johannesburg ohsho
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johannesburg ohsho
Sommaire Premiers Tchèques en Afrique – sur les traces de voyageurs et missionnaires tchèques de jadis pp. 4 – 7 Soixante ans de rencontres littéraires – accroissement de l’intérêt pour la littérature africaine dans notre pays pp. 8 – 9 Editorial Depuis des générations, l’Afrique symbolisait pour les Tchèques quelque chose de magique, de mystérieux. C’était l’endroit où beaucoup d’entre eux désiraient partir, mais peu étaient ceux qui réussirent à le faire. A l’encontre des Européens ressortissants de grandes puissances coloniales, qui pouvaient s’y trouver facilement comme soldats, fonctionnaires coloniaux ou résidents (en le prenant souvent comme une punition), tout Tchèque voulant réaliser son «rêve d’Afrique» devait surmonter de nombreuses difficultés, déjouer des pièges et déployer de grands efforts. C’est pour cette raison aussi, peut-être, que ceux qui arrivèrent à réaliser leur rêve étaient des héros pour de nomreuses générations de Tchèques. Au 19e siècle, les voyageurs Emil Holub et Čeněk Paclt jouissaient d’une grande notoriété dans la société tchèque, ce qui contribua à la connaissance du continent africain. Au 20e siècle, il y avait des Tchèques qui, en dépit d’écueils de toutes sortes, «découvraient» l’Afrique pour leur compatriotes avides de connaissances. Rappelons le sculpteur F.V. Fait, le botaniste Jiří Baum et les ingénieurs Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund. Il y a exactement soixante ans – en avril 1947, les deux voyageurs tchèques très populaires partirent pour leur premier voyage à travers l’Afrique. Trois volumes de leur récit de voyages portant le titre L’Afrique: rêve et réalité devint pour les Tchèques une véritable fenêtre sur l’Afrique, telle qu’elle était vraiment. Il y a cinquante ans, quand le système colonial commença à s’écrouler en Afrique, le Ghana fut créé en tant que le premier Etat indépendant du continent. L’ancienne Tchécoslovaquie fut le premier pays à le reconnaître, ce qui n’était pas étonnant. Aussitôt, le Ghana et d’autres pays africains accueillirent de nombreux ingénieurs, techniciens et professeurs tchèques dont la mission consistait à aider la population des Etats nouvellement créés et, en même temps, à apporter à leur compatriotes dans les pays tchèques des renseignements sur la culture et l’histoire de ces pays. En témoignent des dizaines de livres consacrés à la description de la réalité africaine – de la Guinée à l’Angola, de l’Ethiopie au Nigéria. L’intérêt pour l’Afrique caractérise même la jeune génération des Tchèques qui, depuis la chute du Mur de Berlin, peuvent voyager librement à travers le monde. C’est cette génération qui sera la principale propagatrice d’un partenariat fort et égal entre la République tchèque et les pays d’Afrique. En effet, les jeunes Tchèques ne se contentent pas de voyager, mais ils aident en bénévoles du Malawi à l’Ouganda, de la République centrafricaine au Mozambique. Leurs articles dans les journaux et leurs livres nourris d’histoires vraies et marqués par une vision réaliste de l’Afrique constituent le meilleur soutien de la nouvelle Stratégie de l’UE pour l’Afrique, dont le but consiste, entre autres, à aider à imposer une image positive et vraie de l’Afrique. Je suis convaincu que pour nous autres Tchèques vivant au «Coeur de l’Europe», l’Afrique n’est plus depuis longtemps, grâce à ces contacts, le «Coeur des ténèbres» dont le célèbre Centre-européen Joseph Conrad parla à la fin du 19e siècle. Jaroslav Olša, Jr. diplomate, ancien ambassadeur de la République tchèque au Zimbabwe (2000-2006) On est tous Africains – au festival théâtral Afrique créative se présentent aussi les ensemble d’Africains «tchèques» pp. 10 – 13 Seconde patrie au coeur de l’Europe – Ethiopien, Sénégalais, Namibienne – qu’est-ce qu’ils ont en commun? Ils sont devenus Tchèques... pp. 14 – 17 Construction de la paix – soldats tchèques dans les missions de paix de l’ONU pp. 18 – 19 Galerie – Jablonex en Afrique: marche victorieuse de la bijouterie de fanaisie tchèque à travers le continent pp. 20 – 21 Aide à l’Afrique – présentation d’importants projets de coopération pour développement réalisés à l’heure actuelle pp. 22 – 30 Afrique au centre de Prague/Voyage en Afrique est un voyage vers les gens – différences de culture comblées par des activités d’amateurs p. 31 Les Tchèques et l’Afrique – histoire des relations mutuelles vue par un publiciste pp. 32 – 33 Mosaïque d’événements et de curiosités de la République tchèque pp. 34 – 35 Fenêtre ouverte sur l’art africain – exposition de České Budějovice a présenté les oeuvres de cent cinquante peintres et sculpteurs africains pp. 36 – 38 Le Coeur de l’Europe paraît six fois par an. Sur ses pages, ce périodique donne l’image de la vie en République Tchèque. Les articles expriment les opinions de leurs auteurs qui peuvent ne pas être toujours identiques aux points de vue officiels du gouvernement tchèque. Pour l’abonnement, veuillez vous adresser à la rédaction du périodique. Éditeur: Éditions THEO, en coopération avec le Ministère des Affaires Étrangères de la République Tchèque. Adresse de la rédaction: J. Poppera 18, 530 06 Pardubice, République Tchèque Rédacteur en chef: Pavel Šmíd Rédacteur artistique: Karel Nedvěd Président du Comité de rédaction: Zuzana Opletalová, directeur du Département de presse du Ministère des Affaires Étrangères de la RT et porte-parole du ministre Membres du Comité de rédaction: Libuše Bautzová, Pavel Fischer, Vladimír Hulec, Robert Janás, Milan Knížák, Martin Krafl, Eva Ocisková, Tomáš Pojar, Jan Šilpoch, Petr Vágner, Petr Volf, Marek Skolil Traduction: Institut de Langues et Littératures Romanes de l’Université Masaryk de Brno. Imprimé à VČT Sezemice On peut réimprimer les textes publiés dans la revue Bienvenue dans le Coeur de l’Europe sans demander l’autorisation à la rédaction ou aux auteurs. Pour l’utilisation des illustrations, prière de contacter la rédaction ou les auteurs des photos. ISSN 1211–930X Internet: http://www.theo.cz E-mail de l’éditeur: [email protected] 3 Premiers Tchèques en Afrique Les destinées des résidents tchèques en Afrique étaient parfois bien bizarres. L’histoire d’une certaine demoiselle Hlaváčková en apporte un témoignage éclatant: au début des années 1890, celle-ci vivait au Cap en y travaillant comme gouvernante. On ne saura probablement plus jamais pourquoi elle décida de rentrer en Europe et, qui plus est, à pied! Aucune expédition scientifique ou militaire n’avait réussi à réaliser la traversée du Cap au Caire au moment où elle entreprit ce voyage sans préparation aucune et sans moyens. Pourvue d’un équipement et de moyens très modestes, elle arriva avec deux porteurs indigènes – au bout d’une marche longue de plus de trois mille kilomètres – sur le territoire du Malawi actuel où un des prospecteurs locaux la photographia avec ses porteurs. Les descendants du photographe remirent deux clichés développés (ainsi que l’histoire de l’expédition de Mlle Hlaváčková) aux archives de la société historique locale où ils se sont conservés. Quant à Mlle Hlaváčková, elle n’alla pas bien loin au-delà de l’endroit où 4 Reculons, cependant, dans un passé beaucoup plus lointain, aux temps où les premiers Tchèques arrivèrent en Afrique. Rappelons Martin Behaim (Martinus de Bohemia, donc Martin de Bohême) qui, au bord du navire de Diogo Cão, explorait les côtes du Congo. On n’en sait pas davantage sur la vie du cartographe et imprimeur Valentinus de Moravie (=Valentin de Moravie), personnalité insigne de la Carte de l’île Sao Tomé par Valentin de Moravie, 1506. Lisbonne du début du 16e siècle et auteur d’un important recueil des premières cartes et croquis des îles près de la côte occidentale de l’Afrique. D eux siècles plus tard, les premiers Tchèques firent leur apparition en Abyssinie (Ethiopie actuelle): dans les années 1751-1752, le missionnaire franciscain Remedius Prutký arriva à Massaoua (Erythrée actuelle) et entreprit une description détaillée du haut Nil et des villes et monuments de la région, ce qui le fit entrer dans l’histoire. Il est l’un des premiers Européens qui aient visité Gondar, capitale de l’empire. L’expulsion des protestants des pays tchèques après la bataille de la Montagne-Blanche (1618) ouvrit un chapitre intéressant des contacts tchéco-africains. Contraints de quitter leur pays, car l’empire des Habsbourg, dont les pays tchèques devaient faire partie pendant trois siècles, se voulait dorénavant purement catholique, les protestants tchèques se Melle Hlaváčková à Mulanje. Villages «moraves» typiques en Afrique du Sud. elle fut photographiée. Très tôt après, elle tomba malade de malaria et mourut dans une mission au pied du Mont Mulanje. Son destin et sa tentative héroïque de traverser l’Afrique – qui auraient pu lui assurer une place d’honneur parmi les explorateurs les plus célèbres de l’époque – resteront cachés pour toujours par le voile de mystère, ainsi que son petit nom. transplantèrent aux Pays-Bas et en Allemagne où la ville de Herrnhut devint le nouveau centre de l’Eglise des Frères moraves. En 1737, Georg Schmidt (=Jiří Šmíd en tchèque) arriva en bateau dans la province du Cap et devint le premier missionnaire de la populaion indigène. Appelé «apôtre des Hottentots», il créa aussi la mission Baviaanskloof (Gena- Emil Holub, le plus insigne parmi les voyageurs tchèques en Afrique, représenta ses découvertes dans des dessins charmants. dendaal actuel) quelque deux cent kilomètres au nord du Cap. Dans ce centre toujours actif de l’Eglise morave sudafricaine, il y a – selon la légende – jusqu’à l’heure actuelle le pêcher sorti du noyau de pêche apporté par le missionnaire de la Moravie natale. En reconnaissance du rôle important des Moraves dans le Sud de l’Afrique, la résidence officielle du président de la République d’Afrique du Sud porte le nom de Genadendaal. En Afrique du Sud on trouve d’autres noms géographiques liés aux Frères moraves, tel Moravian Hill ou Moravian Hope. D’autres missionnaires originaires du coeur de l’Europe mirent le cap sur l’Afrique centrale. Le frère Příhoda, de Valašské Meziříčí, et le frère Czimmerman, de Smolenská Huta, furent les premiers de nos pays à se fixer dans la vallée du Zambèze. En dehors de leur oeuvre missionnaire, ils exploraient et décrivaient les confins inconnus de l’Afrique. Czimmerman est, en outre, le premier à avoir fait l’usage écrit dans la langue des Nyungwe plantes venant sur l’île, établi du point de vue des sciences naturelles, 1837). L e public tchèque ne savait pas grand’chose des recherches de ces savants et missionnaires. Le premier qui ait acquis une notoriété certaine dans son pays natal fut le bourlingueur et chercheur d’or Čeněk Paclt qui, à l’époque de la ruée vers les diamants des années 1870 et 1880, se mouvait à Kimberley et dans les environs. Les lettres de Paclt, ouvertes et réalistes, étaient publiées avec empressement dans la presse tchèque et présentai- du Mozambique. Il a même publié plusieurs livres de religion dans cette langue. L’intérêt scientifique des Tchèques ne négligait ni les îles de l’océan Indien. Le jardinier Václav Bojer s’y retrouva dans les années 1820 et il se fixa sur l’île Maurice. Il devint conservateur du musée de St.-Louis, capitale de l’île, fondateur de la «société savante» locale et auteur d’une description systématique de la flore de l’île (Jardin mauricien ou inventaire des ent au public tchèque une Afrique débarrassée de mythes et superstitions et dans un esprit libre d’atmosphère coloniale. Pendant le séjour de Paclt dans les champs de diamants, un autre Tchèque y exerçait la profession de médecin: Emil Holub, le plus célèbre probablement parmi les explorateurs tchèques. C’étaient les récits de voyage de Holub, des centaines de ses conférences et plusieurs expositions qui firent connaître au public tchèque 5 Images des voyages africains d’Enrique Stanko Vráz (ci-dessous, à gauche), de Martin Lány (ci-dessous, à droite) et du séjour africain du sculpteur František Vladimír Foit. l’Afrique telle qu’elle était à la fin du 19e siècle. Pendant ses deux expéditions, Holub parcourut de vastes territoires de la République d’Afrique du Sud, du Botswana, du Zimbabwe et de la Zambie actuels; il devint ami du roi Khama, créateur du Botswana moderne, et des rois lozi Sepopa et Lewanika. Chercheur et collectionneur infatigable, Holub était pendant longtemps la principale source d’informations sur l’Afrique et plus d’un Tchèque y fut attiré par ses écrits. L es régions de la Corne de l’Afrique et du Sahara furent parcourues à la même époque par Antonín Stecker qui séjourna pendant des mois à la cour du chef local. Il n’arriva pas à publier les résultats de ses recherches, mais sa carte du lac Tana, première qui ait été établie, est une contribution importante à la connaissance de l’Abyssinie. Le bassin du Congo fut exploré, à partir de 1887, par l’ingénieur Antonín Staněk. Il y pénétra au bord du bateau qu’il avait dû tout d’abord assembler et mettre en fonctionnement. C’est ainsi qu’il fut successivement «le père» des bateaux La France et Ville de Paris qui sillonnaient par la suite les eaux du Congo et de ses affluents. L’Afrique occidentale étaient à cette époque le champ d’explora- 6 tion d’Enrique Stanko Vráz, voyageur célèbre à travers tous les continents. Dans les années 1880, il ouvrit un atelier photographique sur le littoral du Ghana actuel et devint ainsi premier photographe tchèque en Afrique. Tous ces voyageurs de la fin du 19e siècle amenaient dans le pays de riches ensembles ethnographiques, dont une grande partie constituent les collections du Musée Náprstek des cultures d’Asie, d’Amérique et d’Afrique à Prague. L’attention du public tchèque fut de nouveau attirée à l’Afrique au moment de la Guerre des Boers. La lutte des Boers opprimés contre les puissants Britanniques évoquaient dans les pays tchèques des associations avec leurs propres tendances de se débarrasser de la domination des Habsbourg. La lutte des Boers jouissait dans notre pays d’une popularité extraordinaire. La presse lui accordait une grande attention et, grâce au grand patriote Guth-Jarkovský, premier président du Comité olympique tchèque, on publia même en tchèque la biographie du président du Transvaal boer. A Paris, les caricatures antianglaises firent la renommée du graveur tchèque František Kupka, inconnu jusqu’alors. J.V. Figulus, résident tchèque en Afrique australe, fut considéré comme héro grâce à ses activités du côté des Boeurs. Il tomba en captivité britannique et fut emprisonné dans l’île St.