titre de la communication

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titre de la communication
Ethique et décisions d’audit
Ethics and audit decisions
Christian PRAT dit HAURET
Maître de conférences IAE de Bordeaux
Université Montesquieu Bordeaux IV
Centre de Recherche en Contrôle et Comptabilité Internationale (CRECCI)
[email protected]
Résumé : L’objet de la recherche est d’analyser différents dilemmes éthiques vécus par des
auditeurs français à travers le cadre conceptuel des idéologies éthiques de Forsyth (1980) qui
sont au nombre de quatre : le situationnisme, l’absolutisme, le subjectivisme et
l’exceptionnisme.
Mots-Clés : Ethique – Décisions d’audit – Raisonnement éthique – Faits délictueux.
Abstract : The topic of the research is analyizing French auditors ethics dilemmas by using
the conceptual framework of ethical ideologies developed by Forsyth (1980) : situationism,
absolutism, subjectivism and exceptionism.
Keywords: Ethics – Audit decisions – Ethical reasoning – Fraud.
Correspondance
Christian PRAT dit HAURET
Université Montesquieu Bordeaux IV
Centre de Recherche en Contrôle et Comptabilité Internationale
35, Place Pey Berland, 33076 Bordeaux Cedex
Tél : 05 56 00 45 67 – E-Mail : [email protected]
Les scandales financiers et comptables (Enron, Worldcom, Ahold, Parmalat) intervenus aussi
bien aux Etats-Unis qu’en Europe amènent à s’interroger sur l’efficacité des organes de
contrôle et notamment sur celle de l’auditeur légal, tiers-arbitral au sein de la gouvernance des
entreprises, chargé de donner une assurance sur la qualité des états financiers. La qualité de
l’audit des états financiers nécessite que deux conditions soient remplies : la compétence et
l’indépendance. La compétence des auditeurs légaux est positivement corrélée au
développement d’une meilleure expertise (Lee et Stone, 1995) et à l’expérience accumulée au
cours du temps (Dreyfus et Dreyfus, 1986). Lee et Stone (1995) définissent la compétence
comme le niveau d’expertise suffisant pour atteindre les objectifs d’audit explicites. Quant à
Dreyfus et Dreyfus (1986), ils analysent l’expertise d’un auditeur comme un continuum qui
évolue, à travers un processus d’apprentissage, du point intitulé « savoir que » vers un autre
point « savoir comment ». L’indépendance ne peut exister que si l’auditeur légal est capable
d’exprimer son opinion en âme et conscience et de manière libre. L’indépendance est définie
par le dictionnaire Larousse comme l’état de quelqu’un qui n’est tributaire de personne sur le
plan matériel, moral et intellectuel. Elle correspond à la capacité de l’auditeur à porter des
jugements objectifs, libres et affranchis de toute influence que les autres parties ou faits
pourraient exercer (Bazerman, Morgan, Loewenstein, 1997). Quant au code de déontologie de
la profession de commissaire aux comptes publié au décret N 2005-1412 du 16 novembre
2005, il stipule dans son article 5 que l’indépendance du commissaire aux comptes se
caractérise notamment par l’exercice en toute liberté, en réalité et en apparence, des pouvoirs
et des compétences qui lui sont conférés par la loi. Selon Zeff (1987), la concurrence au sein
de la profession des auditeurs est de plus en plus vive et leur intérêt personnel risque de
primer sur l’intérêt général. Il souligne que les auditeurs risquent d’avoir de plus en plus de
difficultés pour rester indépendants et qu’il est nécessaire de restaurer les valeurs de la
profession.
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Or, la liberté de jugement repose sur un niveau élevé de sensibilité éthique, complété par un
véritable comportement éthique. Rest (1986) met en exergue qu’un individu doit franchir
quatre étapes psychologiques pour adopter un comportement éthique. Tout d’abord, il doit
interpréter une situation donnée comme un problème éthique (sensibilité éthique). Cette étape
inclut notamment le fait d’identifier les options possibles et leurs conséquences. En second,
l’individu doit décider quelle option est correcte du point de vue moral. Ensuite, il doit avoir
la volonté de se comporter de manière éthique, même si son propre intérêt lui dicte une
attitude contraire. Enfin, l’individu doit avoir une force de caractère suffisante pour se
comporter de manière conforme à son intention éthique (comportement éthique).
Selon l’Encyclopédie Larousse, l’éthique est la mesure de la morale. L’origine grecque se
trouve dans êthicos, moral et dans êthos, mœurs, caractère. Un comportement éthique
concerne donc la morale. Comme le soulignent Fortin et Martel (1997), il est généralement
admis que l’auditeur, dans sa fonction d’attestation des états financiers, doit agir en fonction
des intérêts, souvent contradictoires, de divers groupes d’utilisateurs tels que les créanciers,
les actionnaires ou les agences de réglementation si bien qu’en rédigeant son rapport sur la
fiabilité des résultats publiés dans le rapport annuel d’une entreprise, l’auditeur assume une
triple responsabilité. Il doit veiller à ce que les investisseurs disposent d’une information
suffisante pour apprécier les risques et les perspectives de gain, porter un jugement sur la
pertinence de l’information à divulguer et tenir compte de l’intérêt du public. Si la
connaissance technique s’acquiert au cours d’une formation accréditée, l’éthique repose sur la
capacité et les aptitudes à rendre des jugements moraux. La nécessité de tenir compte de
l’intérêt du public et de celui du client fait partie de la réalité quotidienne de l’auditeur et le
place au cœur d’importants conflits d’intérêt pour lesquels les codes de déontologie n’offrent
pas de solutions simples.
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Les auditeurs sont confrontés en mission à différentes questions du type : que dois-je faire ?
qu’aurais-je dû faire ? quelles sont les limites de mes actions ? n’aurais-je pas mieux fait de ?
Et lorsque les finalités des actions ainsi que les moyens pour les réaliser deviennent les objets
de ce questionnement, lorsque la délibération suppose la capacité psychologique de prendre
une certaine distance par rapport à une situation donnée, d’adopter un recul critique à l’égard
des besoins et désirs les plus immédiats, le questionnement devient moral ou éthique. Ce qui
meut la démarche éthique est le souci de formuler de la manière la plus simple possible un
ensemble de principes qui confèrent une
unité à l’ensemble des jugements face
aux circonstances les plus diverses.
