Bulletin d`information No 3/01, 10 mai 2001

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Bulletin d`information No 3/01, 10 mai 2001
ÉGLISE RÉFORMEE DE LANGUE FRANÇAISE EN ARGOVIE
Bulletin d'information
No 3/01, 10 mai 2001
UN TEMPS DE SILENCE DANS UN MONDE
BRUYANT
A la fin du mois de mars, 17 personnes ont répondu à
l’invitation de notre Eglise à vivre deux jours de retraite
en silence dans la communauté des sœurs de Grandchamp à Gelterkinden. Cette communauté (dont la maison mère se situe à Areuse, au bord du lac de Neuchâtel) a été fondée en 1936. Elle est composée de sœurs
protestantes venant de différents pays, qui prononcent
les trois vœux monastiques traditionnels: célibat, pauvreté et obéissance. Le matin, à midi et le soir, elles se
retrouvent pour la prière commune.
Les lignes de force de la communauté sont l’accueil
d’hôtes individuels et de groupes pour des temps de
retraite, l’ouverture œcuménique et la solidarité avec
les plus pauvres. Nous avons voulu dans ce “ParoisseInfo” donner un écho de ce qui a été vécu lors de cette
retraite d’Eglise.
Sœur Thérèse, qui a “conduit” les participants dans
ce temps de recueillement, nous dit quel est le sens du
silence dans notre monde contemporain et notre vie
quotidienne, puis deux paroissiennes donnent un témoignage personnel de ce qui a été vécu dans ces moments privilégiés.
Que la lecture de ces lignes donne à chacun l’envie
et le désir de trouver des lieux et des temps de silence
pour se ressourcer intérieurement. Comme je n’ai pas
pu » participer à cette retraite, à cause d’une jambe
cassée, j‘aimerais remercier le pasteur Olivier Perregaux de m’avoir remplacé « au pied levé ». Un grand
merci aussi, au nom de tous les participants, aux sœurs
de Grandchamp pour leur disponibilité et leur accueil.
Michel Cornuz
LE SILENCE EST LE LANGAGE DES
ANGES
Saint Isaac, le Syrien
Mais pourquoi ? Nous savons quand même que les
anges ne se taisent pas toujours: ils chantent, ils adorent, parfois ils sont envoyés auprès de nous pour nous
apporter un message de Dieu. Mais parce qu ils sont
des êtres silencieux, ils sont entièrement tournés vers
Dieu, ils ne sont attentifs qu’à Dieu.
La chapelle des sœurs de Grandchamp au Sonnenhof, Gelterkinden
Faire silence, ça ne veut pas dire qu’on ne parle plus,
mais qu’il y a en nous ce silence profond où nous écoutons Dieu, où tout ce que nous sommes est tourné vers
Dieu comme une fleur qui s’ouvre et se tourne vers le
soleil.
Si Dieu est vraiment notre centre, nous pouvons parler, dialoguer, agir, travailler, sans perdre ce silence
intérieur où une partie de nous reste en profonde prière
et adoration - parfois sans que nous le sachions.
Oui, bien, mais nous ne sommes justement pas des
anges. Nous sommes des êtres humains, si souvent
enfoncés dans notre quotidien plein d’agitation, de
stress, d’angoisse, de travail ou de souci de perdre notre travail, nous vivons dans des relations parfois si exigeantes et douloureuses. Comment là garder ce silence
en nous ? Comment garder dans nos vies cet espace
de silence pour rencontrer et écouter Dieu, pour nous
ressourcer et retrouver le goût de la prière, de l’amitié
avec Dieu ?
Je pense qu’il faudrait toujours entendre à nouveau
cette antienne du temps du Carême:
“Revenez au Seigneur, il a pitié de nous. Revenez à
notre Dieu, il est large en pardon”. Retourner à lui, renouer ta relation avec lui, dès que nous remarquons que
nous l’avons « perdue ». C‘est aussi une attention à
nous-mêmes pour sentir ce désir profond qui nous ha1
bite d’être en relation avec Dieu, C’est une attirance,
une soif mutuelle: Dieu désire que nous venions à lui, il
a aussi soif de nous, ses créatures bien-aimées. Et
nous avons profondément en nous cette soif de Dieu, ce
désir de lui, de partager notre vie de tous les jours avec
lui, là où il nous a mis, dans ce monde, dans nos familles, nos paroisses, nos lieux de travail.
Si nous sommes attentifs à notre cœur, nous réalisons en général assez vite que nous nous sommes
laissés prendre par le quotidien et que Dieu et notre
amour pour lui sont passés à l’arrière-plan. Notre cœur
commence à s’inquiéter, les soucis grandissent, notre
confiance en Dieu diminue. Alors ce serait le moment
pour faire retraite, c’est-à-dire pour se retirer, pour
s’arrêter un instant, pour retrouver ce silence et pouvoir
écouter. C’est comme dans une relation d’amitié: si
nous ne prenons pas des moments, seul avec notre
ami, l’amitié perd sa saveur et sa joie. Il en est de même
dans notre relation avec Dieu, il nous faut du temps et
des moments, seul avec lui.
pris en silence.
