L`halluciné
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L`halluciné
2,00 € Première édition. No 10917 MARDI 28 JUIN 2016 www.liberation.fr DU BREXIT AU BREX... PSCHITT? PAGES 2-6 Maurice G. Dantec L’halluciné AUX CONFINS DU POLAR ET DE LA SF, LE ROMANCIER EST MORT À 57 ANS, PAGES 26-28 «UN QUINTAL DE VIANDE EN COLÈRE», UNE NOUVELLE DE DANTEC ÉCRITE POUR «LIBÉRATION», PAGES 28-29 IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,50 €, Andorre 2,50 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,00 €, Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 €, Espagne 2,50 €, Etats-Unis 5,00 $, Finlande 2,90 €, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,90 €, Irlande 2,60 €, Israël 23 ILS, Italie 2,50 €, Luxembourg 2,00 €, Maroc 20 Dh, Norvège 30 Kr, Pays-Bas 2,50 €, Portugal (cont.) 2,70 €, Slovénie 2,90 €, Suède 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300 CFA. FRANCESCO ACERBIS . SIGNATURES Partir tout en gardant les avantages? Jouer la montre? Revoter? Les stratégies de contournement du référendum britannique se multiplient à Londres. En face, les dirigeants européens entendent engager rapidement le processus de sortie. 2 u Libération Mardi 28 Juin 2016 Londres parti pour rester? Même si David Cameron s’est défendu de vouloir aller contre le vote populaire, il refuse d’être celui qui appuiera sur le bouton de l’article 50. Et quatre jours après le référendum, les contours d’un départ du Royaume-Uni de l’Union européenne restent extrêmement flous. Par JEAN QUATREMER Correspondant à Bruxelles L e «Brexit» va-t-il se terminer en «Brexpschitt» ? Entre un RoyaumeUni en plein chaos (lire ci-contre) et des Européens hésitant entre une ligne dure, celle du «Brexit now» –qui est celle de l’Allemagne, de la France et de l’Italie après le mini-sommet de lundi à Berlin–, et une plus compréhensive (qui laisserait du temps au temps), la date de sortie effective de Londres semble s’éloigner. Normalement, elle est fixée à juin 2018 au plus tard. Certains, tant sur le continent qu’en Grande-Bretagne, en sont à espérer soit une nouvelle consultation, soit, carrément, que le référendum britannique connaisse le même destin «S’engager dans un processus de séparation sans savoir comment on va ensuite commercer serait suicidaire.» UN DIPLOMATE EUROPÉEN que la consultation grecque de juillet 2015 que le gouvernement d’Aléxis Tsípras s’était empressé d’ignorer… Une éventualité que le Premier ministre démissionnaire, David Cameron, a voulu écarter, lundi, devant la Chambre des communes: «Le vote clair des Britanniques doit être respecté. Le processus doit être enclenché.» Une déclaration martiale aussitôt tempérée: ce n’est pas lui qui appuiera sur la gâchette de l’article 50 du traité européen qui organise la sortie d’un Etat membre, mais son successeur qui devrait prendre ses fonctions en septembre. Surtout, il souhaite que le Royaume-Uni «détermine le genre de relation que nous voulons désormais avoir avec l’Union européenne», notamment afin de garantir «le meilleur accès possible au marché unique», avant de se lancer dans le processus du divorce. «C’est au Royaume-Uni de mettre en œuvre l’article 50 et uniquement au Royaume-Uni», a-t-il martelé. Son ministre des Finances, George Osborne, avait été encore plus clair le matin même: la Grande-Bretagne attendra d’avoir «une vision claire des nouveaux arrangements recherchés avec nos voisins européens» avant de demander à partir. Boris Johnson, le leader conserva- teur de la campagne du leave et possible futur locataire du 10, Downing Street, affirme lui aussi qu’il n’y a pas «urgence» à quitter une Union qu’il a pourtant présentée pendant la campagne comme un «nouveau Reich». Dans un article publié dans le Daily Telegraph, il proclame, sûr de lui, que la Grande-Bretagne continuera à avoir un plein accès au marché unique, mais sans la libre circulation des personnes, l’une des quatre libertés (avec la libre circulation des biens, des services et des capitaux) sur laquelle l’UE n’a pourtant jamais transigé… En clair, les conservateurs, qu’ils soient en faveur du remain ou du leave, veulent rester maîtres de l’agenda de sortie. «L’article 50 laisse trop de choix» «Londres joue la montre, c’est insupportable», dénonce la Luxembourgeoise Viviane Reding, députée européenne conservatrice (PPE) et ancienne vice-présidente de la Commission. «L’article 50 laisse trop de choix au gouvernement britannique», se désole son collègue allemand de la CDU Andreas Schwab. C’est exactement ce que redoutait la France : que Londres se Suite page 4 Libération Mardi 28 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 3 La livre dévisse, Cameron se désiste et Corbyn résiste Les candidats au poste de Premier ministre devront se déclarer jeudi. En attendant, le Royaume-Uni n’en finit plus de sombrer dans la crise de nerfs. C’ est donc confirmé. Il n’y avait pas de plan, ni A, ni B, ni C. Rien. Ni le camp du leave, ni le gouvernement, ni même l’opposition travailliste n’avaient semble-t-il envisagé que 51,9% des Britanniques puissent choisir de quitter l’Union européenne. D’où la sidération initiale, d’où l’absence de réactions pendant plus de quarante-huit heures après le vote, d’où désormais un certain sentiment de panique. Et une forme de déni qui paraît extraordinaire. Il est aussi confirmé que les mises en garde des grandes institutions internationales sur les conséquences d’un Brexit pour l’économie britannique n’étaient pas du bluff. La livre sterling a continué lundi à chuter lourdement, alors que les marchés étaient tous en baisse. Et ce en dépit de la réapparition, à l’aube, du ministre des Finances, George Osborne, pour tenter de rassurer tout le monde. Le Premier ministre, David Cameron, s’est présenté devant le Parlement pour la première fois depuis l’annonce de sa démission prochaine. Devant la Chambre des communes, il a écarté tout nouveau référendum. Son plus grand rival, le blond peroxydé Boris Johnson, était l’un des seuls députés – si ce n’est le seul– à ne pas s’être déplacé au Parlement. Sans doute trop occupé à élaborer en urgence un plan quelconque. Dans la matinée de lundi, il avait publié une étonnante tribune dans le Daily Telegraph, où il tentait de rassurer en expliquant qu’en gros rien, absolument rien, n’allait changer après cette décision historique. Il ajoutait que l’effet négatif sur les marchés avait été surestimé. Pendant ce temps, la livre atteignait son plus bas niveau depuis trente et un ans… A Westminster, vendredi. PHOTO IMMO KLINK «MEILLEURS FONCTIONNAIRES» Le départ de David Cameron du 10, Downing Street pourrait finalement intervenir avant la fin de l’été. Les conservateurs ont annoncé que les candidatures à la direction du parti devraient être déposées avant jeudi et qu’un nouveau leader – et donc Premier ministre – devrait être élu avant le 2 septembre. D’ici là, David Cameron expédie les affaires courantes. Il a plusieurs fois insisté sur le fait que «les décisions clés devront être prises par le nouveau Premier ministre», annonçant en attendant la création d’une «unité UE» composée des «meilleurs fonctionnaires» pour préparer les négociations de sortie. Ces fonction- naires font face à ce qui est «probablement l’une des tâches les plus importantes et complexes qu’ils auront eu à remplir depuis des dizaines d’années», a prévenu David Cameron. Le Premier ministre a ajouté que cette unité travaillerait en étroite collaboration avec les Parlements semi-autonomes d’Ecosse, du pays de Galles et d’Irlande du Nord, et même avec les autorités de Gibraltar, pour que «tous soient impliqués» dans les décisions à venir. Sachant qu’à part le pays de Galles, les trois autres provinces ont voté pour rester dans l’UE, la tâche s’annonce compliquée. En principe, ces Parlements pourraient s’opposer au Brexit, mais Westminster reste souverain sur la décision finale. Même si l’immense majorité des députés de ce Parlement a également voté en faveur du remain. PRESQUE DÉTENDU L’ancien chef du parti libéral-démocrate Nick Clegg a appelé à l’organisation d’élections anticipées. Cameron a botté en touche, rappelant qu’une telle décision serait de la responsabilité du prochain Premier ministre. Il a conclu son discours par une déclaration quelque peu surprenante : «Le RoyaumeUni quitte l’Union européenne, mais nous ne devons pas tourner le dos à l’Europe et au reste du monde.» A se demander ce qu’était vraiment ce référendum. Etonnamment, David Cameron est apparu presque détendu. Il s’est même fendu d’une série de piques en direction du chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn : «Et je croyais que je passais une sale journée», a dit Cameron, provoquant des fous rires nerveux aux Communes. Pour ajouter au bazar ambiant, Corbyn se retrouve aux prises avec une rébellion sans précédent. Les membres de son cabinet fantôme ont passé la journée à démissionner, envoyant l’un après l’autre des lettres cinglantes de démission, rendues publiques. Une curée. Toutes lui reprochent son manque d’engagement dans la campagne du remain, son manque de leadership et lui demandent de quitter la direction du Labour. Quelque 57 députés travaillistes, tout juste élus en 2015, ont signé une lettre demandant sa démission, et même l’association des jeunes du Labour (dont beaucoup avaient soutenu avec enthousiasme la candidature de Corbyn en septembre) lui a retiré sa confiance. Jeremy Corbyn s’accroche, s’appuyant notamment sur le soutien des syndicats. Mais une motion de défiance devrait être votée ce mardi, ce qui pourrait ne pas lui laisser de choix. La crise de nerfs continue en Grande-Bretagne. En attendant, la reine n’a toujours pas montré l’ombre d’un bibi. SONIA DELESALLE-STOLPER Correspondante à Londres 4 u Libération Mardi 28 Juin 2016 serve de l’article 50 comme d’un instrument de chantage afin d’obtenir le statut le plus favorable possible. Autrement dit, jusque-là, Londres avait un pied dans l’Union européenne et un pied en dehors; la Grande-Bretagne cherche maintenant à obtenir l’inverse. Suite de la page 2 Le beurre, l’argent du beurre et… L’une des hypothèses qui circulent à Bruxelles est que David Cameron pourrait demander, lors du sommet européen qui s’ouvre mardi soir à Bruxelles, un statut taillé sur mesure qui serait encore plus dérogatoire que celui dont jouit déjà son pays, puisqu’il est hors de la monnaie unique, de l’Union bancaire, de Schengen, de la politique d’immigration et d’asile, de la sécurité intérieure, de la défense, etc.. Une sorte de «février plus», comme le craint Guy Verhofstadt, le président du groupe libéral au Parlement européen, en référence à l’accord que David Cameron avait arraché au Conseil européen de février et qui lui aurait permis d’être totalement dégagé de toute intégration politique supplémentaire ou encore de discriminer les ressortissants communautaires en matière de prestations sociales. Ce nouvel accord en ferait un membre totalement à part (par exemple en le dégageant de la politique agricole commune), ce qui permettrait au gouvernement britannique de convoquer un nouveau référendum afin de rester, à ses conditions, dans l’Union. En résumé, Londres obtiendrait le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Sans aller jusque-là, la plupart des Européens ayant conscience qu’un tel statut dérogatoire servirait la cause des populistes anti-européens du continent et pousserait d’autres pays à demander le même traitement, la Commission cherche le meilleur moyen de limiter les conséquences économiques d’une rupture brutale. «Il faut bien voir que nos entreprises, nos agriculteurs, nos pêcheurs, nos chercheurs, nos étudiants vont souffrir si on ne trouve pas un arrangement avec Londres, explique un haut fonctionnaire européen. S’engager dans un processus de séparation, sans savoir comment on va ensuite commercer avec un pays qui restera un partenaire important de l’Union, serait suicidaire.» Une partie de l’exécutif européen comprend donc que Cameron temporise avant d’activer l’article 50: «Certains pensent qu’il vaudrait mieux appeler la Grande-Bretagne à le faire jouer aussitôt que possible plutôt qu’immédiatement», poursuit ce même haut fonctionnaire. De même, une partie de la Commission et du Parlement européen est prête à négocier en même temps la rupture et le futur statut de la Grande-Bretagne, là aussi pour ne pas nuire à l’économie du Vieux Continent. Les Etats membres, pour l’instant, ne sont pas sur cette ligne : les Vingt-Sept veulent d’abord négocier la rupture avant de se prononcer sur un nouveau statut pour que Londres paye le prix de son départ : «On ne pourra faire de nouveaux arrangements que lorsque le divorce sera finalisé», dit-on dans l’entourage du président du Conseil européen, Donald Tusk. Les Vingt-Sept ont aussi convenu de refuser toute négociation bilatérale que voudrait engager Londres avec ses partenaires afin de mieux les diviser. Bref, si la confusion est britannique, elle est aussi largement européenne. «Il n’y a pour l’instant pas de stratégie claire de l’Union», regrette Andreas Schwab, même si Berlin, Paris et Rome semblent désormais d’accord sur l’essentiel. Le Conseil européen qui s’ouvre ce soir se ralliera-t-il à cette ligne dure ? Réponse mercredi. • François Hollande, Angela Merkel et Matteo Renzi, lundi à Berlin. PHOTO JOHN MACDOUGALL. AFP Manuel Valls, Matteo Renzi et François Hollande dans la cour de l’Elysée, samedi. PHOTO MARC CHAUMEIL Libération Mardi 28 Juin 2016 u 5 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Après que l’Elysée a multiplié les contacts avec les «pays du Club Med», Paris, Berlin et Rome ont affiché lundi soir leur volonté de promouvoir une «nouvelle impulsion» pour l’UE. Hollande joue la carte du Sud… A entendre les diplomates français lundi, les différences qui se faisaient jour entre Paris et Berlin sur le rythme des opérations post-Brexit n’étaient qu’une simple question de tonalité, à la rigueur de vocabulaire, mais surtout pas une divergence de fond. «Les Français aiment le mot “initiative”, les Allemands aiment celui de “stabilité”. François Hollande dit “sursaut”, Angela Merkel dit “renforcement”», relativisait une source diplomatique. «En temporisant, Merkel fait exactement ce qu’on reproche d’habitude à Hollande mais qu’il ne fait pas cette fois-ci», analysait un membre du gouvernement, pour qui «il faut être ferme sur la rapidité [du processus de sortie du Royaume-Uni]. Si on ne réussit pas ça, on peut avoir quinze années de blocage à cause des Britanniques». Le mini-sommet de Berlin, où Merkel et Hollande ont été rejoints par le président du Conseil italien, Matteo Renzi, lundi soir, a été l’occasion d’ajuster un discours commun, après trois jours de temporisation allemande et à la veille d’un Conseil européen crucial. Merkel «veut de la stabilité quand les Britanniques créent de l’instabilité, analyse un proche du chef de l’Etat. Aujourd’hui, il faut remettre un cadre, et l’allié sur lequel elle peut compter pour ça s’appelle Hollande». D’autant que les quatre plus grandes formations du Parlement européen s’étaient prononcées pour la position française : engager le Brexit dès mardi. Vu l’onde de choc provoquée par le référendum britannique, parvenir à afficher lundi soir une position commune des trois pays qui pèsent 70 % du PIB européen faisait peu de doute. Tout dépend désormais de ce qu’on met concrètement dans les propositions. Il y a sur la table des avancées en matière de sécurité et de défense, une relance de la croissance et de l’investissement, et de nouvelles initiatives en direction de la jeunesse. Soit peu ou prou, avec une «gouvernance de la zone euro», les propositions que la France préconise depuis quatre ans sans jamais avoir obtenu l’aval de l’Allemagne. Qui a donc mis de l’eau dans son vin en acceptant, lundi soir, une «nouvelle impulsion» européenne dans les mois à venir. Pour justifier ce virage sur l’aile allemand, un conseiller présidentiel as- sure que «le contexte a changé» après les attentats et le Grexit évité. «On ne peut plus se permettre d’attendre la prochaine crise.» Parallèlement au jeu diplomatique classique entre Paris et Berlin, Hollande a joué sur deux leviers pour faire bouger la chancelière. En jouant la carte de l’Europe du Sud. Avec Matteo Renzi, mais aussi le Premier ministre grec, Aléxis Tsípras, qu’il a eu au téléphone samedi, l’Espagne et le gouvernement portugais, François Hollande parie sur un rééquilibrage de l’Europe en faveur des «pays du Club Med», méprisés par la prospère Europe du Nord. En travaillant ensuite l’Europe sociale-démocrate, dont il doit accueillir les leaders à Paris en fin de semaine. Pendant le week-end, il a multiplié les contacts avec le SPD allemand, allié de Merkel au sein d’une grande coalition. «On n’est pas là pour l’embêter, mais pour l’entraîner», assure-t-on dans l’entourage du Président, où on balaie l’idée que l’Allemagne rechignerait à faire cause commune avec un dirigeant qu’elle estime à bout de souffle à un an de l’élection présidentielle. «On est dans une période historique, veut croire un diplomate hexagonal. L’heure n’est plus à la politique politicienne.» LAURE BRETTON LE PS PRUDENT SUR L’EUROPE Ce coup-ci, ils font attention à ne pas afficher leurs divisions. La direction du PS a présenté lundi soir en bureau national ses propositions sur l’Europe pour 2017. Sans prendre de risques. Pas question de s’engager sur la voie d’un nouveau traité, mais une profusion de «pactes»: sur la sécurité, la démocratie et les investissements (écologiques, numériques, jeunesse). Jean-Christophe Cambadélis a ainsi réclamé «un pas supplémentaire dans la sécurité avant l’automne» et «un deuxième plan Juncker». «Ce qui est mort avec le Brexit, c’est la conception anglaise de l’Europe, a-t-il dit. Celle du grand marché refusant de mutualiser les solidarités.» A lire en intégralité sur Libé.fr … pendant que Merkel joue la montre en faisant front commun S eulement trois jours après le coup de tonnerre britannique, Angela Merkel a montré qu’elle n’avait pas l’intention de préparer l’avenir de l’UE dans la précipitation. C’est ce qu’elle a fait comprendre à plusieurs reprises lundi à Berlin, avant un dîner de travail préparatoire au sommet européen de ce mardi et mercredi avec François Hollande et Matteo Renzi. Malgré tout, lors d’un point de presse préalable, les trois dirigeants ont tenu à souligner que, dans les grandes lignes, ils étaient déterminés à marcher ensemble et qu’ils travaillaient à donner «une nouvelle impulsion» à l’Europe. Mais cette entente affichée cache mal les désaccords plus profonds sur l’art et la manière. Emballement. Auparavant, à l’occasion d’une conférence de presse, Merkel avait expliqué qu’on «ne peut pas se permettre une longue période d’incertitude […] mais que le Royaume-Uni a besoin d’un certain temps pour analyser les choses, je le comprends». Pour la chancelière, «la demande doit venir du gouvernement britannique». «Je n’ai là ni de frein ni d’accélérateur», a-t-elle expliqué, faisant comprendre qu’elle n’était pas prête à faire pression sur Londres. Une position diamétralement opposée à celle du président du Parlement européen, Martin Schulz. Le social-démocrate allemand a expliqué lundi qu’il attendait la demande officielle des Britanniques dès ce mardi. Cette volonté d’éviter l’emballement des discussions, la chancelière l’a aussi clairement exprimée par la voie de son porte-parole, Steffen Seibert. Face à la presse, celui-ci a ravalé lundi au rang de simple «apport à la discussion» le papier publié le matin même sur le site du ministère des Affaires étrangères. Intitulé «Pour une Europe forte dans un monde incertain», et conjointement signé par les ministres allemand et français, Frank-Walter Steinmeier et Jean-Marc Ayrault, le document ne propose rien de moins qu’un «approfondissement de l’intégration politique européenne» comme réponse au Brexit. Concédant qu’il existe des «niveaux d’ambition d’intégration différents» parmi les pays et donc qu’il peut y avoir une Europe à plusieurs vitesses, les deux ministres prônent une intégration plus poussée en matière de sécurité, une politique d’asile européenne et une convergence économico-budgétaire renforcée dans la zone euro, évoquant même un budget commun de l’union monétaire. Lundi matin, le patron du SPD, Sigmar Gabriel, a aussi abondé en ce sens : «Nous avons près de 20 millions de chômeurs en Europe. On l’oublie parfois en Allemagne à cause de notre bonne situation économique. Nous avons sept ans de politique d’austérité derrière nous. Je trouverais cela préférable que nous formions un fonds de financement permet- Merkel préfère poser toutes les options sur la table avant de décider, comme lors de la crise des réfugiés. tant de soutenir et récompenser les Etats membres via des aides à l’investissement dans l’infrastructure numérique, dans la recherche ou l’éducation», a expliqué celui qui rêve de battre Merkel en 2017. Options. De tout cela, la chancelière ne veut pas ou pas encore. Mais pourquoi ? «Elle veut utiliser le report offert. Comme lors des crises de l’Euro et des réfugiés, l’Allemagne a pris son temps, et Cameron lui en donne», estime le quotidien Tagesspiegel. Merkel a toujours préféré poser toutes les options sur la table avant de décider. Lors de la crise des réfugiés, «la chancelière a sous-estimé la réaction négative des pays de l’Est qui lui ont fait amèrement payer cet oubli», estime un député conservateur allemand. De plus, l’opposition intérieure – les conservateurs bavarois et les populistes de l’AFD, contre tout renforcement des contrôles de Bruxelles sur les politiques budgétaire et migratoire du pays –, reste forte et électoralement dangereuse. Enfin, il ne faut pas oublier l’économie allemande. Selon le quotidien Bild, un papier interne du ministère des Finances estime qu’il faudrait à tout prix que Londres garde un accès au marché intérieur européen, histoire de ne pas trop affecter les intérêts allemands, à commencer par ceux de l’industrie automobile. Au final, la chancelière a annoncé qu’elle ferait une déclaration de politique générale devant le Bundestag ce mardi matin, avant son départ pour Bruxelles. On pourra alors juger de la réelle force de persuasion de Hollande et Renzi. THOMAS SCHNEE (à Berlin) 6 u Libération Mardi 28 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe SUR LIBÉRATION.FR Retrouvez nos tribunes à propos du Brexit Une «Lettre ouverte à Cameron» d’Alexis Poulin ; une analyse politique sur «Le pari perdu de David Cameron» signée Catherine Marshall ; mais aussi un