Entretien de groupe dans Second Life

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Entretien de groupe dans Second Life
Entretien de groupe dans Second Life 1
Guillaume Hervet, Doctorant
Université Laval
Leila El Kamel, Doctorante
TÉLUQ
Benny Rigaux-Bricmont, Ph.D.
Université Laval
Résumé
Après une présentation du monde virtuel Second Life et des entretiens de groupe hors
ligne et en ligne, nous identifions les variables à prendre en considération afin
d’adopter une démarche scientifique dans ce type d’espace et, plus particulièrement,
celles pertinentes pour réaliser des entretiens de groupe. Nous présentons par la suite
les particularités à connaître pour organiser un entretien de groupe sur Second Life.
Puis, en nous basant sur notre vécu, nous proposons plusieurs implications permettant
d’utiliser cette méthode de recherche de façon optimale.
Mots clés
SECOND LIFE, ENTRETIEN DE GROUPE, MONDE VIRTUEL, MÉTAVERS, MÉTHODE DE
RECHERCHE
Introduction
Une étude récente (El Kamel & Rigaux-Bricmont, 2009) a présenté une revue
des travaux publiés portant sur les méthodes de recherche qualitative en ligne et
les spécificités des conditions de leur application. Une des principales
conclusions de ce travail souligne l’émergence d’un nouveau terrain de
recherche en ligne, celui des mondes virtuels dans lesquels des avatars
représentent l’utilisateur. Aussi appelés métavers (Stephenson, 1992), ce type
RECHERCHES QUALITATIVES – Vol. 29(1), 2010, pp. 69-98.
ENTRETIENS DE GROUPE : CONCEPTS, USAGES ET ANCRAGES
ISSN 1715-8702 - http://www.recherche-qualitative.qc.ca/Revue.html
© 2010 Association pour la recherche qualitative
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RECHERCHES QUALITATIVES / VOL. 29(1), 2010
d’espace et leur nombre ont considérablement augmenté au cours des dernières
années notamment grâce au développement des technologies liées à la réalité
virtuelle (Amditis, Karaseitanidis & Mantzouranis, 2008; Castronova, 2005).
Parmi ces univers virtuels, Second Life est un de ceux qui ont connu un succès
important auprès du grand public avec plusieurs millions de comptes créés
depuis 2003. À l’heure actuelle, tout individu se connectant à Second Life
trouvera, généralement, entre 40000 et 80000 personnes avec lesquelles il
pourra interagir quel que soit le moment de la journée. En 2009, les usagers ont
totalisé près de 481 millions d’heures de fréquentation (une augmentation de
21% par rapport à 2008). Les transactions entre eux ont atteint une valeur de
567 millions de dollars US, une augmentation de 65 % par rapport à 2008
(Official Second Life Blogs, 2010a, 2010b). Ces chiffres sont certes élevés,
mais il convient de les réinscrire dans le contexte de l’ère digitale. Ainsi, sur
YouTube près de 20 heures de vidéo sont mises en ligne par les utilisateurs
chaque minute (YouTube Blog, 2009) alors que dans Second Life, le nombre de
nouveaux objets créés par minute se limite à 174. Toutefois, avec plus de 100
minutes en moyenne par visite soulignant un fort engagement des personnes
impliquées dans ce métavers et plus d’un demi-milliard de dollars US échangés
en 2009 (Linden Lab, 2010; Official Second Life Blogs, 2010b), Second Life
représente un environnement de recherche intéressant aussi bien sur le plan
économique que d’un point de vue social. À ce titre, de nombreuses
organisations (compagnies, musées, ambassades, universités, etc.) ont, d’ores et
déjà, mis un pied dans les univers virtuels, en particulier dans Second Life
(Barnetta, 2009; Jarmon & Sanchez, 2008; Kozlov & Reinhold, 2007; Manu,
2007), et certains chercheurs en marketing n’hésitent pas à parler de
l’émergence d’un nouveau paradigme dans leur discipline comme le marketing
virtuel (Hendaoui, Limayen & Thompson, 2008).
Dans ces espaces en ligne au sein desquels tout, ou presque tout est
devenu possible, des questions d’ordre économique, sociétal et juridique sont
posées par les autorités. Ainsi, l’organisation pour la coopération et le
développement économiques (OCDE, 2008) s’interroge sur les droits de
propriété intellectuelle, le respect de la vie privée et le vol d’identité, mais aussi
sur « les questions de réglementation induites par la prévalence croissante des
mondes virtuels ». Comme tout nouvel environnement, les univers virtuels
suscitent des craintes et des doutes, mais l’implication grandissante des
internautes envers les expériences en ligne (USC, 2008) ainsi que l’émergence
d’interfaces populaires telles que les consoles de jeu vidéo Wii ou Playstation 3
(Time, 2009) où la communication homme-machine peut s’effectuer par
l’intermédiaire d’un avatar, nous laissent penser que ce phénomène continuera
à prendre de l’importance dans la décennie à venir.
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L’expression « mondes virtuels » regroupe de multiples espaces (plus de
250) dont les objectifs peuvent être différents (Association of Virtual Worlds,
2008). Dans le cadre de ce numéro spécial sur les entretiens de groupe, notre
choix s’est naturellement orienté vers Second Life pour plusieurs raisons.
Premièrement, nos connaissances personnelles sur ce monde ont joué un rôle
prépondérant car, comme pour tout environnement virtuel et/ou en ligne,
l’expérience est un facteur important quand des interactions soutenues comme
la réalisation d’un entretien de groupe sont à gérer et, dans le cas présent, à
analyser. Deuxièmement, tous les mondes virtuels n’offrent pas la possibilité
de mener ce type de recherche, comme c’est le cas des espaces du type
MMORPG (Massively Multiplayer Online Role-Playing Games).
Troisièmement, Second Life a suscité un réel engouement de la part de
nombreuses institutions d'enseignement, particulièrement universitaires, qui
sont maintenant représentées dans ce métavers (pour une liste actualisée, voir
Simteach, 2009). À ce titre, il est fort probable que, dans un avenir proche, le
nombre de recherches menées dans ce métavers augmente, l’entretien de
groupe faisant partie des méthodes qui y sont couramment employées par les
chercheurs universitaires. Par exemple, dans son dernier numéro de 2009, la
revue « Recherche et Applications en Marketing » y consacre deux articles
(Parmentier & Rolland, 2009; Haenlein & Kaplan, 2009a). L’appel à
communication pour le numéro spécial annuel de la revue en 2011 invite les
auteurs à s’intéresser à ces métavers (Haenlein & Kaplan, 2009b). Au
quatrième congrès de la CyberSociety (2009), vingt communications ont été
faites dans l’atelier de travail D-29 « Metaverses and 3-D environments », la
plupart d’entre elles étant consacrées à Second Life. Des conférences ouvertes
aux professeurs et aux chercheurs sont organisées régulièrement dans Second
Life dont, depuis 2007, la conférence annuelle « Virtual Worlds - Best
Practices in Education » au mois de mars, qui réunissait 3600 personnes en
2009 (VWBPE, 2010).
Il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude ayant présenté les
opportunités offertes par Second Life pour y réaliser des entretiens de groupe.
