Etude - Actiris
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Etude - Actiris
Avertissement L’Observatoire bruxellois du marché du travail et des qualifications a le plaisir de vous présenter l’étude de Robert Plasman et Corinne Soudan : Aménagement et réduction de la durée du travail : pistes pour la Région de Bruxelles-Capitale. Cette étude, réalisée dans le cadre des Pactes Territoriaux pour l’Emploi en Région de Bruxelles-Capitale, contribue à la structuration du cadre de recherche de l’Observatoire en matière d’évolution de postes de travail, qualifications et des compétences. Cette démarche s’inscrit dans le cadre des missions attribuées à l’Observatoire, à savoir développer et diffuser des outils d’anticipation des besoins en qualifications résultant de mutations technologiques et organisationnelles, dont fait partie la réduction du temps de travail. La publication de cette recherche participe également d’une volonté de rassembler les synergies et les diverses études relatives à l’emploi en région bruxelloise dans une perspective cumulative. Eddy COURTHEOUX Directeur Général 1 INTRODUCTION Quelque peu oubliée depuis le début des année 80, la question de la réduction de la durée du travail est revenue au premier plan de l’actualité européenne. La préparation par le gouvernement français d’un projet de loi sur les 35 heures hebdomadaires, la reconduction de la coalition au pouvoir en Italie, entre autre sur base d’un accord sur la réduction de la durée du travail, les réductions de la durée conventionnelle du travail dans de nombreux secteurs aux Pays-Bas, la reformulation d’une stratégie syndicale de réduction de la durée du travail orientée vers la réduction du chômage en Suède, sont autant d’éléments qui montrent que le statu-quo en matière d’évolution de la durée conventionnelle ou légale du travail n’est plus d’actualité. Au niveau des instances européennes, la réduction de la durée du travail est apparue dans les lignes directrices adoptées à Luxembourg comme un des instruments aptes à réduire le chômage. Au plan scientifique, de nombreuses études ont été consacrées récemment à l’aménagement et à la réduction du temps de travail (ARTT), tant d’un point de vue micro que macroéconomique. Ces études (Cahuc-Granier, 1997; Revue de l’OFCE, janvier 1998; Cette-Taddei, 1997, Freyssinet, 1997) permettent de déterminer les conditions sous lesquelles une réduction de la durée du travail contribue à la résorption du chômage. Elles se situent dans le prolongement des travaux menés précédemment, notamment par Jacques Drèze dès le milieu des années 80. Les simulations macro-économiques ont par ailleurs permis de quantifier les effets possibles de l’ARTT, notamment suite à l’introduction de dispositifs d’aide ou d’incitation comme la loi Robien ou les propositions Rocard. Ces études ont d’ailleurs trouvé leur prolongement en Belgique grâce à l’étude réalisée par le Bureau Fédéral du Plan. La pauvreté de la partie du rapport du Conseil Supérieur de l’Emploi consacrée à l’ARTT contraste singulièrement avec la richesse des travaux actuellement disponibles, en France ou en Belgique sur ce sujet. L’objet de ce rapport est de dresser un état des lieux synthétique sur les questions d’ARTT. Dans la première section, on identifie à la fois les raisons qui rendent nécessaire une réduction de la durée du travail et celles qui ont selon nous freiné son évolution de long terme à la baisse. La section 2 examine les différentes modalités de réduction de la durée du travail, avant d’étudier les conditions sous lesquelles l’ARTT est génératrice d’emplois supplémentaires. Les principaux résultats des études macroéconométriques sont présentés succinctement, notamment pour la Belgique. La section 3 est consacrée aux instruments d’aide et d’incitation existants en Belgique, en distinguant les avantages et inconvénients qui y sont liés. 2 Dans la section 4, après avoir rappelé quelques caractéristiques essentielles de l’emploi et de la structure industrielle de Bruxelles, on détermine les contours de ce que devrait être une politique de soutien ou d’encouragement à l’ARTT dans la région de Bruxelles-Capitale. La section 5 présente les premiers résultats d’une étude réalisée sur la négociation de l’ARTT aux usines Volkswagen de Forest. La section 6 élabore quelques propositions concrètes , articulées autour d’une grille d’analyse méthodologique. 3 SECTION 1 : IDENTIFICATION DES OBSTACLES A LA REDUCTION DE LA DUREE DU TRAVAIL : Il semble bien établi que la croissance, quel qu'en soit le niveau (réaliste), sera incapable de résorber le stock de chômeurs, même en supposant son maintien sur une longue période. C'est ce que montre le tableau 1 dans lequel figurent les taux de croissance nécessaires à une stabilisation du chômage. Tableau 1.1 : Croissance nécessaire à la stabilisation du taux de chômage(1965 -1992) Croissance du PIB nécessaire pour que le chômage soit stabilisé Belgique 5.0 Pays-Bas 3.4 Danemark 1.9 Royaume-Uni 3.6 Allemagne 3.7 CEE 4.4 Espagne 5.6 Suède 3.1 France 5.0 Japon 6.5 Irlande 6.0 Etats-Unis 2.9 Ces chiffres ont été obtenus sur base d’une période longue et reflètent une évolution de long terme, incluant les deux chocs négatifs de 1975 et 1981, ce qui explique pour la Belgique par exemple, le niveau élevé du taux de croissance estimé (5%). Ces taux de croissance nécessaires à la stabilisation du chômage résultent de deux éléments : l'effet sur la réduction du chômage de la croissance d'une part, et l'effet de tous les autres facteurs qui peuvent faire varier le taux de chômage. Un même taux de croissance nécessaire à la stabilisation du chômage peut être caractéristique de situations forts différentes : de forts gains de productivité, associés ou non à un accroissement tendanciel de la population active, ou au contraire, de faibles gains de productivité associés à la stabilité de la population active. Les taux de croissance nécessaires à la stabilisation du chômage au Japon et en Irlande sont relativement proches (6 et 6.5), mais dans le cas de l'Irlande, tout écart négatif par rapport à ce taux de croissance se traduira par une forte augmentation du chômage, alors que pour le Japon, le même écart se traduirait par une moindre progression. La croissance japonaise a un faible effet sur la réduction du chômage et les variations autonomes du taux de chômage sont faibles et déterminées notamment par la diminution sur la période des taux d'activité. 4 Une comparaison similaire peut être faite entre les Pays-Bas et le Royaume-Uni. La contribution de la croissance néerlandaise à la réduction du chômage est relativement importante (troisième plus forte contribution après les Etats-Unis et le Danemark), mais la hausse de la productivité, et surtout la hausse du taux d'activité féminin font que le taux de croissance nécessaire à stabiliser le taux de chômage (3.4) est presqu'au même niveau qu'au Royaume-Uni (3.6) où l'effet de la croissance est beaucoup plus faible (-0.24), et où les effets productivité et hausse de la population active sont globalement moins importants. Dans le cas des Pays-Bas, l'effet de la croissance économique s'explique en grande partie par la prolifération des emplois à temps partiel. L'objectif de plein emploi suppose par conséquent que soient modifiés un ou plusieurs des éléments cités ci-dessus. Parmi ceux-ci, seules la réduction de la durée moyenne du travail et l'efficacité du marché du travail sont dans une certaine mesure contrôlables, par la négociation collective et les politiques du marché du travail. Or, considérant l’évolution de la durée du travail, la durée du travail conventionnelle a très peu varié depuis le début des années 80. Ce qui a changé par contre c'est la durée du travail effective qui s'est réduite du fait de la multiplication des emplois à temps partiel, qui représentent actuellement près de 15% de l'emploi, et plus de 30% de l'emploi féminin. Si on prend en compte également toutes les autres modalités de réduction de la durée de travail ou de la durée de vie active, notamment les prépensions et les interruptions de carrière, on renforce encore ce constat : la durée moyenne de travail ou d’activité s’est considérablement réduite mais de manière inéquitable; horaires longs et à plein temps pour certains, temps partiel, prépensions ou chômage pour les autres. On aboutit donc à une situation que l’on peut synthétiser de la façon suivante : une croissance économique constante, même si elle est de faible ampleur par rapport à celles des « Golden Sixties », et donc une croissance continue des revenus en terme réel, mais dont la répartition s’est faite en défaveur des revenus du travail d’une part, et au sein de la population active, en défaveur des sansemploi et des salariés en situation atypique ou précaire. Il y a donc fondamentalement un problème de distribution des revenus. La réduction de la durée conventionnelle ou légale est un des éléments d’une dynamique différente de distribution des revenus. Cette durée conventionnelle moyenne n’ayant pratiquement plus évolué à la baisse depuis 1981, il nous a semblé important d’essayer de déterminer pourquoi. 5 L'essentiel des mesures publiques d'emploi relatives au temps de travail ont consisté depuis le début des années 80 essentiellement en des encouragements à la flexibilité dans l'organisation du temps de travail et à l'encouragement du travail à temps partiel. Sept raisons expliquent l’arrêt du processus de réduction du temps de travail conventionnel en Belgique. • La première est d'ordre organisationnel : dans beaucoup d'entreprises la réduction de la durée individuelle du travail avait entraîné dans les mêmes proportions une réduction de la durée d'utilisation des équipements. Des réductions plus importantes nécessitent des réorganisations des temps de production auxquelles les entreprises comme les salariés peuvent être hostiles. • La deuxième raison réside dans l'accroissement des coûts unitaires de travail et de capital engendrés par des réductions de temps de travail sans accroissement de la durée d'utilisation et assorties d'un maintien de la rémunération globale. En période de croissance faible ou modérée, ces coûts supplémentaires peuvent plus difficilement être couverts par les gains de productivité. • L'absence de réorganisation de la durée du travail, dans le sens du maintien ou de l'allongement de la durée d'utilisation des équipements, a contribué au développement d'un sentiment de scepticisme parmi les salariés vis-à-vis de la réduction du temps de travail comme politique de création d'emploi : lorsque le seul résultat d'une réduction de la durée du travail est d'accroître la productivité horaire du travail, les gains en emploi sont nuls. • Les années de blocage salarial et de diminution du salaire réel, ont contribué à renforcer parmi la population salariée des arbitrages favorables à la croissance salariale plutôt qu'à une réduction supplémentaire de la durée du travail. • La diversification des demandes et aspirations individuelles en matière de temps de travail, les différences de comportement en matière d’effet de substitution et d’effet revenu sont également des éléments contribuant à l’explication du ralentissement de la réduction de la durée du travail. 6 • L’action des pouvoirs publics s’est concentrée à la fois sur l’encouragement du travail à temps partiel, de manière parfois très coûteuse budgétairement et l'accent a été mis sur les politiques de flexibilité plutôt que de réduction du temps de travail. • Les problèmes liés à l’aménagement et à la réduction de la durée du travail sont trop souvent pensés en terme statique et non dynamique. Dans la section suivante, on montrera comment et dans quelles conditions l’ARTT peut avoir des effets bénéfiques sur l’emploi. 7 SECTION 2 : AMENAGEMENT-REDUCTION DE LA DUREE DU TRAVAIL ET EFFETS SUR L'EMPLOI A. Effets sur la création d'emploi selon les modalités d'aménagementréduction de la durée du travail 1. Les formules de réduction du temps de travail Cette et Taddei1 ont remarqué qu’historiquement la période de temps durant laquelle la réduction du temps de travail est envisagée s’est élargie. Il s’agit d’abord essentiellement, au XIXe siècle de la journée de travail; (d’abord pour les enfants et les femmes) puis dans le premier tiers du XXe siècle, de la semaine de travail (repos dominical); ensuite de l’année de travail, à travers la création et l’extension des congés payés; enfin, notre époque pose de plus en plus les questions de la durée du travail sur l’ensemble de la carrière (diminution de la durée de la vie active à ses deux extrémités et développement des congés payés thématiques). Actuellement, on envisage des formules de aménagement-réduction du temps de travail qui recouvrent ces quatre périodes. Formules visant la durée quotidienne du travail - réduction généralisée de la durée du travail - réduction négociée au niveau de l’entreprise Formules visant la durée hebdomadaire du travail - le travail à temps partiel - le chômage partiel - partage de poste (job-sharing) - réduction généralisée de la durée du travail.(les 32 heures, le 3/4 temps, la semaine de 4 jours) - réduction négociée au niveau de l’entreprise Formules visant la durée annuelle du travail - allongement de la durée des congés annuels - travail avec droit au congé sans solde durant les congés scolaires (term-time working) - annualisation du temps de travail Formules visant la répartition du travail sur la carrière 1 CETTE Gilbert, TADDEI Dominique (1994) Temps de travail mode d’emplois. Paris, Editions La Découverte. p.36. 8 - allongement de la scolarité obligatoire - pause-carrière - congé sabbatique - congé sans solde - congé pour formation - congé parental - prépension - prépension à mi-temps - modulation de l’âge de la retraite - crédit-temps - chômage. Ces différentes formules de réduction-aménagement du temps de travail sont bien connues sauf peut-être le crédit-temps. Il s’agit d'une proposition notamment des femmes CSC de 2 Liège de regrouper les différentes mesures actuelles de réduction du temps de travail (chômage, prépension, interruption de carrière, travail à temps réduit, congé sans solde, congé éducation, préretraite) en un crédit temps global. Le crédit temps permettrait à chaque travailleur de disposer d’un “capital temps” au moment de son choix et pour des occupations socialement reconnues: éducation des enfants, engagements sociaux et politiques, formation, sport, voyages... Le crédit temps serait identique pour tous, indemnisé de manière égale, obligatoire, utilisable de différentes manières. Le financement se ferait via la sécurité sociale, la charge serait relativement modeste puisqu’une série de situations sont déjà couvertes et donc financées actuellement. Dans tous les cas, le travailleur en crédit-temps devrait être remplacé pendant son absence. La durée de celui-ci pourrait varier entre 5 et 10 ans, ce qui correspond à une diminution de 12,5% à 25% du temps de travail global. 