johannesburg ohsho

Transcription

johannesburg ohsho
Sommaire
Premiers Tchèques en Afrique
– sur les traces de voyageurs et
missionnaires tchèques de jadis
pp. 4 – 7
Soixante ans de rencontres littéraires
– accroissement de l’intérêt pour la
littérature africaine dans notre pays
pp. 8 – 9
Editorial
Depuis des générations, l’Afrique symbolisait pour les Tchèques quelque chose
de magique, de mystérieux. C’était l’endroit où beaucoup d’entre eux désiraient
partir, mais peu étaient ceux qui réussirent
à le faire. A l’encontre des Européens ressortissants de grandes puissances coloniales, qui pouvaient s’y trouver facilement
comme soldats, fonctionnaires coloniaux
ou résidents (en le prenant souvent comme
une punition), tout Tchèque voulant réaliser son «rêve d’Afrique» devait surmonter de nombreuses difficultés, déjouer des
pièges et déployer de grands efforts. C’est
pour cette raison aussi, peut-être, que
ceux qui arrivèrent à réaliser leur rêve
étaient des héros pour de nomreuses générations de Tchèques.
Au 19e siècle, les voyageurs Emil Holub
et Čeněk Paclt jouissaient d’une grande
notoriété dans la société tchèque, ce qui
contribua à la connaissance du continent
africain. Au 20e siècle, il y avait des Tchèques qui, en dépit d’écueils de toutes sortes, «découvraient» l’Afrique pour leur
compatriotes avides de connaissances.
Rappelons le sculpteur F.V. Fait, le botaniste Jiří Baum et les ingénieurs Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund. Il y a exactement soixante ans – en avril 1947, les deux
voyageurs tchèques très populaires partirent pour leur premier voyage à travers
l’Afrique. Trois volumes de leur récit de
voyages portant le titre L’Afrique: rêve et
réalité devint pour les Tchèques une véritable fenêtre sur l’Afrique, telle qu’elle
était vraiment.
Il y a cinquante ans, quand le système
colonial commença à s’écrouler en Afrique, le Ghana fut créé en tant que le
premier Etat indépendant du continent.
L’ancienne Tchécoslovaquie fut le premier
pays à le reconnaître, ce qui n’était pas
étonnant. Aussitôt, le Ghana et d’autres
pays africains accueillirent de nombreux
ingénieurs, techniciens et professeurs
tchèques dont la mission consistait à aider
la population des Etats nouvellement créés
et, en même temps, à apporter à leur compatriotes dans les pays tchèques des renseignements sur la culture et l’histoire
de ces pays. En témoignent des dizaines
de livres consacrés à la description de
la réalité africaine – de la Guinée à l’Angola, de l’Ethiopie au Nigéria.
L’intérêt pour l’Afrique caractérise
même la jeune génération des Tchèques
qui, depuis la chute du Mur de Berlin, peuvent voyager librement à travers le monde.
C’est cette génération qui sera la principale propagatrice d’un partenariat fort
et égal entre la République tchèque et
les pays d’Afrique. En effet, les jeunes
Tchèques ne se contentent pas de voyager,
mais ils aident en bénévoles du Malawi à
l’Ouganda, de la République centrafricaine
au Mozambique. Leurs articles dans les
journaux et leurs livres nourris d’histoires
vraies et marqués par une vision réaliste
de l’Afrique constituent le meilleur soutien
de la nouvelle Stratégie de l’UE pour
l’Afrique, dont le but consiste, entre autres,
à aider à imposer une image positive et
vraie de l’Afrique. Je suis convaincu que
pour nous autres Tchèques vivant au
«Coeur de l’Europe», l’Afrique n’est plus
depuis longtemps, grâce à ces contacts,
le «Coeur des ténèbres» dont le célèbre
Centre-européen Joseph Conrad parla à
la fin du 19e siècle.
Jaroslav Olša, Jr.
diplomate, ancien ambassadeur
de la République tchèque au Zimbabwe
(2000-2006)
On est tous Africains
– au festival théâtral Afrique créative
se présentent aussi les ensemble
d’Africains «tchèques»
pp. 10 – 13
Seconde patrie au coeur de l’Europe
– Ethiopien, Sénégalais, Namibienne
– qu’est-ce qu’ils ont en commun?
Ils sont devenus Tchèques...
pp. 14 – 17
Construction de la paix
– soldats tchèques dans les missions
de paix de l’ONU
pp. 18 – 19
Galerie
– Jablonex en Afrique: marche
victorieuse de la bijouterie de fanaisie
tchèque à travers le continent
pp. 20 – 21
Aide à l’Afrique
– présentation d’importants projets
de coopération pour développement
réalisés à l’heure actuelle
pp. 22 – 30
Afrique au centre de Prague/Voyage
en Afrique est un voyage vers les gens
– différences de culture comblées par
des activités d’amateurs
p. 31
Les Tchèques et l’Afrique
– histoire des relations mutuelles vue par
un publiciste
pp. 32 – 33
Mosaïque d’événements et de curiosités
de la République tchèque
pp. 34 – 35
Fenêtre ouverte sur l’art africain
– exposition de České Budějovice a
présenté les oeuvres de cent cinquante
peintres et sculpteurs africains
pp. 36 – 38
Le Coeur de l’Europe paraît six fois par an. Sur ses pages,
ce périodique donne l’image de la vie en République Tchèque.
Les articles expriment les opinions de leurs auteurs qui
peuvent ne pas être toujours identiques aux points de vue
officiels du gouvernement tchèque. Pour l’abonnement,
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Krafl, Eva Ocisková, Tomáš Pojar, Jan Šilpoch, Petr Vágner,
Petr Volf, Marek Skolil
Traduction: Institut de Langues et Littératures Romanes
de l’Université Masaryk de Brno.
Imprimé à VČT Sezemice
On peut réimprimer les textes publiés dans la revue Bienvenue
dans le Coeur de l’Europe sans demander l’autorisation à la
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ISSN 1211–930X
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Premiers Tchèques
en Afrique
Les destinées des résidents tchèques en
Afrique étaient parfois bien bizarres.
L’histoire d’une certaine demoiselle Hlaváčková en apporte un témoignage éclatant: au début des années 1890, celle-ci
vivait au Cap en y travaillant comme gouvernante. On ne saura probablement plus
jamais pourquoi elle décida de rentrer
en Europe et, qui plus est, à pied! Aucune
expédition scientifique ou militaire n’avait
réussi à réaliser la traversée du Cap au
Caire au moment où elle entreprit ce
voyage sans préparation aucune et sans
moyens. Pourvue d’un équipement et de
moyens très modestes, elle arriva avec
deux porteurs indigènes – au bout d’une
marche longue de plus de trois mille kilomètres – sur le territoire du Malawi actuel
où un des prospecteurs locaux la photographia avec ses porteurs. Les descendants
du photographe remirent deux clichés
développés (ainsi que l’histoire de l’expédition de Mlle Hlaváčková) aux archives
de la société historique locale où ils se sont
conservés. Quant à Mlle Hlaváčková, elle
n’alla pas bien loin au-delà de l’endroit où
4
Reculons, cependant, dans un passé beaucoup plus lointain, aux temps où les premiers Tchèques arrivèrent en Afrique.
Rappelons Martin Behaim (Martinus de
Bohemia, donc Martin de Bohême) qui, au
bord du navire de Diogo Cão, explorait les
côtes du Congo. On n’en sait pas davantage sur la vie du cartographe et imprimeur Valentinus de Moravie (=Valentin
de Moravie), personnalité insigne de la
Carte de l’île Sao Tomé par Valentin
de Moravie, 1506.
Lisbonne du début du 16e siècle et auteur
d’un important recueil des premières cartes et croquis des îles près de la côte occidentale de l’Afrique.
D
eux siècles plus tard, les premiers
Tchèques firent leur apparition en Abyssinie (Ethiopie actuelle): dans les années
1751-1752, le missionnaire franciscain
Remedius Prutký arriva à Massaoua
(Erythrée actuelle) et entreprit une description détaillée du haut Nil et des villes
et monuments de la région, ce qui le fit
entrer dans l’histoire. Il est l’un des premiers Européens qui aient visité Gondar,
capitale de l’empire.
L’expulsion des protestants des pays
tchèques après la bataille de la Montagne-Blanche (1618) ouvrit un chapitre
intéressant des contacts tchéco-africains.
Contraints de quitter leur pays, car l’empire des Habsbourg, dont les pays tchèques devaient faire partie pendant trois
siècles, se voulait dorénavant purement
catholique, les protestants tchèques se
Melle Hlaváčková à Mulanje.
Villages «moraves» typiques en Afrique du Sud.
elle fut photographiée. Très tôt après, elle
tomba malade de malaria et mourut dans
une mission au pied du Mont Mulanje.
Son destin et sa tentative héroïque de
traverser l’Afrique – qui auraient pu lui
assurer une place d’honneur parmi les
explorateurs les plus célèbres de l’époque
– resteront cachés pour toujours par le
voile de mystère, ainsi que son petit nom.
transplantèrent aux Pays-Bas et en Allemagne où la ville de Herrnhut devint le
nouveau centre de l’Eglise des Frères
moraves. En 1737, Georg Schmidt (=Jiří
Šmíd en tchèque) arriva en bateau dans
la province du Cap et devint le premier
missionnaire de la populaion indigène.
Appelé «apôtre des Hottentots», il créa
aussi la mission Baviaanskloof (Gena-
Emil Holub, le plus insigne parmi les voyageurs tchèques en Afrique, représenta ses découvertes dans des dessins charmants.
dendaal actuel) quelque deux cent kilomètres au nord du Cap. Dans ce centre
toujours actif de l’Eglise morave sudafricaine, il y a – selon la légende – jusqu’à l’heure actuelle le pêcher sorti du
noyau de pêche apporté par le missionnaire de la Moravie natale. En reconnaissance du rôle important des Moraves
dans le Sud de l’Afrique, la résidence
officielle du président de la République
d’Afrique du Sud porte le nom de Genadendaal. En Afrique du Sud on trouve
d’autres noms géographiques liés aux
Frères moraves, tel Moravian Hill ou
Moravian Hope.
D’autres missionnaires originaires du
coeur de l’Europe mirent le cap sur l’Afrique centrale. Le frère Příhoda, de Valašské Meziříčí, et le frère Czimmerman, de
Smolenská Huta, furent les premiers de
nos pays à se fixer dans la vallée du Zambèze. En dehors de leur oeuvre missionnaire, ils exploraient et décrivaient les
confins inconnus de l’Afrique. Czimmerman est, en outre, le premier à avoir fait
l’usage écrit dans la langue des Nyungwe
plantes venant sur l’île, établi du point de
vue des sciences naturelles, 1837).
L
e public tchèque ne savait pas
grand’chose des recherches de ces savants et missionnaires. Le premier qui ait
acquis une notoriété certaine dans son
pays natal fut le bourlingueur et chercheur
d’or Čeněk Paclt qui, à l’époque de la
ruée vers les diamants des années 1870 et
1880, se mouvait à Kimberley et dans les
environs. Les lettres de Paclt, ouvertes et
réalistes, étaient publiées avec empressement dans la presse tchèque et présentai-
du Mozambique. Il a même publié plusieurs livres de religion dans cette langue.
L’intérêt scientifique des Tchèques ne
négligait ni les îles de l’océan Indien. Le
jardinier Václav Bojer s’y retrouva dans
les années 1820 et il se fixa sur l’île Maurice. Il devint conservateur du musée de
St.-Louis, capitale de l’île, fondateur de la
«société savante» locale et auteur d’une
description systématique de la flore de
l’île (Jardin mauricien ou inventaire des
ent au public tchèque une Afrique débarrassée de mythes et superstitions et dans
un esprit libre d’atmosphère coloniale.
Pendant le séjour de Paclt dans les
champs de diamants, un autre Tchèque y
exerçait la profession de médecin: Emil
Holub, le plus célèbre probablement parmi les explorateurs tchèques. C’étaient les
récits de voyage de Holub, des centaines
de ses conférences et plusieurs expositions
qui firent connaître au public tchèque
5
Images des voyages africains d’Enrique Stanko Vráz (ci-dessous, à gauche), de Martin Lány (ci-dessous, à droite) et du séjour africain du sculpteur František Vladimír Foit.
l’Afrique telle qu’elle était à la fin du 19e
siècle. Pendant ses deux expéditions,
Holub parcourut de vastes territoires de
la République d’Afrique du Sud, du Botswana, du Zimbabwe et de la Zambie actuels; il devint ami du roi Khama, créateur
du Botswana moderne, et des rois lozi Sepopa et Lewanika. Chercheur et collectionneur infatigable, Holub était pendant
longtemps la principale source d’informations sur l’Afrique et plus d’un Tchèque y
fut attiré par ses écrits.
L
es régions de la Corne de l’Afrique
et du Sahara furent parcourues à la même
époque par Antonín Stecker qui séjourna
pendant des mois à la cour du chef local.
Il n’arriva pas à publier les résultats de ses
recherches, mais sa carte du lac Tana, première qui ait été établie, est une contribution importante à la connaissance de
l’Abyssinie. Le bassin du Congo fut exploré,
à partir de 1887, par l’ingénieur Antonín
Staněk. Il y pénétra au bord du bateau
qu’il avait dû tout d’abord assembler et
mettre en fonctionnement. C’est ainsi
qu’il fut successivement «le père» des
bateaux La France et Ville de Paris qui
sillonnaient par la suite les eaux du Congo
et de ses affluents. L’Afrique occidentale
étaient à cette époque le champ d’explora-
6
tion d’Enrique Stanko Vráz, voyageur célèbre à travers tous les continents. Dans
les années 1880, il ouvrit un atelier photographique sur le littoral du Ghana actuel
et devint ainsi premier photographe tchèque en Afrique. Tous ces voyageurs de la
fin du 19e siècle amenaient dans le pays
de riches ensembles ethnographiques,
dont une grande partie constituent les collections du Musée Náprstek des cultures
d’Asie, d’Amérique et d’Afrique à Prague.
