Les grands courants de l`équitation
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Les grands courants de l`équitation
Les grands courants de l’équitation MISE EN MAIN, MISE SUR LA MAIN ET OPPOSITION DOCTRINALE Au cours de son évolution, l'équitation savante va privilégier, dans la mise en main, l'élévation de l'encolure sur le ramener. À la domination complète des forces du cheval par l'intermédiaire du ramener complet, elle va préférer une liberté sur parole. Pour se faire une idée plus précise des oppositions qui apparurent entre la notion de "mise en main" et celle, plus tardive, de "mise sur la main", il faut être conscient que tout cavalier qui entreprend de dresser un cheval à pour objectif de s'emparer de sa tête en de son encolure parce qu'elles sont, au propre comme au figuré, le chef de toute machine animale. Deux voix s'offrent à lui : L'une commande, dès le début du dressage, de pousser le cheval sur la main qui reçoit l'impulsion. C'est l'école allemande, les enrênements fixes ou encore l'équitation de d'Aure. Les jambes agissent d'abord et la main récupère ce qui arrive de l'arrièremain. L'autre incite à faire "entrer" le cheval dans la main, au fur et à mesure des progrès du cheval, de son équilibre et de sa décontraction, et à ne fixer la tête et l'encolure qu'en fin de dressage. On prépare donc le moment où l'on va fixer la tête et l'encolure. C'est une méthode plutôt latine et c'est celle de Baucher. La main agit d'abord pour décontracter puis les jambes pour la mise en avant. Deux métaphores permettent de mieux comprendre ces différences : La première, exposée par Licart, compare le cheval au fleuret poussé sur un mur qui fait barrière (mise sur la main). La seconde reprend l'image de la canne à pêche, légèrement recourbée à son extrémité par le poids d'un petit poisson (mise en main). Toutes deux traduisent le passage d'une relation de tension entre le cavalier et son cheval à une autre forme de relation, fondée sur la décontraction et le soutien du dos et de l'encolure. Ces allers et retours entre la contrainte nécessaire à la domination et la recherche d'une liberté sur parole se retrouvent aussi bien dans l'action individuelle de chaque cavalier que dans les prises de position entre écoles. Toute la beauté et le drame de l'équitation savante résident dans la nécessité d'imposer au cheval une domination complète de ses forces, tout en donnant l'illusion qu'il agit de lui-même. Grisone décrit un certain nombre d'actions qui vont permettre au cavalier de tenir cette liberté sur parole. Dans certaines de ses pratiques, il se montre un précurseur de Raabe et de son maître Baucher. Il obtient par exemple la domination du cheval par le déplacement des hanches, demandé par des aides diagonales (action simultanée de la main d'un côté et de la jambe de l'autre). Le cheval est soumis au manège de guerre, destiné au combat singulier. Il répète dans un fossé, dont le tracé enseigne à l'animal ses futurs allers et venues sur l'ennemi, la figure que l'on nomme "passade". Le cheval est ensuite orienté vers les exercices de manège qui développent les sauts d'école. Leur apprentissage commence par des "pesades", suivis de quelques ruades. La suite de ce dressage consiste à faire sauter le cheval dans une "capriole". Enfin, des "courbettes", définies comme des "pesades hautes", se font en avançant sur place, en arrière, de côté. Les sauts, qui seront codifiés plus tard à Versailles sous Louis XV, n'en continueront pas moins d'évoluer au cours du 19 ième. LES GRECS Il n’y a pas d’écrits de cette époque, hormis ceux de Xénophon, né en 427 avant JC. Celui-ci aurait été influencé par Simon d'Athènes. Tous les commandants de cavalerie transmettaient oralement leurs techniques de combat au corps à corps, ainsi que leurs méthodes pour obtenir un cheval obéissant et facile à manœuvrer lors des batailles. Les historiens sont convaincus que les Grecs n’utilisaient qu’un mors de filet à simple brisure, et qu’ils ne montaient sans selle et dans étriers, d’où la popularité des chevaux dont les muscles dorsaux étaient bien développés avec des garrots discrets. Le cheval, pour plus de confort, devait absolument être rassemblé. La philosophie de Xénophon repose sur le fait que "l’art de l’équitation est basé sur la récompense et la punition" . Ses 5 principes de base sont : Le