-Hélène. Il n’était certainement pas le seul Tchèque vivant dans le Sud du continent africain, mais il était le seul à écrire un livre de souvenirs où il fait partager ses impressions dramatiques au public tchèque enthousiaste. Le début du 20e siècle marque la fin des voyages de découverte. Dès 1911, l’agence de voyage pragoise Schenker Reisen proposait à ses clients un premier voyage touristique de trois mois dans le Sud de l’Afrique jusqu’aux Chutes Victoria dont la carte exacte avait été dessinée Couverture du premier périodique tchèque consacré exclusivement à l’Afrique. 36 ans plus tôt par Emil Holub. La Tchécoslovaquie créée à la fin de la Première Guerre mondiale n’était pas une puissance coloniale, ce qui donnait aux journalistes tchèques une grande liberté de donner de la réalité africaine des descriptions exemptes de toute contrainte. C’est l’époque des voyages africains de l’infatigable Václav Mussik, auteur de centaines d’articles sur l’Asie, le Proche Orient et sur l’Afrique. Une renommée mondiale acquit Pavel Šebesta (Paul Schebesta), un des premiers savants qui se consacrât à l’étude des tribus naines du bassin du Congo et de l’histoire de l’empire Monomotapa. Le sculpteur J.V. Foit jeta les fondements de la muséologie du Kenya. Le commerce extérieur ayant une importance vitale pour la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres, la diplomatie tchécoslovaque inclut dans le champ de son intérêt aussi l’Afrique noire. Sept ans seulement après la proclamation de l’indépendance tchécoslovaque, un premier diplomate tchécoslovaque apparut au Cap pour y ouvrir notre représentation diplomatique qui était la première en Afrique subsaharienne. A la Premier consulat tchèque en Afrique du Sud. veille de la Seconde Guerre mondiale, il y avait au Cap et à Johannesburg des dizaines de représentants de firmes et entreprises tchécoslovaques. Dans la période entre deux guerres, le voyageur pouvait acheter de la charcuterie tchèque à Addis- Abeba, se faire construire une maison au Sierra Leone par un entrepreneur tchèque de Freetown, boire de la bière tchèque à la brasserie «tchèque» de Lourenço Marques (Maputo actuel) ou naviguer, sous un capitaine slovaque, dans les eaux du Zambèze... Après que l’entrepreneur tchèque Tomáš Baťa eut ouvert à Johannesburg une succursale de son entreprise de chaussures en 1931 et, immédiatement après, dans de nombreuses autres villes africaines, l’Afrique cessa d’être pour les Tchèques le synonyme de l’aventure et du danger et devint une de nombreuses régions du globe où l’on pouvait vivre, travailler et voyager. Quant aux Africains, les chaussures Baťa leur donnèrent la première occasion de découvrir le centre de l’Europe. Jaroslav Olša, Jr. Photos: The Society of Malawi, archives du Musée Náprstek de Prague, archives de l’auteur. Expéditions des ingénieurs Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund, voyageurs tchèques légendaires du 20e siècle. Magasins Baťa que l’on trouve aujourd’hui à travers toute l’Afrique. 7 Soixante ans de rencontres littéraires L’intérêt pour la littérature est inhérent au caractère tchèque, et il ne concerne pas seulement la prose et la poésie tchèques. Les Tchèques connaissent bien même la littérature d’auteurs africains, dont les traductions tchèques remontent à une époque où, à travers le monde, seuls quelques initiés se doutaient de l’existence d’une prose africaine moderne. C’est exactement soixantes ans (deux ans seulement après l’édition originale) que fut publiée la première traduction tchèque d’un auteur africain: c’étaient les Chants d’ombre, recueil de poésies de Léopold Sédar Senghor. En plus, l’éditeur l’a incluse dans la collection «classiques mondiaux» entre R. Rolland et W. Saroyan. Un an plus tard suivit la première traduction tchèque de la littérature africaine de langue anglaise: le Mine Boy du Sud-Africain Peter Abrahams. Depuis, la littérature africaine fait partie des bibliothèques tchèques. La première vague des traductions en tchèque introduisit chez nous, au début des années 1960, plusieurs romans de classiques africains, tels Chinua Achebe et Cyprian Ekwensi (Nigéria), Es’kia Mphalele (Afrique du Sud) Ferdinand Oyono et Mongo Beti (Cameroun), Amado Hampaté Ba (Mali) ou Camara Laye (Guinée). L’étude des littératures africaines aux écoles supérieures tchèques créa les conditions pour l’élaboration du premier livre tchèque (et même mondial, peut-être) ré- 8 sumant l’histoire de la littérature africaine, à savoir Les Littératures de l’Afrique noire (1970). Vladimír Klíma – qui est l’un des auteurs du livre – a à son actif des dizaines de traductions de la littérature africaine de langue anglaise, dont le très original Palm-wine Drinkard, par Amos Tutuola, bien exigeant du point de vue linguistique. Avec la même inventivité, il a traduit en tchèque un des livres clés de la littérature africaine Aké – Les années d’enfance par Wole Soyinka. Son anthologie tchèque des meilleurs poésies africaines – Orphée noir – fut à son époque une réalisation exceptionnelle. L es années 1980 sont sous le signe de la création d’auteurs sud-africains – noirs et blancs. Les lecteurs tchèques font la connaissance d’André Brink et de Nadine Gordimer. Certaines traductions tchèques de ces auteurs sont l’oeuvre de Michael Žantovský, un des meilleurs anglicistes tchèques, diplomate et homme politique. Paraissent en traduction tchèque les ouvrages des premiers écrivains angolais: recueil de poésies choisies d’Agostinho Neto et celui des contes de José Luandino Vieira. Les lecteurs tchèques ont fait la connaissance de l’oeuvre du réalisateur et écrivain sénégalais Ousman Sambène. Après une certaine stagnation au cours des années 1990, la culture africaine jouit de nouveau d’un intérêt accru. On traduit les ouvrages des auteurs africains vivant dans la diaspora, tels les romans à succès du Nigérian Ben Okri ou de l’Ivoirien Ahmadou Kourouma. Les traducteurs et les éditeurs s’intéressent désormais aussi aux domaines moins habituels. Les gens de théâtre tchèques lisent les pièces de Caya Makhélé, de Koffi Kwahulé et, à commencer par cette année, aussi celles de Labou Tansi. On prépare de nouvelles éditions de six livres, choisis parmi les douze meilleures oeuvres de la littérature africaine (selon les résultats de la Foire internationale du livre, Zimbabwe 2003). La poésie de Niya Osundare (Nigéria) est publiée en édition de bibliophile. Les africanistes tchèques s’ccupent, ces dernières années, à faire des traductions de nombreuses langues africaines: pour l’amharique, ce sont les contes éthiopiens choisis; pour le malgache, c’est le panorama de la poésie traditionnelle du Madagascar ou l’anthologie de la prose ndébélé. Il suffit de feuilleter un des derniers numéros de la revue de traducteurs Plav où sont présentées les traductions en tchèque d’une vingtaine de langues africaines. C’est ainsi que, pour la première fois, les lecteurs tchèques peuvent lire les oeuvres littéraires écrites originairement en shona, en créole de l’île Maurice ou en bambara. Les Tchèques ont donc une idée relativement précise de la littérature africaine, mais il faudra en faire beaucoup pour qu’il en soit de même dans le sens contraire. Si les traductions de la littérature tchèque sont assez souvent publiées dans les pays arabes, au sud de la Sahara elles constituent des initiatives exceptionnelles encouragées par les ambassades tchèques. Depuis quelques années déjà, les écoles du Congo démocratique utilisent en guise de livre d’école le mince volume de contes de fée tchèques choisis de Karel Jaromír Erben et de Božena Němcová, traduits dans la langue kikongo par un ancien élève d’une école supérieure tchèque et illustrés par le célèbre peintre congolais Lema Kusa. On trouve une anthologie analogue en shona dans les bibliothèques d’écoles et dans les librairies du Zimbabwe. Certains contes de fée tchèques ont été traduits même en wolof. La littérature tchèque moderne est représentée par les traductions en amhara des contes de Karel Čapek, publiées dans des revues et, plus récemment, par Le Vernissage, pièce de Václav Havel publiée en swahili, et par l’édition bilingue de poésies choisies de Jaroslav Seifert, Prix Nobel de littérature, traduites en langues shona et ndébélé par les poètes zimbabwéens les plus renommés – Chirikure Chirikure et Pathisa Nyathi. Jaroslav Olša, Jr. Photos: archives de l’auteur. 9 On est tous Africains! Vous vous dites, peut-être, qu’un pays qu’aucun lien colonial passé n’attache à l’Afrique et où, à l’heure actuelle, les Africains ne sont pas bien nombreux, a peu de choses en commun avec les cultures africaines. Eh bien, c’est le contraire qui est vrai! Les dramaturgies africaines actuelles ont un caractère cosmopolite et les auteurs, vivant souvent entre plusieurs continents, cherchent la réponse aux questions analogues à celles que nous nous posons en Europe centrale et orientale. Ainsi, notre expérience de régimes totalitaires a plus d’un point commun avec les expériences coloniales et postcoloniales des Africains... Racines Les événements exceptionnels peuvent naître de peu et très discrètement. C’est le cas du festival tchéco-africain Afrique créatrice ou On est tous Africains! Cette manifestation, unique en son genre dans le contexte d’Europe centrale et orientale, a été créé il y a six ans 10 par deux femmes de théâtre animées de la vision d’un théâtre sans frontières: Lucie Němečková, responsable de répertoire, et Frédérique Smetanová, actrice française vivant à Prague et patronne du Théâtre sur le radeau. C’est au théâtre Chapelle du Verbe Incarné – qui présente la dramaturgie africaine et caribéenne dans le cadre du programme Sony Labou Tansi: le festival Afrique créatrice a été consacré cette année à ce dramaturge congolais insigne. off du Festival d’Avignon universellement connu – que le festival a reçu la première impulsion et une sorte de consécration. C’est l’Institut du théâtre et l’Institut français de Prague qui sont devenus ses premiers alliés. Dès le début, l’objectif de ces rencontres théâtrales consiste à faire connaître au public le paysage inexploré des cultures théâtrales africaines modernes. Pour les hommes de théâtre tchèques, le festival représente une alternative extrêmement viable à la dramaturgie euroaméricaine dominante et un enrichissement du paysage tchèque actuel en y introduisant les activités culturelles des Africains «tchèques». Il a le mérite d’orienter la perception du théâtre vers la multiculturalité en créant ainsi un espace pour une nouvelle énergie artistique, mais aussi pour la tolérance et la compréhension mutuelle. C’est qu’il y a une foule d’opinions préconçues qui survivent (non seulement en Tchéquie) à l’égard de l’Afrique, des Africains et de leurs cultures. L’ayant taxée de «continent noir», le monde aborde l’Afrique avec la conno- Sony Labou Tansi en compagnie de Wole Soyinka, légende de la littérature nigériane. Caya Makhélé, dramaturge et écrivain français d’origine congolaise, aime revenir en Tchéquie. s’y joindre à l’avenir. Il ne s’agit pas seulement de noms: au festival, on peut souvent rencontrer les auteurs, lire leurs textes, les voir en personne sur la scène. tation de «sombre, morne». Cependant, tant qu’ils cultivent le théâtre, la musique, la danse et autres arts, les Africains résidant de façon permanente dans notre pays constituent une partie intégrante de notre culture. Bien enraciné en Tchéquie , le festival pourra contribuer à rémédier aux suites de l’isolement où le pays avait été enfermé pendant une quarantaine d’années. Bibliothèque pour le troisième millénaire Les textes de théâtre d’auteurs africains publiés en tchèque avant 2000 pourraient être comptés «sur les doigts d’une seule main». Seuls deux auteurs de langue anglaise – le Nigérian Wole Soyinka et le Sud-Africain Athol Fughard – étaient venus à la connaissance du public. Ajoutons la dramaturge afrikaans Reza de Wet dont la paraphrase tchékovienne Trois soeurs bis a été mise en scène par le Théâtre municipal de Zlín. Grâce au festival, les noms d’auteurs africains connus chez