Aussi, propose-t-on un premier rapprochement entre les connaissances sur les
entretiens de groupe (hors et en ligne) et celles que nous avons pu acquérir en
utilisant cette méthode dans Second Life. Après une présentation de ce monde
virtuel et des entretiens de groupe hors ligne et en ligne, nous identifions les
variables à prendre en considération afin d’adopter une démarche scientifique
dans ce type d’espace et, plus précisément, celles pertinentes pour réaliser des
entretiens de groupe. Nous exposons par la suite les particularités à connaître
pour organiser un entretien de groupe sur Second Life. Puis, en nous basant sur
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notre vécu, nous proposons plusieurs implications permettant d’utiliser cette
méthode de recherche de façon optimale.
Présentation du métavers Second Life
Second Life se distingue des jeux vidéo traditionnels en étant plus qu’un jeu :
c’est un environnement virtuel, un monde parallèle (Rymaszewski, Wagner,
Winters, Ondrejka, Bastone-Cunningham & Second Life Residents from
around the world, 2007). Contrairement aux jeux vidéo du type MMORPG,
dans Second Life l’utilisateur n’a pas de but ou de quête prédéfinie : il ne fait
qu’œuvrer à son goût dans l’univers. Même si, à l’heure actuelle, aucune
typologie n’obtient encore un large consensus, l’Association of Virtual Worlds
(2008) propose plusieurs catégories permettant de distinguer les différents
mondes virtuels. Second Life pourrait alors être décrit comme un monde
persistant, c'est-à-dire actif en continu et où le temps s’écoule de manière
linéaire, monde fréquenté principalement par des adultes. Ainsi, contrairement
à de nombreux jeux vidéo où le joueur peut stopper le temps et reprendre sa
partie plus tard, un utilisateur qui ne se rendrait pas dans Second Life pourrait
ne pas reconnaître les lieux après une absence prolongée. Pour évoluer dans le
métavers, l’utilisateur contrôle un avatar (aussi appelé résident) qui est sa
représentation graphique. L’apparence des avatars peut être modifiée en tout
temps : âge, sexe, taille, couleur, apparence, etc. L’utilisateur peut ainsi viser à
une représentation aussi fidèle que possible de lui-même ou encore se créer une
tout autre personnalité. Par exemple, il pourrait choisir d’être représenté par un
objet (comme un robot) ou par un animal (notamment un furry). Pour se
déplacer dans Second Life, les avatars sont libres de se promener sur un espace
« terrestre » constitué de trois principaux continents, ainsi que d’une multitude
d’îles présentes dans les océans inter continentaux (30000 à ce jour). Comme
dans la vie réelle, les résidents peuvent acheter/louer des îles ou des parcelles
de terrain sur lesquelles ils pourront créer les objets de leur choix (logement,
bureau, musée, église, voilier, piano…). Nous assistons ici à une ouverture du
contenu aux utilisateurs qui le créent, distribuent et soutiennent le
développement de la communauté, c’est-à-dire une des caractéristiques des
consommateurs-utilisateurs du web 2.0 (Jarvis, 2009).
L’environnement virtuel de Second Life reproduit plusieurs aspects de la
vie réelle. En plus d'y voir le temps s’écouler de manière linéaire, ce métavers
se caractérise par la présence d’une économie fondée sur la monnaie virtuelle,
le dollar Linden (L$) qui peut être converti en devises réelles. Ces dollars
peuvent être achetés et vendus directement dans Second Life à des taux de
change variables, telle une véritable devise. Les avatars peuvent ainsi
consommer à leur gré vêtements, accessoires de sport, biens immobiliers,
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loisirs, etc. Bien que les biens soient virtuels, Second Life est une économie à
part entière, d’où son intérêt pour de nombreuses entreprises, universités et
organisations gouvernementales. Les utilisateurs peuvent aussi créer, vendre et
échanger des objets virtuels sur lesquels ils préservent leurs droits d’auteurs.
Enfin, l’aspect social est très développé dans Second Life (Ludlow & Wallace,
2007). Peu importe les motivations (rencontrer des gens, partager une passion,
vivre ses fantasmes, se créer un soi idéal, etc.), pour de nombreux résidents
Second Life représente une véritable deuxième vie (Dos Santos, 2008).
Pour un chercheur, Second Life offre un double intérêt. Tout d’abord, ce
monde virtuel peut être examiné pour lui-même étant donné qu’une véritable
société de consommation parallèle s’y est développée avec de nouveaux
comportements à comprendre, donc à étudier. Cet espace peut être aussi
simplement utilisé par un chercheur comme un nouveau terrain de recherche où
il pourra réaliser ses récoltes de données. Toutefois, avant d’engager un
processus de recherche dans Second Life, il devra évaluer les avantages et les
inconvénients potentiels de cette plateforme.
Les entretiens de groupe en ligne
Traditionnellement, la méthode d’entretien de groupe regroupe cinq à dix
participants dans le but de capturer le processus de formation d’une opinion à
propos d’un sujet donné. Krueger (1988) considère qu’il n’y a pas de démarche
universelle pour mener un entretien de groupe. Selon Stewart et Williams
(2005), les premières applications en ligne ont été réalisées dans les milieux
académiques de la santé (Murray, 1997; Robson, 1999). À la différence de
l’entretien de groupe hors ligne, l’existence du média internet et la possibilité
de numérisation des données ont permis le développement de deux types
d’entretien de groupe en ligne : ceux synchronisés et ceux a-synchronisés. Dans
le cas d’entretiens de groupe synchronisés, il s’agit de réunir en temps réel des
participants dans un chat ou encore via une messagerie instantanée. Dans ce
premier type d’entretien, les échanges sont plus spontanés et interactifs. Cette
méthode est plus adaptée lorsque l’objet de la discussion ne nécessite pas une
longue réflexion. Dans le cas d’entretiens de groupe a-synchronisés, il s’agit de
réunir des participants de façon différée via des listes d’envois groupés ou en
utilisant des newsgroups. Dans cette situation, les échanges sont plus longs et
permettent une meilleure protection de l’identité des participants et du
chercheur (Stewart & Williams, 2005). Cette méthode est plus appropriée
lorsqu’une réflexion approfondie est nécessaire.
De nombreux travaux ont permis de mieux identifier les avantages et
inconvénients de la méthode de l’entretien de groupe en ligne (El Kamel &
Rigaux-Bricmont, 2009; Mann & Stewart, 2000; Rezabek, 2000; Stewart &
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Williams, 2005; Williams & Robson, 2004). Tout comme l’entretien de groupe
hors ligne, celui en ligne permet de générer une importante quantité de données
en peu de temps. C’est une méthode moins coûteuse dans la mesure où elle
permet d’accéder plus facilement à des participants géographiquement éloignés
(Edmunds, 1999). Toutefois, cette méthode présente aussi des inconvénients.
