Pour - BIOBANQUES

Transcription

Pour - BIOBANQUES
 Veille Ethique et Réglementaire – Mai-­Juin 2016 Conseil d'Etat français
Arrêt du Conseil d’Etat du 8 juin 2016 enjoignant au Premier Ministre de
prendre les mesures nécessaires à l’application de la loi Jardé relative aux
recherches impliquant la personne humaine
Rappel sur la loi Jardé : loi n°2012-­300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine La loi Jardé du 5 mars 2012, relative aux recherches impliquant la personne humaine modifie la loi santé publique de 2004. L’objectif de cette loi est de simplifier la règlementation encadrant les recherches menées sur la personne humaine en proposant notamment une définition de trois catégories qui tiennent compte des risques encourus par les participants. Cette loi concerne aussi bien les activités de recherche clinique que les activités de recherche portant sur la collecte ou l’utilisation des ressources biologiques d’origine humaine. La loi Jardé vient ainsi modifier l’article L.1121-­1 du Code de la santé publique et prévoit que : « Il existe trois catégories de recherches impliquant la personne humaine : 1. Les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non-­
justifiée par sa prise en charge habituelle ;; 2. Les recherches interventionnelles qui ne portent pas sur des médicaments et ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ;; 3. Les recherches non-­interventionnelles dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle, sans procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance. » La loi complète le dispositif en adossant des modalités de consentement spécifiques en fonction de ces trois catégories. Un apport significatif de la loi Jardé est donc celui de l’élargissement des compétences des Comités de Protection des Personnes (CPP) aux recherches non-­interventionnelles. Pour une analyse plus approfondie des apports de la Loi Jardé voir l’ouvrageEthique et Règlementation des Biobanques de Recherche proposé par le Service Ethique et Règlementation de BIOBANQUES. Néanmoins, la loi Jardé n’est pas encore appliquée, dans la mesure où les décrets d’application devant permettre à la loi d’entrer en vigueur n’ont pas encore adoptés. Et c’est ce qui a fait l’objet de la saisine du Conseil d’Etat dans cette affaire. Sur la décision du Conseil d’Etat : Conseil d’Etat, 1ère – 6ème chambre réunies, 08/06/2016, n°388719 A l’origine de cette affaire, la décision implicite de refus du Premier Ministre de prendre les mesures règlementaires nécessaires à l’application de la loi Jardé suite à la sollicitation des laboratoires Genevrier. L’arrêt du Conseil d’Etat vient donc annuler cette décision et enjoint au Premier Ministre de prendre les mesures règlementaires qu’implique nécessairement l’application des dispositions de la loi Jardé, dans un délai de 6 mois à compter de la notification de cette décision du Conseil d’Etat. Rappelons ici que c’est au Premier Ministre qu’il revient d’assurer la charge de l’exécution des lois (article 21 de la Constitution). Toutefois, le Conseil d’Etat note dans son arrêt que plusieurs dispositions du Code de la santé publique sont déjà compatibles avec les dispositions de la loi Jardé. C’est notamment le cas des dispositions relatives : • • • aux minima de garanties de l’assurance de responsabilité que doivent contracter les promoteurs des recherches, les conditions d’autorisation des lieux où peuvent être réalisés les recherches, la composition et les conditions d’agrément et de fonctionnement des Comités de Protection des Personnes. Néanmoins, plusieurs autres dispositions de la loi Jardé ne peuvent pas être appliquées sans modification des dispositions règlementaires existantes, relatives notamment « aux conditions d’établissement et de publication des répertoires des recherches, à la nature des informations sur lesquelles les CPP sont appelés à émettre leur avis et à la nature de celles qui doivent être communiquées à l’Agence national de sécurité du médicament et des produits de santé, ou encore aux évènements et effets indésirables qui doivent être notifiés par le promoteur de la recherche »… Enfin, le Conseil d’Etat estime que de nouvelles dispositions devront être adoptées pour « fixer la durée du mandat des membres de la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine », et que c’est en l’absence de dispositions règlementaires prises à cet effet que la loi Jardé n’a pas pu entrer en vigueur. L’autre point marquant de cette décision est l’octroi au Gouvernement de l’autorisation de modifier les dispositions de la loi Jardé par voie d’ordonnance afin de mettre les dispositions de ladite loi en conformité avec le règlement européen (UE) n°536/2014 du Parlement Européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE, et ce afin d’harmoniser la législation française avec le Règlement européen. A noter que cette ordonnance relative aux recherches impliquant la personne humaine a été prise par le Gouvernement le 16 juin 2016. Pour résumer, le Conseil d’Etat enjoint donc au Premier Ministre de prendre dans un délai de 6 mois les mesures règlementaires d’application de la loi Jardé, soit pour le mois de décembre 2016. Parlement européen
Adoption le 14 avril 2016 du Règlement général sur la
protection des données :
