Hans Medick, Peer Schmidt (Hg.), Luther
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Hans Medick, Peer Schmidt (Hg.), Luther
FranciaRecensio 2015/3 Frühe Neuzeit – Revolution – Empire (1500–1815) Hans Medick, Peer Schmidt (Hg.), Luther zwischen den Kulturen. Zeitgenossenschaft – Weltwirkung, Göttingen (Vandenhoeck & Ruprecht) 2014, 542 S., ISBN 3525554494, EUR 64,00. rezensiert von/compte rendu rédigé par Frédéric Hartweg, Strasbourg Bien avant la marée des publications qui ne manqueront pas de submerger le monde de l’édition dans la perspective du jubilé de 2017, confirmant ainsi l’avis du réformateur sur l’imprimerie comme dernier don bienfaiteur de Dieu à l’humanité, Hans Medick, professeur d’anthropologie historique et Peer Schmidt, professeur d’histoire américolatine et de l’Europe du sudouest à l’université d’Erfurt ont pris les devants pour éviter d’être submergés. Leur fort volume comporte des contributions rédigées tantôt en allemand tantôt en anglais qui sont reparties en cinq parties: Luther dans le contexte allemand et européen contemporain; le Luther américain; le Luther global: le luthéranisme en interaction avec les autres religions et cultures; le luthéranisme et le monde moderne; entre intention et influence: l’œuvre de Martin Luther dans la perspective du XXI e siècle. Engagée en 2001 à l’occasion de la commémoration de l’immatriculation de Martin Luther à l’université d’Erfurt où ce volume a été conçu, celuici réunit un ensemble de contributions dont l’ampleur est à la mesure du rayonnement de l’œuvre et de l’action du réformateur de Wittenberg. Les diverses commémorations, comme celle de 1617 à la veille du premier grand conflit européen de la guerre de Trente Ans ou celle de 1917 qui en Allemagne en pleine Première Guerre mondiale et avant l’effacement relatif de l’Europe avait produit dans le pays du réformateur le slogan »Luther, Bismarck, Hindenburg« comme gage de la victoire militaire du Reich allemand, ont constitué autant de moments de cristallisation de la mémoire religieuse, culturelle et politique. Si le volume réunit des textes consacrés aux continents européen, nord et sudaméricain, océanique, africain et asiatique, c’est que le phénomène du luthéranisme se décline à l’échelle mondiale. On concevra donc aisément qu’il ne peut prétendre à une exhaustivité qui confinerait rapidement à la simple énumération. Il dépasse aussi largement l’hommage biographique pour tenter de déterminer la pertinence de l’héritage théologique et culturel, une fois dépassée la phase des condamnations réciproques et entamée celle des convergences, à l’instar du texte commun d’Augsbourg luthérocatholique sur la justification par la foi. Le premier chapitre est marqué du sceau des méthodes de l’histoire culturelle. Avec les instruments de l’imagologie Peter Burschel analyse l’image de Luther dans la littérature de controverse catholique et les pamphlets. Dans le cadre de la typologie des hérétiques, Luther est le monstre en soi – c’est par exemple l’approche de Thomas Murner –, une caractérisation qui survécut jusqu’au début du XXe siècle et contre laquelle s’élèvera Lucien Febvre, mais qui subsistera partiellement jusque dans le Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der CreativeCommonsLizenz NamensnennungKeine kommerzielle NutzungKeine Bearbeitung (CCBYNCND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/byncnd/4.0/ texte rédigé par Remigius Bäumer à l’occasion de la visite de JeanPaul II en RFA. Susan C. Karant Nunn évoque la misogynie dominante de l’époque mais également le rôle culturel et social du presbytère protestant à l’instar de Luther et Katharina von Bora. Dans une société dominée par la composante rurale et paysanne, Luther est à la fois proche de l’homme du commun et contempteur des paysans à l’occasion de la guerre et les soulèvements de 1524/26 (Jay Goodale), et distingue entre la libération spirituelle et sociale pour laquelle l’Écriture ne fournit pas de légitimité. Thomas A. Brady évoque l’attitude de Luther dans la question de la distinction entre les pouvoirs spirituel et temporel sur la toile de fond du contexte de l’Empire. Comme les médias interviennent rapidement dans la controverse, l’on ne soulignera jamais assez la concomitance entre l’expansion de l’imprimerie et de la Réformation (Mark U. Edwards, Jr.). Le Luther américain, alimenté essentiellement par l’immigration allemande et scandinave (Jon Gjerde, Peter Franson), porteuse d’espoirs de liberté politique et religieuse qui se manifeste dans ces minorités, est pris en compte audelà des USA dans le continent sudaméricain, notamment à travers la contribution originale d’Alicia Mayer. Peer Schmidt, quant à lui, brosse un tableau de la présence de Luther dans l’Amérique du Sud coloniale, qui, malgré la faible présence luthérienne dans le continent, joue cependant un rôle non négligeable face à la vénération mariale. L’image négative de Luther