Les enfants et les super-héros
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Les enfants et les super-héros
I I Parents n enfants MERCREDI 16 JUIN 2010 13 SOMMAIRE f DOSSIER : Les enfants et les super-héros P. 13 à 15 f MÉTÉO JEUNES : Les jardins pédagogiques P. 15 Pourquoi les enfants ont-ils besoin de super-héros ? Spider Man, Harry Potter, Naruto… Les héros font rêver les enfants, leur servent de modèles et, finalement, les aident à grandir ls ont 3 ans et rêvent déjà de « super-héros ». À peine entrés à la maternelle, ils se passionnent pour des personnages à l’allure étrange et aux capacités hors normes. Des figures plutôt destinées aux grands et dont bien souvent ils ignorent tout ou presque. La fascination pour ces héros dotés de pouvoirs ou d’aptitudes extraordinaires commence ainsi dès le plus jeune âge et se prolonge au moins jusqu’à l’adolescence, sous l’œil parfois médusé des parents. « Mon fils a commencé à parler de Spider Man en petite section, témoigne Dominique. Du jour au lendemain, il s’est mis à réclamer des jouets, des vêtements à l’effigie de l’homme araignée, alors qu’il n’avait jamais vu les dessins animés et encore moins les films. Cela nous a tellement déconcertés, mon mari et moi, que nous avons fini par lui montrer des images sur Internet ! » Cet engouement, aussi spontané qu’inattendu, a en effet de quoi laisser les adultes perplexes. Mais, à 3 ou 4 ans, les bambins n’ont pas besoin d’en savoir beaucoup pour être captivés. Une image peut suffire à éveiller en eux curiosité et intérêt. « L’apparence du super-héros est déjà en soi intrigante, confirme Geneviève Djénati, psychologue clinicienne et psychothérapeute (1). Spider Man, en l’occurrence, porte un costume étrange, on devine ses muscles, on le voit accroché à une toile d’araignée ou en train de sauter. L’enfant sent une puissance qui l’attire. » Il est d’autant plus sensible à ces représentations qu’il éprouve, à cet âge, un sentiment de faiblesse et d’impuissance face aux grands. « Comme il voit qu’il n’a pas les mêmes capacités que les adultes, il rêve de devenir un super-héros pour être aussi fort qu’eux et, surtout, aussi fort que papa et maman, ses premiers modèles, ajoute la psychologue. La figure héroïque incarne ainsi une sorte d’idéal qui l’aide à supporter les frustrations et lui donne envie de grandir. » À la maternelle, il suffit en somme que le personnage soit impressionnant pour plaire. Le choix du héros dépend ensuite beaucoup du marketing qui désormais impose les modèles. Abreuvés de jouets et d’images, les enfants finissent par FLORENCE LE VILL AIN/SIGNATURES I Tee-shirt au logo de Superman. Super-pouvoirs, courage, double identité, lutte entre le bien et le mal… Les super-héros fascinent les enfants. s’intéresser à ceux qu’ils découvrent dans la publicité, les rayons des magasins ou la cour de récré, sans toujours connaître leurs aventures. Iron Man, Ben 10, Naruto, les Winx… Impossible d’échapper aux succès du moment ou aux grands classiques – Spider Man, Hulk, Batman –, tous d’ailleurs plutôt destinés aux garçons. « L’univers des super-héros reste en effet très « La figure héroïque incarne une sorte d’idéal qui aide l’enfant à supporter les frustrations et lui donne envie de grandir. » masculin, mais cela ne semble pas dissuader les filles, note Geneviève Djénati. En réalité, le sexe du personnage n’est pas déterminant pour les petits, attirés d’abord par ses caractéristiques exceptionnelles. » Ces héros sont dotés d’une force phénoménale, ils peuvent voler, grimper aux murs… Les plus jeunes n’ont qu’une envie : les imiter… en imagination. En grande section de maternelle, un accessoire suffit encore : un masque ou une cape et les voilà transformés ! Ensuite, le