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Migraine : une maladie qui se soigne SOMMAIRE Propos recueillis à l'occasion d'un débat grand public organisé par la Fondation Recherche Médicale et France Info dans le cadre des "Rencontres santé". Vendredi 25 juin 2004, à la Maison de la Radio (Paris). Débat animé par Marina Carrère d’Encausse, co-présentateur du Journal et du magazine de la santé sur France 5. La prise en charge de la migraine : manque d’information ou de formation ?…. p. 2 À chaque migraineux son traitement………. p. 3 Vivre avec la migraine …………………….…. p. 5 À propos de la Fondation Recherche Médicale ………………………..… Pour en savoir + ………………………………. Document disponible sur le site de la Fondation Recherche Médicale www.frm.org p. 9 p. 9 Publication : août 2004. Crédits photos : Fondation Recherche Médicale Avec la participation de : > Pr Gilles Géraud Chef du service de neurologie du CHU de Toulouse-Rangueil, président de la Société française d’étude des migraines et céphalées. > Dr Hélène Massiou Service de neurologie de l’Hôpital Lariboisière, Paris. > Pr André Pradalier Directeur du centre Migraines et céphalées de l’hôpital Louis Mourier de Colombes, secrétaire général du Club Migraines et céphalées. Marina Carrère d’Encausse – « Plus de six millions de Français sont concernés par la migraine. Les femmes en sont les premières victimes, surtout les femmes jeunes puisque la migraine touche plus 25 % des femmes âgées de 30 à 39 ans. On estime par ailleurs que 5 % à 10 % des enfants souffrent de migraine. Quand on sait en outre à quel point la migraine peut faire souffrir, on comprend bien que cette affection altère la qualité de vie. Alors que des traitements existent, 8 migraineux sur 10 ne consultent pas, et un sur deux a recours à l’automédication. Tout ce que souhaitez savoir sur les migraines ainsi que les réponses à vos questions sont à retrouver dans cette synthèse du débat. » Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org 1 La prise en charge de la migraine : manque d’information ou de formation ? migraine. Si l’on admet qu’il peut manquer un de ces critères pour définir une migraine, on atteint 20 % de migraineux. Pr Gilles Géraud, L’enquête FRAMIG 3*, dont les résultats ont été publiés en décembre 2003, montre que, parmi ces personnes, seulement 40 % savent qu’elles sont migraineuses, 30 % n’ont pas identifié leurs maux de tête comme une migraine et 30 % pensent qu’elles ne sont pas migraineuses. Ce sous-diagnostic de la migraine mérite réflexion. C’est sans doute la raison pour laquelle seulement 1 migraineux sur 5 consulte un médecin. Parmi les autres, certains n’ont jamais consulté tandis que d’autres ont cessé de consulter. Vis-à-vis de ces derniers, le corps médical a sans doute une responsabilité. Enfin, 50 % des migraineux pratiquent l’automédication en allant directement chez le pharmacien pour se procurer des produits sans ordonnance, lesquels peuvent calmer les crises mais, bien souvent, ne peuvent les arrêter définitivement. Chef du service de neurologie du CHU de ToulouseRangueil, président de la Société française d’étude des migraines et céphalées. > Pourquoi est-on migraineux ? La migraine part du cerveau et non des yeux, des sinus, du cou, de la vésicule biliaire ou du foie. En revanche, il existe beaucoup de facteurs déclenchants qui peuvent être liés à l’alimentation, à la vue, au cou… Pour des raisons que l’on ne connaît pas encore très bien, on observe au niveau de l’hypothalamus une activation d’amas cellulaires - de neurones - qui vont déclencher le processus de migraine. D’une certaine façon, ce dernier pourrait être comparée à un orage. Dans un premier temps, l’atmosphère s’alourdit : le migraineux se sent anormalement fatigué ou a une appétence particulière. La migraine est globalement un conflit entre le neurone et le vaisseau. Les éclairs de l’orage peuvent être comparés à ce que voient 20 % des migraineux au début de leur migraine : l’aura visuelle (flash voire figures hallucinatoires). Ce phénomène enclenche un