nous sont plus nombreux aujourd’hui (on aurait besoin des doigts des deux mains pour les compter) et d’autres viendront T Hommage à Sony Labou Tansi - rencontre à l’Institut français de Prague. A gauche Ina Pouant, directrice de la médiathèque de l’Institut, et Lucie Němečková, directrice du festival. Etudiantes de Faculté des Lettres de l’Université Charles, section d’études romanes, devant un panneau consacré à Sony Labou Tansi, exposé à l’Institut français de Prague. rente ans après la publication de la dernière traduction tchèque d’une pièce africaine, le festival se met à promouvoir l’édition des traductions de pièces africaines contemporaines. Une sorte de bibliothèque africaine moderne est en train de se constituer, comportant un choix représentatif des pièces d’auteurs africains. Vivant éparpillés à travers le monde, ceux-ci apportent au drame (à l’inverse des dramaturges euroaméricains un peu fatigués) une nouvelle énergie, une fantaisie peu commune et des impulsions et idées nouvelles. «La rencontre avec les oeuvres des dramaturges africains m’a ouvert une dimension tout-à-fait nouvelle qui tourne le dos à la globalisation,» confesse le traducteur Michal Lázňovský dans l’entretien avec Sylvie Chalaye publié dans la revue française Africulture. «S’intéresser aux dramaturgies africaines signifie sortir de la masse, cesser d’être esclave de la consommation. Les Tchèques ont 11 Le spectacle Capoeira ou De l’Afrique et du Brésil à Prague a été créé sous l’enseigne de l’Association des citoyens du Benin résidant en République tchèque. besoin de chercher de tels regards différents, et cela non seulement à cause du long isolement socialiste. C’est qu’en renonçant à chercher de tels regards d’ailleurs, on succombe facilement à la manipulation.» L’avenir se trouve dans l’Est Depuis que le festival existe, des liens solides se sont noués entre les auteurs africains invités et notre pays. Bien que tous les auteurs invités aient visité la Tchéquie pour la première fois, ils ont étonné par leur connaissance de la culture tchèque. Presque tous confessent leur admiration pour l’oeuvre de Franz Kafka, dont ils se sentent influencés. Entre la création de certains auteurs africains et tchèques, il y a des analogies artistiques et intellectueles que l’on peut établir, par exemple entre Sony Labou Tansi, prématurément disparu, et Václav Havel. D’autres trouvent dans les pays tchèques l’inspiration pour leurs oeuvres futures, tels Koffi Kwahulé et Caya Makhélé qui reviennent régulièrement. Koffi Kwahulé figura cette année parmi les membres du jury du Quadriennale de Prague, exposition de scénographie internationale organisée par l’Institut du théâtre. Caya Ma- 12 Grâce à la coopération avec l’Institut du théâtre pragois, ont été publiées dans la collection Pièces contemporaines les titres suivants (dont beaucoup ont été présentées en première radiophonique à la Radio tchèque 3 – Vltava ou jouées aux théâtres Disk, Na Prádle, Na voru ou Viola): 2002 – P’tite souillure, de Koffi Kwahulé; 2003 – La fable du cloître des cimetières, de Caya Makhélé; 2004 – Le masque de Sika, de José Pliya; 2005 – Le petit frère du rameur et La balade des voisins anonymes, de Kossi Efoui; 2006 – Les jours se traînent, les nuits aussi, de Léandre Alain Baker; 2007 – Antoine m’a vendu son destin, de Sony Labou Tansi. khélé est venu deux fois comme invité de la Foire internationale Svět knihy et, l’année dernière, il a conduit le séminaire de création littéraire dans le cadre du festival du théâtre d’amateurs Jiráskův Hronov. Le festival et les auteurs africains font connaître la culture tchèque à l’étranger, car la manifestation est couverte par les médias étrangers, tels les périodiques français Africultures et Notre libraire ou la radio RFI, ou encore le magazine Internet croate Teatar. Caya Makhélé va même jusqu’à affirmer: «C’est très bien qu’il y ait en France des manifestations qui informent le public sur les auteurs, théâtres, art et culture africains. Mais nous autres Africains sommes liés avec la France par un passé douloureux. Moi, je vois l’avenir du théâtre africain plutôt dans l’Est, en Tchéquie par exemple. C’est mon opinion depuis ma première visite à Prague.» Et il ajoute avec humour: «Moi, par exemple, je me suis découvert des racines slaves en Tchéquie.» Les Africains tchèques sur les planches En plus de la présentation des auteurs africains, le festival poursuit un autre objectif encore: celui d’introduire les Africains tchèques dans le paysage culturel tchèque. Ceux-ci organisent annuellement des spectacles de musique, de chant ou de danse et, de plus en plus souvent, ils se présentent par le théâtre et par la littérature. On croit généralement qu’il n’y a pas chez nous d’acteurs africains. Mais c’est faux – ils ne sont pas nombreux, mais il y en a. Seulement, les metteurs en scène tchèques ne savent pas (à quelques exceptions près) les utiliser de façon adéquate en insistant sur leur «exotisme». Il y a tout de même des cas où les acteurs d’origine africaine sont appréciés et employés pour leur compétence d’acteur, pas seulement pour leur origine. Ce n’est pas là seulement un problème artistique: c’est la question de l’intégration de cultures différentes qui est l’affaire de toute notre société. Ainsi par exemple Adda Keddam, acteur et poète d’origine algérienne, vit et travaille dans notre pays et il écrit en tchèque; ou Paul American, acteur et dramaturge originaire de l’Angola, auteur de la première spectacle était la production de l’Association des citoyens du Bénin vivant en République tchèque et il a attiré une attention inattendue. C’est qu’il apporte de nouvelles sources d’inspiration et une nouvelle sensibilité, qu’il s’attaque à des thèmes sociaux et personnels tabouisés et s’emploie à faire accepter l’émancipation des personnes venant des cultures extra-européennes dans la société majoritaire. En Europe via Afrique Bien que le festival grandisse d’année en année et que son prestige et son niveau artistique montent, il est toujours – au bout des six ans d’existence – un grand petit festival limité dans ses possibilités par les aides financières consenties. Jusqu’ici, ses invités se recrutaient parmi les Africains vivant en Europe (invitation d’un ensemble ou d’auteurs vivant en Afrique était jusqu’ici du domaine de rêves) il a chaque année proposé un programme de qualité, attrayant et révélateur. On réussit toujours davantage à associer aux activités du festival non seulement les jeunes, mais encore la communauté africaine locale, membres de minorités et étrangers venus d’autres parties du monde. La portée du projet ne réside pas dans la durée, la fréquentation ou le retentissement du festival dans les Festival de Hradec Králové: étudiants achetant la nouvelle édition de la pièce de Sony Labou Tansi. Pendant la soirée de clôture, le foyer du théátre Divadlo na prádle s’est transformé en un petit marché africain. pièce écrite en tchèque par un auteur africain. Selon cette pièce a été créée l’année passée une performance portant le titre Capoeira ou d’Afrique et du Brésil à Prague. Dans l’histoire du théâtre tchèque, c’est le premier spectacle écrit et monté par les Africains vivant en République tchèque. Ils y parlent ouvertement de leurs racines et de leur déracinement. Avec un sourire parfois crispé, ils parlent de leur culture, de l’histoire de leur ethnie et de la quête de leur place dans les pays tchèques. Le médias... Ce ne sont là que des marques extérieures de son vrai rôle qui consiste à combler les lacunes subsistant dans nos têtes et dans nos coeurs. Cet effet n’est certainement pas immédiat, il s’agit plutôt d’une course de fond. Il y a plusieurs chemins menant à la société multiculturelle en Europe. Le nôtre passe par l’Afrique! Lucie Němečková, directrice du festival Photos: Caya Makhélé, Ladislav Mareš, archives du festival Afrique créatrice, archives de Monique Blin Festival Afrique créatrice 2003. 13 Une seconde patrie au coeur de l’Europe J’ai eu du plaisir à aller voir trois Africains vivant en Tchéquie. Nés dans différentes parties de l’Afrique, ils étaient venus dans notre pays dans le cadre de programmes d’études organisés par la Tchécoslovaquie pour aider l’Afrique. Les débuts de leur séjour chez nous avaient été bien difficiles, car il leur fallut s’adapter au milieu liguistique tchèque. Ils surmontèrent tous ces difficultés, trouvèrent en Tchéquie leur seconde patrie et finirent contents par s’établir chez nous dans des professions différentes. M. Yohannes Alemayehu vint en Tchécoslovaquie à l’âge de quatorze ans dans le cadre d’un programme d’études du gouvernement éthiopien. S’il fut choisi pour y participer à un âge aussi tendre, c’était attribuable à deux facteurs: la mort de son père et une bonne moyenne scolaire. «On pouvait choisir où aller et pri- 14 mitivement, je voullais aller en Cuba. Mais j’ai fini par me retrouver à l’école secondaire d’agriculture, à Prague. A l’époque, j’étais une figure exotique pour les Tchèques, tandis qu’à présent, je fais une partie naturelle de la foule, au moins à Prague. Mais dans une petite ville, j’éveille toujours le même émoi qu’autrefois.» J e demande à M. Yohannes comment les Tchèques l’acceptent. «Comme je vis ici depuis vingt ans, j’ai pu assister au changement du régime social que je jugeais avec mes yeux d’étranger (noir par dessus le marché). L’ouverture des frontières et la possibilité de voyager après la chute du communisme ont permis à la jeune génération de sortir du pays. De retour dans le pays, ces jeunes n’ont aucun problème à communiquer avec un noir. C’est pour eux une chose naturelle. Un quadragénaire tchèque a un horizon un peu plus limité, ce qui peut susciter des embarras de communication. C’est une survivance du communisme. Ce n’est pas un problème de gens en tant que tels, mais plutôt d’idées fixes. A l’Ecole supérieure d’agriculture, un copain avait des problèmes avec un gars qui sympathisait avec le mouvement des skinheads. Il ont fini par devenir amis!» L e premier choc linguistique, M. Yoannes le surmonta grâce au cours intensif du tchèque qui dura huit mois. Comment voit-il les possibilités des Africains qui arrivent dans notre pays à l’heure actuelle? «Quand un Africain entend parler tchèque, il se dit: jamais de la vie je ne saurai apprendre cela. Il préfère donc la France, l’Angleterre ou l’Allemagne. Quant au travail, je n’ai pas eu de problème et, aujourd’hui, je travaille même «mon jardin» (café Internet au centre de Prague). Rien que pour voir, j’ai récemment envoyé mon curriculum à une agence et, aussitôt, on m’a offert deux emplois convenables. Quand on cherche vraiment, on trouve. Le tchèque constitue la condition fondamentale, mais même les Africains ne parlant que français ou anglais trouvent un bon emploi dans les firmes étrangères. Le tchèque? Il ressemble à mon amharique natal par la richesse de significations: vous pouvez exprimer la même chose de plusieurs manières différentes. C’est une langue diplomatique, car elle permet de dire d’une façon délicate même des choses peu flatteuses sans offenser l’autre. Aujourd’hui, je me rends compte des potentialités dont le tchèque m’a enrichi: grâce au tchèque, je comprends assez bien les autres langues slaves – le slovaque, le polonais et même le russe.» Là-dessus, M. Yohannes dévoile son côté de propagateur des échanges commerciaux: «Les relations tchéco-éthiopiennes actuelles appellent un redressement, à mon avis. La Tchécoslovaquie était un pays très bien connu en Ethiopie. On y connaît les brasseries tchèques, les «Checos» – armes tchèques, les grands projets industriels que les Tchèques ont réalisés en Ethiopie. Les usines construites par les Tchèques fonctionnent toujours. Je crois que les Tchèques qui se sont un peu détourné de l’Afrique après la révolution, devraient y revenir. Les autres – Chinois et pays occidentaux – remplissent aujourd’hui l’espace commercial traditionnel que vous avez quitté chez nous. C’est dommage que de laisser en jachère les riches relations établies. L’Ethiopie reprend aujourd’hui la construction de brasseries, de centrales électriques et d’autres grandes entre- sprises industrielles. Je crois que les Tchèques peuvent revenir. Qu’ils devraient revenir...» M. Ibrahima Ndiaye (Sénégal) connaissait la Tchécoslovaquie depuis sa tendre enfance, grâce au sport. Avec ses copains, on découpait dans les journaux les photos de footbalistes tchèques et on s’amusait à les représenter. Venu en Tchéquie comme boursier pour faire des études supérieures, il est aujourd’hui ingénieur nucléaire au service de l’Ecole des Hautes Etudes Techniques. Cependant, il ne saurait nier son désir d’études philosophiques et humanitaires. A la question si les Tchèques ont sur l’Afrique des idées erronées, il répond: «Il n’est pas exclu que se soient les Africains eux-mêmes qui ont sur leur existence et sur leur continent les idées les plus fausses: ils sont, en effet, le moins instruits. C’était là une des raisons qui ont fait qu’à l’école secondaire en Afrique, j’ai pris volontairement la décision d’étudier. Je me suis dit alors: il doit y avoir une liaison entre la situation en Afrique et l’information et l’instruction des gens qui y vivent. Cette situation restera telle quelle, tant que l’on n’atteindra pas un seuil donné du savoir et de l’instruction.» A travers son amour de littérature, M. Ibrahima fit la connaissance de la culture tchèque. «A l’Ambassade tchèque de Dakar, on était bien surpris quand je suis venu demander le volume deux de Chvéïk. ‘Vous connaissez le livre?’ m’a-t-on demandé. Quand j’ai répondu en récitant de nombreuses citations du livre, à commencer par ‘Eh bien, on nous a tué le Ferdinand...’, on était ravi et, aussitôt, on alla chercher le livre. Dans 15 ce livre, il y a l’homme... Hašek vous instruit en se jouant, le lecteur accède à une grande sagesse tout en s’amusant. Dans votre musique, j’aime Dvořák – il était ouvert aux autres cultures, il y a chez lui des échos de la musique noire, il était le premier, peut-être, à voir dans le jazz l’avenir de la musique. Il a su intégrer d’autres cultures dans sa musique et montrer ainsi ce qu’il y a d’ universel dans l’homme.» as fait connaissance de toute la République tchèque? me demandaient-ils. Et pourtant, je sentais dans mon entourage une sorte de condescendance à l’égard de la Tchéquie en tant que pays trop «oriental». Mais il m’était facile de la L es propos suivants de M. Ibrahima, imprégnés d’un patriotisme tchèque sincère pourraient faire honte aux tchèques eux-mêmes: «Depuis que je suis dans ce pays, je m’efforce constamment de vous comprendre. J’ai lu Jugmann, Masaryk...j’ai à la maison tout cela et je le connais bien. On ne peut pas comprendre les gens et les accepter si l’on ignore leur histoire, leur littérature, leur culture. Du moment que vous les avez bien connus dans ces domaines, vous les comprenez. Et c’est comme cela que je me suis rendu compte que, par toute sa nature, la nation tchèque défend les valeurs humanitaires. Quand je vivais au Sénégal, je recevais par mois jusqu’à une cinquantaine de lettres de mes amis tchèques. Mes parents n’en croyaient pas leurs yeux: tu 16 dissiper – par le fait, par exemple, que les spécialistes français insignes m’ont proposé la collaboration dès qu’ils ont vu mon diplôme tchèque. Avec mon cousin, c’était plus curieux: il travaillait comme conducteur d’autobus. Je lui ai parlé pendant qu’il sillonnait la ville assis au volant de l’autobus Saviem que les Tchèques fabriquaient en coproduction avec les Français. Il ne voulait pas croire que son véhicule était un produit tchèque et moi, pendant le trajet, je lui traduisais les inscriptions tchèques sur la table de bord. Un peu plus tard, j’ai même amené en Tchéquie un commerçant sénégalais et nous avons visité ensemble l’usine Avia de Letňany, à Prague, où l’on fabriquait les autobus en question.» Mlle Ndeshipanda Alisa Nangolo vint dans l’ancienne Tchécoslovaquie dans des circonstances bien dramatiques. «Quand je suis née, il y avait la guerre en Namibie. Je n’avais pas encore un an quand mes parents se sont enfuis en Angola. Jusqu’à sept ans, j’ai grandi sans eux dans un camp de réfugiés. En 1985 est venue l’aide tchécoslovaque et, depuis, j’ai vécu avec une cinquantaine d’autres enfants en Tchécoslovaquie jusqu’à l’âge de treize ans. En 1990, la Namibie a accédé à l’indépendance et nous avons pu rentrer en sécurité. C’est alors que j’ai revu pour la première fois mes parents et j’ai noué avec eux de beaux rapports qui durent toujours. Bien que mon enfance ait été marquée par la guerre, elle m’a fortifiée et, souvent, je prend la vie autrement que mes camarades qui n’ont pas vécu la guerre.» C’est ce qu’elle a vécu dans son enfance qui a donné à Ndeshi un désir insistant d’être utile aux autres. «Je fais mes études à l’Université de la Bohême du Sud et tous les mémoires que j’ai écrits à l’école – sémestriels ou de diplôme – sont consacrés aux enfants des rues namibiens. La thèse à laquelle je travaille actuellement examine l’impact du SIDA sur la vie d’enfants et de jeunes en Afrique subsaharienne. A Windhoek, capitale du pays, j’aide à faire marcher le centre d’enfants Katutura Children’s Shelter qui enregistre une cinquantaine d’enfants des rues. Leur fréquentation scolaire régulière pose, toutefois, des problèmes. Il faut les nourrir, mais aussi mieux les motiver, pour les cours d’artisanat, par exemple, pour qu’ils puissent commencer à travailler, aussitôt leur scolarité terminée. Pour ceux qui veulent faire des études, on trouve des bourses financées par le gouvernement. Dans le centre, il y a aussi des «mères de remplacement», car le but du projet est de créer pour les enfants un véritable chez-soi» Parallèlement aux études je travaille comme mannequin et je rencontre donc des personnes qui peuvent aider le projet en tant que sponsors. Il nous faut des sponsors pour n’importe quelle vétille: tout récemment, j’ai eu le plaisir de trouver un sponsor «pour les édredons». La coopération avec le professeur Vurm, ancien doyen à l’Université de la Bohême du Sud, et avec d’autres personnes de cette institution, représente pour moi un soutien énorme. A l’heure actuelle, on envisage même de créer en Namibie, sous le patronage de la faculté sociale et sanitaire, un centre clinique universitaire où les étudiants pourrait venir faire leurs stages. Les enfants des rues m’empêchent de dormir et je ne serai tranquille qu’au moment où je serai arrivée à faire quelque chose pour eux. La République tchèque est vraiment allée au devant de mes souhaits et m’a influencée beaucoup. A un point que, en vacances en Namibie, je finis par annoncer à mes parents que je rentre «chez moi, en Tchéquie...» Vojtěch Przemysl Photos: Petr Moško, archives de la rédaction. 17 Construction de la paix en Afrique L’impulsion première pour la constitution des forces armées tchèques et slovaques – des Légions tchécoslovaques – pendant la Première guerre mondiale, était l’aspiration ardente à la création d’un Etat indépendant, partagée par les émigrés et par les prisonniers de guerre tchèques cantonnés dans les camps de prisonniers en Russie et en France. Ils désiraient combattre pour la libération de leur pays natal en procédant toujours dans l’esprits des idéaux démocratiques et humanitaires. Leur patrie étant encore sous la dépendance de l’Autriche-Hongrie, ils ne pouvaient combattre pour elle qu’à l’étranger – aux côtés de leurs alliés en France, en Serbie, en Italie et en Russie. 18 Les soldats tchèques qui retournaient de Russie dans le pays via Extrême-Orient furent les premiers à entrer en contact avec le continent africain en visitant les pays tels que l’île Maurice, Madagascar ou Djibouti et les ports de l’Afrique orientale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une autre génération de soldats tchèques, chassés de Tchécoslovaquie par les occupants nazis, entra dans la lutte pour la patrie – de nouveau à l’étranger... Combattant contre les nazis et leurs alliés dans les rangs de l’armée française, britannique ou américaine, de nombreux combattants tchèques prirent part aux combats sur le continent africain et perdirent la vie dans des offensives importantes, telles que celle de Tobrouk. Renouant avec cette tradition, les soldats tchèques, de même que les observateurs tchèques militaires et civils, ont pris part – sous l’égide de l’O.N.U. – aux nombreuses opérations de paix en Afri- que. Compte tenu des relations étroites traditionnelles de notre pays avec l’Angola, les officiers de l’Armée tchèques ont pris place dans les missions de paix de l’ONU dans ce pays – UNAVEM I et II. La tâche de ces missions consistait à surveiller, à partir de 1988, le retrait des troupes cubaines de la partie méridionale de l’Angola dans le Nord du pays. Le soutien de longue durée accordé à la SWAPO (Organisation du peuple du Sud-Ouest africain) aboutit un an plus tard à la délégation d’un autre groupe d’officiers tchèques et slovaques dans le groupe d’assistance UNTAG ayant pour mission d’assurer l’indépendance de la Namibie et de surveiller la préparation et le déroulement des premières élections démocratiques dans ce pays. Un groupe de vingt observateurs tchèques fut envoyé aussi au Mozambique, un autre pays uni au nôtre par des liaisons de longue durée, pour y prendre part à l’opération de paix ONUMOZ. En 1993, quinze autres observateurs militaires tchèques furent délégués (comme les Participation de soldats et d’observateurs tchèques aux missions de l’ONU en Afrique 1988-1991 1991-1992 1989-1990 1992-1993 1992-1997 1992-1994 1998-1999 199920002003- Angola Angola Namibie Somalie Liberia Mozambique Sierra Leone Congo (Kinshasa) Ethiopie/Erythrée Liberia UNAVEM I UNAVEM II UNTAG UNOSOM I UNOMIL ONUMOZ UNOMSIL MONUC UNMEE UNMIL seuls Européens) au Liberia pour y contrôler l’armistice entre différentes fractions en guerre. Comme cette mission UNOMIL comportait aussi des tâches humanitaires, les observateurs tchèques s’employèrent beaucoup à aider la population locale souffrant de grandes privations. La même chose vaut pour leur mission au Sierra Leone voisin où ils faisaient partie du contingent de la mission d’observation UNOMSIL. Quoique le plus grand nombre des observateurs militaires et autres membres de nos forces armées fassent partie des missions de l’ONU, de l’OTAN et de l’UE dans les pays de l’ancienne Yougoslavie, en Irak et en Afghanistan, le contingent africain n’est nullement négligé. Des observateurs militaires tchèques participent aux opérations actuelles de l’ONU dans la République démocratique du Congo (MONUC), à la frontière entre l’Ethiopie et l’Erythrée (UNMEE) et au Liberia (UNMIL). Propos recueillis par la Rédaction. Photos: Jan Šibík, archives de l’auteur. 19 20 Jablonex – du Maroc jusqu’en République d’Afrique du Sud L’intéressante histoire de la vie du premier commerçant de notre pays faisant des affaires en Afrique noire se situe dans les années 1870 et 1880. C’est celle d’Albert Sachse, Allemand de Jablonec, fabricant et exportateur de la bijouterie de fantaisie. La firme de Sachse réussit à s’implanter sur les marchés d’Afrique occidentale et méridionale et ses employés apportaient du terrain des modèles et des idées que les ouvriers suivaient en confectionnant les bijoux que les commerçants retournaient vendre en Afrique. Jablonec nad Nisou hérita de Sachse une collection d’oeuvres artistiques de valeur et un premier dictionnaire anglais-yoruba. L’histoire de l’exportation en Afrique des articles de Jablonec (perles de verre grandes et petites, colliers, bracelets, boucles d’oreille) commence aux temps des premiers explorateurs qui emportaient les perles de verre en tant qu’instrument de paiement très apprécié par les indigènes. Des générations entières de femmes africaines utilisent ces menus objets pour leur embelissement, étant parfois surpassés par les hommes dans le domaine de décoration. Avec le temps, les perles de verre prirent dans certaines régions une autre fonction encore – celle de communication. La couleur des petites perles portées au cou signalait la situation du propriétaire dans la communauté, son état de famille ou, le cas échéant, son désir de trouver un partenaire. L’envoi de perles de verre ou d’autres objets de couleur déterminée aux personnes de sexe opposé équivalait à une lettre d’amour. Dans les récits de vieux commerçants du pays de Jablonec sont souvent mentionnées les doléances de marchands indigènes se plaignant des récriminations des jeunes, non contents des livraisons insuffisantes de petites perles roses, car cela entravait les entrées en contact. Les petites perles de verre tchèque sont utilisées, en effet, depuis le Maroc jusqu’en République d’Afrique du Sud. Depuis plus de cinquante ans, c’est la firme Jablonex qui est leur fournisseur exclusif. Chaque année, elles se déplacent par des centaines de tonnes du pays de Jablonec vers tous les coins de l’Afrique. Les caisses de bois ont été remplacées par des cartons et containers. Les commerçants ne voyagent plus des mois durant à travers de nombreux pays pour prendre des commandes pour la saison prochaine, mais sont assis à leur ordinateur en épluchant leur courrier électronique. Les temps changent, mais, en Afrique, le désir de s’embellir est constant. Photos: archives de la société Jablonex. 