vers une gestion dynamique de la chaîne logistique
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vers une gestion dynamique de la chaîne logistique
Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Paiement à la prestation et PSL : vers une gestion dynamique de la chaîne logistique pharmaceutique aux Etats-Unis Elsa CORBIN Université des Antilles et de la Guyane, France [email protected] Les laboratoires pharmaceutiques aux Etats-Unis, mais aussi dans d’autres territoires de l’espace économique mondial, ont pendant longtemps laissé la gestion de la logistique de distribution de médicaments aux grossistes répartiteurs. Toutefois, depuis que le niveau d’incertitude au sein de leur chaîne d’approvisionnement s’est considérablement accru, ils sont à la recherche de solutions globales destinées à rendre cette dernière plus efficace et efficiente. Les laboratoires pharmaceutiques américains sont de plus en plus séduits par l’offre de services de logistique globale et sur mesure que sont capables d’élaborer les prestataires de services logistiques. L’arrivée de ces compétiteurs dans la chaîne logistique du médicament, longtemps considérés comme des « concurrents impensables », s’accompagne certes d’innovations logistiques mais aussi de la mutation du modèle de rémunération qu’appliquaient les laboratoires pour les services de distribution assurés par les grossistes répartiteurs. Les laboratoires sont dorénavant disposés à ne rémunérer que les prestations créatrices de valeur. C’est l’émergence, au sein de la chaîne logistique du médicament étasunienne, du paiement à la prestation (ou fee-for-service pour reprendre l’expression anglo-saxonne). Le propos de cet article se veut descriptif des prémisses d’une mutation des exigences de la logistique de distribution pharmaceutique aux Etats-Unis. Introduction Les acteurs de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique ont évolué pendant de nombreuses années dans un environnement relativement serein. Les efforts déployés par les laboratoires afin de pérenniser la croissance soutenue de leur chiffre d’affaires portaient essentiellement sur les prescripteurs de médicaments – les médecins en l’occurrence –, des sommes colossales étant alors consacrées à la promotion des produits pharmaceutiques (The Economist, 2005). Cependant, au cours de la dernière décennie, le niveau d’incertitude dans la chaîne logistique du médicament s’est considérablement accru. Les laboratoires pharmaceutiques ne peuvent plus compter sur leurs blockbusters qui engendraient les hauts revenus – plus d’un milliard $ par molécule – nécessaires au financement de la R&D ainsi qu’à celui de leurs très coûteuses politiques marketing (Collen, 2005). Leur capacité à renouveler leur portefeuille de médicaments s’est amplement affaiblie depuis le début des années 2000 (Pignarre, 2004), et de nombreuses molécules, annoncées pourtant comme très prometteuses, ont été des déconvenues, entraînant dans leur sillage la chute, parfois Vol. 16 – N°2, 2008 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:37 69 69 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management vertigineuse, des titres boursiers des laboratoires concernés (Bauchard, 2007). Aux aléas inhérents à la recherche et à la pharmacovigilance (découverte d’effets secondaires des médicaments, restrictions d’indications, rejets d’autorisation de mise sur le marché, etc.) viennent s’ajouter d’autres incertitudes (PriceWaterhouseCoopers, 2007). La contrefaçon et le commerce parallèle de médicaments ont considérablement augmenté dans de la chaîne logistique pharmaceutique. En 2003, l’Organisation Mondiale de la Santé estimait que 8 % des médicaments circulant dans le pipeline pharmaceutique mondial étaient contrefaits. Liang (2005) les évalue à 15 % en 2005. Enfin, nombreux sont les gouvernements engagés à réduire considérablement les dépenses de santé. L’heure est à la baisse des taux de remboursement des médicaments et au recours systématique aux médicaments génériques. Préoccupés par l’envolée du prix des produits pharmaceutiques, certains membres des institutions législatives et du gouvernement étasuniens n’hésitent plus à réclamer que les politiques marketing des manufacturiers du médicament soient soumises à des règles strictes, notamment en matière de dépenses promotionnelles (Mundy, 2008). Les laboratoires, qui évoluent dans un environnement désormais turbulent, vont fortement s’interroger sur la gestion des flux de médicaments en vigueur au sein de leur chaîne logistique. Ils poursuivent des stratégies destinées, certes, à faire diminuer le niveau des stocks dans leur chaîne d’approvisionnement, mais aussi à faciliter la visibilité des flux à l’intérieur de cette dernière. Ainsi, pour lutter contre la fabrication de faux médicaments et le commerce parallèle, les laboratoires pharmaceutiques font de la maîtrise de la distribution physique de médicaments une priorité. Ils souhaitent proposer aux pharmaciens des conditions de distribution ad hoc et par là même être en contact direct avec ces derniers (direct to pharmacy). Les laboratoires cherchent, de plus, à se rapprocher des clients-patients. Ils considèrent de ce fait la maîtrise de l’information et du service après-vente relatif aux médicaments comme hautement stratégique. Ils veulent enfin adapter le modèle de distribution à la technicité des produits, et pour cela ambitionnent de remplacer la distribution de masse par celle de segmentation et de proximité. L’amélioration de la logistique de distribution des produits pharmaceutiques doit être source de création de valeur dans une chaîne d’approvisionnement 70 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:37 