L’objet de la recherche est d’analyser la prise de décision éthique des auditeurs légaux
français à travers le cadre conceptuel des idéologies éthiques de Forsyth (1980). Ce cadre
conceptuel a été choisi car il permet d’étudier les prises de décisions d’individus confrontés à
des dilemmes éthiques sans qu’il n’y ait nécessairement un consensus sur la nature éthique
d’une situation donnée. Il a été construit dans le prolongement des travaux du psychologue
Sharp (1898) qui fit le constat que des personnes proches pouvaient avoir des avis
complètement différents sur des situations présentant une problématique éthique. Il conclut
que toute personne confrontée à un problème éthique peut baser sa décision sur son propre
système de valeurs éthiques et, de ce fait, des désaccords concernant le niveau éthique d’une
situation apparaissent nécessairement lorsque les systèmes de valeurs sont différents. Ce cadre
d’analyse nous a paru adapté au contexte décisionnel de l’audit. Les professionnels
comptables libéraux ne semblent pas appliquer de manière stricte et absolue les règles et
normes professionnelles mais au contraire apprécient les situations professionnelles dans leur
contexte.
La recherche a été menée selon une approche interprétative. Selon cette posture
épistémologique, la validité de la connaissance repose sur l’expérience du sujet. Quant à la
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nature de l’objet de recherche, il s’agit de développer la compréhension d’un phénomène de
l’intérieur. L’objectif du travail de recherche est de développer une compréhension de la
réalité sociale. Le développement d’un tel type de connaissances passe notamment par la
compréhension des intentions et des situations des individus sachant que ces derniers
participent à la création de leur réalité sociale et du contexte de cette construction. Tout
d’abord, le cadre conceptuel des idéologies éthiques de Forsyth (1980) sera présenté. Ensuite,
six situations d’audit posant un dilemme éthique et vécues par des auditeurs français seront
analysées à travers le cadre conceptuel présenté ci-dessus.
1.
Le cadre conceptuel des idéologies éthiques
A la suite du désaccord des psychologues sur les situations de moralité, Forsyth (1980) a
élaboré un cadre conceptuel où les différences d’appréciation des situations de jugement
moral sont étudiées selon deux facteurs : le relativisme et l’idéalisme.
Le premier facteur est le relativisme. Utilisé par un individu pour apprécier une situation du
point de vue éthique, il a pour conséquence le rejet des règles morales universelles. Les
individus « relativistes » rejettent la possibilité de formuler ou de faire confiance à des règles
morales universelles quand ils s’expriment sur des questions morales. Ils s’opposent à ceux
qui croient et utilisent des principes moraux lorsqu’ils apprécient une situation. Un
« relativiste » ne croit pas à des règles morales universelles mais considère qu’il existe
plusieurs façons de regarder les problèmes moraux.
Le second facteur qui permet de distinguer les décisions individuelles est l’idéalisme des
attitudes morales. Les personnes ayant un idéalisme élevé considèrent que les conséquences
souhaitables peuvent, en choisissant la bonne action, toujours être obtenues. A contrario, ceux
qui ont tendance à être moins idéalistes admettent que des conséquences indésirables peuvent
être obtenues en même temps que des conséquences désirées et souhaitées. Un idéaliste fait
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sienne l’idée que de bonnes conséquences peuvent toujours être atteintes et n’admet pas que
de bonnes et de mauvaises conséquences découlent de presque toutes les actions.
Forsyth (1980) a construit et présenté sous forme de tableau une taxinomie des idéologies
éthiques en croisant les deux dimensions que sont le relativisme et l’idéalisme.
Tableau 1 : Taxinomie des idéologies éthiques (Forsyth, 1980)
Relativisme
Idéalisme
Idéalisme
élevé
Relativisme élevé
Relativisme faible
Situationnisme
Absolutisme
L’individu considère que suivre les
L’individu analyse les spécificités
règles morales universelles permet
d’une situation donnée dont il pense
d’aboutir au meilleur résultat
qu’elle aura des conséquences
favorables pour tout le monde. Il rejette possible. Il y a des règles morales
qui doivent toujours être suivies et
les règles morales universelles et
qui ont des conséquences favorables
adopte une analyse personnelle de
pour tout le monde
chaque situation
Subjectivisme
Idéalisme
faible
Exceptionnisme
Des principes moraux universels
L’individu utilise son propre point de
doivent guider les jugements mais
vue moral pour prendre une décision
l’individu n’ignore pas que certaines
dont il juge qu’elle a de bonnes
conséquences négatives sont
conséquences
possibles, ce qui peut justifier alors
pour presque tout le monde.
des exceptions.
Il tolère que les décisions aient de
Les actions qui induisent de
mauvaises conséquences pour certaines
mauvaises conséquences pour
personnes
certains sont acceptables.
La taxinomie met en évidence que les individus sont susceptibles d’adopter une des quatre
configurations du cadre d’analyse pour porter des jugements éthiques (situationnisme,
absolutisme, subjectivisme et exceptionnisme). L’analyse de la décision des individus permet
de savoir si une personne adopte des valeurs morales idéalistes ou non et s’il croit que les
valeurs morales adoptées sont universelles ou relatives.
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Les individus qui font partie des groupes ayant un niveau de relativisme élevé, à savoir les
situationnistes et les subjectivistes, adoptent une idéologie que l’on peut appeler «
le scepticisme éthique ». En premier lieu, l’idéologie éthique « subjectiviste » se rattache au
courant téléologique de la pensée éthique dans la mesure où chaque acte est évalué en
fonction de ses conséquences pour l’acteur (égoïsme éthique). L’« égoïsme éthique » est une
philosophie éthique sceptique qui adopte une approche pragmatique pour évaluer une action.
Selon la philosophie de l’égoïsme éthique, les évaluations morales dépendent finalement des
perspectives personnelles. Selon Fletcher (1966), la moralité doit être pensée comme une
« appréciation contextuelle, non sur le bien ou le mal, mais sur ce qui est adapté ». Les
« subjectivistes » utilisent leur propre point de vue moral pour prendre des décisions qui ont
de bonnes conséquences pour presque tout le monde. En second lieu, les « situationnistes »
adoptent une philosophie morale fondée sur le scepticisme. Ils rejettent les principes moraux
absolus et défendent la thèse que chaque situation doit être examinée individuellement.
Idéalistes, ils sont à la recherche d’une décision qui ait des conséquences favorables pour tout
le monde. Ce sont des « sceptiques éthiques ». En philosophie morale, les « sceptiques »
considèrent qu’il y a différentes façons de parler de moralité et critiquent ceux qui essaient
d’imposer des principes éthiques universels et inviolables.
A l’opposé, les individus peuvent adopter une idéologie éthique où prime un relativisme
faible. Ce sont les « absolutistes » et les « exceptionnistes ». Dans les deux cas, c’est
l’adoption de règles morales universelles qui prime.