processus psychologique devient plus complexe. « Vers 6 ou 7 ans, l’enfant passe du mimétisme à l’identification, explique Geneviève Djénati. L’enfant sait qu’il n’est pas le personnage, mais pense qu’il pourra le devenir un jour. À travers cette projection il signifie surtout qu’il rêve d’être adulte, avec la puissance qu’il imagine et qu’il attribue généralement au père. » Fort, courageux, mais aussi intelligent et bon (il met ses pouvoirs au service du bien), ce type de héros représente un modèle stimulant pour l’enfant, d’autant plus qu’il s’agit souvent d’orphelins obligés de s’en sortir seuls dans la vie. Encouragé par ces expériences, le jeune « apprenti » peut lui aussi se lancer dans des aventures imaginaires où il accomplit des exploits inaccessibles au commun des mortels. Si, à partir d’un certain âge, il ne s’attend plus à bénéficier des mêmes capacités que son idole, il ne renonce pas pour autant à tous ses rêves de puissance. Les garçons, en particulier, fantasment longtemps sur la force physique, captivés par les incontournables joutes entre les « gentils » et les « méchants » de l’histoire. Des duels qu’ils retrouvent désormais aussi dans les combats de catch, où les lutteurs se déguisent en super-héros (2). « C’est le nouveau phénomène à la mode dans les cours de récréation, remarque le psychiatre Stéphane Clerget (3). Les élèves de primaire et de collège, en particulier, adorent, parce qu’il s’agit f (Lire la suite page 14.) REPÈRES Le succès des héros d Harry Potter : 400 millions d’exemplaires vendus dans le monde, dont 25,5 millions en France, depuis 1997 (Éd. Gallimard Jeunesse). 500 millions de personnes ont vu un des six films tirés des romans (46 millions d’entrées en France). Les ventes de produits dérivés s’élèvent à plus de 7 milliards de dollars (source Warner). d Twilight : 85 millions d’exemplaires vendus dans le monde, dont 4,6 millions en France depuis 2005 (Éd. Hachette Jeunesse). Twilight, chapitre 2 : Tentation (novembre 2009) : plus de 4 200 000 entrées en France, au 30 mars 2010. Le 5e roman, un dérivé de la série, est sorti le 5 juin et le 3e film sortira le 7 juillet. Produits dérivés : 1re licence dans la catégorie jeux vidéo, livres, musique, vidéo, en 2008 et 2009 (étude GFK). d Naruto : n° 1 des ventes manga et BD en France depuis 2006 (Éd. Kana). Jeux vidéo : 1,1 million de jeux vidéo vendus en France. Produits dérivés : 2e licence, dans la catégorie jeux vidéo, livres, musique, vidéo, en 2008 et 2009 (étude GFK). d Spider Man 3 (mai 2005) : 6 331 084 entrées en France, en 14 semaines. Record du meilleur démarrage. Produits dérivés : parmi les 10 meilleures ventes chez les garçons entre 5 et 10 ans (source Grande Récré). d Batman : The Dark Knight, Le Chevalier noir (juillet 2008) : 3 360 568 entrées en France, en 11 semaines. d Iron Man 2 (avril 2010) : 2 498 560 en France, en six semaines. 14 I Parents n enfants I I MERCREDI 16 JUIN 2010 I f de bagarre autorisée, “pour de faux”, pour s’amuser. Le spectacle les fascine d’autant plus qu’ils ne peuvent plus se défouler dans des jeux un peu physiques à l’école, devenue très stricte sur les questions d’agressivité. » Heureusement, ce goût pour la bagarre ne les empêche pas d’être sensibles aux valeurs morales de leurs super-héros. En grandissant, ils s’intéressent aussi à leur psychologie, préférant plutôt des figures complexes, fragiles ou marginales, plus proches d’eux en somme. Si à l’adolescence, ils apprécient toujours les superhéros américains – Spider Man, Batman, Iron Man, The X-Men, Daredevil, Hellboy –, leurs faveurs vont également à des personnages différents comme Harry Potter, les protagonistes de Heroes ou les vampires de Twilight. Ces figures souvent ambivalentes