où une approche globale de la gestion des flux avait jusqu’alors fait défaut. Les laboratoires pharmaceutiques vont donc introduire, dans la première moitié des années 2000, des pratiques de gestion globale des flux dans une chaîne d’approvisionnement étasunienne encore peu influencée par les pratiques collaboratives et donc peu intégrée. Les grossistes répartiteurs pharmaceutiques, qui ne peuvent dorénavant plus recourir au modèle spéculatif, s’engagent avec eux dans des stratégies destinées à maîtriser la mobilité des flux de médicaments au sein de la chaîne logistique. Cette nouvelle dynamique pourrait annoncer la fin d’une chaîne d’approvisionnement des produits pharmaceutiques dans laquelle les fonctions les plus développées par les acteurs en charge de la logistique de production et de distribution sont des fonctions opérationnelles de pilotage des flux physiques. Elle pourrait aussi sonner le glas d’une chaîne de valeur où la logistique demeure chez la plupart des différents acteurs une fonction linéaire, et où chaque organisation est motivée par ses propres indicateurs de performances. L’environnement en pleine mutation de cette dernière, qui constitue une opportunité pour les prestataires de services logistiques (PSL), annoncerait la création de réseaux d’entreprises virtuelles au sein d’une chaîne d’approvisionnement restée jusqu’à récemment à l’écart du processus de virtualisation des chaînes de valeur. L’objectif poursuivi par cet article est de discuter de l’émergence de pratiques collaboratives au sein de la chaîne logistique du médicament aux États-Unis. Plus précisément, il a pour visée de montrer comment, à travers l’introduction du modèle de paiement à la prestation (ou fee-for-service pour reprendre l’expression anglo-saxonne) et la pénétration de plus en plus importante des PSL dans la chaîne d’approvisionnement du médicament, cette dernière va vers l’éclosion de réseaux virtuels d’entreprises en son sein. L’article débute avec un bref rappel des avantages concurrentiels que procure la gestion dynamique de la chaîne d’approvisionnement des entreprises virtuelles. Nous évoquerons ensuite le rôle stratégique des PSL dans la gestion des chaînes logistiques des entreprises en réseaux. Par la suite, nous aborderons la question de la fin du modèle spéculatif et de son remplacement par le modèle du paiement à la prestation, ainsi que les stratégies que développent les PSL afin de répondre aux nouvelles exigences des laboratoires pharmaceutiques. Nous terminerons en mettant en Vol. 16 – N°2, 2008 70 Source : Partouche, 1 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management relief un certain nombre d’observations quant à l’implication de pratiques de management global des chaînes logistiques multi-acteurs pour les entités traditionnellement en charge de l’organisation de la logistique de distribution au sein de la chaîne d’approvisionnement du médicament. La gestion dynamique des chaînes logistiques des entreprises virtuelles, source d’avantage concurrentiel Le traitement et la synchronisation des flux physiques, informationnels et financiers, sont un enjeu de taille aux yeux des organisations contemporaines (Aurifeille et al., 1997 ; Brechet, 1998 ; Fabbe-Costes, 2002 ; Lemaitre, 1989 ; Porter, 1999). Le pilotage des flux destiné à assurer un système de valeur efficace doit être effectué au travers d’une gestion dynamique, flexible, agile et globale (Christopher, 1999 ; Christopher et Towill, 2000, Fabbe-Costes, 2007). Ces nouvelles exigences ont eu – d’abord à l’intérieur et ensuite à l’extérieur des organisations – des conséquences majeures sur les modes de gestion logistique. Des relations efficaces de type durable avec les clients et les fournisseurs rendent plus aisées la gestion d’une chaîne logistique désormais multi-acteurs (Gassenhaimer et al., 1989 ; Horvath, 2001 ; Spekman et al., 1998), et dans laquelle les stratégies intégratives représentent un bon moyen d’acquérir et de maintenir un avantage concurrentiel (Gulati et al., 2000 ; Jarillo, 1995). Les relations inter-organisationnelles sont un facteur important dans le processus de création de valeur (Handfield et Bechtel, 2002). On est donc passé d’une chaîne logistique traditionnelle – composée d’un fournisseur, d’une entreprise et d’un client, et caractérisée par des relations cloisonnées – à une chaîne logistique étendue au sein de laquelle les processus sont transversaux. La gestion efficiente de leurs chaînes d’approvisionnement est un enjeu majeur pour les entreprises virtuelles qui souhaitent maintenir leur rang dans la compétition féroce qu’elles se livrent. La bataille pour les parts de client n’est plus menée de manière individuelle et isolée. Ce sont des réseaux virtuels qui s’opposent (Christopher, 2005; Christopher et Peck, 2003) et il n’est pas question, dans cette ambiance de stratégies réticulaires, de négliger l’administration des chaînes logistiques globales (Paché et Spalanzani, 2007). Il est vrai que, bien gérées, ce sont elles qui permettront à la firme virtuelle de satisfaire de manière efficiente la ou les demandes des clients. Une organisation virtuelle ne peut atteindre ses objectifs sans une gestion dynamique de sa chaîne d’approvisionnement. Car il est difficile de recourir juste à temps au bon fournisseur ou de livrer au bon client le bon produit, au bon endroit, dans les délais les plus courts et à moindre coût, en négligeant une gestion au plus juste des systèmes logistiques. Les entreprises virtuelles qui ne tiennent pas compte de ces facteurs risquent d’endommager fortement leur processus de création de valeur. Les PSL apportent une réelle compétence de