L’attention du public tchèque fut de
nouveau attirée à l’Afrique au moment de
la Guerre des Boers. La lutte des Boers
opprimés contre les puissants Britanniques évoquaient dans les pays tchèques
des associations avec leurs propres tendances de se débarrasser de la domination
des Habsbourg. La lutte des Boers jouissait dans notre pays d’une popularité
extraordinaire. La presse lui accordait une
grande attention et, grâce au grand patriote Guth-Jarkovský, premier président du
Comité olympique tchèque, on publia
même en tchèque la biographie du président du Transvaal boer. A Paris, les caricatures antianglaises firent la renommée
du graveur tchèque František Kupka,
inconnu jusqu’alors.
J.V. Figulus, résident tchèque en Afrique australe, fut considéré comme héro
grâce à ses activités du côté des Boeurs.
Il tomba en captivité britannique et fut
emprisonné dans l’île St.-Hélène. Il n’était
certainement pas le seul Tchèque vivant
dans le Sud du continent africain, mais il
était le seul à écrire un livre de souvenirs
où il fait partager ses impressions dramatiques au public tchèque enthousiaste.
Le début du 20e siècle marque la fin
des voyages de découverte. Dès 1911, l’agence de voyage pragoise Schenker Reisen proposait à ses clients un premier
voyage touristique de trois mois dans le
Sud de l’Afrique jusqu’aux Chutes Victoria dont la carte exacte avait été dessinée
Couverture du premier périodique tchèque consacré exclusivement à l’Afrique.
36 ans plus tôt par Emil Holub. La Tchécoslovaquie créée à la fin de la Première
Guerre mondiale n’était pas une puissance coloniale, ce qui donnait aux journalistes tchèques une grande liberté de donner
de la réalité africaine des descriptions
exemptes de toute contrainte. C’est l’époque des voyages africains de l’infatigable
Václav Mussik, auteur de centaines d’articles sur l’Asie, le Proche Orient et sur
l’Afrique. Une renommée mondiale
acquit Pavel Šebesta (Paul
Schebesta), un des premiers savants qui se consacrât à l’étude
des tribus naines du bassin du
Congo et de l’histoire de l’empire
Monomotapa. Le sculpteur J.V. Foit
jeta les fondements de la muséologie
du Kenya.
Le commerce extérieur ayant une
importance vitale pour la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres, la diplomatie tchécoslovaque inclut dans le
champ de son intérêt aussi l’Afrique
noire. Sept ans seulement après la proclamation de l’indépendance tchécoslovaque, un premier diplomate tchécoslovaque apparut au Cap pour y ouvrir notre
représentation diplomatique qui était la
première en Afrique subsaharienne. A la
Premier consulat tchèque en Afrique du Sud.
veille de la Seconde Guerre mondiale, il y
avait au Cap et à Johannesburg des dizaines de représentants de firmes
et entreprises tchécoslovaques. Dans la période entre
deux guerres, le voyageur
pouvait acheter de la charcuterie tchèque à Addis- Abeba, se
faire construire une maison au
Sierra Leone par un entrepreneur
tchèque de Freetown, boire de la
bière tchèque à la brasserie «tchèque» de Lourenço Marques (Maputo
actuel) ou naviguer, sous un capitaine
slovaque, dans les eaux du Zambèze...
Après que l’entrepreneur tchèque Tomáš
Baťa eut ouvert à Johannesburg une succursale de son entreprise de chaussures en
1931 et, immédiatement après, dans de
nombreuses autres villes africaines, l’Afrique cessa d’être pour les Tchèques le synonyme de l’aventure et du danger et devint une de nombreuses régions du globe
où l’on pouvait vivre, travailler et voyager. Quant aux Africains, les chaussures
Baťa leur donnèrent la première occasion
de découvrir le centre de l’Europe.
Jaroslav Olša, Jr.
Photos: The Society of Malawi, archives du Musée
Náprstek de Prague, archives de l’auteur.
Expéditions des ingénieurs Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund,
voyageurs tchèques légendaires du 20e siècle.
Magasins Baťa que l’on trouve aujourd’hui à travers toute l’Afrique.
7
Soixante ans de
rencontres littéraires
L’intérêt pour la littérature est inhérent
au caractère tchèque, et il ne concerne pas
seulement la prose et la poésie tchèques.
Les Tchèques connaissent bien même la
littérature d’auteurs africains, dont les traductions tchèques remontent à une époque
où, à travers le monde, seuls quelques
initiés se doutaient de l’existence d’une
prose africaine moderne. C’est exactement soixantes ans (deux ans seulement
après l’édition originale) que fut publiée la
première traduction tchèque d’un auteur
africain: c’étaient les Chants d’ombre,
recueil de poésies de Léopold Sédar Senghor. En plus, l’éditeur l’a incluse dans la
collection «classiques mondiaux» entre R.
Rolland et W. Saroyan. Un an plus tard
suivit la première traduction tchèque de
la littérature africaine de langue anglaise:
le Mine Boy du Sud-Africain Peter Abrahams. Depuis, la littérature africaine fait
partie des bibliothèques tchèques.
La première vague des traductions en
tchèque introduisit chez nous, au début
des années 1960, plusieurs romans de classiques africains, tels Chinua Achebe et Cyprian Ekwensi (Nigéria), Es’kia Mphalele
(Afrique du Sud) Ferdinand Oyono et
Mongo Beti (Cameroun), Amado Hampaté Ba (Mali) ou Camara Laye (Guinée).
L’étude des littératures africaines aux écoles supérieures tchèques créa les conditions pour l’élaboration du premier livre
tchèque (et même mondial, peut-être) ré-
8
sumant l’histoire de la littérature africaine,
à savoir Les Littératures de l’Afrique noire
(1970). Vladimír Klíma – qui est l’un des
auteurs du livre – a à son actif des dizaines
de traductions de la littérature africaine
de langue anglaise, dont le très original
Palm-wine Drinkard, par Amos Tutuola,
bien exigeant du point de vue linguistique.
Avec la même inventivité, il a traduit en
tchèque un des livres clés de la littérature
africaine Aké – Les années d’enfance par
Wole Soyinka. Son anthologie tchèque
des meilleurs poésies africaines – Orphée
noir – fut à son époque une réalisation
exceptionnelle.
L
es années 1980 sont sous le signe
de la création d’auteurs sud-africains –
noirs et blancs. Les lecteurs tchèques font
la connaissance d’André Brink et de Nadine Gordimer. Certaines traductions tchèques de ces auteurs sont l’oeuvre de Michael Žantovský, un des meilleurs anglicistes tchèques, diplomate et homme politique. Paraissent en traduction tchèque les
ouvrages des premiers écrivains angolais:
recueil de poésies choisies d’Agostinho
Neto et celui des contes de José Luandino
Vieira. Les lecteurs tchèques ont fait la
connaissance de l’oeuvre du réalisateur et
écrivain sénégalais Ousman Sambène.
Après une certaine stagnation au cours
des années 1990, la culture africaine jouit
de nouveau d’un intérêt accru. On traduit
les ouvrages des auteurs africains vivant
dans la diaspora, tels les romans à succès
du Nigérian Ben Okri ou de
l’Ivoirien Ahmadou Kourouma.
Les traducteurs et les éditeurs
s’intéressent désormais aussi
aux domaines moins habituels.
Les gens de théâtre tchèques
lisent les pièces de Caya Makhélé, de Koffi Kwahulé et, à
commencer par cette année,
aussi celles de Labou Tansi. On
prépare de nouvelles éditions
de six livres, choisis parmi les
douze meilleures oeuvres de la
littérature africaine (selon les
résultats de la Foire internationale du livre, Zimbabwe 2003).
La poésie de Niya Osundare
(Nigéria) est publiée en édition
de bibliophile.
Les africanistes tchèques
s’ccupent, ces dernières années,
à faire des traductions de nombreuses langues africaines: pour l’amharique, ce sont les contes éthiopiens choisis;
pour le malgache, c’est le panorama de la
poésie traditionnelle du Madagascar ou
l’anthologie de la prose ndébélé. Il suffit
de feuilleter un des derniers numéros de la
revue de traducteurs Plav où sont présentées les traductions en tchèque d’une vingtaine de langues africaines. C’est ainsi
que, pour la première fois, les lecteurs
tchèques peuvent lire les oeuvres littéraires écrites originairement en shona, en
créole de l’île Maurice ou en bambara.
Les Tchèques ont donc une idée relativement précise de la littérature africaine,
mais il faudra en faire beaucoup pour qu’il
en soit de même dans le sens contraire. Si
les traductions de la littérature tchèque
sont assez souvent publiées dans les pays
arabes, au sud de la Sahara elles constituent
des initiatives exceptionnelles
encouragées par les ambassades
tchèques. Depuis quelques années déjà, les écoles du Congo
démocratique utilisent en guise
de livre d’école le mince volume
de contes de fée tchèques choisis de Karel Jaromír Erben et de
Božena Němcová, traduits dans
la langue kikongo par un ancien
élève d’une école supérieure
tchèque et illustrés par le célèbre
peintre congolais Lema Kusa.
On trouve une anthologie analogue en shona dans les bibliothèques d’écoles et dans les librairies du Zimbabwe. Certains
contes de fée tchèques ont été
traduits même en wolof. La littérature tchèque moderne est représentée par les traductions en
amhara des contes de Karel Čapek, publiées dans des revues et, plus récemment, par Le Vernissage, pièce de Václav
Havel publiée en swahili, et par l’édition
bilingue de poésies choisies de Jaroslav
Seifert, Prix Nobel de littérature, traduites
en langues shona et ndébélé par les poètes
zimbabwéens les plus renommés – Chirikure Chirikure et Pathisa Nyathi.
Jaroslav Olša, Jr.
Photos: archives de l’auteur.
9
On est tous Africains!
Vous vous dites, peut-être, qu’un pays
qu’aucun lien colonial passé n’attache à
l’Afrique et où, à l’heure actuelle, les
Africains ne sont pas bien nombreux, a
peu de choses en commun avec les cultures africaines. Eh bien, c’est le contraire qui est vrai! Les dramaturgies
africaines actuelles ont un caractère
cosmopolite et les auteurs, vivant souvent entre plusieurs continents, cherchent la réponse aux questions analogues à celles que nous nous posons en
Europe centrale et orientale. Ainsi,
notre expérience de régimes totalitaires
a plus d’un point commun avec les
expériences coloniales et postcoloniales
des Africains...
Racines
Les événements exceptionnels peuvent naître de peu et très discrètement.
C’est le cas du festival tchéco-africain
Afrique créatrice ou On est tous Africains! Cette manifestation, unique en son
genre dans le contexte d’Europe centrale et orientale, a été créé il y a six ans
10
par deux femmes de théâtre animées de
la vision d’un théâtre sans frontières:
Lucie Němečková, responsable de répertoire, et Frédérique Smetanová,
actrice française vivant à Prague et patronne du Théâtre sur le radeau. C’est
au théâtre Chapelle du Verbe Incarné –
qui présente la dramaturgie africaine et
caribéenne dans le cadre du programme
Sony Labou Tansi: le festival Afrique créatrice
a été consacré cette année à ce dramaturge
congolais insigne.
off du Festival d’Avignon universellement connu – que le festival a reçu la
première impulsion et une sorte de consécration. C’est l’Institut du théâtre et
l’Institut français de Prague qui sont
devenus ses premiers alliés.
Dès le début, l’objectif de ces rencontres théâtrales consiste à faire connaître
au public le paysage inexploré des cultures théâtrales africaines modernes.
Pour les hommes de théâtre tchèques, le
festival représente une alternative extrêmement viable à la dramaturgie euroaméricaine dominante et un enrichissement du paysage tchèque actuel en y introduisant les activités culturelles des Africains «tchèques». Il a le mérite d’orienter
la perception du théâtre vers la multiculturalité en créant ainsi un espace pour une
nouvelle énergie artistique, mais aussi
pour la tolérance et la compréhension
mutuelle. C’est qu’il y a une foule d’opinions préconçues qui survivent (non seulement en Tchéquie) à l’égard de l’Afrique, des Africains et de leurs cultures.
L’ayant taxée de «continent noir», le
monde aborde l’Afrique avec la conno-
Sony Labou Tansi en compagnie de Wole Soyinka, légende de la littérature nigériane.
Caya Makhélé, dramaturge et écrivain français d’origine congolaise, aime revenir en Tchéquie.
s’y joindre à l’avenir. Il ne s’agit pas
seulement de noms: au festival, on peut
souvent rencontrer les auteurs, lire leurs
textes, les voir en personne sur la scène.
tation de «sombre, morne». Cependant,
tant qu’ils cultivent le théâtre, la musique, la danse et autres arts, les Africains
résidant de façon permanente dans
notre pays constituent une partie intégrante de notre culture. Bien enraciné
en Tchéquie , le festival pourra contribuer à rémédier aux suites de l’isolement où le pays avait été enfermé pendant une quarantaine d’années.
Bibliothèque pour le troisième
millénaire
Les textes de théâtre d’auteurs africains publiés en tchèque avant 2000
pourraient être comptés «sur les doigts
d’une seule main». Seuls deux auteurs
de langue anglaise – le Nigérian Wole
Soyinka et le Sud-Africain Athol Fughard – étaient venus à la connaissance
du public. Ajoutons la dramaturge afrikaans Reza de Wet dont la paraphrase
tchékovienne Trois soeurs bis a été
mise en scène par le Théâtre municipal
de Zlín. Grâce au festival, les noms
d’auteurs africains connus chez nous
sont plus nombreux aujourd’hui (on
aurait besoin des doigts des deux mains
pour les compter) et d’autres viendront
T
Hommage à Sony Labou Tansi - rencontre à l’Institut
français de Prague. A gauche Ina Pouant, directrice
de la médiathèque de l’Institut, et Lucie Němečková,
directrice du festival.