processus au niveau des méninges, c’est-à-dire l’enveloppe du cerveau. De l’hypothalamus partent des ordres qui activent le système trigémino-vasculaire, lequel provoque une dilatation et même une inflammation stérile (non bactérienne) des méninges. La vasodilatation autour du cerveau va entraîner la libération de toute une série de substances qui vont entretenir le phénomène, l’étendre sur les méninges et provoquer la douleur. > Epidémiologie* de la migraine. Il est difficile de définir les frontières de la migraine. En effet, certains maux de tête sont idiopathiques, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas dus à une lésion, une tumeur ou à un hématome. 30 % des Français souffrent de céphalées idiopathiques. On estime qu’il existe en réalité 12 % de migraineux, c’est-à-dire des personnes répondant à l’ensemble des critères IHS (international headache society) de la Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org Question du public – « L’origine de la migraine est-elle d’ordre génétique ? Dépend-elle d’une pollution atmosphérique ? » Pr G. Géraud - Il y a, en effet, très vraisemblablement une origine génétique à la migraine. Elle est prouvée pour certaines formes de migraine (migraine hémiplégique familiale). L’activité des neurones est régulée par des canaux laissant passer des ions sodium / potassium. La stabilité du neurone dépend donc de l’équilibre de ces canaux. Les dysfonctions ou insuffisances à ce niveau sont d’origine génétique : le neurone du migraineux est plus « excitable » que le neurone du nonmigraineux. De fait, certaines personnes ont un seuil migraineux extrêmement élevé : la moindre contrariété, le moindre stress peut provoquer une crise. On utilise actuellement des traitements pour rendre le neurone moins « excitable ». C’est pourquoi, certains traitements de la migraine utilisés aujourd’hui ont en fait été mis au point initialement pour traiter l’épilepsie. Question du public – « Considérez-vous la migraine comme une maladie ? » Pr G. Géraud - Sur un plan physiopathologique, si l’on s’appuie sur la notion de seuil migraineux, on peut dire que les personnes migraineuses sont plus ou moins sensibles. Et les personnes qui vont faire quelques crises migraineuses dans leur vie ne peuvent être 2 qualifiées de « malades ». En revanche, beaucoup de migraineux ont des crises fréquentes et doivent être considérés comme des malades. D’ailleurs, la migraine est jugée comme l’une des maladies potentiellement les plus handicapantes par l’OMS*. Pr A. Pradalier - Il y a maladie migraineuse en cas de répétition de crises. Question du public – « Existe-t-il un lien entre certains types de méningite et les migraines ? » Pr G. Géraud - Non. Dans presque tous les cas, la méningite est due à l’introduction dans l’organisme d’un agent pathogène. Cela dit, par certains aspects, on peut considérer la crise migraineuse comme une méningite aiguë, stérile et qui se répète. Et les signes de la méningite, sauf la fièvre, sont très proches de la crise migraineuse : céphalée, vomissements, photophobie*… Pr A. Pradalier - Par définition, la migraine présente un caractère unilatéral : elle ne concerne qu’un côté du crâne. Par ailleurs, si l’on sait comment une crise se déclenche, on ignore pourquoi elle s’arrête. Question du public – « Je suis migraineuse depuis l’âge de 13 ans et cette situation est insupportable. Comment ne pas être découragée ? » Pr G. Géraud – Assurez-vous avant tout de consulter un médecin vraiment spécialisé dans le domaine de la migraine. Pr A. Pradalier – 10 % des migraineux « posent » d’énormes problèmes dans le sens où leur migraine est difficile à soigner. Mais la situation peut évoluer. De plus, il convient de rechercher des facteurs supplémentaires - les co-morbidités - qui aggravent l’état du migraineux. Il s’agit de l’anxiété, des troubles de la personnalité (parfois troubles dépressifs) ou de l’abus médicamenteux. M. Carrère d’Encausse – « Les médecins sont souvent très mal formés en la matière. Cette formation va-t-elle s’améliorer ? » Pr G. Géraud - Un médecin suit, en moyenne, deux heures de cours sur les céphalées au cours de sa formation… Toutefois, cette situation devrait évoluer. L’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes) fait des recommandations en ce sens à l’attention des médecins. Elle a notamment Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org édité un auto-questionnaire sur le traitement usuel de la migraine. Question du public – « J’ai longtemps souffert de ce que l’on appelle les migraines ophtalmiques. Je prends désormais du Gynergene® mais sa consommation ne peut être trop fréquente. Que faire ? » Pr G. Géraud - Le Gynergene® empêche la céphalée d’apparaître ou va l’interrompre en moins de deux heures. L’auto-questionnaire sur le traitement usuel comporte quatre questions : • Êtes-vous soulagé en moins de deux heures ? • Tolérez-vous le médicament ? • Une seule prise par crise ? • Reprenez-vous vos activités habituelles en moins de deux heures ? Si vous répondez positivement à ces quatre questions, ne changez rien à votre traitement habituel. À chaque migraineux son traitement Dr Hélène Massiou, Service de neurologie de l’Hôpital Lariboisière, Paris. On ne sait pas guérir la migraine. En effet, il s’agit d’une maladie liée à une excitabilité anormale dans le cerveau. On peut cependant modifier cette excitabilité. En outre, la migraine peut fortement évoluer au cours de la vie, voire disparaître d’ellemême vers l’âge de 50 ou 60 ans. Nous disposons d’un arsenal thérapeutique conséquent et qui permet de proposer deux types de traitement : • le traitement de la crise Il concerne tous les migraineux et vise à arrêter la crise au plus vite. • le traitement de fond Il s’agit d’un médicament, ou d’une méthode non-médicamenteuse, dont le but est d’espacer 3 les crises et qui est réservé à des patients qui ont un nombre relativement élevé de crises par mois ou qui ont de grandes difficultés à couper leurs crises. Les traitements de la crise se répartissent entre traitements non spécifiques et traitements spécifiques. Les premiers recouvrent les antalgiques* et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). La majorité des migraineux utilisent ce type de traitement et les achètent avec ou sans ordonnance. Il est tout à fait légitime de prescrire des anti-inflammatoires non stéroïdiens voire des antalgiques de grade 2 à un migraineux. Mais un grand nombre de migraineux ne sont pas soulagés par ces antalgiques et doivent passer aux traitements spécifiques qui sont uniquement délivrés sur ordonnance. Cela suppose donc qu’ils consultent et que le médecin soit au fait de ces traitements. Les traitements spécifiques sont de deux classes : les ergotés et les triptans qui ont fait l’objet de nombreux développements ces dernières années. Ces derniers peuvent être utilisés de façon sûre mais ne peuvent être prescrits chez des personnes qui ont des antécédents de troubles coronariens et d’hypertension artérielle. Les triptans ont transformé la vie d’un grand nombre de migraineux mais restent trop peu utilisés (9 % d’utilisation chez les migraineux en France). Parmi les grandes classes médicamenteuses du traitement de fond, on trouve les bêtabloquants et d’autres molécules spécifiques comme les anti-épileptiques. D’autres techniques peuvent également se révéler efficaces : acupuncture, relaxation... Le traitement de fond sera proposé à un migraineux pour lequel un médicament de crise est peu efficace et qui souffre d’un handicap non négligeable lié à sa migraine. Ce traitement de fond est nécessaire lorsque le migraineux utilise plus de 8 à 10 jours par mois, un médicament de crise. L’une des spécificités de la migraine par rapport aux autres douleurs tient précisément aux risques d’abus médicamenteux. Il concerne des migraineux qui, dans des contextes de surcharge de travail, de stress, de dépression, voient leurs crises migraineuses devenir plus fréquentes. Cette situation les amènent à multiplier les traitements de crise (spécifiques ou non spécifiques). Se développe