séduisent à un âge où il est « rassurant de penser qu’il n’y a pas d’un côté le bien et le beau et, de l’autre, le mal et le laid, mais que nous portons les deux en nous », observe le sociologue Michel Fize (4). À 14 ou 15 ans, l’identification au personnage fonctionne d’autant mieux que ce dernier partage les préoccupations des adolescents : amour impossible, vie nocturne dans Twilight, vie au collège dans Harry Potter... Ainsi le succès phénoménal des aventures du pension- À 14 ou 15 ans, l’identification au personnage fonctionne d’autant mieux que ce dernier partage les préoccupations des adolescents. naire de Poudlard repose en partie sur le « balancement constant entre le dépaysement et le quotidien », relève Isabelle Smadja, agrégée de philosophie et docteur en esthétique (5). Un dépaysement qui ouvre à un ailleurs propice à la rêverie, par le biais de sorciers capables de se transformer ou de voler, et un quotidien qui permet de contempler, comme dans un miroir, une image sublimée de soi dans celle du jeune héros. » Cet équilibre entre éloignement et proximité, propre à la littérature fantastique, très plébiscitée par les jeunes, permet à la fois de « donner un sens aux mystères du monde » et de « projeter certaines peurs autour de la mort et de la sexualité », analyse Stéphane Clerget. « Le goût des adolescents pour les créatures étranges – vampires, loups-garous, sorciers… – n’est pas sans rapport avec leurs propres transformations corporelles et psychiques, souvent vécues comme angoissantes. » Objet de tous les fantasmes, le héros, avec ou sans « super-pouvoirs », rassure, donne confiance et aide finalement à grandir. Il accompagne vers l’autonomie, puis la vie adulte, jusqu’au jour où les fans deviennent à leur tour des héros… aux yeux de leurs enfants. PAULA PINTO GOMES (1) Psychanalyse des dessins animés, Pocket, 6,50 €. (2) Lire La Croix du 21/10/09. (3) Ça sert à quoi les parents ?, Éd. Bayard Jeunesse, 9,90 €. (4) Les Nouvelles Adolescentes, Éd. Armand Colin, 12,90 €. (5) Harry Potter, les raisons d’un succès, PUF, 16 €. BRUNOR f Pourquoi les enfants ont-ils besoin de super-héros ? TÉMOIGNAGES Chacun, à un moment de sa vie, a été fasciné ou s’est senti proche d’un héros de fiction auquel il s’est identifié Des aventures qui les ont fait rêver « Ce qui me fascinait, c’était l’action, la bagarre » Emmanuel, 43 ans « Adolescent, j’aimais les aventures vécues par les super-héros, plus que les personnages eux-mêmes. Je préférais Batman, Iron Man ou Serval des X-Men à Superman, qui me laissait assez froid. Mais j’appréciais surtout leur univers. J’étais un gros lecteur de BD, de romans, fan de science-fiction, de littérature fantastique et de tout ce qui touchait à l’imaginaire. Dans les histoires de super-héros, j’adorais le côté gros muscles d’un Hulk ou des X-Men qui allaient combattre les méchants venus des enfers ou du fin fond de l’espace ! Mais ce n’est pas forcément la lutte entre le bien et le mal qui me fascinait. Plutôt l’action et la bagarre ! Je ne suis pas sûr que les valeurs morales soient aussi figées dans ce genre de fiction. Il est vrai que le héros se place du côté du bien, mais Hellboy, par exemple, est le fils du diable et il combat les démons. Certains membres des Watchmen, en revanche, ont commis des atrocités au Vietnam au nom du bien et des États-Unis. Tout dépend donc où on situe la moralité. C’est plutôt le comportement du personnage qui va emporter l’adhésion. Aujourd’hui, je lis moins ce genre de fictions, et avec un certain recul. Je préfère les voir parodiées. Ou engagées dans des histoires très réalistes, façon roman noir, comme les Watchmen. Devenu journaliste et auteur jeunesse, je suis beaucoup plus sensible à la puissance