Etudiantes de Faculté des Lettres de l’Université Charles,
section d’études romanes, devant un panneau consacré à
Sony Labou Tansi, exposé à l’Institut français de Prague.
rente ans après la publication de
la dernière traduction tchèque d’une
pièce africaine, le festival se met à promouvoir l’édition des traductions de
pièces africaines contemporaines. Une
sorte de bibliothèque africaine moderne
est en train de se constituer, comportant
un choix représentatif des pièces d’auteurs africains. Vivant éparpillés à travers le monde, ceux-ci apportent au drame (à l’inverse des dramaturges euroaméricains un peu fatigués) une nouvelle
énergie, une fantaisie peu commune et
des impulsions et idées nouvelles. «La
rencontre avec les oeuvres des dramaturges africains m’a ouvert une dimension tout-à-fait nouvelle qui tourne le
dos à la globalisation,» confesse le traducteur Michal Lázňovský dans l’entretien avec Sylvie Chalaye publié dans la
revue française Africulture. «S’intéresser aux dramaturgies africaines signifie
sortir de la masse, cesser d’être esclave
de la consommation. Les Tchèques ont
11
Le spectacle Capoeira ou De l’Afrique et du Brésil à Prague a été créé sous l’enseigne de l’Association des citoyens du Benin résidant en République tchèque.
besoin de chercher de tels regards différents, et cela non seulement à cause du
long isolement socialiste. C’est qu’en
renonçant à chercher de tels regards
d’ailleurs, on succombe facilement à
la manipulation.»
L’avenir se trouve dans l’Est
Depuis que le festival existe, des liens
solides se sont noués entre les auteurs
africains invités et notre pays. Bien que
tous les auteurs invités aient visité la
Tchéquie pour la première fois, ils ont
étonné par leur connaissance de la culture tchèque. Presque tous confessent
leur admiration pour l’oeuvre de Franz
Kafka, dont ils se sentent influencés.
Entre la création de certains auteurs
africains et tchèques, il y a des analogies artistiques et intellectueles que l’on
peut établir, par exemple entre Sony
Labou Tansi, prématurément disparu, et
Václav Havel. D’autres trouvent dans
les pays tchèques l’inspiration pour
leurs oeuvres futures, tels Koffi Kwahulé et Caya Makhélé qui reviennent
régulièrement. Koffi Kwahulé figura
cette année parmi les membres du jury
du Quadriennale de Prague, exposition
de scénographie internationale organisée par l’Institut du théâtre. Caya Ma-
12
Grâce à la coopération avec
l’Institut du théâtre pragois,
ont été publiées dans la collection Pièces contemporaines les
titres suivants (dont beaucoup
ont été présentées en première
radiophonique à la Radio tchèque 3 – Vltava ou jouées aux
théâtres Disk, Na Prádle, Na
voru ou Viola):
2002 – P’tite souillure, de Koffi
Kwahulé;
2003 – La fable du cloître des
cimetières, de Caya
Makhélé;
2004 – Le masque de Sika,
de José Pliya;
2005 – Le petit frère du rameur
et La balade des voisins
anonymes, de Kossi
Efoui;
2006 – Les jours se traînent,
les nuits aussi, de
Léandre Alain Baker;
2007 – Antoine m’a vendu
son destin, de Sony
Labou Tansi.
khélé est venu deux fois comme invité
de la Foire internationale Svět knihy et,
l’année dernière, il a conduit le séminaire de création littéraire dans le cadre du
festival du théâtre d’amateurs Jiráskův
Hronov. Le festival et les auteurs africains font connaître la culture tchèque
à l’étranger, car la manifestation est
couverte par les médias étrangers, tels
les périodiques français Africultures et
Notre libraire ou la radio RFI, ou encore le magazine Internet croate Teatar.
Caya Makhélé va même jusqu’à affirmer: «C’est très bien qu’il y ait en
France des manifestations qui informent le public sur les auteurs, théâtres,
art et culture africains. Mais nous autres Africains sommes liés avec la France par un passé douloureux. Moi, je
vois l’avenir du théâtre africain plutôt
dans l’Est, en Tchéquie par exemple.
C’est mon opinion depuis ma première
visite à Prague.»
Et il ajoute avec humour: «Moi, par
exemple, je me suis découvert des racines slaves en Tchéquie.»
Les Africains tchèques sur
les planches
En plus de la présentation des auteurs
africains, le festival poursuit un autre
objectif encore: celui d’introduire les
Africains tchèques dans le paysage culturel tchèque. Ceux-ci organisent annuellement des spectacles de musique,
de chant ou de danse et, de plus en plus
souvent, ils se présentent par le théâtre
et par la littérature. On croit généralement qu’il n’y a pas chez nous d’acteurs
africains. Mais c’est faux – ils ne sont
pas nombreux, mais il y en a. Seulement, les metteurs en scène tchèques ne
savent pas (à quelques exceptions près)
les utiliser de façon adéquate en insistant sur leur «exotisme». Il
y a tout de même des cas où
les acteurs d’origine africaine sont appréciés et employés pour leur compétence d’acteur, pas seulement pour leur
origine. Ce n’est pas là seulement
un problème artistique: c’est la
question de l’intégration de cultures différentes qui est l’affaire de
toute notre société. Ainsi par exemple
Adda Keddam, acteur et poète d’origine algérienne, vit et travaille dans notre
pays et il écrit en tchèque; ou Paul
American, acteur et dramaturge originaire de l’Angola, auteur de la première
spectacle était la production de l’Association des citoyens du Bénin vivant en
République tchèque et il a attiré une
attention inattendue. C’est qu’il apporte
de nouvelles sources d’inspiration et
une nouvelle sensibilité, qu’il s’attaque
à des thèmes sociaux et personnels
tabouisés et s’emploie à faire accepter
l’émancipation des personnes venant
des cultures extra-européennes dans la
société majoritaire.
En Europe via Afrique
Bien que le festival grandisse d’année
en année et que son prestige et son niveau artistique montent, il est toujours
– au bout des six ans d’existence –
un grand petit festival limité dans ses
possibilités par les aides financières
consenties. Jusqu’ici, ses invités se recrutaient parmi les Africains vivant en
Europe (invitation d’un ensemble ou
d’auteurs vivant en Afrique était jusqu’ici du domaine de rêves) il a chaque
année proposé un programme de qualité, attrayant et révélateur. On réussit
toujours davantage à associer aux activités du festival non seulement les
jeunes, mais encore la communauté africaine locale, membres de minorités et
étrangers venus d’autres parties du
monde. La portée du projet ne réside
pas dans la durée, la fréquentation ou
le retentissement du festival dans les
Festival de Hradec Králové: étudiants achetant la
nouvelle édition de la pièce de Sony Labou Tansi.
Pendant la soirée de clôture, le foyer du théátre Divadlo
na prádle s’est transformé en un petit marché africain.
pièce écrite en tchèque par un auteur
africain. Selon cette pièce a été créée
l’année passée une performance portant
le titre Capoeira ou d’Afrique et
du Brésil à Prague. Dans l’histoire du
théâtre tchèque, c’est le premier spectacle écrit et monté par les Africains
vivant en République tchèque. Ils y parlent ouvertement de leurs racines et
de leur déracinement. Avec un sourire
parfois crispé, ils parlent de leur culture,
de l’histoire de leur ethnie et de la quête
de leur place dans les pays tchèques. Le
médias... Ce ne sont là que des marques
extérieures de son vrai rôle qui consiste
à combler les lacunes subsistant dans
nos têtes et dans nos coeurs. Cet effet
n’est certainement pas immédiat, il s’agit
plutôt d’une course de fond. Il y a
plusieurs chemins menant à la société
multiculturelle en Europe. Le nôtre
passe par l’Afrique!
Lucie Němečková, directrice du festival
Photos: Caya Makhélé, Ladislav Mareš,
archives du festival Afrique créatrice,
archives de Monique Blin
Festival Afrique créatrice 2003.
13
Une seconde patrie au
coeur de l’Europe
J’ai eu du plaisir à aller voir trois
Africains vivant en Tchéquie. Nés dans
différentes parties de l’Afrique, ils
étaient venus dans notre pays dans
le cadre de programmes d’études organisés par la Tchécoslovaquie pour
aider l’Afrique. Les débuts de leur
séjour chez nous avaient été bien difficiles, car il leur fallut s’adapter au
milieu liguistique tchèque. Ils surmontèrent tous ces difficultés, trouvèrent
en Tchéquie leur seconde patrie et finirent contents par s’établir chez nous
dans des professions différentes.
M. Yohannes Alemayehu vint en
Tchécoslovaquie à l’âge de quatorze ans
dans le cadre d’un programme d’études
du gouvernement éthiopien. S’il fut choisi
pour y participer à un âge aussi tendre,
c’était attribuable à deux facteurs: la mort
de son père et une bonne moyenne scolaire. «On pouvait choisir où aller et pri-
14
mitivement, je voullais aller en Cuba.
Mais j’ai fini par me retrouver à l’école secondaire d’agriculture, à Prague. A l’époque, j’étais une figure exotique pour les
Tchèques, tandis qu’à présent, je fais une
partie naturelle de la foule, au moins à
Prague. Mais dans une petite ville, j’éveille toujours le même émoi qu’autrefois.»
J
e demande à M. Yohannes comment
les Tchèques l’acceptent. «Comme je vis
ici depuis vingt ans, j’ai pu assister au
changement du régime social que je
jugeais avec mes yeux d’étranger (noir
par dessus le marché). L’ouverture des
frontières et la possibilité de voyager
après la chute du communisme ont permis à la jeune génération de sortir du
pays. De retour dans le pays, ces jeunes
n’ont aucun problème à communiquer
avec un noir. C’est pour eux une chose
naturelle. Un quadragénaire tchèque a
un horizon un peu plus limité, ce qui peut
susciter des embarras de communication. C’est une survivance du communisme. Ce n’est pas un problème de gens en
tant que tels, mais plutôt d’idées fixes.
A l’Ecole supérieure d’agriculture, un
copain avait des problèmes avec un gars
qui sympathisait avec le mouvement des
skinheads. Il ont fini par devenir amis!»
L
e premier choc linguistique, M.
Yoannes le surmonta grâce au cours
intensif du tchèque qui dura huit mois.
Comment voit-il les possibilités des
Africains qui arrivent dans notre pays
à l’heure actuelle?
«Quand un Africain entend parler
tchèque, il se dit: jamais de la vie je ne
saurai apprendre cela. Il préfère donc la
France, l’Angleterre ou l’Allemagne.
Quant au travail, je n’ai pas eu de problème et, aujourd’hui, je travaille même
«mon jardin» (café Internet au centre de
Prague). Rien que pour voir, j’ai récemment envoyé mon curriculum à une
agence et, aussitôt, on m’a offert deux
emplois convenables. Quand on cherche
vraiment, on trouve. Le tchèque constitue
la condition fondamentale, mais même
les Africains ne parlant que français ou
anglais trouvent un bon emploi dans
les firmes étrangères.
Le tchèque? Il ressemble à mon amharique natal par la richesse de significations: vous pouvez exprimer la même
chose de plusieurs manières différentes.
C’est une langue diplomatique, car
elle permet de dire d’une façon délicate
même des choses peu flatteuses sans
offenser l’autre. Aujourd’hui, je me rends
compte des potentialités dont le tchèque
m’a enrichi: grâce au tchèque, je comprends assez bien les autres langues
slaves – le slovaque, le polonais et même
le russe.»
Là-dessus, M. Yohannes dévoile son
côté de propagateur des échanges commerciaux: «Les relations tchéco-éthiopiennes actuelles appellent un redressement, à mon avis. La Tchécoslovaquie
était un pays très bien connu en Ethiopie.
On y connaît les brasseries tchèques, les
«Checos» – armes tchèques, les grands
projets industriels que les Tchèques ont
réalisés en Ethiopie. Les usines construites par les Tchèques fonctionnent
toujours. Je crois que les Tchèques qui
se sont un peu détourné de l’Afrique
après la révolution, devraient y revenir.
Les autres – Chinois et pays occidentaux
– remplissent aujourd’hui l’espace commercial traditionnel que vous avez quitté
chez nous. C’est dommage que de laisser en jachère les riches relations établies. L’Ethiopie reprend aujourd’hui la
construction de brasseries, de centrales
électriques et d’autres grandes entre-
sprises industrielles. Je crois que les
Tchèques peuvent revenir. Qu’ils devraient revenir...»
M. Ibrahima Ndiaye (Sénégal) connaissait la Tchécoslovaquie depuis sa
tendre enfance, grâce au sport. Avec ses
copains, on découpait dans les journaux
les photos de footbalistes tchèques et on
s’amusait à les représenter. Venu en
Tchéquie comme boursier pour faire des
études supérieures, il est aujourd’hui
ingénieur nucléaire au service de l’Ecole
des Hautes Etudes Techniques. Cependant, il ne saurait nier son désir d’études
philosophiques et humanitaires. A la
question si les Tchèques ont sur l’Afrique des idées erronées, il répond: «Il
n’est pas exclu que se soient les Africains
eux-mêmes qui ont sur leur existence et
sur leur continent les idées les plus fausses: ils sont, en effet, le moins instruits.
C’était là une des raisons qui ont fait
qu’à l’école secondaire en Afrique, j’ai
pris volontairement la décision d’étudier.