D’un côté, les « absolutistes » adhèrent à une vision « déontologique » de la philosophie
morale. Ils rejettent l’analyse des conséquences d’une action comme base de l’évolution
morale et font appel à la loi naturelle ou à la rationalité pour définir les jugements éthiques.
Dans l’approche déontologique, les actes sont jugés comme moraux ou immoraux par
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référence à des règles morales universelles. On se positionne dans une vision déontologique
ou « Kantienne » de l’éthique. Pour le philosophe déontologue Emmanuel Kant, un principe
moral ne peut souffrir d’aucune exception, notamment au regard des conséquences de la
décision prise. Comme le soulignent Canto-Sperber et Ogien (2004), « la déontologie prescrit
de toujours respecter personnellement certaines règles d’action…quelles que soient les
conséquences, et cela d’un point de vue impartial ou impersonnel. Ce sentiment est une sorte
d’obligation impérieuse qui impose des contraintes absolues à ce que nous sommes en droit
de faire ». Selon les mêmes auteurs, l’éthique déontologique affirme que, dans tous les cas,
les règles de devoirs ou d’obligations doivent être respectées…autrement dit, certaines actions
sont à faire ou à ne pas faire, quelles que soient les conséquences.
D’un autre côté, les « exceptionnistes » se démarquent des « absolutistes ». Ils adhèrent à une
vision dite téléologique de la philosophie morale dans la mesure où chaque acte doit être
évalué en fonction de ses conséquences pour autrui. Selon l’approche téléologique, la moralité
d’une action dépend des conséquences produites par l’action. Un individu se conduit de
manière éthique si les conséquences de sa décision sont bonnes. L’approche téléologique peut
être illustrée par le concept utilitariste « de la meilleure situation pour le plus grand nombre ».
Si l’on prend l’exemple d’un médecin qui se pose la question de savoir s’il doit mentir à un
patient, les utilitaristes considèrent que les avantages tirés du choix du mensonge
sont supérieurs aux coûts possibles dudit mensonge. Dans une vision utilitariste, les
« exceptionnistes » croient que les principes moraux absolus sont importants, mais que tout
individu doit appliquer ces règles de manière pragmatique. Selon le courant éthique de
l’utilitarisme, aucune autorité suprême ne peut décréter ce qui juste ou bon pour l’humanité.
Seuls comptent les états de plaisir ou de souffrance vécus par les êtres humains. Quelles que
soient les décisions à prendre, il faut faire abstraction de nos intérêts, penchants, préjugés
moraux, conceptions métaphysiques et croyances religieuses, et nous soucier de poursuivre
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« le plus grand bonheur du plus grand nombre ». L’utilitarisme est une théorie éthique
conséquentialiste : actions, politiques et institutions n’ont pas à être jugées en fonction de leur
nature intrinsèque. Elles doivent l’être en fonction de leurs conséquences pour autrui.
L’utilitarisme est un conséquentialisme individualiste. Le bien des individus est la seule chose
qui intervient dans l’évaluation des conséquences.
Afin d’illustrer les quatre types d’idéologie éthique possible, on peut prendre l’exemple du
dilemme éthique dit « le fugitif » développé et testé par Rest (1986) lors de la construction du
Defining Issues Test (DIT) destiné à mesurer le niveau de développement moral cognitif. La
situation est la suivante :
« Un homme a été condamné à dix ans de prison. Au bout d’un an, il s’échappe de prison,
s’installe dans une autre région et prend le nom de DUPONT. Il travaille dur pendant huit ans
et économise suffisamment d’argent pour créer son entreprise. Il s’est montré correct avec ses
clients, a versé des salaires élevés à ses employés et consacré la plus grande part de ses
bénéfices à des œuvres de charité. Mais un jour, madame DURAND, qui était sa voisine, le
reconnaît. Elle sait qu’il s’agit de l’homme qui s’est échappé de prison il y a huit ans et qui est
recherché par la police. Madame DURAND doit-elle dénoncer Monsieur DUPONT à la
police ? ».
Selon le cadre de Forsyth, les réponses peuvent être les suivantes :
1) Situationnisme : Je ne dénonce pas car je considère que l’absence de dénonciation est
bonne pour tout le monde. La prison n’est pas une solution. La preuve : le fugitif s’est
réinséré et a largement payé sa dette en redistribuant aux salariés et aux organisations
caritatives. Je n’accepte pas la théorie kantienne du devoir : je suis un sceptique
éthique.
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2) Subjectivisme : Je ne dénonce pas car je considère que l’absence de dénonciation est
bonne pour presque tout le monde, à savoir les salariés, les clients et les œuvres de
charité. On peut faire l’hypothèse que ceux qui ont subi un préjudice au moment de la
crise ou du délit ne serait pas satisfait de cette situation, mais cela est secondaire.
3) Absolutisme : Je dénonce sans hésiter le fugitif. C’est la théorie du devoir moral qui
s’impose. Je considère que suivre les règles morales universelles permet d’aboutir au
meilleur résultat possible. Mon acte répond à un devoir de justice.
4) Exceptionnisme : Je devrais dénoncer mais je ne dénonce pas. Je fais une entorse aux
règles morales car cela évite des conséquences négatives (fermeture de l’entreprise,
licenciement des salariés, perte de ressources des associations caritatives). Je ne
dénonce pas le fugitif car je considère que la somme des avantages et utilités générés
par la liberté du fugitif dépasse l’utilité sociale d’une détention. J’ai une vision
utilitariste.
Pour conclure, Forsyth (1980) a construit une taxinomie des idéologies éthiques qui comprend
quatre dimensions et permet d’analyser les décisions prises par un individu :
- le situationnisme (relativisme élevé et idéalisme élevé) : les règles morales universelles
sont rejetées et les décisions qui relèvent d’un questionnement moral font l’objet d’une
analyse contextuelle et personnelle (scepticisme éthique) ;
- le subjectivisme (relativisme élevé et idéalisme faible) : les jugements moraux dépendent
des valeurs personnelles ; l’individu utilise son propre point de vue moral pour prendre une
décision qui a de bonnes conséquences pour une majorité de personnes (égoïsme éthique) ;
- l’absolutisme (relativisme faible et idéalisme élevé) : des principes moraux inviolables
servent de fondement aux jugements moraux (approche déontologique) ;
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- l’exceptionnisme (relativisme faible et idéalisme faible) : des principes moraux guident les
jugements mais de manière pragmatique, des entorses aux principes pouvant être faites à
ces normes. La recherche de la meilleure situation pour le plus grand nombre prime
(approche utilitariste).
2.
Une analyse de dilemmes éthiques vécus par des auditeurs légaux
français
2.1. Le mode de collecte des données :
Des situations vécues par des commissaires aux comptes en exercice et délicates en terme
d’opinion ont été collectées en trois temps.