témoignage de l’intérieur, un jeune assistant parlementaire à Bruxelles racontant «Les nuits troyennes de l’Europe». Ou encore le décryptage d’une juriste, Florence Chaltiel, pour qui «il ne reste plus qu’à réinventer l’Europe». Le Brexit, cet anti-Grexit tades («out c’est out», «leave means leave»). Mais l’Allemagne ne l’entend pas de cette oreille, et il n’y aura aucune unanimité, sauf de façade. Le plus vraisemblable, au terme d’une période de tensions, dont l’issue ne sera pas tant déterminée par les opinions publiques que par les fluctuations des marchés financiers, c’est qu’on aboutira à la fabrication d’une nouvelle géométrie du «système» des Etats européens, dans lequel l’appartenance formelle à l’Union européenne sera toujours compensée par d’autres structures : oin de moi l’idée de minimiser le l’eurozone, mais aussi l’Otan, le caractère dramatique des consésystème de sécurité aux frontières qui quences que va entraîner le vote succédera à Schengen, et une «zone de du Royaume-Uni: pour les Britannilibre-échange» à définir en fonction ques et pour l’Europe. Mais je suis des rapports de force économiques. De frappé de la façon dont les titres de la ce point de vue aussi la comparaison presse française et étrangère nous préentre le Grexit et le Brexit peut s’avérer sentent les choses: «Après le Brexit…» instructive : la faiblesse de la Grèce, A de rares exceptions près, tous semabandonnée par tous ceux qui, blent tenir pour aclogiquement, auraient quis que le divorce a dû soutenir ses ÉTIENNE eu lieu. En réalité, revendications, a nous entrons certaimené à un régime BALIBAR nement dans une d’exclusion intérieure ; PHILOSOPHE phase de turbulences, la force relative du auteur de mais dont l’issue n’a Royaume-Uni (qui «Europe, crise rien de clair. C’est peut compter sur de cette incertitude que solides appuis dans et fin?» (éd. du je voudrais essayer de l’UE) conduira sans Bord de l’eau) commenter et d’interdoute à une forme préter. On le sait bien, accentuée d’inclusion comparaison n’est pas extérieure. Est-ce raison, et cependant à dire qu’aucun comment ne pas raptournant ne vient peler que, dans l’hisd’être pris ? toire récente de la poEvidemment non. litique européenne, Examinons les référendums nabrièvement le «côté tionaux ou transnaanglais» et le tionaux ne sont «côté européen», jamais mis en appliavant de dire pourquoi cation? Ce fut le cas ils ne sont pas en 2005 et en 2008 à propos de la séparables, mais représentent les «Constitution européenne» et du traité deux côtés d’une même médaille. de Lisbonne, plus encore évidemment Il est évident que l’histoire particulière en 2015 à propos du mémorandum de la Grande-Bretagne, son passé imposé à la Grèce. Il en sera très probaimpérial, son histoire sociale faite de blement de même cette fois-ci. La renversements brutaux, doivent être classe dirigeante britannique, par-delà pris en compte pour expliquer les conflits de personnes qui l’ont divil’émergence d’un sentiment «antisée tactiquement, est à la manœuvre européen» hégémonique. Les analyses pour retarder l’échéance et négocier au qui nous sont proposées montrent que mieux les termes de la «sortie». Cercelui-ci recouvre une extraordinaire tains gouvernements (le français en diversité de mobiles, répartis selon tête), ainsi que les porte-parole de la des facteurs de classe, de génération, Commission, multiplient les rodomon- de nationalité et d’ethnicité. Faible, Athènes a été ostracisé à l’intérieur des frontières de l’Union. Il y a fort à parier que le processus sera inverse pour les Britanniques: la géométrie du système européen s’adaptera pour les réintégrer par la bande. DR L Potentiellement, ils sont contradictoires entre eux, et c’est cette contradiction que recouvre le discours «souverainiste» qui a été manipulé par les partisans du Brexit. On doit donc se poser la question de savoir pendant combien de temps il sera en mesure de masquer le fait que, tout particulièrement, les ravages économiques et sociaux dont sont aujourd’hui victimes une proportion croissante des «nouveaux pauvres» du royaume sont dus aux effets cumulés des politiques néolibérales que l’UE n’a pas imposées seule à la GrandeBretagne, puisque celle-ci en a été au contraire, dès l’époque Thatcher, puis celle du New Labour, un des plus actifs soutiens pour l’Europe entière. Par luimême, le Brexit –quelles qu’en soient les modalités– n’apportera aucun correctif à cette situation. Sauf si, évidemment, une politique alternative devenait majoritaire. Mais il faudrait pour cela, et ce n’est pas le moindre paradoxe de la situation, qu’elle ait sa contrepartie sur le continent, car la loi de la concurrence entre les «territoires» va s’imposer plus que jamais. Ce qui nous mène au côté «européen». Toutes spécificités dûment prises en compte, aucun des problèmes qui frappent le Royaume-Uni n’est absent des nations européennes. C’est ce qu’il y a de vrai dans la propagande «populiste» («ni droite ni gauche») qui se déchaîne maintenant dans toute l’UE, réclamant des référendums sur le modèle anglais. Déjà en 2005, le chancelier Schmidt avait observé que, sauf exception, des consultations sur le modèle français et néerlandais auraient donné partout des résultats négatifs. La crise de légitimité, le retour du nationalisme, la tendance à projeter le malaise social et culturel sur un «ennemi de l’intérieur» ciblé par des partis xénophobes et islamophobes, se sont développés partout. La crise grecque a été utilisée par des gouvernements acquis à l’austérité sociale pour faire de la dette publique le fantasme des contribuables. La crise des réfugiés a été amalgamée avec les questions de sécurité. En clair, ce qui se manifeste outre-Manche comme «séparatisme» se traduit partout en Europe comme tendance à l’éclatement des sociétés, aggravation de leurs fractures internes et externes. Disons mieux : nous avons franchi un seuil dans le processus de désagrégation de la construction européenne, non pas à cause du vote britannique, mais en raison de ce qu’il révèle de tendances à la polarisation de l’ensemble européen et de crise politique, qui est aussi morale. Non seulement, comme je l’ai écrit, nous sommes dans un «interrègne», mais nous assistons à un processus destituant qui, pour l’instant, n’a pas de contrepartie constituante. Impuissants? C’est toute la question. A court terme, je suis très pessimiste, parce que les discours de «refondation» de l’Europe sont entre les mains d’une classe politique et technocratique qui n’envisage aucune transformation des orientations qui lui assurent la bienveillance du pouvoir occulte (celui des marchés financiers), et ne veut pas réformer en profondeur le système de pouvoir dont elle tire son monopole de représentation. Et par voie de conséquence, la fonction de contestation est assumée par des partis et des idéologues qui tendent à détruire les liens entre les peuples (ou plus généralement les résidents) européens. Il faudra une très longue marche pour que se conjuguent et se précisent aux yeux d’une majorité de citoyens, à travers les frontières, l’étroite interdépendance entre souveraineté partagée, démocratie transnationale, altermondialisation, codéveloppement des régions et des nations, traduction entre les cultures. Nous n’en sommes pas là, et le temps court… Raison de plus –si nous croyons à l’Europe– pour en poursuivre l’explication sans relâche. • Comment ne pas rappeler que, dans l’histoire récente de la politique européenne, les référendums nationaux ou transnationaux ne sont jamais mis en application. Ce fut le cas en 2005 et en 2008 à propos de la «Constitution européenne» et du traité de Lisbonne, plus encore évidemment en 2015 à propos du mémorandum imposé à la Grèce. Il en sera très probablement de même cette fois-ci. Libération Mardi 28 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 7 SUR LIBÉRATION.FR EXPRESSO/ Témoignages La Marche des fiertés aura cette année pour thème les droits des personnes transgenres et transsexuelles, dont le rejet revêt mille visages, des moqueries aux violences en passant par l’exclusion. Si vous êtes trans et que vous y avez été confrontés, raconteznous votre expérience via [email protected] ou sur Twitter, via le hashtag #transphobie. Le minishort, chiffon rouge qui en dit long sur le sexisme moral Le témoignage d’une jeune femme disant avoir été agressée car jugée trop court vêtue souligne la stigmatisation à l’œuvre dans l’espace public. Mais le vêtement n’est pas le seul gardien de la vertu des filles: la mobilité géographique a aussi son importance. A Toulon, «ce n’est pas pour rien que ça s’est passé dans un bus, note Isabelle Clair. Les transports sont particulièrement stigmatisés parce que ce sont des lieux de perdition des filles. Sur mes terrains de recherche, j’entends souvent qu’“une fille qui bouge, c’est une fille qui cherche”.» En somme, quelle autre raison une fille aurait-elle de s’approprier l’espace public que de vouloir séduire, ce que son statut de femme ne devrait pas lui permettre? Et la critique d’un tel comportement est exacerbée lorsque des rapports de classe sont à l’œuvre. «En pointant du doigt une fille ou une femme qui n’est pas du même statut social et qui peut être dominante, on retourne le stigmate. L’insulte stigmatise la femme qui les opprime, pas la femme en tant que femme», a pu constater Isabelle Clair. Et en le faisant en groupe, les filles montrent d’autant plus qu’elles, au moins, font ce qu’il faut comme il faut. «Elles se hissent» socialement, affirme la sociologue. Par ELSA MAUDET S amedi, à Toulon, ils étaient une centaine à marcher, en short. Des hommes et des femmes, pancartes à la main, qui ont réagi à l’agression verbale dont Maude Vallet dit avoir été victime, il y a deux semaines. Cette Toulonnaise de 18 ans affirme sur sa page Facebook avoir été la cible d’insultes de la part d’un groupe de cinq filles, sous prétexte qu’elle portait un minishort, ses agresseuses lui ayant notamment lancé: «T’es une femme, faut se respecter sale conne.» Si les circonstances exactes de l’altercation ne sont pas connues (nous avons tenté de joindre Maude Vallet, sans succès), elle illustre les rapports sexistes à l’œuvre dans la société. Quand bien même l’agression venait d’un groupe de filles. «La domination masculine fonctionne là-dessus : si des femmes n’y cédaient pas, elle ne fonctionnerait plus depuis longtemps, résume l’historienne Christine Bard, auteure de Ce que soulève la jupe (Autrement, 2010). Les femmes peuvent être gardiennes de la morale.» Cheveux. Car le vêtement féminin est censé refléter une supposée moralité sexuelle : une fille bien se couvre, une traînée se dévoile. «Parler du vêtement est une façon de parler du corps à distance. Comme on ne peut pas connaître la sexualité des gens, on cherche des signes extérieurs», analyse Isabelle Clair, sociologue du genre au CNRS. «Au cours du temps, Récupération. Face à cette Lors de la «marche des shorts», à Toulon, samedi. PHOTO BERTRAND LANGLOIS. AFP les agressions ont toujours existé alors même qu’il y a eu des modes très pudiques», rappelle Christine Bard. Jusqu’au milieu du XXe siècle, ne pas se couvrir les cheveux suffisait pour être taxée de femme de mauvaise vie. «Il faut couvrir l’objet possédé du regard des autres. Protéger aussi un corps perçu comme fragile», poursuit l’historienne. Amandine Lebugle, docteure en démographie à l’Institut national d’études démographiques (Ined), a analysé les insultes les plus utilisées dans l’es- L’OBJET DU JOUR pace public. Verdict: 7% des injures adressées aux femmes portent sur leur apparence physique (contre 1 % pour les hommes). Mais les remarques viennent plutôt dénigrer un accoutrement jugé pas assez séduisant. «La femme doit avoir une sexualité vertueuse, mais il y a aussi une injonction à être désirable. Il faut avoir une désirabilité modérée», résume Amandine Lebugle. C’est à l’adolescence qu’on entend le plus souvent des insultes de type «t’es habillée comme une pute». Pour les filles, cette période de transition physique «survient dans un moment biographique où elles sont encore des enfants et ne peuvent pas accéder au statut de femme, détaille Isabelle Clair. Elles ne peuvent pas se parer de la vertu du statut de femme ou de mère.» L’impensé collectif veut qu’une femme soit respectable si elle dépend d’un homme: son père lorsqu’elle est enfant, son mari à l’âge adulte. Dans cet entre-deux de l’adolescence, il faut prouver que l’on respecte toujours cette morale attendue. histoire, qui a fait grand bruit sur les réseaux sociaux, la fachosphère s’est frotté les mains, dénonçant par exemple une agression par «cinq musulmanes», alors qu’on ne dispose pas de la moindre information sur l’identité des auteures. Ce que Maude Vallet n’a pas manqué de dénoncer dans un autre message Facebook : «Elles étaient françaises, et je m’en fiche royalement de savoir de quelle ethnie ou de quelle religion elles provenaient. Parce que là n’est pas le débat. Le problème est bien plus profond qu’une simple question de religion, ce sont des mécanismes du patriarcat qui ont été vraisemblablement très bien ingérés et revomis sur la première femme à découvrir son corps qui passait.» • 8 u Libération Mardi 28 Juin 2016 SUR LIBÉRATION.FR EXPRESSO/ Blog Il y a des histoires vraies qu’on lit comme des scénarios de film. Dans l’Amour le vrai, une psychanalyste raconte huit récits de cœurs brisés, huit ratages palpitants dont elle démonte les ressorts. Le premier d’entre eux, édifiant, est à lire sur le blog d’Agnès Giard, «Les 400 culs». Nouvelle-Aquitaine C’est le nouveau nom de la grande région issue de la fusion des régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, approuvé majoritairement lundi à Bordeaux par l’assemblée plénière du conseil régional présidé par le socialiste Alain Rousset. Point de région «Aliénor», donc, ni de «Grande Aquitaine», autres propositions en lice. Pourquoi «nouvelle» ? «C’est une façon de regarder vers l’avenir», veut croire Alain Rousset. Et «le duché d’Aquitaine occupait la région telle qu’elle est aujourd’hui», a rappelé AnneMarie Cocula, qui a présidé le groupe de travail. L’appellation, qui ne deviendra toutefois officielle qu’après sa validation par le Conseil d’Etat, au plus tard le 1er octobre, sera suivie des noms des trois anciennes «régions-sœurs», Aquitaine, Limousin,Poitou-Charentes, en vertu d’un amendement EE-LV. La fresque, visible près de la gare de Grenoble, devait de toute façon être détruite début juillet. PHOTO GOIN L’éducation nationale va s’impliquer pour mieux diagnostiquer «Les règles, c’est naturel, pas la douleur!» C’est le message que veut faire passer l’association Info endométriose à propos de cette maladie gynécologique caractérisée par le développement de muqueuse utérine hors de l’utérus. Mais alors qu’une Française sur dix est atteinte de cette pathologie, qui se manifeste notamment par d’intenses douleurs au moment des règles, il faut en moyenne sept ans pour que celle-ci soit diagnostiquée. Pour sensibiliser et améliorer la prise en charge, Info endométriose a signé lundi un partenariat avec le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche. A la rentrée, des affiches et des brochures seront mises à disposition des établissements, et les infirmières et médecins scolaires bénéficieront de modules de formation. Pour les associations, il est urgent de faire connaître ce mal, première cause médicale d’infertilité. 2017 Cécile Duflot à la pêche aux signatures La chasse aux parrainages est ouverte. Lundi matin, en plus d’un retour radio sur la matinale de France Inter, l’ex-ministre EE-LV du Logement a lancé une campagne en ligne pour une «candidature écologiste» en 2017, ce qui nécessite 500 parrainages d’élus. Un site créé spécialement (jesignepourlecologie.fr) et une interpellation – «Vous êtes pour l’écologie? Alors dites-le»: la députée de Paris invite les citoyens à soutenir une représentation verte à la présidentielle. Hypothèse plombée par la scission des écologistes français, les mauvais sondages et le bon départ en campagne de Jean-Luc Mélenchon, qui avait déjà, en 2012, siphonné une partie du vote EE-LV. Elle incite aussi les signataires à signaler «un-e élu-e qui soutient l’écologie» afin de récolter son parrainage. Duflot n’a jamais caché son ambition de se présenter en 2017, sauf si Nicolas Hulot décidait de sauter dans le grand bain. A Grenoble, une fresque fâche la police et l’opposition L’Etat matraquant la liberté, fresque du street artiste lyonnais Goin réalisée vendredi près de la gare de Grenoble (Isère), enflamme les esprits. Elle représente deux policiers munis d’un bouclier siglé «49.3» (l’article contesté de la Constitution qui a permis au gouvernement de faire passer sa loi travail sans vote à l’Assemblée) et s’en prenant à coups de matraques à une femme portant un drapeau tricolore effiloché, référence à Marianne ou à la liberté. Cette fresque au pochoir de 3,5 mètres de haut sur 8 de long est l’une des 40 œuvres, dont 20 monumentales, réalisées dans toute la ville à l’occasion du Grenoble Street Art Fest, qui s’est terminée dimanche, avec la participation d’artistes de renommée internationale comme Augustine Kofie, Anthony Lister, Isaac Cordal ou Monkey Bird. Les policiers locaux ont réagi les premiers : «C’est honteux, la République, nous la défendons, nous ne lui tapons pas dessus. Cette fresque fait mal», s’est indigné LA POLÉMIQUE sur France3 Alpes un représentant du syndicat SGPPolice FO à Grenoble, qui envisage de porter plainte. «Plein soutien aux policiers qui protègent chaque jour les Grenoblois, et qui attendent d’Eric Piolle [le maire de la ville, ndlr] qu’il leur dise ses regrets», a tweeté Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur. La droite locale s’en prend, elle aussi, à Eric Piolle, à la tête d’une alliance Europe Ecologie les Verts-Parti de gauche-mouvements citoyens. La municipalité soutient en effet avec enthousiasme – et à hauteur de 25000 euros– ce jeune festival, l’un des rares événements culturels nés après son élection. «Je suis scandalisé que l’argent public participe au financement de telles réalisations», estime Matthieu Chamussy, chef de berté d’expression fait partie l’opposition de droite au des bases fondamentales de conseil municipal. Le prési- la République. C’est ce que dent du conseil départe- nous défendons tous et ce que mental de l’Isère, Jean- la police a défendu après les Pierre Barbier (LR), parle attentats.» d’une «honte». L’opposition Jérôme Catz, patron du cende gauche (PS, PCF et alliés) tre d’art Spacejunk, organiau conseil municipal fustige sateur du festival, se dit elle aussi la fresque et la «étonné par la polémique et mairie, tandis que la dépu- par les appels à détruire cette tée socialiste de l’Isère, Ge- œuvre qui n’est pas scandaneviève Fioraso, ex-minis- leuse. Pour nous, il est évitre, s’emporte: «Par respect dent que c’est l’Etat qui est pour ceux qui nous protè- représenté, pas les policiers! gent, il faut effacer immédia- L’art qui prend possession tement cette fresque inaccep- des murs est engagé, par estable dans le contexte.» sence: il parle de la société… La ville n’a pas l’intention C’était déjà le cas d’Ernest d’intervenir : Pignon-Ernest, dont «Il faut que nous avons rénové le ministre pour ce festival AIN de l’Intéune fresque rieur fasse de 1979 !» SAVOIE la liste des La fresque LOIRE ISÈRE œuvres contestée autorisées va dispaou non», raître d’elGrenoble ironise Eric l e-même, STE S DRÔME Piolle, regretc’était prévu AU PE H AL tant que les de longue date: 20 km élus réclament un le mur sur lequel «droit de censure, dixelle a été peinte doit huit mois après Charlie» : être détruit début juillet. «On comprend bien sûr FRANÇOIS CARREL l’émoi de la police mais la liCorrespondant à Grenoble ARDÈCHE ENDOMÉTRIOSE Libération Mardi 28 Juin 2016 u 9 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe SUR LIBÉRATION.FR Chez Disney, le poids des clichés Le «Zapping» trinque, «les Guignols» passent À SUIVRE 2 mois ferme, c’est la peine à laquelle la cour d’appel de Paris a condamné Alexandre Gabriac, ex-chef des Jeunesses nationalistes. Il était reproché au militant d’extrême droite d’avoir organisé une manifestation interdite en septembre 2012 à Paris. Exmembre du FN, dont il a été exclu en 2011, Gabriac avait par la suite pris la tête du mouvement néofasciste Jeunesses nationalistes, à l’origine de la manifestation interdite. Le rassemblement avait débouché sur 57 interpellations. Les Jeunesses nationalistes ont été dissoutes en juillet 2013 après la mort du jeune militant antifasciste Clément Méric dans une altercation avec des militants d’extrême droite. «Moi, je maintiendrai le passe Navigo à 70 euros car je ne jouerai pas avec le pouvoir d’achat des Franciliens.» En décembre, Valérie Pécresse (LR), en campagne pour la présidence de la région Ile-de-France, s’y était engagée, pas touche au Navigo. Six mois plus tard, c’est raté. A compter du 1er août, l’abonnement de transport francilien augmentera de 3 euros. Soit 73 euros par mois, puisque la présidence socialiste de région avait fixé un prix unique de 70 euros pour tous les usagers, quelle que soit leur zone de transport. Certes, 3 euros c’est moins que les 15 euros agités par Valérie Pécresse ces dernières semaines pour réclamer une rallonge à Matignon, au motif qu’il faut bien combler le trou «laissé par la gauche» de 300 millions d’euros par an dans les caisses du Syndicat des transports d’Ile-de-France. Egalement mis à contribution dans l’accord passé avec l’Etat, les employeurs, via une augmentation du «versement transport». Ça n’a pas manqué de faire bondir le Medef, qui a parlé lundi de «matraquage». Loi travail: une manif rallongée Retour à une vraie manif. Alors que les opposants à la loi travail avaient été cantonnés, jeudi à Paris, à un petit tour du bassin de l’Arsenal, près de Bastille, l’intersyndicale contre le projet El Khomri a obtenu l’autorisation de défiler, ce mardi, sur un parcours plus classique: près de 3 kilomètres entre la place de la Bastille et la place d’Italie, pour cette onzième journée nationale d’action contre la loi travail, qui coïncide avec le vote du projet de loi – largement remanié – par le Sénat. Ce mardi, la CGT remettra également à l’Elysée les résultats de sa «votation citoyenne», un scrutin organisé dans les lieux publics sur la loi travail. «Le préfet a entendu notre mécontentement concernant le parcours de jeudi, explique Pascal Joly, secrétaire général de l’Union régionale Ile-deFrance CGT. On ne voulait pas