Les participants doivent avoir accès à internet. Ces méthodes sont donc plus
appropriées lorsque l’objet de la recherche est en lien avec ce média. Avec les
échanges électroniques, il n’est pas toujours possible d’accéder aux expressions
faciales et gestuelles des participants, bien que l’amélioration des technologies
de vidéoconférence rende cette remarque de plus en plus obsolète. Dans le cas
de l’entretien de groupe en ligne synchronisé, des problèmes éventuels
d’interférences entre les participants peuvent surgir et augmenter ainsi la
difficulté d’interprétation des données. Enfin, le caractère anonyme, qui est un
avantage en soi, pourrait dans certains cas encourager certains dépassements,
exagérations ou autres actes qui seraient difficiles à maitriser par le chercheur.
Impact des caractéristiques de la réalité virtuelle sur la recherche
L’existence de mondes virtuels tels que Second Life est intimement liée aux
évolutions technologiques récentes. Si ces dernières possèdent des
caractéristiques qui offrent de nouvelles opportunités aux chercheurs, elles ont
aussi des inconvénients. Nous proposons de mettre en évidence le potentiel des
technologies en lien avec les mondes virtuels, et plus précisément Second Life,
pour la réalisation d’entretiens de groupe. Nous basons nos réflexions sur les
travaux d’Amditis, Karaseitanidis et Mantzouranis (2008) qui distinguent deux
catégories de variables à prendre en considération pour réaliser des recherches
dans ce type d’espace. Leur grille d’analyse est avant tout basée sur les
technologies disponibles et nous proposons d’interpréter celle-ci dans le but de
pouvoir l’appliquer à la recherche en sciences sociales. Ces catégories font
référence au contenu offert dans le monde virtuel et aux outils disponibles pour
interagir dans ce monde. Chacune de ces catégories est composée d’un
ensemble de variables (Tableau 1) qui sont détaillées dans les paragraphes
suivants.
Le contenu offert dans le monde virtuel
Un monde virtuel peut, par ses caractéristiques intrinsèques, favoriser le
sentiment de présence ressentie par les utilisateurs. Ce concept de présence se
focalise sur deux aspects distincts dans la littérature. Le premier aspect
concerne l’immersion que permet le monde virtuel. Les expériences en ligne
peuvent, au même titre que celles de la vie réelle, permettre de vivre
l’expérience de flux par le biais de l’immersion (Csikszentmihalyi, 2002) à
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Tableau 1
Variables à considérer lors d’une recherche réalisée dans un métavers
Contenu offert
dans le monde virtuel
Présence
Expérience spatiale partagée
Expérience, Savoir, Connaissance
Création d’histoire
Outils pour interagir
dans le monde virtuel
Interaction
Interface spatiale
Évaluation, Planification, Élaboration
Création de situation
l’aide des technologies (Mathwick & Rigdon, 2004). La réalité virtuelle a
comme objectif de favoriser l’immersion et, à ce titre, Second Life peut être
considéré comme plus efficace qu’un environnement en ligne classique grâce à
l’utilisation d’un avatar qui y représente graphiquement la présence de
l’individu. Les participants peuvent alors avoir le sentiment d’un « être ici » à
la fois « physiquement et… textuellement » (Stewart & Williams, 2005).
Toutefois, le sentiment de présence ressenti par les individus derrière leur
avatar reste personnel et dépendra en grande partie de son implication envers le
monde virtuel. De plus, comme aucun paradigme clair sur le concept
d’immersion dans les univers virtuels n’existe à l’heure actuelle, celui de
présence pourra toujours être remis en question par ses détracteurs. Le second
aspect lié à la présence est la possibilité pour les avatars de se regrouper. Dans
le cadre de la réalisation d’entretiens de groupe, les mondes virtuels possèdent
un avantage sur la recherche traditionnelle en ligne car ils permettent aux
avatars de se regrouper dans un lieu plus concret qu’un forum ou un chat,
puisque celui-ci est représenté sous une forme graphique. Or, le caractère
concret est un facteur qui favorise l’attention des individus (D’Astous,
Daghfous, Ballofet & Boulaire, 2006) et qui peut encourager le sentiment d’un
« être ensemble » pour les participants. Par ailleurs, les regroupements dans les
mondes virtuels (comme pour la recherche en ligne) ne sont pas limités par des
contraintes géographiques offrant ainsi la possibilité aux chercheurs de recruter
des personnes partout dans le monde (Witmer, Colman & Katzman, 1999) sans
qu’elles ne doivent se déplacer physiquement.
L’expérience spatiale partagée s’intéresse aux caractéristiques
immuables du monde virtuel qui sont définies en amont par les concepteurs de
ce dernier. Les unités de mesure qui régissent le monde virtuel permettent de
caractériser les principes liés à cette variable. Ainsi, nous pouvons constater
que les concepteurs de Second Life fournissent une monnaie (les dollars
Linden), des unités de mesure spécifiques comme les primitives (prims) qui
servent à évaluer la capacité d’accueil d’objets et d’avatars sur un terrain. Afin
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de faciliter la compréhension du lecteur sur ce que sont les prims, nous
proposons l’analogie suivante : dans Second Life les prims correspondent à ce
que sont les octets pour un disque dur d’ordinateur. Comme toute mesure, elles
permettent aux avatars et leurs propriétaires : (1) de décrire leur réalité
(virtuelle) avec des termes qui leur sont propres, (2) de fixer les règles
d’échange dans leur société. Pour le chercheur, cela demande un effort
supplémentaire par rapport à la recherche dans la vie réelle, car il devra
apprendre la terminologie et les règles en vigueur dans le monde virtuel.
Les trois variables suivantes (expérience, savoir et connaissance) sont
intimement liées les unes ou autres. Elles font référence à l’apprentissage, la
prise en main et la maitrise de l’environnement virtuel par l’utilisateur. Quel
que soit le monde virtuel dans lequel le chercheur souhaite réaliser un projet,
ces variables doivent être examinées soigneusement, car elles peuvent avoir un
impact sur le déroulement de la recherche, notamment si la méthode retenue
nécessite des interactions soutenues entre les différentes parties comme c’est le
cas pour des entretiens de groupe. Dans un monde virtuel comme Second Life,
l’apprentissage et la prise en main sont accessibles au grand public comme le
montre le nombre important d’utilisateurs. Néanmoins, étant donné ces phases
indispensables pour arriver à un degré de maitrise minimum de
l’environnement, un recrutement hors Second Life pour réaliser une étude dans
le métavers apparaît comme une difficulté supplémentaire pour le chercheur (et
ses futurs participants). Plus qu’une difficulté, à l’heure actuelle ces phases
constituent une limite sérieuse, notamment pour le recrutement, et ce, même si
les interfaces homme-machine faisant appel à une communication basée sur un
avatar sont en plein développement (Time, 2009).
La dernière variable liée au contenu offert dans le monde virtuel est la
création d’histoires. Généralement, cette création d’histoires est définie par les
concepteurs du monde virtuel : elle fournit aux utilisateurs les lignes directrices
qu’ils devraient suivre pour y évoluer. C’est le cas des « missions » que doivent
réaliser les joueurs dans un MMOPRG tel que World of Warcraft. Dans le cas
de Second Life, il n’existe pas d’histoire prédéfinie par les créateurs du monde
virtuel. Nous observons même une démarche inverse des créateurs qui
proposent aux utilisateurs de créer leur propre histoire. Si cette liberté constitue
une des raisons du succès du métavers, elle est aussi pour certains une cause de
désintérêt. Pour réaliser des entretiens de groupe, cette liberté a une double
conséquence : tout d’abord positive, car le chercheur trouvera une grande
diversité dans les parcours des avatars, ce qui peut être une source de richesse
dans l’information récoltée, mais aussi négative, car les critères à retenir pour
obtenir un échantillon seront difficiles à établir.
