Imposition des revenus différés et des trop-perçus
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Imposition des revenus différés et des trop-perçus
J dossier J Retrouvez les dossiers du Médiateur de la République Imposition des revenus différés et des trop-perçus : des contribuables pénalisés Les revenus différés ou les indus sont source de préjudices pour les contribuables modestes et les personnes non imposables. Surplus d’imposition mais aussi perte de certains avantages fiscaux ou prestations sociales, ces derniers se retrouvent injustement pénalisés. Face à une telle situation, le Médiateur de la République a fait part de plusieurs propositions à même de rétablir une certaine équité. La législation en vigueur et ses conséquences une proposition de réforme visant à rendre automatique le mécanisme du quotient. Cette proposition se heurte au refus de la ministre de l’Économie au motif que ce serait une source de complexité tant pour les contribuables que pour l’administration. La règle du quotient limite faiblement les effets de la progressivité de l’impôt. • Les revenus différés imposables l’an- • Les autres conséquences pour les béné- A.GABRYSIAK née de leur perception conduisent à un surplus d’imposition inéquitable pour les titulaires de faibles revenus, telles les personnes non imposables en temps normal. En effet, ces personnes le deviennent du fait de la perception tardive de revenus, alors qu’elles seraient demeurées non D L’annualité de l’impôt sur le revenu ne permet pas de modifier des impositions établies antérieurement L’article 12 du Code général des impôts (CGI) pose, pour tout revenu, le principe de l’annualité : « L’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. » Mais les modalités d’imposition des revenus différés et des trop-perçus étant différentes, il convient de définir les deux notions. Qu’est ce qu’un revenu différé et un trop-perçu, et au titre de quelle année est-il imposé ? • Les revenus différés sont ceux que le contribuable, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, perçoit au cours d’une année et qui, par leur date d’échéance normale, se rattachent à des années antérieures (article 163-0 A du CGI). Il s’agit notamment des rappels de salaires ou de pensions, des arriérés de loyers ou d’intérêts. z Il découle de la règle de l’annualité qu’un revenu relatif à l’année N-1, 2007, par exemple, mais versé avec retard, au cours de l’année N, 2008, sera imposable au titre de 2008. • De même, l’imposition du trop-perçu peut entraîner un surcroît d’impôt alors que la déduction de la restitution reste sans effet sur l’imposition de l’année du remboursement si les autres revenus imposables sont modestes ou lorsque le bénéficiaire est devenu non imposable. Ces personnes s’estiment imposées sur des sommes non perçues. Des conséquences financières dommageables es contribuables se retrouvent surimposés et perdent des avantages sociaux et fiscaux à la suite de la correction ou de la régularisation dans le versement de leurs revenus, dont ils ne sont pas responsables : dans ce domaine, les réclamations sont nombreuses. Pourtant, elles ne révèlent pas de dysfonctionnement de l’administration fiscale, mais attestent sans doute d’une réglementation injuste. imposables si ces revenus avaient été versés aux échéances normales. ficiaires. En effet, leur intégration au revenu fiscal de référence est susceptible d’entraîner pour les contribuables modestes la perte d’avantages fiscaux (exonération de la taxe foncière, de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle) et de prestations sociales attribuées sous condition de ressources. Les propositions de réforme • Les trop-perçus concernent les contri- buables disposant d’une somme qui ne leur est pas due. Si son remboursement intervient l’année de perception, le tropperçu n’a pas à être déclaré. Sinon, il est imposé au titre de l’année de perception et il sera déduit du revenu brut de la même catégorie l’année du remboursement. z Ainsi un indu perçu l’année N (2008) et remboursé en N + 1 (2009) est imposable en 2008. L e Médiateur de la République a formulé plusieurs propositions de réforme pour limiter l’impact fiscal des revenus différés ainsi que les conséquences de l’imposition des trop-perçus pour les contribuables non imposables et, de façon plus générale, améliorer les relations entre l’administration fiscale et les contribuables. L’imposition des revenus différés : la règle du quotient (article 163-0A du CGI) Autoriser la taxation séparée en cas de revenus différés Le législateur a prévu un régime d’imposition dit « du quotient » qui consiste à calculer, d’après le