réitérer et on a trouvé ce compromis qui nous donne satisfaction.» Mais les règles de sécurité devraient rester très strictes et le défilé très encadré. Selon la préfecture de police de Paris, 2500 policiers seront mobilisés mardi dans la capitale, IIIe IVe DÉPART Place de la Bastille XIe rsen al ce-président de la MGP, a beau affirmer que «nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes», on ne peut que constater que ce n’est pas dans les mêmes proportions. Bruxelles ou Montréal mettent en avant des plans climat proches de ceux de Paris. Mais Pékin en est encore à lutter contre la pollution du charbon, tandis qu’Athènes affiche des taux effrayants d’émissions de toutes les particules. Les adhésions des villes à l’Observatoire se dérouleront jusqu’à la fin de l’été et un comité de pilotage sera mis en place. Ce genre d’organisme doit servir à améliorer les connaissances et l’échange des bonnes pratiques, mais pas seulement. Hidalgo n’a pas manqué de rappeler l’action civile introduite par la Ville de Paris, et soutenue par une action de classe, contre la Commission européenne et sa «décision d’émettre des permis à polluer» en abaissant les normes du diesel. Et de soupirer: «Même le président de Volkswagen a dit qu’il fallait sortir du diesel…» S.V. Lire la suite sur Libération.fr Pécresse augmente le Navigo in d e l’A C’était une première. Une grosse vingtaine de villes, dont Tokyo et Pékin, réunies à Paris dans une conférence consacrée à la qualité de l’air et à la lutte contre les pollutions. C’était aussi l’occasion pour Anne Hidalgo, maire de Paris, d’annoncer la création prochaine d’un Observatoire mondial des villes sur la qualité de l’air. Les grandes métropoles sont invitées à y adhérer et Anne Hidalgo compte déjà sur les 83 membres du réseau C40, sur ceux qui font partie du réseau des «villes résilientes» ou d’autres regroupements de ce type. L’Observatoire, dont l’acronyme anglais est Guapo («beau» en espagnol), s’appuiera sur les données de l’Organisation mondiale de la santé et sur des expériences diverses. Prévue de longue date par Paris et placée récemment sous la houlette de la Métropole du Grand Paris, la conférence a permis à des maires de villes très variées de témoigner de leur expérience. Daniel Guiraud, vi- série Baron noir a été annoncée) et le divertissement. Cette identité aura trois nouvelles incarnations principales. A la tête du Grand Journal, le journaliste Victor Robert, plutôt marqué actu, devra construire, en année électorale, une émission plus culturelle. Allez comprendre. C’est surtout au comédien Cyrille Eldin que reviendra la charge, dans le Petit Journal, de traiter la politique. Par ailleurs, l’animateur Mouloud Achour présentera un nouveau programme quotidien, le Gros Journal. Sur la chaîne de plus en plus cryptée, on verra aussi Jamel, Cyril Hanouna, Augustin Trapenard et Antoine de Caunes. J.Le. Bass Un observatoire mondial pour scruter l’air des villes annoncée de 50 postes à durée déterminée… Soyons justes. Des programmes plus ou moins irrévérencieux ont sauvé leur peau : Groland, Catherine et Liliane (avec un nouveau format hebdomadaire) et les Guignols sont confirmés. A quelle heure? En clair ou en crypté? Pour quelle durée? Ces questions n’ont pas été tranchées. La grille de septembre reste très floue, y compris pour les dirigeants. Une phrase de Maxime Saada, le directeur général du groupe, est à retenir : le «nouveau Canal» va revenir à «un positionnement pop culturel» autour de quelques axes forts : le cinéma, le sport, les créations originales (une deuxième saison de la Ve ARRIVÉE Place d’Italie XIIe Gare de Lyon Jardin des Plantes Gare d’Austerlitz de l’H ôp ital Même motif invoqué pour l’autre perdant du jour : «L’investigation, il y en a sur toutes les chaînes», a lancé le bon soldat Viret. En septembre, exit aussi les journaux d’actualité. «C’est un choix, a assumé Viret. L’info dans le groupe Canal+, c’est désormais CNews.» CNews ? Le futur nom d’iTélé, qui donnera «la priorité au décryptage plutôt qu’au sensationnalisme». La chaîne d’info de la boîte, où débarque Jean-Marc Morandini, nouvelle rampe de lancement du journalisme à Canal+? C’est mal parti. Au moment même où la direction présentait son projet, la rédaction d’i-Télé, mise à la diète par Bolloré, votait la grève contre la suppression Hôpital de la PitiéSalpêtrière Bo ule var d Le «nouveau Canal», présenté lundi par Vincent Bolloré et son orchestre, devrait se fâcher avec beaucoup moins de monde l’an prochain. Comme pressenti, l’impertinent Zapping, devenu ces derniers mois le plus grand opposant interne au patron, et Spécial investigation, l’émission qui aurait pu avoir la mauvaise idée de continuer à enquêter sur les partenaires en affaires du big boss (souvenez-vous de la déprogrammation d’un documentaire sur le Crédit mutuel), ne reviendront pas à l’antenne. Raison officielle? «Il y a des Zappings sur toutes les chaînes», a expliqué, dans un effort inouï de mauvaise foi, Gérald-Brice Viret, le directeur des antennes du groupe Canal+. ET BIM LUIS GRAÑENA LE DÉTAIL QUI TUE Dans le nouveau dessin animé de Disney Vaiana, qui sort en salles cet hiver, certes la princesse n’est pas blanche, blonde et nunuche, mais le demi-dieu Maui est représenté sous les traits d’un Polynésien obèse. Les Polynésiens ont moyennement apprécié. IMAGE DISNEY PARIS XIIIe 300 m et «l’ensemble de l’itinéraire fera l’objet de contrôles systématiques à partir de la place de la Bastille». Un dispositif similaire à celui imposé au cortège de jeudi dernier. «Des consignes très fermes ont été données» aux forces de l’ordre, ajoute la préfecture, pour interpeller «toute personne en possession d’une arme» ou d’objets pouvant servir de projectiles, commettant des exactions ou faisant l’objet d’une interdiction de manifester. Car cette fois-ci encore, «une centaine de mesures d’interdiction de paraître ont été prises». L.P. 10 u Libération Mardi 28 Juin 2016 SUR LIBÉRATION.FR Hommage Le journaliste et activiste syrien Khaled al-Essa, 27 ans, est décédé vendredi, une semaine après avoir été blessé dans un attentat à Alep. Comme de nombreux jeunes activistes de cette révolution syrienne, il avait choisi de combattre avec des images et des mots plutôt qu’avec des armes. PHOTO DR EXPRESSO/ 12 Echange taupe cubaine contre panthère noire évadée Sur la liste des dix «terroristes» les plus recherchés par le FBI, la tête de Joanne Deborah Chesimard est mise à prix un million de dollars. Le site de la police fédérale américaine donne quelques pistes pour la reconnaître: «Elle a des cicatrices sur la poitrine, l’abdomen, l’épaule gauche et le genou gauche. […] Elle peut adopter des styles de coiffure très variés et porter des vêtements tribaux africains.» Joanne Chesimard, alias Assata Shakur, militante de la cause noire au sein du Black Panther Party et de la Black Liberation Army, a été reconnue coupable en 1977 de la mort par balle d’un policier lors d’un contrôle dans le New Jersey. Malgré la faiblesse des charges contre elle (il n’a pas été prouvé qu’elle portait une arme ce jour-là), elle a été condamnée à la prison à perpétuité. Elle s’est évadée deux ans plus tard et, en 1984, elle est repérée à Cuba, où le régime communiste lui a accordé l’asile politique. Medicare. Depuis que, le 17 décembre 2014, Washington et La Havane ont annoncé leur décision de reprendre leurs relations diplomatiques interrompues en 1961, des réunions mensuelles ont lieu entre les deux pays. Elles portent sur des thèmes politiques et économiques, mais aussi sur la collaboration judiciaire. Les Etats-Unis réclament plusieurs dizaines de transfuges, citoyens américains installés sur l’île pour fuir des condamnations. Dans la plupart des cas, il s’agit de fraudes fiscales ou d’arnaques au Medicare, l’assurance santé pour les plus de 65 ans. Mais il y a aussi des prisonniers politiques en fuite, membres des Black Panthers ou indépendantistes portoricains. Assata Shakur est la plus célèbre d’entre eux. Elle est la sœur d’un autre militant, Mulutu Shakur, emprisonné depuis 1986 et qui devrait recou- LUIS GRAÑENA points, c’est le plus gros écart observé dans les sondages entre Hillary Clinton et Donald Trump depuis l’été dernier. Dans une enquête du Washington Post et d’ABC, publiée dimanche, le candidat républicain, à 39% d’intentions de vote, accuse un net retard sur Clinton (51%). Un sondage NBC-Wall Street Journal donne, lui, un écart plus réduit (46% contre 41%). Trump semble dévisser, alors qu’il y a un mois, il faisait jeu égal avec sa rivale. Mais entre-temps, le milliardaire a vivement mis en cause l’impartialité d’un juge en raison de ses origines mexicaines, puis s’est vanté, quelques heures seulement après le drame d’Orlando, d’avoir prévu de telles attaques. Cela l’a manifestement desservi. Pour autant, il aurait levé la semaine dernière plus de 11 millions de dollars (10 millions d’euros), de quoi renflouer des caisses de campagne quasiment à sec. Le camp Trump espère que la victoire du Brexit va doper sa candidature, qui se cristallise autour de thèmes identiques: nationalisme, rejet des immigrés et des élites. F.A. (à New York) Joanne Chesimard le 25 avril 1977, lors de son procès à New Brunswick. PHOTO AP vrer la liberté le 15 décembre, à l’issue de trente ans de réclusion. Mulutu étant le beaupère du défunt rappeur Tupac Shakur, sa sœur a fait l’objet d’hommages de la part de nombreux artistes hiphop, comme A Song for Assata, du groupe Common. A La Havane, la transfuge a vécu sans se cacher, puisque son nom et son numéro de téléphone ont longtemps figuré dans l’annuaire. Elle a travaillé dans les programmes en anglais de Radio Habana, LE BRAS DE FER s’est exprimée dans la presse, a publié son autobiographie en 1987. Un documentaire lui a en outre été consacré. Conviction. De leur côté, les Cubains ont aussi des espions dans les geôles américaines. Lors de la reprise des relations, Barack Obama a fait libérer les trois membres encore sous les verrous d’un groupe de cinq infiltrés. L’agent cubain le plus médiatisé est Ana Belén Montes, arrêtée en 2001 par le FBI et condamnée en 2002 à 25 ans de prison. Cette fille d’un médecin de l’US Army, d’origine portoricaine, avait grimpé dans la hiérarchie du Pentagone jusqu’à devenir une des inspiratrices de la politique envers Cuba. Pendant une dizaine d’années, elle a transmis des informations sensibles, notamment l’identité d’espions américains opérant dans l’île. L’enquête sur ses activités n’a révélé aucun enrichissement personnel: Ana Montes a agi par conviction, et non par appât du gain. La perspective de sa libération, quelle qu’en soit la contrepartie, a suscité la colère des élus anticastristes de Floride, en premier lieu le sénateur Marco Rubio, candidat recalé à la primaire républicaine. Côté cubain, l’extradition d’Assata Shakur et d’autres militants poursuivis pour raisons politiques semble peu probable : deux Black Panthers réfugiés à Cuba, Charles Hill et Nehanda Abiodun, ont annoncé il y a quelques jours avoir reçu l’assurance que leur statut ne serait pas remis en cause. FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ DU NORD AU SUD Israël versera 20 millions de dollars (18 millions d’euros) aux familles des dix Turcs tués en 2010 lors de l’assaut contre le navire Mavi Marmara. Cette décision a été prise dans le cadre d’un accord de réconciliation qui sera signé ce mardi, a annoncé le Premier ministre turc, Binali Yildirim. Les deux Etats échangeront des ambassadeurs «dans les plus brefs délais». Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a évoqué un «signal d’espoir». Le président sud-africain, Jacob Zuma, devra rembourser 500000 dollars (455 000 euros) à l’Etat. Cette somme a été annoncée lundi par le ministère des Finances, chargé par la justice de déterminer le montant dû pour rembourser les frais faramineux payés par l’Etat pour rénover la propriété de Zuma et qui n’ont rien à voir avec la sécurité: une piscine, un centre pour visiteurs, un enclos pour bétail, un poulailler et un amphithéâtre. Libération Mardi 28 Juin 2016 u 11 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe LA LISTE Trois sportifs qui n’iront pas à Rio LeBron James Il avait dit la semaine dernière, après avoir remporté le titre de champion NBA avec Cleveland face à Golden State, qu’il avait «besoin de repos». La superstar du basket américain, 31 ans, ne fait donc pas partie de l’équipe dévoilée lundi. Teddy Tamgho Le Français, champion du monde 2013 du triple saut, 27 ans, ira aux JO mais comme accompagnateur : il a été opéré lundi d’une fracture «du condyle médial du fémur» après s’être blessé samedi lors des championnats de France. 1 2 Branden Grace Le golfeur sud-africain, 28 ans, 11e mondial, a jeté l’éponge vendredi à cause de Zika. Il est le troisième joueur sud-africain, et le mieux classé, à annoncer son absence à Rio, justifiée par son intention de fonder une famille. 3 Où en est le virus Zika sur le sol français? Selon les dernières données de l’Institut de veille sanitaire (INVS), plus de 460 cas d’infection à Zika ont été enregistrés en France métropolitaine depuis le 1er janvier. «Une épidémie à grande échelle reste cependant peu probable, alors que le virus touche des millions de personnes à travers le monde», note l’INVS. La totalité des cas sont importés; les malades ayant été infectées à l’étranger ou dans les territoires d’outre-mer. Pour ces derniers, la situation est sous contrôle. Dans près de 9 cas sur 10, l’infection passe inaperçue, mais peut être dangereuse chez les femmes enceintes, pouvant provoquer une microcéphalie chez l’enfant. Si le virus peut aussi entraîner des atteintes neurologiques graves, comme le syndrome dit de Guillain-Barré (SGB), ce risque est faible. Reste la prévention. Dans les zones à risque, les autorités sanitaires recommandent toujours l’usage systématique de moustiquaires. Dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), le professeur Eric Caumes rappelle que «les autorités françaises recommandent aux femmes enceintes le report de tout voyage en zone d’épidémie et, aux femmes vivant en zone d’épidémie et aux voyageuses en âge de procréer qui s’y rendent, de différer tout projet de grossesse tant que l’épidémie est active». De même, il préconise toujours d’éviter tout rapport sexuel non protégé par un préservatif avec un homme ayant pu être infecté. Enfin, des chercheurs européens ont découvert de puissants anticorps capables de neutraliser le virus Zika. «Dans des travaux menés en laboratoire, les anticorps ont permis de neutraliser à la fois Zika et le virus voisin de la dengue, lit-on dans la revue scientifique Nature. Ce qui pourrait aboutir au développement d’un vaccin universel protégeant contre les deux maladies.» E.F. DROIT DE SUITE A lire en intégralité sur Libération.fr Face à l’Espagne, la Squadra assura Premier point: avec les huitièmes de finale, les églises ont été remises au centre du village. Terminées, les fanfaronnades des petites nations lors de la phase de poules. Avec Italie-Espagne, au Stade de France, lundi soir à Paris, c’était deux cathédrales qui s’affrontaient : cinq Coupes du monde et quatre Euros réunis. Deuxième point : restait à savoir qui avait le plus haut clocher. La logique comptable donnait une Roja favorite face à une Squadra Azzura sans star, avec toutefois un catenaccio retrouvé. Mais rien ne plaît plus aux Italiens que de transformer une rencontre en «lutte des classes», comme disait le philosophe Toni Negri. Les joueurs d’Antonio Conte attaquent sans complexe: un premier tir un peu mou, puis une tête de Pellè arrêtée par le gardien De Gea, avant un amour de retourné du romantique Giaccherini qui vient mourir sur le poteau. En face, le champion en titre n’y est pas. Il n’arrive pas à poser son jeu, multiplie les approximations. Au milieu de terrain, Iniesta paraît tout seul, abandonné par Busquets et Fabregas partis cueillir des pissenlits. La défense est fébrile. Ramos manque de la mettre contre son camp. Trois minutes plus tard, il fait faute à l’entrée de la surface. Eder tire, De Gea la repousse sur Giaccherini qui la dévie avant que ce roublard de Chiellini ne la mette au fond, du tibia. Le but est laid, opportuniste et opiniâtre : un chef-d’œuvre… Juste avant la pause, De Gea sauve encore son équipe avec une magnifique parade. En deuxième période, tout se passe comme prévu. Les Espagnols attaquent, la Squadra Azzura défend. C’est parfois peu académique dans les interventions, Bonucci, Barzagli et compagnie ont l’élégance de Pinocchio apprenant à marcher mais ils ont la même farouche volonté de vivre. Ils se procurent même les meilleures occasions en contre avant que les Espagnols ne prennent le contrôle du match à la 70e. Trop tard. On ne perce pas le mur transalpin en s’y mettant à 20 minutes de la fin. A la 91e, Pellè règle la question sur une passe de Darmian, 2-0: mérité. Q.G. PHOTO REUTERS POUR LUI AUSSI, C’EST FINI «La sélection, c’est fini pour moi.» Aux Etats-Unis, la Cour suprême à la rescousse de l’avortement C’est une décision majeure pour le droit des Américaines, sur une question extrêmement chargée politiquement, en pleine année électorale. Lundi, la Cour suprême a jugé illégale une loi texane de 2013, qui impose aux cliniques pratiquant des avortements de posséder un plateau chirurgical digne d’un milieu hospitalier, entre autres contraintes. De fait, ces règles ont forcé la fermeture en deux ans de dizaines de centres d’IVG dans l’Etat. D’une manière générale, se faire avorter aux Etats-Unis est de plus en plus compliqué pour des millions de femmes. PHOTO AFP AFP LIONEL MESSI footballeur argentin, star du Barça Lionel Messi, 29 ans tout juste, c’est quatre Ligues des champions et huit championnats d’Espagne avec Barcelone, cinq ballons d’or à titre individuel et… une troisième défaite en trois ans avec la sélection argentine. Une de trop pour l’attaquant, qui a même raté un tir au but en finale de la Copa America, dimanche, face au Chili: «C’est la quatrième finale que je perds, la troisième de suite, a-t-il rappelé en référence aux défaites du Mondial 2014 puis des Copa America 2015 et 2016. J’aurais tellement voulu ramener un titre de champion en Argentine, je m’en vais sans y être parvenu.» Son seul titre avec l’Argentine restera une médaille d’or olympique, en 2008. Laurent Blanc quitte le banc du PSG C’est officiel depuis lundi: le Paris-SG s’est séparé de son entraîneur, Laurent Blanc, préalable à l’arrivée probable sur le banc parisien du coach du FC Séville, Unai Emery, qui a remporté les trois dernières Europa League. Le club évoque dans son communiqué «un climat serein» pour cette séparation, avec la «signature d’un protocole d’accord qui préserve les intérêts» de chacun. Rien sur la contrepartie financière d’une résiliation du contrat qui liait Blanc au PSG jusqu’en juin 2018, évaluée la semaine passée par l’Equipe à une indemnité de 22 millions d’euros. A l’actif de Laurent Blanc: une pluie de records nationaux durant ses trois saisons parisiennes. Onze trophées glanés sur douze possibles, 102 buts inscrits et une différence de buts inégalée dans l’histoire du championnat (+83) sur 2015-2016 avec 96 points remportés en un exercice et une avance sur Lyon, le second, jamais vue (+31)… Mais, la faute peut-être à une certaine rigidité tactique et à une gestion de groupe pas toujours comprise, le coach cévenol n’aura jamais réussi à faire franchir au PSG les quarts de finale de la Ligue des champions, objectif affiché des actionnaires qataris. 