Je me suis dit alors: il doit y avoir une
liaison entre la situation en Afrique et
l’information et l’instruction des gens
qui y vivent. Cette situation restera telle
quelle, tant que l’on n’atteindra pas un
seuil donné du savoir et de l’instruction.» A travers son amour de littérature,
M. Ibrahima fit la connaissance de la culture tchèque. «A l’Ambassade tchèque
de Dakar, on était bien surpris quand
je suis venu demander le volume deux
de Chvéïk. ‘Vous connaissez le livre?’
m’a-t-on demandé. Quand j’ai répondu
en récitant de nombreuses citations du
livre, à commencer par ‘Eh bien, on nous
a tué le Ferdinand...’, on était ravi et,
aussitôt, on alla chercher le livre. Dans
15
ce livre, il y a l’homme... Hašek vous
instruit en se jouant, le lecteur accède à
une grande sagesse tout en s’amusant.
Dans votre musique, j’aime Dvořák – il
était ouvert aux autres cultures, il y a
chez lui des échos de la musique noire,
il était le premier, peut-être, à voir dans
le jazz l’avenir de la musique. Il a su
intégrer d’autres cultures dans sa musique et montrer ainsi ce qu’il y a d’ universel dans l’homme.»
as fait connaissance de toute la République tchèque? me demandaient-ils. Et
pourtant, je sentais dans mon entourage
une sorte de condescendance à l’égard
de la Tchéquie en tant que pays trop
«oriental». Mais il m’était facile de la
L
es propos suivants de M. Ibrahima, imprégnés d’un patriotisme tchèque
sincère pourraient faire honte aux tchèques eux-mêmes: «Depuis que je suis
dans ce pays, je m’efforce constamment
de vous comprendre. J’ai lu Jugmann,
Masaryk...j’ai à la maison tout cela et je
le connais bien. On ne peut pas comprendre les gens et les accepter si l’on
ignore leur histoire, leur littérature, leur
culture. Du moment que vous les avez
bien connus dans ces domaines, vous les
comprenez. Et c’est comme cela que je
me suis rendu compte que, par toute sa
nature, la nation tchèque défend les valeurs humanitaires.
Quand je vivais au Sénégal, je recevais par mois jusqu’à une cinquantaine
de lettres de mes amis tchèques. Mes
parents n’en croyaient pas leurs yeux: tu
16
dissiper – par le fait, par exemple, que
les spécialistes français insignes m’ont
proposé la collaboration dès qu’ils ont
vu mon diplôme tchèque. Avec mon cousin, c’était plus curieux: il travaillait
comme conducteur d’autobus. Je lui ai
parlé pendant qu’il sillonnait la ville
assis au volant de l’autobus Saviem que
les Tchèques fabriquaient en coproduction avec les Français. Il ne voulait
pas croire que son véhicule était un produit tchèque et moi, pendant le trajet,
je lui traduisais les inscriptions tchèques
sur la table de bord. Un peu plus tard,
j’ai même amené en Tchéquie un commerçant sénégalais et nous avons visité ensemble l’usine Avia de Letňany,
à Prague, où l’on fabriquait les autobus
en question.»
Mlle Ndeshipanda Alisa Nangolo
vint dans l’ancienne Tchécoslovaquie
dans des circonstances bien dramatiques.
«Quand je suis née, il y avait la guerre en
Namibie. Je n’avais pas encore un an
quand mes parents se sont enfuis en
Angola. Jusqu’à sept ans, j’ai grandi
sans eux dans un camp de réfugiés. En
1985 est venue l’aide tchécoslovaque et,
depuis, j’ai vécu avec une cinquantaine
d’autres enfants en Tchécoslovaquie
jusqu’à l’âge de treize ans. En 1990,
la Namibie a accédé à l’indépendance
et nous avons pu rentrer en sécurité.
C’est alors que j’ai revu pour la première fois mes parents et j’ai noué avec
eux de beaux rapports qui durent toujours. Bien que mon enfance ait été
marquée par la guerre, elle m’a fortifiée
et, souvent, je prend la vie autrement
que mes camarades qui n’ont pas vécu
la guerre.»
C’est ce qu’elle a vécu dans son enfance qui a donné à Ndeshi un désir insistant
d’être utile aux autres.
«Je fais mes études à l’Université de la
Bohême du Sud et tous les mémoires que
j’ai écrits à l’école – sémestriels ou de
diplôme – sont consacrés aux enfants des
rues namibiens. La thèse à laquelle je
travaille actuellement examine l’impact
du SIDA sur la vie d’enfants et de jeunes
en Afrique subsaharienne. A Windhoek,
capitale du pays, j’aide à faire marcher
le centre d’enfants Katutura Children’s
Shelter qui enregistre une cinquantaine
d’enfants des rues. Leur fréquentation
scolaire régulière pose, toutefois, des problèmes. Il faut les nourrir, mais aussi
mieux les motiver, pour les cours d’artisanat, par exemple, pour qu’ils puissent
commencer à travailler, aussitôt leur
scolarité terminée. Pour ceux qui veulent
faire des études, on trouve des bourses
financées par le gouvernement. Dans le
centre, il y a aussi des «mères de remplacement», car le but du projet est de créer
pour les enfants un véritable chez-soi»
Parallèlement aux études je travaille
comme mannequin et je rencontre donc
des personnes qui peuvent aider le projet
en tant que sponsors. Il nous faut des
sponsors pour n’importe quelle vétille:
tout récemment, j’ai eu le plaisir de trouver un sponsor «pour les édredons».
La coopération avec le professeur Vurm,
ancien doyen à l’Université de la Bohême du Sud, et avec d’autres personnes
de cette institution, représente pour moi
un soutien énorme. A l’heure actuelle,
on envisage même de créer en Namibie,
sous le patronage de la faculté sociale
et sanitaire, un centre clinique universitaire où les étudiants pourrait venir
faire leurs stages.
Les enfants des rues m’empêchent de
dormir et je ne serai tranquille qu’au
moment où je serai arrivée à faire quelque chose pour eux. La République tchèque est vraiment allée au devant de mes
souhaits et m’a influencée beaucoup.
A un point que, en vacances en Namibie,
je finis par annoncer à mes parents que
je rentre «chez moi, en Tchéquie...»
Vojtěch Przemysl
Photos: Petr Moško, archives
de la rédaction.
17
Construction de la
paix en Afrique
L’impulsion première pour la constitution des forces armées tchèques et slovaques – des Légions tchécoslovaques –
pendant la Première guerre mondiale,
était l’aspiration ardente à la création
d’un Etat indépendant, partagée par les
émigrés et par les prisonniers de guerre
tchèques cantonnés dans les camps de
prisonniers en Russie et en France. Ils
désiraient combattre pour la libération de
leur pays natal en procédant toujours
dans l’esprits des idéaux démocratiques
et humanitaires. Leur patrie étant encore
sous la dépendance de l’Autriche-Hongrie, ils ne pouvaient combattre pour elle
qu’à l’étranger – aux côtés de leurs alliés
en France, en Serbie, en Italie et en Russie.
18
Les soldats tchèques qui retournaient de
Russie dans le pays via Extrême-Orient
furent les premiers à entrer en contact avec
le continent africain en visitant les pays
tels que l’île Maurice, Madagascar ou Djibouti et les ports de l’Afrique orientale.
Pendant la Seconde Guerre mondiale,
une autre génération de soldats tchèques,
chassés de Tchécoslovaquie par les occupants nazis, entra dans la lutte pour la
patrie – de nouveau à l’étranger... Combattant contre les nazis et leurs alliés
dans les rangs de l’armée française, britannique ou américaine, de nombreux
combattants tchèques prirent part aux
combats sur le continent africain et perdirent la vie dans des offensives importantes, telles que celle de Tobrouk.
Renouant avec cette tradition, les soldats tchèques, de même que les observateurs tchèques militaires et civils, ont
pris part – sous l’égide de l’O.N.U. – aux
nombreuses opérations de paix en Afri-
que. Compte tenu des relations
étroites traditionnelles de notre
pays avec l’Angola, les officiers de l’Armée tchèques ont
pris place dans les missions de
paix de l’ONU dans ce pays –
UNAVEM I et II. La tâche de
ces missions consistait à surveiller, à partir de 1988, le retrait
des troupes cubaines de la
partie méridionale de l’Angola
dans le Nord du pays. Le soutien de longue durée accordé
à la SWAPO (Organisation du
peuple du Sud-Ouest africain)
aboutit un an plus tard à la
délégation d’un autre groupe
d’officiers tchèques et slovaques dans le groupe d’assistance UNTAG ayant pour mission
d’assurer l’indépendance de la
Namibie et de surveiller la préparation et le déroulement des
premières élections démocratiques dans ce pays.
Un groupe de vingt observateurs tchèques fut envoyé aussi
au Mozambique, un autre pays
uni au nôtre par des liaisons
de longue durée, pour y prendre part à l’opération de paix
ONUMOZ. En 1993, quinze autres observateurs militaires tchèques furent délégués (comme les
Participation de soldats et d’observateurs
tchèques aux missions de l’ONU en Afrique
1988-1991
1991-1992
1989-1990
1992-1993
1992-1997
1992-1994
1998-1999
199920002003-
Angola
Angola
Namibie
Somalie
Liberia
Mozambique
Sierra Leone
Congo (Kinshasa)
Ethiopie/Erythrée
Liberia
UNAVEM I
UNAVEM II
UNTAG
UNOSOM I
UNOMIL
ONUMOZ
UNOMSIL
MONUC
UNMEE
UNMIL
seuls Européens) au Liberia
pour y contrôler l’armistice
entre différentes fractions en
guerre. Comme cette mission
UNOMIL comportait aussi des
tâches humanitaires, les observateurs tchèques s’employèrent beaucoup à aider la population locale souffrant de
grandes privations. La même
chose vaut pour leur mission
au Sierra Leone voisin où ils
faisaient partie du contingent
de la mission d’observation
UNOMSIL.
Quoique le plus grand nombre des observateurs militaires
et autres membres de nos forces
armées fassent partie des missions de l’ONU, de l’OTAN et
de l’UE dans les pays de l’ancienne Yougoslavie, en Irak et
en Afghanistan, le contingent
africain n’est nullement négligé. Des observateurs militaires
tchèques participent aux opérations actuelles de l’ONU
dans la République démocratique du Congo (MONUC), à
la frontière entre l’Ethiopie et
l’Erythrée (UNMEE) et au
Liberia (UNMIL).
Propos recueillis par la Rédaction.
Photos: Jan Šibík, archives de l’auteur.
19
20
Jablonex – du Maroc jusqu’en République
d’Afrique du Sud
L’intéressante histoire de la vie du premier commerçant de notre pays faisant des
affaires en Afrique noire se situe dans les années 1870 et 1880. C’est celle d’Albert
Sachse, Allemand de Jablonec, fabricant et exportateur de la bijouterie de fantaisie.
La firme de Sachse réussit à s’implanter sur les marchés d’Afrique occidentale et méridionale et ses employés apportaient du terrain des modèles et des idées que les ouvriers
suivaient en confectionnant les bijoux que les commerçants retournaient vendre en Afrique. Jablonec nad Nisou hérita de Sachse une collection d’oeuvres artistiques de valeur
et un premier dictionnaire anglais-yoruba.
L’histoire de l’exportation en Afrique des articles de Jablonec (perles de verre grandes et petites, colliers, bracelets, boucles d’oreille) commence aux temps des premiers
explorateurs qui emportaient les perles de verre en tant qu’instrument de paiement très
apprécié par les indigènes. Des générations entières de femmes africaines utilisent ces
menus objets pour leur embelissement, étant parfois surpassés par les hommes dans le
domaine de décoration.
Avec le temps, les perles de verre prirent dans certaines régions une autre fonction
encore – celle de communication. La couleur des petites perles portées au cou signalait la situation du propriétaire dans la communauté, son état de famille ou, le cas
échéant, son désir de trouver un partenaire. L’envoi de perles de verre ou d’autres
objets de couleur déterminée aux personnes de sexe opposé équivalait à une lettre
d’amour. Dans les récits de vieux commerçants du pays de Jablonec sont souvent mentionnées les doléances de marchands indigènes se plaignant des récriminations des
jeunes, non contents des livraisons insuffisantes de petites perles roses, car cela entravait les entrées en contact.
Les petites perles de verre tchèque sont utilisées, en effet, depuis le Maroc jusqu’en
République d’Afrique du Sud. Depuis plus de cinquante ans, c’est la firme Jablonex
qui est leur fournisseur exclusif. Chaque année, elles se déplacent par des centaines de
tonnes du pays de Jablonec vers tous les coins de l’Afrique. Les caisses de bois ont été
remplacées par des cartons et containers. Les commerçants ne voyagent plus des mois
durant à travers de nombreux pays pour prendre des commandes pour la saison prochaine, mais sont assis à leur ordinateur en épluchant leur courrier électronique. Les
temps changent, mais, en Afrique, le désir de s’embellir est constant.
Photos: archives de la société Jablonex.
21
Aide à l’Afrique
L’Afrique et la pauvreté. L’Afrique
et la croissance économique. Les deux
titres correspondent à la réalité et ne se
contredisent pas. Une grande partie des
pays, dits le moins développés, se trouvent, en effet sur le continent africain.
C’est l’Afrique subsaharienne qui a été
frappée le plus inexorablement du fléau
du virus HIV du sida. Mais d’un autre
côté, la plupart des pays africains accusent une croissance économique, notamment ceux qui ont sur leur territoire des
gisements de pétrole ou d’autres richesses naturelles. Cependant, même pour les
économies des autres pays, on constate
en moyenne un accroissement sensible.
On observe avec satisfaction que cette
croissance ne concerne pas seulement les
indices du P.N.B., mais aussi ceux de la
qualité de vie de la population.
