Médecine alternative mais pas très douce
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Médecine alternative mais pas très douce
Médecine alternative mais pas très douce Mardi, après la gueule de bois du lundi, la grosse « loose »… je ressens comme de mauvaises vibrations autour de moi. Tenter quelque chose, lutter. Faire barrage ? A quoi s’opposer quand tout se déglingue et que plus savants que moi prennent le thermomètre pour la cause de la température ? Décemment, je ne pouvais plus retourner chez mon toubib : trois fois en trois jours (cf. épisodes précédents), ce dernier m’ayant fait comprendre qu’il se devait AUSSI à sa patientèle. J’opte donc pour le pub qui fait l’angle, moins éloigné et encombré de miasmes qu’une salle d’attente, voire – l’établissement ne distribue pas de médicaments mais des remèdes. étant donné la situation, ils feront l’affaire. Obligé ! – « Bonjour » propose le barman en me “détronchant” gratuitement, prêt qu’il est à composer le 17, en raison de l’état d’urgence. – « Un grog, s’il vous plait… » – « Monsieur, ici c’est un pub : je sers quarante sept spécialités de bière, de tous les pays, de toutes les couleurs et à tous les prix mais je fais pas de grog, jamais. » explique le pédagogue avec fermeté. On a bien vu un instituteur dAlgérie devenir vedette de la chanson, ce barman pourrait tout aussi bien finir au collège de France en raison de la clarté de son exposé. L’ascenseur social existe ou pas ? – « Bon… alors une Stella. » depuis la pénombre de l’arrière-salle, je viens d’apercevoir le clignotement d’un panonceau publicitaire à cette marque. – « Demi ou pinte ? » questionne le barman, la main sur la poignée de la tireuse, figé comme un marbre antique. – « Avec (tout) ce qui se passe : pinte ! » – « Petite ou grande pinte ? » re-questionne le barman qui n’a pas cillé, sa main ne montrant aucun signe de fébrilité. – « Grande ! » soufflais-je avec une mimique, à portée comique selon moi, destinée à instaurer une forme de complicité dont, au fond, je me moque de savoir ce quelle concerne : le format de ma bière, sa marque, l’état de l’électorat français ou les combines de tous les partis pour le conquérir, le reconquérir, l’abuser, l’user et au finish le “niquer” dans les grandes et les petites largeurs… cet électorat ; de la complicité, “mierdre” avec un humain, c’est trop demander ça, pour six quatre vingt dix ? Par chance, d’autres malheureux s’accrochent au comptoir de ce pub, un œil sur leur bock en phase de vidage multiple, l’autre sur BFM qui dévide sa boucle de derviche spécialisé dans l’infotainment. Un sexagénaire que je ne connais pas, cause dans le poste. – « Malik Boutin a ses vapeurs… » tente un type, en se gondolant avec franchise, manière d’engager une conversation badine. – « T’es lourd, c’est pas Malik Boutin mais Malek Boutih… du PS » reprend le pote du rigolard. Il semble nettement plus initié aux arcanes de la politique. C’est un sachant Leffe ou un sachem Kronenbourg. Minimum. – « Selon Mâle-et-boutique : Masseret c’est papi qui collabore » lance un troisième dégustateur de bières chérotes ; à son apparence chevronnée je comprends qu’il sait ce que payer sa tournée veut dire. – « Mâle-et-boutique ; Zadig et voltaire… même combat » rétorque avec l’assurance de l’homme éméché, son vis-à-vis dont il n’est pas difficile de saisir qu’il retarde d’une guerre et de plusieurs métros. – « Même pas mâle-et-boutique. » interjette un cinquième, pas frais non plus, pour rajouter à la confusion ambiante, pour la joie de tous. – « Mais de quoi parlent-ils ? » pensais-je si effaré que cela se devina en conséquence de quoi un compatissant remplit son devoir concitoyen en m’éclairant. – « Cet élu de la boutique PS, le Boutik, vient d’expliquer à un autre élu du PS, un certain sénateur Masseret, ce dernier ne retirant pas sa liste alors qu’elle se trouve en troisième position après le premier tour, et cela malgré les ordres, injonctions, supplications et raisonnements super subtils du secrétaire général Camba et, excusez du peu, des froncements