21 Aide à l’Afrique L’Afrique et la pauvreté. L’Afrique et la croissance économique. Les deux titres correspondent à la réalité et ne se contredisent pas. Une grande partie des pays, dits le moins développés, se trouvent, en effet sur le continent africain. C’est l’Afrique subsaharienne qui a été frappée le plus inexorablement du fléau du virus HIV du sida. Mais d’un autre côté, la plupart des pays africains accusent une croissance économique, notamment ceux qui ont sur leur territoire des gisements de pétrole ou d’autres richesses naturelles. Cependant, même pour les économies des autres pays, on constate en moyenne un accroissement sensible. On observe avec satisfaction que cette croissance ne concerne pas seulement les indices du P.N.B., mais aussi ceux de la qualité de vie de la population. C’est en vue d’une diminution de la pauvreté des gens concrets que la communaté internationale a convenu des huit Buts du développement pour le millénai- 22 re bien contrôlables. Parmi les objectifs de l’ONU figure, par exemple, la lutte contre la faim, la baisse de la mortalité des nourissons ou l’accès à l’instruction primaire. Ils ont tous le même délai de réalisation: 2015. Pour certains de ces objectifs, les pays africains réussissent à faire des progrès, mais les améliorations obtenues n’indiquent pas que le délai fixé pourrait être tenu. Pour que la pauvreté diminue vraiment, il faut que le Nord globalisé tende à l’Afrique une main secourable ferme et sensible. Il convient donc d’ajouter un troisième titre: L’Afrique et la coopération au développement. Ces dernières années, il est réalisé aussi avec une contribution croissante de la République tchèque. I l n’y a pas longtemps, la coopération de la République tchèque au développement à l’étranger était peu importante comparée aux donateurs plus avancés. Dans le cadre de l’Union européenne, cependant, elle est en train de rattrapper son retard. Entre 2001 et 2005, le volume des moyens financiers dégagés pour l’aide au développement a triplé et on prévoit son augmentation, afin que la République tchèque remplisse l’engagement commun des pays membres de l’UE. La politique adoptée par le gouvernement tchèque se conforme aux objectifs de longue durée de l’Union européenne qui a adopté en 2005 une Stratégie de l’UE pour l’Afrique. Ce texte insiste sur le soutien d’une bonne gouvernance et de la sécurité en tant que condition indispensable du développement, des relations commerciales et de l’intégration. En établissant le programme de la coopération au développement pour la période 20062007, le gouvernement de la République tchèque a choisi les pays cibles prioritaires de l’aide tchèque: pour l’Afrique, c’est l’Angola et la Zambie. L’Angola a été choisi à cause d’un très grand besoin d’aide, combiné avec la tradition très solide de coopération entre ce pays et la République tchèque (et l’ancienne Tchécoslovaquie). Pays du SudOuest du continent, l’Angola compte parmi les pays dits «le moins développés» du monde. Son économie est, représentée à 60 % par l’extraction du pétrole, secteur qui ne donne à la lutte avec la pauvreté qu’une aide limitée. L’Angola se remet peu à peu des suites de la guerre civile qui opposa pendant une tren- taine d’années le gouvernement et le mouvement insurrectionnel UNITA. L ’aide tchèque à l’Angola se concentre sur le développement de l’agriculture et de l’instruction publique. Dans le domaine de l’instruction, la République tchèque insiste sur les écoles primaires et sur les écoles secondaires professionnelles avec la spécialisation agricole. C’est dans cette perspective que se situe le projet de l’Université agricole tchèque, présenté dans un texte ci-dessous. En Zambie, le besoin de l’aide est aussi très grand et la tradition des rela- tions avec ancienne Tchécoslovaquie y est également présente. Vers 58 % de la population de ce pays vivent dans l’extrême pauvreté. Cependant, le développement du pays est freiné par l’épidémie du sida, un cinquième de la population en âge actif étant atteint du virus HIV. Pour la coopération au développement, notre pays a donc choisi comme domaine central de son aide la santé publique. Le soutien ira aux projets de renforcement de la protection maternelle et infantile surout dans le milieu rural. C’est que la société zambienne souffre cruellement de la grande mortalité des mères et des nourissons. Un autre but poursuivi par l’aide tchèque est l’amélioration de la qualité des interventions chirurgicales dans les hôpitaux de province. Le travail des réalisateurs du programme de coopération n’est pas limité aux seuls pays prioritaires. Il contribue, de même que les moyens financiers venant de la République tchèque, à la réalisation des objectifs du millénaire également en Ethiopie, au Kenya, au Malawi, en Namibie, au Sénégal et dans d’autres pays du continent. Milan Konrád Centre de développement www.rozvojovestredisko.cz Photos: Centre de développement 23 ANGOLA Ecole d’agriculture tchèque En février, l’Ecole secondaire d’agriculture de Kuito, créée dans le cadre de la coopération tchéco-angolaise, a ouvert ses portes pour sa quatrième année scolaire. Cette année, les premiers élèves angolais y passeront leur baccalauréat pour prendre ensuite les postes de spécialistes agricoles au sein des organisations gouvernementales ou non gouvernementales et pour participer au renouveau de l’agriculture angolaise dans le cadre des fermes privées. Au bout de la guerre civile aui a duré plusieurs décennies, on assiste au rétablissement de la tradition interrompue de la formation agricole et de l’échange d’expériences. L e fonctionnement de l’école est assuré par cinq professeurs tchèques et dix professeurs angolais. Le projet dont le nom officiel est Centre d’éducation agricole de la province Bié propose, en dehors de l’enseignement 24 secondaire régulier, la formation parascolaire destinée au public intéressé. Le centre dispose d’une salle d’ordinateurs avec Internet et équipée de bases de données électroniques, d’une bibliothèque spécialisée, d’un laboratoire agrochimique, d’un établissement avicole pilote et d’une ferme. Du côté tchèque, le projet est financé, à partir de 2003, par le ministère de l’Instruction, de la Jeunesse et de l’Education physique; il est réalisé par l’Institut des zones tropicale et subtropicale de l’Université agricole tchèque. Le financement est promis jusqu’en 2008, date où toute l’école sera définivement remise entre les mains des Angolais. Le gouvernement de la Province de Bié, partenaire angolais du projet, assure le salaire des pédagogues et du personnel angolais et met à la disposition du Centre les bâtiments, les services logistiques y compris. Jiří Hejkrlík Photos: Université agricole tchèque. SÉNÉGAL Sauvetage d’une antilope rare Le Parc national Niokolo Koba, au Sénégal, est probablement le seul endroit du monde où il est possible de voir à l’heure actuelle le sous-genre occidental de l’antilope Derby (Tragelaphus derbianus derbianus). Cependant, le dénombrement des animaux réalisé en mai 2006 a démontré que cet animal majestueux (les mâles peuvent atteindre un poids de 1000 kg) est ici au bord de disparition. Sa population actuelle ne compte que 150-200 d’individus et, compte tenu de la pression permanente des habitants (pacage du bétail, chasse) et de la dégradation de l’écosystème qui en découle, l’avenir de la plus grande antilope du monde est très incertain. Cette situation critique a donné naissance au programme de sauvetage, protection et élevage de l’antilope Derby au Sénégal. La République tchèque s’est jointe au programme à sa façon. L’Université agricole tchèque (Institut des zones tropicale et subtropicale) collabore, en effet, avec la Société de protection d’animaux et d’environnement au Sénégal et avec la Direction des parcs nationaux du Sénégal. La réalisation du projet a commencé en 2000 par la prise de six animaux dans le Parc national Niokolo Koba. La troupe a été placée dans un parc spécial au sein de la Réserve Bandia. C’est ainsi qu’est né au Snénégal l’élevage – premier au monde – du sous-genre occidental de l’antilope Derby, premier pas vers son sauvetage. Les deux premiers jeunes sont nés vers la fin 2002 et, depuis, la harde a grandi et compte aujourd’hui 43 individus. Dans les années 2000-2002, le projet recevait des subsides prélevés sur les moyens de la Coopération au développement tchèque. La stratégie du programme consiste à créer plusieurs groupes d’élevage en captivité et d’obtenir ainsi un nombre d’animaux suffisant en vue de leur réintroduction future dans leur écosystème d’origine, celui du Parc national Niokolo Koba. En 2003, on a aménagé un parc spécial dans la Réserve Fathala (Parc national du Delta de Saloum) en vue de l’élevage et de reproduction de l’antilope Derby et on y a introduit neuf animaux mâles nouveaux. Un autre groupe d’élevage a été constitué en 2006 dans le nouveau parc de la Réserve Bandia. Les spécialistes tchèques prennent une part active à cet élevage de sauvetage, tant pour ce qui est de sa réalisation que pour la recherche. Ils surveillent systématiquement la reproduction et les rapports de parenté entre les animaux du groupe, afin de préserver la variabilité génétique maximum. Leur tâche consiste à proposer la meilleure stratégie pour la reproduction future en vue de la sauvegarde de cette espèce menacée. Markéta Antonínová, Pavla Hejcmanová, Kateřina Tomášová, Petr H. Verner Photos: Université agricole tchèque. 25 KONGO ET ZAMBIE L’adoption à distance en essor En 2006, la Charité de l’archidiocèse de Prague a élargi son projet Adoption à distance sur la Zambie et la République démocratique du Congo en renouant avec ses riches expériences acquises en Inde et en Ouganda. Le projet permet aux enfants choisis d’acquérir l’instruction dans leur propre milieu culturel. Par d’autres projets, la Charité aide au développement de localités entières. L’avantage du projet réside dans le caractère ciblé et transparent de l’aide, dans son grande efficacité et dans le fait que ce type de coopération au développement apporte des résulatats durables. En Zambie, l’aide va aux enfants pauvres de la partie septentrionale du pays: grâce à l’aide de donateurs et de l’Ambassade tchèque, 160 enfants de l’école St.-Charles de Solwezi ont reçu une aide d’instruction. Depuis un an, le Tchèque Aleš Vacek est présent à Solwezi même et surveille le financement du projet, organise des rencontres d’éducation pour les enfants et leur donne des leçons d’éduction artistique et d’anglais. En République démocratique du Congo, le projet a renoué avec les activités de l’organisation Chemin-Neuf, qui travaille avec les enfants des rues et fait marcher une école primaire à Kinshasa. L’objectif de l’organisation consiste à faire retourner les enfants des rues dans leurs familles, tant que c’est possible et propice pour l’enfant, et à trouver pour les autres des familles de remplacement. Les assistants sociaux du Centre d’enfants des rues offrent leur aide psychologique et chaque fois qu’un enfant s’intègre à une famille, ils cherchent pour lui une école convenable, car la fréquentation scolaire est le point clé de tout le processus. Les donateurs tchèques aident financièrement 46 familles pour qu’elle puissent assurer la scolarité des enfants qui, dans le passé, ont quitté leur famille pour vivre dans la rue. Le projet s’étend aux enfants nécessiteux de Makala, quartier pauvre de Kinshasa, où il 26 finance à l’heure actuelle la scolarité et les soins de santé de 110 enfants. Un vendredi treize heureux à Solwezi Ce vendredi treize, il y avait à Solwezi la «Journée sportive» des élèves de l’école primaire de la St.Charles Academy. Pour les enfants de la localité, c’était la première grande manifestation organisée à leur intention. Les tournois devaient commencer vers neuf heures, mais les enfants sont venus à l’école dès sept heures et demie, ce qui n’est vraiment pas habituel en Afrique. Dès les premiers moments du tournoi de football, c’était la classe de sixième qui faisait figure de favori, mais elle a perdu de façon étonnante le duel de la finale contre la classe de quatrième. Il a fallu recourir aux penalties pour décider du vainqueur et c’est l’équipe de la classe de sixième qui a gagné. Après la rencontre, l’instituteur Kalukoma qui était juge-arbitre du tournoi, a déclaré: «Les gars de toutes les équipes ont fait de leur mieux, ils se sont dépensés au maximum, bien que tout se soit déroulé dans une grande chaleur. On a joué un bon football, propre et sans charges.» Le tournoi de basket-ball féminin avait plutôt l’air d’une rencontre de rugby. Il y avait des moments dramatiques, pendant la rencontre des classes de quatrième et de sixième, il y a eu des prises de bec et même des bagarres entre les fillettes, de sorte qu’il a fallu interrompre le match. Mais après un temps mort, on a repris. Même ici, c’est l’équipe de la classe de sixième qui a gagné. Les élèves les plus petits ont participé à une course de relais, courte et longue, et il y a eu aussi une grande course en sacs. A la fin des luttes sportives, il y a eu un excellent déjeuner: on a servi du poulet au riz, de la sauce aux légumes et, bien entendu, de la limonade bien fraîche. Il est vrai qu’en Zambie, le plat principal et préféré entre tous est la shima faite avec la farine de maïz, mais – à l’heure du repas – personne n’en avait cure. Suivit la proclamation solennelle des vainqueurs, la distribution des diplômes et de prixfriandises. N’ont pas été oubliés ni les vaincus et les supporteurs, de sorte que personne n’est parti les mains vides. En dépit du fait qu’en Afrique on croit toujours beaucoup aux superstitions et à la sorcellerie, ce «vendredi treize» n’apporta que de grands sourires sur les visages des enfants de la St.Charles Academy. Daniela Gorylová Photos: Adoption à distance. L’HOMME EN DÉTRESSE en Ethiopie Les projets de la société L’Homme en détresse pour l’Ethiopie, envisagés ou déjà commencés, sont consacrés à l’instruction entendue de façon très ample. Citons comme exemple le forage d’une profondeur de 254 mètres combiné avec un vaste système de distribution d’eau s’étendant sur quatre circonscriptions avec 12 000 habitants environ. L’adduction d’eau potable permettra, en effet, que les jeunes filles locales fréquentent l’école au lieu de consacrer leur temps au portage quotidien de l’eau d’une distance de quelques kilomètres. L es projets en réalisation sont financés des fonds de la Coopération au développement tchèque. Le mot «coopération» caractérise mieux le travail en Ethiopie que le mot «aide» si fréquemment employé. L’Awassa Boarding School, école secondaire d’internat, a été construite, dans les années 2004-2005, avec les moyens financiers du ministère