alors un phénomène d’accoutumance et de rebond : la prise du médicament, toujours plus fréquente, Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org est de moins en moins efficace… Le migraineux souffre alors d’une céphalée chronique par abus médicamenteux dont la seule issue est le sevrage. Dans certains cas, il est nécessaire d’hospitaliser les patients dans le cadre de ce sevrage. Dans tous les cas, un traitement de fond doit être institué et poursuivi au moins six mois. Si le migraineux souffre par ailleurs de dépression, celle-ci doit également être prise en charge. En résumé, il faut adapter les traitements à chaque patient. Or beaucoup de migraineux se découragent après la première consultation lorsqu’ils n’obtiennent pas d’emblée un résultat satisfaisant, ce qui ne permet pas au médecin de trouver, pas à pas, le traitement le plus approprié. M. Carrère d’Encausse – « L’automédication peut-elle être dangereuse ? » Dr H. Massiou - L’automédication entre dans la catégorie des traitements de crise non spécifiques. Elle peut être utile à certains migraineux. Elle est dangereuse en termes d’abus médicamenteux et d’autant plus qu’elle est, par définition, accessible à tous. Question du public – « Je suis migraineuse depuis l’âge de 5 ans et ai essayé une multitude de traitements, de fond comme de crise, qui sont devenus, petit à petit, inefficaces. Je suis suivie depuis quatre ans à l’Hôpital Lariboisière et ai été hospitalisée il y a deux mois. J’ai le sentiment d’avoir tout essayé… Me préconisez-vous de passer certains examens spécifiques ? » Dr H. Massiou - Il n’existe aucun moyen d’identifier la migraine par le biais d’un examen. L’imagerie et le laboratoire ne sont d’aucune aide dans un cas comme le vôtre, malheureusement classique. En revanche, de nouvelles pistes médicamenteuses sont explorées, notamment avec les antiépileptiques. Toutefois, la réponse aux antimigraineux relève d’une sensibilité individuelle : les médicaments doivent être essayés mais ne sont pas nécessairement efficaces. Des associations de traitements de fond peuvent être proposées en cas d’échecs successifs de traitements pris isolément. Pr G. Géraud - Beaucoup de migraineux ont le sentiment d’avoir tout essayé. C’est rarement 4 vrai. De plus, ces traitements n’ont pas toujours été suivis dans les meilleures conditions. Pr A. Pradalier - Au sein du Club Migraines et céphalées, j’ai rencontré un certain nombre de cas « difficiles ». Cependant, j’aimerais insister sur le fait que, sur une vie entière, globalement, dans au moins 80 % des cas, on parvient à des résultats positifs. L’existence de telles associations est aussi une façon d’encourager la recherche. Question du public – « Je suis kinésithérapeute. Certains patients m’ont signalé des problèmes de migraine. Après trois ou quatre séances de mobilisation vertébrale, leur douleur a disparu. » Dr H. Massiou - L’acupuncture et la relaxation ont fait l’objet de « grands essais contrôlés ». La controverse sur l’ostéopathie et les manipulations cervicales est complexe. Les liens entre le cou et la migraine ne sont pas clairement identifiés même si 30 % des migraineux disent souffrir du cou pendant leurs crises. En réalité, seules de très rares migraines sont d’origine cervicale. La crise se déclenche en cas de mauvaise posture ou lors du port d’un objet lourd. À ce jour, une seule étude a mis en évidence que, dans les très rares migraines d’origine cervicale, on apporte aux patients un éventuel bénéfice par la manipulation cervicale. Mais quand on fait une manipulation avec torsion du cou, on risque de provoquer une dissection des artères du cou, c’est à dire la formation d’un hématome dans leur paroi qui peut entraîner un accident vasculaire cérébral. Par conséquent, la manipulation cervicale n’est pas un geste anodin. Ce geste ne doit être indiqué que dans des cas très particuliers, lorsque l’on a la conviction que l’on peut apporter un bénéfice au patient qui sera supérieur au risque qu’on lui fait prendre. À ce titre, le patient doit être