2 Femmes CSC de Liège. Anne-Marie MEUNIER (1988) Le crédit temps Document interne. 9 2. Les formules d'aménagement du temps de travail a) Travail à temps partiel Un travailleur à temps partiel est quelqu'un qui travaille moins que la durée standard dans l'organisation ou le secteur considéré. (1) Avantages Le travail à temps partiel permet à l'employeur de mieux faire correspondre l'offre à la demande de travail. Il permet d'augmenter l'effectif de l'entreprise. Les travailleurs à temps partiel sont susceptibles d'avoir plus d'énergie et d'être moins stressés, ce qui augmente leur productivité. Le travail à temps partiel peut, sous certaines conditions permettre aux personnes qui ont la charge d'enfants ou de parents âgés de mieux gérer leur temps. (2) Inconvénients Coûts directs supplémentaires, surtout si le travailleur à temps partiel reçoit des avantages au prorata. Augmentation des coûts de formation. Le travail à temps partiel complique l'organisation du travail au sein de l'entreprise. La limite à partir de laquelle sont payées les heures supplémentaires est difficile à déterminer. Les travailleurs à temps partiel bénéficient de moins d'avantages sociaux (pension, congé maladie). Le travail à temps partiel est confiné à des niveaux de qualifications et de responsabilités peu élevées. b) Partage de poste (job sharing) Plusieurs travailleurs à temps partiel se partagent le même poste. Les salaires, vacances et autres avantages sont généralement répartis entre les travailleurs, suivant le nombre d'heures travaillées. (1) Avantages Ce système multiplie les qualifications, les expériences et les idées pour un même poste de travail. Le partage permet une plus grande flexibilité. Il permet la continuité du travail quand un des travailleurs est absent. Ce système peut s'adapter aux postes qui sont traditionnellement réservés à des travailleurs à temps plein, comme les postes de direction. 10 (2) Inconvénients Certains postes sont difficiles à partager. Ce système augmente les coûts de formation et administratifs. Des difficultés de communication peuvent apparaître entre les "job sharers". Possibilité de perte de satisfaction pour le travail. c) Horaire variable (flextime) Les travailleurs ont la possibilité de faire varier chaque jour leur heures d'arrivée et de départ, dans certaines limites et à condition de respecter le nombre d'heures à prester par semaine. (1) Avantages Cela permet le recrutement et la rétention du personnel, particulièrement ceux qui ont des obligations familiales ou qui ne veulent pas se déplacer durant les heures de pointe. Augmentation de l'efficacité. Cela réduit le taux d'absentéisme. Les travailleurs peuvent finir les tâches qu'ils ont commencé et récupérer les heures prestées plus tard. Le problème de la ponctualité est réduit. (2) Inconvénients Nécessité d'un contrôle efficace afin d'éviter les abus. Une augmentation soudaine de la charge de travail en dehors des heures normales peut créer des problèmes opérationnels et des coûts supplémentaires. Les problèmes de communication augmentent. Coût d'administration élevé du système. d) Annualisation du temps de travail (annual hours) Le travailleur doit prester un certain nombre d'heures par an et non pas par semaine. (1) Avantages Les heures de travail correspondent mieux avec la charge de travail (variations saisonnières). Cela réduit et contrôle le nombre d'heures supplémentaires. Augmentation de la productivité et de l'efficacité. Réduction de l'absentéisme et du taux de rotation du personnel. Simplicité et facilité de la gestion. 11 (2) Inconvénients Système rigide en cas de récession. Difficulté de communication dans les systèmes de travail en équipes. Ce système occasionne une baisse de revenus pour les travailleurs habitués aux heures supplémentaires. Les horaires de travail sont parfois connus peu de temps à l'avance. Généralement les périodes de vacances sont imposées ou choisies selon une liste. e) Nombre variable d'heures de travail par jour (flexible daily hours) Le nombre d'heures varie chaque jour et seules les heures effectivement prestées sont rémunérées. (1) Avantages Les heures de travail correspondent mieux avec la charge de travail. Augmentation de la flexibilité. (2) Inconvénients Le salaire du travailleur peut varier chaque jour. Difficulté pour déterminer le moment où des heures supplémentaires doivent être payées. f) Prépension Ce système permet aux travailleurs de prendre leur pension avant l'âge légal. (1) Avantages Les prépensionnés doivent être remplacés par des chômeurs complets indemnisés. (2) Inconvénients Système fort coûteux pour la sécurité sociale. Le savoir, l'expérience des prépensionnés ne sont pas toujours bien transmis aux remplaçants ou aux autres travailleurs, ce qui peut être nuisible à l'entreprise. 12 g) Pause-carrière Longue période d'arrêt de l'activité professionnelle en totalité ou en partie, pour une durée déterminée, avec la garantie de retrouver son emploi ou un poste similaire à la fin de cette période. (1) Avantages Ce système permet de garder les travailleurs qui souhaitent interrompre temporairement leur carrière pour s'occuper d'enfants ou de parents âgés. Ce système permet de disposer d'une réserve de travailleurs formés pour couvrir les pointes dans la charge de travail ou des absences de longue durée. (2) Inconvénients Difficulté au niveau de la planification, de la gestion de l'entreprise. Difficultés administratives pour l'organisation des remplacements. Perte de savoir et difficultés de garder le contact durant l'absence. Volonté des travailleurs qui reviennent de ne travailler qu'à mi-temps. Difficultés contractuelles (problème de la continuité de l'emploi). B. Conditions d'un effet positif significatif sur l'emploi Le nombre d'emplois créés dans une entreprise suite à un aménagement-réduction du temps de travail (ARTT) de chaque travailleur dépend de plusieurs facteurs. Ils sont au nombre de cinq. 1. Effet de partage En cas de réduction du temps de travail de 10%, l'entreprise engagera 10% de personnel supplémentaire afin de maintenir le nombre d'heures de travail prestées. L'influence sur la création d'emplois est donc positive. 2. Effet direct de l'augmentation de la productivité L'ARTT de 10% peut entraîner une augmentation de la productivité du travail de par exemple 3%, ce qui, pour un même volume d'heures de travail, réduit les nouveaux engagements à seulement 7%. Cet effet atténue la création d'emplois. 13 3. Effet indirect de compétitivité L'ARTT provoque une variation du coût de production de l'entreprise, variation qui est répercutée sur les prix, mais pas obligatoirement dans les mêmes proportions. La variation des prix conduit à une variation de la demande des biens produits par l'entreprise. Cette modification de la demande dépend de l'élasticité-prix des produits. La nouvelle demande induit alors un nouveau niveau de production qui définit le nombre d'heures de travail nécessaire et par conséquent le nombre d'emplois. L'effet de compétitivité peut être divisé en trois parties : a) Effet de l'augmentation de la productivité Cet effet est positif car il produit une baisse des coûts. Intuitivement, la réduction du temps de travail s'accompagne d'une croissance de la productivité horaire du travail. Celle-ci est obtenue en diminuant la porosité de la journée de travail ou en intensifiant les rythmes de travail (suppression des pauses repas, meilleurs organisation du travail). Moins de fatigue sur la journée permet de produire de façon plus intense; plus de temps consacré à la formation initiale ou permanente permet d’avoir une main-d’oeuvre plus qualifiée, et donc mieux à même 3 d’utiliser des équipements plus complexes et plus performants.... b) Effet de la compensation salariale Une compensation salariale trop élevée amenuise la compétitivité de l'entreprise, ce qui est négatif pour l'emploi. C'est ce taux de compensation salariale qui a constitué l'élément principal de blocage de toute réduction du temps de travail en période de faible croissance et gains de productivité peu élevés. Remarquons qu’il existe des coûts de la main-d’oeuvre non salariaux 4 qui peuvent aussi influencer le coût unitaire de production . Ces coûts sont indépendants de la durée du travail mais dépendent du volume des effectifs. Il s’agit par exemple: des coûts de rotation de la main-d’oeuvre c’est-à-dire le coût de déclaration des vacances d’emploi et de sélection, les coûts de licenciement, des coûts de formation formels et informels, des coûts des vêtements de travail, de transport, d’assurance et toutes les autres charges reliées à un lieu de travail. Une réduction de la durée du travail a pour effet d’augmenter la part relative de ces coûts par rapport aux coûts salariaux variables. Les entreprises ont de ce fait une incitation à réduire le volume des effectifs et à augmenter la durée du travail en augmentant le nombre d’heures supplémentaires. 3 RIGAUDIAT Jacques (1993) Réduire le temps de travail. Paris, Syros 4 HEYLEN Freddy, KESENNE Stefan, VAN TRIER Walter (1994) Le chômage et le réaménagement du temps de travail. in: Reflets et Perspectives de la ie économique. Tome XXXIII -1994 -1/2. 14 c) Effet de réorganisation de la production Il sera négatif si l'entreprise fait varier la durée d'utilisation des équipements dans les mêmes proportions que la variation de la durée du travail : la diminution de la durée d’utilisation du capital entraînerait une augmentation du coût d’usage du capital par unité produite. Dans ces conditions, il n’est pas exclu qu’une réduction généralisée de la durée du travail augmente les coûts unitaires même si cette réduction de la durée du travail n’est pas suivie d’une compensation salariale. Ce constat suggère à son tour qu’une réduction de la durée du travail peut avoir des effets négatifs sur l’évolution de la production et de l’emploi, en particulier pour les entreprises soumises à une forte concurrence. L'effet de réorganisation de la production sera neutre si l'entreprise ne modifie pas la durée d'utilisation de son capital; et il sera positif si l'entreprise procède à une réorganisation de sa production en prolongeant la durée d'utilisation des équipements : l'entreprises peut ainsi contrecarrer les pertes de production liées à une 5 réduction de la durée du travail et même améliorer sensiblement sa rentabilité . Donc l'effet de compétitivité dépend de la variation de coûts qu'entraîne l'ARTT et de l'ampleur de la réorganisation du temps de travail par l'entreprise. L'intensité de cet effet dépend de la manière dont l'entreprise répercute les variations de coûts sur ses prix et des réactions du marché face aux fluctuations de prix. 5 Dominique Anxo ”Conséquences macro-économiques d’une réduction du temps de travail - Le cas suédois”. In: Séminaire International sur le Temps de Travail (1989) Actes de la 3e conférence. Vienne/ Autriche, 12 - 15 décembre 1989. 15 C. Principaux résultats macro-économiques Impact sur l'emploi et le chômage 6 D’après Gilbert Cette , il y a un consensus sur les effets macro-économiques de la réductionaménagement du temps de travail (du moins en France). Il analyse les mécanismes mis en oeuvre suite à une diminution du temps de travail d’une heure par semaine (mais on peut généraliser pour d’autres formes de partage du travail) dans quatre cas: 1) pas de compensation salariale, pas de gain de productivité. 2) compensation salariale ex-ante (c’est-à-dire immédiate), pas de gain de productivité. 3) compensation salariale et gains de productivité du travail. 4) compensation salariale et gains de productivité du travail et du capital (permis par un allongement de la durée d’utilisation des équipements). 1) En tant que telle, c’est-à-dire sans compensation salariale (avec une baisse proportionnelle du salaire mensuel), et sans tenir compte des gains de productivité horaire du travail et du capital, les effets d’une réduction ponctuelle d’une heure de la durée du travail hebdomadaire (soit 2,5%) seraient assez limités La relative faiblesse de cet impact s’explique par les effets inflationnistes d’une telle réduction. 2) Si une compensation salariale est accordée au moment de la réduction du temps de travail, la demande interne de la France est améliorée. Mais la demande externe se détériore, à cause des répercussions de cette compensation salariale sur les prix, et donc sur la compétitivité. 3) La prise en compte des gains de productivité horaire du travail induits par une réduction horaire hebdomadaire, ont des effets spécifiques favorables sur les prix et donc sur la compétitivité. La croissance du PIB serait plus élevée, à la fois du fait de la demande externe (meilleure compétitivité) et de la demande interne (effet d’encaisses réelles => baisse de l’épargne). Mais pour l’emploi, l’effet négatif l’emporte. 6 CETTE Gilbert (1994) La réduction du temps de travail est-elle la solution au problème du chômage qui frappe les pays industrialisés? [...] in: La Recherche, n°268, septembre 1994, p.960. 16 4) Prenons maintenant en compte les gains de productivité du capital. L’effet est favorable sur l’ensemble des grands indicateurs économiques. La raison en est simple: ces gains de productivité diminuent les coûts de production unitaires, ce qui réduit les tensions sur l’offre des entreprises. L’impact déflationniste ainsi obtenu stimule la demande externe et interne, ce qui est favorable à la fois pour la croissance, l’emploi, les soldes public et extérieur. En France, de nombreuses simulations d’une réduction-aménagement du temps de travail ont été réalisées à l’aide de différents modèles économétriques. Le Commissariat au Plan 7 français , lors de la préparation du XIème Plan a présenté les résultats de simulations à l’aide de 4 modèles différents: Micro-DMS (INSEE), Hermès (Ecole Centrale), Amadeus (INSEE) et Mosaïque (OFCE). Il s’agissait de mesurer l’impact d’une réduction annuelle de 1% de la durée du travail c’est-à-dire le passage de 39 heures à 37 heures entre 1992 et 1997 selon différentes modalités (avec et sans compensation salariale, avec et sans réorganisation de la production, c’est-à-dire 4 possibilités) et en faisant l’hypothèse que la réduction de la durée du 8 travail n’engendre pas de gains durables de productivité. Jacques Rigaudiat retient deux enseignements de ces travaux. Premièrement, au-delà de différences (très fortes) entre les chiffres, la hiérarchie des scénarios reste la même: mieux vaut une production réorganisée et une compensation salariale qui n’est pas réalisée. Deuxième conclusion à tirer de ces travaux: intelligemment conduite, la réduction du temps de travail est une mesure dont le rendement en termes d’emplois créés n’a pas d’équivalent. 