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Les outils pour interagir dans le monde virtuel
Dans la deuxième catégorie de variables proposées par Amditis, Karaseitanidis
et Mantzouranis (2008), l’interaction entre l’utilisateur et le monde virtuel est
une variable clé. Lors de la récolte d’information effectuée à l’aide d’un
entretien de groupe, les mondes virtuels offriraient des possibilités
d’interprétation des données plus importantes (notamment en comparaison des
entretiens réalisés en ligne). Le premier argument repose sur l’utilisation
d’avatars qui auraient un rôle de facilitateur d’échanges entre les participants
mais aussi avec le chercheur grâce au sentiment de présence décrit
précédemment. Le second argument concerne les possibilités d’interprétation
de la gestuelle des avatars et plus généralement les données non verbales qui
peuvent enrichir le cadre interprétatif du chercheur. Stewart et Williams (2005)
affirment que la proximité entre les avatars et le mouvement du corps peuvent
faciliter les interprétations du chercheur. McArthur (2008) estime qu’un tel
phénomène est aussi possible dans un métavers comme Second Life. Il faut
cependant nuancer le rôle des interprétations (en particulier pour le langage
corporel des avatars) que pourrait réaliser le chercheur, car il existe des
possibilités de décalage entre la demande d’exécution et l’exécution d’un
mouvement par l’avatar, ce qui peut conduire à une interprétation erronée. À ce
titre, plusieurs études (Colburn, Cohen & Drucker, 2000; Freier, 2007) ont
montré qu’existaient encore des limites à l’utilisation de ce type de
communication comme données à interpréter. Un troisième argument en faveur
de l’utilisation des mondes virtuels dans la recherche repose sur le fait que lors
de méthodes de recherche en ligne, le chercheur se trouve dans une situation où
le participant se dévoile plus que voulu car il existe un phénomène d’anonymat
perçu (Joinson, 1998; Stewart & Williams, 2005). À l’inverse, dans le monde
réel, Goffman (1959) souligne que, dans des situations sociales comme un
entretien de groupe, les individus offrent une présentation partielle et contrôlée
de leur soi. Ce phénomène est aussi appelé biais de désirabilité sociale et peut
conduire le participant à ne pas partager des informations qui seraient, pourtant
pertinentes pour le chercheur. Aussi, une communication basée sur l’avatar
apparaît comme une solution intermédiaire entre le danger de l’anonymat perçu
(Stewart & Williams, 2005) et le biais de désirabilité sociale présenté par
Goffman (1959). Un dernier argument concernant l’interaction, valide à la fois
pour les méthodes de recherche en ligne et les mondes virtuels, est la possibilité
pour les chercheurs d’enrichir leur interprétation avec les nombreuses
abréviations utilisées par les participants sur ce type de support (ex : lol,
hmm…) qui constituent des indicateurs « d’humeur » (Sternberg, 1998).
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La deuxième variable liée aux outils pour interagir avec le monde virtuel
est l’interface spatiale. Cette variable est particulièrement importante pour le
chercheur, car elle définit la gamme de techniques qu’il pourra utiliser pour
mener à bien ses travaux. Les environnements virtuels possèdent au moins les
mêmes caractéristiques que les environnements en ligne en permettant des
communications orales et écrites (messagerie instantanée, chat, conversation
avec l’option voice dans Second Life) mais aussi des échanges de documents
tels que des photos qui peuvent servir de point d’ancrage lors d’entretiens
(Loeffler, 2004). Ces environnements offrent aussi des possibilités nouvelles
par rapport aux méthodes hors ligne grâce à l’utilisation d’objets en 3
dimensions. Dans Second Life, un objet peut être manipulé et modifié
facilement par un avatar, ce qui permettra au chercheur de prendre en compte, à
faible coût, le point de vue des participants (lors de la conception de produit,
par exemple). Ainsi Second Life, en plus d’offrir la possibilité de voir et
manipuler des objets en 3 dimensions comme dans la vie réelle, permet de les
modifier, ce qui peut rendre l’entretien de groupe plus interactif et enrichir le
cadre d’interprétation du chercheur. Par exemple, dans le domaine
architectural, Second Life permet aux créateurs de proposer des maquettes de
leur projet dans lesquelles les participants pourront déambuler en choisissant la
période de la journée et, par la suite, partager leurs impressions. Des
modifications fonctionnelles et esthétiques pourront être, alors, réalisées par les
créateurs (ou directement par les participants, s’ils y sont invités), en quelques
clics, comme le changement des couleurs ou des dimensions d’une fenêtre.
Les variables évaluation, planification et élaboration se focalisent
essentiellement sur les éléments à mettre en place pour réaliser une recherche
dans un monde virtuel. Ces éléments sont avant tout d’ordre pratique, c’est
pourquoi nous proposons, dans la suite de ce document, un exemple
d’organisation d’un entretien de groupe dans Second Life qui opérationnalise
ces trois variables.
La création de situations est la dernière variable présentée dans la grille
d’analyse d’Amditis, Karaseitanidis et Mantzouranis (2008). En tant qu’espace
ouvert au contenu généré par l’utilisateur, Second Life offre une flexibilité
importante au chercheur pour « scénariser » son entretien de groupe. Ce dernier
a ainsi, la possibilité de reproduire des situations réelles telles qu’une
expérience de magasinage, de visites de musée ou encore simuler des situations
d’urgence. De plus, comme cela a été précédemment évoqué il pourra créer ou
investir des lieux dans lesquels il pourra regrouper les participants pour
l’entretien.
HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
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Organisation d’un entretien de groupe dans Second Life
L’objectif de cette section est de présenter une façon typique d’organiser un
entretien de groupe dans Second Life. Cette section se divise en trois parties :
(1) le choix du lieu pour réaliser un entretien de groupe, (2) les considérations
éthiques et (3) les outils disponibles.