gestion des interfaces au sein des chaînes logistiques. Daugherty et Pittman (1995) estiment que confier la gestion de leur chaîne d’approvisionnement à un PSL procure aux entreprises virtuelles de nombreux avantages. En effet, ces organisations sont capables de concevoir, grâce à leur expérience d’assembliers (Fulconis et Paché, 2005; Paché, 2007) ou d’intégrateurs logistiques (Dornier et Fender, 2001), des offres de services logistiques sur mesure dotés d’une efficacité créatrice de valeur au sein de la chaîne d’approvisionnement (Dillon, 1989; Richardson, 1993; Troyer et Cooper, 1995). Elles peuvent mobiliser des ressources et échafauder des processus adaptés à la constitution d’offre de services logistiques de qualité supérieure (Bask, 2001 ; Byrne, 1993 ; Richardson, 1990). Leur connaissance des chaînes d’approvisionnement leur confère des compétences relatives à la réduction des coûts logistiques et à la flexibilisation du système de valeur (Bhatnagar et al., 1999 ; Lieb, 1992). Les PSL sont aussi capables de prendre en charge l’administration des flux physiques de marchandises et d’information et d’assurer la planification, le suivi et le pilotage des chaînes logistiques des entreprises virtuelles. Ils peuvent ainsi se charger de la gestion d’une large palette d’opérations logistiques et para-industrielles pour le compte des entreprises virtuelles qui en feraient la demande. Cependant, la complexité du déploiement des chaînes d’approvisionnement et leur pilotage opérationnel partiel ou total par des intégrateurs logistiques imposent que ces derniers possèdent d’innombrables capacités (Brito et Roseira, 2005 ; Day, 1994 ; Fabbe-Costes, 2005 ; Glenn et Wheeler, 2004 ; Jarratt, 2004). Les intégrateurs logistiques – hubs de constellation d’entreprises en devenir (Fulconis et al., 2007) – doivent être capables de fournir des solutions logistiques qui répondent aux exigences des autres acteurs du système de Vol. 16 – N°2, 2008 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:37 1 LI de at en ve lic s'é 2 ré in se de op 71 71 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management valeur, et posséder des qualités de facilitateurs de la propagation des processus transversaux au sein de la chaîne logistique multi-acteurs (Svahn et Westerlund, 2007). Engagés pleinement dans la coordination des chaînes logistiques, ils mettent tout en œuvre pour que les produits puissent atteindre les clients dans les meilleures conditions de coût, de délai et de niveau du service délivré. Les qualités cognitives et communicationnelles exceptionnelles des PSL favorisent, en principe, l’avènement d’un contexte apaisé au sein du système de valeur (Bessant et al., 1994; Lancioni, 2000), ce qui ne manque pas de limiter les comportements opportunistes au sein de la chaîne logistique (Dornier et Fender, 2001). Les investissements technologiques que réalisent les PSL s’accompagnent d’une transparence des coûts logistiques à l’intérieur de la chaîne d’approvisionnement. Ces investissements représentent dans l’industrie du textile environ 70 % des coûts logistiques (Deep, 2007). Bien que l’externalisation ait des effets positifs sur le moral des employés des entreprises qui font le choix d’externaliser leurs activités logistiques, il n’en demeure pas moins vrai que cette stratégie comporte des aspects qui décourageraient certains acteurs potentiels à confier la gestion de leurs chaînes d’approvisionnement à un PSL (Setthakaset et Basnet, 2005). Ainsi, les utilisateurs des services des PSL ont généralement la crainte de voir s’accroître leur degré de dépendance à l’égard de ces derniers (Bowman, 1995). Par ailleurs, certaines des organisations qui ont eu à solliciter de telles entreprises ont été déçues de l’aventure de l’ambiance virtuelle. Les PSL n’ont pas réussi à satisfaire pleinement tous leurs clients (Lieb et Randall, 1996) ; les moyens technologiques mis à la disposition de ces derniers n’étaient pas à la hauteur des exigences de la prestation (Byrne, 1993) ; et enfin, des promesses commerciales difficilement réalisables leur ont été proposées. Il existe aussi des prestataires qui ont éprouvé des difficultés à comprendre les demandes de leurs clients et à s’adapter aux différentes évolutions de leurs marchés (Bradley, 1995). Ainsi, nombreux sont encore les manufacturiers de la chaîne logistique qui ne croient pas aux capacités des PSL à créer de la valeur ou à délivrer le niveau de service attendu. De plus, certains usagers potentiels éprouvent de grandes difficultés à comprendre d’emblée les avantages à recourir aux prestations d’un tel opérateur d’autant plus qu’ils s’interrogent sur les réelles économies qu’il serait possible d’en dégager. Aussi, lors de l’introduction 72 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:37 d’une dose de virtualité au sein d’une chaîne d’approvisionnement, les membres en charge de la gestion des flux logistiques sont très vite confrontés à une question cruciale : qui d’entre eux sera le « chef de file » de la nouvelle organisation virtuelle ? La réponse à cette épineuse question est loin d’être évidente. Dans le cas de l’industrie pharmaceutique, le grossiste répartiteur voit sa position de logisticien naturel de la chaîne logistique traditionnelle du médicament largement remise en cause dans le processus de virtualisation en cours dont fait l’objet cette dernière. La fin du modèle spéculatif dans la chaîne logistique du médicament aux Etats-Unis Le principe du model spéculatif, longtemps en vigueur comme mode de rémunération dans la distribution pharmaceutique aux Etats-Unis, est dans l’ensemble relativement simple. Les grossistes répartiteurs pharmaceutiques