12 u MONDE Ben Salmane à Paris, l’effet du prince Arabie Saoudite Le dernier fils du roi, qui est en visite ces lundi et mardi en France, est chargé de moderniser l’économie et l’image de son pays. Hollande espère bien en tirer parti. cice en Arabie Saoudite. A 30 ans, le petit dernier et fils chéri du roi Salmane poursuit son ascension, calée nnoncée puis reportée deux sur un plan com visant à révoluou trois fois au printemps, tionner le royaume wahhabite par la visite du puissant vice- le haut et à coups de nouveaux milprince héritier d’Arabie Saoudite, liards de dollars. Muni de sa «Vision Mohammed ben Salmane, à Paris saoudienne à l’horizon 2030», un lundi et mardi se déroule en plan de réformes colossal pleine tempête post-Brexit. PROFIL rendu public en avril, MoCe rendez-vous est l’occahammed ben Salmane sion pour la France de miser à son – «MBS» pour les intimes – multitour sur le jeune prince, qui fait de plie les annonces et les initiatives plus en plus figure de roi en exer- à un rythme effréné pour lll Par HALA KODMANI A Libération Mardi 28 Juin 2016 Libération Mardi 28 Juin 2016 montrer que le vent du changement souffle de façon décisive sur le royaume. Depuis le début du ramadan, habituellement une période de léthargie totale en Arabie Saoudite, le viceprince a réuni le gouvernement pour faire valider son plan prévoyant la mise en place d’un fonds d’investissement souverain de 2000 milliards de dollars (environ 1800 milliards d’euros) avant de s’envoler le 13 juin pour les Etats-Unis. Au cours de son séjour d’une dizaine de jours, les médias saoudiens et américains l’ont montré tantôt en tenue bédouine traditionnelle à la Maison Blanche, où il a été reçu le 17 juin par Barack Obama, tantôt en jean et chemise à la Silicon Valley pour rencontrer notamment Mark Zuckerberg, le créateur de Facebook. Déclarant sa volonté de «transformer l’Arabie Saoudite en royaume numérique», il a signé des accords avec les géants américains de la technologie, incluant des programmes de formation pour les jeunes Saoudiens. Le prince souhaite en effet rallier à son projet les moins de 30 ans, qui représentent 70% de la population du royaume. Un ministère du Divertissement a ainsi été créé au sein du gouvernement réformiste constitué en mai. lll «PATATE CHAUDE» François Hollande a reçu, à l’Elysée lundi, Mohammed ben Salmane, ministre de la Défense et viceprince héritier saoudien. PHOTO STÉPHANE DE SAKUTIN. AFP u 13 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe La visite officielle de Mohammed ben Salmane en France ne dure que deux jours. Lundi, il a rencontré François Hollande à l’Elysée. Le Président l’avait déjà reçu une première fois l’année dernière, alors que le Saoudien venait d’être nommé ministre de la Défense. Ce mardi, le vice-prince héritier d’Arabie Saoudite doit se rendre au Quai d’Orsay pour coprésider avec JeanMarc Ayrault le troisième comité conjoint franco-saoudien, où devront être discutées les questions de coopération dans les domaines de la défense, l’énergie, la santé, l’agriculture, ou encore le tourisme. En 2015, le commerce bilatéral franco-saoudien a atteint 7 milliards d’euros en 2015, a rappelé l’ambassade de France à Riyad en annonçant la visite du nouvel homme fort saoudien. Ce dernier est le premier fournisseur de pétrole de l’Hexagone, lequel figure en troisième position des investisseurs étrangers dans le royaume. Les rendez-vous les plus attendus du prince et de sa délégation avec les hommes d’affaires français sont aussi les plus incertains. Difficile d’anticiper la concrétisation des gros contrats –en discussion depuis un moment– compte tenu des humeurs saoudiennes imprévisibles qui ont récemment provoqué des déceptions. Lors d’un déplacement à Riyad en octobre, Manuel Valls avait annoncé une série d’accords pour des contrats de 10 milliards d’euros, mais était revenu les mains vides. La signature prévue pour la vente de plusieurs appareils Airbus A380 avait été annulée à la dernière minute du fait d’un rendezvous manqué. Plusieurs dossiers «Si aucune opposition ne se manifeste encore, les conservateurs et les rivaux de MBS au sein de la famille royale l’attendent au tournant.» STÉPHANE LACROIX professeur à Sciences-Po d’armement restent également en suspens, dont celui portant sur la vente de 39 patrouilleurs fabriqués par Constructions mécaniques de Normandie pour une valeur de 500 millions d’euros. De son côté, Thales poursuit ses discussions sur la vente du système de défense antiaérien Mark 3. Le viceprince héritier et ministre de la Défense a récemment annoncé vouloir lier désormais ses contrats d’armement au développement d’une industrie militaire locale qui puisse couvrir 30 % à 50 % des besoins de l’Arabie Saoudite. Mohammed ben Salmane a en effet déploré que son royaume ne dispose pas d’une «industrie militaire» alors qu’il est classé troisième acheteur d’armes dans le monde en 2015, bien «avant le Royaume-Uni et la France». Pour le moment, les principaux bénéficiaires français des nouvelles ambitions de Mohammed ben Salmane sont les grandes agences de communication, dont Publicis et Havas. Chargées de rehausser l’image sulfureuse du royaume wahhabite, promoteur du salafisme à travers le monde depuis les années 80, elles organisent des voyages de presse en Arabie Saoudite ou des visites de diverses délégations saoudiennes en France. Début mai, six membres du Majlis al-Choura (organe consultatif élu) étaient venus à Paris à l’invitation du groupe d’amitié parlementaire France-Arabie Saoudite. Casting parfait de trois hommes et trois femmes, dont deux parfaitement francophones. Universitaire, médecin ou encore économiste, tous avaient rencontré des députés, des sénateurs, des universitaires et des journalistes. A cette occasion, l’élégante Hanan al-Ahmadi, membre de cette délégation, nous avait affirmé : «Quand je vais parler aux femmes saoudiennes de leurs problèmes, elles me disent que la priorité, c’est de leur trouver des emplois et non de les autoriser à prendre le volant.» Docteure en économie, la quadragénaire avait qualifié le droit de conduire des femmes de «patate chaude qu’il ne faut pas évoquer en ce moment», tant la question cristallise les réticences des conservateurs au sein du royaume. «MBS» a apporté une réponse innovatrice au problème: parmi les premiers investissements du nouveau fonds souverain, une prise de participation de 3,5 milliards de dollars dans la société californienne Uber. Elle est destinée à développer ses activités au Moyen-Orient et surtout en Arabie Saoudite, où elle compte 80% de clientèle féminine. «La volonté de modernisation du prince Mohammed ben Salmane est réelle et sa démarche énergique marche bien jusque-là. Il jouit d’une véritable popularité, notamment parmi les jeunes, et s’est entouré d’une nouvelle génération de technocrates compétents, considère Stéphane Lacroix, professeur associé à Sciences-Po et spécialiste de l’Arabie Saoudite. Après des décennies de léthargie sous le règne du roi Abdallah, c’est un véritable changement de système auquel on assiste depuis 2015 avec l’arrivée sur le trône du roi Salmane.» Celui-ci a confié à son fils les clés du royaume: la défense et le pétrole. MBS préside le Conseil des affaires économiques et de développement, qui supervise la société nationale Saudi Aramco, pilier économique du pays. La vente de 5% du capital de la première compagnie pétrolière au monde doit alimenter le futur fonds géant destiné à financer le fameux programme Vision 2030. Il s’agit de réduire la forte dépendance de l’Arabie Saoudite au pétrole, qui représente 80% des revenus du pays. Mais passé les effets d’annonce, tout le monde attend la mise en œuvre de l’ambitieux programme de réformes du jeune prince. «Si aucune opposition ne se manifeste encore, le camp des conservateurs saoudiens et les rivaux de MBS au sein de la famille royale l’attendent au tournant», note Stéphane Lacroix. «L’application de la Vision 2030 sera progressive et précédée ou accompagnée de consultations», précise Hanan al-Ahmadi, qui cherche toujours à mettre en avant le chemin parcouru ces dernières années dans la modernisation du pays. «CANAL PRIVILÉGIÉ» Le puissant prince, lui, avance sous les regards dubitatifs, à l’intérieur comme à l’extérieur du royaume. Son entreprise risquée est néanmoins si alléchante que beaucoup de monde parie sur elle, y compris en France. En outre, «les Saoudiens sont en demande d’Europe depuis que leurs relations avec les Américains se dégradent», analyse Stéphane Lacroix. Le Brexit, qui touche les investissements des pays du Golfe au Royaume-Uni, devrait par ailleurs «jouer en faveur de la France, devenue le canal privilégié vers l’Europe», selon le spécialiste de l’Arabie Saoudite. N’ayant pas bénéficié de publicité préalable à son arrivée, Brexit oblige, le vice-prince héritier saoudien se fera-t-il remarquer par les retombées de sa visite en France ? Il aurait eu, il y a peu, l’intention de faire une annonce spectaculaire réservée à son passage à Paris, selon les confidences de certains de ses proches. Un contrat, peut-être? Une réforme? Côté français, en tout cas, aucune remise de décoration n’est prévue au programme pour éviter que ne se reproduise le tollé suscité par la Légion d’honneur attribuée en janvier à Mohammed ben Nayef –ministre de l’Intérieur responsable de plusieurs dizaines d’exécutions depuis janvier et prince héritier d’Arabie Saoudite–, le rival discret de MBS. • MARDI POLITIQUE Axel PONIATOWSKI %ÃQVUÃ-3EV7BMEn0JTF 7JDF1SÃTJEFOUEFMB$PNNJTTJPO EFT"GGBJSFTÃUSBOHÂSFTºMn"TTFNCMÃFOBUJPOBMF En direct à 18h10 sur RFI - Paris 89FM FUFOWJEÃPTVSSåGSGSBODFDPN FUMJCFSBUJPOGS 14 u MONDE Libération Mardi 28 Juin 2016 Le leader de Podemos, Pablo Iglesias, dimanche à Madrid. PHOTO GÉRARD JULIEN. AFP Espagne Pour la sociologue Héloïse Nez, malgré un score décevant aux législatives dimanche, le parti antiaustérité, a réussi à maintenir sa stratégie contre la corruption et le capitalisme. «Podemos reste fidèle à ses principes» conférences à l’université FrançoisRabelais de Tours, auteure de Podemos, de l’indignation aux élections (1), nous livre son analyse. onvoquées pour sortir de la En six mois, Podemos a perdu paralysie institutionnelle isun million de voix. Est-ce la sue du scrutin de décembre, sanction d’une stratégie erronée les législatives de dimanche, en Esde Pablo Iglesias ? pagne, ont modifié la donne sans la Je ne crois pas. La stratégie de Podebouleverser. Le Parti populaire de mos a même été très cohérente, en Mariano Rajoy, malgré une cascade refusant tout pacte de gouvernede scandales de corrupment qui inclurait Ciution, gagne 14 sièges et INTERVIEW dadanos, tenant du liconforte sa place de prebéralisme. Dans les mier parti, mais sans majorité absodiscussions en vue de former une lue (lire ci-contre). A gauche, le duel majorité, Podemos a surtout mis le entre sociaux-démocrates du PSOE PSOE face à ses contradictions. et radicaux anti-austérité de PodeMais Podemos, en participant mos a tourné à l’avantage des preaux marchandages pour former miers, faisant mentir les sondages. un gouvernement de coalition, Le revers de Podemos, qui perd de n’est-il pas devenu ce qu’il dénombreuses voix même s’il garde le nonce, un parti politicien ? même nombre de sièges qu’en déC’est le risque de tout mouvement cembre, remet-il en cause la proqui décide d’entrer dans l’arène pogression du mouvement? La sociolitique. Parmi les Indignés de 2011, logue Héloïse Nez, maître de certains refusaient catégorique- Par FRANÇOISXAVIER GOMEZ C Libération Mardi 28 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 15 La droite, seule gagnante après la remise en jeu Contre toute attente, le Parti populaire du Premier ministre, Mariano Rajoy, est l’unique formation à avoir progressé depuis le précédent scrutin. Il lui reste à mener à bout des négociations en vue d’une coalition. «Y o soy español, español, español !» («Je suis espagnol, espagnol, espagnol»). Au bas du siège du Parti populaire (PP), calle Genova à Madrid, ils étaient des milliers à pousser ce cri nationaliste, ivres de joie. Comme si le résultat de leur formation était historique, triomphal. Il ne l’est pas. Mais, à l’issue des deuxièmes législatives en six mois, les conservateurs espagnols ont réalisé une excellente performance, supérieure même à ce qu’annonçaient les enquêtes d’opinion les plus optimistes : être la seule formation à gagner des sièges par rapport au scrutin de décembre 2015, et en devançant de 52 sièges le rival socialiste ! Au lieu de 123 députés, le Parti populaire de Mariano Rajoy en obtient 137, et 33 % des suffrages (contre 28%). Toutes les autres formations perdent des voix et des sièges (le Parti socialiste, 85 sièges, - 5), les centristes de Ciudadanos (- 8) ou maintiennent ceux qu’ils avaient (Podemos, indépendantistes catalans et basques). Valeur-refuge. Dimanche soir, les observateurs avaient du mal à expliquer le si bon score de la formation conservatrice, au pouvoir depuis fin 2011, qui a promulgué une loi du travail impopulaire, imposé de sévères mesures d’austérité, et qui en outre a été éclaboussé par une bonne dizaine de scandales de corruption. Valeur-refuge face à l’essor annoncé (et qui ne s’est pas concrétisé) des alternatifs de Podemos? Vote contre l’incertitude après le Brexit ? Réaction patriotique face aux velléités séparatistes en Catalogne (lire aussi en dernière page), alors même que Podemos soutient la tenue d’un référendum d’autodétermination et que les socialistes approuvent une réforme de la Constitution dans un sens plus fédéral? Mobilisation pleine et entière d’un électorat fidèle, contrastant avec celle, plus faible, des formations rivales de gauche (ce que semble confirmer la participation, de 70 %) ? richissement, la limitation des mandats électifs à huit ans, la réduction des salaires des élus à trois fois le Smic espagnol (650 euros)… Le Brexit a-t-il une part de responsabilité dans le semi-échec de Podemos ? C’est probable. Dans leur soutien à LE NOUVEAU PARLEMENT ESPAGNOL Source : ministère de l’Intérieur espagnol Projection en nombre de sièges PSOE Socialistes Ga uc he 85 25 32 Droite MENT SORTA NT RLE PA 90 71 Dr PARTI oi te POPULAIRE à 9 16 UNIDOS PODEMOS 6 Gauche 15 à radicale CIUDADANOS Centre droit Autres 26 40 IZQUIERDA 2 UNIDA Gauche 69 radicale PODEMOS Gauche majorité absolue radicale 350 SIÈGES à 176 sièges 137 123 un référendum d’autodétermination en Catalogne, Podemos a cité en exemple le vote pour ou contre l’indépendance de 2014 en Ecosse. Les autres forces politiques, les socialistes comme les conservateurs, s’en sont servies pour brandir le risque d’instabilité. Cette accusation a marqué la fin de la campagne. Le Venezuela a aussi été très présent dans les débats… L’argument n’est pas nouveau. Les liens de Podemos avec le Venezuela et le chavisme sont régulièrement agités comme un chiffon rouge par ses opposants. Le parti n’a jamais caché son intérêt pour les expériences de la nouvelle gauche latinoaméricaine. Mais il faut rappeler qu’il a pris ses distances avec le régime de Nicolás Maduro. Et Pablo Iglesias a souligné que ce qui inté- Gifle. Annoncé comme le grand gagnant de ce scrutin, le professeur de sciences politiques Pablo Iglesias –chef de file de Podemos– n’a gagné aucune circonscription de plus qu’aux législatives de décembre; et a perdu environ un million de suffrages. Une gifle pour ce mouvement contestataire et anti-establishment qui ne jure que par la prise du pouvoir «afin de contrarier les plans insidieux de la caste oligarchique». «Podemos fait peur, les socialistes ne semblent pas savoir où ils vont, mais les “populares” sont très identifiables, a analysé la politologue libérale Edurne Uriarte. En ces temps agités, les électeurs ont besoin de valeurs sûres.» Reste à aborder la question de la «gouvernabilité». Car l’Espagne, ce pays de majorités stables qui vit dans l’instabilité depuis six mois, est devenu un casse-tête institutionnel. Ces dernières semaines, aucun gouvernement n’a pu se former, en raison des intransigeances des uns et des autres. La situation est-elle aujourd’hui plus claire? En partie, oui. Le fameux «front de gauche à la portugaise» (où la droite, qui a emporté les élections d’octobre 2015, a été reléguée dans l’opposition), qui semblait être la seule issue au blocage, est redevenu une chimère. Par contre, une coalition de centre droit est désormais imaginable: s’il obtient le soutien des centristes libéraux de Ciudadanos (32 sièges), le conservateur Mariano Rajoy, sorti renforcé de ce scrutin, comptabiliserait 169 sièges –soit seulement 7 de moins que la majorité absolue– et tablera sur l’abstention des socialistes. Rien n’est joué, bien sûr, et il faut s’attendre à de longues tractations d’ici à la constitution du nouveau Parlement, le 19 juillet. Si le jeu des coalitions demeure infructueux, il faudra organiser de nouvelles élections d’ici au printemps 2017. FRANÇOIS MUSSEAU Correspondant à Madrid resse les électeurs espagnols, c’est ce qui se passe dans leur pays, ce qui touche à leurs conditions de vie. Podemos ne souffret-il pas aussi d’une position floue sur la Catalogne ? Ce n’est plus le cas. Le mouvement a mis du temps à clarifier sa posture, d’où son résultat médiocre aux régionales catalanes de 2014. Depuis, Podemos s’est prononcé pour un référendum qui permette aux Catalans de décider de leur sort. Cette vision d’un Etat plurinational rencontre un écho limité dans certaines régions, en Andalousie par exemple, où Podemos a perdu du terrain dimanche. Mais elle lui permet de devenir la première force politique en Catalogne comme au Pays basque. L’expérience de Podemos au sein des «municipalités du changeDR ment de se transformer en parti pour ne pas ressembler aux «autres partis». Et pour participer au jeu politique, il faut définir une stratégie. Mais Podemos reste fidèle à ses principes de rénovation de la vie politique, avec l’adoption d’un code éthique contre la corruption et l’en- Un peu de tout cela. Néanmoins, si le triomphe de la droite ne cesse d’être surprenant, l’arrêt brutal de la progression de Podemos l’est tout autant. Depuis des semaines, les sondages prédisaient un sorpasso (mot tiré de l’italien), c’est-à-dire le dépassement du Parti socialiste par cette gauche radicale lancée il y a tout juste deux ans et qui, en décembre, est devenue à la surprise générale la troisième force parlementaire. Or, même si le Parti socialiste enregistre le pire score de son histoire, ce sorpasso ne s’est pas produit. ment» élues en mai 2015 lui servira-t-elle au niveau national ? Sans aucun doute. Podemos avait choisi de ne pas s’investir dans les municipales, jugeant que sa priorité était les législatives, six mois plus tard. Le parti a donc soutenu des listes issues de la société civile, qui ont conquis Barcelone, Madrid et d’autres grandes villes. Il est trop tôt pour tirer un bilan, mais Cadix, dont le maire est un militant de Podemos, a réussi à réduire de 10 % son énorme endettement, en faisant la chasse au gaspillage et en réduisant les salaires des élus. Et la part du budget de la ville consacrée aux dépenses sociales a augmenté de 30%. Ce qui bat en brèche l’accusation lancée à la gauche radicale : vous n’avez pas d’expérience de la gestion, vous êtes irréalistes. Les réussites locales peuvent devenir un socle pour l’influence de Podemos. • (1) Ed. Les Petits Matins, 2015. 16 u FRANCE Libération Mardi 28 Juin 2016 Lundi, dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique. Un dôme géodésique en construction servira de salle de réunion aux militants anti-aéroport. Aéroport: les zadistes fon Notre-Dame-desLandes En LoireAtlantique, les militants de la «zone à défendre» nient toute légitimité à la consultation locale de dimanche, qui a vu le projet de nouveau site approuvé à 55%. bas-côtés, noyés sous une végétation dense, complètent le tableau. Envoyé spécial Au lendemain d’une consultation à NotreDamedesLandes locale inédite, qui a vu 55% des élecPhotos ADRIEN SELBERT. teurs de Loire-Atlantique voter «oui» HANS LUCAS au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique vers Notre-Damene succession de chicanes, de des-Landes, la kyrielle d’opposants n’a barrages de fortune et de car- pas changé d’avis: pas question, pour casses de voitures, tous recou- eux, d’accepter le verdict des urnes et verts de tags à la gloire de la «zone à de laisser la place, d’ici quelques mois, défendre» (ZAD) et de slogans poético- aux pelleteuses de Vinci, qui sera utopistes. Sur près de 2 kilomètres, chargé de l’exploitation du (futur?) aéla route départementale 281, devenue roport. Les déclarations musclées du «route des planchettes» Premier ministre, Manuel pour les habitants squat- REPORTAGE Valls, qui a redit sa voteurs de la ZAD de lonté de procéder à l’évaNotre-Dame-des-Landes (Loire-Atlan- cuation de la ZAD cet automne, n’entatique), offre un petit aperçu du terrain ment pas leur motivation. sur lequel les forces de l’ordre pour- Qu’ils soient agriculteurs, locataires raient évoluer si elles devaient procé- expulsables, squatteurs ou militants der à l’évacuation les lieux. La chaus- pour l’environnement, les anti-aérosée, truffée de nids de poule, et les port continuent de considérer la Par SYLVAIN MOUILLARD U consultation de dimanche comme «biaisée» et «illégitime». «Le débat financier et environnemental doit reprendre le dessus, estime Julien Durand, producteur laitier à la retraite et porte-parole de l’Acipa, une des principales associations d’opposants. Nos adversaires ont diabolisé la ZAD, l’ont décrite comme une zone de délinquance et d’insécurité mais, dans les environs, les gens ont majoritairement voté contre le projet d’aéroport. Cela prouve que cet endroit est d’abord une zone de lutte.» Autosubsistance A leurs yeux, le périmètre retenu par le gouvernement pour la consultation (le seul département de Loire-Atlantique, alors que l’Etat et deux régions doivent participer au financement du projet) a été choisi pour assurer la victoire du oui. «Ceux qui portent le pro- «Ici, ça n’est pas une lubie. C’est notre vie et nos choix qu’on veut défendre.» «CAMILLE 3» à Notre-Dame-desLandes depuis quatre ans Depuis 2012, les zadistes ont notamment investi des fermes de «NDDL». Les résultats du scrutin de dimanche, affichés dans la grange de la «Vache rit». nt fi du «oui» jet sont les mêmes que ceux qui organisaient le vote. On ne luttait pas à armes égales», regrette «Camille 1», un jeune homme d’une vingtaine d’années qui vit depuis quatre ans dans la ZAD, et qui adopte, face aux médias, le même prénom mixte que ses camarades. Posé dans le salon de la ferme de Bellevue, où se trouve notamment la fromagerie, il n’hésite pas, malgré la menace d’expulsion, à se projeter dans l’avenir. Au cours du week-end, les occupants ont multiplié les chantiers collectifs: «Une manière de signifier en actes qu’on veut rester ici, sans aéroport.» Du côté du Gourbi, un des 60 lieux de vie disséminés sur les 1600 hectares de la zone, les bases d’un dôme géodésique, une sorte de pyramide de paille et de terre de 5 mètres de haut, ont été posées. Objectif : en faire une salle de réunion et de débats. A u 17 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe d’autres endroits, c’est un «point d’atterrissage» (comprendre un lieu d’accueil pour les nouveaux arrivants) et un mur d’escalade qui sont en germe. Les travaux des champs occupent aussi une partie de l’emploi du temps des quelque 200 personnes qui vivent là à plein temps. L’an passé, la récolte a été bonne. Suffisante en tout cas pour assurer l’autosubsistance des habitants et même pour envoyer les surplus vers d’autres terrains militants (squat de sans-papiers à Nantes, cantines populaires, camps de migrants du côté de Calais et du Nord de la France…). «La ZAD, c’est un espace d’autonomie et de repossession, détaille “Camille 2”, une femme d’une trentaine d’années. On choisit comment on organise nos vies, même si on n’entre pas dans le “cadre” dominant. Par exemple, on porte une attention particulière aux questions de sexisme. Quand il s’agit de réparer un tracteur, on essaie de transmettre les savoirs en priorité aux filles.» Le duo de Camille balaie néanmoins toute tentation autarcique. Les échanges avec l’extérieur sont permanents. Pour eux, la lutte qui se joue dans cette zone bocagère n’a de sens que si elle est mise au service d’une remise en cause globale du système marchand. Le rapport de force constant avec les autorités les oblige aussi à cette ouverture. Car la ZAD, ils l’ont compris depuis quatre ans, ne tiendra que grâce aux soutiens extérieurs : paysans de la région engagés au sein de la Confédération paysanne ou du collectif «Copain», militants associatifs ou politiques du coin, visiteurs occasionnels… Cette «pluralité des modes d’action» a fait ses preuves à l’automne 2012, quand des centaines de gendarmes mobiles ont débarqué pour l’opération «César», destinée à déloger ces occupants sans droit ni titre. Si certains militants n’hésitaient pas à jeter des projectiles sur les forces de l’ordre, d’autres préféraient s’accrocher au sommet des arbres ou ralentir la progression des engins motorisés, tandis que quelques-unes apportaient un soutien logistique : douches chaudes, vêtements secs, soins aux malades et blessés, etc. «Effets d’annonce» Installée au Gourbi, en face du dôme, «Camille 3», petite brune d’une trentaine d’années, envisage avec circonspection les conséquences de la consultation locale : «Cela fait deux ans que Valls dit tous les trois mois que la ZAD doit être évacuée. Il est midi, et