subsiste dans les années de la lutte pour l’indépendance. Un élément positif se dégage, en particulier dans le contexte de la théologie de la libération, notamment au Brésil (René E. Gertz). La survivance de l’héritage des immigrants du Hunsrück dans l’État de Rio Grande do Sul est également mentionnée. Pour ce qui est de la rencontre du luthéranisme avec les cultures et les religions à l’échelle mondiale, Christian Wiese analyse celle avec le judaïsme, en particulier avec sa composante libérale (Heinrich Heine, Moses Mendelssohn), notamment dans le domaine de l’exégèse biblique. Hartmut Bobzin rappelle que Luther a traduit quelques passages du Coran en allemand et qu’il a manifesté un vif intérêt pour la religion »turque« en éditant une version latine vieille de quatre siècles du Coran. Son refus d’une croisade contre les Turcs pour des raisons religieuses ne l’empêchait pas de considérer comme juste une guerre contre eux à cause des dévastations causées par les troupes ottomanes. Jan Slomp montre les différences considérables entre les diverses approches du protestantisme dans le monde islamique au XXe siècle. Gregory L. Freeze et Vasilios M. Makrides évoquent les rapports avec le monde orthodoxe: si l’influence du luthéranisme reste très limitée dans la Russie tsariste, il n’en est pas de même dans les provinces baltes, la divergence entre les positions théologiques et ecclésiologiques apparaissant clairement dans la correspondance entre les Églises baltes et le patriarche de Constantinople entre 1573 et 1581. Aux XIXe et XXe siècles c’est l’activité missionnaire qui, en Afrique et en Asie, concentre le message théologique. Kersten Rüther analyse le cas de la mission de Hermannsburg en Afrique australe et la Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der CreativeCommonsLizenz NamensnennungKeine kommerzielle NutzungKeine Bearbeitung (CCBYNCND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. Den Text der Lizenz erreichen Sie hier: https://creativecommons.org/licenses/byncnd/4.0/ question des difficultés de l’acculturation. Trois études de cas montrent que la mission luthérienne en Chine ne se réfère pas à un héritage luthérien commun mais à des groupes et milieux distincts (piétisme, Mission libérale, orthodoxie luthérienne). La contribution de Jacqueline Van Gent sur l’Australie révèle des similitudes avec l’expérience sudafricaine. Theodor Ahrens expose avec acuité les stratégies missionnaires et leurs tensions. Le chapitre »Luthéranisme et monde moderne« reprend la discussion autour de l’interprétation de Luther aux USA et en Allemagne par Ernst Troeltsch partant du climat intellectuel au moment de la Première Guerre mondiale, créé autour de l’interprétation de la Réformation par Thomas Mann, de Luther comme figure de la nation allemande, interprétation s’opérant au détriment de la figure de Luther aux ÉtatsUnis, ceuxci considérant tout comme Troeltsch les anabaptistes comme le précurseurs de la liberté et de la tolérance (Thomas Kaufmann). En analysant le jubilé de 1917 Christian Albrecht ne se limite pas à l’évocation du »Luther allemand«, il prend également en compte la mise en question de l’euphorie guerrière par des théologiens libéraux. Hartmut Lehmann examine l’évolution de l’image de Luther en RDA, en particulier à l’occasion de l’année Luther 1983. Les dernières contributions sont consacrées à la place de Luther et au dialogue œcuménique dans une Allemagne sécularisée et passablement déchristianisée, surtout après 1990 (Joachim Wanke, Dorothea Wendebourg), avec à l’arrièreplan la question d’un Luther »réformateur catholique?« Dans la dernière contribution (Gregory Baum), qui se situe dans la perspective d’une théologie luthérienne de la libération et qui opère un parallélisme avec l’Afrique et l’Amérique du Sud, est posée la question d’un commandement moral de résistance à l’injustice comme ultime avatar de la théologie de la justification. Et l’attitude courageuse de Luther dans son combat pour la vérité théologique peut devenir un exemple dans la lutte pour un monde plus juste. L’ouvrage sur la planète luthérienne dirigé par Hans Medick et Peer Schmidt est une entreprise qui au regard de son ambition ne pouvait viser l’exhaustivité. Il offre néanmoins un vaste tour d’horizon qui englobe la dimension théologique, culturelle et patrimoniale de l’héritage du réformateur de Wittenberg, alliant la perception contemporaine et celle du monde d’aujourd’hui largement sécularisé. Il dépasse très largement l’hommage biographique pour introduire à une prise en compte globale du phénomène historique de Luther et du luthéranisme. Lizenzhinweis: Dieser Beitrag unterliegt der CreativeCommonsLizenz NamensnennungKeine kommerzielle NutzungKeine Bearbeitung (CCBYNCND), darf also unter diesen Bedingungen elektronisch benutzt, übermittelt, ausgedruckt und zum Download bereitgestellt werden. 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