graphique et narrative de certains mangas qu’à celle des comics ou de la BD européenne. Une passion que j’ai transmise à mon fils. » « Il veut progresser, c’est un bel exemple » Timothée, 12 ans (fils d’Emmanuel) « C’est mon père qui m’a apporté les premiers épisodes de Naruto. J’ai tout de suite accroché. Mais je n’aime que le manga, le dessin animé, dérivé de la BD, ne permet pas de suivre l’histoire. Ce que je préfère, c’est l’évolution du personnage. Au départ, c’est un garçon qui veut devenir “hokage”, le plus haut niveau chez les ninjas, mais il a enfermé en lui un démon qui cherche à prendre le contrôle de son corps. Il doit donc apprendre à se maîtriser. Son caractère aussi me plaît : il a l’air un peu ahuri. Il a beaucoup d’humour, même s’il n’est pas toujours très fin. Ce que j’aime encore, c’est sa relation avec Sasuke. Au début, ils étaient amis, mais Sasuke a été corrompu par le mal et ils finissent par se détacher. À la fin, ils vont même se combattre jusqu’à la mort. Naruto est très fort, mais il n’a pas vraiment de super-pouvoirs. Il connaît seulement des techniques ninja. Par contre, il veut tout le temps progresser, aller plus haut. C’est un bon exemple. On a envie d’en faire autant. C’est peut-être un peu pour ça que je fais de la natation en compétition. » « En grandissant, on finit par s’en détacher » Guillaume, 16 ans « Plus jeune, j’étais fan de Spider Man, Superman, Green-Lantern et des X-Men. Mais mon préféré, c’était quand même l’homme araignée parce que, dans la vie civile, il est plutôt timide, il a du mal à payer son loyer, à suivre tous ses cours à l’université. Il est sans cesse en train de courir à droite à gauche pour résoudre ses problèmes, dans sa vie personnelle comme dans sa vie de héros. Je me sentais sans doute un peu plus proche de lui que des autres. Ses super-pouvoirs m’impressionnaient, bien sûr. Mais c’était celui de Green-Lantern qui me fascinait le plus : un anneau avec lequel il peut faire apparaître tout ce qu’il veut. C’est le genre de pouvoir qui fait vraiment envie, car il semble presque accessible : il suffit de trouver un objet magique ! Quand on est jeune, toutes ces aventures font rêver, et puis en grandissant on finit par s’en détacher ; je ne sais d’ailleurs pas vraiment pourquoi… sans doute parce qu’avec l’âge, tout cela ne paraît plus trop crédible. » « Je le trouvais très courageux, j’essayais alors de m’identifier à lui » Clara, 14 ans « Je lisais beaucoup Naruto lorsque j’avais 13 ans, le même âge que le héros. J’aimais bien son caractère : il se fiche de ce que les autres pensent et continue d’avancer dans la vie. Je le trouvais très courageux, moi qui, à ce moment-là, accordais beaucoup d’importance à l’opinion des gens. J’essayais alors de m’identifier un peu à lui pour ne pas être trop touchée. Je me serais sans doute plus facilement reconnue dans un personnage de fille mais, avec Naruto, cela fonctionnait aussi. À cette époque, j’étais vraiment très fan : j’en parlais et je le dessinais tout le temps… J’étais très impressionnée par sa force physique et mentale. C’est un personnage qui s’est fixé un but dans la vie, devenir un ninja réputé, et il fait tout pour l’atteindre. Il était, là aussi, une sorte de modèle pour moi qui veux réussir dans la musique. Le côté bagarre et combats, très présent, ne me dérangeait pas. J’étais justement dans une période de colère où j’en voulais à mes parents d’avoir déménagé. C’était peut-être une manière de me défouler ! Aujourd’hui, je ne lis plus Naruto, l’histoire s’éternise un peu et ce n’est plus très drôle. Je continue les mangas (One Piece), mais je m’intéresse aussi aux romans. J’ai, par exemple, lu les trois premiers tomes de Twilight et j’ai vu les films aussi. Au