8 . Auto-évaluation et co-évaluation en EPS : une réponse à l
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8 . Auto-évaluation et co-évaluation en EPS : une réponse à l
Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 8 . Auto-évaluation et co-évaluation en EPS : une réponse à l'intention d'autonomie ? Département STAPS de Tarbes Université de Pau et des Pays de l’Adour Mots clefs : Autoévaluation ; estime de soi ; carte d’étude ; Apprentissage autorégulé ; Enseignant évaluateur, guide. La rénovation du système éducatif par les pédagogies nouvelles a pour finalité de former un citoyen autonome152. Dès lors, l’évaluation ne peut plus être considérée comme une sanction qui récompense ou puni l'élève. Elle doit désormais rentrer dans un processus de formation. L'évaluation ne sert donc plus juste à attester d'un niveau atteint mais peut faciliter l'apprentissage. Pour cela, l’enseignant peut recourir à deux aspects de l'évaluation : la coévaluation et l'autoévaluation. La première est l'ensemble des situations où l'élève est associé à l'observation et l'évaluation d'un ou plusieurs de ses pairs. L'autoévaluation se développe grâce à un apprentissage impulsé par le maître qui accorde à l'élève une part suffisante de liberté afin que ce dernier puisse poser un regard critique sur lui même. Ces deux types d'évaluation rentrent dans le cadre d'une évaluation dite formatrice, c'est à dire une évaluation au service de l'élève, permettant l'accès à l'autonomie. Celle ci se caractérise par l'ensemble des habiletés permettant à une personne de se gouverner par ses propres moyens, de s'administrer et de subvenir à ses besoins personnels. En EPS, cela passe par l'acquisition de méthodes d'apprentissage réinvestissables dans d'autres contextes, c'est à dire l'acquisition de transfert d'habiletés. Ainsi, permettre le développement du transfert pour l'élève doit passer par la mise en place de situations de référence par l'enseignant. Les compétences propres à ces situations vont alors être recherchées par l'enseignant comme objet d'apprentissage pour l'élève. Ces compétences vont permettre de développer l'autonomie chez l'élève. Cette question sur les évaluations qui mènent à l'autonomie de l'élève nous amène à savoir si, par la mise en place d'une évaluation formatrice, l'enseignant d' EPS peut amener ses élèves vers l'autonomie. Notre analyse visera à démontrer qu'en accordant à l'apprenant une 152 Loi d'orientation 2005 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 véritable autonomie dans son projet scolaire, l'enseignant le reconnaît comme acteur. Il va chercher à solliciter chez l'élève un apprentissage autorégulé, c'est à dire un apprentissage où l'apprenant tente de réguler ses actions en fonction de ses buts. Lors d'une première partie, nous verrons en quoi la co-évaluation et l'autoévaluation vont permettre à l'enseignant de demeurer en retrait afin de faciliter l'affirmation de l'identité de l'élève. L'apprenant va passer d'un savoir purement opératoire à un savoir réfléchi grâce auquel il agira consciemment. Au cours d'une seconde partie, nous tenterons de démontrer que les situations d'autoévaluation et de co-évaluation auxquelles sont confrontés les élèves permettent de stimuler leur motivation et de viser leur autonomisation. Enfin, après avoir résumé les idées évoquées dans nos deux parties, nous conclurons sur le fait que l'autonomie, générée par les situations d'autoévaluation et de co-évaluation, participe pleinement à la construction du citoyen, finalité retrouvée dans les programmes. Dans une première partie, nous nous attacherons à démontrer qu'il est nécessaire à l'élève de comprendre quels sont les mécanismes lui permettant de réussir dans ses actions. Tout d'abord, il existe des pratiques d'évaluation qui se révèlent être des activités d'apprentissage. L'évaluation doit permettre aux élèves de savoir s'ils sont en situation de réussite ou d'échec et va les orienter vers un apprentissage autorégulé, donc conscient. L'évaluation est donc un outil ayant une influence positive sur l'engagement des élèves dans l'apprentissage. Chaque élève étant différent, tous n’ont pas les mêmes buts dans leur apprentissage. Pour atteindre ces buts, l'enseignant doit leur accorder une certaine autonomie pour qu'ils s'approprient la tâche et la transforment en tâche autogérée. L'enseignant ne place donc plus l'élève dans une situation totalement