C’est en vue d’une diminution de la
pauvreté des gens concrets que la communaté internationale a convenu des huit
Buts du développement pour le millénai-
22
re bien contrôlables. Parmi les objectifs
de l’ONU figure, par exemple, la lutte
contre la faim, la baisse de la mortalité
des nourissons ou l’accès à l’instruction
primaire. Ils ont tous le même délai de
réalisation: 2015. Pour certains de ces
objectifs, les pays africains réussissent
à faire des progrès, mais les améliorations obtenues n’indiquent pas que le délai fixé pourrait être tenu. Pour que la
pauvreté diminue vraiment, il faut que
le Nord globalisé tende à l’Afrique une
main secourable ferme et sensible. Il
convient donc d’ajouter un troisième
titre: L’Afrique et la coopération au développement. Ces dernières années, il est
réalisé aussi avec une contribution croissante de la République tchèque.
I
l n’y a pas longtemps, la coopération de la République tchèque au développement à l’étranger était peu importante comparée aux donateurs plus
avancés. Dans le cadre de l’Union européenne, cependant, elle est en train de
rattrapper son retard. Entre 2001 et 2005,
le volume des moyens financiers dégagés pour l’aide au développement a triplé
et on prévoit son augmentation, afin que la
République tchèque remplisse l’engagement commun des pays membres de l’UE.
La politique adoptée par le gouvernement tchèque se conforme aux objectifs
de longue durée de l’Union européenne
qui a adopté en 2005 une Stratégie de
l’UE pour l’Afrique. Ce texte insiste sur
le soutien d’une bonne gouvernance et de
la sécurité en tant que condition indispensable du développement, des relations
commerciales et de l’intégration. En établissant le programme de la coopération
au développement pour la période 20062007, le gouvernement de la République
tchèque a choisi les pays cibles prioritaires de l’aide tchèque: pour l’Afrique,
c’est l’Angola et la Zambie.
L’Angola a été choisi à cause d’un très
grand besoin d’aide, combiné avec la tradition très solide de coopération entre ce
pays et la République tchèque (et l’ancienne Tchécoslovaquie). Pays du SudOuest du continent, l’Angola compte
parmi les pays dits «le moins développés» du monde. Son économie est, représentée à 60 % par l’extraction du pétrole,
secteur qui ne donne à la lutte avec la
pauvreté qu’une aide limitée. L’Angola
se remet peu à peu des suites de la guerre civile qui opposa pendant une tren-
taine d’années le gouvernement et le mouvement insurrectionnel UNITA.
L
’aide tchèque à l’Angola se concentre sur le développement de l’agriculture et de l’instruction publique. Dans le
domaine de l’instruction, la République
tchèque insiste sur les écoles primaires
et sur les écoles secondaires professionnelles avec la spécialisation agricole.
C’est dans cette perspective que se situe
le projet de l’Université agricole tchèque,
présenté dans un texte ci-dessous.
En Zambie, le besoin de l’aide est
aussi très grand et la tradition des rela-
tions avec ancienne Tchécoslovaquie y
est également présente. Vers 58 % de la
population de ce pays vivent dans l’extrême pauvreté. Cependant, le développement du pays est freiné par l’épidémie
du sida, un cinquième de la population
en âge actif étant atteint du virus HIV.
Pour la coopération au développement,
notre pays a donc choisi comme domaine
central de son aide la santé publique. Le
soutien ira aux projets de renforcement
de la protection maternelle et infantile
surout dans le milieu rural. C’est que la
société zambienne souffre cruellement
de la grande mortalité des mères et des
nourissons. Un autre but poursuivi par
l’aide tchèque est l’amélioration de la
qualité des interventions chirurgicales
dans les hôpitaux de province.
Le travail des réalisateurs du programme
de coopération n’est pas limité aux seuls
pays prioritaires. Il contribue, de même que
les moyens financiers venant de la République tchèque, à la réalisation des objectifs du millénaire également en Ethiopie,
au Kenya, au Malawi, en Namibie, au Sénégal et dans d’autres pays du continent.
Milan Konrád
Centre de développement
www.rozvojovestredisko.cz
Photos: Centre de développement
23
ANGOLA
Ecole d’agriculture tchèque
En février, l’Ecole secondaire d’agriculture de Kuito, créée dans le cadre
de la coopération tchéco-angolaise, a
ouvert ses portes pour sa quatrième
année scolaire. Cette année, les premiers élèves angolais y passeront leur
baccalauréat pour prendre ensuite les
postes de spécialistes agricoles au sein
des organisations gouvernementales ou
non gouvernementales et pour participer au renouveau de l’agriculture
angolaise dans le cadre des fermes privées. Au bout de la guerre civile aui a
duré plusieurs décennies, on assiste au
rétablissement de la tradition interrompue de la formation agricole et de
l’échange d’expériences.
L
e fonctionnement de l’école est
assuré par cinq professeurs tchèques
et dix professeurs angolais. Le projet
dont le nom officiel est Centre d’éducation agricole de la province Bié
propose, en dehors de l’enseignement
24
secondaire régulier, la formation parascolaire destinée au public intéressé.
Le centre dispose d’une salle d’ordinateurs avec Internet et équipée de
bases de données électroniques, d’une
bibliothèque spécialisée, d’un laboratoire agrochimique, d’un établissement avicole pilote et d’une ferme.
Du côté tchèque, le projet est financé, à partir de 2003, par le ministère
de l’Instruction, de la Jeunesse et de
l’Education physique; il est réalisé par
l’Institut des zones tropicale et subtropicale de l’Université agricole tchèque.
Le financement est promis jusqu’en
2008, date où toute l’école sera définivement remise entre les mains des
Angolais. Le gouvernement de la Province de Bié, partenaire angolais du
projet, assure le salaire des pédagogues et du personnel angolais et met à
la disposition du Centre les bâtiments,
les services logistiques y compris.
Jiří Hejkrlík
Photos: Université agricole tchèque.
SÉNÉGAL
Sauvetage d’une antilope rare
Le Parc national Niokolo Koba, au Sénégal, est probablement le seul endroit du
monde où il est possible de voir à l’heure
actuelle le sous-genre occidental de l’antilope
Derby (Tragelaphus derbianus derbianus).
Cependant, le dénombrement des animaux
réalisé en mai 2006 a démontré que cet animal majestueux (les mâles peuvent atteindre
un poids de 1000 kg) est ici au bord de disparition. Sa population actuelle ne compte que
150-200 d’individus et, compte tenu de la
pression permanente des habitants (pacage du
bétail, chasse) et de la dégradation de l’écosystème qui en découle, l’avenir de la plus
grande antilope du monde est très incertain.
Cette situation critique a donné naissance au
programme de sauvetage, protection et élevage
de l’antilope Derby au Sénégal. La République
tchèque s’est jointe au programme à sa façon.
L’Université agricole tchèque (Institut des
zones tropicale et subtropicale) collabore, en
effet, avec la Société de protection d’animaux
et d’environnement au Sénégal et avec la Direction des parcs nationaux du Sénégal.
La réalisation du projet a commencé en
2000 par la prise de six animaux dans le Parc
national Niokolo Koba. La troupe a été placée
dans un parc spécial au sein de la Réserve
Bandia. C’est ainsi qu’est né au Snénégal l’élevage – premier au monde – du sous-genre
occidental de l’antilope Derby, premier pas
vers son sauvetage. Les deux premiers jeunes
sont nés vers la fin 2002 et, depuis, la harde a
grandi et compte aujourd’hui 43 individus.
Dans les années 2000-2002, le projet recevait
des subsides prélevés sur les moyens de la Coopération au développement tchèque.
La stratégie du programme consiste à créer
plusieurs groupes d’élevage en captivité et
d’obtenir ainsi un nombre d’animaux suffisant en vue de leur réintroduction future
dans leur écosystème d’origine, celui du Parc
national Niokolo Koba. En 2003, on a aménagé un parc spécial dans la Réserve Fathala
(Parc national du Delta de Saloum) en vue de
l’élevage et de reproduction de l’antilope
Derby et on y a introduit neuf animaux mâles
nouveaux. Un autre groupe d’élevage a été
constitué en 2006 dans le nouveau parc de la
Réserve Bandia.
Les spécialistes tchèques prennent une part
active à cet élevage de sauvetage, tant pour ce
qui est de sa réalisation que pour la recherche.
Ils surveillent systématiquement la reproduction et les rapports de parenté entre les animaux du groupe, afin de préserver la variabilité génétique maximum. Leur tâche consiste
à proposer la meilleure stratégie pour la reproduction future en vue de la sauvegarde de
cette espèce menacée.
Markéta Antonínová, Pavla Hejcmanová,
Kateřina Tomášová, Petr H. Verner
Photos: Université agricole tchèque.
25
KONGO ET ZAMBIE
L’adoption à distance en essor
En 2006, la Charité de l’archidiocèse de Prague a élargi son projet Adoption à distance sur
la Zambie et la République démocratique du
Congo en renouant avec ses riches expériences
acquises en Inde et en Ouganda. Le projet permet
aux enfants choisis d’acquérir l’instruction dans
leur propre milieu culturel. Par d’autres projets,
la Charité aide au développement
de localités entières. L’avantage du projet
réside dans le caractère ciblé et transparent de
l’aide, dans son grande efficacité et dans le fait
que ce type de coopération au développement
apporte des résulatats durables.
En Zambie, l’aide va aux enfants pauvres de
la partie septentrionale du pays: grâce à l’aide de
donateurs et de l’Ambassade tchèque, 160 enfants
de l’école St.-Charles de Solwezi ont reçu une
aide d’instruction. Depuis un an, le Tchèque Aleš
Vacek est présent à Solwezi même et surveille le
financement du projet, organise des rencontres
d’éducation pour les enfants et leur donne des
leçons d’éduction artistique et d’anglais.
En République démocratique du Congo, le
projet a renoué avec les activités de l’organisation Chemin-Neuf, qui travaille avec les enfants
des rues et fait marcher une école primaire à
Kinshasa. L’objectif de l’organisation consiste à
faire retourner les enfants des rues dans leurs
familles, tant que c’est possible et propice pour
l’enfant, et à trouver pour les autres des familles de remplacement. Les assistants sociaux du
Centre d’enfants des rues offrent leur aide psychologique et chaque fois qu’un enfant s’intègre
à une famille, ils cherchent pour lui une école
convenable, car la fréquentation scolaire est le
point clé de tout le processus.
Les donateurs tchèques aident financièrement 46 familles pour qu’elle puissent assurer
la scolarité des enfants qui, dans le passé,
ont quitté leur famille pour vivre dans la rue.
Le projet s’étend aux enfants nécessiteux de
Makala, quartier pauvre de Kinshasa, où il
26
finance à l’heure actuelle la scolarité et les soins
de santé de 110 enfants.
Un vendredi treize heureux à Solwezi
Ce vendredi treize, il y avait à Solwezi la
«Journée sportive» des élèves de l’école primaire de la St.Charles Academy. Pour les enfants de
la localité, c’était la première grande manifestation organisée à leur intention. Les tournois devaient commencer vers neuf heures, mais les enfants
sont venus à l’école dès sept heures et demie, ce
qui n’est vraiment pas habituel en Afrique.
Dès les premiers moments du tournoi de football, c’était la classe de sixième qui faisait figure
de favori, mais elle a perdu de façon étonnante le
duel de la finale contre la classe de quatrième. Il a
fallu recourir aux penalties pour décider du vainqueur et c’est l’équipe de la classe de sixième qui
a gagné. Après la rencontre, l’instituteur Kalukoma
qui était juge-arbitre du tournoi, a déclaré: «Les
gars de toutes les équipes ont fait de leur mieux,
ils se sont dépensés au maximum, bien que tout
se soit déroulé dans une grande chaleur. On a
joué un bon football, propre et sans charges.»
Le tournoi de basket-ball féminin avait plutôt l’air
d’une rencontre de rugby. Il y avait des moments
dramatiques, pendant la rencontre des classes de
quatrième et de sixième, il y a eu des prises de bec et
même des bagarres entre les fillettes, de sorte qu’il a
fallu interrompre le match. Mais après un temps
mort, on a repris. Même ici, c’est l’équipe de la
classe de sixième qui a gagné. Les élèves les plus
petits ont participé à une course de relais, courte et
longue, et il y a eu aussi une grande course en sacs.
A la fin des luttes sportives, il y a eu un excellent déjeuner: on a servi du poulet au riz, de la
sauce aux légumes et, bien entendu, de la limonade bien fraîche. Il est vrai qu’en Zambie, le plat
principal et préféré entre tous est la shima faite
avec la farine de maïz, mais – à l’heure du repas
– personne n’en avait cure.
Suivit la proclamation solennelle des vainqueurs, la distribution des diplômes et de prixfriandises. N’ont pas été oubliés ni les vaincus et
les supporteurs, de sorte que personne n’est parti
les mains vides. En dépit du fait qu’en Afrique on
croit toujours beaucoup aux superstitions et à la
sorcellerie, ce «vendredi treize» n’apporta que
de grands sourires sur les visages des enfants de
la St.Charles Academy.
Daniela Gorylová
Photos: Adoption à distance.
L’HOMME EN DÉTRESSE
en Ethiopie
Les projets de la société L’Homme
en détresse pour l’Ethiopie, envisagés
ou déjà commencés, sont consacrés
à l’instruction entendue de façon très
ample. Citons comme exemple le forage d’une profondeur de 254 mètres
combiné avec un vaste système de distribution d’eau s’étendant sur quatre
circonscriptions avec 12 000 habitants
environ. L’adduction d’eau potable
permettra, en effet, que les jeunes filles locales fréquentent l’école au lieu
de consacrer leur temps au portage
quotidien de l’eau d’une distance de
quelques kilomètres.
L
es projets en réalisation sont financés des fonds de la Coopération au
développement tchèque. Le mot «coopération» caractérise mieux le travail
en Ethiopie que le mot «aide» si fréquemment employé.