9 Freyssinet constate lui aussi que l’ensemble des simulations macro-économiques réalisées avec différents modèles par différentes équipes en France concluent toutes à des effets potentiels importants sur l’emploi et remarque que la non-mise en oeuvre de politiques de réduction de la durée du travail ne peut être expliquée par un diagnostic ex ante de leur inefficacité en matière d’emploi. Il a résumé les principaux résultats et lacunes des simulations réalisées: - La variable testée est la durée effective du travail; il ne s’agit donc pas d’une variable de commande de politique de l’emploi puisque les pouvoirs publics n’ont aucun moyen d’action direct sur la durée effective (sauf dans le secteur public). Le modèle ne mesure pas l’effet d’une politique publique; il analyse les conséquences d’une politique dont l’effet postulé serait une réduction de la durée effective. Rien ne permet de simuler la façon dont cet effet serait obtenu. 7 BRUNHES Bernard (Commissariat général du Plan. Groupe “Emploi” présidé par) (1993) Choisir l’emploi. Paris, La documentation Française. p.101 8 RIGAUDIAT Jacques (1993) Réduire le temps de travail. Paris, Syros, pp.105-107. 9 FREYSSINET Jacques (1994) Durées du travail: politique de l’emploi et négociation collective 1978-1983. Document de travail n°94.02.pp.11-14. 17 - On ne dispose pas de relation économétrique entre durée du travail et productivité horaire apparente du travail. Ou bien on suppose l’absence d’influence, ou bien on introduit de manière exogène une liaison inverse (la productivité augmente lorsque la durée diminue). L’effet direct sur l’emploi est évidemment plus fort dans le premier cas mais les effets indirects de compétitivité (par réduction du coût salarial unitaire) n’apparaîtront pas. - Outre l’hypothèse sur la productivité, les effets positifs sur l’emploi sont principalement dépendants de deux autres hypothèses exogènes: • sur la variation de la durée d’utilisation des équipements • sur le taux de compensation salariale ex ante. - Les effets positifs sont amplifiés s’il existe une contrainte sur l’équilibre du financement des administrations: les économies réalisées sur le coût du chômage sont alors redistribuées sous forme de réduction des prélèvements obligatoires. - Les effets positifs sont amplifiés dans un modèle macro-économique multinational si l’on suppose une réduction conjointe dans les différents pays: les effets demande l’emportent sur les effets compétitivité. Les simplifications et les lacunes des procédures d’évaluation macro-économiques conduisent rituellement à préconiser le recours à des recherches micro-économiques pour identifier les interactions entre durée et organisation du travail, durée d’utilisation des équipements, productivité et coût salarial (donc compétitivité). Les recherches monographiques se sont multipliées depuis 15 ans et fournissent une information particulièrement riche sur les stratégies, les comportements et les processus. En revanche, elles apportent peu de résultats sur l’impact quantitatif en matière d’emploi. Lorsque la réduction est faible, l’identification de l’effet emploi est pratiquement impossible (par exemple, lorsque l’Ordonnance de janvier 1982 en France s’est traduite par une réduction de 12 minutes par jour des horaires de travail). Lorsque la réduction est forte, elle est le résultat ou elle s’accompagne d’autres transformations conjointes: changement de technique de production, extension du travail en équipes ou accroissement du nombre des équipes, élargissement du contenu des emplois, redéfinition du régime des pauses, réorganisation de partage des tâches entre plusieurs établissements, chute du niveau d’activité,... 18 SECTION 3 : ANALYSE DES INSTRUMENTS EXISTANTS La réduction de la durée conventionnelle du travail, qui n'implique d'ailleurs pas une réduction uniforme, ni dans le nombre d'heures, ni dans les modalités (hebdomadaire, annuelle, mensuelle...), ni dans la répartition dans le temps, est une piste qui n'a été que timidement explorée par les pouvoirs publics. Les dispositifs sont restés peu nombreux et sont d'ampleur limitée, notamment en terme de réduction de coûts. Ils sont en outre peu encourageants pour la réduction de l'horaire conventionnel dans la mesure où ils ne prévoient que marginalement des mécanismes permettant de négocier le niveau de maintien de la rémunération brute. Or, en période de faible croissance et donc de faibles gains de productivité, de risque élevé de chômage, les salariés, logiquement et rationnellement, feront rarement le choix "plus de loisir , moins de revenu". Au contraire, et la période de croissance 86-90 l'a montré, dès que la pression sur les salaires se relâche et que la part de ce qui est négociable au sein des entreprises s'accroît, les revendications salariales prennent rapidement le dessus, au détriment des revendications de réduction de la durée du travail. Le problème du revenu et de son maintien est donc crucial. A. Réduction du Temps de Travail (RTT) dans les politiques de l'emploi Le faible encouragement des pouvoirs publics à la réduction de la durée du travail ne s'explique ni par l'inefficacité supposée d'une telle mesure, ni par les contraintes budgétaires. Les résultats de simulation macro-économiques, réalisées pour la Belgique, mais aussi pour la plupart de nos partenaires commerciaux au sein de l'UE (voir plus loin) ont toujours montré des effets importants en matière de création d'emploi de réduction de la durée du travail, de l'ordre de deux à trois fois plus élevés, à coût égal que les mesures de réductions de coût du travail non conditionnelles. 19 B. Les dispositifs existants 1. Dispositifs fédéraux a) Plans d'entreprise - Accords pour l'emploi L’arrêté royal du 24.12.93 a créé un cadre juridique de référence afin de permettre la redistribution du travail parmi un plus grand nombre de travailleurs. Huit formules de redistribution du travail sont ainsi proposées aux entreprises désireuses de conclure un plan d’entreprise. Ces huit mesures sont les suivantes : a. Emploi à temps partiel volontaire avec ventilation des emplois; b. Diminution de la durée du travail avec recrutement compensatoire; c. Limitation des heures supplémentaires avec recrutement compensatoire; d. Instauration de l’interruption de carrière à temps plein ou à temps partiel avec remplacement obligatoire; e. Instauration d’une prépension à temps partiel avec remplacement obligatoire; f. Instauration d’horaires flexibles avec recrutement compensatoire; g. Instauration du travail en équipes avec recrutement compensatoire; h. Instauration d’une semaine de quatre jours avec recrutement compensatoire. (1) Avantages Les employeurs qui, sur la base de plans d’entreprise pour la redistribution du travail, présentent un accroissement net du nombre de travailleurs et au moins un nombre équivalent 10 de journées déclarées à l’ONSS par rapport au trimestre correspondant de l’année (1995 pour les plans d’entreprise déposés et approuvés après le 1er janvier 1996) ont droit, pour chaque poste de travail supplémentaire, à une réduction forfaitaire des cotisations patronales de sécurité sociale, à concurrence de 37.500 FB par trimestre. Cet avantage reste valable pendant toute la durée de la convention collective de travail ou de l’acte d’adhésion. Pour les plans déposés et approuvés après le 1er janvier 1996, l’avantage vaut pour le trimestre de l’engagement et les 12 trimestres suivants. Emplois non considérés comme emplois supplémentaires • L’emploi qui ne correspond pas à au moins 50 % d’un emploi à temps plein; • L’emploi occupé par un jeune dans le cadre du plan d’embauche des jeunes pendant la période de réduction des cotisations; • L’emploi d’une personne qui bénéficie d’une exonération dans le cadre du chapitre VII de la loi-programme du 30 décembre 1988; • L’emploi d’un travailleur engagé pour une durée déterminée de moins de 3 mois. 10 Par nombre équivalent de journées déclarées à l’ONSS, on entend le nombre de jours de travail. 20 Ces formules permettent de réduire de façon significative le coût du travail des nouveaux embauchés. Les formules d'aménagements de la durée du travail sont multiples (8 formules) s'étalant de l'interruption de carrière à la réduction de la durée hebdomadaire en passant par le temps partiel. Dans les faits, la quasi totalité des accords conclus ont porté sur le temps partiel ou sur l'interruption de carrière. Ces deux formules ont en commun le fait de ne pas représenter de coûts nouveaux pour l'entreprise, à la différence de réduction de la durée conventionnelle qui donne lieu au minimum à des négociations sur le niveau de compensation. La réduction de coût n'est accordée qu'aux nouvelles embauches, ce qui diminue les risques d'effets d'aubaine. La limitation dans le temps, même si elle pose problème (voir ci-dessous) encourage une réflexion dynamique au sein des entreprises. Comment, au delà des 13 trimestres de réduction de cotisations, regagner en terme de gains de productivité le coût supplémentaire induit par une non prolongation de la mesure ? (2) Inconvénients : ils favorisent les formules avec pertes salariales importantes La faiblesse de la diminution du coût moyen implique qu'il y a peu de marges permettant de financer une compensation salariale quelconque, ce qui dans le cadre conjoint de faibles gains de productivité des entreprises et de l'application de la norme de compétitivité , est un handicap certain à l'adoption de formules de réduction de la durée hebdomadaire. La durée de la réduction (13 trimestres) pose en outre la question de la soutenabilité à long terme de toute réduction de la durée du travail qui aurait été basé sur ce dispositif. 21 (3) Recensement effectué par les services de Miet Smet Pour les années 1997 et 1998, 85 accords sectoriels en faveur de l'emploi ont été conclus. Ces accords concernent 1.444.050 travailleurs (soit un peu plus de 70 % du secteur privé). L'historique de ces accords est le suivant : le gouvernement belge entame des négociations avec les partenaires sociaux afin de conclure un "contrat social pour l'avenir". Toutefois, ces négociations n'aboutissent pas et le gouvernement belge incite le patronat et les syndicats interprofessionnels à continuer les négociations. A cette occasion, le gouvernement impose à ceux-ci une norme salariale à respecter (limitation des augmentations salariales à 6,1 %, index compris, pour les années 1997-1998) et leur offre dans le même temps un budget de 6,3 milliards destiné à favoriser la création d'emplois (sous la forme d'un encouragement via une réduction des charges sociales de 150.000 FB par an et par engagement net). Toutefois, les négociations interprofessionnelles échouent à leur tour et c'est donc au sein des commissions paritaires, au niveau des secteurs et par branche d'activité que vont être conclus des accords. L'encouragement de 150.000 FB n'était destiné qu'aux entreprises ayant conclu un accord pour l'emploi ou dépendant d'une commission paritaire ayant abouti à la conclusion d'une convention syndicats-employeurs. Cet accord ou convention doit en outre comporter au moins deux mesures en faveur de la redistribution du travail, dont une au moins figurant dans la liste des mesures arrêtées par le gouvernement. Selon le recensement effectué par les services du ministère de l'emploi et du travail, le contenu des accords est le suivant. Tableau 3.1 : accords pour l'emploi Types de mesures Nombre d'accords conclus Nombre de travailleurs couverts Droit à l'interruption de carrière Prépension à mi-temps dès 55 ans ou à temps plein à 58 ans Recyclage et formation Travail à temps partiel Flexibilité des horaires Réduction du temps de travail 51 une quarantaine 1.180.000 34 28 13 9 900.000 700.000 330.000 250.000 22 La mesure relative au droit à l'interruption de carrière est celle qui a rencontré le plus grand succès. L'idée est de dépasser le quota de 1 % de travailleurs imposé par Arrêté Royal. Les accords conclus dans ce cadre soit élargissent le droit de 2 à 5 % des travailleurs de l'entreprise, soit précisent quelques modalités particulières (par exemple dans certains cas, le droit est limité à la naissance d'un enfant, soit il est élargi à l'éducation des enfants, etc.). En ce qui concerne les mesures liées à la prépension, une distinction doit être faite entre la prépension à mi-temps qui peut être prise dès 55 ans et la prépension à temps plein qui peut être prise à 58 ans. Par ordre d'importance, les mesures relatives à la formation et au recyclage des travailleurs arrivent en troisième lieu. En général, elles concernent les jeunes ou les "groupes à risques". Dans les mesures relatives au temps partiel, dans huit cas sur dix, celui-ci est possible uniquement sur une base volontaire. Bien souvent, les possibilités de recours au temps partiel dans le cadre des accords pour l'emploi sont limitées par certaines conditions (pourcentage maximal du personnel, âges requis, tâches bien précises, etc.). Treize accords prévoient des mesures visant à favoriser la flexibilité des horaires; dans la plupart de s cas, il s'agit de calculer la durée de travail sur une base annuelle, moyennant une limitation des heures supplémentaires. Les mesures relatives à la réduction du temps de travail sont peu nombreuses et seulement 9 secteurs ont inclus une close relative à la réduction du temps de travail dans leurs accords. Ces accords couvrent 250.000 personnes. Dans les secteurs de l'agriculture, de l'alimentation et de l'hôtellerie, les prestations ont été réduites d'une heure par semaine. Dans les secteurs de la distribution (grands magasins) les accords prévoient de réduire la durée du travail à 32 semaines, avec réduction du salaire. Les accords pour l'emploi sont effectivement un stimulant faible pour la réduction de la durée du travail. 