Le 14 avril 2016, le Parlement Européen a adopté le Règlement Général Européen sur la protection des données n°2016/679, qui vise à remplacer la Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Il ne sera applicable dans tous les pays membres de l’Union européenne qu’à partir du 25 mai 2018, et sera d’application directe. De manière large, le Règlement vise à renforcer les droits des citoyens européens en vue de leur conférer un plus grand contrôle sur leurs données personnelles utilisées dans divers secteurs y compris dans le domaine de la santé et de la recherche. Dans la multitude des articles que comprend le Règlement, un article en particulier concerne la recherche scientifique incluant l’utilisation des données à caractère personnel, l’article 89. Cet article pose des garanties spécifiques pour respecter les droits et libertés des personnes concernées (respect des standards éthiques, mesures techniques et organisationnelles…) et ouvre la possibilité pour les Etats membres ou l’Union Européenne de prévoir des dérogations applicables au traitement de données à caractère personnel à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique, ou à des fins statistiques. Pour ce qui est du traitement des données personnelles, associées ou non à des échantillons biologiques, dans le cadre de la recherche, le droit de l’Union ou le droit d’un Etat membre peut déroger aux obligations découlant des articles concernant, le droit d’accès aux données personnelles par la personne concernée (article 15), le droit de rectification (article 16), le droit à la limitation du traitement (article 18), ou le droit d’opposition (article 21). En outre, le Règlement introduit également des amendes administratives qui pourront atteindre jusqu’à 20 millions d’euros, ou jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial d’une entreprise, dans les cas où les règles des articles précédemment énoncés venaient à être violées. Loin des sanctions que la CNIL française peut actuellement infliger. Enfin, à noter que la CNIL se félicite de cette adoption, en expliquant que « les CNIL européennes se mettent en ordre de marche pour accompagner les entreprises à se préparer pour 2018 et pour mettre en place le prochain European Data Protection Board qui prendra la suite du G29 ». A noter que le «Privacy Shield », projet d’accord entre l’UE et les Etats-­Unis demeure en cours d’adoption. Conseil de l'Europe
Recherche utilisant du matériel biologique d’origine
humaine : nouvelles recommandations du Comité des
Ministres aux Etats membres – Recommandation
CM/Rec(2016/6)
Le 12 mai 2016, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adressé une nouvelle recommandation aux Etats membres sur la recherche utilisant du matériel biologique d’origine humaine. Le Comité axe ses préoccupations sur la protection de l’être humain dont les matériels biologiques (désignant à la fois les échantillons biologiques et les données associées) sont obtenus, conservés ou utilisés pour la recherche, et en particulier sur la protection de la vie privée des personnes sources. Ce nouveau document succède à la Recommandation Rec(2006)/4, et a fait l’objet d’une élaboration faisant suite à une procédure de consultation publique impliquant toutes les parties prenantes, et notamment des associations médicales, des chercheurs, des comités d’éthique et des organisations de patients. A noter que la recommandation n’a pas légalement de valeur contraignante et n’est qu’une incitation pour les Etats membres à adopter un comportement particulier. Le Comité s’appuie pour émettre ces recommandations sur les évolutions récentes et constantes des biobanques et sur les développements dans le domaine de la recherche biomédicale, au regard notamment de : • • • • • la diversité croissante dans l’origine du matériel biologique conservé dans les collections, de l’augmentation du nombre de recherches portant sur des ressources biologiques provenant de différentes collections, des difficultés liées au respect de la vie privée des participants et notamment garantir le respect du caractère non-­identifiable des échantillons biologiques, le développement des collections et les flux transfrontaliers des ressources biologiques, ou au regard encore des recherches menées avec des ressources biologiques provenant de personnes n’ayant pas la capacité de consentir. L’un des points majeurs de la Recommandation du Comité est l’accent mis sur les conditions nécessaires à l’utilisation pour des recherches ultérieures des ressources biologiques mais aussi à leur utilisation dans le cadre de projets de recherches spécifiques. Des conditions qui concernent notamment les règles applicables en matière d’information (article 10), ou de recueil des consentements (article 11 & 12). La recommandation fournit également des règles détaillées quant au droit de retrait du consentement ou de l’autorisation des personnes concernées (article 13). La recommandation détaille par ailleurs la procédure de recontact des personnes concernées pour l’utilisation de ressources prélevées initialement à d’autres fins. Un nouveau consentement qui doit être recherché dans la « mesure du possible ». La gouvernance des collections (Chapitre IV de la Recommandation) est un des autres points principalement développé par le Comité des Ministres dans cet outil. En tenant compte de la tendance au développement de collections de ressources biologiques d’origine humaine au niveau national, la recommandation met l’accent en particulier sur des principes devant guider la gouvernance des collections : • • • • • le principe de transparence (au regard notamment de politiques d’accès transparentes qui devraient faire l’objet d’une publication), le principe de responsabilité (par la mise en place par exemple de mesures d’assurance de qualité), des informations sur la gestion et l’utilisation de la collection devraient être disponibles pour les personnes concernées, des procédures claires pour le stockage, l’accès, l’utilisation et pour le transfert des collections devraient être mises en place, toute proposition d’établissement d’une collection de matériels biologiques devrait faire l’objet d’un examen indépendant (voir l’article 20 pour plus de détails), • les biobanques devraient également avoir une politique claire en matière du retour d’information individuel concernant des résultats pertinents pour la santé des personnes (article 17). Le Comité des Ministres encourage vivement d’adapter les lois et pratiques des Etas membres pour assurer la mise en œuvre de ces recommandations, et incite à la mise en place de codes de bonnes pratiques afin d’assurer le respect de ces lignes directrices par les biobanquiers et les chercheurs.