Lors de la recherche doctorale de l’auteur menée en 2000, il a été demandé à dix auditeurs
légaux en exercice de tenir un carnet de bord, afin d’y décrire des situations vécues qui
semblaient leur poser un dilemme éthique au moment de l’expression d’une opinion d’audit
légal (mission générale de certification des comptes, rédaction du rapport spécial sur les
conventions réglementées, interventions en cas d’événements ou d’opérations particulières).
Parmi les informations recueillies, deux situations nous ont semblé correspondre
véritablement à un dilemme éthique. Comme on le présentera ci-après, les situations vécues
correspondaient à un dilemme éthique dans la mesure où, délicates en terme d’opinion, elles
pouvaient donner lieu à une opposition entre une application stricte des règles
professionnelles et de la loi sur les sociétés commerciales, et d’autres facteurs de décision tels
que le degré de gravité de l’erreur comptable, la qualification du fait constaté de fraude ou
d’erreur, la motivation du dirigeant ou l’existence d’un système de valeurs propre au
commissaire aux comptes en opposition avec la loi ou la doctrine professionnelle. En outre, la
pertinence de deux décisions décrites ci-dessous a été testée en effectuant une comparaison
avec des situations d’audit utilisées dans deux recherches menées par Tsui et Gul (1996) et
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Sweeney et Robert (1997) sur l’indépendance de l’auditeur. Dans la première recherche, des
auditeurs ont été interrogés sur une décision d’audit qui portait sur l’appréciation du caractère
significatif ou non de dettes non comptabilisées au passif du bilan. Quant à Sweeney et Robert
(1997), ils ont interrogé des auditeurs sur la décision à prendre en cas de découverte d’un
prélèvement non autorisé, mais rapidement régularisé, effectué par le contrôleur financier de
l’entreprise.
La première décision d’audit concernait l’anticipation de la récupération de la TVA sur des
achats de sous-traitance (services) et la deuxième une situation d’abus de biens sociaux
(avance financière faite par une société de capitaux à l’un de ses dirigeants). Le contexte des
situations était tel que la décision de l’auditeur d’accepter le non respect des règles
comptables était envisageable (existence d’arguments « pour » et « contre ») en fonction du
cadre de référence choisi.
Lors de la deuxième recherche menée en 2004, dix commissaires aux comptes, différents de
ceux ayant participé à la recherche précédente, se sont exprimés sur des situations vécues
d’abus de biens de sociaux. Les entretiens menés sont partiellement un approfondissement en
quête de sens des situations collectées en 2000.
La recherche a mis en évidence deux types d’auditeurs : les « légalistes » et les
« pragmatiques ». Si les premiers décident en respectant strictement la loi, les deuxièmes
tiennent compte des conséquences sociétales de son application. Par ailleurs, une typologie
des faits délictueux a mis en évidence trois types de délits : les délits « mineurs », les délits
« majeurs» et les délits « contraints».
Enfin, en 2005, un commissaire aux comptes qui venait de prendre sa retraite a accepté de
nous accorder un entretien. Cette personne a été choisie pour deux raisons. La première est la
richesse de l’expérience acquise pendant quarante années dans l’audit externe des états
financiers de sociétés cotées ou non, et de toute taille en terme de chiffre d’affaires et
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d’effectif. La deuxième est la liberté d’expression née du recul pris par rapport à un exercice
quotidien. La confidentialité du nom des sociétés auditées a été conservée car la connaissance
du nom desdites sociétés n’aurait rien apporté à l’analyse et le secret professionnel fait partie
des normes de comportement imposées par le code de déontologie professionnelle des
auditeurs légaux. En outre, du point de vue légal, la violation du secret professionnel est une
des quatre situations où la responsabilité pénale de l’auditeur peut être engagée. De cet
entretien, ont émergé deux situations délicates en terme d’opinion et vécues par le
commissaire aux comptes :
• que faut-il faire en cas de versement de sommes significatives à une entité ad hoc pour
l’obtention de marché et de contrats ?
• faut-il refuser de certifier les comptes d’une société confrontée à un important et
significatif litige sachant que les perspectives d’activité et les prévisions de chiffre
d’affaires et de résultat sont très bonnes pour les années à venir (existence d’un passif
environnemental).
Le tableau ci-après présente une synthèse des décisions d’audit et de la date de collecte de la
situation d’audit
Numéro
Nature du problème
Date de collecte
1
Absence de provisions
2005
2
Prêt au dirigeant d’une SA via une SCI
2004
3
Compte courant d’associé débiteur
2000
4
Convention interdite
2004
5
Tva déductible sur prestation de services
2000
6
Commissions illicites versées à un tiers
2005
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2.2. L’analyse des données recueillies :
L’analyse des six dilemmes éthiques vécus par les commissaires aux comptes en exercice est
présentée ci-dessous.
2.2.1. Les décisions d’audit « absolutistes » :
a) Cas N 1 : présentation du cas, dilemme éthique et interprétation :
a. 1) Présentation du cas :
Le commissaire aux comptes interrogé en 2005 avait identifié au cours d’une mission un
important litige, quinze jours avant la clôture de l’exercice, auquel l’entreprise auditée était
confrontée. Le litige concernait l’absence de mise aux normes environnementales d’un ancien
site industriel. Le montant financier réclamé par les parties prenantes était significatif. Le
passif latent répond aux conditions de comptabilisation imposées par l’avis N° 00-01 du
Conseil National de la Comptabilité sur les passifs. En effet, selon l’avis, un passif est « un
élément du patrimoine ayant une valeur économique négative pour l’entité, c’est-à-dire qu’il
existe une obligation de l’entité à l’égard d’un tiers dont il est probable ou certain qu’elle
provoquera une sortie de ressource au bénéfice de ce tiers, sans contrepartie au moins
équivalente attendue de celui-ci (…). Cette obligation peut être d’ordre légal, réglementaire
ou contractuel. Elle peut également découler des pratiques passées de l’entité, de sa
politique affichée ou d’engagements publics suffisamment explicites qui ont créé une attente
légitime des tiers concernés sur le fait qu’elle assumera certaines responsabilités ».