passaient d’importantes commandes chez les manufacturiers (buy). Celles-ci étaient généralement effectuées à la veille de la hausse annuelle des prix des médicaments, car les fabricants procédaient, en principe, à l’augmentation des prix de leurs produits à peu près à la même période chaque année. Il se pouvait qu’une augmentation des prix s’effectue de manière imprévue, mais cela relevait de l’exception. Les médicaments étaient alors stockés au sein des entrepôts appartenant aux grossistes répartiteurs pharmaceutiques en attendant que leur prix s’accroisse (hold). Une fois l’augmentation des prix effective, c’est-à-dire officialisée par les manufacturiers, les grossistes répartiteurs alimentaient la chaîne d’approvisionnement des médicaments qui étaient conservés dans leurs entrepôts, leur grille tarifaire s’appuyant bien évidemment sur les nouveaux prix arrêtés par les fabricants. Il existait donc une différence de prix entre le moment où les médicaments entraient dans les magasins des grossistes répartiteurs et celui où ces mêmes médicaments en ressortaient pour être acheminés vers les détaillants. Cette différence, qui peut être considérée comme un profit, permettait aux grossistes répartiteurs de supporter les coûts relatifs au déploiement des moyens logistiques, humains et de télécommunication mis à contribution pour que les marchandises puissent emprunter sans encombre la chaîne d’approvisionnement du médicament et atteindre les patients. Vol. 16 – N°2, 2008 72 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Un laboratoire, en l’occurrence Bristol-Myers Squibb, a cependant dépassé les règles tacites des relations entre manufacturiers de médicaments et grossistes répartiteurs, telles que celle, par exemple, qui consistait à ce que le grossiste répartiteur n’ait que 15 à 25 % de son activité lucrative qui dépende de la spéculation. En effet, en 2002, une enquête interne a révélé les pratiques de cette entreprise, montrant ainsi que les responsables de celle-ci avaient quelque peu triché en développant deux concepts – baptisés « double-double » et « mega-double » – destinés à faire grimper la valeur de l’action de l’entreprise à la Bourse (United States Securities and Exchange Commission, 2004). Les responsables de Bristol-Myers Squibb avaient en fait demandé à deux grossistes répartiteurs de conserver chez eux les stocks de l’entreprise, qu’ils leur avaient bien sûr préalablement vendus. La politique du laboratoire pharmaceutique consistait à produire une quantité très importante de médicaments, à les remettre aux grossistes répartiteurs afin que ces derniers puissent les stocker, et cela sans tenir compte de l’évolution du marché. C’est ainsi que les deux grossistes répartiteurs pharmaceutiques qui avaient accepté de souscrire à cette stratégie conçue par les responsables de Bristol-Myers Squibb se sont vus confier l’entreposage de médicaments d’une valeur de 650 millions $ (United States Securities and Exchange Commission, 2004). Les autorités boursières des Etats-Unis ont estimé que ces pratiques ont eu trop tendance à donner une image tronquée de la réalité économique de l’entreprise. Les enquêteurs de la Securities and Exchange Commission – l’équivalent de la Commission des Opérations Boursières (COB) en France – ont donc émis des avis peu élogieux quant à ces pratiques. Par ailleurs, dans un contexte où 85 % de la marge des grossistes répartiteurs reposait sur les offres commerciales qui leur sont faîtes par les laboratoires pharmaceutiques, l’essentiel des efforts et des énergies des acteurs de la chaîne d’approvisionnement – en l’occurrence ici les manufacturiers de médicaments et les grossistes répartiteurs – était consacré à la négociation. Selon les enquêteurs de la Securities and Exchange Commission, de telles pratiques ne favorisent nullement la création de valeur pour les patients et sont à bannir. Il convenait donc, toujours selon ces enquêteurs, de tout mettre en œuvre pour qu’elles disparaissent de la chaîne logistique des produits pharmaceutiques. Les remarques proférées par la Securities and Exchange Commission n’ont pas manqué une fois de plus de ternir l’image de marque des laboratoires pharmaceutiques, et en particulier celle de l’entreprise Bristol-Myers Squibb. Ces poursuites ont donc conduit cette dernière à prendre les décisions qui s’imposent, c’est-à-dire à annoncer officiellement, en mars 2003, l’abandon définitif de la stratégie de l’achat spéculatif. De plus, la Securities and Exchange Commission a signé en août 2004 un accord qui associe l’entreprise Bristol-Myers Squibb et dans lequel cette dernière stipule « limiter les ventes à venir aux grossistes répartiteurs à la demande du marché ou à un montant qui ne devrait pas excéder approximativement un mois de stock » (The Pink Sheet, 2004a). Ce fut alors l’occasion de reconsidérer les relations existant entre les fabricants de médicaments et les grossistes répartiteurs au sein de la chaîne d’approvisionnement du médicament. L’essor du paiement à la prestation Les péripéties de Bristol-Myers Squibb vont favoriser l’introduction du concept de paiement à la prestation (fee-for-service) dans la chaîne logistique de distribution pharmaceutique. Appliqué depuis de nombreuses années dans les chaînes d’approvisionnement d’autres produits (Marsh et al., 2002), le paiement à la prestation connaît aujourd’hui un fort engouement au sein de la chaîne logistique du médicament. Le principe de l’Inventory Management Agreement (IMA) en est un des aspects. L’IMA est destiné à éviter qu’il y ait trop de stocks de médicaments dans le pipeline. Ainsi, les grossistes répartiteurs prennent de manière contractuelle