23 b) Entreprises en restructuration : mesure Vande Lanotte La caractéristique essentielle de cette mesure est que les réductions de cotisations de sécurité sociale sont applicables à l'ensemble des salariés qui ont réduit leur durée du travail, celle-ci étant établie sur base annuelle. (1) Avantages Le montant de la réduction est relativement important : pour un salaire annuel brut de 730.000 FB, en supposant une entreprise qui voulait licencier 10% de son personnel, et donc réduire ses coûts de personnel de 10%, un passage de 38 h à 32 heures permettrait de ne pas licencier si l'entreprise accepte de ne réduire ses coûts que de 7%, les salariés de voir leur revenu brut diminué de 7,9 % (la moitié de la RTT), pour une réduction de la durée du travail qui est de près de 16%. et en supposant que l'entreprise réalise des gains de productivité de 5%. Pour le même niveau de salaire, mais une réduction de la durée du travail de 36 à 32, et dans les mêmes conditions, l'entreprise pourra ne pas licencier si elle accepte de ne réduire ses coûts que de 5%, les salariés leur salaire de 6%. Toutes les hypothèses sont possibles, mais ce qui est important c'est que la réduction de charges est sensible et permet effectivement de réduire significativement le nombre de licenciements, éventuellement de les éviter. (2) Inconvénients L'inconvénient de la mesure est lié au fait que la réduction de charges ne dépend pas de l'importance de la réduction de la durée du travail, ni du nombre de licenciements évités, mais de la durée du travail atteinte. Si l'on passe de 38 à 34, les réductions de coût seront plus faibles que si l'on passe de 36 à 32 heures. Ce qui ne semble pas logique parce que l'effort, de l'entreprise comme du salarié est du même ordre mais que les réductions de coût ne permettront pas de compenser les pertes de rémunérations dans les mêmes proportions. 24 c) Extension aux autres entreprises Le Conseil Fédéral des Ministres a approuvé l'extension à titre expérimental de ce genre de mesures aux entreprises qui ne sont pas en restructuration. 20 entreprises , de plus de 50 travailleurs pourraient faire l'expérience. Norme salariale "oblige", il est prévu que la réduction de la durée du travail s'accompagne d'une perte salariale correspondante mais qu'une compensation leur sera octroyée. Le passage aux 32 heures doit concerner au moins 20% de l'effectif de l'entreprise et l'effet sur l'emploi doit être déterminé, sans qu'il y ait d'exigence préalable quant à l'importance relative de l'effet. Les réductions de coûts sont de 97.000 FB les deux premières années, ensuite 64.500 et 32.250 FB. Ces réductions ne sont pas fonction du taux de création d'emploi. (1) Avantages Les avantages sont exposés ci-dessus et sont du même ordre. Ils sont importants et permettent, théoriquement, une embauche significative, même avec compensation salariale importante. Les chiffres du tableau ci-dessous sont valables pour les deux premières années où la réduction est maximale. Dans une perspective dynamique, la négociation pourrait porter sur les modalités de "financement" au delà des deux ans : gains de productivité, modération salariale. 25 Tableau 3.2 : Simulation d'application d'expériences 32 heures SALAIRE ANNUEL TAUX PERTE VARIATION BRUT SALARIALE COÛT BRUTE TOTAL 0% 3.8% 0.2 3.2% 0.2% 0.4 6.3% -3.4% 0% 5.3% 0.2 3.2% 1.7% 0.4 6.3% -1.9% 0% 1.7% 0.2 2.7% -1.3% 0.4 5.4% -4.3% 0% 3.3% 0.2 2.7% 0.2% 0.4 5.4% -2.8% RTT PERTE SALARIALE PAR D'EMBAUCHE RAPPORT A RTT 0 38-32 730kF 14.7% DU SALARIAL 15.8% 0 0 38-32 37-32 850kF 730kF 12.4% 13.5% 0 850kF Les hypothèses à la base du tableau sont que l'entreprise engage un pourcentage de salariés équivalent à la réduction de la durée du travail moins les gains de productivité. Ils ont été ici simulés égaux à 1,1%, ce qui est très faible. Des hypothèses plus fortes conduiraient à des réductions du coût salarial total plus importantes ou des augmentations plus faibles. Ce que le tableau montre, sous réserve d'exactitude des modalités d'application de la mesure, c'est que même en cas de compensation salariale totale, le coût supplémentaire pour l'entreprise est relativement faible, 4,2% quand on passe de 38 à 32 h et que le salaire moyen est de 850.000 FB. Lorsque la compensation salariale est de 60%, (perte de 0,4), les salariés perdent 6,3%, mais l'entreprise gagne 1,9%. (2) Inconvénients Si les modalités de mise en oeuvre sont identiques à celles du dispositif Vande Lanotte défensif, les inconvénients de la mesure sont identiques à ceux qui sont exposés ci-dessus. On peut préciser en outre que les pertes salariales sont d'autant plus importantes, en pourcentage, que ne l'est la réduction de la durée du travail. 26 Tableau 3.3 : Evolution de la masse salariale Synthèse de scénarios Valeurs en cours Salaire brut 730000 Gains productivité 1.1% Durée initiale 38 Durée 32 Perte salariale 3.2 Réduct. cotisation 97000 Masse salariale -0.3% ANNEE 3 ANNEE 4 ANNEE 5 730000 1.1% 38 32 3.2 64500 2.9% 730000 1.1% 38 32 3.2 32500 6.0% 730000 1.1% 38 32 3.2 0 9.2% Les réductions sont dégressives, mais comme on peut le voir sur le tableau 3, les augmentations de la masse salariale qui en découlent sont parfaitement compatibles avec les évolutions permises dans le cadre de la norme salariale. Si l'on prend l'hypothèse d'un sacrifice salarial de 6,3% , l'évolution est évidemment encore plus favorable pour l'entreprise. Tableau 3.4 : Evolution de la masse salariale Synthèse de scénarios ANNEE 1 ANNEE 3 ANNEE 4 ANNEE 5 Salaire brut 730000 730000 730000 730000 Gains productivité 1.1% 1.1% 1.1% 1.1% Durée initiale 38 38 38 38 Durée 32 32 32 32 Perte salariale 6.3 6.3 6.3 6.3 Réduc.cotisation 97000 64500 32500 0 Masse salariale -3.4% -0.3% 2.9% 6.1% Une des limites de ce dispositif est que l'intervention prévue n'est pas fonction du taux d'embauche, à l'inverse de la loi Robien en France. Ce qui implique que si les gains de productivité sont importants, comme nous l'avons supposé dans le tableau 5, les réductions de CSS peuvent générer des diminutions importantes de coût salarial total. 27 Tableau 3.5 : Résultats selon les taux d'embauche Synthèse de scénarios Salaire brut Gains Productivité Durée initiale Durée réduite Tx. perte Réduction CSS Variation m. salariale Perte mensuelle EMPSup Prod 1.1% 730000 1.1% 38 32 0.2 97000 0.2% 1921 14.7% Prod 3% 730000 3.0% 38 32 0.2 97000 -1.5% 1921 12.8% Prod 6% 730000 6.0% 38 32 0.2 97000 -4.1% 1921 9.8% Tableau 3.6 : Résultats selon différents taux d'embauche et compensation salariale complète Synthèse de scénarios Salaire brut Gains Productivité Durée initiale Durée réduite Tx. perte Réduction CSS Variation m.salariale Perte mensuelle EMPSup Valeurs en cours 730000 1.1% 38 32 0 97000 3.8% 0 14.7% Prod 3% Prod 6% 730000 3.0% 38 32 0 97000 2.1% 0 12.8% 730000 6.0% 38 32 0 97000 -0.6% 0 9.8% 2. Dispositifs régionaux Au plan régional, en matière de réduction de la durée du travail, il existe deux choses. En Flandre , une prime a été introduite qui est une prime versée aux salariés et non à l'entreprise et qui compense en partie la perte de rémunération suite à un passage à temps partiel. Il y a donc une compensation salariale, forfaitaire, modulable selon que l'on passe à mitemps ou à un temps partiel plus long. Le maximum est de 5.000 FB par mois par personne. Cette prime est donc versée à titre individuel et ne concerne pas des réductions collectives de la durée du travail. En Wallonie, des expériences de réduction de la durée du travail sont menées avec une intervention financière de la région permettant de compenser en partie la perte salariale . Cette intervention est modulée selon l'importance de la RTT et selon le taux d'embauche. 28 Un des problèmes qui se pose est de savoir dans quelle mesure l'intervention régionale est considérée comme une rémunération et intervient dans le calcul des prestations de sécurité sociale (chômage, pension, maladie). Le problème de la pension est particulièrement important, mais également celui du chômage. A travers l’expérience concrétisée à ce jour (Yvens Decroupet) une perte de rémunération brute de 4 % (se traduisant par une perte nette moyenne de 2,7 %), consécutive à une réduction de la durée du travail de 13,5 % a été acceptée par les salariés. Cette perte faible résulte de l'intervention régionale, (de l'ordre de 9%) , de l'intervention de l'entreprise (1,5% de coût supplémentaire) et du bénéfice des dispositions des Accords pour l'Emploi. L'expérience a permis l'embauche de 4 salariés, dans une entreprise comptant 30 personnes, réduisant leur durée de travail de 38 à 33 heures semaines. En terme de coût brut par emploi créé, supporté par la région, celui ci est faible (400.000 FB par emploi) si on le compare au coût estimé (expost) des créations d'emplois par réduction des cotisations de sécurité sociale sur les bas salaires. Globalement, si l'on intègre les économies réalisées et les rentrées fiscales et para fiscales supplémentaires du fait des embauches, l'opération est largement bénéficiaire pour les finances publiques (en supposant comme le Bureau du Plan que le coût d'un chômeur est de l'ordre de 700.000 FB par an). C. Les dispositifs étrangers : loi de Robien Dispositif très avantageux, proche dans sa conception du dispositif Vande Lanotte mais appliqué à toutes les entreprises. L'intérêt du dispositif est qu'il y a un contrôle de l'embauche (limité dans le temps, 2 ans)) et que les réductions sont accordées sur une période longue ( 7-8 ans au maximum). Les critiques adressées au dispositif portent sur l'importance des montants engagés et sur l'incertitude quant aux effets globaux sur les finances publiques et la sécurité sociale. Le nombre d'accords est très élevé, et ils semblent concerner davantage les entreprises en restructuration, mais les évaluations ne sont pas encore disponibles. 29 1. La Loi ROBIEN La loi Robien est entrée en application le 14 août 1996. Cette loi renforce une disposition du plan quinquennal pour l'emploi de 1993 (article 39). Cette disposition prévoyait des allégements, à titre expérimental, de charges pour les entreprises réduisant la durée du travail. La loi Robien étend ce dispositif. "Cette loi impose la signature d'une convention entre l'Etat et l'entreprise dans laquelle celle-ci s'engage à réduire le temps de travail et à augmenter les effectifs (volet offensif). En échange, l'entreprise obtient une réduction de la part patronale des charges de Sécurité sociale. Les embauches supplémentaires doivent avoir lieu dans l'année et les effectifs doivent être maintenus pendant au moins deux ans. La convention a une durée 11 maximale de sept années, au-delà de laquelle la réduction de charges cesse" . Pour être valable, cette convention entre l'Etat et l'entreprise doit en outre être accompagnée d'un accord d'entreprise ou d'établissement et d'un avis du comité d'entreprise. Cette procédure suppose donc qu'une négociation entre partenaires sociaux ait eu lieu au préalable et que l'on se trouve en face d'une incitation à la diminution de la durée collective du travail (au sein d'un établissement, d'une entreprise ou d'un atelier). Lorsqu'un plan de licenciement est prévu, la loi Robien a prévu un volet défensif qui autorise l'application de la convention en lieu et place du plan de licenciement. Dans ce cas, l'entreprise est tenue de diminuer la durée du travail et conserver le niveau d'emploi qui est le sien durant deux ans au minimum. En ce qui concerne la réduction de la part des charges patronales à la sécurité sociale, elle est identique selon qu'il s'agisse du volet offensif ou du volet défensif. Deux cas de réduction du temps de travail sont prévus; dans le premier cas, la durée du travail est réduite de 10 % avec une contrainte d'embauche de 10 % également, la part des charges patronales à la sécurité sociale est alors réduite de 40 % la première année et de 30 % les années suivantes; dans le second cas, la durée du travail est réduite de 15 % avec une contrainte d'embauche de 15 % et une réduction de la part des charges patronales à la sécurité sociale de 50 % la première année et de 40 % les années suivantes. Cette réduction de charges ne s'applique qu'aux seuls salariés qui réduisent leur temps de travail. D'un point de vue quantitatif, le système mis en place par la loi Robien semble connaître un certain succès; si l'article 39 du plan quinquennal n'avait donné lieu qu'à la conclusion de 14 accords, en six mois, une centaine de conventions ont été signées concernant 57.000 salariés. En fonction des dossiers en attente, le chiffre de 100.000 salariés devrait être rapidement atteint. Dans 75 % des cas, il s'agit de conventions défensives et on constate que les emplois offensifs sont créés en majorité dans des entreprises de petites tailles. Selon une étude menée par le Bureau de Plan belge, les résultats obtenus par l'application de la loi Robien sont "[...] parmi les politiques de l'emploi les moins coûteuses et en font un dispositif intéressant pour inciter à une baisse de la durée du travail qui sera probablement irréversible dans les 12 entreprises où elle aura été appliquée" . 11 Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE), Lettre de l'OFCE - Observations et diagnostics économiques, n° 158, Paris, vendredi 31 janvier 1997. 12 Bureau Fédéral du Plan, "La loi Robien", Working Paper, avril 1997. 30 2. L'expérience du Crédit Lyonnais Le Crédit Lyonnais a conclu une convention collective visant l'organisation du temps de travail. Cette convention a été signée en 1996 et restera d'application jusqu'à fin 1998. Elle fait suite à une période économique difficile pour l'entreprise. Une des possibilités proposées aux salariés prévoit que pour certaines opérations nécessitant une ouverture six jours /semaine, les employés occupés à ces opérations pourraient travailler quatre jours à raison de 37 heures semaines (soit 4 jours de 9 heures 15 minutes), sans perte de salaire. Cette possibilité couplée avec d'autres concernerait un peu moins de 20 % du personnel et permettrait la création de 150 nouveaux emplois. Actuellement, le Conseil supérieur de l'emploi a été chargé d'examiner une généralisation de la mesure à l'ensemble des entreprises, en analysant notamment les expériences étrangères (la loi Robien). 