L’Awassa Boarding School, école
secondaire d’internat, a été construite,
dans les années 2004-2005, avec les
moyens financiers du ministère d’Instruction publique tchèque aux abords
d’Awassa, ville de 140 000 habitants.
L’école reçoit les élèves dont les parents sont morts du SIDA, afin qu’ils
aient les mêmes chances d’instruction
que les autres; qu’ils ne soient pas
obligés de renoncer à l’école afin
d’assurer la subsistance de leurs frères
et soeurs et de leurs grands parents. Le
but est, donc, d’arrêter le flot d’orphelins promis à finir dans la rue. En dehors de l’instruction secondaire cou-
rante, les cent-soixante élèves ont la
possibilité de faire l’apprentissage de
menuisier, de forgeron, de couturier ou
de cuisinier-serveur. Après l’examen
national au bout de dix ans de scolarité, ils peuvent obtenir un travail qualifié ou continuer les études.
Un autre projet, payé lui-aussi des
fonds du ministère de l’Instruction
publique tchèque, a pour but de favoriser l’introduction de méthodes pédagogiques nouvelles dans le système
d’instruction éthiopien. En janvier
2006, un Centre de méthodes d’enseignement modernes a été ouvert au
sein de l’Institut pédagogique d’Awassa. La méthodologie spéciale avait été
élaborée par des spécialistes d’enseignement tchèques. Leur tâche consistait
à mettre au point un manuel destiné
aux formateurs et instituteurs éthiopiens. Les lecteurs conduisaient des
cours de formation pour les instituteurs d’écoles primaires et, en même
temps, ils donnaient une formation
spécialisée à leurs successeurs – quatre
formateurs locaux jusqu’ici. Des 260
instituteurs inscrits, 236 ont passé avec
succès le premier semestre. En plus, le
projet a aidé à nouer la collaboration
avec l’Université d’Addis Abeba.
Construisons une école en Afrique,
voilà le nom d’un autre projet commun de L’Homme en détresse et de
Junák – union de scouts et scoutes. Le
projet a commencé en 2004 et, chaque
année en octobre, une collecte publique pour la construction des écoles a
lieu dans les rues des villes tchèques.
La collecte informe le public tchèque
sur les problèmes des pays en voie de
développement et sur les possibilités
d’une collaboration efficace. Elle attire
l’attention du public aussi par des interrogations telles que: Savez-vous combien
d’enfants fréquentent l’école en Ethiopie? ou Combien coûte une brique?.
E
n 2005, une école primaire pour
160 enfants a été ouverte à Asore,
district d’Alaba. L’année suivante
ont été construites deux écoles: l’une
à Lante dans la région rurale près
d’Arba Minch, l’autre à Yirga Cheffe.
Chacune peut recevoir 200 enfants.
Deux autres écoles sont en construction dans le district de Boricha et
dans celui d’Alaba, pour 200 enfants
chacune.
Jan Plecitý
chef de la mission de L’Homme en détresse,
septembre 2004-octobre 2006
Photos: L’Homme en détresse.
27
KENYA
les Tchèques enseignent le travail sur ordinateur
L’idée du projet est née de la participation, en 2003, de la République tchèque au Sommet mondial sur la société d’information de l’ONU. C’est pour la première fois qu’un forum de ce type se soit
occupé, à l’échelle mondiale, de l’importance des technologies d’information
et des informations et de l’abîme qui
sépare, quant au niveau de la compétence informatique, les pays du Nord riche
de ceux du Sud pauvre. Les pays membres de l’ONU ont été invités à apporter
leur contribution à la solution du problème de ce déséquilibre.
L
a République tchèque a versé à
cette fin la somme d’un milion de couronnes dans le fonds commun, dont la
création avait été décidée par le sommet.
Là-dessus, les ministères de l’Informatique et des Affaires Etrangères ont adopté
la décision de lier l’argent dégagé à un
projet concret. En coopération avec l’Ambassade de la RT au Kenya, le ministère
28
de l’Informatique a préparé le projet et,
sous l’égide de l’Union internationale de
télécommunication – une des organisations spécialisées de l’ONU, a envoyé en
janvier 2005 des lecteurs dans la première des écoles secondaires choisies.
C’était l’école Uthiru Secondary Girl
School de la banlieue de la capitale Nairo-
bi, fréquentée par les enfants des familles
peu fortunées.
Les lecteurs ont formé dix-huit professeurs et quarante élèves, dont la plupart
n’avaient aucune connaissance préalable
du travail sur ordinateur. L’école a reçu
des ordinateurs, ce qui lui a permis de
créer une salle d’ordinateurs. Selon la
directrice de l’école, le cours d’informatique a ouvert de nouvelles possibilités
pour le développement de son école: «Le
fait que l’école mette sur son programme
les cours de travail sur ordinateur et
qu’elle ait été capable d’aménager une
salle d’ordinateurs spéciale a considérablement augmenté son prestique et
les dons de sponsors qui nous aident
à financer notre fonctionnement.» Le
cours a joui d’un très bon accueil non
seulement auprès des élèves et dans la
presse locale, mais aussi dans l’Union
internationale de communication. La République tchèque a réussi à trouver de
nouveaux partenaires disposés à financer
la continuation du projet.
Après le cours de janvier, il y a eu sa
suite dans la même école et d’autres
cours de formation. Celui qui devait former les soixante élèves de la St Martin
Girl School a été organisé par le ministère de l’Informatique tchèque et financé
par le ministère de l’Economie néerlandais. En octobre 2006, la République
tchèque a organisé un cours de formation
dans une autre école secondaire de Nairobi – la Stephjoy High School. Le cinquième projet du ministère de l’Informatique tchèque a été réalisé en décembre
2006 dans la St Martin Secondary Girl
School, de nouveau avec la participation
financière des Néerlandais. Après un
intervalle d’un an, les organisateurs ont
pu juger comment la direction de l’école
persévérait dans l’effort dans le domaine
de la compétence informatique et quel
emploi elle faisait des ordinateurs reçus
en cadeau. Il est apparu que l’école
avait organisé une collecte de moyens
financiers pour faire fonctionner avec ces
ordinateurs sa propre salle de formation
informatique.
L
e sixième projet a été réalisé à
Nairobi en décembre 2006 en coopération avec le ministère des Affaires Etran-
gères tchèque sous le patronage de l’Organisation mondiale de la Santé. Au Kenya, l’organisation a été assurée en commun avec l’Aga Khan University (AKU).
L’OMS inscrivit le projet dans un projet
plus vaste ayant pour but le renforcement
des systèmes de santé publique au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda. L’objectif du projet consistait à aider le personnel de l’Hôpital Aga Khan et les étudiants de l’Université Aga Khan en les
formant pour le travail sur ordinateur.
Les lecteurs tchèques ont formé 32 personnes au total dans le cadre de ce projet
dont les frais, s’élevant à un demi-million de couronnes, ont été couverts par
le ministère tchèque des Affaires Etrangères. Ce projet aussi a attiré un intérêt
extraordinaire. A la différence des cinq
projets précédents, il a acueilli le personnel des hôpitaux et les fonctionnaires.
Ils ont tous bien appris les éléments du
travail sur ordinateur, la correspondance
multiple y comprise, ce qu’ont apprécié notamment les fonctionnaires de
l’AKU. La professeur L. King, coordinatrice principale du projet, exprima (de
même que les représentants de l’Hôpital
Jomo Kenyatta) l’intérêt du Kenya à ce
que les cours de formation continuent.
Le quotidien kényan Saturday Nation a
apporté l’information sur le sucès du
cours de formation.
Le projet Basic PC and Internet
Course de Nirobi est un bon exemple
de l’aide que les pays relativement riches
et développés peuvent apporter au développement des régions pauvres du
monde. Le ministère de l’Informatique
désire que l’aide dans le domaine de
l’amélioration de compétence informatique devienne une partie standard de
l’aide au développement prêtée par la
République tchèque.
Lenka Ptáčková
vice-ministre de l’Informatique
Photos: Ministère de l’Informatique.
29
MALAWI
La fondation Sue Ryder aide les malades
Bien que le Malawi n’ait pas eu une évolution si orageuse que beaucoup d’autres pays
africains, sa population mérite l’attention et
l’aide. Selon l’échelle établie par l’ONU, le Malawi est sixième dans l’échelle des pays les
plus pauvres de la planète. Le P.N.B. n’y atteint
que 149 dollars par tête d’habitant, la mortalité
des nourissons est très élevée et la moyenne
d’âge ne dépasse 39 ans. La majorité écrasante de la population rurale n’a pas accès aux
soins de santé élémentaires. Les communautés
locales sont décimées par le sida/HIV, par le
paludisme, la tuberculose et autres maladies
infectieuses et chroniques. Renouant avec
l’héritage de sa fondatrice britannique Lady
Sue Ryder, l’organisation portant son nom
apporte depuis 16 ans l’aide au Malawi.
L’équipe de la Fondation Sue Ryder a réussi
à unir les forces de spécialistes de Grande Bretagne, Italie et République tchèque et à créer
au Malawi un projet commun tout-à-fait exceptionnel pour aider les malades souffrant
d’épilepsie, d’asthme ou d’un handicap physique. Les équipes volantes de personnel sanitaire et de réhabilitation rejoignent chaque jour
30
malades chroniques peuvent vivre une vie
décente, s’instruire et être utiles à leurs familles et à la communauté.
Histoire d’Evelyn et de Gilson
des centaines de malades dans des «cliniques
sous les arbres». Elles parcourent un territoire
de 5 600 km2 avec une population de 62 000
personnes environ. Leurs membres conseillent
les malades, leur enseignent les mesures de
prévention, les soignent, leur donnent des
médicaments, leur montrent des exercices et
distribuent les instruments. Cependant, cette
aide n’aurait pas la même efficacité si toute la
communauté locale n’était pas associée au
projet. Dès le début de sa réalisation, les malades et leurs familles y prennent une part active, de même que les chefs de villages et 400
bénévoles. Grâce au projet, environ six mille
La jeune Evelyn souffre d’épilepsie, probablement à la suite du malaria. Enfant, elle avait
des attaques fréquentes et, dans sa famille ni
dans la communauté, on ne savait comment
l’aider et elle passait des heures entières attachée à un arbre. Grâce aux soins d’une équipe
de la Fandation Sue Ryder et à la médication
régulière, elle peut dorénavant vivre une vie
presque normale et intégrée à la communauté.
Gilson a 12 ans. A la suite de la paralysie du
bulbe, causée prbablement par la malaria qu’il
avait faite dans sa tendre enfance, il a de grandes difficultés à marcher. L’équipe de rééducation Sue Ryder lui a fait confectionner un tricycle simple, ce qui lui permet de fréquenter
l’école qui se trouve à une distance de trois
kilomètres de son village.
Ivana Plechatá, Jakub Olmer
Photos: Fondation Sue Ryder.
Afrique au centre de Prague
L’association africaine-tchèque Humanitas
Afrika est née en 2000. Sa création correspondait au désir de contribuer à l’entente et tolérance mutuelle entre les Tchèques et les
Affricains résidant durablement en République tchèque. Cette motivation primitive a
donné naissance à de nombreuses activités
ayant pour but une meilleure information de
la population sur le continent africain et sur
la diversité des peuples africains, mais aussi
le soutien de l’instruction et du développement en Afrique. L’association organise régulièrement des activités d’instruction, celles
par exemple qui ont lieu à l’occasion des fêtes
de la Journée de l’Afrique ou du Mois de
l’Histoire des Noirs.
C’est à M. Kofi Nkrumah, assistant social
originaire du Ghana qui compte parmi les
membres fondateurs de l’association, que l’on
doit l’initiative de la création de la première
bibliothèque orientée sur l’Afrique dans notre
pays. Elle a été créée avec l’aimable soutien du
Centre de développement de l’Institut des relations internationales et, depuis 2005 où elle a été
ouverte au public dans le siège de Humanitas
Afrika, elle propose des programmes réguliers
– projections de films, séminaires, ateliers artistiques, etc. Le fonds de la bibliothèque compte
aujourd’hui un millier de titres concernant l’Afrique dans tous les domaines de la vie sociale.
Depuis sa création, Humanitas Africa collabore avec les écoles primaires tchèques. Elle
organise à leur intention des ateliers de culture
africaine, elle présente les films – sur les personnalités éminentes de l’histoire de l’Afrique
et de la diaspora africaine, sur la vie des écoliers dans les pays africains, etc. Dans le cadre
des ateliers où l’on se sert surtout de méthodes
d’enseignement directes, les élèves peuvent
essayer des méthodes de préparation traditionnelle de repas, l’impression des étoffes,
des jeux d’enfants africains, participer à une
classe de danse ou de tambour.
L’instruction est le centre des projets communs que l’association organise depuis 2002
au Ghana, au Bénin, au Kenya et au Burkina.
Dans le cadre d’un programme financé surtout
de sources privées, elle soutient l’instruction
des enfants de communautés rurales pauvres
et de la zone Lenana de Nairobi.
Le Centre d’information africain avec sa
bibliothèque se trouve au coeur même de la
capitale, rue Ječná 2, 120 00 Praha.
www.humanitasafrika.cz
Le voyage en Afrique est un voyage
vers les gens
Lucie se trouve en visite en Afrique, au
Botswana. Assise près du feu, elle discute
sur la vie avec les jeunes qui viennnent la
voir tous les soirs en lui souriant, en lui
posant des tas de questions. Ils observent sa
peau claire, ses yeux bleus et les plus hardis
vont jusqu’à la toucher. Elle est en train de
leur expliquer que, même en Europe, il y a
des gens qui n’ont pas de maison, qui dorment dans la rue, qui n’ont pas de travail ni
rime pas avec ses expériences africaines. Il a
supposé que cela lui prendrait quinze jours
d’«organiser» et de «faire travailler» les gens
de l’endroit. Il a oublié qu’il venait travailler
en bénévole à un projet que la population locale désire réaliser et auquel elle veut prendre
une part active.
