appel sera plus onéreuse, mais le plus souvent, le gagnant du procès conservera à sa charge de lourds honoraires, à moins que les magistrats ne haussent le montant de l’article 700 du Code de procédure civile, habituellement octroyé. La structure juridique de l’avocat-avoué. - Sur ce terrain aussi, les choses ne sont pas claires, mais il faut reconnaître la difficulté de la tâche. L’article 27 de la loi prévoit que « l’avoué qui renonce à devenir avocat avise la partie, au plus tard trois mois avant la date d’entrée en vigueur du chapitre Ier de la présente loi [1er janvier 2012] , qu’il lui appartient de choisir l’avocat qui se constituera comme postulant à compter de cette date ». La pratique rencontrera des cas où l’information n’est pas donnée à la partie dans le délai précité soit que l’avoué qui interrompt son activité néglige cette obligation, soit qu’il n’ait pas encore arrêté définitivement sa décision dans ce délai. Sur les 433 avoués qui exercent dans 231 offices, dont 177 SCP et une SELARL (source administrative, qui diffère de quelques unités des chiffres de la chambre nationale : 445 avoués pour 235 Page 202 études), vraisemblablement au moins une centaine cesseront toute activité compte tenu du pourcentage de sexagénaires dans la profession, ou intégreront la fonction publique. Si l’intéressé exerçait à titre individuel, il n’y a pas de difficulté, chaque dossier donnant lieu à avis à la partie et à désignation d’un avocat pour assurer désormais la représentation. Si l’intéressé exerçait au sein d’une société, le départ de l’un de ses membres, sauf à respecter les textes en la matière dans les délais légaux, ne met pas fin à la société qui peut continuer à assurer la représentation. Si les avoués de la SCP décident tous de ne pas rejoindre la nouvelle profession, il y aura lieu à dissolution de la société, laquelle ne pourra poursuivre la représentation de telle sorte que celle-ci sera reprise par un nouvel avocat. L’article 25 de la loi dispose ainsi : « Si elles ne sont pas dissoutes, les sociétés constituées en vue de l’exercice de la profession d’avoué ont pour objet social, dès la date d’entrée en vigueur du chapitre Ier de la présente loi [1er janvier 2012], l’exercice de la profession d’avocat. Leurs membres disposent d’un délai de six mois à compter de cette date pour en adapter les statuts et, notamment, le montant du capital social ». Il est curieux qu’un texte puisse imposer d’autorité une modification de l’objet social, qui est un élément fondamental d’un consentement donné par une personne pour une activité particulière. Deux personnes ont pu vouloir exercer la profession d’avoué dans une SCP sans pour autant que demain ces mêmes personnes veuillent travailler comme associés dans une activité d’avocat, exigeant des qualités différentes. Des retraits ou des scissions vont avoir lieu, qui vont entraîner des difficultés d’autant plus importantes que le plus souvent, c’est la SCP qui était titulaire de l’office. L’accès à la nouvelle profession d’avocat ou à d’autres professions. - En application de l’article 21 de la loi, les avoués qui ne souhaiteraient pas devenir avocat pourront, sur leur demande présentée dans les cinq ans à compter de la publication de la loi accéder aux professions d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de notaire, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’huissier de justice, d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire. En application de l’article 22 de la loi, les collaborateurs d’avoué, titulaires de l’examen d’aptitude à la profession d’avoué, sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d’aptitude à la profession d’avocat. En outre, les collaborateurs d’avoué bénéficiant d’un nombre d’années de pratique professionnelle, qui sera fixé par décret en fonction des diplômes, pourront bénéficier des mêmes dispenses. En application de l’article 23, les personnes inscrites depuis au moins un an sur le registre du stage pour devenir avoué, pourront accéder à la formation théorique et pratique pour l’exercice de la profession d’avocat sans avoir à subir l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle des avocats. Ultérieurement un décret fixera les conditions dans lesquelles les collaborateurs