Compte tenu de la situation, nul doute qu’un passif devait être comptabilisé. L’entreprise
avait en effet une obligation à l’égard d’un tiers et il est probable que cette obligation
provoque une sortie de ressources au bénéficie de ce tiers sans contrepartie au moins
équivalente attendue de celui-ci. Une provision pour risques et charges, correspondant à un
passif dont l’échéance ou le montant ne sont pas fixés de manière précise, devait être
comptabilisée. Dans la situation vécue par le commissaire aux comptes, la société refusa de
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comptabiliser cette provision. D’une part, elle était fortement endettée et ne souhaitait pas
détériorer son ratio d’endettement financier. D’autre part, elle présentait des prévisions
d’exploitation très favorables pour les cinq années à venir ce qui devait permettre à
l’entreprise de dégager un cash flow très largement positif permettant d’absorber les coûts de
remise aux normes environnementales de l’ancien site industriel. L’entreprise ne souhaitait
donc pas présenter une situation financière dégradée. De plus, le directeur général laissa sousentendre au commissaire aux comptes qu’en cas de refus de certifier, son mandat pourrait ne
pas être renouvelé dans les deux ans. Pour finir, le montant des honoraires perçus était
significatif pour la rentabilité et l’équilibre financier du cabinet d’audit. En ce qui concerne la
nature de la mission de certification des comptes (loi sur les sociétés commerciales) et le
respect des normes professionnelles (guide des normes de la compagnie des commissaires aux
comptes), il ne fait donc aucun doute que l’opinion exprimée devait être celle du refus de
certification.
Lors de l’entretien, le commissaire aux comptes interrogé nous indiqua qu’il refusa de céder,
ne certifia pas les comptes et perdit son mandat deux ans plus tard. Il souligna qu’il s’était
refusé à certifier les comptes car cela aurait été la négation même de sa mission et que, par
ailleurs, l’intégrité est une des valeurs essentielles du commissariat aux comptes. Ce dernier
souligna l’importance de valeurs telles que l’intégrité et l’indépendance qui, selon lui, priment
sur tout. Il nous indiqua avoir fait son devoir.
a.2) Dilemme éthique :
Le commissaire aux comptes est partagé entre l’expression d’un refus de certifier qui peut
avoir pour conséquence la perte de la mission et une certification sans réserves qui pourrait
s’avérer sans conséquence en cas de stabilité de l’actionnariat puisque, sur le plan financier,
les coûts environnementaux seront absorbés par les cash-flows futurs de l’entreprise. Cette
situation présente un dilemme éthique dans la mesure où le commissaire aux comptes doit
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choisir entre protéger l’ensemble des parties prenantes en les alertant, par son rapport négatif,
sur le rattachement du coût environnemental à l’exercice comptable concerné (principe de
spécialisation des exercices) et son intérêt personnel.
a.3) Interprétation de la décision :
Cette décision correspond à une idéologie absolutiste (idéalisme élevé et relativisme faible).
En effet, dans l’absolutisme, il y a des règles morales qui doivent toujours être suivies et qui
ont des conséquences favorables pour l’ensemble des parties prenantes.
A un premier niveau, les conséquences sont favorables au commissaire aux comptes car son
intégrité permet au niveau macro-économique de renforcer la légitimité d’un auditeur
« payé » par l’entreprise (puisqu’il est capable de résister à ses représentants légaux) et au
niveau micro-économique de construire la réputation du cabinet sur l’intégrité. La perte du
client est finalement secondaire dans une perspective temporelle longue.
A un deuxième niveau, les conséquences sont favorables pour l’entreprise car cette dernière
complète l’information comptable et financière obligatoire de l’année concernée (bilan,
compte de résultat et annexe) par une information extra-comptable de qualité (financière et
prévisionnelle telle qu’un business plan) et, en la présentant à ses banquiers, elle peut
améliorer la qualité de la relation banque-entreprise en accumulant et en capitalisant de la
confiance. On dépasse alors une vision « court-termiste » des états financiers et de la relation
banque-entreprise.
A un troisième niveau, les parties prenantes à la vie de l’entreprise (actionnaires, clients,
fournisseurs, salariés, Etat, organismes Sociaux) bénéficient d’une information comptable
transparente ce qui leur permet de prendre des décisions sur des états financiers fiables.
b. Cas N 2 : présentation du cas, dilemme éthique et interprétation :
b.1) Présentation du cas :
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Un commissaire aux comptes interrogé a relaté une situation où une société anonyme a
accordé un prêt à une société civile immobilière. Le gérant de la société civile était également
le président du conseil d’administration de la société anonyme. Ce dirigeant a utilisé l’avance
financière reçue par la société civile immobilière pour financer des dépenses personnelles
(frais personnels de déplacement et cadeaux non justifiés). En ce qui concerne l’application de
la loi sur les sociétés commerciales, le commissaire aux comptes a l’obligation de révéler le
fait délictueux. Le commissaire aux comptes interrogé a indiqué avoir révélé le délit sans état
d’âme et sans hésitation.
b.2) Dilemme éthique :
Le commissaire aux comptes a le choix entre dénoncer cette convention interdite et accepter
le prélèvement d’une partie des ressources par le dirigeant de l’entreprise, qui considère que
cette dernière lui appartient et qu’il y a peu de différence entre la personne physique (le
dirigeant) et la personne morale (la société).
b.3) Interprétation de la décision :
Le commissaire aux comptes a adopté une application stricte de la loi et fait son devoir. Il y a
sans aucun doute enrichissement du dirigeant au détriment des intérêts des autres parties
prenantes. La décision d’audit s’inscrit dans le cadre d’une idéologie éthique « absolutiste »
(idéalisme élevé et relativisme faible).
2.2.2. Les décisions d’audit « situationnistes » :
a)Cas N 3 : présentation du cas, dilemme éthique et interprétation :
a.1) Présentation du cas :
Après avoir fait la connaissance du dirigeant de la société en participant à un tournoi de golf,
un professionnel comptable est devenu commissaire aux comptes de la société. Après leur
première rencontre, le dirigeant et l’auditeur ont continué à jouer ensemble au golf de temps
17
en temps. En milieu de mandat, soit après trois ans de certification sans réserves des comptes
annuels, le dirigeant de la société auditée a révélé au commissaire aux comptes avoir prélevé
76 000 Euros sur les comptes de la société pour aider financièrement son frère dont
l’entreprise, prospère dans le passé, était au bord du dépôt du bilan. Le dirigeant de
l’entreprise auditée a expliqué au commissaire aux comptes que l’avance financière lui avait
permis d’attendre la vente définitive d’un bien immobilier personnel faite trois mois plus tard
(temps nécessaire à la mise en vente, à la signature de la promesse de vente et de l’acte
définitif). Le dirigeant a souligné qu’il avait remboursé l’avance financière faite par « sa »
société immédiatement après la vente du bien immobilier. Le commissaire aux comptes a
décidé de ne pas révéler l’abus de biens sociaux commis par le dirigeant de l’entreprise. Il a
jugé que l’abus de biens sociaux commis a permis de sauver une société en grande difficulté
financière appartenant au frère du dirigeant. Les délits de ce type peuvent être qualifiés de
« contraints ». Le commissaire aux comptes a considéré que son silence, loin d’exister dans
un contexte de corruption, est un service rendu à la société au sens large et révèle une
conception de la notion de fait délictueux plus économique que juridique.