Le choix du lieu pour réaliser un entretien de groupe
Tout d’abord, nous nous intéressons aux contraintes spécifiques à Second Life
auxquelles un chercheur devra prêter attention lors du choix du lieu où se
déroulera l’entretien de groupe. Comme dans la vie réelle ce choix est
important et est sujet à deux principales contraintes, à savoir la disponibilité et
la capacité d’accueil du lieu. Néanmoins, la nature de ces deux contraintes est
différente de celle rencontrée dans la vie réelle. Si aucun site n’est évidemment
à l’abri d’un problème technique tel que la panne d’un serveur ou une perte de
connexion internet, les terrains sur Second Life font l’objet d’un entretien
périodique par le Laboratoire Linden qui bloque momentanément l’accès au
lieu en question lorsqu’il est en cours. Le chercheur devra donc s’assurer des
périodes de disponibilité des différents sites lors de son choix. Concernant la
capacité d’accueil, sur Second Life, plus que le nombre de participants c’est la
capacité en nombre de prims qui est importante. Aussi, le chercheur devra
s’assurer d’avoir suffisamment de prims à sa disposition pour accueillir, non
seulement les participants, mais aussi les outils qu’il souhaitera utiliser lors de
l’entretien de groupe. Comme pour la disponibilité, si le nombre de prims à
disposition est insuffisant, l’accès au site deviendra problématique. Concernant
les sites envisageables pour mener un entretien de groupe, trois principales
options sont offertes au chercheur. Tout d’abord, on trouve les terrains vagues
ou bacs à sable mis provisoirement (quelques heures) à la disposition de tous
les résidents de Second Life. L’inconvénient est qu’il y a souvent beaucoup de
trafic à ces endroits et on y trouve parfois des résidents qui viennent perturber
la quiétude des lieux. Ces résidents sont aussi connus sous le nom de griefers
ou vandales. La deuxième option concerne des sites accessibles aux
enseignants dont une des listes régulièrement mises à jour est disponible auprès
de l’International Society for Technology in Education (ISTE). La troisième
option consiste à louer, pour une dizaine de dollars par semaine, un espace
virtuel dans Second Life que le chercheur pourra aménager à sa convenance et
dont il pourra limiter l’accès aux personnes de son choix. En conséquence, le
choix d’un site pour réaliser un entretien de groupe dans ce métavers résultera
d’un triple arbitrage entre sa disponibilité, sa capacité d’accueil et son
exclusivité (en termes de nombre d’avatars ayant accès au terrain). La Figure 1
présente un exemple de lieu propice à la réalisation d’un entretien de groupe
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Figure 1 : Exemple de site pour un entretien de groupe dans Second Life
car on y trouve beaucoup de prims libres pour y charger le matériel virtuel
nécessaire, on peut y rassembler aisément les participants – soit par une
invitation à se téléporter sur le lieu, soit par remise d’un repère terrain
(landmark) – et, enfin, car le trafic y est modéré.
Les considérations éthiques
Ici, il ne s’agit pas de redéfinir le concept d’éthique dans les mondes virtuels
(pour plus de détails, voir Buchanan, 2004). Nous proposons simplement de
présenter quelques conseils éthiques à respecter pour le bon déroulement d’un
entretien dans Second Life afin d’éviter des incompréhensions entre chercheur
et participants. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les recommandations de
l’Avatar Identity Research Center (Costello, 2006) et résumons ces conseils en
cinq points :
1. Respect de la culture de l’avatar interviewé dans Second Life où il existe de
nombreux groupes ayant leurs normes propres.
2. Respect de l’avatar choisi par l’interviewé dont les caractéristiques
sociodémographiques peuvent être fort différentes des siennes.
3. Respect du style interactif utilisé par l’interviewé qui peut recourir à des
expressions typiques de la messagerie instantanée ou ne pas souhaiter une
interaction verbale.
4. Être réaliste quant à la durée de l’entretien : les compétences en matière de
dactylographie diffèrent considérablement d’un interviewé à l’autre.
HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
/ Entretien de groupe dans Second Life
81
5. Obtenir le consentement averti de l’interviewé. La suggestion est de lui
remettre une note décrivant l’objet de la recherche et les garanties
d’anonymat avec des coordonnées du chercheur qui permettent de le
retracer éventuellement dans le monde réel.
En nous basant sur ces conseils, nous constatons que les points les plus
sensibles, dans une perspective éthique, concernent le mode d’interaction entre
les participants. La liberté offerte aux résidents dans Second Life et la
nouveauté du phénomène peuvent expliquer ce véritable « appel au respect »
fait par l’Avatar Identity Research Center. Le modérateur d’un entretien de
groupe devra donc s’assurer que ces principes sont appliqués afin de ne pas
empêcher son bon déroulement. Enfin, l’obtention du consentement de la part
des participants est, traditionnellement, une des deux limites éthiques les plus
citées lors de la réalisation de recherches en ligne (Clark, 2004). Nous verrons
dans le paragraphe suivant comment il est possible de résoudre ce problème
dans Second Life.
Les outils disponibles
Si l’une des raisons du succès de Second Life est qu’il permet aux utilisateurs
de créer leur propre contenu, il peut, a priori, laisser le chercheur bien démuni,
car celui-ci n’a pas à sa disposition le matériel nécessaire pour mettre en place
un entretien de groupe. Dans ce paragraphe, nous souhaitons mettre en
évidence que, ce qui pourrait apparaître comme un problème majeur ne l’est
pas, car tous les matériaux de base sont disponibles dans ce métavers ainsi que
de nombreux outils supplémentaires. Dans Second Life, on peut se procurer
gratuitement tous les outils virtuels qui seront ici présentés (Appendice A) et
l'on peut évidemment en créer d'autres soi-même. La Figure 2 montre
l’installation faite spécialement pour un entretien de groupe. L’avatar de l’un
des auteurs est assis devant une table et une chaise vide attend les participants.
Lors de leur arrivée, les sujets seront invités à prendre le siège non occupé, un
nouveau siège apparaissant au fur et à mesure des besoins. À gauche de la
Figure 2, on remarque un tableau gris sur lequel le chercheur peut inscrire le
thème de la réflexion et/ou les directives de la séance (utilisation facultative).
Sous le tableau bleu de la Figure 2, on observe une petite boule multicolore
dont le gros plan se retrouve à la Figure 3. Il s’agit de la boule de
consentement. Cet objet est l’une des réponses apportées concernant
l’obtention du consentement des sujets étudiés. En cliquant sur cette boule
colorée, l’avatar donne son consentement à l’enregistrement automatique de ses
communications écrites lors de l’entretien de groupe. En effet, la
communication verbale n’est pas conseillée, car elle peut dégénérer très
rapidement en une cacophonie incompréhensible. De plus, la procédure par
82
RECHERCHES QUALITATIVES / VOL. 29(1), 2010
Figure 2 : Outils utiles pour un entretien de groupe dans Second Life
Figure 3 : Boule de consentement pour l’enregistrement des échanges
dactylographie évite non seulement la transcription par écrit de
l’enregistrement sonore (puisque, dans ce cas, un simple copier-coller suffira)
mais elle permet aussi plus de discipline dans les échanges en donnant plus de
HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
/ Entretien de groupe dans Second Life
83
contrôle à l’animateur de l’entretien de groupe. La Figure 4 est celle du tableau
« remue-méninges » dont l’usage reste à la discrétion du chercheur, mais qui
peut être fort utile lorsqu’un avatar souhaite lancer un sujet de discussion de
façon anonyme (un nouvel outil plus simple d’utilisation est présenté à
l’Appendice B). Une autre manière de procéder pour préserver l’anonymat,
mais beaucoup plus lourde, consisterait à communiquer par messages
instantanés avec l’avatar d’un observateur neutre qui bénéficierait de la
confiance des participants. Après avoir supprimé le nom de l’expéditeur du
message instantané, l’observateur transfèrerait alors le message édité à
l’animateur de l’entretien de groupe.
Finalement, il existe bien d’autres objets virtuels qui peuvent trouver leur
utilité lors d’un entretien de groupe comme un équipement permettant la
présentation de diapositives et le visionnement de vidéos (Figure 5).