tact La maîtrise de soi La recherche constante de la beauté et de la perfection La décontraction du cheval La légèreté Nous verrons plus tard que ces principes furent une source d'inspiration pour les grands maîtres de la renaissance. La leçon qui ressort du livre de Xénophon est que la douceur améliore le travail et la discipline. D'un point de vie historique, on admet que la philosophie équestre n'a pas changé pendant près de mille ans après Xénophon. On admet aussi que, bien que les chevaux aient évolué, ainsi que les techniques, les écrits du maître demeurent justes jusqu'à aujourd'hui. 1 Les grands courants de l’équitation LES ROMAINS La période romaine est généralement ignorée par les auteurs équestres car il ne reste aucun traité d'équitation datant de cette époque. Cependant il existe des preuves archéologiques de l'existence de manèges et de carrières. Comme les Grecs, les Romains montaient sans étriers et sans selles. Comme à l'époque de Xénophon, l'accent était mis sur la force, la largeur et la souplesse du dos, la réceptivité du cheval, la légèreté à la main et sa capacité à se rassembler. Le rassembler à toujours joué un rôle dans les jeux du cirque, aspect important de la vie romaine. Les mouvements de combat y étaient poussés à l'extrême pour donner des allures brillantes destinées à amuser le peuple. L'un d'entre eux était le martèlement rythmé des sabots, appelé "tripidium", qui donna plus tard le piaffer. Les Romains apprirent aussi à un grand nombre de chevaux à ambler "en retenant alternativement les diagonaux latéraux" et à ramasser avec la bouche les armes tombées (cf. Pline). Les gens de cette époque aimaient voir les chevaux danser au son des cuivres et des flûtes. Constantin le Grand, empereur de Rome de 306 à 337, aimait beaucoup le cirque, et pendant de nombreuses années, Constantinople fut le centre de l'équitation de cirque. Cette équitation n'avait rien à voir avec le combat au taureau qui naquit également à cette époque, en Crète et en Thessalie. LE HAUT MOYEN-AGE (du 5ième siècle à l'an 1000) Les écrits du Moyen âge (d'environ 500 à 1450) et du haut Moyen âge montrent qu'une fois de plus l'équitation fut influencée par la guerre et le type de chevaux. Les Goths, les Vandales, les Huns et les Francs dévalèrent du nord sur leurs cobs froids et lourds et leurs poneys vigoureux, montés sans finesse aves tous les types de mors coercitifs possibles pour obtenir une certaine forme de contrôle. Tous ces peuples aux cultures si contrastées ne pensaient qu'à se battre et n'avaient pas le temps pour concevoir l'équitation comme un art. Plus tard, sous Charlemagne, mort en 814, et pendant toute l'époque des croisades (du 11 ième au 13ième), réapparut à la cour un concept généreux de chevalerie, mais, sur le champ de bataille, avec l'introduction des armures à plaques, il fallait absolument des chevaux porteurs et froids. Au cours des 14ième et 15ième siècles, la maniabilité avait presque totalement disparue des champs de bataille, puisqu'un soldat armé pesait environ 150 à 180 kg, et que son cheval ne pouvait rien faire d'autre qu'aller vers l'ennemi dans un trot lourd et lent. La technique des Grecs et des Romains du combat au corps à corps sur le dos d'un cheval fougueux était totalement exclue à cette époque. Pourtant, c'est à cette époque que furent introduites les premières armes à feu qui sauvèrent cette pratique de l'oubli. LA RENAISSANCE OU L'ANCIENNE ÉQUITTATION ITALIENNE La renaissance est la reconnaissance de l'équitation comme un art. Avec les armes à feu, c'est le retour sur les champs de bataille, d'un cheval léger et maniable. Le combat à cheval au corps à corps nécessite un très haut niveau d'équitation. Le piaffer, la levade, les changements de pied, la courbette, la cabriole et la pirouette furent mises au point pour la bataille. Toute l'Europe du 16ième choisit dans cette optique des chevaux espagnols, barbes ou lusitaniens. C'est à cette époque que l'on situe l'invention des sauts d'école, car ils sont nécessaires à la fin de la ligne droite du combat singulier de la "passade" pour faire demi-tour. Ils ont donc une origine de démonstration et non pas une invention militaire de combat. On redécouvre à cette époque les travaux de Xénophon, et les grands maîtres Napolitains de l'équitation recopient presque mot pour mot ses