d’avoué, non titulaire du diplôme d’avoué, pourront accéder aux professions d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, de notaire, de commissaire-priseur judiciaire, de greffier de tribunal de commerce, d’huissier de justice, d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire. Enfin, lors des discussions, et sans qu’aucun engagement ne soit pris à cet égard, a été mis en avant le fait que les avoués, voire d’ailleurs certains de leurs collaborateurs ayant les diplômes utiles, pourraient intégrer le service public, et plus particulièrement celui de la justice. L’indemnisation des avoués. - Le principe : après des propositions que n’aurait pas reniées le roi Ubu, telle celle limitant à 66 % de la valeur de l’étude l’indemnisation de l’avoué, les choses ont été largement modifiées grâce à la résistance des parlementaires et le principe de l’indemnisation avait été ainsi arrêté dans l’article 13 de la loi : « Les avoués près les cours d’appel en exercice à la date de publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, [du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues], fixées par le juge de l’expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L 13-25 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ». Mais par sa décision du 20 janvier 2011 (Cons. const., déc. n° 2010-624 DC), le Conseil constitutionnel, qui a par ailleurs validé le texte, a déclaré non conforme à la LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 5 - 31 JANVIER 2011 LA SEMAINE DU DROIT APERÇUS RAPIDES constitution le principe de l’indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires. Ainsi désormais seule l’indemnisation du préjudice lié à la perte du droit de présentation interviendra, ce qui explique d’ailleurs que le Conseil constitutionnel déclare également contraire à la Constitution, toute référence à l’âge de l’intéressé. Il faut relever que l’indemnisation donnera lieu au paiement par l’avoué des droits sociaux (CRDS et autres) et fiscaux (notamment de plus-value) comme s’il s’agissait d’une cession volontaire, le Gouvernement n’ayant pas voulu accepter l’amendement du Sénat proposant l’exonération et le recours ayant été rejeté sur ce point par le Conseil constitutionnel. Cette nouvelle approche minimaliste de l’indemnisation peut légitimement laisser un goût amer, particulièrement aux jeunes avoués qui vont se retrouver sans activité et sans ressources, même s’ils auront pu rembourser le prix d’acquisition de leur charge avec l’indemnisation allouée. Cette position étonnamment intransigeante du Conseil constitutionnel risque de conduire les victimes de cette réduction d’indemnisation à poursuivre devant les instances européennes. Notons que le texte traite des « avoués en exercice » au jour de la publication du texte. Nous rencontrerons nécessairement la situation dans laquelle l’avoué est décédé ou est incapable d’exercer à la date de promulgation. Cette situation se produira d’autant plus certainement que les offices ne peuvent être cédés depuis de longs mois. Que se passera-t-il dans cette situation ? Il paraît invraisemblable que le droit patrimonial détenu par l’avoué ou transmis à sa succession, ne donne pas lieu également à indemnisation. L’article 18 de la loi est apaisant sur ce point en ce qu’elle traite de demande d’indemnisation pouvant être présentée par l’ayant droit. La procédure. - Elle est compliquée et se déroule en plusieurs phases devant plusieurs juridictions ou commission. En application de l’article 13 de la loi, la commission d’indemnisation prévue à l’article 16, présidée par un magistrat et composée de représentants des ministères de la Justice et du Budget ainsi que de deux représentants des avoués, doit, dans les trois mois suivant la cessation de l’activité de l’avoué ou au plus tard le 31 mars 2012, notifier à l’avoué, une offre d’indemnisation. En cas d’acceptation, l’indemnisation est versée dans le mois de celle-ci. En cas de désaccord, l’avoué, et lorsqu’il y a une SCP, la SCP, doit saisir le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Paris aux fins de fixation de l’indemnité. L’indemnité est versée dans le mois de la décision du juge. Dès la publication de la loi ou dans les douze mois de celle-ci, l’avoué peut