barème progressif, l’impôt dû sur le revenu courant, puis à effectuer le même calcul en ajoutant à ce revenu le quart du revenu différé, et enfin à multiplier ce surcroît d’imposition par 4 pour obtenir la cotisation d’impôt relative au seul revenu différé. Ce système n’est pas automatique. Le contribuable doit en formuler expressément la demande sur la déclaration annuelle de revenus. À défaut, il peut en solliciter l’application par réclamation au service des impôts dans le délai légal. Le Médiateur a formulé en 2007 Dès lors que la qualification de revenus différés suppose qu’ils soient versés en raison de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, on peut s’étonner que ne soit pas assurée, pour ces revenus, une certaine « innocuité fiscale ». Dans un souci d’équité, le Médiateur de la République propose d’envisager un examen rétrospectif de la situation fiscale des personnes non imposables ayant perçu des revenus différés. Au cas où cet examen mettrait en évidence que le contribuable serait demeuré non imposable s’il avait perçu les revenus différés selon des échéances normales, il serait alors équitable d’établir une taxa- 2 Mé diat e u r Act u al it é s Juillet 2009 - N°49 tion séparée des rappels afférents aux années antérieures. Cette mesure permettrait de maintenir, au cours de l’année d’imposition des revenus différés, les avantages attachés à la non imposition ou soumis à conditions de ressources. Par lettre du 16 février 2009, la ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi estime que la sécurité juridique impose de ne pas remettre en cause la situation des années antérieures. Elle ajoute que la perception différée des revenus permet, dans certaines situations, de bénéficier de l’octroi de prestations sous condition de ressources que l’examen rétrospectif proposé pourrait aboutir à remettre en cause. On observera que l’examen rétrospectif suggéré pourrait ne constituer qu’une simple faculté pour le contribuable et ne s’effectuer que sur demande expresse de sa part. Le Médiateur de la République suggère également de modifier le calcul du quotient en supprimant le plafond actuel de quatre années pour tenir compte du nombre réel d’années de rappel, majoré de l’année de mise à disposition du d a n s D o s s i e r u r g e n t s u r w w w. I c p a n . f r / e m i s s i o n s / 6 2 2 6 0 témoignage Didier Migaud, DR député de l’Isère, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale Vous avez présenté en mars 2007, à la commission des finances de l’économie générale et du plan un rapport d’information sur le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR) ainsi que son rapprochement et sa fusion avec la contribution sociale généralisée (CSG). Pensez-vous que le système fiscal actuel est trop complexe ? Il est non seulement complexe mais aussi injuste. À cet égard, les réformes de l’IRPP * menées depuis 2002 et amplifiées depuis 2007 ont accentué l’injustice fiscale. Pour les contribuables, l’immense avantage de la retenue à la source est de mettre fin au décalage d’un an entre le revenu et sa taxation et donc d’adapter l’imposition instantanément aux variations de revenus et aux « accidents » de la vie. Mais la retenue à la source, en soi, ne permet pas de simplifier l’impôt ni de le rendre plus juste, car c’est d’abord une réforme des modalités de prélèvement. C’est pour cette raison que si je considère cette réforme comme justifiée en tant que telle, j’ai souhaité l’inscrire dans la revenu. Sur ce point, Madame Lagarde se déclare favorable à une amélioration du système du quotient pour tous les contribuables et pour l’ensemble des revenus différés. Rendre plus équitable l’imposition des trop-perçus Le Médiateur de la République propose de rendre plus équitables les modalités d’imposition des sommes indûment perçues. Il estime que les services fiscaux devraient pouvoir prononcer une remise gracieuse égale à la différence entre le montant de l’impôt régulièrement liquidé en année N, tenant compte du versement alors indûment perçu, et du même impôt calculé en faisant abstraction de la fraction du revenu ayant fait l’objet d’un remboursement de la part du contribuable en année N + 1 ou ultérieurement. perspective d’un véritable impôt citoyen de manière linéaire en fonction des reveregroupant l’IRPP et la CSG. nus. Des barèmes distincts pourraient De cette façon, il serait possible de rendre être créés pour tenir compte des situal’imposition des ménages plus juste, plus tions familiales. Ainsi, chacun saurait cohérente, plus efficace et plus trans- précisément et immédiatement combien parente. La plus grande d’impôt il doit en