début, j’ai bien aimé. L’idée est originale (un amour impossible entre une jeune fille et un vampire) mais, à la longue, j’ai fini par me lasser. Ce que je préfère encore dans la série, c’est l’héroïne, Bella, qui elle aussi vient de déménager. Elle est toujours très calme et elle a beaucoup de style. » RECUEILLI PAR PAULA PINTO GOMES I MERCREDI 16 JUIN 2010 I I Parents n enfants I 15 V ENTRETIEN f Gianni Haver, sociologue des médias à Lausanne (1) « Le super-héros console de ne pas être un surhomme » C omment peut-on définir un super-héros ? GIANNI HAVER : Un superhéros est un personnage doté de « super-pouvoirs », d’un costume spécifique et d’une double identité. Le concept est né aux ÉtatsUnis avec Superman, en 1938. Le personnage était tellement hors norme (extraterrestre, capable de voler, de résister aux balles…), que les créateurs ont ajouté l’adjectif « super » pour marquer une rupture. Depuis, on qualifie de super-héros toute figure possédant ces attributs, même si les trois ne sont pas toujours réunis. Le costume reste l’élément central du personnage. Il marque visuellement la frontière entre Clark Kent (NDLR : l’identité secrète de Superman), timide et maladroit, à qui nous pourrions ressembler, et l’extraordinaire Superman, à qui nous aimerions ressembler. Cette double identité renforce le plaisir engendré par les exploits du super-héros. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elle est devenue une constante du genre. Quelle est sa mission et quelles valeurs défend-il ? Un super-héros est un personnage qui met ses pouvoirs au service de la justice pour combattre les menaces qui pèsent sur la société. Il incarne les valeurs de son époque : les premiers, nés dans les années 1930, exacerbaient le patriotisme et les valeurs individuelles ; ceux apparus dans les années 1960, 70 étaient plus introspectifs, plus en phase avec l’esprit contestataire du moment. Ensuite, il n’y a pas eu de nouvelles créations et les scénaris- tes se sont contentés de faire évoluer la biographie des personnages. Dans la première adaptation d’Iron Man au cinéma (2008), par exemple, le héros n’est plus fait prisonnier au Vietnam mais en Afghanistan, un conflit plus actuel, et dans Iron Man 2, sorti en avril dernier, son activité de marchand d’armes, sans doute plus très valorisante, est à peine évoquée. Si quelques ajustements sont nécessaires, les personnages ne doivent plus multiplier les références à l’actualité pour paraître crédibles. L’univers des super-héros est en effet devenu un mythe qui se nourrit de luimême, sans avoir besoin de recourir à des justifications extérieures. « Les éditeurs ont compris l’intérêt d’ancrer les aventures de leurs héros dans l’actualité de l’époque. » Le super-héros a-t-il une fonction sociale, politique ? Le super-héros rassure, permet de positiver les craintes et, comme dit Umberto Eco, console de ne pas être un surhomme. Ce n’est sans doute pas un hasard s’ils sont apparus à la fin des années 1930 et qu’ils se portent plutôt bien en temps de crise. Superman était d’abord une historiette pour adolescents. Mais le personnage a vite été utilisé dans un but « politique », comme d’autres par la suite (Captain America, Hulk…). Les éditeurs ont en effet compris l’intérêt d’ancrer les aventures de leurs héros dans l’actualité de l’époque (le conflit mondial, puis la guerre froide) et ont transformé ces bandes dessinées bas de gamme en instruments de ralliement patrioti- Eco-jardiniers en herbe que, avec parfois la bénédiction du FBI. Aujourd’hui, le contexte est tout autre. Les comics sont passés du statut de revue très bon marché à celui d’objets de collection. Leur univers s’est complexifié et les personnages sont devenus emblématiques. À tel