écrits. Grisone, premier écuyer des temps modernes C'est avec Grisone que l'académie de Naples, fondée au 12 ième par les Byzantins, acquit sa réputation. Les écuyers de l'Europe entière vinrent y chercher la connaissance d'un art nouveau. Naples était devenu le carrefour de plusieurs traditions : L'Espagne, pendant sa domination sur le royaume de Naples au 15 ième avait importé le cheval ibérique et l'équitation "à la génète", équitation de combat individuel élaborée au cours de la reconquête sur les arabes. Le Génétaire (du mot Jinéta, lance courte portée par la cavalerie légère) protégé par une armure légère, savait tirer avantage des qualités de vitesse et de maniabilité de son cheval. Il pratiquait des attaques toutes de rapidité et de maniabilité, au contraire des chevaliers qui misaient sur la puissance de choc. Par ailleurs, en Espagne et au Portugal, les tournois comportaient des combats contre les taureaux. Dès le 13ième siècle, ces combats en champs clos sont codifiés et deviennent le rendez - vous de l'aristocratie qui y fait assaut de vaillance et d'apparat. Abandonnant peu a peu les armures, elle y pratique une équitation fondée sur le mépris du danger, sur la rapidité et la maniabilité du cheval. Le chevalier torée de près, et s'entraîne ainsi à une forme de combat qui exige la maîtrise complète du cheval, soumis aux arrêts et aux départs instantanés comme aux airs d'école. Ces airs d'école prennent d'autant plus de valeur qu'ils sont nécessaires, face à la menace constante d'un animal d'une demie-tonne. Le rassembler est un moyen de combattre les attaques du taureau. Premier des écuyers des temps modernes, Grisone tire partie de cette évolution. En donnant comme fondement de sa doctrine l'attitude de la tête et de l'encolure, que l'on nomme "ramener" (la tête est fléchie sur l'encolure dont la base se relève et s'arrondit, la 2 Les grands courants de l’équitation nuque restant le point le plus haut), accompagnée de la flexibilité de la mâchoire (le cheval "goûte son mors"), il définit ce que nous appelons aujourd'hui la "mise en main". C'est ainsi qu'il ouvre la voie au développement de l'équitation savante en France, qui durera jusqu'au 20ième, et pour laquelle la mobilité moelleuse de la mâchoire inférieure, ou "légèreté", est l'indice révélateur de l'équilibre parfait du cheval. Les méthodes de Grisone ont étés critiquées, en particulier à cause de l'usage qu'il fait de la punition. Ses mors semblent redoutables, mais ressemblent en un sens aux mors jouets que nous utilisons parfois aujourd'hui. Fiaschi ou l'équitation sans les jambes Fiaschi, gentilhomme de Ferrare, est contemporain de Grisone. C'est dans la ville de Ferrare, devenue sous les Este un foyer de culture, qu'il fonda en 1534 une Académie. La première édition de son "Traite de la manière de bien embrider, manier et ferrer les chevaux " de 1556 fut traduit en français en 1564. La dédicace est adressée au roi de France Henri II, qui fonda une académie d'équitation à paris en 1547. Passionnés de la nouvelle équitation, les Valois l'adaptèrent aux besoins des carrousels, qu'ils substituèrent aux tournois après l'accident mortel d'Henri II en 1559. Vêtus à l'italienne, ils montaient de splendides andalous avec élégance et naturel. Leurs portraits plaident en faveur de l'équitation de Fiaschi, qui prônait une manière de monter pratiquement sans jambes. En 1945, Beudant s'inspirera de cette manière avec son célèbre "mains sans jambes" : "lorsque la main est bien employée on n'a presque plus besoin des jambes". Les portraits équestres des Valois, exposés au musée Condé de Chantilly, traduisent les intentions de Fiaschi, dont le traité contient déjà le ramener, fondement de toute vertu et seule attitude qui permette de piquer l'ennemi de l'épée ou de la lance. Fiaschi a introduit dans son traité des notations musicales pour tenter de restituer à l'image quelque chose du mouvement du cheval et du cavalier, la notion de cadence. Pignatelli ou l'aboutissement de l'équitation Italienne Gentilhomme napolitain né vers 1525. On le considère comme l'aboutissement de l'équitation italienne, d'où sortirent les fondateurs des écoles de l'Europe entière. La Broue admirait son savoir et s'était mis à son école parce qu'il rendait les chevaux "obéissants et maniant de si beaux airs", sans se servir de mors compliqués. Il