imposée mais il l'invite, de par sa tâche, à réfléchir sur les mécanismes opératoires153 à mettre en place. Pour permettre cette réflexion, l'élève va alors avoir besoin d'indicateurs sur sa manière de faire. Il peut se débrouiller seul (autoévaluation) ou en groupe (co-évaluation) pour juger ses comportements. Ces deux types d'évaluation vont inciter l'élève à élaborer sa carte d'étude154 pour ensuite aboutir à un apprentissage autorégulé : « Le terme d'autorégulation fait référence aux pensées, aux sentiments et aux actions auto générés par les élèves, et systématiquement orientés vers l'atteinte de leurs buts »155. Ensuite, l'autoévaluation est mise en place dans un but réflexif pour l'élève. Elle doit permettre une mise à distance de l'action156 pour que celui-ci puisse s'auto juger et auto évaluer son action. Ceci consiste par exemple en Basket Ball, à compter le nombre de paniers inscrits. Ainsi, cela peut déboucher sur la reconnaissance d'un niveau d'habileté et peut renforcer la compétence157 perçue par l'élève. En effet, il aura tendance à attribuer ses succès à sa propre compétence et ses échecs à des causes extérieures. Sa réflexion lui permet de se valoriser et améliore son estime de soi158. La co-évaluation quant à elle permet de porter différents regards critiques sur l'action de l'élève par ses pairs. En effet, son intérêt réside dans la multiplicité des feed-back159 qu’elle génère. Par exemple en Volley Ball, on la retrouve lorsqu'un des élèves juge et décrit la trajectoire des ballons joués par un de ses camarades. Par ailleurs, associer les élèves à 153 Delaunay M. Les cahiers de l'Académie de Nantes. 1999 Galperine Essai sur la formation par étapes des actions et des concepts. 1966 155 Famose J.P. Revue EPS n°277 1999 156 Dhellemmes R. EPS au collège et en athlétisme. 1995 157 Charte Programme Novembre 1991 158 Famose J.P. La motivation en EP et en sport. 2001 159 Piéron M. Pédagogie des activités physiques et du sport. 1992 154 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 l'évaluation permet une clarification des critères160, voire une construction de ceux-ci par les élèves eux-mêmes. Par exemple si l'on observe un élève qui réussit sa tâche et un élève qui échoue, les conditions inhérentes à la réussite nous apparaissent plus clairement. Une fois ces critères intégrés et disposant de l'appui de ses camarades, l'élève sait se débrouiller dans la tâche et il peut réellement prendre conscience de ses actes par des conseils extérieurs. La coévaluation devient alors l'instrument de compréhension des règles d'action161 et également un outil d'intégration. Grâce à ces deux outils, l'élève devient acteur dans ses apprentissages et conscient de ses comportements. Ses techniques ne sont donc plus purement formelles mais découlent d'un savoir réfléchi, qui mène à une autorégulation des actions. En effet, l'autorégulation ne peut venir que de la volonté de l'élève. Celui-ci, par ses choix, va se fixer ses propres buts, contrôler ses actions et sera donc autonome dans la tâche. L'autoévaluation et la co-évaluation lui seront utiles dans l'idée de planifier l'atteinte de ces buts. De plus, l'auto régulation va solliciter chez l'élève un désir d'apprendre car il réalisera la tâche comme il préfère. Le sentiment d'autonomie, procuré par un certain degré de contrôle, est renforcé par ce désir car l'élève s'investit d'autant plus dans l'activité. Il devient alors un participant actif dans ses processus d'apprentissage car il sait pourquoi et dans quel but il agit. On peut dire que l'élève est véritablement devenu conscient de ses apprentissages. Ainsi l'évaluation construit l'identité de l'élève, le rend acteur et autonome dans ses apprentissages, ce qui a un impact sur sa motivation. Dans un second temps, nous verrons en quoi l'autoévaluation et la co-évaluation vont amener les élèves vers l'autonomie tout en les motivant. Tout d'abord, les programmes scolaires actuels visent l'autonomie des élèves. Le concept d'autonomie s'oppose à ceux de dépendance et de contrainte auxquels est lié l'individu privé de sa liberté ou obéissant à une autre loi que la sienne. Selon Daniel Hameline 1999, « L'autonomie n'est pas autre chose que l'inaliénable devoir de personne de se reconnaître des droits, et que leurs droits, tout aussi inaliénables de se donner des devoirs ». L'essor de l'autonomie de l'apprenant est indissociablement lié à l'autoévaluation