a.2) Dilemme éthique :
La situation décrite ci-dessous présente un véritable dilemme éthique dans la mesure où le
commissaire aux comptes doit choisir entre une application stricte de la loi (en révélant le fait
délictueux qui ne fait aucun doute du point de vue du droit pénal) et la non révélation du fait
délictueux qui pourrait être motivé à la fois par l’absence de conséquences sociétales
négatives du délit (il a été régularisé et aucun préjudice n’a été subi par un tiers ) et le fait
d’éviter de trahir le dirigeant. Ce dernier n’a pas commis le délit pour s’enrichir mais pour
« sauver » l’entreprise de son frère. Le délit serait en quelque sorte justifié par une volonté de
« justice sociétale ».
a.3) Interprétation de la décision :
18
Le commissaire aux comptes a fait preuve de « scepticisme éthique » par rapport à une
application stricte de la loi. La décision prise par l’auditeur correspond à une idéologie
éthique de type « situationniste » (idéalisme élevé et relativisme élevé). En effet, en cas
d’application d’une idéologie de type situationniste, la personne confrontée au dilemme
éthique regarde les différentes spécificités d’une situation donnée pour décider d’une action
qui a de bonnes conséquences pour tout le monde. Elle rejette les règles morales et fait une
analyse personnelle de la situation à laquelle elle est confrontée.
Selon les informations communiquées, le commissaire aux comptes a décidé de ne pas révéler
le fait délictueux car il a jugé que personne n’a subi de dommage et que la loi ne devait pas
être appliquée de manière brutale. La société n’a pas subi de préjudice financier puisque
l’avance consentie au dirigeant a été remboursée par ce dernier. Aucun des « stakeholders »
n’a été lésé puisque toutes leurs créances ont été honorées. Bien que n’ayant pas respecté le
droit des sociétés, le dirigeant a fait preuve de solidarité familiale en permettant à son frère de
sauver son entreprise. Quant au commissaire aux comptes, il a renforcé sa relation avec le
dirigeant même s’il a augmenté temporairement le risque de mise en cause de sa
responsabilité pénale en ne révélant pas le fait délictueux au procureur de la République.
Cette position est d’autant plus personnelle que la régularisation de tout fait délictueux n’est
pas retenue dans les décisions de jurisprudence comme un facteur de non révélation. Dans la
situation présentée, la révélation des faits délictueux est une obligation. Selon Barbiéri (2004),
« a peu de chance de prospérer, tout au moins devant la chambre criminelle de la cour de
Cassation, l’argument tiré d’une régularisation ultérieure des prélèvements illégaux ». D’une
part, la cour de Cassation considère que la restitution -même spontanée- du bien détourné
n’enlève pas à l’acte son caractère délictueux. D’autre part, s’agissant de la réparation du
dommage qu’un abus de biens a occasionné à une société, la cour de Cassation paraît très
attentive aux modalités de la réparation et ne se contente pas d’une simple affirmation
19
d’équivalence formulée par les juges du fond. De son côté, la Compagnie Nationale des
Commissaires aux Comptes a adopté une norme professionnelle qui précise « qu’en prenant
en compte les conséquences d’une infraction et le but poursuivi, le commissaire aux comptes
révèle les faits qui sont à la fois significatifs et délibérés ». Un fait significatif est celui qui,
ayant pour effet de soustraire l’entité ou les dirigeants à des dispositions légales spécifiques,
modifie sensiblement la présentation de la situation financière, du patrimoine ou du résultat,
ou est de nature à porter préjudice à l’entité ou à un tiers. Le caractère délibéré s’apprécie par
rapport à des éléments objectifs démontrant la conscience que peut avoir l’auteur de
l’infraction de ne pas respecter la réglementation en vigueur. Et, dans le cas présent, le délit
est véritablement délibéré et significatif.
b) Cas N 4 : Présentation du cas, dilemme éthique et interprétation:
b.1) Présentation du cas :
Un commissaire aux comptes interrogé a révélé la situation où le président du conseil
d’administration d’une PME familiale non cotée était tombé gravement malade. Son gendre,
dirigeant d’une société à responsabilité limitée indépendante, mais également administrateur
de la société anonyme, avait reçu une rémunération pour assurer l’intérim pendant les
quelques mois d’absence, sans que la rémunération n’ait été préalablement autorisée par le
conseil d’administration. Le commissaire aux comptes s’est rendu compte a posteriori de cette
convention interdite et non autorisée. L’absence d’autorisation n’ayant causé aucun préjudice
à la société, bien au contraire, il n’a pas jugé bon de révéler le fait délictueux.
b.2) Dilemme éthique :
Face à cette situation, le commissaire aux comptes est confronté à un véritable cas de
conscience : soit il respecte le droit des sociétés de manière stricte, soit il analyse l’esprit de la
règle en considérant que l’esprit de la loi n’a pas été violé, la société ou l’ensemble des parties
prenantes n’ayant pas subi de préjudice. Au contraire, la présence du gendre a permis le
20
remplacement du dirigeant et donc indirectement de sauver l’entreprise confrontée à une
« fragilité managériale » à la suite de la maladie de son dirigeant.
b.3) Interprétation de la décision :
La décision prise est de type « situationniste » (idéalisme élevé et relativisme élevé). Lors
d’une situation de type situationniste, la personne concernée regarde les spécificités d’une
situation donnée pour trouver une action qui a de bonnes conséquences pour tout le monde. Il
fait preuve de « scepticisme » éthique. Il est clair que, du point de vue juridique, l’absence
d’approbation de la rémunération du président d’une société par le conseil d’administration de
la société qu’il dirige est une infraction au droit des sociétés. En revanche, du point de vue
économique, les parties prenantes à la vie de la société n’ont subi aucun dommage. Selon ses
dires, la révélation du délit est apparue disproportionnée au commissaire aux comptes par
rapport aux conséquences de l’acte qui résultait a priori d’une négligence. En outre, la
rémunération du président n’était en aucun cas exagérée. Dans cette situation, le contexte
prime par rapport à une application stricte de la règle.