Plus tard, sœur Thérèse nous introduit à la pratique
du silence: faire le vide en soi, chasser ses préoccupations. ses soucis, ne pas se juger, se rappeler que Dieu
nous aime, nous regarde avec bienveillance, partir en
vacances avec lui. Tel est le but de la retraite. L’office,
avant le coucher, met encore l’accent sur la présence
divine. Le silence de la nuit, est-ce l’absence de bruit ou
la réalisation de la présence de Dieu ?
Cette harmonie dans le silence nous enveloppe dès
le lever du soleil et se poursuit jusqu’au moment des
échanges sur la valeur de la retraite.
Beaucoup apprécient les offices, lectures et chants liturgiques. Mais ne pourrait-on pas allonger les temps de
silence par la prière personnelle ?
Ce temps de retraite bienfaisante permet réellement
de trouver un peu d’espace pour soi.
Madelaine Jéquier
C’est là que le silence devient une nécessité. C’est
dans le silence que nous pouvons retrouver notre amour
pour Dieu, la confiance en lui, que nous pouvons lâcher
et abandonner entre ses mains ce qui nous pèse. C’est
dans le seul à seul avec lui que l’espérance et le courage nous sont redonnés pour continuer le chemin dans
notre quotidien.
Une certaine régularité peut nous aider: chaque jour
un petit moment seul avec Dieu est un grand soutien.
Chacun, chacune doit trouver quels sont ses besoins et
ses possibilités, Si c’est plutôt le matin ou le soir, pendant la promenade ou sur le chemin du travail, peut-être
dans le bus ou le train. Oui, il faut parfois une certaine
discipline aussi pour lire une parole de la Bible ou un
verset d’un cantique, et pour les méditer, c’est-à-dire
pour les laisser descendre dans notre cœur. Ainsi nous
restons reliés à Dieu pendant notre journée et nous
pouvons lui faire confiance. Et cela porte aussi du fruit
dans nos relations avec ceux et celles qui nous sont
confiés et que nous rencontrons.
ECHOS DU SILENCE
Alors maman, c’est bien vrai ? Tu nous quittes
deux jours pour t’enfermer dans le silence ? Tu ne tiendras pas le coup, les sœurs devront te coller un sparadrap sur le bec..
Il est vrai que du silence, il n’y en a pas beaucoup
chez nous. J’avoue que la petite raillerie de ma fille a
éveillé un soupçon de crainte,
C’est pourtant avec un pincement au cœur que j ‘ai
quitté la communauté des sœurs de Grandchamp.
J’aurais volontiers prolongé le séjour d’un jour ou deux
Lorsque j ai pris possession de ma chambre, j ‘ai été
frappée par sa simplicité. Un lit, une petite table et une
fenêtre. Accrochée au mur nu, la croix du Seigneur. Il
était là, avec moi, et rien ni personne n’allait détourner
mon attention. Quelle paix !
Le silence peut ainsi devenir de plus en plus notre
langage.
Soeur Thérèse
Communauté de Grandchamp
Un peu plus tard, j’ai rencontré les autres participants
et j ‘ai eu le plaisir de retrouver mes amis de Baden.
UN TEMPS DE RETRAITE
Nous avons partagé nos repas dans le silence.
C’était une expérience nouvelle pour moi. C’était très
agréable de sentir la présence des autres sans se croire
obligé d’échanger des banalités. Il me semble avoir
communiqué davantage par des regards ou des sourires complices.
L’exercice du silence chez les sœurs de Grandchamp
est une excellente préparation au culte basé sur le silence, tel que les Quakers le pratiquent.
Le trajet d’Aarau à Gelterkinden à travers notre beau
Jura et la campagne bâloise nous invite déjà à une admiration silencieuse. Le “Sonnenhof”, maison accueillante des sœurs de Grandchamp domine le village et les
bruits de la plaine ne l’atteignent pas. Avec simplicité
nous participons à l’office qui précède le repas du soir
J’en aurais oublié la notion du temps, s’il n’avait été
ponctué par les offices et les rencontres où nous rompions le silence pour échanger nos impressions. Nous
avions probablement une perception et une approche de
Dieu différentes. Nous nous distinguions par notre âge,
notre provenance et notre éducation. Mais nous étions
tous animés du même désir: faire le vide en nous pour
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accorder» au Seigneur la place de choix qui lui revient
dans notre vie.
De retour à la maison, j ‘ai naturellement partagé mes
impressions avec ma famille. J’ai vivement encouragé
les enfants a s’accorder chaque jour un moment de vrai
silence. Un quart d’heure sans musique, sans télé, sans
téléphone: des minutes précieuses où l’on s’offre du
temps pour soi. Quel luxe ! Cette expérience restera
pour moi un point de repère. Un clin d’œil
d’encouragement pour les moments creux, ceux où le
doute vient s’interposer à la prière.
Merci Seigneur, merci aux sœurs de Grandchamp
ainsi qu’aux organisateurs.
Catherine Kaeser
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