je ne vois toujours rien venir. On a pris l’habitude de ne pas croire aux effets d’annonce des politiques.» Installée dans le coin depuis quatre ans, elle dit qu’à l’improvisation des débuts a succédé une organisation plus rodée : «En 2012, au début de l’intervention policière, on était à peine une soixantaine.» Comme elle, les zadistes comptent sur la mobilisation de près de 200 comités de soutien locaux, prompts, ces derniers mois, à bloquer les axes routiers de la région. «Ici, ça n’est pas une lubie. C’est notre vie et nos choix qu’on veut défendre», poursuit Camille 3. Les violences, bien sûr, l’inquiètent. «Ce qui intéresse les médias, c’est le sang. Moi, j’aime bien le chaos, mais quand on peut en tirer quelque chose de désirable.» Elle craint, en cas d’intervention des forces de l’ordre, que celles-ci ne reviennent bien plus déterminées. «En quatre ans, malgré un gouvernement de gauche, le degré de répression a énormément grandi. J’ai peur que la mort de Rémi Fraisse à Sivens n’ait pas servi de leçon.» • «Deux camps encore plus mobilisés» Le sénateur écologiste Ronan Dantec critique les modalités d’organisation du référendum ainsi que le projet du gouvernement. R onan Dantec est sénateur écologiste de la Loire-Atlantique, vice-président de la commission développement durable du Sénat et conseiller municipal de Nantes. Il considère que le débat n’est pas clos et qu’il reste deux recours. Que conclure du résultat de cette consultation ? Trois types de territoires se sont exprimés. D’abord, les plus concernés par le sujet, qui ont plutôt voté «non» au transfert de l’aéroport à Notre-Damedes-Landes, qu’il s’agisse des communes d’accueil de ce projet, mais aussi, et c’est une vraie surprise, des électeurs qui sont dans la zone de bruit de l’aéroport actuel, à Nantes. Ensuite, le nord du département, rural: contrairement à ce que je pensais, il ne s’est pas prononcé contre un gaspillage des terres agricoles. Les gens y ont voté «oui», comme dans tous les territoires de droite, privilégiant l’argument économique, pourtant discutable. Enfin, j’ajoute une troisième catégorie, même si elle n’a pu s’exprimer que dans les sondages: le Grand Ouest et la France, qui auraient voté «non» à environ 60 %. Nous voilà donc avec deux «non» et un «oui», qui sont tous légitimes. A partir de là, on fait quoi avec ça ? Que faire justement, puisque les partisans du «non» n’ont aucune intention de baisser les bras ? Il y a évidemment une colère, du fait que Manuel Valls a choisi le périmètre électoral le plus favorable au «oui» et n’a pas répondu aux demandes d’expertises indépendantes sur ce que coûterait un aménagement de l’aéroport actuel. Il a une responsabilité particulière dans le fait de cliver encore davantage la société. Je lui en veux d’avoir cassé une vraie possibilité d’en sortir avec une consultation digne de ce nom. Au lieu de cela, on se retrouve avec les deux camps encore plus mobilisés: les pro-Notre-Dame-des-Landes se sentent encore plus légitimes et les opposants ont l’impression de s’être fait flouer. Il faut désormais absolument trouver des réponses permettant d’éviter d’aller au drame. Car le risque Sivens existe, c’est évident [référence à la mort de Rémi Fraisse, tué fin 2014 par une grenade lancée par un gendarme, ndlr]. Que préconisez-vous ? Il ne faut en aucun cas revenir sur ce qu’a dit François Hollande, qui a promis d’attendre que tous les recours juridiques soient épuisés avant de lancer le projet. Or il reste deux grands recours à trancher, dont un européen. Si les paysans sont expulsés et les travaux engagés avant cela, la situation deviendra critique. Ensuite, il faut aussi que l’Etat se pose la question de savoir quel projet il veut, que le gouvernement revoie sa copie pour tenir compte du fait que c’est très clivé sur le terrain, notamment à gauche. Et il faut dès aujourd’hui recréer les conditions du dialogue entre «pros» et «antis» et voir s’il y a des compromis possibles. J’y crois. J’essaie de continuer à faire le pari de l’intelligence collective pour éviter un désastre. Considérez-vous comme Cécile Duflot que le résultat de cette consultation est une «bataille perdue pour l’écologie» ? A Nantes, les gens qui sont sous les avions, y compris dans les quartiers populaires de gauche, ont voté contre le transfert. Ils ont voté «climat» plutôt que «nuisances personnelles». Cela prouve qu’il y a une gauche qui a compris les grands enjeux environnementaux et peut arbitrer contre ses petits intérêts personnels. C’est nouveau et très encourageant. Recueilli par CORALIE SCHAUB DR Libération Mardi 28 Juin 2016 18 u SPORTS Libération Mardi 28 Juin 2016 L a nouvelle affaire du «Docteur Mabuse», ce naturopathe accusé de prescrire de l’EPO et autres substances dopantes, met au jour un large réseau mêlant politiques, journalistes et dirigeants sportifs. Ces liens d’influences expliquent en partie le secret de Bernard Sainz, 72 ans, alias «Mabuse», pour développer sa clientèle, voire passer à travers les mailles du filet, depuis quatre décennies, depuis l’époque de gloire d’un de ses premiers clients, Raymond Poulidor. Il aura fallu une enquête du Monde et la diffusion, lundi soir, de Cash Investigation sur France 2, pour que tombe la pièce ultime dans ce dossier. Selon une preuve rapportée par l’émission, le naturopathe a été enregistré donnant des conseils sur l’utilisation d’un produit lourd, l’EPO. C’est un nouveau coup dur pour ce «soigneur» très apprécié des milieux cyclistes et hippiques, qui a déjà eu affaire à la justice française il y a quelques mois, entre autres pour «infraction au règlement sur le commerce ou l’emploi de substances vénéneuses […], aide à l’utilisation de substances ou procédés interdits aux sportifs dans le cadre d’une compétition ou manifestation sportive –dopage–[…], exercice illégal de la profession de médecin» dans une affaire remontant à 1999 qui impliquait l’ancien champion belge Frank Vandenbroucke, décédé en 2009. LAISSER-PASSER Cet impressionnant réseau qui compte des guest-stars (le nom d’Alain Prost est souvent revenu même si l’intéressé a dit qu’il n’était que l’ami d’un ami) n’est pourtant pas une garantie d’immunité. D’ailleurs, une partie du milieu est en train de lâcher Sainz. Tout comme le 11 juillet 2015, au lendemain d’un article de Libération révélant sa présence en invité sur une étape du Tour de France. Amaury Sport Organisation (ASO), organisateur de l’épreuve, avait alors ouvert une enquête pour savoir qui avait transmis un laisser-passer au naturopathe. Problème: «Mabuse», qui n’a de docteur que le surnom et pas les diplômes, est susceptible d’avoir reçu son badge d’accès auprès de plusieurs dizaines d’amis ou admirateurs. Contacté par Libération, Bernard Sainz insistait alors sur ses relations de proximité avec plusieurs cadres d’ASO, dont l’ex-directeur des sports Jean-François Pescheux. De même, le Dr Mabuse dispose d’une invitation officielle chaque fin d’année à la soirée de gala de la Ligue nationale du cyclisme. Son président, Marc Madiot, par ailleurs manager de l’équipe FDJ, fut l’un de ses clients, comme il ne s’en est jamais caché. La fête pour célébrer sa fin de carrière, en 1994, avec Sainz comme invité, est restée dans toutes les mémoires: deux journées de noce «en pleine forme et sans dormir», selon un participant. Trois ans plus tard, Sainz et l’avocat Bertrand Lavelot «faisaient la pluie et le beau temps [à la FDJ]», dixit Madiot lors d’une garde à vue en 1999. En 2016, l’équipe française a viré de bord, refusant d’engager un jeune coureur supposément suivi par Sainz. Autre institution à posséder un président «mabusien», l’Union nationale des cyclistes professionnels français (UNCP). Le président du syndicat, Pascal Chanteur, raconte comment le naturopathe a soigné des membres de sa famille en leur évitant la consommation de cortisone (lire Libé du 25 juin). Toutefois, dans le cadre de ses fonctions, il nous précisait vendredi: «Si le reportage [de Cash Investigation, ndlr] apporte des éléments troublants, j’attends que la justice fasse son travail.» Quant à la Fédération française de cyclisme, elle la joue ouvertement anti-Mabuse, en se constituant partie civile dans tous ses procès pour dopage, dont l’un est actuellement en appel à Caen. «Si les enquêtes médiatiques apportent de l’eau au moulin de la justice, c’est très bien», commente David Lappartient, président de la FFC. Les temps ont bien changé en regard de l’époque où le directeur technique national Patrick Cluzaud (de 1993 à 2009) était un ancien adepte de Sainz, tout comme les entraîneurs nationaux sur piste de l’époque, Daniel Morelon et Gérard Quintyn. Sainz le raconte lui-même dans son autobiographie. La toile s’est rapidement tissée entre les anciens coureurs, qui occupent désor- mais des responsabilités, et le docteur. Ce qui ne veut pas dire que ceux-ci se soient dopés sous son contrôle (Sainz prescrit également des plantes et des remèdes naturels autorisés), ni que ces «mabusiens» patentés poussent leurs propres poulains vers le dopage. LÉGENDE D’UN GÉNIE Entraîneurs, managers, dirigeants du sport, beaucoup des anciens élèves continuent d’entretenir la lé- Libération Mardi 28 Juin 2016 Cyrille Guimard (au centre) et Bernard Sainz (à droite), lors de l’étape BelfortAuxerre sur le Tour 1972. exige ainsi de connaître si un coureur préfère se glisser dans des draps chauds, frais ou tièdes. Il s’enquiert de la vie privée de chacun. A terme –et c’est une hypothèse déjà soulevée par Madiot– Sainz en sait trop sur le compte des uns et des autres. Dès lors, comment lui refuser une petite information ou une invitation VIP ? Cet entregent lui aurait-il également permis d’échapper à la justice ? Rumeur tenace, à la hauteur du mythe : Mabuse serait protégé par «le Parti socialiste». Une théorie contredite par certains faits puisque le naturopathe a été inquiété par la justice sous le gouvernement Jospin et tout récemment encore sous le mandat de Manuel Valls. Mais le virtuose des plantes aime raconter une autre histoire tout aussi invérifiable : il aurait soigné François Mitterrand pendant son cancer, à la fin des années 80, alors que la maladie n’était pas encore rendue publique. Une information jamais démentie. PHOTO PRESSE SPORTS «Dr Mabuse», les liens du sang POTES FIDÈLES En politique, des amis proches prêtent des liens d’affinités entre Bernard Sainz et un ancien ministre de droite. Autre contact, mais de gauche cette fois, dont Mabuse se vanterait lui-même de l ’a v o i r connu : Serge Mesonès, ancien footballeur, chargé de mission de MaPASCAL CHANTEUR rie-George Bufprésident de l’Union nationale des fet au ministère cyclistes professionnels français de la Jeunesse et des Sports, de 1997 à sa mort, en 2001. Son fils Stéphane, excoureur amateur et avocat dans l’Allier, est d’ailleurs le défenseur de Mabuse dans ses procès actuels et celui de plusieurs athlètes accusés de dopage. Parmi les journalistes, Sainz compte aussi quelques potes fidèles, notamment dans la presse écrite. Côté télé, c’est Erwann Menthéour qui veille. D’après nos sources, le chroniqueur dans la défunte émission Par de Stéphane Bern sur France 2 PIERRE CARREY (Comment ça va bien!) aurait tenté de faire jouer ses relations pour connaître le contenu de Cash Investigation avant sa diffusion, sans succès –plus largement, un responsable de l’émission indique que «les pressions sont moins grandes lorsqu’on travaille sur l’industrie des pesticides que lorsqu’on enquête sur le doSainz place ses clients dans ses ca- page». Ex-coureur à la FDJ, Menses à lui, très rigides, et ses précep- théour est l’un des premiers à avoir tes alimentaires, à base de jeûne, dénoncé les pratiques du peloton, sont particulièrement contrai- en 1997, dans son livre Secret dégnants à suivre. Son efficacité et son fonce. Il est aujourd’hui à la tête de aura reposent sur ces préceptes très Fitnext, un «programme de coadurs, comme le «coup de Kärcher» ching sportif et nutritionnel en liqui doit purifier l’organisme pen- gne» très florissant, qui prône entre dant trois jours, un régime de fruits autres quelques cures de fruits aciacides et de gouttes homéopathi- des, visiblement très inspirées des ques. La méthode Mabuse com- méthodes alimentaires du maître. prend toujours le même fond de Le fantôme de Mabuse est décidésauce et un peu de sur-mesure. Il ment partout. • Cyclisme De nouvelles enquêtes journalistiques accablent le naturopathe français, qui a déjà eu affaire à la justice pour «aide au dopage». L’homme avait jusqu’alors su profiter de son vaste réseau, tissé dans le milieu depuis quarante ans. gende d’un génie, quand certains ne jouent pas les informateurs. Ainsi, le 7 juillet 2014, le directeur sportif d’un club amateur a une étrange surprise en consultant sa boîte mail. Six jours plus tôt, il avait adressé un mail à 47 collègues pour déplorer la visite du Dr Mabuse sur les championnats de France. Or voilà Sainz qui déboule dans les échanges de courriels à 1 heure du matin et menace l’imprudent de poursuite en diffamation avec, en copie, la mis- u 19 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe sive adressée à la quarantaine de directeurs sportifs. Lequel a mouchardé? Une nouvelle fois, il existe plusieurs possibilités. La manœuvre d’intimidation renforce en tout cas le mythe d’un Mabuse omniprésent et omniscient. «Il ne faut pas se mentir, tout le monde connaît Bernard Sainz, appuie un manager d’équipe française. Mais il a franchi la ligne rouge et ce n’est plus le cyclisme que nous voulons voir. Pour protéger nos cou- reurs, nous travaillons avec des entraîneurs sains et compétents, qui sont les seuls habilités à suivre nos coureurs.» Ami de longue date du guérisseur parisien, Cyrille Guimard nous a livré son explication dimanche: «Mabuse s’attaque aux institutions et ça peut séduire un certain nombre de coureurs qui n’aiment pas être mis dans des cases, qui veulent des conseils individualisés et un avis extérieur, qui sont en recherche de liberté.» Paradoxe : «Si le reportage [de “Cash Investigation”] apporte des éléments troublants, j’attends que la justice fasse son travail.» 20 u Libération Mardi 28 Juin 2016 IDÉES/ Brexit: boîte de Pandore ou seconde chance? Le premier résultat de ce référendum est une avalanche de contradictions : les «Brexiters» risquent d’affronter le contraire de ce pour quoi ils ont voté. Au lieu d’un divorce rapide, des complications institutionnelles bruxelloises pires encore qu’avant, et en plus une possible désunion du Royaume Uni. Par DR FRANÇOIS CHARLES MOUGEL Professeur émérite d’histoire contemporaine à Sciences-Po, Bordeaux. D emi-surprise, choc incontestable, le Brexit, voulu par 51,9% des votants, avec une participation électorale de 72%, apparaît surtout comme une déflagration : en effet, le référendum du 23 juin va déclencher une cascade de questions et de contradictions telle qu’elle risque de rendre la rupture nette attendue par les vainqueurs incertaine, complexe voire paradoxale. D’autant plus que le séisme qui frappe le RoyaumeUni ébranle aussi l’Europe et le reste du monde. La moindre de ces contradictions concerne le scrutin lui-même. Une large pétition réclame déjà un second référendum, considérant que le seuil de majorité acceptable doit être fixé à 60% des suffrages et le taux minimal de participation à 75%. Alors, légitime ou non, ce Brexit tout juste décidé ? Les Britanniques devront-ils revoter et les Européens attendre de nouveau leur verdict ? La seconde contradiction touche au processus de divorce. Quoique démissionnaire, le Premier ministre vaincu, tout comme les leaders du camp victorieux, semble vouloir attendre l’automne et la désignation d’un nouveau chef de gouvernement avant d’invoquer l’article 50 du Traité de Lisbonne qui, seul, peut ouvrir un cycle de négociations lui-même susceptible de s’étendre sur deux ans. A l’inverse, les dirigeants de l’Union européenne (UE), inquiets d’une contagion populiste sur le continent et désireux de relancer la dynamique communautaire, veulent aller vite : alors, de quel côté de la Manche se situent les «vrais» Brexiters ? Autre question : quels acquêts partager ? L’UE, débarrassée des concessions faites à David Cameron en février, et surtout des chantages, menaces et freinages perpétuellement agités par Londres, peut, si elle le veut, repartir sur la voie, ouverte depuis 1957, d’une intégration sans cesse plus étroite. Le Royaume-Uni, en revanche, va devoir rapatrier plusieurs milliers d’élus, de fonctionnaires et de lobbyistes installés à Bruxelles et, plus difficile encore, convertir en droit interne l’immense arsenal législatif, réglementaire et normatif communautaire qui forme déjà près des trois quarts de sa législation propre. Or cette conversion dépend du mode de relation futur entre l’UE et un RoyaumeUni redevenu «souverain». Si Londres se prononce pour une indépendance complète, il retrouvera sa liberté de décision et sa maîtrise financière mais devra renoncer aux avantages du grand marché européen qui a été son principal motif de maintien dans l’UE depuis son adhésion à la CEE en 1973 et, peut-être, affron- ter récession et difficultés sociales. Le grand large retrouvé vaut-il tant de risques et de sacrifices ? Si, au contraire, l’Angleterre veut conserver ses atouts économiques, financiers, commerciaux et préserver les droits de ses ressortissants, elle devra opter pour un statut d’association – limité, sur le modèle turc, ou intégré selon l’exemple norvégien ou suisse – qui l’obligera à participer, de près ou de loin, à la mise en ouvre et au financement de mécanismes européens sur lesquels elle n’aura plus de prise. Pourra-t-on alors encore parler de souveraineté parlementaire recouvrée et d’un Etat «rendu à ses citoyens» ? Ce dilemme est d’autant plus déchirant que les tenants du Brexit ne se sont pas contentés de dénoncer le déficit démocratique de l’UE. Ils ont aussi opposé le «vrai peuple» aux élites nationales sans véritablement résoudre Libération Mardi 28 Juin 2016 u 21 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe ECONOMIQUES Par IOANA MARINESCU Professeure d’économie à la Harris School of Public Policy de l’université de Chicago Le Premier ministre britannique semble vouloir temporiser. A l’inverse, les dirigeants de l’UE, veulent aller vite: alors, de quel côté de la Manche se situent les «vrais» Brexiters? ? Devant le Bear Hotel, à Crickhowell, au Pays de Galles. PHOTO SEBASTIAN BRUNO la question du pouvoir au Royaume-Uni même. En effet, sauf élections anticipées – qui ne pourraient d’ailleurs que polariser les extrêmes –, c’est un parti conservateur majoritairement pro-européen qui va devoir gérer le leave sous la bannière d’un Premier ministre modéré – s’il s’agit de Theresa May – ou imprévisible – s’il s’agit de Boris Johnson. Et que feront les autres élites ? Si l’establishment traditionnel, et notamment la City, ont été désavoués, les autres détenteurs du pouvoir, états-majors travaillistes et syndicaux, leaders du monde artistique, intellectuel et sportif, tous majoritairement partisans du remain, ont eux aussi perdu la bataille idéologique et sociologique du 23 juin. Et pourtant, à moins d’une impensable révolution, ce sont ces élites qui vont devoir administrer, au plan économique, social et politique, le repli «national» d’un pays dont la moitié de la richesse dépend de son ancrage continental. Alors, le «peuple» n’aurait-il remporté qu’une victoire à la Pyrrhus ? Cette question se double d’une autre contradiction. Le sursaut populiste du Brexit ne risque-t-il pas d’ouvrir le pays, désormais privé des protections européennes et toujours soumis à un parti tory ultralibéral, à une mondialisation renforcée et brutale alors même que ses soutiens refusent les excès d’un capitalisme concurrentiel, inégalitaire, antisocial voire réactionnaire ? En d’autres termes les résultats du référendum ne masqueraient-ils pas la défaite des «faibles» et la victoire des «forts» ? De même, alors qu’il affiche son attachement à l’unité nationale et aux valeurs intrinsèquement britanniques face aux dangers de l’immigration et du multiculturalisme, le Brexit, au vu des résultats régionaux du scrutin, ne risque-t-il pas de provoquer deux nouvelles consultations, l’une sur la sécession écossaise, l’autre sur la réunification irlandaise, sans parler d’une improbable demande d’indépendance de Londres ? Si tel était le cas, le Royaume-Uni volerait en éclats, ne laissant plus qu’un royaume croupion, l’AngleterreGalles, cohabiter avec deux nouveaux Etats de l’UE : l’Irlande élargie et l’Ecosse souveraine. Mais même si le royaume reste uni, les questionnements identitaires seront inévitables avec, par ricochet, des interrogations sur la nature et la force de la britannité, sur la survie du Commonwealth et sur le statut de grande puissance du Royaume-Uni. Alors, serait-ce la fin du Rule Britannia ? Ces défis et ces enjeux n’étaient pas inconnus des électeurs avant le 23 juin mais ils n’étaient sans doute pas évalués à leur juste mesure. Désormais, ils devront être affrontés. La boîte de Pandore, maintenant ouverte, peut libérer une vague de crises menaçant le Royaume-Uni et, au delà, l’Europe et le reste de la planète. Mais si les quatre nations britanniques et les deux «camps de la haine et de la peur» savent se rassembler pour définir ensemble un nouveau consensus collectif et leur place au sein d’un continent qui est aussi le leur, l’exemple donné par cette New Britain pourrait aider l’UE à ne pas céder à l’affaiblissement qui la fragilise aujourd’hui et, au contraire, à se remobiliser autour de ce qui est son objectif depuis 1957, «l’union toujours plus étroite de ses peuples». Du même coup, dans un monde en doute, c’est le devenir du modèle occidental qui en bénéficierait. Si tel était le cas, ultime paradoxe, le Brexit pourrait devenir une chance ! • Auteur de «Une histoire du RoyaumeUni de 1900 à nos jours», Perrin, 2014. Les immigrés au cœur de l’innovation américaine Ils sont surreprésentés dans le secteur des sciences et des technologies, apportant de nombreux brevets au pays. Un effet d’aubaine qui bénéficie à toute l’économie. «L’ afflux de travailleurs étrangers maintient les salaires bas et le chômage élevé», affirme le site de campagne de Donald Trump, candidat républicain à l’élection présidentielle américaine. Pour aider les travailleurs américains, Donald Trump propose de rendre plus difficile pour les entreprises le recrutement des travailleurs étrangers avec les visas H-1B. Ces visas sont utilisés principalement pour attirer des travailleurs