avait observé que ses règles et son expérience avaient beaucoup plus d'effet que la façon de faire de ceux qui utilisent une infinité de brides, "quand les plus beaux et principaux moyens de l'art leur manque ". En France, à la suite de Pignatelli, les mors ne cessent de se simplifier. Au 18 ième, le mors à la Nestier (écuyer préféré de Louis XV, car il était très discret) remplace le mors Pignatelli, et Dupaty de Clam dans "La science et l'art de l'équitation" de 1776 affirme à son tour que "les véritables propriétés du mors se trouvent dans l'assiette, dans la main, dans les jambes d'un bon écuyer. Le mors le mieux adapté ne communique pas l'art de bien assouplir le cheval et de le placer dans des attitudes qui ne répugnent pas à sa nature. Ainsi l'art d'emboucher le cheval est vraiment celui de le dresser". Pignatelli fut d'abord influencé par l'équitation des cirques de Constantinople. Leur méthode sans mors ni éperons sévères étaient fondées sur la possession du cheval par l'assiette et la voix, ainsi que sur des récompenses constantes. On attribue à Pignatelli les premiers enseignements des mouvements de côté, dont la volte carrée (1/4 de pirouette, appuyer, 1/4 de pirouette, appuyer…), et l'introduction des piliers que Pluvinel utilisera plus tard. L'ANCIENNE ECOLE FRANÇAISE La Broue et Pluvinel marquent les débuts de l'équitation française et prolongent les recherches italiennes dans l'art de libérer le cheval de l'emprise des aides. La Broue, gentilhomme Gascon, écuyer ordinaire de la Grande Écurie du roi naquit vers 1530 et mourut vers 1610. Il apparaît comme un véritable chef d'école tant dans le dressage des chevaux que dans la formation des écuyers. Il possédait un jugement d'une extrême finesse sur le cœur humain. Son équitation prolonge, développe et dépasse le modèle italien, destiné au cheval de guerre. Il introduit le terme italien de Cavalerice pour désigner l'homme de l'art et le différencier de l'écuyer, homme de guerre. Il inaugure en France l'équitation académique, en appelle à la "difficile facilité " et au rejet de la contrainte et de la force. "Une chose doit être estimé autant qu'elle est faite avec facilité. Ce qu'on enseigne au cheval outre le manège de guerre n'est que pour une délectation particulière. Le fait de faire faire à un cheval ce qui n'est pas dans sa nature est le fait de cavalerices qui ont besoin de se faire une réputation. Les autres peuvent paraître autant sur un cheval facile". Pour lui le cavalier doit user d'une grande douceur et patience "afin de conserver, tant qu'il est possible, le courage naturel et l'allégresse du jeune cheval, qui est l'une des notables considérations de cet art". Dans les "Préceptes du Cavalerice François" de 1594, il résume l'équitation en termes similaires au "calme, en avant, doit" de l'Hotte au 19ième. Chez lui le concept de légèreté est associé à celui de fixité. A l'encontre de ceux qui croient que l'appui à pleines mains assure la fermeté de la tête, il estime que la bouche est assurée quand le cheval est fort léger à la main. Il juge qu'il ne faut pas contraindre le cheval au ramener mais l'y amener par les bonnes leçons plutôt que par la force des mors. Il écrit que ce n'est pas une embouchure qui permet de dresser, mais la main du cavalier. Il y a 3 étapes avant que le cheval ne puisse travailler en bride : 1547 Caveçon 1548 Mors de filet 1549 Mors de filet et de bride, sans gourmette 3 Les grands courants de l’équitation La Broue introduit aussi les flexions de la nuque et de la mâchoire. Il recommande de monter en extérieur sans éperons lorsqu'un cheval devient rétif en manège. En 1594, Pluvinel crée à l'emplacement de l'actuelle place des Pyramides, une Académie pour la noblesse afin de lui épargner le dangereux voyage en Italie. Outre l'équitation, on y enseigne la poésie, les maths, la littérature, la peinture et la musique. On attribue à Pluvinel l'importation en France du "pilier unique" et du "double pilier". LE MANEGE DE VERSAILLES (17ième et 18ième) Il fut créé en 1680 par Louis XIV. Il réunissait dans les bâtiments faisant face au château la Grande Écurie qui comptait 300 chevaux de selle et la Petite Écurie qui comprenait 600 chevaux de trait et de carrosse. Les écuyers et sous-écuyers qui appartenaient au Manège avaient la charge de dresser les chevaux de promenade et de