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N°24 – Juin/Septembre 2015 MEDIA LAW NEWSLETTER Rr AJA AVOCATS - 7, avenue de la Bourdonnais - 75007 Paris, France [email protected] + 33 (0) 1 71 19 71 47 Audiovisuel Le Conseil d’Etat annule les décisions du CSA refusant le passage en TNT gratuite des chaînes LCI et PARIS PREMIERE Le Conseil d’Etat a annulé pour un motif de procédure, les décisions du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) qui ont rejeté les demandes d’autorisation de passage d’un régime payant à la gratuité, présentées par les éditeurs des chaînes LCI et PARIS PREMIERE. Les deux décisions rendues le 29 juillet 2014 par le CSA, avaient refusé d’accéder aux demandes d’agrément formées pour obtenir le passage de ces chaînes de la TNT payante à la TNT gratuite (cf. MEDIA LAW NEWSLETTER n°16). Les sociétés LCI d’une part, et METROPOLE TELEVISION (M6) et PARIS PREMIERE d’autre part, ont respectivement saisi pour les chaînes LCI et PARIS PREMIERE, le Conseil d’Etat d’un recours en annulation de la décision les concernant. Les deux arrêts rendus le 17 juin 2015 ont constaté que le CSA n’avait pas respecté la procédure qui lui impose de réaliser, préalablement à sa décision, une étude d’impact qui, par souci de transparence, est rendue publique afin de permettre à toute personne intéressée de faire valoir ses observations avant que le CSA ne se prononce. Or, les études relatives à LCI et PARIS PREMIERE n’ont été publiées que le 29 juillet 2014, soit en même temps que les deux décisions du CSA. Constatant l’irrégularité des procédures, le Conseil d’Etat a donc annulé les deux décisions du CSA. Ces arrêts ont été l’occasion pour le Conseil d’Etat de confirmer que la procédure d’agrément spécifique prévue pour l’examen des demandes de passage de la TNT payante à la TNT gratuite, était conforme au droit de l’Union Européenne. Les éditeurs des chaînes BFM TV et NRJ 12 étaient en effet intervenus pour soutenir qu’à défaut de s’inscrire dans le cadre d’une procédure ouverte, les règles permettant au CSA de modifier les modalités de financement d’une chaîne de la TNT (article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) étaient contraires aux directives « Autorisations » (directive 2002/20/CE du 7 mars 2002) et « Concurrence » (directive 2002/77/CE du 16 septembre 2002). Ils considéraient qu’en l’absence d’appel à candidatures, le CSA ne pouvait pas donner suite aux demandes des chaînes LCI et PARIS PREMIERE. Le Conseil d’Etat a toutefois considéré que la Directive « Autorisations » permet aux Etats membres, « à titre exceptionnel, d’octroyer sans recourir à une procédure ouverte des droits d’utilisation de radiofréquences pour la diffusion de services de télévision lorsque cela est nécessaire pour atteindre un objectif d’intérêt général défini dans le respect du droit de l’Union ». Il appartient ainsi au CSA, « saisi d’une demande d’agrément, d’apprécier, en tenant compte du risque de disparition du service exploité par le demandeur, des risques qu’une modification de ses conditions de financement ferait peser sur la poursuite de l’exploitation d’autres services et des contributions respectives de ces Dans ce numéro : Le Conseil d’Etat annule les décisions du CSA refusant le passage en TNT gratuite des chaînes LCI et PARIS PREMIERE Pas de rupture brutale d’une relation commerciale dans le remplacement d’un producteur après appel d’offres Résiliation d’un contrat de coproduction aux torts réciproques des parties Résiliation d’un mandat de vente d’œuvres audiovisuelles et conséquences pour les coproducteurs Le film « Time Out » n’est pas la contrefaçon du scénario de « Kronos » Rappel du CSA sur les conditions de réalisation d’un reportage Le CSA rappelle à FRANCE TELEVISIONS qu’elle doit être exemplaire dans la lutte contre les discriminations Le CSA encourage FRANCE TELEVISIONS à promouvoir l’égalité homme/femme Le CSA invite LCI à éviter les amalgames encourageant à la discrimination Affirmation stigmatisant la communauté intervention du CSA auprès d’Europe 1 Intervention du CSA contre un reportage qui vire à la promotion Le CSA intervient contre une exposition complaisante de vin dans le « Grand Journal » Contrefaçon sur Internet : l’administrateur du site wawa-mania condamné à un an de prison ferme et quinze millions de dommages et intérêts La loi Sapin s’applique à une prestation de publicité en ligne La Cour de Cassation confirme la condamnation du hacker BLUETOUFF pour maintien frauduleux dans un système informatique et vol de fichiers musulmane : services au pluralisme du secteur et à la qualité des programmes, si, en raison notamment de l’absence de fréquence disponible, l’impératif de pluralisme et l’intérêt du public justifient de ne pas recourir à une procédure ouverte ». Et « lorsque cette condition est remplie, la modification de l’autorisation doit être regardée comme nécessaire à la réalisation d’un objectif d’intérêt général et entre ainsi dans le champ des dispositions