hautement qualifiés dans le domaine des sciences et des technologies. Lorsqu’il était petit, Pierre Omydiar a émigré avec ses parents vers les Etats-Unis afin que son père puisse travailler comme médecin à la prestigieuse université Johns Hopkins. Français d’origine iranienne, Pierre Omydiar a fondé eBay aux Etats-Unis en 1995. Ainsi, l’une des plus grandes entreprises Internet américaines a été créée par un immigré français ! Et Pierre Omydiar est loin d’être le seul. Les immigrés aux EtatsUnis sont surreprésentés dans le domaine des sciences et de la technologie. Un quart des membres de l’Académie des sciences américaine sont des immigrants (Stephan et Levin, 2001). Ils représentent aussi un quart des scientifiques ayant contribué à fonder les start-up de biotechnologie qui ont été introduites en Bourse. Un quart des brevets américains sont déposés par des immigrés (1). Les Etats américains qui ont reçu le plus de diplômés étrangers depuis 1940 ont vu une nette augmentation de leur nombre de brevets (Hunt et Gauthier-Loiselle, 2010). Le visa H-1B, critiqué par Trump, est lui-même un facteur important de cette innovation. Ainsi, lorsque leur nombre augmente, celui de brevets déposés par les travailleurs étrangers suit (2). Mais l’afflux de tous ces travailleurs extérieurs aurait-il des effets négatifs sur les salariés américains ? Trump aurait-il raison ? Les études scientifiques menées sur le sujet montrent que l’afflux de travailleurs étrangers hautement qualifiés stimule également le dépôt de brevets par des Américains. Ils génèrent un corpus scientifique que les Américains peuvent aussi utiliser, et les collaborations renforcent cet effet positif. Les études ont également montré que ces visas avaient particulièrement bénéficié à des villes ayant déjà des communautés d’origine étrangère importantes, les immigrés ayant tendance à rejoindre d’anciens compatriotes. Et on observe que la courbe des salaires et celle du nombre de visas attribués sont liées, la proportion de travailleurs étrangers dans les sciences et technologies augmente considérablement les salaires des Américains diplômés ou non (3). Etant donné que l’innovation joue un rôle majeur dans la croissance économique, l’afflux d’immigrants par le visa H-1B stimule la croissance américaine à long terme. Encore une fois, Trump se trompe. Pour être fidèle à son slogan, «Make America great again» (rendre sa grandeur à l’Amérique), il devrait, au contraire, encourager l’immigration via les visas H-1B. • Cette chronique est assurée en alternance par Anne-Laure Delatte, Ioana Marinescu, Bruno Amable et PierreYves Geoffard. (1) Hunt et Gauthier-Loiselle, 2010 : http://ftp.iza.org/dp3921.pdf (2) Kerr et Lincoln, 2010, http://www.hbs.edu/faculty/Publication %20Files/09-005.pdf (3) Peri, Shih et Sparber, 2014, http://www.nber.org/papers/w20093 22 u Libération Mardi 28 Juin 2016 IDÉES/ Toute la rigueur républicaine contre l’islam radical Refuser la stratégie de la peur et de l’intimidation, défendre le droit de critiquer les dogmes religieux, mettre en échec les guerres juridiques visant à bâillonner la libre parole, c’est ce que réaffirme le comité de soutien à l’essayiste Djemila Benhabib. P ierre angulaire de notre démocratie, la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de critiquer, sont sérieusement remises en cause au nom d’une vision falsifiée de la lutte contre le racisme, qui assimile la critique de l’islam à une forme de racisme, en la qualifiant d’«islamophobie». Ce positionnement idéologique, qui relève de l’escroquerie sémantique, concourt à imposer l’idée que la liberté d’expression serait subordonnée aux diktats des religions en général et de l’islam en particulier. A plusieurs reprises ces dernières années, les démocraties ont rappelé que la liberté d’expression était un droit inaliénable. Pourtant, aujourd’hui nombre de penseurs, d’intellectuels, d’écrivains, de journalistes et de militant(e)s féministes et laïques font l’objet de graves persécutions, voire de menaces de mort en raison de leur Les informés de France Info Une émission de Jean-Mathieu Pernin, du lundi au vendredi, de 20h à 21h Chaque mardi avec détermination à user de ce droit. Cette tendance prend une orientation dramatique s’agissant du monde dit musulman où la séparation des pouvoirs politiques, religieux et judiciaires est un enjeu fondamental qui oppose, à l’heure actuelle, des démocrates aux islamistes et aux régimes autoritaires ou dictatoriaux. C’est le 14 février 1989, avec la publication du roman de Salman Rushdie les Versets sataniques, que l’opposition frontale à la liberté d’expression prend une tournure des plus terrifiantes en se transposant sur la scène européenne. L’ayatollah Khomeiny appelle tous les musulmans à tuer le romancier anglo-indien accusé de blasphème. Désormais, la stratégie des islamistes consiste à éliminer par tous les moyens leurs opposants. C’est dans ce contexte qu’il faut situer la condamnation à mort de Taslima Nasreen (1993), l’assassinat de Theo van Gogh (2004), les tentatives visant le caricaturiste danois Kurt Westergaard (2005), ainsi que la tuerie à Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. La légitimité de la mise à mort des esprits libres est clairement revendiquée par l’islam politique. Leur élimination est programmée et se joue sur plusieurs niveaux. Le terrain juridique en est un et il n’est pas des moindres. Des poursuites judiciaires sont désormais intentées contre des militants laïques et féministes sous de faux prétextes. Cette nouvelle stratégie qui s’apparente à une «guerre juridique», s’est visiblement mise en place, afin de museler quiconque use de sa liberté de parole pour critiquer l’islam radical et tester la résistance des «cibles» et des institutions. En France, le procès des caricatures de Charlie Hebdo en a préfiguré le terrifiant engrenage. Le procès contre la crèche Baby Loup a suivi, avec ses interminables rebondissements judiciaires dont la directrice, Natalia Baleato, est sortie victorieuse, mais au prix d’un long combat. Au Québec, Djemila Benhabib, journaliste et essayiste bien connue pour son combat contre l’islam politique en est déjà à son deuxième procès. En 2012, elle est poursuivie par une mère musulmane qui lui reproche d’avoir publié sur son blog les photos de ses deux enfants prises lors d’un concours de récitation coranique organisé à la mosquée al-Rawdah, un fief des Frères musulmans. Or, ces mêmes photos étaient déjà publiées sur le site de ladite mosquée. Djemila Benhabib a gagné ce procès sans réel objet, mais on peut imaginer ce que cela représente de pression morale et financière. Le 26 septembre prochain s’ouvrira à Montréal, un autre procès qui l’oppose, cette fois-ci, à une école islamique pourtant financée par le ministère de l’Education et qui fait du port du voile islamique une obligation à partir de la troisième année (c’est-à-dire pour des fillettes de 9 ans). Au Royaume-Uni, la militante féministe Maryam Namazie, qui mène une lutte acharnée contre les tribunaux de la charia est confrontée à des lobbies organisés au sein des campus universitaires qui viennent perturber violemment ses conférences. Cet insup- portable harcèlement consiste toujours à faire passer des militants(e)s laïques pour des racistes. Ne nous trompons pas sur les véritables motivations des auteurs de ces attaques d’un type nouveau. D’abord, il s’agit de faire régner la peur pour empêcher toute expression critique envers l’islam ou contre la façon dévoyée dont certains veulent l’imposer à d’autres. Ensuite, il s’agit de mettre une pression démesurée sur les personnes visées, pour les épuiser psychologiquement et financièrement, les ostraciser et les éliminer du débat public. Bref, les décourager de continuer à s’exprimer publiquement. C’est pourquoi nous réaffirmons avec force que les démocrates du monde entier refusent la stratégie de la peur et de l’intimidation. Il ne saurait être question de renoncer à la liberté d’expression, pas plus qu’à l’universalité des droits humains et à ceux des femmes en particulier, qui ne doivent souffrir aucune contestation ni restriction au nom de préceptes religieux ou de prétextes culturels. A nous de rassembler nos forces pour nous donner les moyens d’agir collectivement. C’est le premier objectif du comité de soutien qui vient de se constituer. • http://djemilabenhabib.com/ je-soutiens-djemila PREMIÈRES ASSOCIATIONS SIGNATAIRES : Association pour la mixité, l’égalité et la laïcité (Amel), Assemblée des femmes, Clara Magazine, Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Coordination française pour le lobby européen des femmes (Clef), Comité Laïcité République, Egalité – Laïcité – Europe (Egale), Femmes pour le dire, Femmes pour agir, Femmes sans voile d’Aubervilliers, Femmes solidaires, Institut d’éthique contemporaine, Laïcité – Libertés, Libres MarianneS, Ligue du droit international des femmes, Marche mondiale des femmes – France, Ni putes ni soumises, Observatoire de la laïcité de Saint-Denis, Regards de femmes, Réseau féministe «Ruptures», Union des familles laïques (Ufal). PREMIERS SIGNATAIRES INDIVIDUELS : Waleed al-Husseini Blogueur, auteur, Elisabeth Badinter Philosophe, écrivaine, Gérard Biard Directeur de Charlie Hebdo, Danielle Bousquet Députée honoraire, Marika Bret DRH de Charlie Hebdo, Sérénade Chafik Militante féministe, Chahla Chafiq Sociologue, écrivaine, Nadia el-Fani Cinéaste, Caroline Fourest Journaliste, auteure, Pierre Gauthier Député au Parlement de Genève, Jean Glavany Ancien ministre, député ,des Hautes-Pyrénées, Shoukria Haidar Présidente de Negar – Soutien aux femmes d’Afghanistan, Marieme Helie Lucas Sociologue, fondatrice de Secularism is a Women’s Issue, Catherine Kintzler Philosophe, professeure émérite Lille-III, Françoise Laborde Sénatrice de Haute-Garonne, Guy Lengagne Ancien ministre, Corinne Lepage Ancienne ministre, présidente de CAP 21, Joseph Macé-Scaron Président du comité éditorial de Marianne, Laurence Marchand-Taillade Présidente de l’Observatoire de la laïcité du Val-d’Oise, Maryam Namazié Porte-parole de One Law for All, membre du Council of ex-muslims, Magali Orsini Députée au Parlement de Genève, Céline Pina Essayiste et militante laïque, Hubert Reeves Astrophysicien, auteur, Yvette Roudy Ancienne ministre, Boualem Sansal Ecrivain, Fatoumata Fathy Sidibé Eurodéputée, Mohammed Sifaoui Journaliste, Lisa-Marie Taylor Présidente de Feminism in London, Viviane Teitelbaum Eurodéputée, échevine, Fiammetta Venner Politologue, essayiste. Libération Mardi 28 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe RÉ/JOUISSANCES Par LUC LE VAILLANT Comme un avion sans kérosène Solar Impulse 2 redonne confiance en une humanité réinventant le nomadisme sur une planète, pas forcément vouée à sa perte verte. Au plus haut des cieux cérémonieux, au cœur de ce vide sidéral où ne niche aucune divinité, plane un avion silencieux qui en dit long sur le génie humain de cette espèce, la nôtre, qu’on finissait par croire suicidaire. Solar Impulse 2 est cet aéronef solaire qui ne consomme rien, va très loin et perce les gros nuages emplis de découragement quand la notion de progrès semble si souvent battre de l’aile. Il vole sans carburant et son bilan carbone parfait est surtout un message adressé aux dévoreurs d’énergie qui peuvent enfin songer à se convertir à la sobriété sans pour autant abandonner tout espoir de mobilité. L’ÉTERNEL RETOUR. Engagé dans un tour du monde censé faire la démonstration par l’exemple d’une philosophie de l’éternel retour, celle du renouvelable et du recyclable, Solar Impulse 2 a gagné un combat symbolique. Il vient de traverser l’Atlantique, entre l’Amérique et l’Europe, sur le parcours originel des pionniers de l’aviation qui est aussi la hotline du vieux monde développé. Aux commandes, le psychiatre suisse Bertrand Piccard a mis 71 heures pour effectuer la liaison entre les deux continents. En 1927, Charles Lindbergh, lui, avait mis 33 heures mais avec le cockpit empli à ras bord de kérosène de rechange pour son moteur pétroleur. Gamin, Piccard avait assisté aux côtés du vétéran Lindbergh, au lancement d’une capsule Apollo depuis Cap Canaveral. Voici leurs solitudes de pionniers accolés dans des exploits jumeaux aux significations inversées. L’ANTI-CONCORDE. Antithèse du Concorde à double bang des années 70, Solar Impulse 2 se déplace à bas bruit et à bas coût. Le supersonique avait des allures de héron cabré, dopé à l’agressivité des Trente Glorieuses. Le flâneur des temps décroissants ne dépasse pas le cent à l’heure. C’est un chameau autarcique qui bronze ses batteries de survie en nudiste stellaire. Il est intéressant de noter que le projet ensoleillé a débuté le jour du dernier vol du bel oiseau de fer gaulliste. Comme il serait intéressant que cette libellule pataude qui a la même envergure qu’un Airbus mais pèse 250 fois moins fasse un «touch and go» à Notre-Dame-des-Landes pour raconter comment les équipements en béton armé paraîtront datés et pèseront le poids de leur inutilité à mesure que les «monte-en-l’air» vont se disperser en bulles de savon. L’AUTONOMIE SOUS CLOCHE. Les crispations identitaires actuelles font croire que chacun va camper sur son pré carré, sourcils froncés et fourche brandie en étendard. Et que bientôt le Royaume-Uni, peuple vogueur s’il en fut, ne sera plus qu’un archipel d’îlots barbelés, qu’un camp retranché de fortins hérissés. La proposition Piccard annonce plutôt une constellation d’étoiles filantes qui se déplaceront lentement au fil du temps, se laissant porter par les jet-streams au lieu de s’opposer au flux dominant. Comme les aérostiers, il faudra jeter du lest pour changer d’altitude et trouver des contre-courants. Ou, en surfeur, utiliser l’énergie de la vague pour la chevaucher et se contenter de l’enjoliver de sa signature d’écume. Il sera inutile de résister, de se braquer, de se fâcher. Il faudra composer. On pourra juste biaiser tout en se laissant porter, à moins de disparaître à la vue dans le tube de la déferlante. Solar Impulse 2 annonce sans doute la fin d’Icare, le brûleur d’ailes, de Prométhée, le cambrioleur de feu et de Vulcain, le forgeron de la dureté. On va vers un monde La terre est labourée par les crampons de l’Euro et piétinée par les manifestants tournant en rond comme des chevaux dans l’enclos préfectoral. Heureusement que, tout là haut, ça respire un autre air et que ça rêve gazeux et sans gazoline. de nomadisme perpétuel et ralenti. Comme dans le Cinquième Elément, le film de Luc Besson, on verra se croiser des avions sans carburant, des voitures sans chauffeurs, des navettes fluviales, mais aussi des nacelles flottantes ou des couffins azotés pour bébés bulles, sans compter les licornes et les chimères. LA GUERRE ÉLÉMENTAIRE. La navigation de Solar Impulse 2 remet L'ŒIL DE WILLEM u 23 aussi à jour une évolution des rapports de force entre les quatre éléments qui n’aurait pas déplu à Henri Bergson. En France, ces temps-ci, l’air se raréfie et semble un peu le parent pauvre du quatuor. Les kalachs de la terreur religieuse crachent le feu comme la fée électricité allume en permanence, nuits comprises, les cités habitées. Les réfugiés pataugent dans l’eau salée comme les rivières montent à cru. La terre est labourée par les crampons de l’Euro et piétinée par les manifestants tournant en rond comme des chevaux dans l’enclos préfectoral. Heureusement que, tout là-haut, ça respire un autre air et que ça rêve gazeux et sans gazoline. Il est d’ailleurs symptomatique qu’au moment où l’on réussit à voler réservoir vide, on puisse aussi marcher sur l’eau, sans se prendre pour un Christ aux pieds percés mais en suivant les routes maritimes imaginées par l’artiste Christo et peintes en jaune dahlia. • Document Jun 2016 - 28 15:13:46 Mardi Juin 2016 24 u: LIB_16_06_28_PA.pdf;Date : 27.Libération Formation [email protected] 01 41 04 97 68 ESEC-ÉCOLE SUPÉRIEURE D’ÉTUDES CINÉMATOGRAPHIQUES PARIS Enseignement supérieur libre Quelques places encore disponibles pour un accès direct cycle 2 en Scenario, Montage SFX, Production et Documentaire Formations professionnelles (niveau II / Licence-Maîtrise) www.esec.edu eDITIon Formation au métier de correcteur Octobre 2016 Par des professionnels de la presse et de l’édition : O J.-P. Colignon, Le Monde, O A. Valade, Le Robert, O B. Vandenbroucque, Belfond. Orthotypographie. Difficultés de la langue française. Ponctuation. Réécriture. www.centreec.com 01 45 81 12 08 "DÉMÉNAGEMENT URGENT" MICHEL TRANSPORT Devis gratuit. Prix très intéressant. Tel. 01.47.99.00.20 micheltransport@ wanadoo.fr lIVres - reVUes LIBRAIRE ACHETE: Livres modernes, anciens pléiades, bibliothèques, service de presse, CD. Me contacter : 06.40.15.33.23. VOUS Offre intégrale Répertoire [email protected] 01 40 50 51 66 DÉmÉnageUrs ABONNEZ anTIQUITÉs 33€ 8IZUWQ[(1)[WQ\XT][LMLM ZuL]K\QWVXIZZIXXWZ\I]XZQ` LM^MV\MMVSQW[Y]M Achète tableaux anciens 7ЄZMoL]ZuMTQJZM[IV[MVOIOMUMV\ ABONNEZ-VOUS À LIBÉRATION XIXe et Moderne avant 1960 Tous sujets, école de Barbizon, orientaliste, vue de venise, marine, chasse, peintures de genre, peintres français & étrangers (russe, grec, américains...), ancien atelier de peintre décédé, bronzes... Estimation gratuite EXPERT MEMBRE DE LA CECOA ²LuKW]XMZM\ZMV^WaMZ[W][MV^MTWXXMIЄZIVKPQMo4QJuZI\QWV [MZ^QKMIJWVVMUMV\Z]MLM+Pp\MI]L]V!8IZQ[7ЄZMZu[MZ^uMI]`XIZ\QK]TQMZ[ Oui AUTLIB16 , je m’abonne à l’offre intégrale Libération. Mon abonnement intégral comprend la livraison chaque jour de Libération et chaque samedi de Libération week-end par portage(1) + l’accès aux services numériques payants de liberation.fr et au journal complet sur iPhone et iPad. Nom Prénom Rue N° [email protected] NOUVEAU Votre journal 06 07 03 23 16 Code postal Ville Numéro de téléphone Entre-nous entrenous-libe@ teamedia.fr 01 40 10 51 66 messages personnels @ E-mail (obligatoire pour accéder aux services numériques de liberation.fr et à votre espace personnel sur liberation.fr) Règlement par carte bancaire. Je serai prélevé de 33€ par mois (au lieu de 50,80€, prix au numéro). Je ne m’engage sur aucune durée, je peux stopper mon service à tout moment. Carte bancaire N° Expire le J’inscris mon cryptogramme mois est habilité pour toutes vos annonces légales sur les départements 75 - 91 - 92 - 93 - 94 Renseignements commerciaux de 9h00 à 18h00 au 01 40 10 51 51 ou par email : [email protected] année (les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire) Signature obligatoire : Règlement par chèque. Je paie en une seule fois par chèque de 391€ pour un an d’abonnement (au lieu de 659,70€, prix au numéro). Soutenez mes vingt et une propositions pour le XXIe siècle http://www.fourcade2017.com Vous pouvez aussi vous abonner très simplement sur : www.liberation.fr/abonnement/ (1) Cette offre est valable jusqu’au 31/12/2016 en France métropolitaine. La livraison du quotidien est assurée par porteur avant 7h30 dans plus de 500 villes, les autres communes sont livrées par voie postale. Les informations recueillies sont destinées au service de votre abonnement et, le cas échéant, à certaines publications partenaires. Si vous ne souhaitez pas recevoir de propositions de ces publications cochez cette case. Libération Mardi 28 Juin 2016 SCREENSHOTS a la tele ce soir TF1 FRANCE 4 NT1 20h55. La chance de ma vie. Comédie. Avec : FrançoisXavier Demaison, Virginie Efira. 22h45. Esprits criminels. Série. 20h55. Télé Gaucho. Comédie. Avec : Franc Bruneau, Emmanuelle Béart. 22h45. Les petits princes. 20h55. La Momie. Aventures. Avec : Brendan Fraser, Rachel Weisz. 23h15. Le roi scorpion 3 : Combat pour la rédemption. Téléfilm. FRANCE 2 20h50. Les routes de l’impossible. Documentaire. Madagascar - À l’assaut de l’île rouge. Panama : business dans la jungle. 22h35. C dans l’air. 20h50. Une chance sur deux. Comédie. Avec : Jean-Paul Belmondo, Alain Delon. 22h50. Jacquou le croquant. PARIS PREMIÈRE HD1 20h45. La carapate. Comédie. Avec : Pierre Richard, Victor Lanoux. 22h35. Amélie au pays des Bodin’s. Film. 20h50. Section de recherches. Série. Rescapé. Mauvaise rencontre. Le substitut. 23h35. Section de recherches. Série. FRANCE 5 20h55. Du vent dans les branches de Sassafras. Spectacle. Avec : François Berléand, Anne Benoît. 22h50. Retour aux sources. Documentaire. FRANCE 3 20h55. Brokenwood. Téléfilm. La pêche du jour. Pour l’amour du golf. 23h55. Grand Soir 3. 0h25. Les spécialistes. Film. CANAL + 20h55. La très grosse émission. Divertissement. Invité : Christian Clavier. 22h40. Les profs 2. Comédie. Avec : Kev Adams, Isabelle Nanty. TMC M6 21h00. À l’état sauvage. Magazine. Michaël Youn dans les pas de Mike Horn. 23h15. À l’état sauvage. Magazine. Retour sur l’aventure avec Michaël Youn. 20h55. Les experts : Miami. Série. L’arrache-cœur. L’espion qui les aimait. L’autre alternative. 23h35. Créance de sang. CHÉRIE 25 20h55. Jeux d’enfants. Comédie dramatique. Avec : Guillaume Canet, Marion Cotillard. 22h45. Big. Film. NRJ12 NUMÉRO 23 20h55. Hold up à l’italienne. Téléfilm. Avec : Astrid Veillon, Bruno Wolkowitch. 22h45. Dossiers criminels. D8 LCP 21h00. La folle histoire de Camping. Divertissement. 22h50. Le grand bêtisier de l’été. Divertissement. 20h30. Train-avion, éternels rivaux. Documentaire. 21h30. Débat. 22h00. On va plus loin. Magazine. On retrouve les résidus de la perturbation de la veille entre la Gironde et la Lorraine, avec quelques pluies éparses. Temps sec et éclaircies en remontant plus au nord. L’APRÈS-MIDI Au nord, nuages et éclaircies jouent l'alternance tandis qu'au sud le soleil s'impose. À noter un risque d'averses des régions centrales au nord-est, de même qu'un risque orageux dans les Pyrénées. MERCREDI 29 Grisaille fréquente sur les trois quarts du pays, avec quelques gouttes de la Gironde aux Ardennes, voire quelques pluies déjà au pied des Pyrénées. L’APRÈS-MIDI Le temps devient instable des Pyrénées au Massif central et dans les Alpes, ce qui favorise le développement d'orages. Quelques averses sont possibles de l'Aquitaine à la Lorraine. 0,3 m/15º Lille 0,3 m/15º Caen Paris Strasbourg Brest Paris Dijon 1 m/16º 1 m/16º Lyon Lyon 0,6 m/19º Nice Montpellier Toulouse Marseille Nice Montpellier Marseille Cogérants Laurent Joffrin Marc Laufer Directeur général Richard Karacian Directeur de la publication et de la rédaction Laurent Joffrin Directeur en charge des Editions Johan Hufnagel Directeurs adjoints de la rédaction Stéphanie Aubert David Carzon Alexandra Schwartzbrod BOKO HARAM ce soir sur Arte à 22 h 55 Rédacteurs en chef Christophe Boulard (technique), Sabrina Champenois, Guillaume Launay (web). ◗ SUDOKU 3079 MOYEN Directeur artistique Nicolas Valoteau 4 7 5 9 Rédacteurs en chef adjoints Michel Becquembois (édition), Grégoire Biseau (France), Lionel Charrier (photo), Cécile Daumas (idées), Matthieu Ecoiffier (web), Jean-Christophe Féraud (futurs), Elisabeth Franck-Dumas (culture), Didier Péron (culture), Sibylle Vincendon et Fabrice Drouzy (spéciaux). 