Vitrail dit Des Triomphes de Pétrarque d`Ervy-le

Transcription

Vitrail dit Des Triomphes de Pétrarque d`Ervy-le
Vitrail dit Des Triomphes de Pétrarque
(Ervy-le-Châtel)
Vitrail dit Des Triomphes de Pétrarque
Triomphe de la Chasteté et Triomphe de la Mort, 1502
Vitrail, 2 ensembles de 2 panneaux
Une paire 61 x 56,5 x 2 cm
Une paire, 61 x 55 x 2 cm
Eglise Saint-Pierre-ès-Liens
Ervy-Le-Châtel
Vitrail dit Des Triomphes de Pétrarque d’Ervy-le-Châtel :
la Mort
(c) Atelier Alain Vinum
Vitrail dit Des Triomphes de Pétrarque d’Ervy-le-Châtel :
la Chasteté
(c) Atelier Alain Vinum
Ce sont des compétences locales reconnues qui ont été sollicitée par la Réunion des Musées
Nationaux pour la préparation et le transport des vitraux de l’église d’Ervy-Le-Châtel. Flavie
Vincent-Petit et Alain Vinum ont ainsi déposé le vitrail dit Des Triomphes de Pétrarque :
Triomphe de la Chasteté et Triomphe de la Mort de l’église actuellement en cours de
restauration. Avant de procéder au conditionnement de l’œuvre, ils ont opéré un nettoyage et
une remise en état, sont intervenus pour favoriser la mise en valeur muséographique des
vitraux avec, entre autre, la pose d’un encadrement en laiton. Aujourd’hui, les vitraux sont
dans les mains expertes des commissaires parisiens et mobilisent toute l’attention de Michel
Hérold qui profite de cette proximité unique pour continuer d’étudier ce thème
iconographique unique.
Bibliographie : Fichot, t. II, 1888, p. 111-122, pl. IV et V. Nioré, 1897, p. 145-170.
Balsamo, 1985, p. 18-19. Recensement IV, 1992, p. 100-106, pl. V. /Mémoires de verre,
/1990, p. 50.
Le bourg d’Ervy-le-Châtel connut à la fin du Moyen Âge une certaine
importance, en raison de son rôle militaire. Les membres de l’élite
locale, principalement des officiers, offrirent à l’église du lieu un
vitrage remarquable, qui contient plusieurs œuvres à l’iconographie
complexe. Parmi elles, la verrière dite des Triomphes de Pétrarque a
depuis le XIXe siècle surpris par sa présence dans un milieu dont on
apprécie mal le niveau de culture. En fait, il n’était pas nécessaire
aux concepteurs du vitrail - peut-être un membre du chapitre d’Ervy ? - de
connaître l’œuvre même de François Pétrarque (1304-1374), dont on sait
pourtant qu’elle a été largement diffusée au XVe siècle sous des formes
abrégées en latin et en français. En ont été seulement retenus l’idée
des triomphes et l’ordre de leur enchaînement. Ce qui vient de Pétrarque
prend ici place dans un discours à valeur morale, entièrement chrétien,
le vitrail ayant clairement été dédié par son commanditaire à la Vierge
immaculée. Le parcours dans la vie humaine que proposent les Triomphes
est ici guidé par l’exemple de Marie, instrument de la Rédemption. Elle
apparaît donc au registre inférieur entre l’arbre de la Connaissance,
symbole de la Chute et du Péché, et les emblèmes de la Passion du
Christ. Commence ensuite le cheminement vers le Salut, dont Marie est le
guide. Elle triomphe de l’amour par la chasteté et surmonte la mort, sa
renommée dépasse le temps, l’Éternité lui est acquise, affirmée par sa
présence, au tympan, aux côtés de la Trinité, comme ayant échappé au
péché originel.
Commandée en 1502 par Jeanne Le Clerc, veuve de Jean Girardin, en son
vivant lieutenant du bailli d’Ervy, ce vitrail rejoint en fait les
thèmes développés au début du XVIe siècle autour de la Vierge de
l’Immaculée Conception, dont l’un des plus fameux exemples est le
vitrail dit des Chars à Saint-Vincent de Rouen. Ainsi détournés de leur
sens originel, les triomphes ont également été entièrement recomposés
suivant un mode de représentation très particulier, qui rejette le
système en frise à la façon des triomphes à la romaine, au profit
d’images frontales, une par lancette. Le modèle du Triomphe de la Mort
est la gravure l’/Homme anatomique/, qui illustre l’édition de 1500 des
/Heures à l'usage de Troyes/, imprimée à Paris par Philippe Pigouchet
pour Simon Vostre. Une autre source de ces images frontales pourrait
être les cartes de tarot, désignées en Italie du nord au milieu du XVe
siècle sous les noms de /carte/ /da/ /trionfi /ou /triumphorum ludus/,
expression de la culture humaniste qui a donnée naissance à de nombreux
jeux éducatifs, édifiants, initiatiques ou ésotériques. Les autres
sources du concepteur des images d’Ervy-le-Châtel sont inconnues.
L’extrême sophistication du choix des symboles attribués à chacune des
figures demandait pour être composés et pour être compris une grande
familiarité avec ce langage complexe : la Chasteté porte une couronne de
lys, son char est traîné par un hibou et par un éléphant, animaux du
silence et de la solitude, sa bouche et ses oreilles fermées par un
frein d’or pour savoir se taire et ne pas entendre les frivolités du
monde, son bouclier est une évocation de la Passion du Christ etc. À ces
symboles, le concepteur, ou l’un des concepteurs des images a ajouté les
très nombreux commentaires tirés des Écritures qui affirment la valeur
religieuse et morale du vitrail et aident à le comprendre. Son mode
d’exécution et son style, en revanche, se rattachent aux habitudes
connues de la production troyenne de la fin du Moyen Âge.