l’engagement auprès des manufacturiers de ne pas acquérir plus d’un mois de stocks dans leur magasin, et ils sont rémunérés en fonction de leur performance quant à l’engagement pris. Les industriels estiment que, dès la fin de l’année 2004, 70 % des transactions réalisées entre fabricants de médicament et grossistes répartiteurs aux Etats-Unis le sont sous des conventions IMA (HDMA, 2005). Trois des cinq plus grands laboratoires pharmaceutiques mondiaux ont signé des accords IMA avec l’essentiel des grossistes répartiteurs étasuniens pour une meilleure maîtrise du volume des stocks au sein de la chaîne d’approvisionnement de médicaments. Des laboratoires de moindre envergure tels que Genzyme, Gilead Sciences, First Horizon et King Pharmaceuticals, Vol. 16 – N°2, 2008 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:37 73 73 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management ont eux aussi signé des contrats IMA avec les grossistes répartiteurs. 1 - La mutation des exigences de la logistique de distribution de médicament aux États-Unis n’en est qu’à ses débuts. Aussi, cette partie de notre contribution se veut très descriptive de la nouvelle ambiance qui émerge au sein de la chaîne logistique étasunienne des produits pharmaceutiques. Toutefois, nous préparons une étude de cas dans laquelle un questionnaire sera adressé aux prestataires de services logistiques qui ont pu pénétrer la chaîne d’approvisionnement des médicaments. Ce questionnaire devrait nous permettre, une fois conduit, de mettre en évidence les pratiques collaboratives qui accompagnent l’entrée de cet opérateur dans la chaîne d’approvisionnement des produits pharmaceutiques aux États-Unis. Les fabricants de médicaments, qui sont à l’initiative de cette formule de type paiement à la prestation, en sont plutôt satisfaits. L’IMA a permis une diminution considérable des stocks chez les grossistes répartiteurs étasuniens. C’est une immobilisation de 4,6 milliards $ qui a été supprimé de leur bilan (Fein, 2005). Cependant, l’IMA n’a pas permis aux grossistes répartiteurs d’accéder au niveau de profit qu’ils atteignaient lorsqu’ils évoluaient avec le modèle spéculatif. L’application des contrats de type IMA n’est donc pas toujours aisée, car dans certains cas, les grossistes répartiteurs ne reçoivent pas de rémunération (fee) leur permettant de compenser intégralement la perte du profit subséquent à une stratégie spéculative de type buy and hold. Ils ne peuvent, pour percevoir une rémunération, s’appuyer que sur une augmentation des prix des médicaments en leur possession. Aussi, la signature de contrats IMA, en contribuant à diminuer considérablement leurs profits, n’a pas manqué d’amoindrir la valeur boursière de ces entreprises. Par exemple, Cardinal Health, en juin 2004, a affirmé que la réduction de ses stocks a été de 500 millions $, mais estime aussi que cette réduction s’est traduite par une perte substantielle de revenus (The Pink Sheets, 2004b). A l’annonce de ces résultats, la valeur boursière de cette entreprise a baissé en une journée de 25 %. Les deux autres plus importants grossistes répartiteurs étasuniens, à savoir McKesson et AmerisourceBergen, font le même constat (The Pink Sheets, 2004c). Figure 1 : Evolution des stocks chez les grossistes répartiteurs et les fabricants de médicaments aux Etats-Unis du 4 e trimestre 2001 au 4e trimestre 2004 Par ailleurs, l’IMA n’a pas eu pour tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique que des effets positifs quant à la maîtrise de la gestion de leurs stocks. Alors que les grossistes répartiteurs pharmaceutiques affirment que le niveau de leurs stocks a considérablement baissé, celui des fabricants de médicaments est en nette progression. A la lecture des rapports mensuels du US Census Bureau depuis 2003, on y découvre que les manufacturiers ont vu leur stocks augmenter d’une valeur de 4 milliards $ alors qu’à la même période, les trois plus importants grossistes répartiteurs étasuniens diminuaient les leurs de 4,6 milliards $, comme nous l’avons indiqué précédemment. On constate ainsi que les stocks qui étaient détenus par les grossistes répartiteurs sont remontés dans la chaîne d’approvisionnement et se situent maintenant au sein des entrepôts des laboratoires pharmaceutiques. Il est indéniable que l’IMA ait fait baisser, en théorie, le niveau des stocks dans la chaîne logistique de distribution pharmaceutique. Ces stocks, que l’on retrouve en fait aujourd’hui dans les usines ou les entrepôts des laboratoires, ont un impact direct sur les coûts d’exploitation de ces derniers. Fein (2005) estime que, entre les années 2002 et 2004, le coût de la gestion logistique de ces stocks se monte à 785 millions $ ; il estime même que le montant en question pourrait s’avérer supérieur à celui qu’il avance si on intégrait dans les calculs des coûts tels que les coûts cachés. Par ailleurs, le développement des contrats IMA semble accroître les risques de pénurie de médicaments aux Etats-Unis. Aussi, depuis le milieu des années 2000, les manufacturiers du médicament sont à la recherche de solutions de gestion logistique efficientes leur permettant à la fois de baisser le niveau des stocks dont ils supportent désormais directement les coûts de possession et d’amoindrir la fréquence des pénuries de médicaments au sein de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique étasunienne. Les PSL : incubateurs du modèle de paiement à la prestation dans la chaîne logistique du médicament1 Une réponse aux exigences des laboratoires en matière de prestations logistiques à forte valeur ajoutée Les grossistes répartiteurs doivent depuis quelques années faire face à l’entrée dans la Source : Fein (2005, p.9) 74 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:38 Vol. 16 – N°2, 2008 74 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management chaîne d’approvisionnement pharmaceutique d’un nouvel opérateur logistique qui, compte tenu des contraintes réglementaires propres à cette dernière – traçabilité sans faille, gestion de flux de produits sensibles et fragiles, gestion immédiate des retours, disponibilité permanente des produits, etc. – ne s’occupait que de l’administration des flux physiques de marchandises d’autres industries. La chaîne logistique du médicament avait été, jusqu’au début des années 2000, épargnée par les stratégies de pénétration des chaînes d’approvisionnement élaborées par les PSL. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, ce qui constitue une menace plutôt sérieuse pour les grossistes répartiteurs pharmaceutiques. L’opérateur logistique Kuehne+Nagel, par exemple, a mis le développement des prestations logistiques dédiées aux pharmacies et à l’industrie de la santé au centre de sa stratégie globale. Quant à Panalpina, un autre PSL qui travaille aussi en Europe avec les acteurs de la chaîne d’approvisionnement du médicament, il a placé l’industrie pharmaceutique parmi les quatre industries les plus importantes pour le développement de ses affaires (Gillis, 2004). La construction d’un réseau international et la maîtrise de la chaîne du froid constituent les éléments centraux de sa stratégie de pénétration de la chaîne logistique du médicament. Ainsi, l’entreprise Panalpina n’a pas hésité, d’une part, à renforcer son service aérien consacré à la distribution transnationale de produits pharmaceutiques, d’autre part, à lancer un programme appelé Project Celsius dans lequel le prestataire s’est associé avec le développeur d’équipements Environtainer afin d’éviter que le « réseau réfrigéré » ne subisse de ruptures. Éviter toute rupture de la chaîne du froid représente alors pour l’entreprise une prestation à haute valeur ajoutée qu’il ne faut en rien négliger. Panalpina ne cache pas ses ambitions de devenir un acteur essentiel dans la chaîne logistique pharmaceutique des Amériques (Gillis, 2004). Pour exploiter pleinement les nouvelles opportunités émanant de la chaîne d’approvisionnement du médicament, d’autres acteurs de la logistique créent tout simplement une nouvelle entité qui permet ainsi à de nouveaux partenaires de mettre en commun leur savoir faire et de mutualiser leurs infrastructures de télécommunication, leurs systèmes logistiques, leurs moyens humains, etc. C’est le cas de la joint-venture LifeConEx qui regroupe les entreprises DHL Danzas Air & Ocean et LufthansaCargo. Ces entreprises proposent ainsi depuis avril 2005 des prestations logisti- ques essentiellement destinées aux acteurs de l’industrie pharmaceutique et des sciences de la vie. Ces opérateurs ont scruté et schématisé la chaîne logistique des flux engendrés par les laboratoires pharmaceutiques. Ils ont alors réussi à mettre en évidence l’existence de l’enchaînement de 75 étapes dont 45 concernent la chaîne du froid, entre le moment où les colis leur sont confiés, c’est-à-dire quittent l’usine du client expéditeur, et le moment où ils sont livrés chez le destinataire (Putzger, 2005). Les prestations logistiques offertes aux clients de LifeConEx ne concernent, pour l’instant, que les flux empruntant les réseaux logistiques déployés entre les Etats-Unis et l’Europe. L’extension de la prestation entre l’Europe et l’Asie a elle aussi été prévue, et elle a même dû être avancée d’un mois (Putzger, 2005), tant les services sur mesure délivrés par ces deux opérateurs, selon les responsables de la récente collaboration entre DHL DANZAS Air & Ocean et Lufthansa, rencontrent un fort succès auprès des laboratoires et des entreprises des sciences de la vie. De tels services permettent en effet à ces dernières de se consacrer à leur cœur de métier, à savoir la R&D ainsi que l’élaboration de nouvelles stratégies marketing. UPS est certainement l’entreprise qui a déployé les stratégies les plus agressives pour tenter de prendre des parts de marché aux grossistes répartiteurs aux Etats-Unis (OTN, 2006). Ce PSL, qui est passé de la simple fonction – aujourd’hui à faible valeur ajoutée – de transporteur de petits colis d’un point A à un point B à celle beaucoup plus complexe de gestionnaire agile de chaînes logistiques multi-acteurs doté d’une flotte de 270 avions – ce qui fait de lui la onzième plus grande compagnie aérienne mondiale – achemine aujourd’hui près de 13,5 millions de colis par jour à travers le monde (Sheffi, 2005) et dégage un chiffre d’affaires annuel de 36 milliards $. UPS applique pour la chaîne logistique du médicament les mêmes stratégies qui ont permis son succès dans d’autres industries. La première phase de cette stratégie d’intégration de la chaîne d’approvisionnement du médicament mise en œuvre par ce gestionnaire de flux rapides a consisté à fournir aux fabricants de médicaments des conseils quant à l’organisation et à la maîtrise de leurs flux. Aujourd’hui, les opérations confiées à UPS sont beaucoup plus étendues. Dès l’année 2004, UPS prenait déjà en charge la gestion des flux physiques de médicaments de la moitié des fabricants de produits pharmaceutiques des Etats-Unis (Gillis, 2004). Vol. 16 – N°2, 2008 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:39 75 75 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management Pour faire face aux nouvelles opportunités qui s’offrent à elle, UPS a mis en place dans son réseau global des centres de distribution dédiés entièrement à la gestion des flux de médicaments. On retrouve