foncsimplification portetion de ses revenus. rait notamment sur le barème, qui est devenu Que pensez-vous de la L’immense avantage totalement incompréhenfusion de la direction de la retenue à la sible et illisible, faussant générale des impôts et source est de mettre d’ailleurs le débat public de la direction généfin au décalage d’un sur le poids de l’impôt. rale de la comptabilité 90 % des Français payent publique ? an entre le revenu plus de CSG que d’imÀ partir du moment où et sa taxation et pôt sur le revenu ! C’est cette fusion peut améliodonc d’adapter cette donnée fondamenrer le service rendu aux l’imposition tale qui devrait structurer usagers, à améliorer le le débat fiscal, plutôt rapport coût-efficacité instantanément que le taux marginal du de l’administration, j’y aux variations de barème de l’impôt sur le suis favorable. revenus. revenu. D’une manière généPour cela, je préconise rale, je plaide depuis de d’abandonner le barème nombreuses années – et actuel et de s’inspirer de celui qui fut créé la Lolf * est destinée à cela – pour une en 1937, fondé sur le taux réel. Ainsi, le amélioration de l’efficacité de l’action barème partirait de 0 % et augmenterait publique, qui est globalement satisfai- res fiscales, la charte du contribuable de septembre 2005, mise à jour en juin 2007, est dépourvue de portée juridique devant les tribunaux et les contribuables peuvent simplement s’en prévaloir auprès de l’administration fiscale. Ce texte mériterait d’être complété en intégrant, par exemple, l’obligation pour les vérificateurs de signaler aux contribuables les erreurs qu’ils ont commises à leur détriment et de prononcer les dégrèvements correspondants. De même, la charte indique que l’administration est engagée par ses prises de position sur des situations individuelles, mais cet engagement ne constitue pas une obligation légale. Le Médiateur de la République a par conséquent formulé une proposition de réforme tendant à renforcer et à préciser le statut juridique de la charte du contribuable. Limiter la pratique des interruptions de prescription abusives Contrairement à la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui est opposable à l’administration en vertu de l’article L.10 du Livre des procédu- DR Rendre la charte du contribuable réellement opposable L’administration fiscale est tenue de motiver les rectifications pour le calcul des impôts mais elle peut, durant le délai de reprise, modifier la motivation initiale, ce qui fait courir un nouveau délai de reprise, soit l’année en cours et les trois années suivantes. Une troisième motivation est même possible. En outre, la substitution de base légale est possible à tout moment de la procédure. Dans ces conditions, il peut parfois s’écouler dix ans entre la première notification de 3 Mé diat e u r Act u al it é s Juillet 2009 - N°49 sante mais doit toujours être améliorée. Bien entendu, et c’est ce qui me distingue notamment de la révision générale des politiques publiques telle qu’elle est engagée depuis quelques années, ce processus ne peut pas être mené dans le secret des cabinets ministériels et avec comme a priori la réduction du nombre de fonctionnaires et de la dépense publique. Selon moi, si des redéploiements de postes de fonctionnaires et de moyens sont envisageables, et même nécessaires, il n’est pas pertinent de les considérer comme des a priori. Ce travail doit être conduit en collaboration étroite avec les acteurs des politiques publiques et le Parlement. Pour revenir sur la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, j’espère qu’elle aura, entre autres conséquences, d’alléger la tâche du Médiateur de la République… * IRPP : Impôt sur le revenu des personnes physiques. Lolf : Loi organique relative aux lois de finances. redressement et la justification définitive du rehaussement. Un tel délai est une source d’incompréhension pour le contribuable et d’insécurité juridique. Pour ces raisons, le Médiateur de la République propose que l’administration se limite désormais, sauf exception, à un seul changement de motivation ou substitution de base légale sur un point litigieux donné. Un exemple Un contribuable, imposé avec 1 part selon le barème, a perçu 20 000 euros en 2005 dont 8 000 euros de revenus différés : - Impôt sur 12 000 euros : 927 euros (A) - Impôt en ajoutant un quart des revenus différés : 1 310 euros (B) - Impôt correspondant aux revenus différés : (B-A) x 4 : 1 532 euros (C) - Impôt dû au titre de l’année 2005 : 2 459 euros (A+B) au lieu de 2 890 euros sans application du quotient (20 000 euros soumis au barème)
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