de sourcils paralysants de Valls imperator… qu’il (le Masseret : j’ai failli m’y perdre) ne serait qu’une merde de collabo au regard de l’histoire de la France, de la saga du Monde sans barguigner, et de l’univers, possiblement… » – « C’est pourtant chouette un gars qu’à la moelle de résister… » que je lui réponds. – « Oui, mais ça marche pas comme ça, mon gars. » me coupe un possible encarté… en reposant sa copine la chopine. – « …Il faut respecter la discipline de parti… sinon c’est le “dawa”… » continue ce moraliste à neuf degrés. – « C’est déjà pas mal le “dawa”, justement, j’te f’rai dire ! » commente l’amateur de vêtements de demi-luxe. – « Voilà pourquoi, il faut obéir à la consigne ! » Clair, soit le gus est un communiste, soit c’est un militaire ; y a pas moyen… ou peut-être est-il les deux me ravisais-je, en mon for intérieur. – « Le problème est qu’une grande quantité de militants approuvent Masseret ; je di- rais pas une majorité parce que j’en sais rien du pourcentage mais le ressenti global est que le combattant force le respect. La plupart des gens comme toi et moi… – « Oh, hé on se connait pas plus que ça… » me récriais-je. – « …mettons les gens normaux et la base, ils en ont ras-le-bol des calculs des parigots délimités de qualité supérieure. Pour une fois qu’il y a de la bonne « castagne » et qu’on aurait besoin d’eux et de leur belle volonté, leur parti leur explique qu’il serait urgent de voter pour une formation dont le chef cause salade et rhubarbe au JT, alors bon, ça coince… normal. – « C’est carrément n’importe quoi… » râle l’homme des jeux aux mots foireux, “boutiniste” (?) à ses heures perdues. Je me rassure cela n’existe pas boutiniste ! Quoique mais peut-on envisager sans rire, une lutte « jusqu’au-boutinisme » ? Passons. – « Qu’est-ce qui est n’importe quoi… » m’enquiers-je avec une onction de chanoine pour faire retomber la fièvre qui menaçait nos échanges. – « Faire suivre la salade et la rhubarbe, c’est ça le n’importe nawak… je le sais, j’ai eu mon CAP cuisine au CFA. En gastronomie française, on ne fait jamais suivre deux plats de la même couleur. C’est une règle absolue. La salade c’est vert, sinon elle est composée – tu me diras LR + Modem + UDI, m’enfin, et la rhubarbe c’est vert : donc ça le fait pas. Point barre. Il a faux Sarko j’te dit. – « C’est pas de la politique ça… » – « Et comment que si : la politique c’est ce qui les fait tous bouffer alors s’ils mangent n’importe comment, ils font n’importe quoi… d’où le “dawa” actuel ! comme on fait son lit, etc. CQFD, mon pote. » – « Tu connais Rémi Gaillard ? » – « Non » – « No way : aucune importance. » Vu comme ça, le penseur pop’ est finaud, comment nier qu’il existe une esthétique de la politique ? Il n’a donc pas tort mon Riton. Dans l’intervalle – je ne raconte pas tout, j’ai appris que mon interlocuteur s’appelle Henri autrement dit : Riton, quand il se trouve derrière le mauvais côté du bar, celui où on paye. En somme, me dis-je, le vote du six décembre remue plus les problèmes internes (la merde) des partis aussi bien à gauche qu’à droite, la plus extrême comprise, ainsi que leurs incapacités à comprendre, leurs impuissances à agir, leurs aigreurs d’égos et leurs médiocres jalousies que quoique ce soit d’autre. Joignant le geste à cette soudaine libération de ma responsabilité en tant qu’abstentionniste, je lance radieux : – « Oh patron (je sais, c’est démago…), tournée générale… Oui, oui, c’est pour moi. » Tous les présents, en chœur brament : – «Toi, t’es un pote, un bon… un Masseret, on te touchera pas ! » comprenne qui pourra, me dis-je. Qu’elles intentions avaient-ils à mon endroit tous ces sympathiques… ? Au final mes compagnons (de bar) demandent qu’on cesse de les mépriser, de les infantiliser… pas en paroles parce que les paroles sont belles, trop belles souvent, mais dans le merdier tangible de la vraie vie, dans les actes du quotidien… qui sont inutilement complexes et vexatoires, m’est avis que c’est pas en se barrant à la première escarmouche que ça leur fera grosse impression.