1/5° 6/10° 11/15° 0,6 m/18º 16/20° 21/25° 26/30° 31/35° 36/40° 3 6 Éclaircies Peu agitée Nuageux Calme Fort Pluie Modéré Couvert Orage Pluie/neige 3 6 6 Faible 15 FRANCE Lille Caen Brest Nantes Paris Nice Strasbourg MIN MAX 12 11 11 13 14 22 15 20 20 17 21 23 27 24 FRANCE Dijon Lyon Bordeaux Ajaccio Toulouse Montpellier Marseille MIN MAX 13 12 15 19 13 16 15 25 29 26 28 28 32 29 MONDE MIN MAX Alger Bruxelles Jérusalem Londres Berlin Madrid New York 22 9 22 13 16 22 18 25 18 31 20 22 35 29 3 1 4 9 5 4 1 3 7 1 Membre de OJD-Diffusion Contrôle. CPPAP: 1120 C 80064. ISSN 0335-1793. La responsabilité du journal ne saurait être engagée en cas de nonrestitution de documents. Pour joindre un journaliste par mail : initiale du pré[email protected] 1 8 4 9 SUDOKU 3078 DIFFICILE 6 5 7 2 8 4 1 3 5 8 6 9 4 1 2 3 7 7 1 8 3 9 4 5 2 6 7 9 1 3 2 6 4 5 8 2 3 4 1 5 6 8 7 9 2 3 4 8 5 7 9 6 1 4 9 2 8 1 5 6 3 7 4 5 7 2 9 3 8 1 6 6 5 3 9 4 7 1 8 2 9 1 3 4 6 8 5 7 2 8 7 1 2 6 3 9 4 5 6 2 8 7 1 5 3 4 9 5 8 7 4 3 9 2 6 1 8 4 5 1 7 9 6 2 3 3 2 6 5 8 1 7 9 4 1 6 9 5 3 2 7 8 4 1 4 9 6 7 2 3 5 8 3 7 2 6 8 4 1 9 5 Solutions des grilles d’hier ON S’EN GRILLE UNE? 1 2 3 4 II III IV V VI VIII IX X XI 5 6 3 9 I 2 3 9 Grille n°332 Neige 5 7 2 9 8 9 8 9 8 1 7 8 6 7 5 SUDOKU 3078 MOYEN IMPRESSION Midi Print (Gallargues) POP (La Courneuve) Nancy Print (Jarville) CILA (Nantes) 6 5 8 2 1 Directeur administratif et financier Grégoire de Vaissière Directrice Marketing et Développement Valérie Bruschini Service commercial [email protected] Imprimé en France Soleil ◗ SUDOKU 3079 DIFFICILE 2 VII 1 m/18º -10/0° Agitée Après son incroyable film sur les combattants kurdes dans les montagnes du Sinjar qui lui a valu plusieurs prix, Xavier Muntz propose un documentaire tout aussi passionnant – attention aux images parfois très dures – sur la naissance de Boko Haram. Pour cela, il est retourné là où tout a commencé, dans la ville de Maiduguri dans l’Etat du Borno au Nigeria, où Mohamed Yusuf, fondateur du mouvement, est passé de prêcheur à succès à martyr de la cause jihadiste. Nous sommes au début des années 2000 et ce partisan de la charia rassemble de plus en plus de monde dans sa mosquée, y compris des jeunes en demande de justice sociale et de moins de corruption. Le documentaire montre comment le rapport de force avec le pouvoir en place a viré à l’affrontement sanglant, jusqu’à ce que Mohamed Yusuf soit arrêté et abattu «sur ordre du gouvernement». Depuis, les membres de Boko Haram se sont fondus dans la nature pour mener à bien leur politique de terreur. Le film rappelle combien les interventions de l’armée ont été aussi sanglantes que les exactions de ceux qu’elle était censée combattre. Et que même si Boko Haram est en recul, on est très loin de toute idée de réconciliation. DAVID CARZON Principal actionnaire Altice Média Group France Petites annonces. Carnet Team Media 25, avenue Michelet 93405 Saint-Ouen cedex tél.: 01 40 10 53 04 [email protected] Bordeaux Bordeaux Toulouse Dijon Nantes Edité par la SARL Libération SARL au capital de 15 560 250 €. 23, rue de Châteaudun 75009 Paris RCS Paris: 382.028.199 PUBLICITÉ Libération Medias 23, rue de Châteaudun, 75009 Paris tél.: 01 44 78 30 67 Orléans Nantes 0,6 m/19º Strasbourg Brest Orléans Aux racines du mal www.liberation.fr 23, rue de Châteaudun 75009 Paris tél.: 01 42 76 17 89 ABONNEMENTS abonnements.liberation.fr [email protected] tarif abonnement 1 an France métropolitaine: 391€ tél.: 01 55 56 71 40 Lille 0,3 m/15º Caen IP 20h55. Les sentinelles de l’air. Science-fiction. Avec : Ben Kingsley, Bill Paxton. 22h25. Le saint. Film. 20h55. Pluie d’enfer. Catastrophe. Avec : Morgan Freeman, Christian Slater. 22h45. Les démineurs. Téléfilm. MARDI 28 IP 04 91 27 01 16 6 TER W9 20h55. La Turquie face à la terreur. Documentaire. 21h50. Génération djihad. Documentaire. 0,3 m/15º D17 20h55. La vie est belle. Comédie dramatique. Avec : Roberto Benigni, Giustino Durano. 23h10. Allan quatermain et la pierre des ancêtres (1/2). ARTE u 25 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe 5 6 7 8 9 Par GAËTAN GORON HORIZONTALEMENT I. Elles sont blanches comme neige II. Premiers repas ; Prises en compte III. Corpsà-corps ; Un grand GrandBreton IV. Il est bienvenu chez le nourrisson, malvenu chez l’adulte ; Evaluée du bout des doigts V. Sans couverture ; Macron y est né, Verne y est mort VI. Vous n’avez pas intérêt à ce qu’elles vous prêtent de l’argent VII. Poumon industriel de l’Allemagne ; Il veille sur l’image des médias VIII. Possessif ; Il fut mis en place sous Vichy IX. Les possesseurs de carte X. Qui vient d’arriver ; Elle ne roule plus XI. Du mollet VERTICALEMENT 1. Expulsion brutale 2. Qui a perdu le nord 3. Pelote de bas en haut ; Barbes d’arbres 4. Service à recommencer ; Un carré de 10√2 mètres de diagonale 5. Palais avec deux chambres spacieuses 6. Chez le docteur ; Les voyelles de la souffrance ; Fit un pari 7. Relatif aux excréments 8. On les appelle aussi maigres ou grogneurs ; Il salue Marie 9. Qui font blanchir les cheveux Solutions de la grille d’hier Horizontalement I. SOMMELIER. II. UNIONISTE. III. PURITAIN. IV. ESA. DAM. V. RISOTTO. VI. ME. HEURES. VII. ANS. MIELS. VIII. ABEL. AI. IX. CON. NÉGRO. X. HUANT. IGN. XI. ETATS-UNIS. Verticalement 1. SUPERMARCHÉ. 2. ONUSIEN. OUT. 3. MIRAS. SANAA. 4. MOI. OH. NT. 5. ENTÊTEMENTS. 6. LIA. TUILE. 7. ISIDORE. GIN. 8. ETNA. ÉLARGI. 9. RÉ. MISSIONS. 26 u Dantec Libération Mardi 28 Juin 2016 La dernière apocalypse Libération Mardi 28 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 27 SF Auteur à succès de cyberpolars vénéneux et de romans philosophiques dérangeants, phénomène littéraire des années 90 au culte assombri par un flirt avec l’extrême droite, ce provocateur halluciné est mort samedi à 57 ans. d’une utopie politique, il fallait que je me trouve un endroit où vivre qui me convienne davantage sur le plan d’une projection vers l’avenir. En Euétait l’année 2000. Le festival de Saint- rope, je ne vois plus d’avenir.» Malo, Etonnants Voyageurs, célébrait Mais longtemps, Maurice Dantec vécut à Ivryles utopies et avait invité Maurice sur-Seine, une banlieue rouge où s’étaient instalG. Dantec qui traînait une aura et une dégaine lés ses parents, militants communistes, qui fude rock star, look brun vénéneux, lunettes noires, rent exclus du PCF en 1968. Du climat ambiant clope et voix crépusculaire. En trois titres inclas- d’Ivry, il décrit un «bastion des Jeunesses commusables, dont les fans débattaient pour se disputer nistes, où la liberté d’expression des autres était les check-points de frontières entre polar et SF, vraiment réduite, surtout celle des autres memil était devenu culte. «Un Ovni», disait-on de lui, bres de l’extrême gauche, les groupuscules trotset pour se raccrocher aux branches, on rajoutait kistes, maoïstes, etc». Au lycée Romain-Rolland, que le lecteur déboussolé pourrait toujours ten- il rencontre Jean-Bernard Pouy, alors animateur ter de chercher dans ses romans les images ras- culturel avant de devenir auteur de polars lui surantes de Dashiell Hammett, William S. Bur- aussi, et qui lui fait découvrir J.G. Ballard, Philip roughs, Kant ou Chuck Berry. «Il fait feu de tout K. Dick, Norman Spinrad, William Burroughs, les bois. Il s’y brûlera peut-être les doigts», prophéti- situationnistes. Déjà, Dantec lit beaucoup, énorsait Etonnants Voyageurs en 2000. En attendant, mément. En parallèle, avec des amis du lycée, il Maurice Dantec n’apparaissait pas. Très en retard cultive une passion pour la musique, se frotte au au rendez-vous. L’imprévisible auteur avait, sem- punk, aux groupes un peu «durs», «provocs», ble-t-il, décidé de bouder le train style Stooges, MC5… Ils fondent Arpour venir en voiture solo. Une va- DISPARITION tefact en 1977. Mais ça ne décollera gue histoire d’horaire qui ne convejamais vraiment, après quelques nait pas, voire une histoire de stress presque mi- concerts et un album. Bien plus tard, il y reviensanthropique. Ce n’était pas très clair. Arrive dra, comme membre du groupe Schizotrope avec enfin l’olibrius sur zone, tout sourire, la sil- le père de la musique électronique française et houette mince, la boule à zéro. Chaleureuse- ami du philosophe Gilles Deleuze, Richard ment, il propose de partager son «tarpé». Pinhas, et l’auteur de SF Norman Spinrad. Une En revanche, pas question de parler de Babylon dizaine d’années de tournée, jusqu’en 2007. Babies, son dernier roman logorrhéique, halluciné et science-fictif indubitablement. Mais plu- Serial-killer paranoïaque. Au début des antôt de ce qui lui tient à cœur en cette mi-an- nées 90, il végète : petits boulots dans la pub, née 2000 : l’incroyable trésor que représente marketing téléphonique, société de communicaInternet, et pas pour la richesse touristique du tion multimédia. Il fait un séjour dans l’ex-Yousurf, mais pour la société elle-même qui s’y mi- goslavie en guerre, épisode sans éclairage direct, roite, en particulier les extrémismes que Dantec dont on peut lire la trace dans ses premiers ropistait la nuit. Avec un pointillisme délirant. Pa- mans. «A l’époque, relatait-il à Libération en 1999, rano ou obsessionnel, le romancier avait laissé la je me suis fait avoiner à la fois par les gauchos et place au chroniqueur acerbe, échauffé et érudit les petits fafs.» La Sirène rouge, publiée en 1992, du Théâtre des opérations, se la flambant dans la le lance d’un coup. Rapidement suit un autre très blanche de Gallimard. Dantec avait 41 ans, la rage gros roman à la Série noire, les Racines du mal qui au cœur, parvenu sur une crête, et déjà incons- met en scène un serial-killer paranoïaque, Anciemment au bord de la bascule, prêt à déjouer dreas Schlatzmann, persuadé que les nazis et les tous les pronostics qui avait été mis sur sa tête. aliens de la planète Vega ont envahi le monde. A Rétrospectivement, il dira : «Cela a commencé la fin du livre, Dantec adjoint la bibliographie qui avec le premier Théâtre des opérations quand j’ai lui a servi pour concevoir son roman et on y eu la prétention de sortir de la case cyberpolar. trouve pêle-mêle Mahomet, Nietzsche, BaudeQuelle erreur, je n’avais pas mon diplôme pour laire, les Sex Pistols, Vaneigem, Deleuze… Sa propenser! Surtout que je ne pense pas comme cer- duction vient de ce qu’il avale et synthétise. «C’est tains s’y attendent. Et ça n’est pas d’aujourd’hui.» un esprit en réseau, disait de son ami l’auteur de Samedi, l’iconoclaste «incompris» est mort chez polars Yannick Bourg, à Libé en 1999. Il charrie lui, à Montréal, d’une crise cardiaque à 57 ans. une connaissance encyclopédique, dynamite les frontières entre les disciplines et les genres.» De «Utopie politique». Depuis trente ans, de- fait, c’est le cas avec Babylon Babies qui renoue puis 1997, Dantec vivait outre-Atlantique. C’est avec son héros de la Sirène rouge, Hugo Cornelius en 1995 qu’il avait découvert le Québec, en allant Toorop, mercenaire qui doit escorter de la Russie à un salon du livre avec Patrick Raynal, l’éditeur à New York une mystérieuse jeune fille, dans un de son premier roman, la Sirène rouge (1992), qui monde par ailleurs ravagé par les guerres civiles rompait avec la veine sociale du polar français. et le chaos climatique. D’ailleurs adapté au ci«Je m’y suis tout de suite senti chez moi. C’est néma par Mathieu Kassovitz sous le titre Babyl’idée de Castaneda, qui dit qu’un seul endroit sur lon A.D., avec Vin Diesel et Mélanie Thierry. la planète est fait pour toi et que le plus dur est de Mais on voit déjà que Babylon Babies, stupéfiant, le trouver», racontait-il. A son départ, il donnait est en même temps quelque part monstrueux. une explication politique aux Inrocks en 1999 : Beaucoup de lecteurs charmés jusque-là lâche«L’Europe m’ayant complètement et définitive- ront la rampe, parfois après Villa Vortex paru ment dégoûté d’elle-même, je suis à la recherche en 2003. Dans ces années-là, Suite page 28 Par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL C’ En 2005 à Montréal (en haut et à gauche). PHOTOS P. GAILLARDIN. PICTURETANK CULTURE/ 28 u Libération Mardi 28 Juin 2016 Un quintal K l’esprit marqué par le 11 Septembre, Maurice Dantec devient de plus en plus tenté par le complotisme. «A l’époque, il croyait à la théorie du complot et à Roswell, se rappelle l’universitaire Pierre Lagrange. Il me traitait de méchant rationaliste. En même temps, il annonçait une redistribution des cartes : avant, c’était les crétins qui croyaient aux extraterrestres. Aujourd’hui, il y a des conseillers comme John Podesta à la Maison Blanche qui croient à Roswell.» Dantec devient aussi de plus en plus sulfureux avec des prises de position parfois extrêmes. Début 2004, il envoie des mails au groupuscule d’extrême droite Bloc identitaire, pour dire son accord au combat «contre la dissociation de la France et l’islamisation de l’Europe». Il dit non lors du référendum sur la constitution européenne, défend le rétablissement de la peine de mort au Canada. Son roman Cosmos Incorporated (2005) voit les vieilles démocraties en déclin incapables de résister au prosélytisme islamiste. Suite de la page 27 Chez Ardisson, en 2004, il tente de se dédouaner: «Je voulais y présenter des excuses aux populations immigrées qui auraient pu se sentir insultées par certaines présentations mensongères de mes positions. Car je n’ai rien contre les musulmans “en général” et je suis fondamentalement contre tous les racismes. Sans exception. Mais évidemment, ça, ils l’ont coupé au montage.» Néoréac oui, raciste non, souligne Jérôme Schmidt son ami et dernier éditeur, qui l’a accueilli après de sombres procès dans le milieu. «Il était néoréac quand ce n’était pas la mode, quand il fallait être de gauche, il était de droite, quand il fallait être de droite, il n’était plus là… Il avait toujours un temps d’avance ou un temps de retard.» Son dernier roman, les Résidents (Inculte, 2014), raconte un long road trip de trois personnages qui veulent se venger de leur destin. Son prochain portait sur l’histoire de l’Amérique moderne à partir de l’invention du colt. Son titre: A l’ouest du crépuscule… • A Paris, en 2005, l’année de publication de Cosmos Incorporated sur le prosélytisme islamiste. PHOTO JÉRÔME BRÉZILLON. TENDANCE FLOUE oshimuru se tient au centre du ring. Autour d’elle, la colonne grillagée s’élève comme un drôle de tube arachnéen à la rencontre du sommet du dôme Fuji. Soûlée par les clameurs, elle titube un peu. Ça crépite de tous les côtés, le staccato de l’arme préférée des Japonais, l’autofocus Nikon ou Minolta. Les éclairs blanc-bleu des flashs et la lumière rousse de la vapeur de sodium qui tombe des rampes se polarisent dans les nappes de fumée, lourdes volutes dérivant derrière le grillage tubulaire qui sépare le ring des spectateurs. Ça hurle de partout dans la fumée et la lumière. Un tonnerre d’artillerie humaine. Ça cogne sur les planchers, les sièges, les cannettes de Coca, tout ce qui peut être frappé, les mains, les revues de wrestling roulées en tube, le voisin parfois. Ça pulse sous les pieds. C’est bon. Derrière le grillage pointent les museaux noirs et brillants des caméras de la NHK. Koshimuru sourit à un des objectifs et son rictus provoque une petite coulée de sang, là où son incisive a explosé tout à l’heure… De quoi ravir son manager, le petit docteur Asaki, qui a fait d’elle la «Cannibale de Chiba». En face d’elle, à quelques mètres, Toroyama, son adversaire, est plaquée contre le quadrillage d’acier, où elle tente de reprendre son souffle. Le «sharpshooter» que vient de lui expédier Koshimuru en plein plexus a été porté avec tout le poids du corps. Au moment où le contact a eu lieu, ça a produit un drôle de craquement. Koshimuru fait un petit geste provocateur à destination de sa rivale. Elle va gagner. Elle va le regagner, ce foutu titre asiatique. Les dieux shintô qu’elle a priés pendant des mois, à qui elle a multiplié les offrandes sur le Fuji-Yama, les petits rouleaux de papier, les fleurs coupées, les bols de riz parfumé au jasmin, oui, les dieux des samouraïs et des mercenaires ninjas, les dieux des shoguns sont de son côté ce soir, ça ne fait aucun doute. Toroyama suffoque, ses yeux sont vitreux, son visage est en sang, ses lèvres bleues, sa pommette droite n’est plus qu’un morceau de chair violacée, comme un fruit pourri sur le point de tomber de l’arbre. Elle est déjà vaincue, prête à l’inéluctable. Koshimuru prend une profonde inspiration. La seconde d’après, elle heurte de tout son poids le sternum de son adversaire, qui s’écrase lourdement contre le grillage. Koshimuru rebondit devant elle et le «jab-manchette» qu’elle assène est en fait un classique de la boxe thaïe, avec le coude replié, en pleine mâchoire. Non homologué mais fatal. Elle enchaîne aussitôt par un bon coup à deux mains dans les reins. Han! Toroyama s’effondre comme un gros sac et Koshimuru n’entend plus que la vague qui hurle son nom dans l’espace bétonné du dôme. Elle observe la grosse masse boudinée dans sa combinaison violette qui se tortille sur le plancher. Koshimuru est déjà en action. Ses 97 kilos se soulèvent du sol, comme une bombe étonnamment silencieuse et légère, puis retombent dans un bruit mat sur la forme allongée. Ça craque encore plus fort que tout à l’heure. La forme s’est cambrée violemment, comme sous l’effet d’un électrochoc. Le cri de Toroyama s’est presque perdu dans le vacarme qui emplit le dôme Fuji, mais son visage, stupéfait par la fulgurance de la douleur, est répété une dizaine de fois dans la grappe d’écrans géants qui ceinture la colonne de grillage à son sommet. Koshimuru lève les bras vers la nuée électrique, elle sent le rayonnement pénétrer en elle. Elle en est une extension biologique, elle est une image déjà copiée à des milliers d’exemplaires dans les unités de flashage de l’Asahi Shimbun. Elle est le point focal de toutes les caméras de la NHK, elle est la «Cannibale de Chiba» et personne ne peut l’arrêter. Mais Koshimuru veut une victoire totale. Toroyama est celle qui lui a ravi le titre l’année dernière. Koshimuru en avait été pour plusieurs déplacements de vertèbres, Libération Mardi 28 Juin 2016 u 29 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe de viande en colère En février 1995, dans le cadre d’une carte blanche donnée à des écrivains sur le thème du sport, Maurice G. Dantec avait écrit ce texte inédit pour «Libération», entre les cordes d’un ring japonais. des côtes enfoncées et surtout une bonne hémorragie interne, au niveau des ovaires. Elle a mis des mois pour s’en remettre (mais elle restera stérile à vie), des mois de difficile rééducation, tout entière tendue vers cet unique objectif: regagner le titre, la ceinture de cuir et d’or que lui a prise cette grosse truie de Toroyama, la «Tigresse mandchoue». Les LED géantes de l’horloge digitale annoncent que le dernier round touche à sa fin. Dans moins d’une minute, le gong électrique résonnera et le dôme explosera sous le fracas de ces milliers de gosiers qui hurleront son nom, encore plus fort que maintenant. Maintenant, Koshimuru est accrochée au grillage, à trois mètres de hauteur. Elle vient de l’escalader et, précautionneusement, de se retourner, dos au réseau de métal. Ses talons sont enfoncés entre deux entretoises d’acier, ses mains s’agrippent solidement, au niveau de ses oreilles. Cent kilos de muscles, mais agile comme un singe. Juste en dessous d’elle, Toroyama esquisse un vague mouvement, qui s’éteint aussitôt. Mais où qu’elle aille, elle ne pourra échapper à Koshimuru, à son quintal de viande en colère, et bien sûr elle le sait. Et Koshimuru sait qu’elle le sait. Ses yeux brillent de cette connaissance intime. Elle goûte le silence électrique qui baigne l’hémisphère de béton. A ses pieds, les gueules miroitantes des caméras sont toutes dressées dans sa direction, sauf une, qui suit la reptation pathétique de Toroyama. Le réalisateur doit se régaler et les écrans géants doivent passer de l’une à l’autre image, dans un kaléidoscope brutal, entièrement dédié au mouvement, à la souffrance et à la mort, comme dans ces mangas qui illustrent parfois les combats qu’elles se livrent, Eternity-Zillion, Tsunami, Battle Angel Alita (dans un numéro datant de son âge d’or, Koshimuru avait une fois affronté Battle Angel Alita, dans le rôle d’une «super-vilaine» anthropophage et dotée de pouvoirs diaboliques). Dès demain, d’ailleurs, la plupart d’entre eux mettront en scène son exploit, elle redeviendra l’héroïne bishonen de l’année, romantique et meurtrière, la guerrière aux combats gagnés en un éclair, celle qui dévore ses adversaires, la «Cannibale de Chiba», rendue presque élégante par sa passion sanguinaire et son costume rouge fluo. Mais pour l’heure, Koshimuru est à trois mètres au-dessus de sa victoire. En bas, le visage de Toroyama exprime une forme aiguë de résignation, celle des petits mammifères coincés par le prédateur. Accrochée au grillage, Koshimuru savoure l’instant. Les images de sa longue rééducation défilent rapidement dans sa mémoire et le souvenir de sa souffrance, lorsque Toroyama l’avait achevée par cet écrasement vicieux. La Toroyama, elle va s’en souvenir longtemps à son tour, de la douleur… Son saut s’effectue dans un silence de vol à voile. Parfaitement exécuté, les deux jambes bien tendues en V, à l’horizontale. Il semble durer une éternité pour tous les spectateurs du dôme, et sans doute pour les millions rivés à leur écran. Et pour Koshimuru, qui voit le disque brillant du ring grossir comme un lac régulier à la rencontre de l’avion en piqué. Au centre du lac, l’île violette grossit encore plus vite. Ça explose, comme si elle était la bombe qui vient de percuter le sol. Un soleil de sensations irradie de partout. Le bruit mat du choc, la percussion plus sourde et profonde du ring qui résonne sous l’impact, la vague humaine qui prend son essor tout autour d’elle, le hurlement de souffrance et de désespoir de Toroyama, celui du commentateur, le carillon électrique du gong, perdu dans le vacarme, puis le hard rock sauvage de la publicité Fuji qui recouvre tout. Mais surtout il y a la douleur, qui irradie d’elle, de l’intérieur. Du bas-ventre. Elle est apparue dès l’instant du choc, mais elle gonfle, s’amplifie, au rythme des infor- mations brutes que tente de décoder son cerveau. Pourquoi est-ce qu’elle a si mal, soudainement, au bas-ventre, là où les docteurs ont dû l’ouvrir pour interrompre l’hémorragie l’année dernière ? Pourquoi se met-elle à cracher du sang ? Et pourquoi tremble-t-elle de tous ses membres alors qu’il fait une chaleur à crever, ici ? «Eventration», affiche en continu un ordinateur planqué au fond de sa mémoire. Elle tourne la tête vers l’emplacement de son manager, le docteur Asaki, et esquisse un geste dans sa direction. Le docteur discute vivement avec plein de types, mais le nuage noir et les aiguilles de lumière envahissent tout. Lorsqu’il disparaît, les aiguilles de lumière sont toujours là. Il y a un drôle de bruit périodique derrière elle, comme un bip de téléphone. Il y a des sortes de tubes un peu partout, comme des serpentins de verre qui dépassent du creux de son coude et de son nez. Il y a le visage du docteur Asaki qui flue et reflue à ses côtés. Il y a son propre bras qui fait un mouvement en direction du docteur, sa main qui attrape le tissu bon marché du costume coréen. Et il y a sa voix, qui résonne étrangement à ses oreilles. Il faut qu’elle se répète pour que le docteur saisisse ce qu’elle ânonne et pour qu’elle le comprenne vraiment, elle aussi, et avec stupeur. Le docteur Akassi hoche doucement la tête, émettant un sourire triste. J’ai gagné ? demande-t-elle inlassablement, j’ai gagné ? • Dès demain, elle redeviendra la guerrière aux combats gagnés en un éclair, la «Cannibale de Chiba», rendue presque élégante par sa passion sanguinaire et son costume rouge fluo. BIENNALE DE CRÉATION DE MOBILIER URBAIN DE LA DÉFENSE Ses 97 kilos se soulèvent du sol, comme une bombe étonnamment silencieuse et légère, puis retombent dans un bruit mat sur la forme allongée. Ça craque encore plus fort que tout à l’heure. 