du paragraphe 2 de l’article 5 de la directive du 7 mars 2002 qui permettent à titre exceptionnel de ne pas recourir à une procédure ouverte ». Par ailleurs, dans la mesure où elle « permet à tous les acteurs du secteur de faire valoir leurs observations » et où « l’octroi ou le refus de l’agrément repose sur des critères objectifs », « la procédure instituée est objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée ». Le Conseil d’Etat a par conséquent jugé que les dispositions françaises qui organisent la Page 2 Media Law Newsletter nnnNewsletter procédure d’agrément spécifique pour les opérateurs de TNT payante désirant passer en diffusion gratuite restent conformes aux objectifs poursuivis par les directives communautaires. Le CSA a pris acte de l’annulation de ses décisions, basée sur une « interprétation qui ne se prononce pas sur l’analyse économique qui a fondé ses décisions de refus ». Il a annoncé qu’un « nouvel examen aura lieu dans un délai de six mois, prenant en compte les équilibres du marché publicitaire ». Conseil d’Etat, arrêts n°384826 et 385474 du 17 juin 2015 ; Communiqué du CSA du 17 juin 2015 Pas de rupture brutale d’une relation commerciale dans le remplacement d’un producteur après appel d’offres La Cour d’Appel de Paris a confirmé le 12 juin 2015 que le fait pour une chaîne de télévision, de mettre un terme à la coproduction de l’une de ses émissions avec un producteur pour en confier la production à une autre société choisie au terme d’un appel d’offres, ne caractérise pas une faute imputable au diffuseur. La chaîne de télévision PARIS PREMIERE est propriétaire du format et du titre du programme audiovisuel intitulé « Ça balance à Paris ». A compter de 2005, cette société a conclu, pour chaque saison audiovisuelle, un contrat de coproduction de cette émission avec la société BELLEVILLE PRODUCTIONS. Le 19 avril 2010, PARIS PREMIERE a invité BELLEVILLE PRODUCTIONS à participer à l’appel d’offres qu’elle organisait pour faire évoluer « Ça balance à Paris », en vue de pouvoir maintenir cette émission dans sa grille de programmes. Le 12 juillet suivant, la chaîne a informé le producteur que sa proposition n’était pas choisie pour la production de l’émission pour la saison 2010/2011 à venir. BELLEVILLE PRODUCTIONS a contesté devant le Tribunal de Commerce de Paris son éviction au profit d’une autre société, survenue au terme de sept ans de collaboration. Le jugement rendu l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et la Cour a confirmé le raisonnement suivi par les premiers juges pour écarter les moyens fondés sur la rupture brutale de relations commerciales établies, l’exécution déloyale des contrats et le parasitisme. S’agissant de la rupture brutale de relations commerciales établies prévue par l’article L.442-6, I du Code de Commerce, l’arrêt relève que l’ensemble des contrats passés entre les parties prévoyaient une durée déterminée correspondant à une saison audiovisuelle de 10 mois courant de septembre à juin. Ils étaient de surcroît assortis d’une clause aux termes de laquelle les parties « en leur qualité de professionnels avertis de l’audiovisuel » reconnaissaient notamment « le principe de saisonnalité des grilles de programmes d’un service de télévision, l’acquisition des droits de l’exploitation des programmes étant strictement liée à l’évolution de la grille de programmes » et écartaient en conséquence toute reconduction tacite. Il ressortait ainsi des contrats que « les parties ont entendu signer un contrat d’une durée déterminée de 10 mois, non renouvelable, que chacun des contrats successivement conclus excluait donc expressément toute reconduction tacite ». Pour la Cour, ces contrats mettaient en exergue le principe de saisonnalité et la précarité de la collaboration entre le producteur et le diffuseur, « inhérente à toute production audiovisuelle » : « en effet, dès lors que l’économie d’une chaîne de télévision dépend essentiellement des recettes générées par l’audience de sa programmation, il est nécessaire que l’éditeur de la chaîne puisse bénéficier de la liberté d’apporter des changements aux émissions composant sa grille ou même de les supprimer en cas de chute de leur audience, de sorte que les relations entre producteur et diffuseur ne peuvent s’inscrire que dans le cadre de contrats portant sur une saison audiovisuelle ». La constatation du vieillissement du programme, l’organisation d’un appel d’offres et le fait que la chaîne était propriétaire de l’émission en cause, ne permettaient pas davantage au producteur de s’attendre à la stabilité de ses relations commerciales avec PARIS PREMIERE. La Cour a donc confirmé que la relation entre les parties « revêtait un caractère précaire exclusif de l’application » des dispositions sanctionnant la rupture brutale des relations commerciales établies. BELLEVILLE PRODUCTIONS reprochait également au diffuseur d’avoir organisé un appel d’offres fictif, ce qui constituait un manquement à son obligation de