point que le cinéma s’est emparé du genre avec des films à gros budget. Les références au patriotisme ou même à l’idée de « guerre propre », chère aux Américains – lorsque le personnage s’interroge sur les éventuels dégâts collatéraux au moment de sauver des individus –, sont parfois présentes, mais le super-héros est moins utilisé dans un but explicitement politique. Si propagande il y a, c’est d’abord celle, habituelle, de Hollywood. Aujourd’hui, les nouvelles figures dotées de pouvoirs extraordinaires sont-elles des super-héros ? Dans les séries 4400 ou Heroes, les scénaristes jouent avec les limites du concept : les personnages n’assument pas toujours leurs dons, qui se révèlent parfois même des cadeaux empoisonnés. Ces séries démocratisent en quelque sorte les « super-pouvoirs » puisque n’importe qui peut en posséder. L’idée s’inspire sans doute de l’univers fantasmé de la génétique qui permettrait de bricoler l’ADN pour accélérer l’évolution humaine. Autre différence encore avec les fictions classiques : la nationalité des personnages. Ceux de « Heroes » ne sont pas tous américains, contrairement aux super-héros des comics. Les héros de manga japonais, seuls personnages équivalents, ne correspondent pas à la même typologie. RECUEILLI PAR PAULA PINTO GOMES (1) Il enseigne la sociologie de l’image et l’histoire sociale des médias à l’université de Lausanne, et dirige la filière média à l’École polytechnique fédérale. ZOOM Etat civil de quelques super-héros Batman d Créé par Bob Kane et Bill Finger pour DC Comics, en 1939. Deuxième super-héros de l’histoire des comics américains, après Superman. Adapté en série animée et au cinéma. d Enfant, le milliardaire Bruce Wayne a assisté impuissant au meurtre de ses parents. Il en gardera un inextinguible désir de vengeance et utilisera sa fortune pour combattre le crime. Ambivalent et obscur, Batman n’a pas de superpouvoirs, mais il est très entraîné physiquement et possède des objets de haute technologie. Spider-Man d Créé en 1962 par Stan Lee et Steve Ditko pour Marvel Comics. Premier héros adolescent et l’un des plus populaires. Adapté en série animée et au cinéma. d Peter Parker, jeune orphelin élevé par sa tante, se retrouve investi de pouvoirs surnaturels après avoir été piqué par une araignée radioactive (force hors du commun, capacité d’adhérer aux parois, sixième sens…). Héros malgré lui, il hésitera un temps à mettre ses capacités au service de la justice. The X-Men d Personnages créés en 1963 par Stan Lee et Jack Kirby pour Marvel Comics. Adapté en série animée et au cinéma. d Groupe de super-héros mutants, qui apprennent à maîtriser leurs pouvoirs dans une école spécialisée, dirigée par le professeur Xavier. Iron Man d Créé en 1963 par Stan Lee pour Marvel Comics. Adapté en série animée et au cinéma. d Blessé au cœur par une mine, le riche industriel Anthony Stark conçoit une armure qui lui permet de survivre et lui confère des pouvoirs. Prisonnier de ce corps de fer, il finira par sombrer dans l’alcool. Naruto d Personnage de manga crée en 1999 par Masashi Kishimoto. Adapté en série animée. d Naruto est un adolescent rebelle et farceur. Orphelin rejeté parce qu’il a un démon en lui, il rêve de devenir « Hokage », le plus puissant des ninja, pour être respecté par les habitants de son village. Dragon Ball (et Dragon Ball Z) d Manga créé en 1984 par Akira Toriyama. Adapté en série animée et au cinéma. d Goku, jeune garçon orphelin doté d’une force phénoménale et capable de changer de taille, part avec Bulma à la recherche des sept boules de cristal qui permettent d’exaucer un souhait. P. P. G. EN SAVOIR PLUS : Super héros, de Martin Winckler, Éd. EPA. D. R. D’origine américaine, les super-héros ont longtemps eu