et à la co-évaluation. Celles-ci trouvent alors naturellement leur place au sein du cursus de formation. Se risquer à laisser l'élève prendre des initiatives doit permettre son cheminement vers l'autonomie. Le processus d'autoévaluation nécessite une réflexion de l'élève à propos de son autonomie dans l'apprentissage. Cette autonomie va émerger dans la construction du savoir et dans l'appropriation de connaissances. Comme le souligne Touraine en 1984, le sujet apprenant demande une autonomie dans la relation aux autres, se distinguant par là de l'indépendance. Dans cette perspective, l'enseignant va jouer le rôle de personne ressource et l'élève celui d'acteur dans l'acquisition des apprentissages scolaires, Or, l'autonomie de l'élève dans son apprentissage passe par l'apprentissage autorégulé. L'autoévaluation et la co-évaluation vont être des outils dans cette évaluation formatrice permettant cette autorégulation. Par l'apprentissage autorégulé, les élèves vont contribuer de manière active d'une part à la fixation de leurs buts d'apprentissage et à la planification de leurs actions. D'autre part, l'apprentissage autorégulé va permettre aux élèves d'atteindre leurs buts par la mise en place d'un large degré de contrôle sur leurs activités psychologiques et comportementales, notamment sur la motivation. Par ailleurs, selon Famose, l'explication de l'apprentissage autorégulé passe par l'étude du rôle du Soi. Le Soi peut être défini comme étant l'ensemble 160 161 Famose J.P. Stratégies pédagogiques, tâches motrices et traitement de l'information. 1986 Goirand P. Règles ou principes d'action en EPS. 1993 Productions Méthodologiques et Thématiques en Education – N° 1 – Juin 2008 des éléments qui nous définissent. Il est ainsi composé des attitudes, des croyances et des sentiments que nous avons de nous-mêmes. Toutes ces conceptions du Soi ont le potentiel d'exercer une influence sur le fonctionnement individuel et notamment sur la motivation. Ce sont ces différents composants du concept de Soi qui servent à générer des différences individuelles dans le comportement motivé. Ainsi, co-évaluation et autoévaluation, en participant à l'apprentissage autorégulé, vont intervenir dans le comportement motivationnel de l'élève. D'autre part, selon Deci et Ryan en 1985, la satisfaction du besoin d'autonomie, définit par Charms en 1968 comme étant le besoin d'être à l'origine de son propre comportement, va permettre aux élèves d'être motivés. En effet, plus un individu décide par lui même de ce qu'il fait plus il est motivé et à l'inverse, plus il est contraint dans son comportement, moins il est motivé. Enfin, l'autoévaluation et la co-évaluation vont permettre à l'élève de mettre à distance l'enseignant-évaluateur au profit de l'enseignant-guide. Le rapport à l'autorité va ainsi être complètement transformé du fait que l'élève va se tourner vers ses pairs. Ainsi, la co-évaluation et l'autoévaluation vont dépasser l'évaluation sanction et motiver tous les élèves. Nous avons ainsi pu observer que par l'acquisition d'une certaine autonomie par le biais de l'autoévaluation et de la co-évaluation, l'élève sera acteur de ses apprentissages. Il pourra alors comprendre les raisons de ses réussites et ses échecs, ce qui aura une forte influence sur sa motivation. Pour conclure, nous avons pu voir à travers les notions d'autoévaluation et de coévaluation la nécessité de parvenir à une certaine autonomie des élèves. Dans un premier temps, nous avons étudié les différentes pistes que peut explorer l'élève afin de réussir dans ses actions. Cela passe par la compréhension de mécanismes opératoires inhérents à sa réussite. Deux outils peuvent permettre à l'élève de trouver ces mécanismes : l'autoévaluation et la co-évaluation qui lui feront prendre conscience de ses apprentissages. Dans un deuxième temps, nous avons pu observer que les situations d'autoévaluation et de co-évaluation amènent l'élève à devenir autonome à travers un apprentissage autorégulé. La satisfaction de ce besoin d'autonomie va motiver l'élève et lui permettre de réussir. Ainsi, l'évaluation permet d'accéder à l'autonomie, tout en permettant la transmission des savoirs relatifs aux APSA. Comment l'évaluation participe-t-elle aussi à la construction de la citoyenneté, notamment par l'attribution de rôles au sein du groupe classe ? Elodie Chammings - Agathe Desneulin Sébastien Lataillade - Olivier Pougeon