loyauté dans l’exécution de leur contrat. La Cour lui a répondu qu’elle n’établissait pas « l’existence d’un stratagème pour procéder à son éviction ou des vices affectant la procédure d’appel d’offres ». L’arrêt retient pour cela, que la chaîne justifiait de la réalité de cette mise en concurrence à laquelle le producteur avait répondu dans le délai imparti. Il relève en outre que « PARIS PREMIERE était libre d’organiser ou non un appel d’offres pour mettre en concurrence diverses sociétés de production en vue d’organiser l’évolution de l’émission « Ça balance à Paris », et ce, sans obligation de forme spécifique ou de publicité particulière, cet appel d’offres ne relevant d’aucun secteur réglementé, de sorte qu’il ne pesait sur elle aucune obligation de transparence sur la forme de soumission des projets des concurrents ou sur le mécanisme de choix des candidats ayant soumissionné ou sur la composition de la commission d’appel d’offres, comme voudrait le faire accroire l’appelante ». La Cour a également jugé qu’il ne pouvait être fait grief à PARIS PREMIERE « d’agissements parasitaires pour avoir poursuivi avec un autre producteur la même émission, alors qu’elle est seule propriétaire du format et du titre de l’émission ». Il était par ailleurs « acquis que le changement de producteur a permis l’arrivée d’un nouveau présentateur et donc d’une nouvelle ligne éditoriale ». BELLEVILLE PRODUCTIONS ne rapportait pas davantage la preuve du préjudice allégué dès lors qu’elle ne démontrait pas « les financements dont aurait profité la société PARIS PREMIERE sans bourse délier ou en quoi a consisté son investissement intellectuel qui procurerait un avantage concurrentiel à cette dernière ». Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, arrêt du 12 juin 2015 Résiliation d’un contrat de coproduction aux torts réciproques des parties La Cour d’Appel de Paris a renvoyé dos à dos deux producteurs en résiliant à leurs torts réciproques, le contrat qu’ils s’accusaient mutuellement de ne pas avoir respecté. Les sociétés MAYBE MOVIES et ART’MELL ont conclu un contrat de coproduction audiovisuelle pour la production de la série d’animation intitulée BANJA. En cours d’exécution de ce contrat, la première de ces sociétés a reproché à la seconde de ne pas avoir satisfait son engagement financier qui portait sur un apport en numéraire de 530.000 euros. ART’MELL soutenait en réponse que les défaillances de son partenaire, qui n’avait pas rendu compte de sa gestion de la comptabilité de la coproduction, l’avait conduite à supporter un investissement supplémentaire à hauteur de près d’un million et demi d’euros. Page 3 Media Law Newsletter Le Tribunal de Commerce de Paris a prononcé la résiliation du contrat aux torts d’ART’MELL et l’a condamnée à verser la somme de 90.000 euros de dommages et intérêts à son coproducteur. L’arrêt rendu le 12 juin 2015 a maintenu le principe de la résiliation du contrat mais en a attribué la responsabilité aux deux parties. Cette décision relève qu’ART’MELL n’avait versé que 171.232,95 euros sur le total de 530.000 euros qu’elle s’était contractuellement engagée à apporter à la coproduction, de sorte qu’il était établi qu’elle n’avait pas rempli ses engagements. Cette société expliquait en défense que les erreurs de sa partenaire l’avait conduite à devoir engager des frais supplémentaires pour le compte de la coproduction à hauteur de 260.942,74 euros et qu’une partie des recettes avaient dû être utilisée à titre de trésorerie. Ces difficultés financières n’avaient plus permis de respecter les conditions initiales du contrat. La Cour a rejeté cet argument au motif qu’il n’incombait pas à ART’MELL de prendre une telle initiative : ce producteur « ne justifie nullement d’un accord exprès de la société MAYBE MOVIE tenant à une modification des termes du contrat de production ; en effet aux termes de l’article IX, la société MAYBE MOVIES a seule la responsabilité de producteur délégué et doit en conséquence prendre seule les décisions relatives à la réalisation de la série au mieux des intérêts communs, prendre en charge seule la gestion financière de la production, l’administration et l’exploitation de la série, supporte seule les dépassements de budget ». Le contrat prévoyait par ailleurs que l’apport d’ART’MELL était forfaitaire et définitif, de sorte que sa responsabilité était strictement limitée au montant de son apport. L’arrêt retient par conséquent qu’en dépit des frais engagés, le coproducteur n’avait pas exécuté son obligation d’apport initial en numéraire : « ART’MELL n’est pas fondée à revendiquer l’accomplissement de son obligation d’apport en numéraire par le paiement de frais qui ne lui incombe pas et surtout par une simple privation de recettes postérieures, ce qui est contraire à la lettre du contrat de production et à son économie, l’apport en numéraire au moment de la production étant essentielle au succès du financement de l’opération, et ce, faute de démontrer l’existence d’un