informé des risques que cette manipulation comporte. L’ostéopathie, les thérapies manuelles douces sont un peu différents. Il s’agit avant tout de détendre le patient. Pr A. Pradalier - Il peut exister un lien entre le cou et le mal de tête, mais pas forcément entre le cou et la migraine dont nous parlons. Question du public – « Que pensez-vous des bienfaits du yoga pour ce type de maladie ? » Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org Dr H. Massiou - Le yoga est intéressant dans ce cadre s’il se présente comme une relaxation. En revanche, plusieurs patients m’ont dit souffrir parfois de crises migraineuses pendant des séances de yoga au cours desquelles ils adoptent des postures forcées ou prolongées. D’une façon générale, nous préconisons des techniques de relaxation des muscles cervicaux. Pr A. Pradalier - Ces techniques ne sont pas forcément contre-indiquées. Nous pensons en revanche qu’elles doivent être adaptées à chaque patient. Vivre avec la migraine Professeur André Pradalier Directeur du centre Migraines et céphalées de l’hôpital Louis Mourier de Colombes Secrétaire général du Club Migraines et céphalées. J’aimerais au préalable insister sur l’utilité de la Fondation Recherche Médicale et sur le fait que nous devons aider cette Fondation. La • • • recherche est de trois ordres : recherche épidémiologique ; recherche physiopathologique ; recherche thérapeutique. Cette dernière doit être développée, notamment sur les traitements préventifs. Je dirige un club de migraineux – le club migraines et céphalées - depuis 1981. En 1996, ce club a réalisé une enquête sur les facteurs favorisant la survenue des crises. Je rappelle que ces facteurs ne sont pas la cause de la migraine. Ainsi, les personnes interrogées ont cité, comme facteur favorisant : • le stress (68 % des personnes interrogées) ; • l’anxiété (43 %) ; • la contrariété (32 %) ; • les soucis (32 %) ; • les grandes émotions (18 %) ; • l’état dépressif (18 %). 5 En outre, 62 % des patientes interrogées ont dit que la migraine apparaissait au moment des règles. La pilule semble être un facteur déclenchant pour 12 % des patientes. La fatigue, certaines odeurs, le surmenage, le rythme de vie, les repas irréguliers, les exacerbations saisonnières, la luminosité, la chaleur sont d’autres facteurs cités. Par conséquent, les facteurs sont multiples. Le cerveau du migraineux est un peu particulier, soit parce qu’il est hyper-excitable soit parce qu’il est hypo-inhibé. Il convient de repérer les facteurs favorisants et de faire en sorte de les juguler par des techniques médicamenteuses ou non médicamenteuses. Le retentissement de la migraine sur la vie dépend de plusieurs facteurs : • la fréquence des crises ; • l’intensité des crises ; • le handicap qu’elles engendrent. Le coût médical (frais de médecin, hospitalisation, examen) de la migraine en France représente plus d’un milliard d’euros. On recense 300 millions de crises migraineuses chaque année en France. L’arrêt de travail pour migraine est, en moyenne, de 3 à 4 jours par an. La migraine chez l’enfant est une réalité. Dans 70 % des cas, on trouve des antécédents familiaux. 5 % des enfants, 10 % à 12 % des hommes, 20 % à 25 % des femmes sont migraineux. La migraine peut commencer très tôt chez l’enfant. Elle se signale souvent par de la pâleur, des nausées, des maux de ventre, des maux de tête. Le traitement le plus simple consiste à faire dormir l’enfant. Ensuite, on peut utiliser du paracétamol ou un antiinflammatoire. Question du public – « Je ne peux utiliser de triptans car je suis âgé de moins de 15 ans. D’autres médicaments pourraient-ils être efficaces ? » Pr A. Pradalier - Actuellement, selon le principe de la précaution d’emploi, par peur qu’un médicament puisse avoir des effets secondaires, on ne prescrit pas le triptan. Ce principe est particulièrement vrai pendant la grossesse de patientes migraineuses : elles n’ont droit qu’au paracétamol. Un enfant peut prendre du paracétamol et y associer un anti-inflammatoire en sirop. Il doit aussi chercher à se relaxer, à bien dormir. Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org Pr G. Géraud - Il peut également essayer l’imigran® en spray nasal. Les triptans ont été testés sur les enfants mais n’ont pas donné de résultats significatifs. Cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas efficaces. En réalité, l’effet placebo étant considérable chez l’enfant, il est difficile de tirer des conclusions. Chez l’enfant, la crise passe généralement en une heure, contre quatre heures chez l’adulte. Dès lors, il est difficile d’apprécier l’efficacité d’une technique chez l’enfant. Question du public – « Les migraines nocturnes surviennent souvent vers deux ou trois heures du matin. Existe-t-il un traitement particulier ? » Pr G. Géraud - La migraine qui démarre la nuit est un phénomène classique, dans la mesure où le tronc cérébral est très actif pendant le sommeil. En général, la douleur est si forte que le sujet se réveille. Tel est bien le problème : il n’est pas possible de se traiter précocement mais uniquement lors du réveil. Un traitement de fond est nécessaire, en utilisant par exemple le Nocertone®. Pr A. Pradalier - La migraine nocturne est plus fréquente chez les sujets âgés. Par ailleurs, certaines personnes souffrent de « migraines de week-end ». On a tendance à dire qu’elles sont le résultat d’une chute de la tension nerveuse. Si la crise est à ce point régulière, on suggère de se lever à la même heure qu’en semaine ou de prendre un médicament le vendredi soir, comme le Gynergene®. Pr G. Géraud - Nous parlons ici du mécanisme anticipatoire qui consiste à prendre un médicament alors que la crise n’a pas démarré. Il faut se méfier de ces pratiques qui conduisent, très rapidement, à l’abus médicamenteux. Question de la salle – « J’ai un enfant de 11 ans suivi pour des migraines accompagnées de vertiges, de troubles de la marche, et survenant toutes les 10 semaines. Ce type de migraine est-il fréquent ? Existe-t -il des traitements particuliers ? » Dr H. Massiou - Il existe, chez l’enfant, des équivalents migraineux, qui sont un groupe de symptômes épisodiques qui évoluent par crises, comme la migraine, et qui peuvent être remplacés plus tard par de réelles migraines. Parmi ces équivalents migraineux, existent les vertiges paroxystiques de l’enfant qui peuvent 6 durer quelques heures voire quelques jours, mais sans maux de tête. Ces enfants peuvent être soulagés par des traitements non spécifiques de la crise migraineuse, comme les anti-inflammatoires. Certaines maladies, très rares, les ataxies paroxystiques, se caractérisent par des épisodes de troubles de l’équilibre. Les enfants atteints de ces maladies doivent utiliser un médicament appelé le Diamox®. provoque un à-coup hypertensif et déclenche une céphalée aiguë très violente. En revanche, les personnes souffrant d’hypertension artérielle chronique ne sont pas plus migraineuses que les autres. Question du public – « Connaît -on le mode d’action des bêtabloquants ? » Pr G. Géraud - Non, même si on suppute un effet anti-stress. Question du public – « Comment traiter les crises survenant pendant les règles ? » Dr H. Massiou -60 % des migraineuses indiquent souffrir de migraine pendant leurs règles. Et 5 à 7 % d’entre elles n’ont de crise qu’au moment de leurs règles. Ces femmes ont une migraine dite purement hormonodépendantes : le seul facteur déclenchant est la chute du taux d’œstrogènes* qui survient en fin de cycle. Ces crises peuvent être liées à l’arrêt de la prise de pilule. Quand ces femmes ont des migraines bien ciblées et prévisibles, elles peuvent être soulagées de façon efficace par des œstrogènes donnés par voie cutanée 48 heures avant le déclenchement présumé de la crise. Question du public – « De ma naissance jusqu’à l’âge de 20 ans, j’ai souffert de vertiges paroxystiques. Ces vertiges ont cessé par une séance d’acupuncture. J’ai ensuite souffert de migraines, la nuit, jusqu’à l’âge de 60 ans. » Pr A. Pradalier - Il faut se méfier des coïncidences : l’arrêt de vos vertiges par