Arrivé à l’école, il se rend compte aussitôt
qu’il faut redescendre dans la ville le jour
même pour acheter les tuyaux. Car sur place,
on s’est débrouillé sans lui! Dan n’épargne pas
les louanges, il se réjouit avec tous ceux qu’il
rencontre le long de la tranchée, il les remercie. Deux jours plus tard, une grande festivité
a lieu à l’école. Les habitants des villages, les
instituteurs, les enfants, les ingénieurs du service de l’aménagement des eaux (représentants de l’Etat) – tous ensemble se réjouissent
– car l’eau vient! Pendant plusieurs heures, les
enfants chantent et dansent (ils sont plus de
500 à fréquenter l’école), car ils ne seront plus
obligés d’aller chercher l’eau à la source jaillissant sur une pente escarpée.
E
n février 2005, les bénévoles tchèques
et africains actifs en RT, au Kenya et en Tanzanie ont créé en République tchèque l’association civile Kwa Afrika (Association pour
l’Afrique). Leur objectif principal consiste
avant tout à aider les personnes concrètes dans
des localités concrètes en respectant au plus
de quoi manger et qu’en hiver, il y en a qui
meurent de froid dans la rue...
Chris qui est assis à sa droite l’interromp
en criant: «Lucie, est-ce qu’il y a aussi des
éléphants chez vous?» Les autres rient. «Oui,
il y en a, mais il a fallu bâtir pour eux des maisons immenses, pour qu’ils ne gèlent pas,»
répond Lucie. «Hem...Pourquoi on n’évacue
pas les éléphants pour y faire vivre les gens qui
n’ont pas de maison?» Lucie ce tait...Elle croyait jusqu’ici que c’était formidable d’avoir
des éléphants en Europe, mais elle ne le croit
plus et elle en a même un peu honte...
Daniel vient d’aterrir en Tanzanie. C’est
son cinquième voyage en Afrique orientale. Il
surveille discrètement les dollars cachés sous
son t-shirt: l’équivalent de 30 000 couronnes
tchèques. Dès le lendemain, il les changera
contre les shillings tanzaniens pour acheter
1,5 km de tuyaux d’adduction d’eau. Il est
venu au pied de Kilimandjaro, sommet le plus
haut de l’Afrique, pour coordonner la réalisation du projet «Chombo – eau potable pour
une école et deux villages.»
Sachant parler le swahili, langue de l’Afrique orientale, il téléphone sans tarder au coordinateur africain du projet pour lui dire qu’il
se trouve déjà dans la ville, qu’il a sur lui les
finances pour l’acquisition des tuyaux et que,
le surlendemain, il arrivera à l’école Chombo
pour organiser avec lui les travaux de creusage. Le surlendemain à midi, il a une surprise.
On lui téléphone: «Dan, viens tout de suite à
l’école, nous avons déjà creusé toute la tranchée!» Il n’en croit pas ses oreilles! Cela ne
haut degré les valeurs culturelles traditionnelles, en insistant sur le caractère durable des
projets et sur la coopération étroite avec la
population locale. L’association fait un intense
travail d’éducation pour faire connaître au
public tchèque les Africains en tant que dépositaires de traditions millénaires et d’un patrimoine spirituel impressionnant, mais confrontés aux problèmes de la pauvreté actuelle, et
l’Afrique en tant que continent de grandes
richesses naturelles et culturelles.
Pour 2007, l’association prévoit, en dehors
de ses activités exercées en République tchèque dans le domaine de culture et d’instruction, la réalisation – en Tanzanie – du projet de
l’adduction d’eau potable dans deux écoles
primaires et trois villages adjacents.
Lenka Chuwa
présidente de l’association Kwa Afrika
www.kwaafrika.org
Photos: archives Humanitas Afrika,
archives Kwa Afrika.
31
Les Tchèques et l’Afrique
Nation siégeant à l’intérieur du continent,
les Tchèques n’avaient jamais créé de colonies ou de comptoirs dans les pays d’outremer. Avant 1918, les pays tchèques avaient
fait partie de l’Empire d’Autriche-Hongrie,
puissance européenne qui n’avait pour ainsi
dire aucune ambition politique en Afrique.
L’intérêt que les Tchèques portaient à l’Afrique trouva son expression dans
les voyages de découverte, dont
il faut rappeler au moins ceux
d’Emil Holub (1847-1902) qui
explorait l’Afrique du Sud dans
les années 1872-1887.
1940, une entreprise à Rufisque, au Sénégal,
qui était la première fabrique de chaussures
en Afrique occidentale. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Tchécoslovaquie
essaya de renouer avec la tradition d’avantguerre. Plusieurs expéditions partirent pour
l’Afrique avec le but d’y faire connaître les
produits tchécoslovaques, notamment les auto-
A
près la naissance de la
Républiqe tchécoslovaque en
1918, l’Afrique devint destination non seulement pour les
explorateurs, mais aussi pour
les commerçants tchèques. Les
produits tchèques traditionnels,
tels que verre, bijouterie de fantaisie ou chaussures, se vendaient à travers
tout le continent africain. La firme de chaussure tchécoslovaque Baťa créa même, en
32
M. Václav Klaus, Président de la République tchèque,
et son épouse en visite officielle en République
d’Afrique du Sud, décembre 2006.
mobiles. Vers la fin 1947, František Elstner
traversa le Sahara dans la voiture Aero
Minor, en faisant le voyage d’Alger à Coton
et retour. Presqu’en même temps, Ladislav
Mikeš Pařízek parcourait l’Afrique occidentale dans la voiture Praga Piccolo. Dans les
années 1947-1948, les ingénieurs Jiří Hanzelka et Miroslav Zikmund parcoururent
tout le continent à bord de la
voiture Tatra 87 en partant du
Maroc via Le Caire et en poussant jusqu’au Cap. Leur récit de
voyage portant le titre L’Afrique:
rêve et réalité (1952) parut en
plusieurs éditions à un tirage de
plusieurs centaines de milliers
d’exemplaires et eut une influence décisive sur la formation
de l’idée que les Tchèques se faisaient de l’Afrique.
Après le coup d’Etat communiste de 1948, la Tchécoslovaquie se ferma sur elle même
pour quelques années. Après la
chute du stalinisme, il y eut, cependant, une
renaissance de l’intérêt pour l’Afrique, qui
put renouer avec les traditions d’avant- et
Le Président tchèque Václav Havel reçoit, en 1999, M. Sam Nujoma, Président de la République de Namibie.
M. Olusegun Obasanjo, Président de la République fédérale du Nigeria,
reçoit l’ambassadeur tchèque.
d’après-guerre. Ce sont les relations avec
l’Ethiopie (les relations diplomatiques avec
ce pays avaient été établies dès 1942 par le
gouvernement tchèque en exil à
Londres) qui commencèrent à
se développer les premières. En
dépit de la défaveur des autorités coloniales, la Tchécoslovaquie réussit à maintenir son
consulat au Congo Belge qui
devint, dès 1960, une des bases
de l’aide prêtée par le bloc soviétique au gouvernement de
P. Lumumba.
Les Etats africains indépendants cherchaient dans le pays
du bloc soviétique du soutien
contre l’influence de leurs anciennes métropoles et des EtatsUnis. Très souvent, il s’adressaient justement à la Tchécoslovaquie qui leur paraissait
acceptable comme un petit pays dépourvu
d’ambitions de grande puissance. Particulièrement vaste était l’aide de la Tchécoslovaquie à la Guinée du président Sékou
Touré qui, en 1958, était la première colonie
française à proclamer son indépedance. La
Tchécoslovaquie livrait à la Guinée les
moyens de transport, avions y compris, et
les engins de guerre. C’est à Prague que
furent imprimés les billets de banque de
franc guinéen et des dizaines de spécialistes
tchèques des domaines les plus divers
Un groupe d’ambassadeurs africains pendant la remise des lettres d’accréditation
à Prague, en 1999.
allèrent travailler en Guinée. La Tchécoslovaquie prêta une aide analogue au Ghana du
président Nkrumah, au Mali de Modibo
Hailé Sélassié 1er, empereur d’Ethiopie, pendant sa
visite à Prague, en 1959.
Keita et à d’autres pays africains. Elle prêtait une aide multilatérale systématique au
mouvement de libération nationale dans les
colonies portugaises, notamment en GuinéeBissau et en Angola, ainsi qu’aux activistes
luttant contre l’apartheid en République
d’Afrique du Sud.
Depuis la fin des années 1950, la Tchécoslovaquie accordait un nombre relativement
élevé de bourses d’études aux étudiants africains. Dans les années 1961-1974, il existait
à Prague l’Université 17 novembre. C’était
une école supérieure spéciale, destinée aux
étudiants venant des pays du tiers monde.
Des milliers d’Africains originaires de presque tous les pays
du continent sont diplômés de
cette université.
Après l’invasion soviétique
de 1968, les relations de la
Tchécoslovaquie avec l’Afrique
prirent un caractère plus formel,
attribuable aussi aux rapports
économiques problématiques et
au développement imprévisible
dans de nombreux pays africains où les régimes en place
n’étaient plus intéressés à la coopération avec les pays du bloc
soviétique. Ces obstacles idéologiques tombèrent en 1989 où le système
démocratique revint en Tchécoslovaquie.
Depuis 1993, la République tchèque a
donné à ses rapports avec l’Afrique un niveau nouveau: plusieurs pays africains sont
bénéficiers prioritaires de l’aide au développement tchèque. Les activités caritatives
privées ont pris de l’envergure, surtout sous
la forme de «l’adoption à distance».
Petr Zídek
rédacteur du quotidien Lidové noviny
auteur du livre Tchécoslovaquie
et Afrique française 1948-1968
paru en 2006
Photos: archives ČTK.
33
Ethiopie vue d’un
oeil de photographe
Ces dernières années, les peuples du Sud
de l’Ethiopie attirent toujours davantage
l’attention du monde. La fin de la guerre
civile, il y a plus de quinze ans, a ouvert
l’Ethiopie aux étrangers et le Sud du pays
est devenu une destination touristique
recherchée, surtout ces dernières années.
Cependant, il y a – pour le moment – peu
de livres originaux consacrés à ce thème.
La monographie photographique Surma,
oeuvre de František Zvardoň, photographe
tchèque vivant en Alsace, constitue une des
exceptions. C’est la première publication africaine de cet auteur qui est venu en Ethiopie
pour la première fois il y a deux ans à peine,
mais qui veut y retoutner. Il est donc probable que les amateurs pourront voir bientôt
d’autres livres pareils.
«Daktari» Jarolímek,
le solitaire
«Médecin qui se laissa inpirer par Albert
Schweitzer», voilà comment on pourrait caractériser Martin Jarolímek, insigne spécialiste
34
tchèque de la schizophrénie. A l’âge de 51 ans,
ce fondateur et médecin-chef actuel du centre
diurne de psychothérapie à Prague IVe se consacre entièrement à son projet africain. Dans
l’île Rusinga, dans la partie nord-est du lac
Victoria, il édifie au Kenya un hôpital dispensant des soins gratuits à la population locale.
L’unique centre médical dans cette île de
21 000 habitants est financé des moyens privés
du docteur Jarolímek en coopération avec
l’Unicef et avec l’organisation Hand for help
(Main secourable) siégeant à Liberec (République tchèque). Il a l’intention d’apporter
en Afrique une grande quantité de médicaments qu’il a obtenus des producteurs tchèques à titre de sponsoring. Il travaille neuf
heures par jour en tant que chirurgien, dentiste, interne – tout ce qu’il faut. Il fait le tour de
ses malades en moto Pionýr tchèque.
Il considère qu’il a accompli sa tâche professionnelle – en démontrant dans les conditions tchèques que la schisophrénie est une
maladie guérissable – et il revient maintenent
à son rêve de gamin: aider les gens en Afrique.
«C’est ma deuxième chance», dit le docteur
Jarolímek qui, dans l’île Rusinga, est appelé
exclusivement «daktari Martin».
Source: quotidien Právo
Premier hôpital
tchéco-ougandais
A Buikwe vient d’être mis en plein fonctionnement l’Hôpital tchèco-ougandais. A la messe
célébrée à l’occasion de l’inauguration prirent
part le cardinal Miloslav Vlk, l’évêque Matthias
Ssekemanya et le ministre de la Santé publique
ougandais Jim Muwhezi. La construction de
l’hôpital est due à l’initiative du médecin Josef
Donát du service de gynécologie-obstétrique
de l’hôpital de la faculté de médecine de l’Université Charles, à Hradec Králové; il a été bâti
avec l’aide et contribution de la Charité archidiocésaine de Prague.
La région de Buikwe compte trente villages.
Pour une population de 45 000 habitants, les soins
de santé qualifiés étaient inacessibles avant 2006.
Beaucoup d’enfants mouraient de maladies banales, les soins prénataux manquaient, ainsi que
l’assistance qualifiée aux accouchements. Depuis septembre 2006, les deux corps de l’hôpital
fonctionnent à plein régime. Son niveau professionnel est assuré par une équipe de médecins
tchèques et de médecins et infirmières ougandais.
Source: www.charita-adopce.cz
Viva Africa
En mars 2006, un groupe d’étudiants de
l’Université de Plzeň a pris l’initiative de
démarrer une tradition nouvelle: conférence
annuelle «Viva Africa» réunissant des spécialistes de l’Afrique, tchèques et étrangers.
La deuxième édition de la rencontre a attiré
à Plzeň la plupart des spécialistes tchèques
des domaines les plus divers. Historiens,
anthropologistes, linguistes et politologues
réunis ont constaté de commun accord
que les rencontres annuelles contribuent à
étendre la renommée des études africaines
tchèques et à faciliter leur communication
avec les africanistes européens et mondiaux.