13 Dans une étude sur l'impact possible de la loi Robien en Belgique, le Bureau Fédéral du Plan a posé l'hypothèse d'une réduction du temps de travail de 10 %, d'un volet offensif touchant 19 % des salariés et d'un volet défensif touchant 23 % des salariés. Le volet offensif conduirait à un sacrifice salarial de 2 % et le volet défensif à une réduction salariale de 3 % la première année et de 4 à 5 % ensuite. Le coût par emploi créé par le volet offensif est estimé à 90.000 FB et à 130.000 FB par emploi sauvé par le volet défensif. Toujours selon l'étude du Bureau Fédéral du Plan, le volet offensif pourrait créer 37.000 emplois et le volet défensif permettrait de sauver 57.000 emplois. De plus, l'application en Belgique d'un système analogue à la loi Robien figurerait parmi les moins coûteuses des mesures prises dans ce pays pour relancer l'emploi via des réductions des charges patronales. D. Transposition de la loi "Robien" au cas de la Belgique - Principales hypothèses14 L'analyse des conséquences macro-économiques de la loi "Robien" pour la Belgique nécessite des hypothèses d'une double nature. Premièrement, la transposition à la Belgique des modalités de mise en oeuvre du dispositif au niveau de chaque entreprise implique certaines hypothèses. Deuxièmement, le passage au niveau macro-sectoriel nécessite la connaissance de la proportion de l'emploi salarié concerné par la mesure dans chaque secteur. Comme la mesure n'a pas un caractère contraignant, mais doit aboutir sur la base d'une concertation sociale au sein de chaque branche ou entreprise, il faudrait idéalement pouvoir disposer de résultats d'enquêtes sur le nombre d'entreprises désireuses de mettre en place le dispositif. A défaut, il aurait fallu pouvoir utiliser un modèle de négociation qui estime cette proportion. Puisque ils ne disposent ni des uns ni de l'autre, Lebrun et Masure ont dû recourir à des hypothèses plus arbitraires. 13 14 Bureau Fédéral du Plan, ibid. Bureau Fédéral du Plan, ibid. 31 Il est a priori très difficile d'estimer d'une part la proportion de l'emploi qui pourrait être concernée par le dispositif et de l'autre les modalités pratiques de mise en oeuvre de la mesure qui sont laissées à la discrétion des partenaires sociaux de chaque entreprise (taux de compensation salariale, réorganisation éventuelle), les deux éléments étant bien entendu liés. Comme les réductions de cotisations accordées ne permettent pas, avec des hypothèses raisonnables sur les gains de productivité induits, de financer intégralement la diminution du temps de travail, celle-ci aura pour conséquence soit une baisse du salaire par tête, soit une augmentation du coût salarial unitaire. Dans le cas du volet offensif, qui est plutôt destiné aux entreprises en croissance, ils ont supposé que la réduction du temps de travail est financée, au delà de ce qui est pris en charge par la collectivité, à la fois par les salariés et par l'employeur. Pour le volet défensif, qui s'adresse à des entreprises souhaitant réduire significativement leur volume de travail et dont la situation financière est par conséquent probablement moins favorable, l'hypothèse d'une compensation salariale plus faible qui permet une légère baisse du coût salarial unitaire a été faite. Le volet offensif Les résultats suivants ont été obtenus à partir de l'utilisation du modèle Hermes. Il est supposé que chaque entreprise adhérant à la mesure réduit la durée collective du travail de 10% et accroît son personnel dans les mêmes proportions. Le dispositif est supposé être maintenu durant sept années. Dans ces conditions, le volume d'heures travaillées diminue de 1%. Les salariés acceptent une baisse de 1% de leur salaire brut annuel la première année et 15 encore de 1% la deuxième année par rapport à une situation de référence , le salaire suivant par la suite les mêmes évolutions que dans la situation de référence. Ceci implique pour l'entreprise une augmentation du salaire horaire brut égal à 10% la première année et de 8,9% la deuxième année par rapport à la situation de référence. Lebrun et Masure ont utilisé les équivalents en terme de points de % des pourcentages de réduction des taux de cotisations employeurs de Sécurité Sociale prévus dans la loi française : ils appliquent donc une baisse de 12 points de % la première année et de 9 points de % du 16 taux implicite de cse les six années suivantes et ce quel que soit le secteur. Remarquons que cette solution n'implique pas forcément que la baisse du salaire-coût soit la même en Belgique qu'en France. 15 En pratique, si dans la situation de référence le salaire réel augmente de 1 pour-cent par an, cela revient pour les salariés à renoncer pendant deux années à ces augmentations en contrepartie de la réduction du temps de travail. 16 Différences en points de % par rapport à la situation de référence. 32 La durée d'utilisation des équipements est supposée inchangée par rapport à la situation de référence. En effet, les résultats de simulations sont très sensibles aux variations de la valeur de l'élasticité de réorganisation et les valeurs qu'elle peut prendre sont très variables d'une entreprise à l'autre. Tableau 3.7 : Effets sectoriels ex ante (écarts en % par rapport au scénario de référence) t t+1 t+6 -1.90 -1.91 -1.91 - en % 1.76 1.76 1.76 - en milliers 41.0 41.2 42.7 Salaire brut par tête -0.21 -0.40 -0.40 Coût salarial unitaire -0.11 0.11 0.12 Total secteur marchand Durée du temps de travail Emploi salarié Tableau 3.8 : Effets ex ante sur les cotisations sociales employeurs Secteur Hermes Total secteur marchand Taux de cse Recettes de cse t t+1 t+6 t t+1 t+6 -2.26 -1.69 -1.69 -42.0 -31.0 -40.0 Les emplois créés par le dispositif vont avoir pour effet d'accroître le revenu disponible réel, et ce malgré la baisse du salaire par tête. Ce résultat s'explique bien entendu par l'hypothèse faite d'une compensation salariale, fut-elle partielle. Cette hausse initiale du revenu disponible des ménages va être renforcée par deux phénomènes. Premièrement, l'augmentation de la consommation privée qui en découle va permettre une certaine relance de l'activité et stimuler parallèlement l'investissement. 33 Deuxièmement, la diminution sensible du chômage va exercer une pression à la hausse sur les 17 salaires . Comme par ailleurs la baisse des cotisations sociales et la hausse de la productivité sont suffisantes pour compenser la hausse du salaire horaire brut, les prix restent inchangés la première année et la compétitivité des entreprises est sauvegardée. Il s'ensuit qu'on enregistre une augmentation du PIB d'un peu plus de 0,1% grâce à la consommation privée (+ 0,3%) et les investissements (+ 0,2%) et ce malgré les fuites que constituent les importations (+ 0,1%). L'emploi salarié progresse de 1,8% et l'emploi total augmente de plus de 43.500 unités, soit un gain d'environ 2.500 unités par rapport à la mesure ex ante. La deuxième année, la plus faible réduction de cotisations sociales combinée à l'augmentation (hors dispositif) des salaires, provoque une hausse du coût salarial unitaire de 0,3% qui est répercutée à son tour partiellement dans les prix. Les exportations s'en trouvent freinées (perte de compétitivité), tout comme les investissements (ralentissement de l'activité et de la rentabilité des entreprises). Malgré le soutien de la consommation privée, le PIB retombe presqu'au niveau du scénario de référence. Dans les années qui suivent, l'augmentation du coût salarial unitaire va se poursuivre (+ 0,7% en fin de période), entraînant la hausse des prix (+0,3% le déflateur du PIB) et consécutivement la baisse des exportations (-0,1%) et des investissements (-0,3%). Au total, nonobstant le maintien du niveau de la consommation privée, le PIB atteint un niveau légèrement inférieur à la base (-0,1%). Par ailleurs, la baisse de l'activité, combinée aux substitutions en défaveur du facteur travail (suite à la hausse de son coût) engendre un repli de la hausse d'emploi, qui passe à 37.000 unités environ après sept ans, soit 5.500 de moins qu'ex ante. En ce qui concerne le glissement du revenu entre agents, on constate que ce sont bien entendu les ménages qui bénéficient du dispositif, tandis qu'il opère en défaveur de l'Etat, surtout la première année, puis progressivement des entreprises avec la remontée des salaires. 17 Au cours des deux premières années une correction a été apportée afin de tenir compte de l'accord salarial, supposé inchangé, pour les entreprises qui mettent en oeuvre le dispositif. Par ailleurs, les gains de productivité générés ex ante par la réduction du temps de travail, puisqu'ils font partie intégrante de la négociation, ne sont pas répercutés ex post dans les salaires. Toutefois, toutes les modifications de la productivité provoquées par les bouclages macro-économiques interviennent dans la formation des salaires. 34 Tableau 3.9 : Pricipaux résultats macro-économiques (écarts en % par rapport au scénario de référence) t t+1 t+3 t+6 PIB en volume 0.12 0.04 -0.01 -0.08 Consommation privée en volume 0.27 0.26 0.28 0.30 fbcf en volume 0.18 0.00 -0.13 -0.29 Exportations en volume 0.00 -0.03 -0.08 -0.14 Importations en volume 0.12 0.09 0.06 0.02 Déflateur de la consommation privée -0.02 0.04 0.09 0.15 Déflateur des exportations 0.01 0.04 0.08 0.12 Déflateur du PIB 0.03 0.11 0.23 0.34 Durée du temps de travail -1.90 -1.90 -1.91 -1.90 Emploi salarié 1.84 1.82 1.75 1.61 Salaire brut réel par tête -0.13 -0.28 -0.17 0.03 Productivité horaire 0.23 0.16 0.17 0.23 Coût salarial unitaire -0.11 0.29 0.45 0.65 en % 1.17 1.10 1.06 0.97 en milliers 43.6 41.2 40.0 37.3 Taux de chômage -7.11 -6.77 -6.90 -6.68 0.41 0.29 0.31 0.33 -0.67 -1.07 -1.23 -1.43 Prix Emploi et coût (secteur marchand) Emploi total Revenus Revenu disponible réel Excédents bruts d'exploitation des entreprise (en % du PIB) Glissement du revenu disponible entre agents (en % du PIB) Ménages 0.19 0.14 0.15 0.16 Entreprises -0.04 -0.08 -0.09 -0.12 Etat -0.16 -0.05 -0.05 -0.04 Capacité (+) ou besoin (-) de financement des administrations publiques en milliards -12.0 -3.4 -4.7 -3.2 en % du PIB -0.13 -0.03 -0.04 -0.03 Balance extérieure (en % du PIB) -0.10 -0.09 -0.09 -0.08 35 Si l'accroissement de l'activité est visible dans tous les secteurs la première année, elle est plus forte dans les secteurs qui livrent principalement à la demande intérieure finale (construction et services). Dans les années qui suivent l'industrie connaît une remontée importante de ses salaires (effet "Phillips" plus puissant que dans les services) pour atteindre en fin de période un niveau assez nettement supérieur au scénario de référence. L'emploi du secteur recule sous la double impulsion du repli de la production et des substitutions entre facteurs de production. L'emploi dans la construction connaît le même phénomène, quoi que de façon plus limité. Dans les services, les salaires ne rattrapent pas leur niveau de référence et l'activité chute moins, ce qui explique le moindre recul de l'emploi par rapport à la première année de simulation. 36 Tableau 3.10 : Principaux résultats sectoriels (écarts en % par rapport au scénario de référence) t t+6 Emploi salarié 0.45 0.50 Salaire brut par tête 0.02 -0.08 Coût salarial unitaire -0.17 0.18 Valeur ajoutée en volume 0.23 0.10 Emploi salarié 1.57 1.61 Salaire brut par tête -0.05 0.12 Coût salarial unitaire 0.12 0.99 Valeur ajoutée en volume 0.07 -0.24 Emploi salarié 1.96 1.61 Salaire brut par tête -0.05 0.12 Coût salarial unitaire 0.19 0.99 Valeur ajoutée en volume 0.20 -0.24 Emploi salarié 2.01 1.80 Salaire brut par tête -0.16 -0.27 Coût salarial unitaire -0.02 0.36 Valeur ajoutée en volume 0.09 0.03 Emploi salarié 2.00 1.94 Salaire brut par tête -0.17 -0.24 Coût salarial unitaire -0.32 0.37 Valeur ajoutée en volume 0.22 0.03 Energie Industrie manufacturière Construction Transports et communications Autres services marchands 37 Tableau 3.11 : Effets sur les finances publiques (différences, en milliards, par rapport au scénario de référence) t t+1 t+3 t+6 Recettes courantes -19.3 -9.8 -5.7 -2.9 Taxes directes 16.3 14.0 17.1 20.9 - I.P.P. 17.7 16.9 21.5 27.6 - I.Soc. -1.3 -2.9 -4.4 -6.7 2.6 2.7 3.6 4.6 Cotisations de Sécurité Sociale -38.3 -26.8 -26.8 -29.1 Dépenses courantes -7.4 -6.7 -1.5 -0.6 Consommation publique -0.0 0.1 2.0 2.3 Prestations sociales -8.5 -8.1 -5.1 -4.0 Paiements d'intérêts 1.1 1.2 1.1 0.3 Capacité (+) ou besoin (-) net de financement -12.0 -3.4 -4.7 -3.2 Pouvoir central 18.5 16.9 20.0 27.5 Sécurité Sociale -30.5 -20.3 -24.7 -30.7 Taxes indirectes Si le dispositif simulé représente la première année un manque à gagner de plus de 30 milliards pour la Sécurité sociale, il permet grâce à ses effets sur l'emploi et l'activité d'accroître les ressources du Pouvoir central. En effet, ses recettes courantes augmentent de 19 milliards, surtout grâce à la progression de l'I.P.P., alors que ses dépenses courantes n'augmentent que très faiblement. Au total, le besoin net de financement de l'ensemble des administrations publiques augmente (en valeur absolue) de 12 milliards. La deuxième année, les réductions de cotisations plus faibles font reculer l'impact sur le déficit de la Sécurité sociale (-20 milliards), alors que le boni du Pouvoir central n'est pas réduit significativement. Le déficit public ne progresse plus que de 3 milliards. Les années suivantes, l'aggravation du déficit de l'ensemble des administrations publiques reste négligeable (0,03% du PIB). En conclusion, nous pouvons dire que les résultats obtenus par le Bureau Fédéral du Plan sont intéressants à plus d'un titre : 9 l'effet global de la réduction du temps de travail est important, à une diminution proche de 2% de la durée du travail correspond à court terme en effet à 1% de l'accroissement de l'emploi et à moyen terme d'un peu moins de 1% ; 9 une mesure ex-ante fort coûteuse se solde au terme de cinq ans par une situation proche de l'équilibre. 38 SECTION 4 : AMENAGEMENT-REDUCTION DE LA DUREE DU TRAVAIL DANS LE CADRE DU TISSU ECONOMIQUE BRUXELLOIS 18 A. Caractéristiques des entreprises et de l’emploi 1. La population active bruxelloise Au cours des dernières années, la population active bruxelloise a évolué plus lentement à Bruxelles que dans l’ensemble du pays, puisqu’elle n’a cru que de 2.4% contre 2.9% pour l’ensemble du pays. Elle se caractérise également par une importance relative plus forte de sa composante féminine par rapport à l’ensemble du pays. Cette caractéristique se retrouve dans la distribution de l’emploi et des professions et n’est pas sans incidence sur la définition et les objectifs d’une politique d’aménagement et de réduction de la durée du travail. Tableau 4.1: Population active totale et par sexe du Royaume et de Bruxelles (lieu de résidence) 1990 Population active totale du royaume 1995 4 179 236 4 300 940 386 814 396 184 9,26% 9,21% 2 440 347 2 434 703 206 709 208 489 8,47% 8,56% 1 738 889 1 866 237 Population active féminine bruxelloise 180 105 187 695 Part en pourcentage 10,36% 10,06% Population active totale bruxelloise Part en pourcentage Population active masculine du royaume Population active masculine bruxelloise Part en pourcentage Population active féminine du royaume Source: MET- La population active en Belgique, situation au 30 juin 1995 et calculs DULBEA. 