d’Instruction publique tchèque aux abords d’Awassa, ville de 140 000 habitants. L’école reçoit les élèves dont les parents sont morts du SIDA, afin qu’ils aient les mêmes chances d’instruction que les autres; qu’ils ne soient pas obligés de renoncer à l’école afin d’assurer la subsistance de leurs frères et soeurs et de leurs grands parents. Le but est, donc, d’arrêter le flot d’orphelins promis à finir dans la rue. En dehors de l’instruction secondaire cou- rante, les cent-soixante élèves ont la possibilité de faire l’apprentissage de menuisier, de forgeron, de couturier ou de cuisinier-serveur. Après l’examen national au bout de dix ans de scolarité, ils peuvent obtenir un travail qualifié ou continuer les études. Un autre projet, payé lui-aussi des fonds du ministère de l’Instruction publique tchèque, a pour but de favoriser l’introduction de méthodes pédagogiques nouvelles dans le système d’instruction éthiopien. En janvier 2006, un Centre de méthodes d’enseignement modernes a été ouvert au sein de l’Institut pédagogique d’Awassa. La méthodologie spéciale avait été élaborée par des spécialistes d’enseignement tchèques. Leur tâche consistait à mettre au point un manuel destiné aux formateurs et instituteurs éthiopiens. Les lecteurs conduisaient des cours de formation pour les instituteurs d’écoles primaires et, en même temps, ils donnaient une formation spécialisée à leurs successeurs – quatre formateurs locaux jusqu’ici. Des 260 instituteurs inscrits, 236 ont passé avec succès le premier semestre. En plus, le projet a aidé à nouer la collaboration avec l’Université d’Addis Abeba. Construisons une école en Afrique, voilà le nom d’un autre projet commun de L’Homme en détresse et de Junák – union de scouts et scoutes. Le projet a commencé en 2004 et, chaque année en octobre, une collecte publique pour la construction des écoles a lieu dans les rues des villes tchèques. La collecte informe le public tchèque sur les problèmes des pays en voie de développement et sur les possibilités d’une collaboration efficace. Elle attire l’attention du public aussi par des interrogations telles que: Savez-vous combien d’enfants fréquentent l’école en Ethiopie? ou Combien coûte une brique?. E n 2005, une école primaire pour 160 enfants a été ouverte à Asore, district d’Alaba. L’année suivante ont été construites deux écoles: l’une à Lante dans la région rurale près d’Arba Minch, l’autre à Yirga Cheffe. Chacune peut recevoir 200 enfants. Deux autres écoles sont en construction dans le district de Boricha et dans celui d’Alaba, pour 200 enfants chacune. Jan Plecitý chef de la mission de L’Homme en détresse, septembre 2004-octobre 2006 Photos: L’Homme en détresse. 27 KENYA les Tchèques enseignent le travail sur ordinateur L’idée du projet est née de la participation, en 2003, de la République tchèque au Sommet mondial sur la société d’information de l’ONU. C’est pour la première fois qu’un forum de ce type se soit occupé, à l’échelle mondiale, de l’importance des technologies d’information et des informations et de l’abîme qui sépare, quant au niveau de la compétence informatique, les pays du Nord riche de ceux du Sud pauvre. Les pays membres de l’ONU ont été invités à apporter leur contribution à la solution du problème de ce déséquilibre. L a République tchèque a versé à cette fin la somme d’un milion de couronnes dans le fonds commun, dont la création avait été décidée par le sommet. Là-dessus, les ministères de l’Informatique et des Affaires Etrangères ont adopté la décision de lier l’argent dégagé à un projet concret. En coopération avec l’Ambassade de la RT au Kenya, le ministère 28 de l’Informatique a préparé le projet et, sous l’égide de l’Union internationale de télécommunication – une des organisations spécialisées de l’ONU, a envoyé en janvier 2005 des lecteurs dans la première des écoles secondaires choisies. C’était l’école Uthiru Secondary Girl School de la banlieue de la capitale Nairo- bi, fréquentée par les enfants des familles peu fortunées. Les lecteurs ont formé dix-huit professeurs et quarante élèves, dont la plupart n’avaient aucune connaissance préalable du travail sur ordinateur. L’école a reçu des ordinateurs, ce qui lui a permis de créer une salle d’ordinateurs. Selon la directrice de l’école, le cours d’informatique a ouvert de nouvelles possibilités pour le développement de son école: «Le fait que l’école mette sur son programme les cours de travail sur ordinateur et qu’elle ait été capable d’aménager une salle d’ordinateurs spéciale a considérablement augmenté son prestique et les dons de sponsors qui nous aident à financer notre fonctionnement.» Le cours a joui d’un très bon accueil non seulement auprès des élèves et dans la presse locale, mais aussi dans l’Union internationale de communication. La République tchèque a réussi à trouver de nouveaux partenaires disposés à financer la continuation du projet. Après le cours de janvier, il y a eu sa suite dans la même école et d’autres cours de formation. Celui qui devait former les soixante élèves de la St Martin Girl School a été organisé par le ministère de l’Informatique tchèque et financé par le ministère de l’Economie néerlandais. En octobre 2006, la République tchèque a organisé un cours de formation dans une autre école secondaire de Nairobi – la Stephjoy High School. Le cinquième projet du ministère de l’Informatique tchèque a été réalisé en décembre 2006 dans la St Martin Secondary Girl School, de nouveau avec la participation financière des Néerlandais. Après un intervalle d’un an, les organisateurs ont pu juger comment la direction de l’école persévérait dans l’effort dans le domaine de la compétence informatique et quel emploi elle faisait des ordinateurs reçus en cadeau. Il est apparu que l’école avait organisé une collecte de moyens financiers pour faire fonctionner avec ces ordinateurs sa propre salle de formation informatique. L e sixième projet a été réalisé à Nairobi en décembre 2006 en coopération avec le ministère des Affaires Etran- gères tchèque sous le patronage de l’Organisation mondiale de la Santé. Au Kenya, l’organisation a été assurée en commun avec l’Aga Khan University (AKU). L’OMS inscrivit le projet dans un projet plus vaste ayant pour but le renforcement des systèmes de santé publique au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. L’objectif du projet consistait à aider le personnel de l’Hôpital Aga Khan et les étudiants de l’Université Aga Khan en les formant pour le travail sur ordinateur. Les lecteurs tchèques ont formé 32 personnes au total dans le cadre de ce projet dont les frais, s’élevant à un demi-million de couronnes, ont été couverts par le ministère tchèque des Affaires Etrangères. Ce projet aussi a attiré un intérêt extraordinaire. A la différence des cinq projets précédents, il a acueilli le personnel des hôpitaux et les fonctionnaires. Ils ont tous bien appris les éléments du travail sur ordinateur, la correspondance multiple y comprise, ce qu’ont apprécié notamment les fonctionnaires de l’AKU. La professeur L. King, coordinatrice principale du projet, exprima (de même que les représentants de l’Hôpital Jomo Kenyatta) l’intérêt du Kenya à ce que les cours de formation continuent. Le quotidien kényan Saturday Nation a apporté l’information sur le sucès du cours de formation. Le projet Basic PC and Internet Course de Nirobi est un bon exemple de l’aide que les pays relativement riches et développés peuvent apporter au développement des régions pauvres du monde. Le ministère de l’Informatique désire que l’aide dans le domaine de l’amélioration de compétence informatique devienne une partie standard de l’aide au développement prêtée par la République tchèque. Lenka Ptáčková vice-ministre de l’Informatique Photos: Ministère de l’Informatique. 29 MALAWI La fondation Sue Ryder aide les malades Bien que le Malawi n’ait pas eu une évolution si orageuse que beaucoup d’autres pays africains, sa population mérite l’attention et l’aide. Selon l’échelle établie par l’ONU, le Malawi est sixième dans l’échelle des pays les plus pauvres de la planète. Le P.N.B. n’y atteint que 149 dollars par tête d’habitant, la mortalité des nourissons est très élevée et la moyenne d’âge ne dépasse 39 ans. La majorité écrasante de la population rurale n’a pas accès aux soins de santé élémentaires. Les communautés locales sont décimées par le sida/HIV, par le paludisme, la tuberculose et autres maladies infectieuses et chroniques. Renouant avec l’héritage de sa fondatrice britannique Lady Sue Ryder, l’organisation portant son nom apporte depuis 16 ans l’aide au Malawi. L’équipe de la Fondation Sue Ryder a réussi à unir les forces de spécialistes de Grande Bretagne, Italie et République tchèque et à créer au Malawi un projet commun tout-à-fait exceptionnel pour aider les malades souffrant d’épilepsie, d’asthme ou d’un handicap physique. Les équipes volantes de personnel sanitaire et de réhabilitation rejoignent chaque jour 30 malades chroniques peuvent vivre une vie décente, s’instruire et être utiles à leurs familles et à la communauté. Histoire d’Evelyn et de Gilson des centaines de malades dans des «cliniques sous les arbres». Elles parcourent un territoire de 5 600 km2 avec une population de 62 000 personnes environ. Leurs membres conseillent les malades, leur enseignent les mesures de prévention, les soignent, leur donnent des médicaments, leur montrent des exercices et distribuent les instruments. Cependant, cette aide n’aurait pas la même efficacité si toute la communauté locale n’était pas associée au projet. Dès le début de sa réalisation, les malades et leurs familles y prennent une part active, de même que les chefs de villages et 400 bénévoles. Grâce au projet, environ six mille La jeune Evelyn souffre d’épilepsie, probablement à la suite du malaria. Enfant, elle avait des attaques fréquentes et, dans sa famille ni dans la communauté, on ne savait comment l’aider et elle passait des heures entières attachée à un arbre. Grâce aux soins d’une équipe de la Fandation Sue Ryder et à la médication régulière, elle peut dorénavant vivre une vie presque normale et intégrée à la communauté. Gilson a 12 ans. A la suite de la paralysie du bulbe, causée prbablement par la malaria qu’il avait faite dans sa tendre enfance, il a de grandes difficultés à marcher. L’équipe de rééducation Sue Ryder lui a fait confectionner un tricycle simple, ce qui lui permet de fréquenter l’école qui se trouve à une distance de trois kilomètres de son village. Ivana Plechatá, Jakub Olmer Photos: Fondation Sue Ryder. Afrique au centre de Prague L’association africaine-tchèque Humanitas Afrika est née en 2000. Sa création correspondait au désir de contribuer à l’entente et tolérance mutuelle entre les Tchèques et les Affricains résidant durablement en République tchèque. Cette motivation primitive a donné naissance à de nombreuses activités ayant pour but une meilleure information de la population sur le continent africain et sur la diversité des peuples africains, mais aussi le soutien de l’instruction et du développement en Afrique. L’association organise régulièrement des activités d’instruction, celles par exemple qui ont lieu à l’occasion des fêtes de la Journée de l’Afrique ou du Mois de l’Histoire des Noirs. C’est à M. Kofi Nkrumah, assistant social originaire du Ghana qui compte parmi les membres fondateurs de l’association, que l’on doit l’initiative de la création de la première bibliothèque orientée sur l’Afrique dans notre pays. Elle a été créée avec l’aimable soutien du Centre de développement de l’Institut des relations internationales et, depuis 2005 où elle a été ouverte au public dans le siège de Humanitas Afrika, elle propose des programmes réguliers – projections de films, séminaires, ateliers artistiques, etc. Le fonds de la bibliothèque compte aujourd’hui un millier de titres concernant l’Afrique dans tous les domaines de la vie sociale. Depuis sa création, Humanitas Africa collabore avec les écoles primaires tchèques. Elle organise à leur intention des ateliers de culture africaine, elle présente les films – sur les personnalités éminentes de l’histoire de l’Afrique et de la diaspora africaine, sur la vie des écoliers dans les pays africains, etc. Dans le cadre des ateliers où l’on se sert surtout de méthodes d’enseignement directes, les élèves peuvent essayer des méthodes de préparation traditionnelle de repas, l’impression des étoffes, des jeux d’enfants africains, participer à une classe de danse ou de tambour. L’instruction est le centre des projets communs que l’association organise depuis 2002 au Ghana, au Bénin, au Kenya et au Burkina. Dans le cadre d’un programme financé surtout de sources privées, elle soutient l’instruction des enfants de communautés rurales pauvres et de la zone Lenana de Nairobi. Le Centre d’information africain avec sa bibliothèque se trouve au coeur même de la capitale, rue Ječná 2, 120 00 Praha. www.humanitasafrika.cz Le voyage en Afrique est un voyage vers les gens Lucie se trouve en visite en Afrique, au Botswana. Assise près du feu, elle discute sur la vie avec les jeunes qui viennnent la voir tous les soirs en lui souriant, en lui posant des tas de questions. Ils observent sa peau claire, ses yeux bleus et les plus hardis vont jusqu’à la toucher. Elle est en train de leur expliquer que, même en Europe, il y a des gens