Pour conclure cette section, il n’est pas inutile d’attirer l’attention sur
quelques aspects plus particuliers à l’organisation d’un entretien de groupe
dans Second Life. Étant donné la diversité géographique des résidents, il est
important de choisir judicieusement une plage horaire qui convienne aux
avatars que l’on souhaite inviter pour la séance. De plus, même si l’anglais est
la langue la plus répandue dans Second Life, la diversité linguistique peut, elle
aussi, poser problème. On devra donc parfois organiser plus d’entretiens de
groupe que prévu initialement. Une particularité de certains sites est que leur
accès est réservé à des résidents certifiés comme étant âgés de 18 ans et plus.
Cette certification passe par une démarche spéciale auprès d’un organisme
indépendant du Laboratoire Linden qui, après vérification d’identité (numéro
de passeport, permis de conduire, etc.), confère à l’avatar le statut d’adulte.
Tous les résidents n’entreprennent pas cette démarche et, donc, ne peuvent
accéder à certains lieux virtuels. Ce qui pourrait apparaître comme un
inconvénient dans le cas où un site réservé aux avatars possédant ce statut
aurait été choisi pour la rencontre, deviendrait un avantage si l’on voulait
s’assurer de ne réunir que des avatars animés par des adultes afin de satisfaire
l’une des règles éthiques en matière de recherche avec des sujets humains.
Réalisation d’un entretien de groupe dans Second Life
Dans le cadre d’une recherche menée par un des auteurs (El Kamel, 2009),
quatre-vingts avatars francophones ont été interviewés individuellement au
cours de l’été 2009. Afin de connaître, avec un certain recul, les réactions à ces
entrevues, il a été décidé d’organiser un entretien de groupe à la fin de l’été
2009. Pour se faire, la procédure suivante a été mise en place : (1) le
recrutement, (2) le choix et la préparation du site, (3) la diffusion de l’informa-
84
RECHERCHES QUALITATIVES / VOL. 29(1), 2010
Figure 4 : Lancer des idées de façon anonyme sur le tableau
« remue-méninges »
Figure 5 : Présentation de diapositives PowerPoint et télévision virtuelle
tion auprès des participants, (4) l’accueil des participants, (5) l’animation de
l’entretien de groupe et (6) la sauvegarde des données. Chacune de ces six
étapes est présentée plus en détails.
HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
/ Entretien de groupe dans Second Life
85
1- Le recrutement des participants : une invitation a été envoyée aux avatars
déjà interviewés pour participer à un entretien de groupe. Les douze
premiers ayant accepté de participer à cette rencontre ont été retenus.
Douze avatars ont été invités afin de s’assurer de la présence effective de
six à huit participants. Il est à noter que, dans ce cas, le recrutement des
participants a été facilité par la relation de confiance qui s’était déjà établie
entre le chercheur et les sujets lors des entrevues individuelles effectuées
précédemment. Le recrutement sans connaissance préalable des sujets peut
s’avérer plus difficile à réaliser. C‘est ainsi qu’en nous fondant sur nos
expériences suivantes, nous avons constaté un taux moyen de participation
d’environ 75% avec un taux d’abandon effectif nul. Ces chiffres sont,
toutefois, à relativiser pour deux raisons principales. Premièrement, il
existe un potentiel effet de nouveauté. Les résidents sur Second Life restent
peu sollicités comparativement à d’autres plateformes plus anciennes et
donc peu réticents à l’idée de participer à ce type de recherche.
Deuxièmement, le thème des entretiens de groupe était directement lié à
une problématique au sujet de Second Life et s’adressait aux avatars (et non
aux utilisateurs de ces derniers). Si l’entretien de groupe avait porté sur une
problématique liée au monde réel et s’était adressé à l’utilisateur derrière
l’avatar, il est probable que la démarche entreprise par les chercheurs serait
apparue comme intrusive, conduisant à un taux de participation plus faible.
C’est pourquoi il faut pour le moment faire preuve de prudence quant à
l’interprétation des chiffres ici proposés.
2- Le choix et la préparation du site : le chercheur s’est alors mis en quête
d’un site rassemblant les caractéristiques désirées précédemment décrites.
Un site a été trouvé, à savoir une ruine romaine où le chercheur a invité un
second chercheur à le rejoindre afin de préparer la rencontre (Figure 6). Les
deux chercheurs sont devenus membres du groupe propriétaire du site
après avoir expliqué ce qu’ils se proposaient d’y faire afin d’obtenir
l’autorisation de faire apparaître les objets utiles à l’entretien de groupe. Le
site a été géo-localisé dans Second Life par le chercheur à l’aide d’un
repère terrain (landmark) afin qu’une fois diffusé, les participants puissent
s’y téléporter.
3- Diffusion de l’information auprès des participants : une convocation a été
remise aux participants afin de les informer de l’objet de la réunion, du
lieu, du jour et de l’heure dans le cadre du fuseau horaire concerné. Dans le
86
RECHERCHES QUALITATIVES / VOL. 29(1), 2010
Figure 6 : Préparation de la rencontre
cadre de sa recherche, le chercheur souhaitait interroger des participants
francophones, et donc localisés majoritairement en Europe, ce qui
demandait un horaire adapté pour deux zones géographiques (Europe et Est
de l’Amérique du Nord). Par ailleurs, il est possible d’utiliser l’heure PDT,
heure officielle de Second Life (fuseau horaire de l’état de Californie aux
États-Unis), mais nombreux sont les résidents qui restent confus avec cette
référence. En plus de la convocation, un rappel leur a été envoyé la veille
de l’entretien de groupe.
4- L’accueil des participants : les deux chercheurs se sont rendus sur le lieu de
rencontre (les ruines romaines) quelques dizaines de minutes avant l’heure
de rendez-vous fixée aux participants. Les deux chercheurs résidant dans
des zones géographiques différentes, ils ont établi une connexion
supplémentaire à l’aide d’un téléphone internet (Skype) afin d’échanger
leurs commentaires beaucoup plus rapidement que par messages
instantanés. À l’heure convenue, tous les avatars invités étaient assis autour
de la table (Figure 7). Deux notes ont été remises aux participants à leur
arrivée sur le site de l’entretien de groupe. La première note expliquait le
thème de la rencontre ainsi qu’une série d’instructions pour le bon
déroulement de l’entretien alors que la seconde présentait aux participants
le fonctionnement de la boule de consentement et celui du tableau
remue-méninges. Une fois les deux notes lues, les participants étaient
HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
/ Entretien de groupe dans Second Life
87
Figure 7 : L’entretien de groupe (12 participants et 2 chercheurs)
invités à faire part de leur consentement par le biais de l’objet prévu à cet
effet (Figure 3). Le consentement portait sur l’enregistrement du texte de
l’entretien de groupe (par la suite, les participants consentiront à ce que des
photographies soient prises, mais il n’y aura pas unanimité pour dévoiler le
nom des avatars présents). Après avoir introduit le second chercheur au
groupe, le chercheur principal a répondu à quelques questions de
clarification. Par ailleurs, le rôle du second chercheur a été précisé. Les
participants pouvaient communiquer avec ce dernier s’ils souhaitaient
aborder un sujet sans pour autant que le reste du groupe sache qui proposait
le sujet. Enfin, les chercheurs ont proposé un premier tour de table
marquant le début de l’entretien.