2. Distribution de l’emploi La Région de Bruxelles-Capitale se caractérise par une forte concentration de ses emplois salariés dans les services. En effet, l'emploi du secteur de l'industrie manufacturière ne représente que 7,7% du total des secteurs bruxellois, quant aux secteurs agriculture, chasse et sylviculture, pêche et industrie extractive, ils sont négligeables. 18 Cette section utilise largement le matériel rassemblé par Binotto, Debaille et Joye, pour le Rapport annuel d’évaluation des politiques menées au regard des objectifs du PRD-Economie et Emploi 39 La tertiairisation de l’économie bruxelloise est en partie liée à l’espace géographique restreint de la région, ainsi qu’à la concentration des administrations, des services publics nationaux et des institutions internationales. Elle s’explique également par la désindustrialisation dont le mouvement s’accentua encore plus lors de la récession de 1993. Les secteurs employant le plus de salariés en région bruxelloise, en 1996, étaient: le commerce et réparation (12,6%), les activités financières (11,5%), l'immobilier, location et services aux entreprises (13,1%) et l'administration publique (15,9%). Tableau 4.2 : Répartition de l’emploi par secteurs d’activités au 30 juin 1996 Secteurs d’activités Agriculture, chasse et sylviculture Nombre de % du total % du total travailleurs des secteurs par secteur bruxellois du royaume 310 0,06 1,1 - - - 60 0,01 1,2 42671 7,7 6,7 4758 0,85 17,1 Construction 17672 3,2 9,5 Commerce et réparations 70302 12,6 17,4 Hôtels et restaurants 19442 3,5 18,5 Transports, entreposage et communications 41368 7,4 17,8 Activités financières 63843 11,5 49 Immobilier, location et services aux entreprises 72980 13,1 26 Administration publique 88364 15,9 27,7 Education 52029 9,3 14,3 Santé et action sociale 44608 8 13,5 Services collectifs, sociaux et personnels 28772 5,2 24,8 9849 1,8 36,2 557028 100 17,43 Pêche Industries extractives Industries manufacturières Electricité, gaz et eau Divers TOTAL Source: ONSS - Effectifs des employeurs et des travailleurs assujettis à la sécurité sociale au 30 juin 1996 et calculs DULBEA. 40 L’analyse de la part des différents secteurs d’activités bruxellois dans le total de chaque secteur du Royaume met en exergue la prépondérance de certains d’entre eux. Ainsi, les activités financières de la région Bruxelles-Capitale emploient 49% des travailleurs salariés totaux de ce secteur. L’emploi des secteurs immobilier, location et services aux entreprises; de l’administration publique; et des services collectifs, sociaux et personnels de la région bruxelloise représente respectivement 26%, 27,7% et 24,8% de l’emploi fournit par ces secteurs au niveau national. Enfin, plus de 17% de l’emploi salarié de quatre secteurs d’activités est situé à Bruxelles, à savoir l’électricité, gaz et eau; le commerce et réparations; les hôtels et restaurants; et les transports, entreposage et communications. L’emploi dans la région Bruxelles-Capitale se répartissait, en 1996, à 57,3% dans trois grands groupes de professions, à savoir: cadres, dirigeants et membres des corps législatifs; professions intellectuelles et scientifiques; et employés administratifs19. L’emploi féminin se concentre dans un nombre réduit de groupes de professions alors que la répartition de l’emploi masculin est plus équilibrée. En 1996, à Bruxelles, deux femmes sur trois (67%) se concentraient dans trois grands groupes de professions: le groupe des employés administratifs (ISCO 4), le groupe des professions intellectuelles et scientifiques (ISCO 2) et le groupe des vendeurs et personnels de services (ISCO 5). La population masculine n’était représentée dans ces trois grands groupes de professions qu’à concurrence de 42% de l’emploi total masculin à Bruxelles. Notons que c’est dans ces trois grands groupes que l’on retrouve des professions majoritairement et traditionnellement féminines: celle de secrétaire dans le groupe ISCO 4, d’infirmière et d’enseignante dans le groupe ISCO 2, de garde d’enfants et de vendeuse dans le groupe ISCO 5. 19 - Source: INS, Enquête force de travail, 1996. Par emploi, nous entendons les personnes ayant un emploi au cours de la semaine qui a précédé l’enquête. Classification: ISCO 1, Cadres, dirigeants et membres des corps législatifs; ISCO 2, Professions intellectuels et scientifiques; ISCO 3, Professions intermédiaires; ISCO 4, Employés administratifs; ISCO 5, Vendeurs et personnel de services; ISCO 6, Travailleurs qualifiés de la pêche et de l’agriculture; ISCO 7, Artisans et ouvriers de métiers; ISCO 8, Conducteurs de machine et ouvriers d’assemblage; ISCO 9, Manoeuvres et ouvriers non qualifiés; ISCO 0, Forces armées. 41 Les femmes sont comparativement aux hommes peu présentes dans le groupe ISCO 7 (Artisans et ouvriers de métier): 1,6% de l’emploi total féminin à Bruxelles contre 12,9% de l’emploi masculin; et dans le groupe ISCO 8 (Conducteurs de machine et ouvriers d’assemblage): 1,6% de l’emploi total féminin bruxellois contre 8,1% de l’emploi masculin. 3. Diminution de l’emploi et accroissement du travail à temps partiel et intérimaire Au cours de la période 1991-1996, l’emploi a diminué de 4,4%. Cette diminution est le résultat d’évolutions contrastées selon le sexe. En effet, l’emploi féminin a légèrement diminué (-0,8%) tandis que l’emploi masculin a reculé de 7,1%. L’emploi masculin a donc contribué à raison de 92,5% à la diminution de l’emploi total. Tableau 4.3: Evolution de l’emploi de 1991 à 1996, par sexe, durée (temps plein / temps partiel) et lieu de résidence 1991 1996 91-96 Emploi total 337785 322893 -4,4% Emploi masculin 195003 181226 -7,1% Temps plein 188249 171255 -9% 6234 9971 59,9% Emploi féminin 142782 141667 -0,8% Temps plein 111417 110079 -1,2% 30493 31588 3,6% Temps partiel Temps partiel Source: INS - Enquête sur les forces de travail, 1991 et 1996 et calculs DULBEA. * L’emploi total ici ne prend en compte que les résidents bruxellois et non les navetteurs. L’évolution de l’emploi total recouvre également des divergences d’évolutions selon la durée du temps de travail (temps plein / temps partiel). Le recul de l’emploi masculin est uniquement imputable à la chute de l’emploi à temps plein (-7,1%) et est compensé en partie par une forte augmentation de l’emploi à temps partiel (59,9%). Les mêmes tendances s’observent pour l’emploi féminin mais dans des proportions moindres, soit une diminution de l’emploi à temps plein de 1,2% et une augmentation de l’emploi à temps partiel de 3,6%. 42 4. Taille des entreprises et emploi L’emploi se répartit à concurrence de 1/3 dans les entreprises de moins de 50 salariés, 1/3 dans celles occupant entre 50 et 500 , le dernier tiers parmi les entreprises de plus de 500 salariés. Remarquons cependant que dans les administrations publiques l’emploi est plus fortement concentré dans les grands établissements. Les employés sont largement majoritaire, 78.2% de l’emploi total, surtout concentrés dans les entreprises de plus de 100 personnes. Parmi les entreprises de moins de 100 personnes, on retrouve une plus grande concentration d’ouvriers, (entre 40M%( entreprises de moins de 5 salariés) et 22 % (entreprises occupant entre 50 et 99 salariés) Tableau 4.4 : Répartition de l’emploi et des entreprises selon le nombre de salariés. Pourcentage dans le total des Pourcentage dans le total des salariés de la région entreprises de la région 1-49 salariés 30% 95% 50-499 35% 4% >=500 35% 1% B. Contours d’une politique d’ARTT Ces caractéristiques de l’emploi, auxquelles il convient d’ajouter celles relatives au chômage bruxellois, essentiellement la part qui y est représentée par les demandeurs d’emploi peu qualifiés, plaident pour que toute mesure ou politique d’ARTT • soit pensée en fonction des particularités du travail des employés, notamment des employés administratifs et du commerce • soit élaborée en tenant compte des différences de préférence qui peuvent exister entre hommes et femmes ( réduction quotidienne, en jour/semaine...) • soit dirigée en priorité vers le secteur des services • contribue à remettre au travail les chômeurs peu qualifiés • ne soit pas conçue essentiellement en fonction des grandes entreprises 43 SECTION 5 : ANALYSE D'EXPERIENCES INNOVANTES EN MATIERE DE REDUCTION DE LA DUREE DU TRAVAIL Expérience de VOLKSWAGEN-FOREST L'usine Volkswagen de Forest (5.240 ouvriers en septembre 1997) comprend trois équipes d'ouvriers, deux en journées (3.858 ouvriers) et une de nuit (1.382 ouvriers). Les équipes se partagent les tranches horaire suivantes : 06h00-14h00, 14h00-22h00, 22h00-06h00. Les ouvriers de jour sont sous un régime de tournante, tandis que la pause de nuit est fixe. La Convention Collective de Travail conclue le 16 septembre 1997 et adoptée par 77,4% du personnel de VW-Forest prend ses distances par rapport à la convention du secteur Fabrimetal et se caractérise par une grande originalité au niveau belge. L'accord peut se diviser en deux parties : flexibilité et productivité contre réduction du temps de travail : - le travail du samedi n'est plus tabou : il est prévu au maximum quatre samedis par an et par travailleur. Ces prestations ne seront pas compensées financièrement, mais donneront lieu à une récupération en heures à 150% dans l'année qui suit la prestation (8 heures de travail donnent droit à 12 heures de récupération). Les frais de transport seront payés aux ouvriers à raison de 6 FB/km. Les prestations du samedi auront lieu afin de faire face à un accroissement de la production ou afin de rattraper une production perdue. Les samedis seront prestés en équipe après information préalable des travailleurs et dépôt d'un délai de préavis de quatre semaines et si tous les jours de réduction du temps de travail (RTT) prévus pour cette période sont épuisés ; - les congés collectifs font place aux congés individuels, ce qui permettra à l'entreprise de "tourner" au maximum de ses capacités. En 1998, l'usine sera ouverte 245 jours au lieu de 225 jours. A partir de 1998, la fermeture collective d'été comportera zéro, une, deux, trois ou quatre semaines. La décision de prise et d'étalement des vacances collectives reviendra au Conseil d'Entreprise, avant le 1er décembre de l'année précédente. Les ouvriers pourront obtenir des congés de trois semaines ; - l'horaire est réduit à 35 heures/semaine pour les équipes de jour (une heure de moins par semaine et six jours de récupération supplémentaires) et à 32 heures/semaine pour l'équipe de nuit (sur base volontaire et si l'ouvrier possède au 1er septembre 1997 un contrat à durée indéterminée). Les travailleurs qui opteront pour le régime des 32 heures ont obtenu la garantie, après une prestation d'au moins six mois et après un délai de préavis de minimum trois mois, de pouvoir repasser aux 35 heures ; - accroissement de la capacité de production : on passera de 1.000 véhicules par jour à 1.200. La réduction du temps de travail doit être accompagnée d'une augmentation de la production, 44 sinon, à cause des gains de productivité, l'emploi diminuera. La production de l'équipe de nuit sera doublée (ainsi que son personnel), et donc alignée sur celle des équipes de jour. La production annuelle passera de 200.000 à 243.000 véhicules. Cet accord permet à la direction d'allonger la durée d'utilisation des équipements, donc d'augmenter la production, et ce sans procéder à de nouveaux investissements. Le passage des 36 aux 35 heures sera étalé jusqu'en 1999 par l'augmentation des jours de repos compensatoire appelés aussi journées de solidarité ou jours de RTT. Le régime de travail reste de 40 heures/semaine et chaque heure de réduction équivaut à six jours de repos. Aux 24 jours déjà acquis, viendront s'en ajouter six : un jour en 1997 (à partir de la 42ème semaine), trois jours en 1998 et deux jours en 1999. Ce n'est qu'en 1999 que les 35 heures seront applicables à tous les ouvriers et qu'ils bénéficieront de 30 jours de repos compensatoire. Ces jours feront partie de la réglementation RTT et ne seront plus gérés séparément. Les jours de RTT seront déterminés par le Conseil d'Entreprise et la Délégation Syndicale avant le 15 décembre de l'année précédente. Ils seront répartis de la manière suivante : ∗ RTT flottants (minimum onze) ∗ RTT pour assurer les ponts (1er janvier, 1er mai,...) ∗ RTT de flexibilité, d'adaptation à la production ∗ RTT pour compléter l'étalement des vacances annuelles Le régime des 32 heures donnera droit à 46 jours de repos compensatoire en 1998 et 48 jours en 1999. Ces journées de RTT seront prises par les travailleurs par bloc de trois, quatre ou cinq jours, suivant le nombre de jours prestés la semaine. Ils seront répartis de la manière suivante : ∗ RTT pour assurer les ponts (1er janvier, 1er mai,...) ∗ RTT de flexibilité, d'adaptation à la production ∗ RTT pour compléter l'étalement des vacances annuelles. 45 Le passage aux 35 heures sera financé par la marge salariale : l'augmentation salariale de 5 FB/heure prévue dans la CCT du 13 mai 1997 conclue au niveau national pour les ouvriers du secteur Fabrimetal pour 1997 et 1998 amortira la réduction du temps de travail. Les deux jours de RTT attendus en 1999 seront financés par les augmentations de salaire prévues conventionnellement pour VW-Bruxelles. Le passage aux 32 heures engendrera pour les travailleurs de nuit une réduction du salaire brut de 8,57%, ce qui équivaut à environ 4.000 FB par mois et 56.000 FB par an. Un ouvrier de jour qui déciderait de travailler la nuit, obtiendrait, malgré la réduction de salaire, une rémunération plus élevée qu'actuellement, grâce aux sursalaires. Les travailleurs ont donc renoncé à une hausse de leur pouvoir d'achat afin de s'engager dans une logique de réduction du temps de travail, version offensive. L'objectif de la direction, afin de répondre aux objectifs fixés par la maison mère en matière de coûts de production, est de contenir ses prix de revient par une augmentation de la production à personnel inchangé à l'horizon 1999, ce qui revient à renforcer la productivité. Bien que cela ne soit pas prévu dans l'accord, 400 à 600 nouvelles embauches sont prévisibles, et ce nonobstant la position de VW-Forest dans un secteur où les surcapacités à l'échelle européenne sont importantes. Mais la direction insiste sur le caractère temporaire de ces nouveaux emplois : les besoins en main-d’oeuvre occasionnés par les interruptions de carrière, les congés annuels,... seront principalement satisfaits par des contrats de remplacement, des contrats d'étudiants ou d'intérimaires, des contrats à durée déterminée. Les éventuels nouveaux embauchés seront en principe obligatoirement affectés à l'équipe de nuit, afin de réduire les mutations des travailleurs de jour vers la pause de nuit. La convention prévoit aussi l'instauration d'un régime à temps partiel (deux semaines d'activité suivies de deux semaines d'inactivité) : entre le 1er juillet 1997 et le 30 juin 1999, la possibilité est donnée à 10% du personnel d'entrer dans un régime de travail à mi-temps. En principe, le passage vers le temps partiel s'effectuera dans les 30 jours après la demande de l'ouvrier. Comme pour les 32 heures de nuit, moyennant un délai d'avertissement de trois mois minimum, et ce après un essai d'au moins six mois dans le régime à temps partiel, l'ouvrier pourra être réintégré dans le régime de travail à temps plein. En cas d'effectif insuffisant face au volume à produire, la direction s'est engagé à procéder aux embauches temporaires nécessaires. 