demander d’une part un acompte égal à 50 % du montant de la recette nette réalisée telle qu’elle résulte de la dernière déclaration fiscale et d’autre part le remboursement au prêteur du capital restant dû au titre des prêts d’acquisition de l’office ou des parts de la société d’exercice. L’article 16 dispose que les décisions prises par la commission ou par son président seul, peuvent faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’État. Le sort des salariés. - Les salariés des études d’avoué vont être massivement licenciés, dès lors que la structure économique n’existe plus. Au delà des aides au reclassement et des compétences évidentes de ce personnel, des difficultés au moins temporaires sont à attendre. En application de l’article 14 de la loi n° 2011-94, tout licenciement survenant en conséquence directe de la loi, intervenu entre la publication de celle-ci et le 31 décembre 2012, est réputé licenciement économique au sens de l’article L. 1233-3 du Code du travail. Il s’agit à l’évidence d’une présomption réfragable que chaque partie pourra contester. Par ailleurs, le même article fixe de nouvelles conditions de calcul de l’indemnité de licenciement « Dès lors qu’ils comptent un an d’ancienneté ininterrompue dans la profession, les salariés licenciés perçoivent du fonds d’indemnisation prévu à l’article 19 des indemnités calculées à hauteur d’un mois de salaire par année d’ancienneté dans la profession, dans la limité de trente mois. Ces indemnités ne peuvent être cumulées avec les indemnités de licenciement prévues aux articles L. 1234-9 et L. 1233-67 du [Code du travail].” Les demandes d’indemnisation adressées à la commission, relatives au personnel doivent être formées avant le 1er janvier 2014 (L. n° 2011-94, art. 16). Le licenciement ne prend effet qu’au terme d’un délai de trois mois à compter de la transmission par l’employeur LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 5 - 31 JANVIER 2011 99 de la demande de versement des indemnités de licenciement adressée à la commission nationale. En outre, le salarié peut lui-même interroger l’employeur sur son sort. Si l’employeur s’abstient de répondre dans les deux mois de la demande ou s’il répond que le licenciement n’est pas prévu, le droit à indemnisation majorée par la commission est perdu. S’agissant de la convention collective applicable aux salariés des avoués, l’article 19 de la loi prévoit plusieurs situations. Pendant le temps nécessaire à la conclusion d’une nouvelle convention collective du personnel des cabinets d’avocats, laquelle devrait être conclue au plus tard le 31 décembre 2012, les salariés des avoués devenus avocats restent régis par l’ancienne convention collective des avoués. Pendant la même période, en cas de regroupement entre avocats et anciens avoués, le personnel respectif de chaque groupe reste régi par son ancienne convention. Dans l’hypothèse vraisemblable où une nouvelle convention collective du personnel des avocats n’aurait pas été conclue avant le 31 décembre 2012, la convention actuelle des avocats s’appliquera alors à tous mais les anciens salariés des avoués conserveront les avantages acquis de leur ancienne convention collective. Chaque réforme engendre des difficultés pour ceux qui sont pris dans son tourbillon, mais celles-ci ne peuvent justifier un immobilisme. Il a été pris le parti d’aller vite sans réflexion de fond sur la procédure d’appel et sa spécificité. Il a également été pris pour acquis que la communication électronique serait en place pour mettre en interface des milliers de cabinets avec les greffes. Il reste à espérer que ces paris seront gagnés : que la durée des procédures n’en sera pas allongée, que le coût des procès n’en sera pas alourdi. À défaut, il faudra reprendre avec courage et ténacité un ouvrage que les gouvernants négligent parce qu’il est ardu : faire de l’appel une voie de recours spécifique confiée à des avocats spécialisés. Mais cela passe par la nécessité de définir préalablement et non a posteriori ce que doit être, dans une société moderne, la voie de l’appel ( V. rapport Darrois, 8 avr. 2009 relevant que la réforme a permis d’engager une réflexion sur la dématérialisation des procédures, la postulation et les règles du procès en appel). Page 203