une séance d’acupuncture n’était peut-être qu’une coïncidence. En tant que médecins, nous nous demandons toujours si nous sommes devant une coïncidence de symptômes. Nous établissons une relation chronologique entre la prise de médicament et les symptômes. Question du public – « Une hypertension artérielle peut-elle déclencher une migraine ? Une migraine peut-elle déclencher une hypertension artérielle ? » Pr G. Géraud - Une hypertension artérielle peut déclencher une céphalée, en particulier s’il s’agit d’une hypertension artérielle aiguë. Certaines femmes enceintes enregistrent une élévation de leur tension artérielle, ce qui Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org Dr H. Massiou - Des études très poussées ont montré que les bêtabloquants diminuaient en partie l’hyper-excitabilité du cerveau du migraineux mais on ignore comment. Question du public – « Mes migraines sont provoquées par la lumière, ce qui me handicape particulièrement puisque je suis étudiant en art dramatique et soumis à la lumière des projecteurs. Je regrette que l’on n’ait pas suffisamment exploré la question de la psychologie de la migraine. Ne pensez -vous pas que la conscience des stimuli potentiels a parfois plus d’impact que le stimulus luimême ? » Pr A. Pradalier - La luminosité est un facteur déclenchant ou favorisant mais n’est pas la cause de votre migraine. Elle tend à augmenter la fréquence des crises mais ne modifie pas votre risque d’avoir une migraine. Pour réduire ce risque, vous pouvez porter des lunettes teintées ! Pr G. Géraud - Il est également possible que le fait de monter sur scène provoque chez vous un stress qui déclenche une crise de migraine. Cette dernière vous rend intolérant à la lumière… Dr H. Massiou - Nous avons évoqué l’anxiété de l’anticipation de la crise. Certains patients redoutent tellement d’avoir des crises que cela provoque une migraine. D’où l’intérêt de disposer d’un traitement de crise vraiment efficace. Les patients redoutent beaucoup moins d’avoir une crise et, de ce fait, en ont moins. Question du public – « Les migraines peuventelles se déclencher à l’âge de 70 ans ? » Pr G. Géraud - Cela mérite d’effectuer des examens poussés pour s’assurer qu’il ne s’agit 7 pas de migraines symptomatiques ou de céphalées pseudo-migraineuses qui seraient dues à une lésion. Certaines personnes sont persuadées qu’elles deviennent migraineuses à l’âge de 40 ans ou 50 ans. Pourtant, elles ont souvent déjà été migraineuses à une période de leur vie. Pr A. Pradalier - Je précise que la durée de vie moyenne d’un migraineux n’est pas différente de celle d’une autre personne. À l’âge de 80 ans, 95 % des personnes qui étaient migraineuses ne le sont plus. On assiste aussi à une diminution très nette des crises chez les femmes après la ménopause. Question du public – « Vous souleviez précédemment le manque d’information des médecins généralistes en la matière. Que faire lorsqu’un médecin généraliste et qu’un médecin spécialiste émettent deux avis différents ? » Question du public – « Vous avez fait état de traitements anti-épileptiques. Pourriez-vous en dire davantage ? » Pr G. Géraud - Il faut solliciter un troisième avis… J’ai néanmoins tendance à privilégier l’avis du spécialiste. Dr H. Massiou - Les médecins ont moins des avis que des attitudes différentes. Le généraliste est souvent plus prudent et agit selon le principe de précaution absolue. Les spécialistes, qui ont plus l’habitude de prescrire certains médicaments, sont plus larges dans leurs indications. Question du public – « La migraine est une maladie invalidante pour de nombreuses personnes. Est-elle une maladie grave ? J’ai lu par exemple que les migraineux présentaient plus de risques d’avoir un accident vasculaire cérébral. » Dr H. Massiou - Des études ont montré que la maladie migraineuse augmentait très légèrement le risque d’accident ischémique cérébral, mais uniquement chez la femme jeune. Ce risque ne doit pas être vécu comme quelque chose d’inquiétant mais doit inviter à la précaution, notamment