46 Les autres formules d'aménagement du temps de travail prévues dans la convention sont les suivantes : équipes du week-end : l'effectif des équipes actuelles sera adapté en fonction des besoins. Les équipes du week-end procèdent à deux périodes de douze heures. Les opérateurs peuvent obtenir des jours ou des week-end de récupération moyennant une formation pendant la semaine, avec un minimum huit heures/semaine. Vingt heures de formation équivalent à un jour de récupération et quarante heures à un week-end complet. prépension : les travailleurs ayant une ancienneté de 38 ans peuvent partir en prépension dès l'âge de 55 ans et ce jusqu'au 30 juin 1999; si l'ouvrier peut justifier une carrière professionnelle de 33 années dont 20 ans en régime de nuit, l'âge de la prépension prévu dans la CCT n°17 est abaissé du 13 mai 1997 au 31 décembre 1997 à 55 ans et à 56 ans pour 1998. Les prépensionnés seront remplacés. interruption de carrière : 10% des ouvriers peuvent accéder à une interruption de carrière, avec maximum 2% d'interruption complète. Des chômeurs complets indemnisés seront engagés dans le cadre d'un contrat de remplacement. Les travailleurs de 50 ans et plus ont la possibilité d'effectuer leurs prestations dans un régime de travail à mi-temps jusqu'à l'âge de la prépension. Ils alternent les semaines d'activité et de repos deux à deux, comme pour les travailleurs à temps partiel. congés d'ancienneté : un jour de congé est accordé aux travailleurs dès qu'ils peuvent justifier quatre années d'ancienneté. Pour la direction, il s'agit d'un accord de travail à temps partiel, tandis que les syndicats parlent d'une réduction du temps de travail. Mais, ils se rejoignent afin de qualifier cet accord de garantie de l'avenir de l'entreprise, et donc de l'emploi. La CCT garantit l'emploi jusqu'en 1999 ("pas de licenciement collectif tant que toutes les mesures préservant l'emploi n'auront pas été épuisées") et a permis de sauver les 700 à 800 postes de travail qu'aurait menacé l'assemblage à Forest de deux nouveaux modèles exigeant moins d'heures de travail. 47 En conclusion, nous pouvons dire que l'accord VW constitue en l'échange d'une augmentation de salaire contre une réduction du travail presté. Ce dispositif comprend deux volets, un offensif (engagements compensatoires) et un défensif (les postes de travail menacés ont pu être maintenus et une clause de garantie de l'emploi est prévue). La réduction du temps de travail appliquée ici permet donc de résoudre les problèmes liés à la capacité de production de l'entreprise et à la durée d'utilisation des équipements. Nous pouvons remarquer qu'aucune allusion aux dispositifs légaux d'aide à la réduction du temps de travail n'a été faite. Jules Ackermans (VW-Forest) et Paul Soete (Fabrimetal) déclarent 20 même ne pas avoir étudié avec beaucoup d'entrain les plans gouvernementaux subsidiant la RTT, ceux-ci sont fort nombreux et fort compliqués. Pour eux, une fois écoulée la période de subsides, ce sera l'explosion des coûts. 20 VW-Forest explore la réduction du temps de travail, Le Soir, 17 septembre 1997, p. 5. 48 SECTION 6 : PROPOSITIONS CONCRETES A. Propositions concrètes permettant de susciter et d'encadrer des expériences-pilote dans le cadre du dispositif "Di Rupo" Sur les 20 entreprises-pilote, il serait bon qu'il y en ait entre 3 et 5 de la Région Bruxelloise. Idéalement on devrait encourager des entreprises de moyenne importance, supérieures à 50 salariés puisque le dispositif proposé au plan fédéral l'impose, mais restant de taille modeste, pour deux raisons. Tout d’abord, si on fait l’hypothèse que les pouvoirs régionaux, comme cela semble être le cas en région wallonne, souhaitent compléter le dispositif d’aide existant, et étant donné les contraintes d’ordre budgétaire, un soutien à des entreprises moyennes est préférable. Ensuite, il est vraisemblable que les grosses entreprises ont sans doute plus de marges disponibles pour négocier des réductions de la durée du travail sans qu'une aide régionale ne soit nécessaire. Si l'on retient en outre l'idée d'une aide technique et administrative, elle est nécessaire aux PME, beaucoup moins aux grandes entreprises. B. Propositions concrètes permettant de fournir aux partenaires sociaux l'encadrement technique, juridique et économique nécessaire (notamment pour les PME) Un des obstacles majeurs à l'introduction de nouveaux systèmes d'organisation des temps de travail est d'imaginer les nouvelles organisations possibles et de pouvoir proposer des systèmes qui soient attrayants. La semaine de 4 jours est un de ces systèmes. Au sein des petites et moyennes entreprises, il est parfois difficile d'imaginer les différents systèmes possibles, tout comme il n'est pas toujours évident de connaître tous les dispositifs d'aide qui existent en matière de réduction des coûts, d'aide à la formation, de requalification...Le rôle d'une cellule d'appui serait dès lors d'être capable de répondre en partie à ce type de demande. Elle pourrait être constituée d'une part par des consultants extérieurs, mais aussi par des personnes de l'administration et de l'ORBEM, en collaboration avec des organismes tels que la Chambre de Commerce par exemple. Cette cellule d'appui devrait d'une part disposer d'une connaissance des dispositifs et être capable d'analyser les problèmes d’organisation du travail d’autre part. En Allemagne et en France, il existe des consultants qui sont spécialisés dans ce domaine. A notre connaissance, ils sont peu nombreux : deux en Allemagne et à peine plus en France (dont Brunhes Consultant). En Belgique, il n’y a pas de consultant spécialisé dans ce domaine. Un des outputs du Pacte Territorial pour l’Emploi pourrait être la mise sur pied de cette activité de conseil à la RTT. La grille d’analyse suivante a pour ambition de tracer le cadre général dans lequel devrait s’inscrire une activité de conseil sur l’ARTT. 49 C. Grille d'analyse méthodologique 1. Analyse de la demande Les expériences de RTT qui ont été étudiées par ailleurs (Bosch, Meulders, Michon, 1997), (Réseau européen d'études sur l’ARTT) ont montré que les demandes pouvaient être très variées, en particulier que les motivations d'une réorganisation et réduction de la durée du travail pouvaient avoir pour origine des problèmes d'organisation de la charge de travail sur des périodes régulières, des restructurations impliquant des licenciements ou en tout cas des diminutions du volume d'activité, la volonté d'accroître l'emploi... Il s'agit donc dans une première étape d'identifier clairement : • de qui émane la demande ou qui est à l'origine de l'initiative d'un ARTT • quelles sont les motivations : − réorganisation du travail et de la production − durée d'utilisation ou durée d'accès (services) − amélioration du bien-être − accroissement de l'emploi − ARTT temporaire destinée à faire face à une restructuration − autres • existe-t-il des propositions ou plans concrets • comment se situent les autres acteurs par rapport à cette demande (notamment les différentes catégories de personnel : ouvriers/employés/cadres) 50 2. Elaboration d'un diagnostic stratégique Une fois la demande enregistrée et analysée, il s'agit dans une deuxième étape d'élaborer une vision d'ensemble des possibilités d'ARTT. • analyse globale : ARTT et durée d'utilisation, temps de production, évolution probable du carnet de commandes, estimation de l'évolution des besoins en personnel, en heures de travail • analyse de la situation existante en matière d'organisation et de durée de travail : organisation des durées individuelles, annualisation, heures supplémentaires, durée d'utilisation durée d'accès aux services • analyse au niveau des différents départements, sièges et catégories de personnel • élaboration de scénarios particulier à chaque entité ou catégorie de personnel • estimation économique d'un ARTT 3. Etude de faisabilité L'étude de faisabilité doit s'articuler autour de trois axes : • faisabilité économique : impact de l'ARTT sur la production, la productivité, l'évolution des coûts, les besoins en compétences et qualifications − niveau de la compensation salariale et forme de cette compensation − évolution de la durée d'utilisation des équipements et implications en terme de coûts. − impacts sur la productivité d'un ARTT : temps de non-production, problèmes de coordination ... − impacts sur l'emploi et sur l'embauche éventuelle : besoins en terme de formation et coûts y afférents − prise en compte des coûts salariaux non liés directement au volume individuel de travail : coûts d'embauche et de formation, seuils sociaux, aménagements sanitaires, avantages divers (assurrances-groupe, avantages en nature, frais de déplacement...) − utilisation et programmation des aides publiques (montant, dégressivité, perte d'accès à d'autres dispositifs d'aides publiques à l'emploi) − préparation d'une négociation d'une convention collective valable sur un nombre suffisant d'années permettant d'organiser et d'amortir sur plusieurs exercices l'accroissement du coût salarial. 51 • faisabilité sociale − implication des différentes catégories de personnel − assurer l'équité entre les différentes catégories − niveau de la compensation salariale brute et nette, à court terme et à moyen terme (programmation dynamique). − implication des différente modalités en terme de confort de vie et de travail • faisabilité organisationnelle − élaboration de différents systèmes d'ARTT en fonction des possibilités légales, conventionnelles : modulation hebdomadaire, mensuelles, trimestrielle ou annuelle (éventuellement pluriannuelle ) − durée quotidienne de la journée de travail − instauration de travail en équipes successives ou chevauchantes − implication externe de tout ARTT : accès aux services de transport et autre services (gardes d'enfant, santé...) 4. Conception et mise en oeuvre En fonction de l'étude de faisabilité il s'agit de concevoir concrètement plusieurs modalités d'ARTT, d'en évaluer les coûts et avantages (réalisation de scénarios) , d'en définir les modalités pratiques (économiques, organisationnelles et sociales) et de parvenir à un accord au sein de l'entreprise sur l'ARTT qui semble préférable. La solution optimale serait la constitution d'une cellule d'impulsion à l'ARTT, associant notamment l’ORBEM pour tous les aspects de formation, des consultants extérieurs (il en existe en France ou en Allemagne), des secrétariats sociaux. Les grandes entreprises peuvent sans difficulté organiser elle-même les différents aspects d'une ARTT. C'est moins évident dans le cas d'une PME. Il serait donc utile qu'il existe une structure légère d'encadrement, qui puisse organiser à la demande d'une entreprise les différentes étapes évoquées ci-dessus. 52 D. Propositions concrètes permettant de définir la forme et le contenu d’une intervention financière des pouvoirs publics régionaux L’aide technique et organisationnelle est un des éléments. Un autre est le problème de la compensation financière. Il s’agit ici de propositions qui pourraient être faites à la Région. Cette aide régionale se justifierait par le fait que pour être efficace en terme d’emploi une RTT doit être d’ampleur suffisante, d’une part, mais que pour être supportable par l ’entreprise, elle ne peut pas avoir pour conséquence une hausse trop importante de ses coûts de production. La région pourrait intervenir dans le cadre d'une intervention qui permettrait d'accroître la compensation salariale et donc d'accroître l'acceptabilité de réductions de la durée du travail avec embauche. Une réduction importante de la durée du travail, impliquant une réorganisation des rythmes de travail (semaine de 4 jours, semaines de congé supplémentaires ...) peut se concevoir avec une perte faible de la rémunération nette si les gains en terme de confort, d'organisation du temps libéré sont sensibles. Une intervention de la région pourrait consister à octroyer une prime aux salariés qui réduisent leur durée de travail. On a vu dans les tableaux 3.3 et 3.4 que, dans les deux ans, l'entreprise pourrait très bien accorder une compensation salariale importante sans que cela engendre des coûts supplémentaires. A l'horizon 4 ou 5 ans cependant, les accroissements de masse salariale deviennent importants. Lorsqu'on suppose un sacrifice initial de 6.3% (ce qui est important et probablement inacceptable par les salariés) (tableau 3.3), la situation est évidemment plus favorable à l'entreprise. En supposant que dans le cadre d'une négociation, l'employeur soit d'accord de passer aux 32 heures, mais avec une perte salariale de 4 ou 5%, on pourrait imaginer que la Région octroie une prime d'adaptation qui permette au salarié d'accepter la RTT et à l'entreprise d'étaler dans le temps la compensation salariale. Le tableau 6.1 fournit l'exemple d'une dégressivité de la perte salariale, importante la première année, et qui est amortie presqu'entièrement la cinquième année, qui est aussi celle où l'intervention fédérale est terminée. L'accroissement de la masse salariale se situe dans des normes qui peuvent être acceptables, selon les entreprises bien sûr. La prime d'adaptation pourrait être une prime individuelle dont le montant serait fixé par exemple à 2.500FB/mois la première année, 1.500FB/mois la deuxième, 500FB/mois la troisième année et quatrième année. La difficulté à fixer cette prime est que la perte salariale est décroissante. 