5- L’animation de l’entretien de groupe : il est rapidement devenu clair aux
deux chercheurs qu’il serait difficile de discipliner les interventions
dactylographiées qui défilent dans la fenêtre du chat. Les instructions
communiquées au début de la séance semblent très vite oubliées dans le feu
des débats. Le chercheur souhaitant mener un entretien de groupe aura
donc intérêt à rédiger une note où un code des communications écrites dans
le chat de la rencontre serait défini. Trois règles importantes y seraient
précisées. La première serait de ne pas aborder un nouveau thème avant
que le précédent ne soit épuisé par tous les participants. La deuxième serait
de marquer la fin d'une intervention par un sigle spécial qui indique qu'un
autre participant peut intervenir à son tour. Enfin, la troisième serait de
mentionner le prénom de l’avatar auquel un participant répond s’il revient
88
RECHERCHES QUALITATIVES / VOL. 29(1), 2010
sur une idée déjà exprimée. En effet, les habiletés de chacun en matière de
dactylographie étant différentes, il est important de pouvoir reconstituer la
logique des échanges par la suite. L’animateur doit donc exercer une
certaine autorité, tâche sans doute simplifiée dans un groupe de taille plus
réduite que celle du groupe ici présent. Dans le cadre de l’entretien de
groupe réalisé, la communication simultanée via un téléphone internet
(dans le cas présent Skype) entre les deux chercheurs a facilité le bon
déroulement de la réunion. Compte tenu du capital de sympathie dont le
chercheur bénéficiait auprès des participants, ainsi que de l’intérêt
manifeste que ces derniers avaient pour le sujet de la recherche, l’entretien
de groupe s’est bien déroulé et les diverses questions ont été abordées et
discutées de façon constructive. À part un sujet qui a été brièvement
déconnecté par accident, aucun incident technique n’a troublé le
déroulement des échanges. Après une heure et demie, certains participants
ont pris congé de l’assemblée, cette dernière se terminant définitivement
une quinzaine de minutes plus tard. Il faut signaler qu’aucun participant n’a
fait usage du tableau remue-méninges, ni fait parvenir un message au
chercheur invité.
6- Sauvegarde des données : un des avantages majeurs de l’organisation d’une
entrevue de groupe dans un métavers comme Second Life est la sauvegarde
automatique des échanges. En effet, un enregistrement instantané de la
discussion a été effectué dans un format prêt à être transféré pour être
analysé par un logiciel d’analyse de contenu comme NVivo. Par ailleurs,
en vue de se conformer aux règles de l’éthique de la recherche, un travail
supplémentaire a été effectué pour remplacer les noms des avatars par des
codes chiffrés éliminant ainsi toute possibilité de reconnaissance des
avatars.
La bonne connaissance et maîtrise de Second Life par les deux
chercheurs a largement contribué au succès de cet entretien de groupe. La seule
limite rencontrée est liée à la gestion des échanges entre les participants qui
avait déjà souvent été souvent citée quand cette méthode de recherche est
utilisée en ligne. Toutefois, comme il a été précisé, la taille du groupe retenu
étant plus importante que celle classiquement utilisée pourrait expliquer, en
partie, les difficultés rencontrées. De plus, les chercheurs estiment qu’en
mettant en place une procédure de rappel du code de communication, la gestion
des échanges pourra être facilitée.
L’avatar, un élément clé de l’entretien de groupe dans un métavers
Les entretiens de groupe dans un métavers présentent un avantage certain par
rapport à ceux en ligne, qu’ils soient synchronisés ou a-synchronisés.
HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
/ Entretien de groupe dans Second Life
89
L’utilisation des avatars permet, dans une certaine mesure, de réduire les
limites relatives à l’absence de la présence « humaine » souvent attribuée à la
recherche qualitative en ligne en général et aux entretiens de groupe en
particulier. À cet effet, l’organisation d’un entretien de groupe dans Second
Life donne accès à une combinaison de textes et de graphismes générant une
dynamique différente de celle d’un simple chat. La présence graphique a, selon
les chercheurs, amélioré l’interactivité au sein du groupe, ce qui confirme le
sentiment d’un « être ici et ensemble » grâce aux technologies liées à la réalité
virtuelle. La communication basée sur les avatars offre l’opportunité d’accéder
à certains éléments réels ou fantasmés par le biais des représentations utilisées.
Ainsi, à travers l’animation graphique des avatars, il a été facile de déceler
ceux qui ont hésité à se joindre au groupe, ceux qui se sont impatientés pour
partir, ceux qui ont soigné leur apparence et leurs vêtements pour assister à la
réunion, etc. Il s’agit là d’exemples d’éléments paralinguistiques auxquels un
chercheur ne peut pas accéder lors d’une réunion de groupe en ligne.
Conclusions et limites
Cet article met en exergue le développement d’un nouveau terrain de recherche
pour mener des entretiens de groupe en ligne, celui des métavers et plus
particulièrement Second Life. Nous proposons ce nouveau terrain de recherche
pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ce type d’espace est de plus en plus
fréquenté, ce qui représente, comme internet à ses débuts, une opportunité
intéressante pour recruter des participants. Par ailleurs, l’univers des possibles
est quasiment illimité dans Second Life permettant notamment de simuler des
situations de recherche qui ne pourraient pas être réalisées dans le monde réel
(ex : modification d’objet, visite virtuelle, heure de la journée, conditions
climatologiques, etc.). En tant que partisans de ce métavers, nous lui conférons
un potentiel important pour la réalisation d’entretiens de groupe et, plus
généralement, pour l’utilisation des méthodes de recherche qualitative en
sciences sociales.
À l’heure actuelle, nous estimons qu’il existe deux principaux freins à
l’utilisation des métavers dans la recherche académique. Le premier frein est
d’ordre théorique. Comme la littérature existante sur les mondes virtuels reste
peu abondante, de nombreux arguments en faveur de ces espaces (par exemple,
le sentiment de présence) sont immédiatement remis en cause par leurs
détracteurs étant donné l’absence de paradigmes bien établis. Le second frein
est d’ordre pratique. Sans une bonne maîtrise d’un monde virtuel, que ce soit
par rapport à la terminologie utilisée, les règles de vie ou encore les modes de
déplacements et de communication, il semble difficile de mettre en place un
projet pour un chercheur inexpérimenté. Toutefois, nous espérons que la
90
RECHERCHES QUALITATIVES / VOL. 29(1), 2010
présentation qui a été faite des bénéfices qu’un chercheur pourra retirer, s’il
choisit Second Life comme terrain d’étude pour mener un entretien de groupe,
permettra une prise de conscience du potentiel des métavers pour la recherche
académique.