chez les femmes migraineuses qui présentent d’autres facteurs de risque vasculaire (tabac, pilule, hypertension etc.). Récemment, une controverse s’est développée autour de l’idée, soutenue par une étude, que la migraine pouvait provoquer des images d’ischémie cérébrale, des « trous blancs ». Nous voyons pour notre part des milliers de migraineux. Les examens d’imagerie médicale par IRM qui sont réalisées ne font apparaître qu’exceptionnellement de telles images. L’infarctus migraineux, c’est-à-dire le fait que suite à une crise de migraine avec aura, on puisse conserver un déficit visuel, est extrêmement rare. Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org Pr G. Géraud - Certains traitements antiépileptiques sont efficaces contre la migraine, en traitement préventif, du fait de l’hyperexcitabilité des neurones génétiquement programmée dans la migraine. Question du public – « Plusieurs méthodes, peut-être dignes d’intérêt, n’ont pas été abordées. En tant que médecin du travail, j’entends beaucoup de récits de personnes qui expliquent comment leur migraine a disparu : rééducation orthoptique, régime alimentaire spécifique, séances de kinésithérapie… » Dr H. Massiou - À l’heure actuelle, nous n’avons aucune donnée permettant d’affirmer que la migraine puisse être corrélée avec les troubles de la convergence* si ces derniers peuvent provoquer des maux de tête. Mais ils sont bien différents des vraies crises migraineuses. Quand on prend en charge un migraineux, ne serait-ce qu’en l’écoutant, il peut s’améliorer du fait seul de cette simple prise en charge, par une sorte d’effet placebo. De même, la migraine peut s’améliorer au travers de modifications de l’ hygiène de vie, par exemple la pratique du sport ou un régime alimentaire. Pr A. Pradalier - De nombreux progrès ont été accomplis au cours des dix dernières années. Beaucoup de voies recherche restent à explorer. Il faut multiplier les essais avant de prendre position. Nous avons également besoin d’un apport médicamenteux, au vu de la population à traiter, alors que les techniques psychothérapiques sont longues, non remboursées… 8 À propos de la Fondation Recherche Médicale « La Fondation Recherche Médicale (FRM) a été créée en 1947 par les professeurs Jean Bernard et Jean Hamburger devant le manque de financement de la recherche publique en France. Cette question reste cruciale. En tant que fondation privée, la FRM ne reçoit pas de subvention de l’État. Grâce à une dotation qui lui permet de payer les frais de structures, de personnel, etc, les fonds qu’elle récolte (25 millions d’euros) sont totalement redistribués à la recherche publique, à environ 700 chercheurs chaque année, ce qui est considérable. L’action de la Fondation reste limitée mais elle compte énormément dans la vie des chercheurs. La Fondation est totalement libre dans ses choix et ne se focalise pas sur une pathologie particulière. Cette année, la Fondation va notamment verser 3,5 millions d’euros pour soutenir des projets de recherche sur les maladies allergiques, un problème croissant de santé publique. » Eric Palluat de Besset Directeur général Pour plus d’informations Fondation Recherche Médicale 54, rue de Varenne 75007 Paris > www.frm.org Pour en savoir + Les migraines ? Dossier spécial de « Recherche & Santé » n°99, la revue de la Fondation Recherche Médicale, juillet 2004. > http://www.frm.org/informez/info_rs_numero.php?revue=26 Retrouvez également un dossier complet sur les migraines, sur le site web de la Fondation Recherche Médicale : > http://www.frm.org/informez/info_ressources_dossiers_article_sommaire.php?id=31 La migraine : mieux la connaître, mieux la soigner Par le Pr Gilles Géraud. Editions Milan « Les essentiels ». La migraine Par André Pradalier Editions Odile Jacob Collection Santé au quotidien Association France Migraine 59, avenue Kléber 75116 Paris > http://www.sosmigraine.com Conception du document : Claude POUVREAU Migraine : une maladie qui se soigne • www.frm.org 9
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