2.2.3. Les décisions d’audit «exceptionnistes » :
- Cas N5 : Présentation du cas, dilemme éthique et interprétation :
a.) Présentation du cas :
Un commissaire aux comptes interrogé a indiqué avoir accepté le non respect par une
entreprise de bâtiment et de travaux publics de la règle fiscale de récupération de la taxe sur la
valeur ajoutée sur les achats de sous-traitance selon le régime de la TVA sur les
encaissements. L’entreprise auditée était financièrement dans une période difficile (marge
faible dégagée sur les affaires, important besoin en fonds de roulement à financer compte tenu
du montant important des travaux en-cours et montant très élevé des créances clients non
encaissées sur les collectivités locales).
21
Sous-traitant une partie importante des travaux réalisés, l’entreprise devait, selon le Code
Général des Impôts, récupérer la taxe sur la valeur ajoutée au moment du paiement de la
facture car il s’agit du moment où le prestataire de services devait de son côté la reverser à
l’Etat. La récupération anticipée de la TVA est une infraction au Code Général des Impôts et
peut être qualifiée de fraude fiscale. Tout délinquant étant dans ce cadre-là condamnable à une
amende maximale de 38 112 Euros et un emprisonnement maximal de 5 ans.
Dans le cadre de sa mission, le commissaire aux comptes a accepté que l’entreprise s’octroie
indirectement un décalage de TVA favorable pour sa situation de trésorerie. La société a donc
récupéré la TVA sur les débits (date de la facture du sous-traitant) et non au moment du
décaissement. Le commissaire interrogé indiqua qu’il pouvait dans certaines circonstances
accepter de manière exceptionnelle un non respect absolu de la règle en général et en
particulier de la règle fiscale. Il était conscient que la décision prise pouvait avoir des
conséquences négatives pour l’Etat mais l’avait considérée comme acceptable s’agissant d’un
simple décalage dans le temps qui pouvait varier entre 30 jours et 90 jours selon le délai de
règlement des fournisseurs.
b) Dilemme éthique :
Le cas précédemment évoqué présente un dilemme éthique dans la mesure où le commissaire
aux comptes est confronté à un choix délicat en terme d’opinion : soit il dénonce le fait
délictueux de fraude fiscale et refuse de cautionner le crédit de trésorerie que l’entreprise s’est
indirectement octroyée, ce qui précipite le dépôt de bilan pour cessation de paiement (cette
solution traduit une application stricte de la loi et de sa mission de commissaire aux comptes),
soit il relativise l’importance du fait délictueux par rapport à la survie de l’entreprise qui peut
éventuellement se redresser ultérieurement. Le choix de la deuxième solution peut engager sa
responsabilité du point de vue civil (condamnation à des dommages et intérêts) ou pénal (non
révélation des faits délictueux).
22
c) Interprétation de la décision :
Si on utilise le cadre théorique de Forsyth, on peut considérer qu’une idéologie éthique
« exceptionniste » a été retenue par le commissaire aux comptes. L’exceptionnisme se
caractérise par un relativisme faible et un idéalisme faible. Bien que chargé de veiller au
respect de la loi, le commissaire aux comptes fait une exception au respect de la règle fiscale
afin d’éviter certaines conséquences négatives, à savoir les difficultés de trésorerie de
l’entreprise auditée, une suppression des concours bancaires et découverts accordés par la
banque et un dépôt de bilan. Les « exceptionnistes » adoptent une vision utilitariste du
dilemme éthique. L’utilitarisme prône l’abandon de toute idée de droit naturel et de toute
métaphysique englobante.
2.2.4. Les décisions d’audit « subjectivistes » :
- Cas N6 : Présentation du cas, dilemme éthique et interprétation :
a) Présentation du cas :
Un commissaire interrogé a présenté la situation suivante. Auditant les comptes annuels d’une
société anonyme, un auditeur junior, membre de l’équipe d’audit qu’il dirigeait, a été intrigué
par le paiement effectué par une société anonyme à une société à responsabilité limitée,
extérieure au groupe de la société anonyme, d’une commission égale à 3% du chiffre
d’affaires. Interrogé, le directeur financier indiqua que « la SARL devait assurer le
développement commercial de la SA et à ce titre, méritait une commission de 3% pour faire
face à ses charges ». Discrètement, le manager, responsable de la mission d’audit, demanda
un extrait K bis au greffe du tribunal de commerce dont dépendait la SARL et a constaté que
le gérant de la SARL était le président du conseil d’administration de la SA auditée.
Interrogé par la suite sur la légitimité de cette relation économique entre la SA et la SARL, le
dirigeant de la SA a répondu sur un plan juridique et formel en indiquant que « s’agissant
d’une convention conclue entre deux sociétés ayant un dirigeant commun, la phase initiale de
23
la procédure des conventions réglementées (à savoir autorisation préalable de la convention
réglementée par le conseil d’administration) avait bien été respectée ». Le président du conseil
d’administration indiqua au commissaire aux comptes qu’il aurait donc à rédiger le rapport
spécial sur les conventions réglementées avant approbation desdites conventions par
l’assemblée générale des actionnaires. Le président répondit sur la forme mais en aucun cas
sur la substance économique du mouvement financier.
Si, du point de vue juridique, la procédure avait été respectée, le commissaire aux comptes
avait les plus grands doutes sur le bien-fondé économique de cette opération financière. En
effet, pour gérer une société autonome dans toutes ses composantes, ses dirigeants avaient-ils
besoin de faire appel à une autre société pour assurer le développement commercial sachant
que l’entreprise auditée avait son propre service commercial ? Après de nombreuses
discussions avec le président de la société, le directeur général et le directeur financier de la
société anonyme, le commissaire aux comptes finit par apprendre que l’argent versé à la
SARL avait servi à obtenir des marchés en corrompant les donneurs d’ordre. L’artifice de la
SARL avait été choisi pour éviter que les sommes versées à des tiers n’apparaissent
directement dans les comptes.
Après avoir pris connaissance de la réalité de la situation et de la « substance » de l’opération
financière, le commissaire aux comptes s’interrogea sur la décision à prendre. Il décida de
certifier les comptes sans réserves et considéra qu’il s’agissait d’une convention réglementée,
à charge, selon lui, aux actionnaires de poser des questions sur la destination des sommes
versées. Il considéra que la lutte contre la corruption dépassait ses propres prérogatives. Il
s’agissait d’une opération financière non justifiée (du point de vue juridique, les obligations
légales actuelles du commissaire aux comptes sont aujourd’hui différentes en raison des
nouvelles obligations qui leur ont été imposées en matière de blanchiment d’argent).
b) Dilemme éthique :
24
Cette situation présente un dilemme éthique au commissaire aux comptes dans la mesure où il
doit choisir entre la forme de l’opération (convention réglementée autorisée) et le fonds
(détournements de fonds de la société à des fins de corruption de donneurs d’ordre). Lors de
l’expression de son opinion, doit-il accepter cette situation qui permet à l’entreprise de
continuer à exister (positionnement micro-économique) ou plutôt se positionner sur un plan
plus macro-économique (participation à la diminution des phénomènes de corruption) ? La
continuité de l’activité de l’entreprise doit-il être choisie par rapport à des valeurs universelles
telles que la suppression de la corruption ?
c) Interprétation de la situation :
Selon le cadre théorique de Forsyth (1980), cette décision d’audit peut être interprétée par une
idéologie éthique de type « subjectiviste » (idéalisme faible et relativisme élevé). En effet, le
commissaire aux comptes a utilisé son propre point de vue moral pour trouver une action qui
a de bonnes conséquences pour presque tout le monde. Il a considéré que même si la décision
prise a de mauvaises conséquences pour certaines personnes, elle reste acceptable. La
personne qui a subi un préjudice est le client final, à savoir le donneur d’ordre.