accord postérieur au contrat entre les parties ». MAYBE MOVIE n’a pas pour autant été épargnée par cette décision. La Cour a constaté qu’en dépit des termes du contrat, cette société « n’a pas ouvert un compte spécial « BANJA » au nom de la production, fonctionnant sous sa signature et sa responsabilité dans les livres de la banque OBC, non seulement pour recueillir l’apport en numéraire de la société ART’MELL mais aussi toutes les contributions financières prévues au plan de financement, les apports des producteurs, les versements des établissements financiers ; elle n’a pas davantage déféré à la mise en demeure de sa partenaire de communication des comptes ». La faute de ce coproducteur était donc tout autant caractérisée. Chaque partie réclamait la condamnation de l’autre à indemniser le préjudice qu’elle estimait avoir subi. Du fait des modifications incessantes de l’équilibre économique de l’opération au cours du contrat, le tribunal avait ordonné une expertise permettant de faire les comptes entre les coproducteurs. Cependant, faute d’avoir consigné les sommes nécessaires au paiement de l’expert désigné, les parties n’ont pas permis à la Cour d’être pleinement informée de la comptabilité réelle de la production. Considérant qu’aucune pièce ne permettait d’étayer les prétentions financières en présence, la Cour a finalement débouté les deux parties de leurs demandes en paiement. Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, arrêt du 12 juin 2015 Résiliation d’un mandat de vente d’œuvres audiovisuelles et conséquences pour les coproducteurs La Cour d’Appel de Paris a résilié le 9 juillet 2015, le mandat de vente confié à l’un des coproducteurs de trois films cinématographiques, tout en organisant les conséquences de cette résiliation pour les coproducteurs. La société Les Productions du Daunou a coproduit trois films avec la société NAJA FILMS, aux droits de laquelle est venue la société OB FILMS. Cette dernière détenait ainsi une quote-part de copropriété de chacune de ces œuvres. Les coproducteurs avaient confié aux Productions du Daunou le mandat de commercialiser ces films, à charge pour elle de justifier et de reverser à OB FILMS sa part de recettes nettes. N’ayant pas obtenu la reddition des comptes et le versement des sommes lui revenant au titre de l’exploitation des films, OB FILMS a saisi le Tribunal de Commerce de Paris qui a condamné Les Productions du Daunou à payer à son coproducteur les parts de recettes qui lui étaient dues et prononcé la résiliation de ses mandats de vente. Saisie par Les Productions du Daunou, la Cour d’Appel de Paris a constaté les ventes réalisées par cette société et l’a condamnée en conséquence à verser à OB FILMS les pourcentages lui revenant au titre de l’exploitation des films. L’arrêt rendu le 9 juillet 2015 a surtout rappelé que les trois mandats de vente contenaient une clause résolutoire permettant à chaque partie de résilier le contrat en cas d’inexécution du contrat par l’autre partie. Or, il était établi que Les Productions du Daunou « ont manqué à leurs obligations contractuelles en s’abstenant durablement de verser au coproducteur des trois films en cause les droits d’exploitation qui lui revenaient ». Pour la Cour, « la gravité de ce manquement justifie la résiliation des contrats aux torts des Productions du Daunou » à compter de la date du jugement de première instance. La résiliation étant approuvée, la Cour a également confirmé que « faute de nouvelles conventions entre elles et postérieurement à la date de résiliation des mandats, la société Les Productions du Daunou et la société OB FILMS pourront chacune, dans le strict respect des contrats de coproduction, commercialiser les films en cause, appréhender leurs parts respectives de recettes et devront chacune reverser à leur cocontractant la part lui revenant, sous réserve des droits acquis et régulièrement opposables des tiers ». Il a de surcroît été ordonné que la décision ainsi rendue soit inscrite au Registre du Cinéma et de l’Audiovisuel, de manière à la rendre opposable à tous. Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 5, arrêt du 9 juillet 2015 Le film « Time Out » n’est pas la contrefaçon du scénario de « Kronos » La Cour d’Appel de Paris a confirmé le 9 juin 2015, le jugement qui avait rejeté les demandes fondées sur la contrefaçon et le parasitisme, que l’auteur d’un scénario intitulé « Kronos » avaient formées à l’encontre du réalisateur et des différentes sociétés de production et de distribution de l’œuvre cinématographique « Time Out ». En 2004, l’auteur de « Kronos », Monsieur Edwin Krüger, a déposé plusieurs versions de son scénario à la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) ainsi qu’au Bureau des œuvres protégées des Etats-Unis. Il indiquait avoir Media Law Newsletter par la suite transmis son manuscrit à des professionnels du secteur cinématographique parmi lesquels des proches du réalisateur Andrew Niccol. Lorsque le film « Time Out » réalisé par ce