53 Tableau 6.1: Compensation salariale progressive Synthèse de scénarios Salaire brut Gains productivité Durée initiale Durée Perte salariale Réduc.cotisation Masse salariale Perte sal mensuelle Prime d'adaptation ANNEE 1 ANNEE 2 ANNEE 3 ANNEE 4 ANNEE 5 730000 1.1% 38 32 4.7% 97000 -1.6% 730000 1.1% 38 32 3.9% 97000 -0.7% 730000 1.1% 38 32 3.2% 64500 3.8% 730000 1.1% 38 32 2.4% 32500 8.3% 730000 1.1% 38 32 1.6% 0 12.9% 2882 2000 2401 1500 1921 1000 1441 500 961 54 CONCLUSION Ce bref rapport a tenté de souligner à la fois quelles étaient les potentialités des politiques d’ARTT et quels étaient les problèmes qui pouvaient en limiter l’efficacité en terme de croissance d’emploi et donc de résorption du chômage. En se replaçant dans une perspective de long terme, on ne peut que constater que la tendance de long terme de réduction de la durée conventionnelle ou légale du travail a été freinée. Si cette situation devait se maintenir, étant donné l’accès de plus en plus important des femmes au marché du travail, il sera impossible de diminuer les taux de chômage significativement, étant donné les taux de croissance économique auxquels on peut raisonnablement s’attendre au cours des prochaines années. Sept raisons pouvant expliquer pourquoi la tendance de long terme à l’ARTT a été freinée ont été identifiées. Une des questions centrales qui se pose, tant pour les décideurs publics, que pour les salariés et les employeurs, est de connaître l’effet d’une réduction et d’un aménagement de la réduction du temps de travail sur la variation des effectifs occupés. Nous avons montré dans la section 2 que cet effet était fonction de plusieurs paramètres : effets de partage, effets directs de productivité et les effets indirects de compétitivité, parmi lesquels la réorganisation des durées de production et de travail et les conditions de la compensation salariale sont primordiales. Les différentes modalités selon lesquelles une réduction de la durée du travail peut s’opérer et les conditions financières qui l’accompagnent sont donc décisives du point de vue de l’effet sur l’emploi. Il n’est pas indifférent de réduire la durée du travail en réduisant le temps de production ou d’accès aux services ou en étendant la durée d’utilisation ou d’accès aux services. Il n’est pas non plus indifférent de savoir comment la compensation financière est programmée, si toutefois elle existe. On retrouvera ces différents paramètres sous la forme d’hypothèses présidant à plusieurs scénarios de simulation macroéconomique. En particulier on verra que les dispositifs similaires à la loi Robien française semblent très prometteurs en emploi, pour un coût quasi nul pour les finances publiques et la sécurité sociale à un horizon de 7 ans. Ces résultats positifs se retrouvent dans la quasi totalité des simulations macroéconomiques. 55 Il est vrai que l’instrument utilisé, les modèles macroéconométriques, ne sont pas parfaitement adaptés à ces scénarios, en particulier on agit sur la durée effective et non sur la durée conventionnelle ou légale; or la durée effective n’est pas directement contrôlable puisqu’elle est fonction non seulement de la durée conventionnelle ou légale mais aussi des fluctuations conjoncturelles. Mais ils restent les seuls instruments utilisables, et les résultats que fournissent les scénarios d’ARTT sont toujours supérieurs en terme d’emploi à d’autres scénarios comme les réductions de cotisations sociale par exemple. Comme le souligne Freyssinet, le peu d’enthousiasme que rencontre la mise en oeuvre de politiques d’encouragement à l’ARTT ne s’explique donc pas par leur manque supposé d’efficacité ex-ante. Concernant la Belgique, ces politiques restent très limitées, à la fois du point de vue des montants budgétaires qu’elles mobilisent et du point de vue de leur champ d’application. Il faut en outre souligner que la mise en oeuvre des dispositifs existants se heurte de surcroît aux dispositions contenues dans la fixation de la norme salariale. L’analyse des différents dispositifs sont analysés du point de vue de leurs avantages et inconvénients. L’analyse du dispositif « Di Rupo » a permis de montrer qu’un tel dispositif devrait permettre de s’engager dans des expériences de réduction de la durée du travail avec un taux d’embauche important et qui permettrait, selon les modalités de la compensation salariale et en supposant un dispositif d’aide complémentaire au plan régional, de ne pas alourdir les coûts unitaires de production de l’entreprise, ces raisonnements étant conduits en supposant au moins un maintien du niveau d’activité avant ARTT. Il serait dès lors intéressant que dans le cadre du Pacte Territorial pour l’Emploi, il soit possible de susciter, d’encadrer et d’aider des entreprises qui désireraient s’inscrire parmi les entreprises pilotes du projet Di Rupo. Cette aide pourrait être de deux ordres : financière, si toutefois les autorités régionales sont prêtes à s’inscrire dans ce processus, comme l’ont fait les deux autres régions, et organisationnelle, sous forme d’un appui technique à l’instauration d’un ARTT : réorganisation du travail et des temps de travail, durée d’utilisation, aide à la formation et à l’embauche, accès aux aides diverses, calcul économique... 56 L’accord récemment conclu à VW Forest est intéressant parce qu’il montre comment un ARTT permet de répondre simultanément aux besoins de l’entreprise (flexibilité dans l’organisation de la production, utilisation intensive du capital investi), à ceux des salariés (réduction de la durée du travail avec maintien du salaire pour le passage à 35 heures), et à ceux des syndicats en tant que représentant des salariés dans leur ensemble (en accroissant le volume d’emploi, notamment via l’embauche d’ex-Renault). Il est également significatif parce que la réduction de la durée du travail y a été organisée de façon dynamique, c’est à dire en programmant sur plusieurs années la compensation salariale et la réduction de la durée du travail. La nature des relations collectives dans l’entreprise, basée notamment sur le fonctionnement des relations collectives en Allemagne, n’est pas étrangère au succès de l’opération. Une question reste cependant ouverte, c’est celle de la non utilisation par l’entreprise des dispositifs d’aide existants (Accords pour l’Emploi, Plan Vande Lanotte ou Di Rupo). Les cas d’ARTT auxquels nous avons été associés ou que nous avons étudiés, montrent l’importance d’une analyse détaillée à la fois en amont et en aval. C’est la raison pour laquelle nous proposons une grille d’analyse méthodologique qui pourrait servir de canevas de départ pour l’étude préalable qui pourrait être faite par la cellule d’appui technique que nous avons évoquée ci-dessus. Les délais très courts qui nous étaient impartis ne nous ont malheureusement pas permis d’étudier d’autres expériences intéressantes d’ARTT, ni de nous livrer à une étude économique systématique, notamment d’un point de vue théorique, ce qui permettrait selon nous d’affiner les modalités et conditions sous lesquelles l’ARTT peut contribuer à la diminution du chômage bruxellois, tout en garantissant la compétitivité des entreprises qui y souscriraient. 57 BIBLIOGRAPHIE ∗ Dominique ANXO ”Conséquences macro-économiques d’une réduction du temps de travail Le cas suédois”. In: Séminaire International sur le Temps de Travail (1989) Actes de la 3e conférence. Vienne/ Autriche, 12 - 15 décembre 1989. ∗ BINOTTO, DEBAILLE et JOYE, Rapport annuel d’évaluation des politiques menées au regard des objectifs du PRD-Economie et Emploi, 1998. ∗ BRUNHES Bernard (Commissariat général du Plan. Groupe “Emploi” présidé par) (1993) Choisir l’emploi. Paris, La documentation Française. ∗ Bureau Fédéral du Plan, "La loi Robien", Working Paper, avril 1997. ∗ CETTE Gilbert (1994) La réduction du temps de travail est-elle la solution au problème du chômage qui frappe les pays industrialisés? [...] in: La Recherche, n°268, septembre 1994. ∗ CETTE Gilbert, TADDEI Dominique (1994) Temps de travail mode d’emplois. Paris, Editions La Découverte. ∗ INS, Enquête force de travail, 1996. ∗ FREYSSINET Jacques (1994) Durées du travail: politique de l’emploi et négociation collective 1978-1983. Document de travail n°94.02. ∗ HEYLEN Freddy, KESENNE Stefan, VAN TRIER Walter (1994) Le chômage et le réaménagement du temps de travail. in: Reflets et Perspectives de la ie économique. Tome XXXIII -1994 -1/2. ∗ Femmes CSC de Liège. Anne-Marie MEUNIER (1988) Le crédit temps Document interne. ∗ Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE), Lettre de l'OFCE Observations et diagnostics économiques, n° 158, Paris, vendredi 31 janvier 1997. ∗ RIGAUDIAT Jacques (1993) Réduire le temps de travail Paris, Syros ∗ VW-Forest explore la réduction du temps de travail, Le Soir, 17 septembre 1997. 58 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION ........................................................................................................................................................... 1 SECTION 1 : IDENTIFICATION DES OBSTACLES À LA RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL :....... 4 SECTION 2 : AMÉNAGEMENT-RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL ET EFFETS SUR L'EMPLOI ... 8 A. EFFETS SUR LA CRÉATION D'EMPLOI SELON LES MODALITÉS D'AMÉNAGEMENT-RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL ........................................................................................................................................... 8 1. Les formules de réduction du temps de travail............................................................................................ 8 2. Les formules d'aménagement du temps de travail..................................................................................... 10 B. CONDITIONS D'UN EFFET POSITIF SIGNIFICATIF SUR L'EMPLOI............................................................................... 13 1. Effet de partage.......................................................................................................................................... 13 2. Effet direct de l'augmentation de la productivité ...................................................................................... 13 3. Effet indirect de compétitivité .................................................................................................................... 14 C. PRINCIPAUX RÉSULTATS MACRO-ÉCONOMIQUES ................................................................................................. 16 SECTION 3 : ANALYSE DES INSTRUMENTS EXISTANTS ................................................................................ 19 A. RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL (RTT) DANS LES POLITIQUES DE L'EMPLOI ................................................. 19 B. LES DISPOSITIFS EXISTANTS.................................................................................................................................. 20 1. Dispositifs fédéraux.................................................................................................................................... 20 2. Dispositifs régionaux ................................................................................................................................. 28 C. LES DISPOSITIFS ÉTRANGERS : LOI DE ROBIEN ..................................................................................................... 29 D. TRANSPOSITION DE LA LOI "ROBIEN" AU CAS DE LA BELGIQUE - PRINCIPALES HYPOTHÈSES ............................. 31 SECTION 4 : AMÉNAGEMENT-RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL DANS LE CADRE DU TISSU ÉCONOMIQUE BRUXELLOIS ................................................................................................................................. 39 A. CARACTÉRISTIQUES DES ENTREPRISES ET DE L’EMPLOI....................................................................................... 39 1. La population active bruxelloise ............................................................................................................... 39 2. Distribution de l’emploi............................................................................................................................. 39 3. Diminution de l’emploi et accroissement du travail à temps partiel et intérimaire................................. 42 4. Taille des entreprises et emploi ................................................................................................................. 43 B. CONTOURS D’UNE POLITIQUE D’ARTT................................................................................................................ 43 SECTION 5 : ANALYSE D'EXPÉRIENCES INNOVANTES EN MATIÈRE DE RÉDUCTION DE LA DURÉE DU TRAVAIL ...................................................................................................................................................................... 44 SECTION 6 : PROPOSITIONS CONCRÈTES........................................................................................................... 49 A. PROPOSITIONS CONCRÈTES PERMETTANT DE SUSCITER ET D'ENCADRER DES EXPÉRIENCES-PILOTE DANS LE CADRE DU DISPOSITIF "DI RUPO" .......................................................................................................... 49 B. PROPOSITIONS CONCRÈTES PERMETTANT DE FOURNIR AUX PARTENAIRES SOCIAUX L'ENCADREMENT TECHNIQUE, JURIDIQUE ET ÉCONOMIQUE NÉCESSAIRE (NOTAMMENT POUR LES PME)....................................... 49 C. GRILLE D'ANALYSE MÉTHODOLOGIQUE ............................................................................................................... 50 1. Analyse de la demande .............................................................................................................................. 50 2. Elaboration d'un diagnostic stratégique ................................................................................................... 51 3. Etude de faisabilité..................................................................................................................................... 51 4. Conception et mise en oeuvre .................................................................................................................... 52 D. PROPOSITIONS CONCRÈTES PERMETTANT DE DÉFINIR LA FORME ET LE CONTENU D’UNE INTERVENTION FINANCIÈRE DES POUVOIRS PUBLICS RÉGIONAUX................................................................................................. 53 CONCLUSION.............................................................................................................................................................. 55 BIBLIOGRAPHIE......................................................................................................................................................... 58 59