3E ÉDITION JUIN 2016 — JUIN 2017 design graphique VILLAGE GL BAL duofluo 5 PROJETS À DÉCOUVRIR ET À TESTER À PARTIR DU 28 JUIN 2016 Un événement organisé par Defacto Direction artistique : Valérie Thomas / Jean-Christophe Choblet Production déléguée : le troisième pôle Signalétique : Malte Martin @LADEFENSEFR WWW.LADEFENSE.FR 30 u Libération Mardi 28 Juin 2016 SUR LIBÉRATION.FR Du genre classique L’actualité choisie de la grande musique traitée en de petites formes : retour sur un match de foot-concert à la Philharmonie, une livraison massive d’enregistrements de Brahms décortiquée, mais aussi paroles de cinéastes évoquant les mises en scène d’opéra, l’Opéraoké du Champ-de-Mars dans un documentaire, et un quiz-agenda serviciel. CULTURE/ MUSIQUES POP Metronomy repasse à l’art d’été Avec «Summer 08», le groupe se teinte de nostalgie en revenant au Londres cool de ses débuts, dont l’excitation n’est plus qu’un lointain et morne souvenir. Par AGNÈS GAYRAUD «L a musique pop est faite pour les adolescents. Tant qu’il y a des adolescents aux premiers rangs de mes concerts, je suis content», déclarait récemment Joseph Mount, photographié pour l’occasion, pour le magazine Crack, visage figé et vêtements de sport sous couleurs acidulées légèrement poisseuses évoquant les néons de boîtes de nuit balnéaires où la musique de Metronomy se danse maintenant depuis huit ans. Huit ans que Nights Out a lancé la carrière de cet homme qui joue de tout en studio et s’accompagne sur scène d’un groupe. Draps soyeux. Summer 08 évoque, de l’aveu de son créateur, cette année 2008 où tout a changé, où les lubies confidentielles d’un musicien en chambre sont devenues les hymnes de hordes de festivaliers décuplées au fil du temps. Trois albums plus tard, il referme la boucle sur le souvenir de ce basculement, et réveille un Joseph Mount antérieur, dans la fraîcheur de sa vingtaine. C’était le Londres de la fin des années 2000, la quête du cool, la Retrouvez sur Libé.fr notre entretien avec Joseph Mount, tête pensante de Metronomy, où, outre son nouvel album, il est beaucoup question de retour aux sources et de nostalgie. En plein dans l’actualité, donc. conquête du bluff, la petite moisissure germée sur les sentiments de celui à qui tout réussit trop vite, les occasions manquées, malgré ou à cause du succès. Sur Back Together, deux voix narquoises d’étudiants en Grad School casent un rendez-vous dans leurs agendas respectifs, bien remplis (ou supposés tel), mais quelque chose sonne faux dans leur jeu de séduction: «On devrait revenir en arrière toi et moi», chante un chœur impérieux, ouvrant la vanne des sentiments à l’époque inavouables, tandis que le synthé remonte –comme une machine à remonter le temps– les demi-tons de la gamme. Sur Miami Logic, qui emporte telle une décapotable vers des nuits floridiennes, tout est obstacle, le moindre élan, le moindre geste, devient «la chose la plus difficile qu’on puisse imaginer». Il ne reste rien que l’excitation du départ, de cette ligne de basse irrésistible qui pourtant ne conduit pas à un véritable refrain. Le souvenir apporte quelque ivresse («my sweet sixteen beat»), celle d’un avenir projeté tout seul depuis sa chambre en pensant à un être désiré («got loving on the mind»), jusqu’à la rebondissante Hang Me Out to Dry dotée de la voix sucrée de la chanteuse Robyn. Mais comme dans le vidéoclip accompagnant Old Skool, où les protagonistes ne croient plus vraiment à leur propre orgie, sous le regard perplexe d’un enfant, une lame de froideur s’est glissée entre les draps soyeux de ces rêves nostalgiques. Plongée dans cette mélancolie presque morbide, la basse sous-marine de Mick Slow insinue sa dose de désespoir au cœur du disque. «I know You» scande une voix solitaire qui rappelle celle, déchirante, de Black Francis dans Hey des Pixies. Sur un son de Moog flûté, tapi sous une rythmique impeccable, My House commente l’incommunicabilité éternelle. La chouette nocturne Night Owl enjoint quand même à célébrer l’instant, mais elle est bien mûre et autoparodique comme le lettrage Joseph Mount, 33 ans, et idole des adolescents depuis Nights Out (2008). PHOTO ANDREW WHITTON psychédélique de la pochette qui, depuis leur disque précédent, Love Letters (2014), a viré à l’orange perlé de gouttelettes érotico-kitsch sur un fond sombre. Moelleux désespoir. En fin de compte, détaché de l’affectation rétro sixties de Love Letters, Sum- mer 08 est un disque grave et dansant comme sa basse, dominante. A l’écouter se clore sur ce lent Summer Jam, il a des airs de bande-son pour suicide de magnat californien un soir d’été dans sa piscine. Dans ce moelleux désespoir assez distancié pour continuer à être dansant, il n’y a rien d’étonnant à ce que des adolescents puissent trouver leur compte. Mais une chose est sûre, les teenagers qui se presseront aux premiers rangs des prochains concerts de Metronomy sont déjà des nostalgiques. • METRONOMY SUMMER 08 (Because) Libération Mardi 28 Juin 2016 u 31 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Phare West On entend déjà soupirer le bon peuple mélomane qui n’en peut plus des jérémiades mégalomaniaco-marketing de Kanye West. Et pourtant : le rappeur frappe de nouveau un grand coup au cœur de l’Internet mondial en divulguant le clip de Famous via la plateforme sur abonnement Tidal. Une vidéo directement inspirée d’une toile du plasticien Vincent Desiderio, qui allonge ensemble dans un lit, à poil – et sans leur autorisation, il va sans dire –, tous CLIP ceux qui furent mêlés de près ou de loin à des polémiques le concernant : sa femme, Kim Kardashian, l’ex-partenaire de sextape de celle-ci Ray J, Anna Wintour, Taylor Swift, George W. Bush, Bill Cosby… et Donald Trump. Avis pourtant aux curieux qui espéreraient y trouver quelque chose d’une grande orgie postmoderne et scandaleuse, tout le monde s’y tient dans une raideur tout à fait cadavérique pendant les dix minutes que dure l’affaire. PHOTO DR ÉLECTRONIQUE Avec Paula Temple, le genre se lève La Canadienne, installée à Berlin et en tournée cet été en France, milite pour une techno politisée et féministe. A u cœur d’une messe nocturne comme en donne souvent Paula Temple, dans une église canadienne plutôt que dans un club cette nuit-là, une violente alarme s’est mêlée à de la techno orageuse, à laquelle le public a répondu par une joyeuse clameur. Il a fallu plusieurs minutes à chacun pour admettre que l’alerte incendie causée par les machines à fumée ne faisait pas partie du live et songer à évacuer le dancefloor. L’événement, rapporté par le magazine Now Toronto, peut faire office d’indicateur du volume de décibels que Paula Temple expédie pendant ses services. Le 4 mai, quelques semaines avant l’incident canadien, elle était à Nuits sonores à Lyon, incendiant les tympans d’une foule juvénile massée devant son sobre autel entouré de spots aveuglants. «Ma musique semble résonner avec notre époque, particulièrement en France où les gens qui m’écoutent sont de plus en plus nombreux. Chaque fois que je joue, qu’importe la ville, ils sont incroyablement réceptifs, je n’ai jamais vu cet extrême ailleurs, ils ont faim de cette connexion, s’étonnait alors la productrice britannique, basée à Berlin. C’est intéressant que la techno soit si populaire maintenant, mais je ne pense pas que ce soit une coïncidence, car nous sommes à une époque dure, spécialement pour les jeunes qui n’ont pas de perspectives de travail et vivent un quotidien stressant. Tous ces changements à grande échelle, le capitalisme et son nouveau visage, le conservatisme, en tout cas en Grande-Bretagne, nous entraînent contre notre gré : la techno semble être un antidote à tout ça.» «Sombre». Dans la fiole de l’antipoison se percutent des trouvailles bruitistes arrangées avec une intensité théâtrale. Organiques quand ils semblent se faire le scanner sonique de nos entrailles ou symphonie de machines qui nous survivraient et écriraient la bande-son d’un bigbang qui n’a pas encore eu lieu. «La techno doit vous frapper physiquement et mentalement. Je me laisse profondément aspirer par des problèmes énormes qui sont hors de mon contrôle et me font me sentir faible, c’est pourquoi ma musique est si Paula Temple : «La musique que je fais est apocalyptique.» PHOTO KAREN VANDENBERGHE puissante émotionnellement. Parfois, la musique que je fais est apocalyptique, ce que j’ai joué à Nuits sonores était très sombre, proche de la fin. J’imagine qu’on est dans le dernier endroit sur terre où l’on peut se réunir et danser et que ce lieu ne peut pas être touché, comme une ultime liberté.» Son titre Ful, paru sur l’EP Deathvox en 2014, emprunte son nom à un collectif d’artistes suédois, féministe et queer, à l’origine d’un opéra proclamé antinationaliste et pro-immigrants. Leur engagement a inspiré à Paula Temple un morceau dont la dramaturgie clouerait le bec aux tontons pour qui rien n’est musique hors de l’opéra. Longtemps DJ, Paula Temple était revenue en force en 2013 à sa carrière artistique après s’être éloignée des clubs, entre autres pour dispenser des formations Ableton. Un logiciel de production musicale, dont des chiffres sortis il y a une poignée d’années affirmaient que seulement 7 % des utilisateurs étaient des femmes. «Mixte». «La technologie a été genrée, pourtant beaucoup de femmes codaient dans les années 90, et ça a eu un énorme impact sur l’electro. Etant professeur, je vois cependant que, même physiquement, les femmes sont poussées sur le côté dans la dynamique d’un groupe mixte, et c’est valable dans d’autres domaines. On doit donc continuer d’encourager les femmes et les trans et en étant conscients de ça», explique celle qui a par ailleurs lancé le label Noise Manifesto, où elle veille à ce que 50% des artistes représentés soient femmes ou trans. Elle s’apprête à y sortir le deuxième numéro du projet collectif Decon/Recon, où chaque contribution est ano- nymisée. Elle n’hésite pas à redonner du contexte à cette démarche: «La techno vient de Detroit, à l’origine elle était noire, politique, éducative mais aussi très masculine. Avec ce type de cadre et de considérations, on se rend compte qu’initialement elle n’était pas pour tout le monde. Depuis que je suis revenue dans la scène techno, je constate qu’elle est toujours plutôt blanche en Europe, mais elle a changé de façon significative, car ceux qui la font sont prêts à parler et donner du contexte au son.» «C’est là que cette musique redevient plus que seulement hédoniste et échappatoire, poursuit-elle. C’est aussi une chance de se réunir: je suis invitée à beaucoup de fêtes techno hétéro, d’autres queer ou féministes. Je me rends compte que ce sont des communautés qui existent. Les organisateurs ont le pouvoir, à l’intérieur des soirées qu’ils organisent, de créer un monde différent. Même si ce n’est que pour une nuit.» CHARLINE LECARPENTIER PAULA TEMPLE En concert au festival Astropolis à Brest le 1er juillet et au festival Electro Alternativ à Toulouse et Tournefeuille les 8 et 10 septembre. JAZZ Randy Weston, nona génial Le vétéran et légende de la musique afro-américaine, de passage à Jazz à Vienne, continue de puiser son inspiration du Sénégal à l’Egypte. L es derniers géants : l’expression est un grand classique de l’histoire du jazz. Elle colle parfaitement à Randy Weston, un petit 2 mètres sous la toise, 90 ans depuis le 6 avril. De la Harlem Renaissance où le New-Yorkais grandit à The African Rhythm Club, le club qu’il fonda à Tanger en 1967, de ses multiples tournées en Afrique dès l’orée des sixties au triple album en hommage à ses illustres pairs – Ellington et Monk, en tête – trente ans plus tard, le pianiste n’a cessé de creuser, de ses longs doigts, le fertile sillon qui unit l’Afrique à l’autre Amérique. Blues to Senegal, Roots of the Nile, Congolese Children Song, Timbuktu, Zulu, Uhuru Afrika, le répertoire qu’il a composé porte les traces de l’esprit des ancêtres, une thématique récurrente chez celui qui fonda l’African American Society, association visant à «revendiquer la culture afro-américaine mais aussi les concepts d’émancipation en Afrique», qui rendit visite en son shrine au Nigérian Fela. Pas de doute, le «nouveau talent» pour la revue de référence DownBeat en 1955 a très vite trouvé dans la mémoire de l’Afrique matière à s’inventer un futur outre-Atlantique. Notamment avec les Gnaouas marocains, confrérie de musiciens guérisseurs avec lesquels il conversera régulièrement, en toute spiritualité. A l’heure de fêter cet immense instrumentiste, à sa main tout autant quand il s’agit de caresser le clavier ou de percuter les 98 touches d’ivoire et de noire, Jazz à Vienne convie ainsi son African Rhythms Quintet. On y retrouve quelques fidèles de longue date, dont le sous-estimé saxophoniste Billy Harper, un jeunot de 73 ans avec lequel il signa récemment un quintessentiel The Roots of the Blues. «Il a un son puissant qui vient directement d’Afrique, un cri si déchirant qu’on y entend votre âme», résume Randy Weston. Et pour que la fête soit à la hauteur de ce talent, trois musiciens ont été conviés : le Malien Cheick Tidiane Seck, pianiste pivot de la scène afro-parisienne, le Sénégalais Ablaye Cissoko qui n’aime rien tant que dialoguer avec les jazzmen, et le oudiste égyptien Mohamed Abozekry, lui aussi curieux des blue notes… Somme toute, un casting raccord pour saluer l’histoire de ce phare qu’est Randy Weston. JACQUES DENIS RANDY WESTON En concert au festival Jazz à Vienne, le 4 juillet . Libération Mardi 28 Juin 2016 www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Monsieur Catalexit Carles Puigdemont Séparatiste, le président de la Catalogne espère que le nouveau pouvoir espagnol permettra l’indépendance. I l est arrivé en retard, bien en retard, alors il s’excuse à plates coutures. Carles Puigdemont (prononcez : Karlas Poutchdémont) est un homme poli et policé, épris de bonnes manières, d’une naturelle courtoisie. Il ne faut pas lui en vouloir: en cette fin d’après-midi, le président de la Catalogne se trouve «coincé» dans l’hémicycle du Parlament, le parlement régional. Le combat dont il est le protagoniste n’a rien de très réjouissant. Les députés de son camp tentent de ficeler le délicat budget annuel et doivent pour cela négocier le moindre chiffre avec leurs alliés contre-nature de la CUP, une coalition anticapitaliste et antisystème. On lui pardonnera donc, et de bon cœur. D’autant que cet homme qui ressemble comme deux gouttes d’eau au sélectionneur allemand, Joaquim Löw, cinquantaine fringante et chevelue (bien plus poivre que sel), énergie contagieuse et un quelque chose de juvénile dans le regard, semble de prime abord s’excuser d’exercer la fonction suprême de son «pays». Précisons que pour les nationalistes catalans, une bonne moitié des 7 millions d’habitants – a fortiori les séparatistes comme lui –, la notion de «pays» est aussi émotionnelle qu’indiscutable. Le monologue est le suivant : «Je suis d’essence catalane et de circonstance espagnole. Autrement dit, j’appartiens, bien malgré moi, à un “Etat” que je n’ai pas choisi.» Carles Puigdemont semble s’excuser, oui, il est par nature timide, modeste. Il a beau arborer d’élégantes lunettes et un impeccable veston noir sur chemise blanche, c’est comme si l’habit de «président de la Generalitat» (l’exécutif catalan, à Barcelone) était trop grand pour lui. «En tout cas, il faut s’y faire et apprendre. C’est un grand honneur.» Il ne s’y attendait pas. En janvier, le «normal» Puigdemont, maire de Gérone, est catapulté à la présidence de la Catalogne. On a pensé à lui pour remplacer le sulfureux Artur Mas, calife régional depuis 2010 qui ne faisait pas l’unanimité dans les rangs de la coalition indépendantiste au pouvoir. Casier judiciaire vierge, sympathique, dialoguant: il a tout pour plaire. Le voici donc intronisé, et le paradoxe n’est que plus flagrant. Il n’a rien du «Moïse catalan» aux harangues messianiques qu’était Mas. Et pourtant, Puigdemont est entré en fonction avec un mandat clair: obtenir enfin l’indépendance de cette région pas comme les autres, où depuis un bon millénaire les velléités n’ont jamais manqué de se tailler un destin propre. «129 présidents de la Generalitat m’ont précédé au cours de notre histoire. Mais je suis le premier choisi pour conduire mon pays vers la liberté». Il prononce une phrase, pas une sentence. Pas étonnant. Si Mas s’est converti au séparatisme par calcul politique, Puigdemont est tombé lui dans la marmite depuis tout petit. Antifranquiste dès l’âge de 12 ans, ce fils et petit-fils de pâtissiers rêva vite de divorce avec l’Espagne. Ado, dans son village d’Amer près de la très catalanophone Gérone, son oncle Josep l’emmène à des meetings sécessionnistes. «Je ne ressens pas de haine contre l’Etat espagnol, mais un immense amour pour ma patrie. Dans les couples en conflit, la séparation est souvent la meilleure solution.» «Puigdi», comme l’appellent ses proches, est un vrai de vrai, acquis à la cause. Après avoir voulu décoller dans l’espace (il se voyait astronaute) et dans les sons (longtemps bassiste amateur), il adhère à sa terre. Linguiste militant, il décroche un diplôme en langue catalane, monte une association culturelle, prend racine à Gérone. Cette idéologie sentimentale qui arrive aujourd’hui à défier Madrid, Carles Puigdemont y a largement contribué. Depuis 2006, lorsqu’il devient député de Convergència, une formation de centre droit qui ne cessera de se radicaliser contre le «diktat espagnol», il a connu toutes les étapes de cette dynamique centrifuge qui terrifie une majorité d’Espagnols. Luimême psalmodie les étapes de cette Passion. D’abord le refus du Tribunal constitutionnel, en 2010, d’accorder une nouvelle autonomie à la Catalon 29 décembre 1962 gne. Ensuite, les marches Naissance à Amer, monstrueuses de la Diada, en Catalogne. fête régionale annuelle dans n 1999 Fonde les rues de Barcelone, del’Agència catalana puis 2012. Et puis le référende noticies (ACN), dum illégal de l’automne sorte d’AFP régional. 2014, reflétant un désir majon 2004 Directeur ritaire de rupture (même si la général de Catalonia participation fut basse). Sans Today. n 2011 Maire oublier le défi sécessionniste de Gérone. de l’Association des municin 9 janvier 2016 palités catalanes, dont il a été Président élu président l’an dernier. Et de la Catalogne. encore, en septembre 2015, le scrutin régional donnant une courte victoire à la coalition séparatiste. «En 2012, nous avions 14 députés pour la rupture. Aujourd’hui, 72. Il faudrait peut-être nous prendre au sérieux!» Arithmétiquement, son parti serait idéal pour construire une coalition au niveau national après les élections législatives de dimanche. Mais, politiquement, pour les autres, c’est un casse-tête. Après le leave britannique, un Catalexit ? «Le Brexit est la preuve qu’on peut parfaitement prendre en Europe des décisions souveraines», réagit-il. «Les voyages soignent le nationalisme», dit-on souvent à Madrid pour moquer le «virus» sécessionniste. La maxime ne s’applique pas à lui. Puigdemont a parcouru maints pays pour rédiger un livre sur «les nations sans Etat». Il a cheminé en curieux viscéral, dans toutes les aires du journalisme, de simple reporter à rédacteur en chef du journal catalan El Punt. A bourlingué comme entrepreneur médiatique, créateur de l’Agència catalana de noticies (une agence de presse), puis à la tête de Catalonia Today (journal pour anglophones). Il a voyagé en Roumanie, pays d’origine de sa compagne, Marcela Topor, journaliste de télé de quinze ans sa cadette qui s’exprime dans un très bon catalan. Il l’a rencontrée à Gérone lors d’un festival de théâtre. Ils ont deux filles, Magali et Maria, 8 et 6 ans. Il accepte, pour faire plaisir à cette croyante fervente, d’observer les Pâques et le Noël orthodoxes. Fan de nouvelles technologies, twitto incontinent, Puigdemont dit voir loin. Dans son entourage, on aime le définir comme un «visionnaire efficace». Il le sait, la séparation d’avec l’Espagne est un projet fou. De Juncker à Merkel, les grands d’Europe ferment leurs portes à ce trublion centrifuge. Lui persiste et signe. Pragmatique: «Avant d’organiser un référendum, il faut consolider une majorité sociale favorable à la rupture.» Courageux (peut-être): «S’il le faut, j’y laisserai ma peau. Je ne suis en politique que pour cela.» Inconscient (sûrement): «Si je dois choisir entre l’obéissance à une décision du Tribunal constitutionnel espagnol, corrompu et espagnoliste, ou à la volonté du peuple catalan, je n’hésiterai pas une seconde». Quitte, lui demandet-on, à risquer le cachot? «Oui, monsieur.» En catalan, Puigdemont signifie «cime de la montagne». • Par FRANÇOIS MUSSEAU Photo HECTOR MEDIAVILLA