dernier, est sorti en France en 2011, Monsieur Krüger lui a reproché l’existence de nombreuses ressemblances avec son scénario. Saisi de son action en contrefaçon et concurrence déloyale, le Tribunal de Grande Instance Paris a notamment retenu que si le thème et certaines situations présentaient des ressemblances, ils avaient été traités de façon très différentes, ne reposaient pas sur les mêmes ressorts et ne s’intégraient pas dans la même intrigue. Le demandeur a donc été débouté. En cause d’appel, les intimés affirmaient que le seul point commun des œuvres opposées « est l’idée selon laquelle la vie des hommes est conditionnée par un capital temps dont les individus peuvent se servir pour payer quelqu’un ou quelque chose en temps ». Ils soutenaient que « l’expression « le temps est de l’argent » qui peut être attribuée à Benjamin Franklin, a déjà été exploitée par le passé » et que les idées ne sont pas protégeables en soi. La Cour précise à cet égard que la revendication de Monsieur Krüger « ne porte pas sur l’appropriation de ce thème mais sur l’œuvre qu’il a formalisée par des écrits exprimant l’agencement des idées nées de son imagination autour de ce thème central ». Pour apprécier le bien-fondé de l’action, la Cour a repris la méthode du Tribunal consistant à « identifier, en les précisant, les caractéristiques de forme dans la conception des scenarii revendiqués et de leurs personnages ainsi que dans le développement de l’action qui ont pu faire l’objet de reprises dans l’œuvre arguée de contrefaçon, avant de s’attacher à l’importance des caractéristiques conceptuelles ainsi retenues et de rechercher si les ressemblances existantes peuvent être fortuites et tenir, notamment, à des sources d’inspiration antérieures ou au contraire, résulter de la connaissance de l’œuvre [que le réalisateur] aurait eue ». L’arrêt identifie d’abord des « ressemblances spatiotemporelles », d’autres tenant au « traitement du thème du temps » ou encore à des traits de caractères communs entre les personnages. Il est en revanche reproché à l’appelant d’avoir effectué un rapprochement entre des séquences de son scénario et des scènes du film sans avoir pris la peine de se livrer à une « analyse précise de leur contenu effectif en regard de l’histoire prise en son entier, de l’expression globale de l’œuvre aboutie qu’est le film, de la structuration des intrigues (éléments-moteur, ressorts dramatiques), du message véhiculé ». La Cour s’est ensuite attachée à caractériser des « dissemblances » tenant au fait que « les récits d’anticipation opposés, écrit pour l’un filmé pour l’autre, permettent de découvrir deux types d’organisations sociales ne fonctionnant pas selon un système et une configuration identiques, par-delà le fait qu’ils ont en commun de placer le temps au centre de leur organisation ». Ainsi, alors que le scénario utilise le temps comme « une extrapolation de la technologie médicale », le film en fait « un moyen de domination des riches sur les pauvres ». L’œuvre cinématographique repose aussi sur la « neutralisation du gène responsable du vieillissement » alors que les individus y restent soumis dans le scénario. La Cour distingue encore l’opposition des rythmes de vies des populations et l’absence de pertinence des rapprochements effectués par l’appelant entre les caractéristiques des différents personnages. Il est enfin relevé s’agissant de la comparaison des séquences, que « le découpage opéré par l’appelant fait abstraction de leur intrigue et met en relation des faits s’inscrivant dans une chronologie et un contexte différents, tout en omettant des éléments fondamentaux de l’action du film, tels la relation sentimentale entretenue par le couple de héros ou la poursuite dont il fait Page 4 l’objet par le gardien du temps ». Restait à déterminer si, comme l’affirmait Monsieur Krüger, le réalisateur avait pu s’inspirer du scénario de « Kronos ». L’arrêt rappelle qu’il « résulte de la doctrine de la Cour de Cassation qu’il incombe au contrefacteur prétendu de prouver qu’il n’a pas eu accès à l’œuvre revendiquée, outre le caractère fortuit des rencontres entre les œuvres en comparaison, pour impressionnantes qu’elles soient ». Pour la Cour, le réalisateur pouvait « se prévaloir de l’absence d’envoi direct de ce scénario à sa personne » mais aussi « de la fragilité du faisceau d’éléments réunis par l’appelant pour prétendre qu’il y a eu accès dès lors que celui-ci n’a été que très indirect ». L’arrêt se fonde enfin sur les différentes attestations produites par Monsieur Niccol pour démontrer que ce dernier n’avait pas eu accès à l’œuvre dont se prévalait Monsieur Krüger. Les sources d’inspiration du réalisateur de « Time Out » étaient également étrangères à l’auteur de « Kronos ». Partant de l’affirmation de Monsieur Niccol, qui disait s’être inspiré de son précédent film, « Bienvenus à Gattaca » sorti en 1997, la Cour admet que cette œuvre « contient des éléments repris dans le film « Time Out » et qui relèvent