chasse pour le service du roi et des princes, et aussi celle d'assurer l'instruction des pages, futurs écuyers ou futurs officiers de cavalerie. Aucun pays d'Europe ne pouvait égaler en taille, diversité et magnificence les écuries du Roi Soleil. Parmi les grands écuyers qui assurèrent à son début la réputation, citons Duvernet du Plessis, Duvernet de la Vallée, Vendeuil (ce sont eux qui font la jonction entre Pluvinel et la Guérinière). D'Aure y fut plus tard l'élève du vicomte d'Abzac. Le nombre des élèves était limité. L'effectif comprenait quelques jeunes gens de bonne famille aptes à devenir eux-mêmes écuyers ou sous écuyers, quatre gardes du corps envoyés par les régiments pour devenir instructeurs, quelques élèves libres admis par faveur spéciale, des pages du roi, futurs officiers de cavalerie après trois ans de service, et des futurs piqueurs et sous-piqueurs. La progression de l'instruction était extrêmement méthodique. L'assiette du cavalier, considérée comme point de départ de toute bonne position, y jouait un rôle essentiel, a tel point que les pages ne prenaient les étriers ou les éperons qu'au cours de la troisième année. Les chevaux du manège, acquis en Normandie ou en Limousin etaient promus au titre de "brides d'argent" et "brides d'or" (car les brides étaient fabriquées avec ces métaux) lorsqu'ils passaient au service du roi. Dispersé par la révolution, en 1792, le manège fut reconstitué en 1814 sous la direction des deux frères d'Abzac. Il disparut définitivement en 1830. Le manège des tuileries En 1730, le Prince Charles de Lorraine, Grand Écuyer, donne la direction de l'ancien manège des Tuileries à La Guérinière. Ce manège était abandonné depuis le transfert à Versailles des écuries du roi. Cette Académie eut un grand renom. "École de cavalerie" de 1729 marque une époque dans l'histoire de l'équitation. Tout semble viser à la grâce, a y être sacrifié, et avoir en vue une équitation de présentation, de cour. Par grâce, la Guérinière entend "un air d'aisance et de liberté, qu'il faut conserver dans une posture droite et libre". Cependant les planches qui ornent son livre présentent des cavaliers plutôt apprêtés et maniérés. Les deux auteurs qu'admirait la Guérinière étaient la Broue et Newcastle. On lui doit l'épaule en dedans, quoiqu'il attribue à Newcastle les travaux préparatoires à celle-ci, le demi-arrêt et la descente de main. C'est aux écuyers militaires qui viennent après, et à d'Auvergne le premier de tous, qu'il sera réservé de donner au cavalier une position complètement en rapport avec les lois naturelles. LES PREMIERS ECUYERS MILITAIRES La seconde partie du 18ième est une période de profonde mutation de la cavalerie. L'invention de la charge de cavalerie par Frédéric de Prusse modifie complètement l'emploi des chevaux, et relègue au second plan les finesses de dressage que nécessitait le combat individuel. L'accent est mis sur "l'équitation de campagne", caractérisée par 3 critères fondamentaux : La vitesse, pour les charges au galop L'obéissance : soumission La sécurité lors des déplacements : la capacité à négocier toutes sortes de terrain et d'obstacles Les Académies royales créées à la fin du 16ième sont gravement frappées lors de la création par Louis XV en 1756 de l'École militaire de Paris. C'est ainsi que s'édifie un enseignement militaire. D'Auvergne, disciple de Lubersac et de Montfaucon, instaure une équitation plus simple que celle de ses maîtres, cependant issue de Versailles. En 1751, lorsque débutent les cours de l'école militaire, il est nommé, à 21 ans, Écuyer en Chef. Il occupera cette position pendant toute l'existence de cette école, c'est-à-dire jusqu'en 1788. Il a dépouillé l'équitation des dernières superfluités qu'elle présentait pour l'adapter aux seuls besoins des troupes à cheval. En même temps, il a modifié la position du 4 Les grands courants de l’équitation cavalier militaire, appelé à faire de longues chevauchées, en la faisant naturelle et aisée, de prétentieuse et guindée qu'elle était encore. L'objectif de ce grand artiste fut la recherche constante du cheval droit : "il n'existe presque point de chevaux parfaitement droits. L'homme de cheval, avec toute la perfection de l'art, passe sa vie à corriger cette imperfection". Après la Guérinière, les écuyers de Versailles vont donc privilégier l'alignement des