Le soleil des limaçons

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Le soleil des limaçons
Études rurales
87-88 | 1982
La chasse et la cueillette aujourd'hui
Le soleil des limaçons
Claudine Fabre-Vassas
Publisher
Éditions de l’EHESS
Electronic version
URL: http://etudesrurales.revues.org/1378
ISSN: 1777-537X
Printed version
Date of publication: 1 January 1982
Number of pages: 63-94
Electronic reference
Claudine Fabre-Vassas, « Le soleil des limaçons », Études rurales [Online], 87-88 | 1982, Online since 20
January 2004, connection on 31 January 2017. URL : http://etudesrurales.revues.org/1378
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Le soleil des limaçons
Le soleil des limaçons
Claudine Fabre-Vassas
ABSTRACTS
Snail's sun. -- Depending on the location, mail gathering invariably brings a male way of hunting
or a female way of picking or both to the scene. Thus the animal acquires its identity either as a
wild prey or as a domestic fruit. The distinction between "escargots" and "escargotes" repeats
this duality. Mainly it introduces several possible combinations according to whether the
gatherers hunt or collect the male or the female. The evidence suggests that this diversity
privileges the choice of the snail as a collective symbol -- a very common one in southern France.
But in the kitchen where it is purged, fattened and cooked by women the animal becomes
charged with other pairs of meaning, and these enable one to situate the ambiguity of its
classification. It can be fat or lean depending on how it is prepared, and is therefore neither flesh
nor fish. Etiological accounts portray it as a mutilated, downgraded creature living out an
expiation : hence the snail's association with death. Indeed the snail appears as the embodiment
of a "larva", one of the wandering spirits or souls of Purgatory evoked in rituals which establish a
"calendar" of relations between the living and the dead. If it can still shift as easily as in the past
from one term to, the other (male/female. fat/lean. flesh/fish. alive/dead), that is because it is
neither one nor the other but is situated in between. Is not snail picking thus a way of giving
oneself the power to explore the logical properties of its intermediary position ?
La collecte de l'escargot met toujours en scène, en les mêlant ou les séparant selon les lieux, une
façon masculine de le chasser et une façon féminine de le cueillir qui confèrent à l'animal son
identité de proie sauvage ou de fruit domestique. La distinction des « escargots » et des
« escargotes » répète cette dualité mais, surtout, introduit plusieurs combinaisons possibles selon
que les collecteurs chassent ou cueillent la femelle ou le mâle. Tout porte à croire que cette
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diversité favorise le choix, si fréquent dans la France méditerranéenne, de l'escargot comme
emblème collectif.
Mais, dans la maison, entre les mains des femmes, par la vertu du jeûne, de l'engrais puis de la
cuisine, l'animal prend en charge d'autres couples de significations qui permettent de situer son
ambiguïté classificatoire. S'il est gras ou maigre selon la préparation c'est qu'il n'est ni chair ni
poisson. Les récits étiologiques en font alors une créature mutilée, déchue, dont l'existence n'est
qu'expiation d'où le lien constant entre l'escargot et la mort. Il incarne en effet les « larves », les
esprits errants ou les âmes du Purgatoire dans des rituels qui dessinent un calendrier des
relations entre vivants et morts. S'il est toujours aussi apte à passer de l'un à l'autre (mâle et
femelle, gras et maigre, chair et poisson, vivant et mort) c'est qu'il n'est ni l'un ni l'autre, que sa
place est entre les deux. Ramasser l'escargot n'est-ce pas se donner le pouvoir d'explorer les
propriétés logiques de sa position intermédiaire ?
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