des ressemblances ciavant identifiées, tels la présentation d’une société fondée sur la technologie qui permet d’accéder à la connaissance de la durée de vie, le clivage entre des groupes d’individus et leur antagonisme, le désir de lutte d’un personnage placé en situation d’infériorité, la mort d’un tiers, la traque ». Le réalisateur pouvait également se prévaloir de l’un de ses projets intitulé « Time Killer », remontant à 2002 et qui comprenait « l’essentiel des éléments du film ». A cela s’ajoutait les « sources d’inspiration commune » auxquelles le public avait accès et le fait que ne pouvait être exclue « la rencontre fortuite s’agissant d’œuvres présentant des ressemblances en petit nombre ne se démarquant pas de l’existant culturel recensables à leurs date et dont, qui plus est, les différences se révèlent telles qu’elles ne peuvent qu’être prises en considération dans l’appréciation de la contrefaçon pour la rejeter ». Il a donc été jugé que le film « Time Out » ne portait pas atteinte aux droits d’auteur attachés à l’œuvre « Kronos ». L’absence d’accès du réalisateur au scénario revendiqué et d’appropriation contrefaisante de ce travail, ne permettait pas davantage à Monsieur Krüger de revendiquer une indemnisation sur le terrain du parasitisme. Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 2, arrêt du 5 juin 2015 Rappel du CSA sur les conditions de réalisation d’un reportage Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a été saisi par Monsieur Gérard Larcher, président du Sénat, au sujet du reportage « Nos très chers sénateurs », diffusé dans l’émission « Pièces à conviction » sur France 3, le 28 janvier 2015. Monsieur Larcher reprochait, d’une part, l’annonce de chiffres approximatifs, notamment sur le budget annuel du Sénat, et, d’autre part, l’utilisation de caméras cachées dans le reportage. Même s’il n’a pu relever « aucun manquement caractérisé de la chaîne à ses obligations », le Conseil a observé que « le ton et les angles choisis étaient de nature à faire naître le trouble quant à certaines modalités de la gestion financière en vigueur au Sénat, sans que ses représentants aient toujours été mis en mesure d’utilement faire valoir leur point de vue sur les Page 5 Media Law Newsletter Media Law Newsletter questions abordées ». Par ailleurs, « si en l’espèce les personnes ont été correctement floutées, il n’a pas été clairement indiqué dans le reportage que les images avaient été tournées de cette façon ». Le CSA a donc demandé à la chaîne de veiller à ce que les téléspectateurs soient mieux informés des procédés de caméra cachée ou discrète lorsque ceux-ci sont utilisés pour recueillir des informations, conformément aux dispositions de l’article 35 du cahier des missions et des charges de France Télévisions qui garantit l’honnêteté et le pluralisme de l’information. er CSA, Assemblée plénière du 8 avril 2015, publiée le 1 juin 2015 Le CSA rappelle à FRANCE TELEVISIONS qu’elle doit être exemplaire dans la lutte contre les discriminations largement sous-représentées et a constaté que les noms de métiers présentés par les femmes n’étaient pas tous féminisés. Il déplore que ce programme n’ait pas proposé une vision équitable de la place des femmes et des hommes dans le milieu professionnel, au moment où la lutte contre les discriminations entre les femmes et les hommes dans ce milieu est un enjeu essentiel ». Le CSA est donc intervenu auprès de FRANCE TELEVISIONS afin de lui rappeler les termes de l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986, qui s'attache notamment à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et à lutter contre les préjugés sexistes. Il a ainsi invité l’éditeur de chaînes, si cette émission venait à être rediffusée, à féminiser les noms de métiers lorsque ceux-ci sont présentés par des femmes. CSA, Assemblée plénière du 18 mars 2015, publiée le 13 mai 2015 Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est intervenu auprès de France 2 à la suite d’un reportage, diffusé dans le journal de 20 heures de France 2 le 13 janvier 2015, consacré aux actes islamophobes commis depuis les attentats terroristes survenus en France au début du mois de janvier 2015. La chaîne avait diffusé le témoignage d’une personne de confession musulmane qui avait été victime d’un tel acte. Le lancement de ce sujet faisait référence à «un musulman marié à une Française ». Le Conseil considère que « cette présentation, faite d’une manière qui pouvait sembler dénier sa nationalité française à l’intervenant, contrevient aux dispositions de l’article 36 du cahier des missions et des charges de France Télévisions relatifs à la lutte contre les discriminations et est de nature à nuire aux efforts substantiels déployés par la société pour promouvoir les valeurs partagées au sein de la communauté nationale ». Le CSA a par conséquent demandé à FRANCE TELEVISIONS de « veiller tout particulièrement à la nécessité de ne pas véhiculer de préjugés ou d’amalgames et lui a rappelé