Le développement n`est durable que s`il est solidaire

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Le développement n`est durable que s`il est solidaire
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Le dé veloppement n’ est
durable que s’ il est solidaire !
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Entretien avec Olivier Guibaud, co-dirigeant
du laboratoire Body Nature
Et si les coopérations associations entreprises se jouaient avant
tout au niveau des PME ? Quelle place pour les associations dans
une stratégie de RSE1 ? C’est ce qu’a cherché à comprendre la
Fonda en rencontrant Olivier Guilbaud co-dirigeant de Body
Nature.
La rédaction : Pouvez-vous présenter rapidement Body Nature ?
Body Nature : Le laboratoire Body Nature est une entreprise fami-
liale française qui existe depuis 1972. Elle fabrique des produits
écologiques et biologiques en vente à domicile sur les gammes
entretien, cosmétique et bien-être.
Créée par conviction et développée par passion cette entreprise défend les valeurs
initiales de la marque : respect, travail et proximité.
Propos recueillis par
Grégoire Barbot
La rédaction : Pouvez-vous nous parler de votre démarche RSE ?
BN : À l’occasion des 40 ans de l’entreprise en 2012, un « Tour de France » a per-
mis d’étendre la signature de la charte Au-delà du Bio® à l’ensemble des collaborateurs, soit plus de neuf cents personnes, mais également de nombreuses
parties prenantes telles que associations, entreprises partenaires et institutionnels.
Cette démarche, à travers les échos qu’elle a pu avoir prouve que les grandes
structures ne détiennent pas le monopole de la RSE.
Le laboratoire Body Nature évolue, et ce depuis toujours, dans un esprit de partenariat durable dans ses activités avec ses parties prenantes plus que dans une
relation dominant/dominé. Les recherches de matières premières issues de l’agriculture biologique, les recherches de sous-traitants partageant les mêmes valeurs,
les recherches d’emballages le plus vert possible... Autant de convictions mises
en pratique, qui dans les années 1970 ou même 1980, ne pouvaient que passer par
des relations fortes, des relations de partenariats avec d’autres « petits » fournisseurs sur un marché « naissant ».
La rédaction : Comment cela se traduit-il concrètement ?
BN : Le laboratoire, qui avait un fonctionnement fermé, s’est élargi progressive-
ment et naturellement à des partenariats avec des associations qui militent pour
le respect de l’environnement. Body Nature a d’ailleurs été à l’origine de la création de Sèvre Environnement, association aujourd’hui reconnue d’utilité publique
œuvrant dans l’ouest de la France. Ce partenariat associatif entre pleinement dans
la démarche Au-delà du bio®. Cette dernière, à l’initiative de Body Nature, décrit
1. RSE : Responsabilité
sociale des entreprises.
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La tribune fonda - mars 2013 - n°217
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Entretien avec Olivier Guibaud, co-dirigeant
du laboratoire Body Nature
sur trois niveaux d’actions, que sont le produit, l’environnement et la conscience
écologique, différents engagements. Sans rentrer dans les détails les principaux
engagements à retenir sont :
– des produits éco-conçus écologiques et certifiés ;
– un environnement de production le plus respectueux possible des hommes et
de la planète (bâtiment HQE2, domaine boisé, refuge LPO3...),
– une conscience écologique.
Cette charte constitue le socle des relations avec nos parties prenantes et guide
les orientations stratégiques du laboratoire. Elle est d’ailleurs partie intégrante de
la politique d’entreprise en particulier décrite dans notre SMI (Système de management intégré).
Le laboratoire, en anticipant avec cette charte, « colle » pleinement à l’ISO 26000.
Cette norme qui répond au besoin d’objectivation des actes d’une entreprise.
C’est un signe de reconnaissance qui rassure nos partenaires et qui ne s’attache
pas qu’à un élément isolé de l’entreprise. Les collectivités sont d’ailleurs à la
recherche d’entreprises engagées dans ce type de démarche globale.
La rédaction : Vous parlez d’autres acteurs mais qui sont-ils et comment sont-ils
impliqués ?