hanches sur les épaules pour avoir un cheval droit. Ce principe une fois énoncé deviendra non seulement un des fondements de l'équitation militaire de d'Auvergne mais aussi de la nouvelle méthode de Baucher, synthétisé par le Général l'Hotte dans son fameux "calme, en avant, droit". D'Auvergne n'a rien publié, mais plusieurs de ses élèves ont étés les interprètes de ses principes, par exemple Ducroc de Chabannes. L'ECOLE DE CAVALERIE DE SAUMUR Après la tourmente révolutionnaire et les guerres de l'empire, Louis XVIII restaure l'équitation civile en réouvrant l'école de Versailles. Le vicomte d'Abzac, qui avait servi sous Louis XVI reprit du service 70 ans comme premier écuyer ordinaire, jusqu'à sa mort en 1827 à 83 ans. Sous son commandement, la régularité et l'élégance de la position, la finesse des aides, la douceur dans l'emploi des moyens de domination caractériseront l'École de Versailles, qui rejetait tout ce que le bon goût réprouve. L'équitation militaire est réorganisée à Saumur par le transfert de l'École d'instruction des troupes à cheval vers 1815. Elle prend le nom d'École royale de Cavalerie en 1825. Les principes de d'Auvergne pénètrent à Saumur en 1815, défendus par Ducroc de Chabannes. Mais ce dernier quitte l'école en 1817 après un désaccord complet avec Cordier qui impose les principes de Montfaucon, provenant des anciens piqueurs de Versailles. On est redevable à Cordier d'avoir introduit à Saumur les sauteurs en liberté et dans les piliers. Ces sauts servirent à l'instruction pour éprouver la solidité des soldats. Puis viennent Aubert (il fait partie de l'équitation ancienne. "Il faut éviter les résistances plutôt que d'avoir à les vaincre") et Rousselet (la douceur et la légèreté de sa monte étaient proverbiales, et il montait parfois avec un cordon de soie en guise de mors), continuateurs de tradition. Enfin arrivent D'Aure et Baucher (voir "les grands maîtres"), qui apparaissent comme des chefs d'école. On appelle "fusionnistes" les héritiers de ces deux maîtres, dont les plus connus sont l'Hotte et Dutilh. NAISSANCE DE L'EQUITATION SPORTIVE Les hautes instances militaires tirèrent les enseignements de la défaite de 1870 et prirent des dispositions pour que le successeur de l'Hotte, le commandant de Lignières, d'auriste convaincu, oriente l'instruction de Saumur vers l'extérieur et le sport. À cette époque apparaissent les raids d'endurance qui préfigurent les grands mouvements de la cavalerie des débuts de la première guerre mondiale. Mais dans le même temps, on s'achemine vers la suppression de l'emploi du cheval sur le champ de bataille. L'équitation sportive va combler ce vide. Le saut en concours hippique, auquel l'équitation sportive est pratiquement assimilé par le grand public, est une invention récente, à peine centenaire. Au début du 20ième, après la chasse en terrain variés où les cavaliers franchissent des obstacles naturels, les premières courses de steeple (le premier couru en 1810 à Bedford) mène le goût équestre dans une direction nouvelle. Chez les militaires, la pratique du saut se développe de façon importante. La création de la Société Hippique Française en 1865 ouvre l'ère de l'équitation sportive. Le premier concours de l'histoire est donné l'année suivante au Palais de l'industrie en 1867. Afin de mettre en valeur les produits de l'élevage français, le Cadre Noir y présente, sous la direction de l'Hotte, la reprise de manège et les sauteurs en liberté. À la fin du siècle, le capitaine italien Caprilli contribue à transformer l'équitation contemporaine. Il invente la "monte en avant à l'obstacle" et la méthode "naturelle", qui laisse la libre disposition de son balancier tète encolure au cheval, utilise la confiance réciproque et le laisser-faire. En 1902, le premier championnat du Cheval d'Armes, ancêtre du concours complet est gagné par Saint-Phalle. En 1912, à Stockholm, les 3 disciplines équestres (dressage, concours hippique et military – futur CCE) figurent aux JO. Le Colonel Danloux, écuyer en chef de 1929 à 1933, perfectionna ensuite la monte à l'obstacle. En 1932, aux JO de Los Angeles, Lesage remporte l'or en dressage. En 1960, Guyon gagne l'or du complet aux JO de Mexico. L'équitation sportive a débuté avec les non-interventionnistes comme Danloux et Caprilli et a évolué avec les interventionnistes comme d'Orgeix. 5