l’exemplarité dont elle doit faire preuve dans la lutte contre les discriminations ». CSA, Assemblée plénière du 4 mars 2015, publiée le 5 mai 2015 Le CSA encourage FRANCE TELEVISIONS à promouvoir l’égalité homme/femme Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a été saisi par l’association Supplément Dame au sujet du programme court intitulé « Beau travail », diffusé sur les chaînes France 2 et France 3 de mai à décembre 2014 et parrainé par le MEDEF. L’association regrettait que ce programme, qui mettait en lumière des métiers porteurs d’avenir et présentait par le biais d’un salarié ou d’une salariée, le parcours pour y accéder, les qualités requises, le salaire moyen perçu et le nombre d’emplois à pourvoir par an, n’ait pas proposé un équilibre des interventions entre les femmes et les hommes exerçant les métiers présentés. Par ailleurs, l’association a signalé que le programme ne féminisait pas systématiquement les noms des métiers lorsque ceux-ci étaient représentés par une femme, renforçant ainsi des stéréotypes de sexe dans la sphère professionnelle. Le Conseil a considéré « qu’en effet, les femmes y étaient Le CSA invite LCI à éviter encourageant à la discrimination les amalgames Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est intervenu auprès de LCI au sujet de plusieurs éditions d’information diffusées le 9 février 2015 concernant le scandale de la banque HSBC. Un journaliste, intervenant en qualité de témoin, avait tenu à l’égard des personnes impliquées les propos suivants : « … à côté d’eux, dans cette banque-là, il y avait des trafiquants d’armes internationaux, des trafiquants de drogue. Il y avait des gens qui ont financé Al-Qaïda. Il y a des diamantaires juifs d’Anvers qui avaient des comptes très importants à Genève ». L’article 2-3-3 de la convention conclue entre le Conseil et LCI prévoit que « l’éditeur veille dans son programme (…) à respecter les différentes sensibilités politiques, culturelles et religieuses du public ; à ne pas encourager des comportements discriminatoires en raison de la race, du sexe, de la religion ou de la nationalité ; à promouvoir les valeurs d’intégration et de solidarité qui sont celles de la République (…) ». Le CSA a « regretté l’emploi des termes qualifiant les diamantaires belges qui seraient impliquées dans cette affaire. Si leur utilisation semble être une maladresse de la part de cet intervenant, faire état de la judéité des personnes mises en cause, dans une énumération faisant référence à des trafiquants d’armes, de drogue et des personnes ayant financé Al Qaïda, peut contribuer à alimenter les amalgames et à encourager les discriminations ». Le Conseil a par conséquent demandé aux responsables de la chaîne de veiller à mieux respecter les dispositions de l’article 23-3 de sa convention. CSA, Assemblée plénière du 4 mars 2015, publiée le 5 mai 2015 Affirmation stigmatisant la communauté musulmane : intervention du CSA auprès d’Europe 1 Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a été saisi de plaintes au sujet des propos tenus par le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), dans le cadre de l’émission « Europe 1 matin » du 23 février 2015. Monsieur Roger Cukierman y a notamment déclaré que « Toutes les violences aujourd’hui sont commises par des jeunes musulmans et, bien sûr, c’est une toute petite minorité de la communauté musulmane ». Il lui avait été Page 6 Media Law Newsletter Media Law Newsletter seulement répondu que ces violences étaient préjudiciables à l’ensemble des musulmans. « Regrettant l’insuffisance de cette réaction face à une telle affirmation stigmatisante », le Conseil est intervenu auprès de l’éditeur d’EUROPE 1, la société Lagardère Active Broadcast, afin de lui rappeler le respect des obligations qui lui incombent et en particulier les stipulations prévues à l’article 2-4 de sa convention selon lequel « le titulaire veille dans son programme à ne pas encourager de comportements discriminatoires à l’égard des personnes ». CSA, Assemblée plénière du 20 mai 2015, publiée le 26 juin 2015 Intervention du CSA contre un reportage qui vire à la promotion Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est intervenu auprès de M6 à la suite de la diffusion, dans l’émission « 66 Minutes Grand format » du 14 décembre 2014, d’un reportage portant sur les coulisses d’un grand magasin parisien. Le Conseil a estimé que « plusieurs éléments de ce reportage mettaient en valeur l’enseigne au point de lui conférer une dimension promotionnelle », en contradiction avec les dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars 1992 qui prohibe notamment la publicité clandestine. Le CSA « a pris en considération la présentation valorisant successivement les différents rayons et services de ce grand magasin, ainsi que la visualisation répétée de la marque ». Il a par ailleurs « relevé des propos laudatifs tenus par le présentateur de l’émission au lancement du reportage, et par les clients interrogés dont certains