qui n’ont pas de maison, qui dorment dans la rue, qui n’ont pas de travail ni rime pas avec ses expériences africaines. Il a supposé que cela lui prendrait quinze jours d’«organiser» et de «faire travailler» les gens de l’endroit. Il a oublié qu’il venait travailler en bénévole à un projet que la population locale désire réaliser et auquel elle veut prendre une part active. Arrivé à l’école, il se rend compte aussitôt qu’il faut redescendre dans la ville le jour même pour acheter les tuyaux. Car sur place, on s’est débrouillé sans lui! Dan n’épargne pas les louanges, il se réjouit avec tous ceux qu’il rencontre le long de la tranchée, il les remercie. Deux jours plus tard, une grande festivité a lieu à l’école. Les habitants des villages, les instituteurs, les enfants, les ingénieurs du service de l’aménagement des eaux (représentants de l’Etat) – tous ensemble se réjouissent – car l’eau vient! Pendant plusieurs heures, les enfants chantent et dansent (ils sont plus de 500 à fréquenter l’école), car ils ne seront plus obligés d’aller chercher l’eau à la source jaillissant sur une pente escarpée. E n février 2005, les bénévoles tchèques et africains actifs en RT, au Kenya et en Tanzanie ont créé en République tchèque l’association civile Kwa Afrika (Association pour l’Afrique). Leur objectif principal consiste avant tout à aider les personnes concrètes dans des localités concrètes en respectant au plus de quoi manger et qu’en hiver, il y en a qui meurent de froid dans la rue... Chris qui est assis à sa droite l’interromp en criant: «Lucie, est-ce qu’il y a aussi des éléphants chez vous?» Les autres rient. «Oui, il y en a, mais il a fallu bâtir pour eux des maisons immenses, pour qu’ils ne gèlent pas,» répond Lucie. «Hem...Pourquoi on n’évacue pas les éléphants pour y faire vivre les gens qui n’ont pas de maison?» Lucie ce tait...Elle croyait jusqu’ici que c’était formidable d’avoir des éléphants en Europe, mais elle ne le croit plus et elle en a même un peu honte... Daniel vient d’aterrir en Tanzanie. C’est son cinquième voyage en Afrique orientale. Il surveille discrètement les dollars cachés sous son t-shirt: l’équivalent de 30 000 couronnes tchèques. Dès le lendemain, il les changera contre les shillings tanzaniens pour acheter 1,5 km de tuyaux d’adduction d’eau. Il est venu au pied de Kilimandjaro, sommet le plus haut de l’Afrique, pour coordonner la réalisation du projet «Chombo – eau potable pour une école et deux villages.» Sachant parler le swahili, langue de l’Afrique orientale, il téléphone sans tarder au coordinateur africain du projet pour lui dire qu’il se trouve déjà dans la ville, qu’il a sur lui les finances pour l’acquisition des tuyaux et que, le surlendemain, il arrivera à l’école Chombo pour organiser avec lui les travaux de creusage. Le surlendemain à midi, il a une surprise. On lui téléphone: «Dan, viens tout de suite à l’école, nous avons déjà creusé toute la tranchée!» Il n’en croit pas ses oreilles! Cela ne haut degré les valeurs culturelles traditionnelles, en insistant sur le caractère durable des projets et sur la coopération étroite avec la population locale. L’association fait un intense travail d’éducation pour faire connaître au public tchèque les Africains en tant que dépositaires de traditions millénaires et d’un patrimoine spirituel impressionnant, mais confrontés aux problèmes de la pauvreté actuelle, et l’Afrique en tant que continent de grandes richesses naturelles et culturelles. Pour 2007, l’association prévoit, en dehors de ses activités exercées en République tchèque dans le domaine de culture et d’instruction, la réalisation – en Tanzanie – du projet de l’adduction d’eau potable dans deux écoles primaires et trois villages adjacents. Lenka Chuwa présidente de l’association Kwa Afrika www.kwaafrika.org Photos: archives Humanitas Afrika, archives Kwa Afrika. 31 Les Tchèques et l’Afrique Nation siégeant à l’intérieur du continent, les Tchèques n’avaient jamais créé de colonies ou de comptoirs dans les pays d’outremer. Avant 1918, les pays tchèques avaient fait partie de l’Empire d’Autriche-Hongrie, puissance européenne qui n’avait pour ainsi dire aucune ambition politique en Afrique. L’intérêt que les Tchèques portaient à l’Afrique trouva son expression dans les voyages de découverte, dont il faut rappeler au moins ceux d’Emil Holub (1847-1902) qui explorait l’Afrique du Sud dans les années 1872-1887. 1940, une entreprise à Rufisque, au Sénégal, qui était la première fabrique de chaussures en Afrique occidentale. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie essaya de renouer avec la tradition d’avantguerre. Plusieurs expéditions partirent pour l’Afrique avec le but d’y faire connaître les produits tchécoslovaques, notamment les auto- A près la naissance de la Républiqe tchécoslovaque en 1918, l’Afrique devint destination non seulement pour les explorateurs, mais aussi pour les commerçants tchèques. Les produits tchèques traditionnels, tels que verre, bijouterie de fantaisie ou chaussures, se vendaient à travers tout le continent africain. La firme de chaussure tchécoslovaque Baťa créa même, en 32 M. Václav Klaus, Président de la République tchèque, et son épouse en visite officielle en République d’Afrique du Sud, décembre 2006. mobiles. Vers la fin 1947, František Elstner traversa le Sahara dans la voiture Aero Minor, en faisant le voyage d’Alger à Coton et retour. Presqu’en même temps, Ladislav Mikeš Pařízek parcourait l’Afrique occidentale dans la voiture Praga Piccolo. Dans les années 1947-1948, les ingénieurs Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund parcoururent tout le continent à bord de la voiture Tatra 87 en partant du Maroc via Le Caire et en poussant jusqu’au Cap. Leur récit de voyage portant le titre L’Afrique: rêve et réalité (1952) parut en plusieurs éditions à un tirage de plusieurs centaines de milliers d’exemplaires et eut une influence décisive sur la formation de l’idée que les Tchèques se faisaient de l’Afrique. Après le coup d’Etat communiste de 1948, la Tchécoslovaquie se ferma sur elle même pour quelques années. Après la chute du stalinisme, il y eut, cependant, une renaissance de l’intérêt pour l’Afrique, qui put renouer avec les traditions d’avant- et Le Président tchèque Václav Havel reçoit, en 1999, M. Sam Nujoma, Président de la République de Namibie. M. Olusegun Obasanjo, Président de la République fédérale du Nigeria, reçoit l’ambassadeur tchèque. d’après-guerre. Ce sont les relations avec l’Ethiopie (les relations diplomatiques avec ce pays avaient été établies dès 1942 par le gouvernement tchèque en exil à Londres) qui commencèrent à se développer les premières. En dépit de la défaveur des autorités coloniales, la Tchécoslovaquie réussit à maintenir son consulat au Congo Belge qui devint, dès 1960, une des bases de l’aide prêtée par le bloc soviétique au gouvernement de P. Lumumba. Les Etats africains indépendants cherchaient dans le pays du bloc soviétique du soutien contre l’influence de leurs anciennes métropoles et des EtatsUnis. Très souvent, il s’adressaient justement à la Tchécoslovaquie qui leur paraissait acceptable comme un petit pays dépourvu d’ambitions de grande puissance. Particulièrement vaste était l’aide de la Tchécoslovaquie à la Guinée du président Sékou Touré qui, en 1958, était la première colonie française à proclamer son indépedance. La Tchécoslovaquie livrait à la Guinée les moyens de transport, avions y compris, et les engins de guerre. C’est à Prague que furent imprimés les billets de banque de franc guinéen et des dizaines de spécialistes tchèques des domaines les plus divers Un groupe d’ambassadeurs africains pendant la remise des lettres d’accréditation à Prague, en 1999. allèrent travailler en Guinée. La Tchécoslovaquie prêta une aide analogue au Ghana du président Nkrumah, au Mali de Modibo Hailé Sélassié 1er, empereur d’Ethiopie, pendant sa visite à Prague, en 1959. Keita et à d’autres pays africains. Elle prêtait une aide multilatérale systématique au mouvement de libération nationale dans les colonies portugaises, notamment en GuinéeBissau et en Angola, ainsi qu’aux activistes luttant contre l’apartheid en République d’Afrique du Sud. Depuis la fin des années 1950, la Tchécoslovaquie accordait un nombre relativement élevé de bourses d’études aux étudiants africains. Dans les années 1961-1974, il existait à Prague l’Université 17 novembre. C’était une école supérieure spéciale, destinée aux étudiants venant des pays du tiers monde. Des milliers d’Africains originaires de presque tous les pays du continent sont diplômés de cette université. Après l’invasion soviétique de 1968, les relations de la Tchécoslovaquie avec l’Afrique prirent un caractère plus formel, attribuable aussi aux rapports économiques problématiques et au développement imprévisible dans de nombreux pays africains où les régimes en place n’étaient plus intéressés à la coopération avec les pays du bloc soviétique. Ces obstacles idéologiques tombèrent en 1989 où le système démocratique revint en Tchécoslovaquie. Depuis 1993, la République tchèque a donné à ses rapports avec l’Afrique un niveau nouveau: plusieurs pays africains sont bénéficiers prioritaires de l’aide au développement tchèque. Les activités caritatives privées ont pris de l’envergure, surtout sous la forme de «l’adoption à distance». Petr Zídek rédacteur du quotidien Lidové noviny auteur du livre Tchécoslovaquie et Afrique française 1948-1968 paru en 2006 Photos: archives ČTK. 33 Ethiopie vue d’un oeil de photographe Ces dernières années, les peuples du Sud de l’Ethiopie attirent toujours davantage l’attention du monde. La fin de la guerre civile, il y a plus de quinze ans, a ouvert l’Ethiopie aux étrangers et le Sud du pays est devenu une destination touristique recherchée, surtout ces dernières années. Cependant, il y a – pour le moment – peu de livres originaux consacrés à ce thème. La monographie photographique Surma, oeuvre de František Zvardoň, photographe tchèque vivant en Alsace, constitue une des exceptions. C’est la première publication africaine de cet auteur qui est venu en Ethiopie pour la première fois il y a deux ans à peine, mais qui veut y retoutner. Il est donc probable que les amateurs pourront voir bientôt d’autres livres pareils. «Daktari» Jarolímek, le solitaire «Médecin qui se laissa inpirer par Albert Schweitzer», voilà comment on pourrait caractériser Martin Jarolímek, insigne spécialiste 34 tchèque de la schizophrénie. A l’âge de 51 ans, ce fondateur et médecin-chef actuel du centre diurne de psychothérapie à Prague IVe se consacre entièrement à son projet africain. Dans l’île Rusinga, dans la partie nord-est du lac Victoria, il édifie au Kenya un hôpital dispensant des soins gratuits à la population locale. L’unique centre médical dans cette île de 21 000 habitants est financé des moyens privés du docteur Jarolímek en coopération avec l’Unicef et avec l’organisation Hand for help (Main secourable) siégeant à Liberec (République tchèque). Il a l’intention d’apporter en Afrique une grande quantité de médicaments qu’il a obtenus des producteurs tchèques à titre de sponsoring. Il travaille neuf heures par jour en tant que chirurgien, dentiste, interne – tout ce qu’il faut. Il fait le tour de ses malades en moto Pionýr tchèque. Il considère qu’il a accompli sa tâche professionnelle – en démontrant dans les conditions tchèques que la schisophrénie est une maladie guérissable – et il revient maintenent à son rêve de gamin: aider les gens en Afrique. «C’est ma deuxième chance», dit le docteur Jarolímek qui, dans l’île Rusinga, est appelé exclusivement «daktari Martin». Source: quotidien Právo Premier hôpital tchéco-ougandais A Buikwe vient d’être mis en plein fonctionnement l’Hôpital tchèco-ougandais. A la messe célébrée à l’occasion de l’inauguration prirent part le cardinal Miloslav Vlk, l’évêque Matthias Ssekemanya et le ministre de la Santé publique ougandais Jim Muwhezi. La construction de l’hôpital est due à l’initiative du médecin Josef Donát du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital de la faculté de médecine de l’Université Charles, à Hradec Králové; il a été bâti avec l’aide et contribution de la Charité archidiocésaine de Prague. La région de Buikwe compte trente villages. Pour une population de 45 000 habitants, les soins de santé qualifiés étaient inacessibles avant 2006. Beaucoup d’enfants mouraient de maladies banales, les soins prénataux manquaient, ainsi que l’assistance qualifiée aux accouchements. Depuis septembre 2006, les deux corps de l’hôpital fonctionnent à plein régime. Son niveau professionnel est assuré par une équipe de médecins tchèques et de médecins et infirmières ougandais. Source: www.charita-adopce.cz Viva Africa En mars 2006, un groupe d’étudiants de l’Université de Plzeň a pris l’initiative de démarrer une tradition nouvelle: conférence annuelle «Viva Africa» réunissant des spécialistes de l’Afrique, tchèques et étrangers. La deuxième édition de la rencontre a attiré à Plzeň la plupart des spécialistes tchèques des domaines les plus divers. Historiens, anthropologistes, linguistes et politologues réunis ont constaté de commun accord que les rencontres annuelles contribuent à étendre la renommée des études africaines tchèques et à faciliter leur communication avec les africanistes européens et mondiaux. Les