ainsi ces centres aux Etats-Unis, mais aussi au Canada et à Porto Rico. L’ensemble de la maîtrise de la chaîne logistique de distribution des médicaments de certains manufacturiers est externalisé auprès d’UPS. Ce dernier pourrait ainsi à l’avenir se voir confier de manière systématique l’administration des flux de médicaments des hôpitaux, des patients mais aussi celle des grossistes répartiteurs pharmaceutiques eux-mêmes. Notons que la situation en France, malgré un environnement bien plus exigeant et plus règlementaire que celui de la répartition aux Etats-Unis, évolue – évidemment avec ses propres dynamiques – elle aussi. Durant de nombreuses années, le secteur de la distribution de produits pharmaceutiques a été en France protégé par des barrières à l’entrée. Cependant, les PSL spécialistes de l’express médical ont su, au fil des années, structurer leur offre (Desfilhes, 2008a). Marché au départ occupé par de petites structures, ces prestataires tachaient de satisfaire une demande très peu organisée et surtout embryonnaire. Aujourd’hui, à coté des services offerts par les grossistes répartiteurs, on assiste à l’émergence d’une nouvelle chaîne logistique de médicaments (Desfilhes, 2008c). Il est vrai que les laboratoires pharmaceutiques ont mieux su exprimer leur demande, ce qui a fortement contribué à ce que les PSL développent des gammes de services afin d’y répondre (Desfilhes, 2008b). Mattiuzzo et Le Goff (1997) parlent de ces derniers comme de « concurrents impensables ». Il est vrai aussi que depuis deux ans, les autorités sanitaires ont considérablement élevé le niveau d’exigence de sécurité concernant les produits pharmaceutiques tels que les essais cliniques, les prélèvements en vue d’analyse ou les vaccins à destination des laboratoires. Les PSL spécialistes des flux express, au départ très prudents, voient dans ces activités des ressources à forte valeur ajoutée en dépit de contraintes qui demeurent très élevées. C’est le cas par exemple de l’entreprise Aexxdis qui s’occupe de la distribution de plus de 1.000 références de médicaments, de dispositifs médicaux, de prothèses, et de vaccins. 10 % de ces expéditions sont destinés à être livrés aux services des hôpitaux. Depuis octobre 2005, l’entreprise prend en charge les 76 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:39 produits médicaux et pharmaceutiques au sein des entreprises manufacturières et les achemine directement vers les officines. Cette activité représente aujourd’hui 200 livraisons par jour. Mais les responsables de cette entreprise sont très optimistes quant à l’évolution de ces opérations. Par ailleurs, les offres comme la traçabilité et le suivi en temps réel des flux confiés à cette entreprise ne se limitent pas à la France mais s’étendent aussi au Benelux. Aexxdis, qui n’a pas manqué de recruter un pharmacien et de développer une stratégie basée sur la méthode du dépositaire pharmaceutique, traite chaque mois 15.000 livraisons dont 4.000 en région parisienne (Lautrédou, 2005). Le paiement à la prestation, catalyseur d’un nouveau modèle de relations d’affaires au sein de la chaîne logistique du médicament Dans cette nouvelle dynamique, aux Etats-Unis comme dans d’autres pays d’ailleurs, il existe une différence de taille entre l’organisation des grossistes répartiteurs pharmaceutiques et celle des PSL. Ceux-ci ne prennent pas possession des stocks de marchandises dont ils gèrent les flux, contrairement aux grossistes répartiteurs. Dans le cas où les flux de médicaments sont gérés par un PSL, les manufacturiers attribuent à ce dernier une rémunération de type paiement à la prestation pour l’ensemble des services qui leur sont offerts. Le principe du paiement à la prestation séduit beaucoup les acteurs situés en aval de la chaîne logistique pharmaceutique comme les réseaux d’hôpitaux. Ceux-ci sont très intéressés par l’efficacité et la traçabilité qu’assurent les PSL. En effet, aux Etats-Unis, les maillons de la chaîne logistique fabricant / grossiste répartiteur / détaillant (qu’il s’agisse ici d’une pharmacie ou d’un hôpital) ont été mis à mal par (1) le développement très important du marché parallèle et la réimportation de médicaments, (2) l’Internet et enfin (3) l’introduction massive de médicaments contrefaits. Les compétences des PSL permettent de répondre aux impératifs de sécurité et de sécurisation de la chaîne d’approvisionnement pharmaceutique. Ce sont néanmoins les fabricants de produits pharmaceutiques qui semblent les plus intéressés par ce nouveau modèle d’affaires que constitue le paiement à la prestation. Ce dernier s’intègre parfaitement dans la logique de maîtrise et de gestion globale de la chaîne d’approvisionnement du médicament. Il rend aussi possible une appropriation par Vol. 16 – N°2, 2008 76 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management les laboratoires des économies de coûts logistiques – et donc une dynamisation de leurs marges – réalisées au sein de la chaîne logistique de distribution pharmaceutique. La tendance à l’émergence du modèle de paiement à la prestation au sein de la chaîne d’approvisionnement de médicaments correspondrait, d’après les grossistes répartiteurs pharmaceutiques, à reconsidérer les relations qui existent entre eux et les laboratoires pharmaceutiques. La généralisation de cette pratique semble aussi souhaitée par les grossistes répartiteurs qui désirent développer davantage leurs prestations logistiques et se transformer à leur tour en gestionnaires de chaînes logistiques multi-acteurs. Les services proposés par les PSL ont poussé les grossistes répartiteurs à vouloir généraliser le modèle économique du paiement à la prestation. Les