Les actes de la conférence de 2006, rédigés
par Tomáš Machalík et Jan Záhořík de la
chaire d’anthropologie de l’Université de
Plzeň, seront publiés cette année en édition
bilingue, ce qui sera favorable au renouement des contacts des études africaines
tchèques avec le monde.
Vin tchèque dans le
Sud de l’Afrique
Les vins sud-africains gagnent toujours
davantage la faveur des connaisseurs tchèques. S’il était peu vraisemblable, au début
des années 1990 encore, de trouver à Prague
une bonne bouteille de la production d’une
ferme de Stellenbosche ou de Paarle, les vins
sudafricains sont aujourd’hui couramment
accessibles en Tchéquie.
Peu nombreux sont ceux, cependant, qui se
doutent que les vins de Bohême étaient présents à la naissance de la viticulture sud-afri-
Mosaïque
caine. La chronique du Cap mentionne pour
l’année 1659: «Aujourd’hui – Dieu soit loué –
fut pressé pour la première fois le vin du raisin
cueilli au Cap, à la grande joie du gouverneur
Van Riebeeck.» C’était quatre ans après l’expédition de l’Europe des premières boutures
de vigne qui ont bien pris racine dans les vignobles nouvellement aménagés... Les historiens
se disputent toujours quant aux variétés de
vigne qui avaient été apportées. Et pourtant, les
témoignages de l’époque permettent d’établir
que les agents de la Compagnie des Indes orientales néerlandaise «étaient en contact avec un
cultivateur qui disposait de boutures de vigne
de France, d’Allemagne, d’Espagne et de
Bohême,» comme l’écrit l’historien Leitpold.
Toujours est-il que cet envoi de boutures permit
d’obtenir les raisins dont on fit quelques années
plus tard le premier vin du Cap. Ainsi donc
même les côtes éloignées de la Vltava participèrent, ne soit-ce que symboliquement – à la
naissance du produit sudafricain très renommé.
Tomáš Baťa
cordonnier tchèque pour
l’Afrique
représentant annonça avec enthousiasme qu’il
y avait des possibilités pratiquement illimitées,
parce que tout le monde allait pieds nus.
Baťa commença son expansion vers l’Afrique et, au cours des années 1930, de nombreux
magasins de chaussures, de même que des
installations de fabrication, furent construites,
et cela tout d’abord en Afrique du Nord.
Plus tard, Baťa poussa vers le Sud et, vers la
fin des années 1930, il construisit des fabriques au Kenya, au Tanganyika, en Rhodésie
du Sud et en Union sud-africaine. Le réseau de
ses magasins et représentations commerciales
s’étendait et, au milieu du 20e siècle, la firme
était connue à travers tout le continent africain.
En plus, l’esprit d’entreprise était mêlé dans ses
activités avec d’incontestables égards pour les
travailleurs: Baťa laissait toujours des traces
marquantes dans le domaine social.
Vers la fin du 20e siècle, Baťa avait des activités dans 17 pays africains, y fabriquait plus
de 60 millions de paires de chaussures en
employant 17 000 travailleurs. La firme n’a
pas oublié le legs de son fondateur et elle continue à être active dans la sphère sociale en
construisant écoles et églises, en accordant des
bourses et en soutenant la construction des
établissement sanitaires.
cette réalisation compte parmi les plus importantes qui aient été entreprises dans cette partie
de l’Afrique avec la participation tchèque.
Le projet a été réalisé avec la contribution
importante de la population locale: une grande
partie de travaux, l’entretien et le fonctionnement sont organisés par une commission composée des employés de l’école et de la mission.
Le financement du projet a été assuré des fonds
de développement des gouvernements de la
République tchèque et du Canada, des moyens
d’organisations non gouvernementales tchèques et allemandes, du ministère zambien de la
Santé publique, de l’Eglise zambienne unifiée
et par la population locale.
Photo: Fondation Divoké husy
www.divokehusy.cz
Reconstruction d’une
église importante
Lumière pour
la Zambie
L’établissement Baťa, compagnie de la
chaussure de renommée mondiale, fut créé
en 1894 dans la ville morave de Zlín par
Tomáš Baťa, le plus grand industriel tchèque
peut-être, et ses frères. Le premier contact de
l’établissement Baťa avec le continent africain
eut lieu en 1912. En passant sa lune de miel
en Egypte, Tomáš Baťa remarqua que l’on y
portait de légères chaussures en toile. De
retour à Zlín, il se mit aussitôt à fabriquer des
chaussures de ce type et à les exporter vers
l’Egypte. L’histoire qui suit date des années
1920: elle a l’air d’une blague, mais elle est
vraie et témoigne de l’esprit qui animait cet
établissement et de son aptitude à s’orienter
sur le marché de l’époque. Ayant décidé d’explorer les possibilités de production et de
commerce du continent africain, Tomáš Baťa
envoya en Afrique deux représentants de commerce voyageurs. Au bout de quelques semaines, le premier d’entre eux prit contact
avec le siège de l’entreprise pour faire savoir
que les possibilités de vente étaient minimales,
car presque personne ne portait de chaussures
dans la région. Quelques jours plus tard, l’autre
Dans les parties reculées du bush zambien,
les écoles et les centres sanitaires sont confrontés aux problèmes d’alimentation en électricité.
C’était le cas de la mission Masuku qui se trouve dans la montagne en contre-haut du lac de
barrage Kariba, à une distance de 70 kilomètres
de la ville la plus proche. Plusieurs organisations tchèques ont décidé, sous la conduite de
l’ADRA, de répondre à l’appel de la population locale et d’aider à la solution du problème
– en procurant une source locale de l’énergie
électrique. Au moyen de panneaux photovoltaïques, on a électrifié l’école secondaire pour
trois cent élèves des environs, le centre sanitaire
rural et les demeures de 23 familles de personnel. Depuis l’année dernière, deux pompes
marchant à énergie solaire assurent l’adduction
d’eau potable courante. Compte tenu de la situation écartée et de l’étendue de l’électrification,
En juin 2006, le petit bourg Pácaltsdorp a
assisté à la réouverture solenelle, après reconstruction, de l’une des églises les plus anciennes de la République d’Afriqe du Sud. La
naissance de l’église est liée au nom de Karel
August Pácalt (connu à la population indigène
du Sud de l’Afrique comme Carl ou Charles
Pácalt), protestant tchèque et un des premiers
missionnaires de cette partie de l’Afrique. Il
vint dans la province du Cap, au bout d’un
stage de formation à Berlin, en tant que révérend de la London Missionary Society. Sur
l’invitation de l’un des chefs de la tribu Khoi
Khoi locale, il créa une petite mission non loin
de l’actuelle ville George. Quand Pácalt mourut en 1818, au bout de cinq ans d’un travail
inspiré, la localité était méconnaissable.
«Dans aucune autre partie de la colonie, je
n’ai observé une amélioration aussi grande,»
écrivit John Campbell qui la visita en 1819.
Avec l’argent que Pácalt leur avait légué, trois
centaines de ses paroissiens construisirent une
église dans leur localité à laquelle ils donnèrent le nom de leur missionnaire. De même
qu’à Genadendaal voisin, centre de l’Eglise
de Frères moraves, où l’on honore la mémoire
du missionnaire tchèque Jiří Šmíd (Georg
Schmid), Pácaltsdorp garde pieusement la mémoire de son premier missionnaire tchèque.
35
Fenêtre ouverte sur
l’art africain
L’intérêt des Tchèques pour l’art africain moderne remonte aux premières années 1960. Dès 1961, en effet, le Musée
Náprstek de Prague organisa l’exposition
«Peintres de Poto-Poto» qui, au moyen
d’ouvrages choisis dans une collection
privée, présenta la création de la première
génération de peintres congolais modernes. Toute la collection, comportant plus
de deux cent feuilles représentant des
scènes de la vie quotidienne de villageois,
est déposée aujourd’hui dans les fonds
du Musée Náprstek.
A
u cours des années 1960 et 1970,
de nombreux experts tchécoslovaques ramenaient dans le pays des tableaux et des
sculptures d’artistes africains contemporains. C’est ainsi que sont venues en Tché-
36
Affiche annonçant l’exposition de l’art centrafricain où ont été
présentées les oeuvres de cent cinquante peintres et sculpteurs.
coslovaquie les ouvrages de sculpteurs sur
bois tanzaniens de Makonde, ceux du
peintre tanzanien Edward Said Tingatinga
et d’autres artistes. Des riches fonds ainsi
rassemblés, le Musée Náprstek organisa
par la suite plusieurs expositions.
Un rôle important dans l’information sur
l’art africain moderne revenait à cette époque à Alois Wokoun, théoricien de l’art
africain qui découvrait des artistes nouveaux et était en correspondance avec eux
pendant de longues années. Il constitua sur
ce thème de vastes archives qui devaient
lui servir au moment où il se mit à rédiger
(en collaboration avec Vladimír Klíma
et Václav Kubica) le livre portant le titre
«Safari à la culture africaine», publié en
1983. Cet ouvrage exceptionnel présente
aux lecteurs un tableau prodigieux des
trois composantes de cultures africaines
Prague vue du pont Charles par la peintre zimbabwéenne Doreen Sibanda.
Même les oeuvres d’Amali Malola, un des sculpteurs les plus âgés du monde (93), ont été présentées en République tchèque. Sur la photo, l’artiste et son épouse.
modernes – arts plastiques, musique et
littérature. Aujourd’hui encore, il n’existe
pas dans le monde un autre livre qui lui
soit comparable par la richesse et par la
pertinence du contenu.
Prague a également la primauté en Europe d’avoir organisé des expositions vraiment panoramiques de l’art moderne nigérian. En 1965, le Musée Náprstek exposa
la collection privée d’Ulli Beier, pédagogue et artiste qui avait travaillé au Nigéria
depuis les années 1950. La première présentation de la collection porta le titre «Exposition d’ouvrages des artistes d’Oshogbo,» la seconde eut lieu en 1972 sous le
nom «L’Art africain moderne des années
soixante» et présenta aux visiteurs non
seulement les ouvrages de peintres et gra-
Visage, par Mekias Munyaradzi (Zimbabwe).
veurs nigérians, mais encore les tableaux
de Valente Malangatana (Mozambique) et
d’Ibrahim el Salahi (Soudan), ainsi que les
gravures de l’artiste soudanais Ahmad
Muhammad Shibrain et d’autres auteurs.
La collaboration du Musée Náprstek avec
Ulli Beier continua dans les décenniers
suivantes où ce dernier créa à Bayreuth la
première galerie de l’art africain moderne
en Europe, dite Iwalewa Haus. En organisant, en 1993, l’exposition «L’Art moderne
des Yoruba» le Musée Náprstek puisa tant
dans les collections pragoises que dans
celles de Bayreuth.
L’ouverture de nos frontières dans les
années 1990 eut pour conséquence l’accroissement de l’intérêt pour l’art africain
en général et pour l’art africain moderne
Les tableaux de Lovemore Kambudzi sont admirés tant au Zimbabwe qu’en République tchèque.
37
Le public tchèque a fait connaissance des ouvrages de Stephen Kappata (1936-2007), un des peintres zambiens les plus insignes.
en particulier. Soudain il était possible que
les amateurs de l’art africain ou les marchands importent dans le pays des collections entières. S’il est vrai que la plupart
des importateurs étaient orientés sur l’art
africain traditionnel (ethnique), les amateurs de l’art moderne n’avaient pas raison
de se sentir frustrés: à la fin des années
1990, un vaste ensemble de sculptures sur
bois, apportées de Zimbabwe, fut exposé
en plein air dans la Galerie Platýz à Prague.
Très riche en art africain moderne a été
l’année passée 2006. De juin à août, il y
eut au Jardin botanique de Prague-Trója
une extraordinaire exposition «Sculpture
moderne de Zimbabwe». La présentation
en plein air permit aux visiteurs d’admirer
un vaste ensemble de sculptures et de créations en pierre des sculpteurs de Tengenenge. Pour le public tchèque, c’était comme
38
une fenêtre ouverte sur l’histoire moderne
de l’art en Afrique centrale. Les ateliers de
Tengenenge prirent naissance dans les
années 1960 dans la ferme de Tom Blomefield, propriétaire d’une plantation de tabac en Rhodésie de l’époque (Zimbabwe
actuel). Ayant remarqué les talents artistiques de ses employés, Blomefield mit à
leur disposition une carrière de pierre se
trouvant sur les terres de sa ferme. C’est
ainsi que naquit l’atelier dans lequel se relayaient (et se relaient toujours) les sculpteurs et les peintres. Comme par enchantement, quatre générations de sculpteurs, appartenant pour la plupart à l’ethnie Mashona, transformèrent ici des blocs de pierre
en personnages mythiques, démons, petits
chevaux et autres animaux, des êtres mihumains, mi-animaux, et une foule de variations de figures et de visages humains.
Au mois de septembre dernier, il y a eu
à la galerie Měsíc de České Budějovice,
l’exposition de tableaux de Stephen Kappata, peintre naïf zambien dont l’attention
est partagée entre les scènes de la vie traditionnelle des habitants du bassin du Zambèze (fêtes, guérisseurs, sorcellerie) et les
commentaires des événements actuels. A
la fin de l’année, la Galerie de la Bohême
du Sud de České Budějovice a ouvert l’exposition «Du Congo au Zambèze», présentation la plus importante de l’art centrafricain moderne dans notre pays. L’exposition a présenté les oeuvres de cent cinquante peintres et sculpteurs du Congo,
du Zimbabwe, de Zambie et du Malawi,
choisies dans les collections privées.
Josef Kandert
Photos: František Nárovec (www.ef.cz),
Ondřej Homolka, le quotidien Právo.
Les peintres Lema Kusa et Mambengi Tondo, de la République démocratique du Kongo, ont eu eux aussi leurs oeuvres exposées en République tchèque.