Par ailleurs, nous souhaitons insister sur le fait que la réalisation
d’entretiens de groupe dans Second Life constitue une solution équilibrée par
rapport à ceux menés hors ou en ligne. Cet équilibre se situe à plusieurs
niveaux. Tout d’abord, il permet d’éviter le biais de désirabilité sociale
traditionnellement rencontré dans les entretiens en ligne et le phénomène
d’anonymat perçu pour les entretiens hors ligne. Sur les plans éthique et
pratique, l’existence de procédures simples pour obtenir le consentement des
participants combinée à la sauvegarde rapide des données permet de réunir
deux avantages issus des entretiens de groupe hors et en ligne sans en avoir les
inconvénients. Le caractère concret offert par les technologies liées à la réalité
virtuelle offre un compromis intéressant entre l’absence physique lors des
entretiens de groupe en ligne et la présence réelle quand ils sont menés hors
ligne. Par ailleurs, le chercheur travaillant dans les métavers bénéficiera des
avantages traditionnels des entretiens de groupes en ligne à savoir la réduction
des coûts et la facilité de réunir des individus éloignés géographiquement.
Enfin, pour la recherche, la communication basée sur l’avatar représente sans
aucun doute une solution de grande qualité, car elle facilite les échanges,
l’interaction au sein du groupe et enrichit le cadre d’interprétation du
chercheur.
Afin de donner aux chercheurs une vision réaliste des opportunités
offertes pour réaliser des entretiens de groupe dans Second Life, plusieurs
limites sont à mentionner. Premièrement, il semble important de souligner le
« pouvoir des chiffres » qui pourrait motiver un chercheur à se rendre sur un tel
espace pour de « mauvaises raisons ». Selon certaines sources sur internet, il
est annoncé plusieurs dizaines de millions de comptes de personnes créés sur
Second Life. Ces chiffres ne reflètent pas la réalité, car de nombreux comptes
ont été ouverts par simple curiosité à l'époque où les médias parlaient de
Second Life presque quotidiennement. Selon le blogue officiel du Laboratoire
Linden, c’est en moyenne plus de 700 000 visiteurs uniques qui se rendent
plusieurs fois par mois sur Second Life en 2009 (769.000 au mois de
décembre). Cette population est certes intéressante mais ne garantit
évidemment pas que tous les types d’utilisateurs rencontrés dans le monde réel
puissent être recrutés dans Second Life. Deuxièmement, en plus du frein lié aux
compétences du chercheur, il existe une limite d’ordre pratique : la puissance
du matériel informatique à la disposition des participants. Si plusieurs
chercheurs font preuve d’optimisme quant à l’amélioration des équipements
HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
/ Entretien de groupe dans Second Life
91
pour l’utilisation des technologies liées à la réalité virtuelle (Amditis et al.,
2008), l’évolution de ces mondes et de leur complexité n’assure pas l'effet de
« rattrapage » technologique souvent espéré dans la littérature. La dernière
limite concerne la situation dans laquelle nous avons réalisé les entretiens de
groupe. Les conditions réunies étaient particulièrement favorables avec des
participants impliqués envers le métavers, déjà connus par le chercheur lors de
la réalisation d’entrevues individuelles dans le cas du premier entretien, une
thématique centrée sur Second Life, s’adressant uniquement aux avatars et
l’existence d’un effet de nouveauté. Dans de telles conditions, il apparaît
logique que l’organisation et la réalisation de l’entretien de groupe aient été
simplifiées pour les chercheurs. Malgré notre position, en faveur de l’utilisation
des univers virtuels pour la recherche, nous avons conscience que des
contraintes supplémentaires (temporelles, financières…) pourraient peser sur
un chercheur ne bénéficiant pas de telles conditions. À ce titre, une question
qui reste en suspens serait de savoir s’il est nécessaire de doubler les entretiens
sur Second Life avec des entretiens hors ligne pour contrôler les éventuels
effets d’immersion des premiers, notamment si le thème de la recherche ne
porte pas directement sur le métavers et s’adresse à l’utilisateur qui anime
l’avatar. Enfin, nous avons seulement présenté des travaux réalisés dans un
cadre de recherche académique. Toutefois, la recherche commerciale a, elle
aussi, toute sa place dans des univers virtuels tels que Second Life. Certaines
compagnies de consultation ont d’ores et déjà ouvert leur propre plateforme
pour réaliser des entretiens de groupe et même constituer des panels de
« consommateurs » (iAsk Center, 2009).
Notes
1
Nous souhaitons remercier les évaluateurs pour leurs commentaires sur la première
version du texte. Le troisième auteur se tient à la disposition de ceux qui souhaiteraient
une aide technique dans la mise en œuvre d’un entretien de groupe dans Second Life.
[email protected]
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HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
/ Entretien de groupe dans Second Life
95
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Document
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Guillaume Hervet est étudiant en sciences de l’administration à l’Université Laval.
Ses intérêts de recherche portent notamment sur l’efficacité publicitaire, les mondes
virtuels et les médias sociaux.
Leila El Kamel est professeure en marketing à l’Unité d’Enseignement et de
Recherche Travail Économie et Gestion de la TÉLUQ-UQAM et est doctorante en
sciences de l’administration à l’Université Laval. Ses travaux de recherche portent
principalement sur la consommation expérientielle, le rapport à l’avatar et la
recherche dans les univers virtuels.
Benny Rigaux-Bricmont est professeur titulaire au département de marketing de la
Faculté des Sciences de l’Administration de l’Université Laval. Depuis plus de trois
ans, son avatar Twilight Rhode réside dans le métavers Second Life (SL). Il y multiplie
des contacts avec d’autres chercheurs présents dans SL, participe à des congrès
virtuels relatifs à l’enseignement dans SL (Virtual Worlds : Best Practices in
Education). Avec l’aide de Twilight, Benny poursuit diverses recherches dans SL,
dirige des thèses et mémoires ayant SL comme terrain de recherche, présente des
communications scientifiques relatives à la recherche dans SL à divers congrès
(ACFAS, ASAC, CyberSociety, etc.) et publie des articles dans divers médias virtuels.
HERVET, EL KAMEL & RIGAUX-BRICMONT
Objet
Appendice A
Caractéristiques des outils présentés
Nom des objets dans Second Life
[Nom des créateurs]
Table et chaises
Tableau (texte)
Consentement
Tableau (remue
méninge)
Tableau (power point)
Télévision virtuelle
/ Entretien de groupe dans Second Life
MK Designs Red table Multi chairs
[Michil Kas]
ChalkNOTEBOARD FP
[Salahzar Stenvaa]
GPL ChatLogger 0.1
[Nobody Fugazi]
Brainboard V4.0
[Dudeney Ge]
Power Point Presenter V3.0 Single
Screen
[Dudeney Ge]
HEPS TV 16 :9
[LouRavi Karas]
97
Taille initiale
(*)
8 prims
45 prims
1 prim
4 prims
8 prims
8 prims
(*) La taille des différents objets peut augmenter suivant l’utilisation qui en est
faite.
98
RECHERCHES QUALITATIVES / VOL. 29(1), 2010
Appendice B
Nouveau tableau « remue méninges » : Brainflowing ver3.16
Créateurs : Gloriadiago Galicia & Draceina Pinion (255 prims, février
2010)
Au lieu de communiquer avec le tableau à l’aide de fréquences comme dans
l’outil de Dudeney Ge (Appendice A), les participants y déposent simplement
les notes qu’ils ont rédigées.