contrats IMA signés par une large majorité de grossistes répartiteurs en sont un exemple. Ces derniers ne se considèrent d’ailleurs plus comme de simples distributeurs mais, à l’instar des PSL, comme des fournisseurs de prestations de services logistiques à valeur ajoutée (Marsh et al., 2004; Traynor, 2005). Mais alors qu’ils acceptent sans réticence les prestations élaborées et proposées par les PSL et qu’ils expriment ici et là leur volonté de développer au sein de la chaîne d’approvisionnement de médicaments des pratiques intégratives, les laboratoires pharmaceutiques font montre de réticence à entrer dans une logique d’intégration logistique dans laquelle les grossistes répartiteurs pharmaceutiques seraient des partenaires capables de créer de la valeur pour les acteurs de la chaîne d’approvisionnement du médicament (Lautrédou, 2005). Lorsqu’ils décident de reconfigurer leurs systèmes logistiques et mettre en place des schémas logistiques intégrés et innovants afin d’optimiser leurs processus (d’approvisionnement, de production ou de distribution), les laboratoires pharmaceutiques se tournent essentiellement pour les accompagner dans cette démarche vers les PSL. Une récente enquête de la PRTM montre ainsi que les deux tiers des laboratoires pharmaceutiques et des fabricants de matériel médical aux Etats-Unis disent avoir déjà recours ou planifient de solliciter à court terme les prestations des fournisseurs de services logistiques (Next Generation Pharmaceutical, 2008). Conclusion L’introduction du modèle de paiement à la prestation dans la chaîne d’approvisionne- ment du médicament aux États-Unis a amorcé un changement dans les rapports qui existent entre les fabricants de médicaments et les acteurs en charge de la logistique de distribution. Dans ces nouveaux rapports, les pratiques intégratives sont beaucoup plus présentes que par le passé. Ce nouveau modèle économique annonce-t-il la fin des grossistes répartiteurs, logisticiens traditionnels de la chaîne logistique pharmaceutique ? Ou assistons-nous plutôt à une redéfinition du métier de cet intermédiaire ? Selon Fein (1998, 2005), on se dirige davantage vers une mutation de la fonction des grossistes répartiteurs dans la chaîne logistique pharmaceutique. Afin de créer davantage de valeur, ces derniers doivent tout mettre en œuvre pour assurer un meilleur pilotage des flux physiques de médicaments ainsi que celui des flux informationnels et financiers qui transitent dans le pipeline. Le processus intégratif en cours est par ailleurs amplifié par l’entrée des PSL dans la chaîne d’approvisionnement des produits pharmaceutiques (voir Figure 1). Ces opérateurs sont habitués à gérer et proposer des services destinés à améliorer l’administration des chaînes d’approvisionnement des entreprises virtuelles. Leur présence séduit les membres de la chaîne logistique du médicament – et au-delà de celle-ci, ceux de la chaîne de valeur de la santé – car l’industrie pharmaceutique doit désormais satisfaire constamment les exigences, notamment en matière de traçabilité, des gouvernements et de ses clients finaux. Le processus de virtualisation en cours répond, quant à lui, aux exigences d’une meilleure visibilité de la chaîne d’approvisionnement du médicament, même si cet objectif est encore loin d’être atteint. Il existe toutefois des freins à la dynamique intégrative relatée dans cet article tels que, par exemple, les disparités de rétributions offertes par les laboratoires pharmaceutiques aux grossistes répartiteurs qui ont assisté, depuis le passage à l’ère de la rémunération corrélée à la performance2, à la diminution considérable de leurs chiffres d’affaires, ces rétributions ne couvrant pas, dans une majorité des cas, le coût de revient des opérations de livraisons. Par ailleurs, un certain nombre de laboratoires pharmaceutiques éprouvent quelques difficultés à admettre que les grossistes répartiteurs soient capables de créer de la valeur. On ne peut pas non plus écarter l’épineuse question – source souvent de conflit entre les acteurs de chaînes logistiques étendues – du leadership d’une chaîne d’approvisionnement pharmaceutique empruntée de virtua- Vol. 16 – N°2, 2008 LM_N2_2008.prn LM_N2_2008.vp vendredi 13 fØvrier 2009 08:47:39 2 - Pay for performance (P4P) selon l’expression étasunienne. 77 77 Profil couleur : DØsactivØ Composite 150 lpp 45 degrØs Logistique & Management lité. Les changements qui touchent la chaîne logistique des médicaments aux États-Unis justifient la constitution d’un agenda de recherche dans lequel les études comparatives entre ce territoire et ceux de l’Union Européenne seraient privilégiées. Car les stratégies relatives à la chaîne d’approvisionnement du médicament et soutenues par les laboratoires pharmaceutiques dans des pays européens comme l’Angleterre – où ils développent le concept de distribution exclusive initiée par Pfizer et Sanofi-Aventis – semblent montrer que le processus de virtualisation des chaînes logistiques du médicament et plus largement celui des chaînes d’approvisionnement du secteur de la santé ne concerne pas uniquement les Etats-Unis, mais pourrait bel et bien devenir un phénomène global. Références bibliographiques Aurifeille J.-M., Colin J., Fabbe-Costes N., Jaffeux C., Paché G. (1997), Management logistique : une approche transversale, Editions Litec, Paris. Bask A. (2001), Relationships among TPL providers and members of supply chains : a Figure 2 : Chaîne logistique virtuelle des produits pharmaceutiques aux Etats-Unis strategic perspective, Journal of Business & Industrial Marketing, Vol. 16, n° 6, pp. 470-486. Bauchard F. 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