BN : Le laboratoire s’est ouvert depuis peu ,et de façon professionnelle, au public
(groupes de visites) à travers le concept Odyssée Nature®.
2. HQE : haute qualité
environnementale.
3.LPO : Ligue pour la protection des oiseaux.
Cette initiative vise à proposer à des groupes la visite d’une entreprise, de ses
bâtiments, de ses activités afin d’y découvrir le monde de l’entreprise mais également le développement durable en mode « concret ». De nombreux clients,
mais également des scolaires et des associations sont intéressées. Ces différents
publics, qu’importe leur origine, apprécient cette initiative.
5. Ademe : Agence de
l’environnement et de la
maîtrise de l’énergie.
Ce domaine à découvrir, est également un refuge LPO, un laboratoire expérimental sur les cultures de biomasse en partenariat avec l’Inra4, l’Ademe5, la culture de plantes locales pour les toitures végétalisées en partenariat avec le Critt6
Horticole de Rochefort, mais également pour de nombreux projets collaboratifs
sur le territoire.
6. Centre régional d’innovation et de transfert de
technologie.
La rédaction : Qu’est-ce qu’implique faire partie d’un territoire pour vous ?
BN : Le laboratoire qui évoluait seul sur une île déserte reliée à quelques autres
4. Inra : Institut national de
la recherche agronomique.
îles désertes voilà quarante ans ne peut plus aujourd’hui être seul et le besoin
d’avancer en mode collaboratif est important. La taille de l’entreprise permet
aujourd’hui de dégager des ressources en temps afin de participer à différents
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projets qui visent à partager, échanger et construire les modèles d’entreprises,
réglementaires, collaboratifs du futur. Nous sommes persuadés qu’une osmose est
nécessaire entre les sphères économique, écologique et sociale mais également
sociétale. Au premier rang desquelles figure le monde associatif pour un développement durable.
La plantation de trois hectares en mai 2012, en partenariat avec des écoles
proches du laboratoire et la région Poitou-Charentes et Sèvre Environnement,
entrent dans cette logique d’osmose territoriale. Mais le monde associatif peut
également recouvrer un intérêt pour partager de bonnes pratiques et échanger sur
des problématiques communes à l’entreprise. Nous participons en tant qu’adhérent et acteur à de nombreuses structures locales, nationales, voire européennes.
La rédaction : C’est un changement important. Comment le vivez-vous ?
BN : L’entreprise a pour but de réaliser du profit et non pas de faire œuvre de
pédagogie, d’organe législateur ou de juge environnementaliste. Anticiper et définir les règles de demain ne peut se faire que d’une façon collaborative et en tout
cas pas au niveau d’une entreprise seule. Il faut que l’entreprise arrête de se percevoir comme une entité ethnocentrique pour accepter son rôle de maillon dans
la biodiversité. L’entreprise doit participer à « l’évolution permanente » de notre
société. L’univers associatif peut constituer à cet égard un pont entre les éléments
constitutifs de la sphère économique. Mais c’est également un pont incontournable entre chaque sphère qu’elle soit sociétale et sociale (associations de
consommateurs, associations environnementalistes).
Ces espaces mêlant les sphères économique, sociétale, sociale et environnementale sont nécessaires. Nous sommes persuadés que des structures hybrides, privées, associatives, publiques émergeront dans les prochaines années pour
matérialiser cette porosité nécessaire. C’est possible à notre échelle. Nous
essayons d’y contribuer.
Comme le disait Margaret Mead7 : « Ne doutez jamais qu’un petit groupe de
gens réfléchis et engagés puisse changer le monde. C’est d’ailleurs toujours
comme cela que ça s’est passé ! »
7. Margaret Mead est une
anthropologue américaine
connue pour avoir participé
activement à définir le
concept de cultural pattems
(types culturels ou thèmes de
culture) et à promouvoir la
dimension humaniste de
l’anthropologie.
NB Pour plus d’information :
www.bodynature.fr
www.prosens.pro.fr
Fin.
La tribune fonda - mars 2013 - n°217