La décision prise par le commissaire aux comptes a eu des conséquences favorables pour les
dirigeants qui n’ont pas été inquiétés, pour les salariés et l’ensemble des parties prenantes qui
ont continué à bénéficier de la répartition de la valeur créée par l’entreprise. En revanche, la
décision prise a eu des conséquences défavorables pour le système macro-économique et
financier et le client final. On peut considérer que l’on est dans une situation d’égoïsme
éthique dans la mesure où le commissaire aux comptes, en n’intervenant pas, a préservé son
propre intérêt (la poursuite de sa mission) et celui de l’entreprise (sa pérennité) en passant
sous silence le versement de sommes « occultes » dont la « substance » est contestable.
25
2.3. Discussion :
Après l’analyse des décisions d’audit à travers le cadre conceptuel de Forsyth, une discussion
s’impose. Les deux décisions d’audit « absolutistes » (passifs environnementaux à
provisionner, refus d’un enrichissement indu du dirigeant) ont pour point commun la volonté
pour le commissaire aux comptes de remplir sa mission en protégeant les parties prenantes.
Elles traduisent un sens aigu de la responsabilité du commissaire aux comptes qui remplit
pleinement son rôle de contrôle et de garant de la qualité des états financiers. Elles illustrent
une véritable conscience du devoir de la part de l’auditeur dans l’accomplissement de sa
mission. Ce dernier ne privilégie pas son intérêt et n’est pas en collusion avec le dirigeant.
Ainsi, une application stricte de la loi est en phase avec le caractère « juste » de la mission de
l’auditeur. A contrario, dans les deux décisions « situationnistes » (non révélation de faits
délictueux à savoir une avance financière au dirigeant et non approbation de la rémunération
du dirigeant), le commissaire aux comptes n’applique pas la loi de manière stricte. Il tient
compte du contexte et s’interroge sur l’intérêt de l’application de la loi qui lui pose un
problème éthique. La décision prise par l’auditeur est au profit de l’ensemble des parties
prenantes de manière indirecte dans le premier cas (l’entreprise du frère est sauvée) et de
manière directe dans le second (la pérennité de l’entreprise). Une certaine « justice sociétale »
guide la décision de l’auditeur plutôt qu’une application stricte du texte sans tenir compte du
contexte. Quant à la décision « exceptionniste » de l’auditeur (acceptation d’une récupération
trop rapide de la TVA), elle dénote une idéologie utilitariste de l’audit qui s’éloigne de
l’application de loi.
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Pour conclure, le cadre conceptuel de Forsyth permet d’analyser des décisions d’audit souvent
complexes compte tenu de l’interaction des intérêts de l’auditeur, de ceux de l’entreprise
auditée, des obligations juridiques et légales qui ont du mal à englober toutes les situations, et
des conséquences sociales et sociétales des décisions prises. Poursuivant ses travaux à partir
du cadre conceptuel, Forsyth a développé un questionnaire intitulé EPQ (Ethics Position
Questionnaire) qui permet de classer les individus dans les 4 catégories en fonction de leur
sensibilité éthique. La validité du questionnaire et ses qualités psychométriques ont été
prouvées dans différentes études menées sur des étudiants (Forsyth en 1980 ; Arrington et
Reckers
en
1985 ;
Douglas
et
Schwartz
en
1999)
et
sur
des
auditeurs
en
activité professionnelle (Shaub en 1993, Douglas en 2001).
En fin de compte, il ressort des situations étudiées que les relations croisées de l’audit et de
l’éthique sont au cœur de la légitimité de la mission de contrôle des comptes. Un
comportement éthique est une condition nécessaire à l’expression d’une opinion de qualité.
Nul doute que les phénomènes organisationnels tels que la culture du cabinet ou de l’équipe
d’audit puissent influencer et interagir sur l’opinion exprimée. Toutefois, la certification des
comptes est une décision individuelle qui reviendra au final à l’associé, signataire et
responsable du dossier. Une dernière question qui se pose est de savoir si l’on doit enseigner
l’éthique aux étudiants en comptabilité supérieure, à travers notamment la présentation
d’études de cas, afin de les sensibiliser à ces situations délicates. Radtke (2004) a développé
une méthode expérimentale sur le plan pédagogique destinée à faire réfléchir les étudiants en
comptabilité sur différents dilemmes éthiques. Sa méthode repose sur le cadre conceptuel de
Forsyth et son questionnaire psychométrique. Ses travaux montrent la possibilité de faire
réfléchir les étudiants en comptabilité et en audit sur des situations délicates en terme
d’opinion. En effet, comme l’écrivait au XVIième Michel de Montaigne à son ami Diane de
Gurson : « Instruire, c’est former le jugement ». Quant à Ponemon et Glaser (1990), ils
27
soutiennent la thèse que les programmes de formation dans le domaine comptable doivent être
complétés de modules sur l’éthique afin de tenter de sensibiliser les auditeurs à la dimension
éthique d’une situation et en les faisant réfléchir sur des situations conflictuelles ou sur des
dilemmes éthiques auxquels des auditeurs en exercice ont déjà été confrontés. Loeb (1988) a
pour sa part présenté sept objectifs d’un enseignement de l’éthique en comptabilité : faire le
lien entre l’enseignement de la comptabilité et les problèmes moraux, reconnaître que les
problématiques comptables ont des implications éthiques, développer le sens de l’obligation
morale et de la responsabilité, développer les aptitudes nécessaires pour traiter les conflits et
les dilemmes éthiques, apprendre à faire face aux incertitudes de la profession comptable,
accepter d’évoluer dans son comportement éthique, apprendre et comprendre l’histoire et les
composantes de tous les aspects de l’éthique en comptabilité. En somme, les bases de la
construction d’un comportement responsable et courageux en cas de conflit auditeur-audité.
28
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