actes de la conférence de 2006, rédigés par Tomáš Machalík et Jan Záhořík de la chaire d’anthropologie de l’Université de Plzeň, seront publiés cette année en édition bilingue, ce qui sera favorable au renouement des contacts des études africaines tchèques avec le monde. Vin tchèque dans le Sud de l’Afrique Les vins sud-africains gagnent toujours davantage la faveur des connaisseurs tchèques. S’il était peu vraisemblable, au début des années 1990 encore, de trouver à Prague une bonne bouteille de la production d’une ferme de Stellenbosche ou de Paarle, les vins sudafricains sont aujourd’hui couramment accessibles en Tchéquie. Peu nombreux sont ceux, cependant, qui se doutent que les vins de Bohême étaient présents à la naissance de la viticulture sud-afri- Mosaïque caine. La chronique du Cap mentionne pour l’année 1659: «Aujourd’hui – Dieu soit loué – fut pressé pour la première fois le vin du raisin cueilli au Cap, à la grande joie du gouverneur Van Riebeeck.» C’était quatre ans après l’expédition de l’Europe des premières boutures de vigne qui ont bien pris racine dans les vignobles nouvellement aménagés... Les historiens se disputent toujours quant aux variétés de vigne qui avaient été apportées. Et pourtant, les témoignages de l’époque permettent d’établir que les agents de la Compagnie des Indes orientales néerlandaise «étaient en contact avec un cultivateur qui disposait de boutures de vigne de France, d’Allemagne, d’Espagne et de Bohême,» comme l’écrit l’historien Leitpold. Toujours est-il que cet envoi de boutures permit d’obtenir les raisins dont on fit quelques années plus tard le premier vin du Cap. Ainsi donc même les côtes éloignées de la Vltava participèrent, ne soit-ce que symboliquement – à la naissance du produit sudafricain très renommé. Tomáš Baťa cordonnier tchèque pour l’Afrique représentant annonça avec enthousiasme qu’il y avait des possibilités pratiquement illimitées, parce que tout le monde allait pieds nus. Baťa commença son expansion vers l’Afrique et, au cours des années 1930, de nombreux magasins de chaussures, de même que des installations de fabrication, furent construites, et cela tout d’abord en Afrique du Nord. Plus tard, Baťa poussa vers le Sud et, vers la fin des années 1930, il construisit des fabriques au Kenya, au Tanganyika, en Rhodésie du Sud et en Union sud-africaine. Le réseau de ses magasins et représentations commerciales s’étendait et, au milieu du 20e siècle, la firme était connue à travers tout le continent africain. En plus, l’esprit d’entreprise était mêlé dans ses activités avec d’incontestables égards pour les travailleurs: Baťa laissait toujours des traces marquantes dans le domaine social. Vers la fin du 20e siècle, Baťa avait des activités dans 17 pays africains, y fabriquait plus de 60 millions de paires de chaussures en employant 17 000 travailleurs. La firme n’a pas oublié le legs de son fondateur et elle continue à être active dans la sphère sociale en construisant écoles et églises, en accordant des bourses et en soutenant la construction des établissement sanitaires. cette réalisation compte parmi les plus importantes qui aient été entreprises dans cette partie de l’Afrique avec la participation tchèque. Le projet a été réalisé avec la contribution importante de la population locale: une grande partie de travaux, l’entretien et le fonctionnement sont organisés par une commission composée des employés de l’école et de la mission. Le financement du projet a été assuré des fonds de développement des gouvernements de la République tchèque et du Canada, des moyens d’organisations non gouvernementales tchèques et allemandes, du ministère zambien de la Santé publique, de l’Eglise zambienne unifiée et par la population locale. Photo: Fondation Divoké husy www.divokehusy.cz Reconstruction d’une église importante Lumière pour la Zambie L’établissement Baťa, compagnie de la chaussure de renommée mondiale, fut créé en 1894 dans la ville morave de Zlín par Tomáš Baťa, le plus grand industriel tchèque peut-être, et ses frères. Le premier contact de l’établissement Baťa avec le continent africain eut lieu en 1912. En passant sa lune de miel en Egypte, Tomáš Baťa remarqua que l’on y portait de légères chaussures en toile. De retour à Zlín, il se mit aussitôt à fabriquer des chaussures de ce type et à les exporter vers l’Egypte. L’histoire qui suit date des années 1920: elle a l’air d’une blague, mais elle est vraie et témoigne de l’esprit qui animait cet établissement et de son aptitude à s’orienter sur le marché de l’époque. Ayant décidé d’explorer les possibilités de production et de commerce du continent africain, Tomáš Baťa envoya en Afrique deux représentants de commerce voyageurs. Au bout de quelques semaines, le premier d’entre eux prit contact avec le siège de l’entreprise pour faire savoir que les possibilités de vente étaient minimales, car presque personne ne portait de chaussures dans la région. Quelques jours plus tard, l’autre Dans les parties reculées du bush zambien, les écoles et les centres sanitaires sont confrontés aux problèmes d’alimentation en électricité. C’était le cas de la mission Masuku qui se trouve dans la montagne en contre-haut du lac de barrage Kariba, à une distance de 70 kilomètres de la ville la plus proche. Plusieurs organisations tchèques ont décidé, sous la conduite de l’ADRA, de répondre à l’appel de la population locale et d’aider à la solution du problème – en procurant une source locale de l’énergie électrique. Au moyen de panneaux photovoltaïques, on a électrifié l’école secondaire pour trois cent élèves des environs, le centre sanitaire rural et les demeures de 23 familles de personnel. Depuis l’année dernière, deux pompes marchant à énergie solaire assurent l’adduction d’eau potable courante. Compte tenu de la situation écartée et de l’étendue de l’électrification, En juin 2006, le petit bourg Pácaltsdorp a assisté à la réouverture solenelle, après reconstruction, de l’une des églises les plus anciennes de la République d’Afriqe du Sud. La naissance de l’église est liée au nom de Karel August Pácalt (connu à la population indigène du Sud de l’Afrique comme Carl ou Charles Pácalt), protestant tchèque et un des premiers missionnaires de cette partie de l’Afrique. Il vint dans la province du Cap, au bout d’un stage de formation à Berlin, en tant que révérend de la London Missionary Society. Sur l’invitation de l’un des chefs de la tribu Khoi Khoi locale, il créa une petite mission non loin de l’actuelle ville George. Quand Pácalt mourut en 1818, au bout de cinq ans d’un travail inspiré, la localité était méconnaissable. «Dans aucune autre partie de la colonie, je n’ai observé une amélioration aussi grande,» écrivit John Campbell qui la visita en 1819. Avec l’argent que Pácalt leur avait légué, trois centaines de ses paroissiens construisirent une église dans leur localité à laquelle ils donnèrent le nom de leur missionnaire. De même qu’à Genadendaal voisin, centre de l’Eglise de Frères moraves, où l’on honore la mémoire du missionnaire tchèque Jiří Šmíd (Georg Schmid), Pácaltsdorp garde pieusement la mémoire de son premier missionnaire tchèque. 35 Fenêtre ouverte sur l’art africain L’intérêt des Tchèques pour l’art africain moderne remonte aux premières années 1960. Dès 1961, en effet, le Musée Náprstek de Prague organisa l’exposition «Peintres de Poto-Poto» qui, au moyen d’ouvrages choisis dans une collection privée, présenta la création de la première génération de peintres congolais modernes. Toute la collection, comportant plus de deux cent feuilles représentant des scènes de la vie quotidienne de villageois, est déposée aujourd’hui dans les fonds du Musée Náprstek. A u cours des années 1960 et 1970, de nombreux experts tchécoslovaques ramenaient dans le pays des tableaux et des sculptures d’artistes africains contemporains. C’est ainsi que sont venues en Tché- 36 Affiche annonçant l’exposition de l’art centrafricain où ont été présentées les oeuvres de cent cinquante peintres et sculpteurs. coslovaquie les ouvrages de sculpteurs sur bois tanzaniens de Makonde, ceux du peintre tanzanien Edward Said Tingatinga et d’autres artistes. Des riches fonds ainsi rassemblés, le Musée Náprstek organisa par la suite plusieurs expositions. Un rôle important dans l’information sur l’art africain moderne revenait à cette époque à Alois Wokoun, théoricien de l’art africain qui découvrait des artistes nouveaux et était en correspondance avec eux pendant de longues années. Il constitua sur ce thème de vastes archives qui devaient lui servir au moment où il se mit à rédiger (en collaboration avec Vladimír Klíma et Václav Kubica) le livre portant le titre «Safari à la culture africaine», publié en 1983. Cet ouvrage exceptionnel présente aux lecteurs un tableau prodigieux des trois composantes de cultures africaines Prague vue du pont Charles par la peintre zimbabwéenne Doreen Sibanda. Même les oeuvres d’Amali Malola, un des sculpteurs les plus âgés du monde (93), ont été présentées en République tchèque. Sur la photo, l’artiste et son épouse. modernes – arts plastiques, musique et littérature. Aujourd’hui encore, il n’existe pas dans le monde un autre livre qui lui soit comparable par la richesse et par la pertinence du contenu. Prague a également la primauté en Europe d’avoir organisé des expositions vraiment panoramiques de l’art moderne nigérian. En 1965, le Musée Náprstek exposa la collection privée d’Ulli Beier, pédagogue et artiste qui avait travaillé au Nigéria depuis les années 1950. La première présentation de la collection porta le titre «Exposition d’ouvrages des artistes d’Oshogbo,» la seconde eut lieu en 1972 sous le nom «L’Art africain moderne des années soixante» et présenta aux visiteurs non seulement les ouvrages de peintres et gra- Visage, par Mekias Munyaradzi (Zimbabwe). veurs nigérians, mais encore les tableaux de Valente Malangatana (Mozambique) et d’Ibrahim el Salahi (Soudan), ainsi que les gravures de l’artiste soudanais Ahmad Muhammad Shibrain et d’autres auteurs. La collaboration du Musée Náprstek avec Ulli Beier continua dans les décenniers suivantes où ce dernier créa à Bayreuth la première galerie de l’art africain moderne en Europe, dite Iwalewa Haus. En organisant, en 1993, l’exposition «L’Art moderne des Yoruba» le Musée Náprstek puisa tant dans les collections pragoises que dans celles de Bayreuth. L’ouverture de nos frontières dans les années 1990 eut pour conséquence l’accroissement de l’intérêt pour l’art africain en général et pour l’art africain moderne Les tableaux de Lovemore Kambudzi sont admirés tant au Zimbabwe qu’en République tchèque. 37 Le public tchèque a fait connaissance des ouvrages de Stephen Kappata (1936-2007), un des peintres zambiens les plus insignes. en particulier. Soudain il était possible que les amateurs de l’art africain ou les marchands importent dans le pays des collections entières. S’il est vrai que la plupart des importateurs étaient orientés sur l’art africain traditionnel (ethnique), les amateurs de l’art moderne n’avaient pas raison de se sentir frustrés: à la fin des années 1990, un vaste ensemble de sculptures sur bois, apportées de Zimbabwe, fut exposé en plein air dans la Galerie Platýz à Prague. Très riche en art africain moderne a été l’année passée 2006. De juin à août, il y eut au Jardin botanique de Prague-Trója une extraordinaire exposition «Sculpture moderne de Zimbabwe». La présentation en plein air permit aux visiteurs d’admirer un vaste ensemble de sculptures et de créations en pierre des sculpteurs de Tengenenge. Pour le public tchèque, c’était comme 38 une fenêtre ouverte sur l’histoire moderne de l’art en Afrique centrale. Les ateliers de Tengenenge prirent naissance dans les années 1960 dans la ferme de Tom Blomefield, propriétaire d’une plantation de tabac en Rhodésie de l’époque (Zimbabwe actuel). Ayant remarqué les talents artistiques de ses employés, Blomefield mit à leur disposition une carrière de pierre se trouvant sur les terres de sa ferme. C’est ainsi que naquit l’atelier dans lequel se relayaient (et se relaient toujours) les sculpteurs et les peintres. Comme par enchantement, quatre générations de sculpteurs, appartenant pour la plupart à l’ethnie Mashona, transformèrent ici des blocs de pierre en personnages mythiques, démons, petits chevaux et autres animaux, des êtres mihumains, mi-animaux, et une foule de variations de figures et de visages humains. Au mois de septembre dernier, il y a eu à la galerie Měsíc de České Budějovice, l’exposition de tableaux de Stephen Kappata, peintre naïf zambien dont l’attention est partagée entre les scènes de la vie traditionnelle des habitants du bassin du Zambèze (fêtes, guérisseurs, sorcellerie) et les commentaires des événements actuels. A la fin de l’année, la Galerie de la Bohême du Sud de České Budějovice a ouvert l’exposition «Du Congo au Zambèze», présentation la plus importante de l’art centrafricain moderne dans notre pays. L’exposition a présenté les oeuvres de cent cinquante peintres et sculpteurs du Congo, du Zimbabwe, de Zambie et du Malawi, choisies dans les collections privées. Josef Kandert Photos: František Nárovec (www.ef.cz), Ondřej Homolka, le quotidien Právo. Les peintres Lema Kusa et Mambengi Tondo, de la République démocratique du Kongo, ont eu eux aussi leurs oeuvres exposées en République tchèque.