une fonction sociale et politique MÉTÉO-JEUNES Séance de jardinage sous la surveillance de l’épouvantail. De plus en plus d’écoles mènent des expériences de jardins pédagogiques. Une façon de sensibiliser les enfants à de nombreuses valeurs « I ci, on a semé du lin à côté des pommes de terre pour éloigner les…. je ne sais plus comment ça s’appelle ! » dit Mathieu, 6 ans, en CP à l’école de Beauval à Senlis. « Des doryphores ! », lui souffle Antoine, un « grand » de CM2. Dans cette école située en périphérie de la ville royale au cœur du Parc naturel régional Oise-Pays de France, les enfants jardinent, ou plutôt « éco-jardinent », précisent les enseignants et les animateurs du parc, avec qui s’est monté cette année ce projet de jardin pédagogique. À l’arrière de l’école, dans des carrés proprets, délimités par des rondins de bois, poussent des fraises, de la rhubarbe, des groseilles, des framboises, mais aussi des radis, des oignons, de la salade, sous la surveillance d’un magnifique épouvantail confectionné par les enfants. « Tous les vendredis après-midi, les enseignantes, en collaboration avec les animateurs du parc, organisent différents ateliers réunissant les élèves, du CP au CM2, autour du thème du jardin », explique la directrice de l’école Marie-Alice Masclet. Au programme : arts plastiques, sciences, étude de textes… « Le jardin est un thème très fédérateur », note Michèle Clad, conseillère pédagogique à l’éducation nationale, qui suit avec un grand intérêt ces projets dans plusieurs écoles : sous l’impulsion des programmes pédagogiques du parc, 26 classes ont découvert les joies du jardinage. L’occasion d’étudier le cycle de l’eau et de la matière, le développement des plantes, le fonctionnement de l’écosystème avec ses chaînes alimentaires… Le Journal des petits éco-citoyens, rédigé par les élèves, relate ce qu’ils ont appris sur le jardinage écologique durant l’année. Mission réussie : ils sont nombreux à être incollables sur les vertus du paillage ou sur la réalisation d’un bon compost. Ils se montrent aussi de redoutables prescripteurs auprès de leurs parents sur les bons gestes à effectuer au jardin sans avoir recours aux engrais chimiques (1). Ils savent qu’il existe des plantes « amies », connaissent l’intérêt de la rotation des cultures et peuvent aménager un tas de pierres pour accueillir les hérissons, prédateurs des limaces. Seul bémol pour Antoine, Tanguy et les autres qui entreront au collège l’an prochain : ils ne verront pas grossir les potirons qu’ils ont semés au printemps. « Mais on reviendra arroser », assure Tanguy. À NOTRE AVIS Les expériences de jardin pédagogique se multiplient en France. Jardiner à l’école, mais aussi en famille sur un lopin ou un coin de balcon est, souligne Michèle Clad, une façon d’apprendre la patience et la persévérance. « C’est important à l’époque du “tout, tout de suite”… Après avoir semé une petite graine à l’automne, lorsqu’ils voient une tige verte sortir de terre au printemps, cela provoque une grande joie », observe-t-elle. En découvrant le cycle de la vie, ils prennent conscience du temps qui passe. Ils réalisent aussi que l’homme n’est pas tout-puissant : pour faire pousser des plantes, il faut prendre en compte la météo, les facteurs temps et environnementaux, et tout un écosystème qu’il est important de protéger. Enfin, même les enfants qui rechignent devant leur assiette de légumes sont pressés de déguster le fruit de leur travail. Même si Mathieu et ses copains montrent plus de hâte à voir rougir les fraises qu’à récolter les pousses d’épinards… MARIE AUFFRET-PERICONE (1) Naturen de Fertiligène, une marque de produits « bio », est associée au projet.
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