jouissent d’une forte notoriété ainsi que par la voix hors champ ». Le Conseil a donc demandé à la chaîne de veiller à l’avenir, au respect des dispositions du décret du 27 mars 1992 concernant le régime applicable à la publicité et au parrainage à la télévision. CSA, Assemblée plénière du 27 mai 2015, publiée le 9 juillet 2015 Le CSA intervient contre une exposition complaisante de vin dans le « Grand Journal » Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est intervenu auprès de CANAL+ en raison de la présence d’alcool sur le plateau du « Grand Journal » diffusé le 23 mars 2015. Le présentateur avait en effet offert deux magnums de vin à ses invités, qui ont ensuite été servis aux personnes présentes sur le plateau. Le CSA considère que cette séquence contrevient à l’article L.3323-2 du Code la santé publique qui interdit toute publicité ou propagande, directe ou indirecte, en faveur de boissons alcooliques, que ce soit dans les écrans publicitaires ou en dehors. S’il a « noté certaines précautions prises, notamment les messages de prévention et l’absence de plan appuyé, il a constaté la présence de vin et sa consommation injustifiée sur le plateau d’une émission de divertissement, la grande taille des bouteilles, la visualisation des bouteilles et verres remplis pendant tout le débat, ainsi que certains propos de l’animateur qui tendaient à renforcer l’aspect complaisant de cette séquence ». Le Conseil a donc demandé à la chaîne de « faire preuve, dans un souci de protection des téléspectateurs, d’une plus grande vigilance dès lors que la thématique de l’alcool est abordée ». CSA, Assemblée plénière du 3 juin 2015, publiée le 9 juillet 2015 Internet Contrefaçon sur Internet : l’administrateur du site wawa-mania condamné à un an de prison ferme et quinze millions de dommages et intérêts Le Tribunal Correctionnel de Paris a condamné l’administrateur du forum wawa-mania pour contrefaçon par fourniture de liens vers des fichiers illicites, fourniture de moyens pour contourner les mesures de protection d’un logiciel et travail dissimulé. La brigade d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de l’information (BEFTI) a découvert en 2009 l’existence du site internet http://www.wawa-mania.eu. Il s’agissait d’un forum de discussion organisé en sections dont une partie permettait la mise à disposition, pour ses membres, de liens internet permettant d’accéder à des sites de stockage et de téléchargements gratuits qui hébergeaient des œuvres audiovisuelles ou musicales, et des logiciels de systèmes d’exploitation, dont la plupart avaient été obtenus en fraude des droits d’auteur des titulaires. L’accès au site était libre et son fonctionnement classait ses utilisateurs entre « uploaders » et « downloaders ». Les premiers étaient détenteurs de films, de vidéos ou de musiques qu’ils téléchargeaient sur des serveurs mis à disposition à l’étranger et en France. Ils postaient ensuite sur le site wawamania les liens permettant d’accéder à ces œuvres. Les seconds sélectionnaient les liens et procédaient au téléchargement sur leurs ordinateurs, des œuvres choisies. Le site créé en 2007 proposait notamment près de 4.000 œuvres cinématographiques à plus d’un million de membres. Le site était administré par une seule personne âgée de 26 ans. Son financement provenait des recettes publicitaires engrangées et des versements que les « membres VIP » pouvaient effectuer sur un compte Paypal dédié. Après sa mise en garde à vue, le fondateur de wawa-mania s’était finalement installé aux Philippines et faisait l’objet d’un mandat d’arrêt. Son site avait continué de fonctionner sous un autre nom de domaine et avec un hébergement situé à l’étranger. Plusieurs ayants droit - producteurs, distributeurs, sociétés de gestion collective et éditeur de logiciels - se sont constitués parties civiles pour demander l’indemnisation de leur préjudice. Le jugement rendu le 2 avril 2015 s’est prononcé sur les trois délits reprochés à l’administrateur de wawa-mania. Il a d’abord été condamné pour travail dissimulé tenant au fait qu’il avait vendu des espaces publicitaires, « et donc exercé une activité de prestation de service et accompli des actes de commerce sans requérir son immatriculation au répertoire des métiers ou des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, et en s’abstenant intentionnellement de procéder aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale et à l’administration fiscale ». Il lui était également reproché d’avoir fourni des moyens pour altérer les mesures de protection d’un programme contre la copie illicite. Wawa-mania proposait en effet des Page 7 Media Law Newsletter Media Law Newsletter applications informatiques permettant de contourner les protections des systèmes d’exploitation Windows XP et Windows Vista appartenant à la société MICROSOFT. Le jugement précise à ce titre que « l’infraction reprochée est celle de la fourniture de moyens pour altérer les mesures de protection d’un programme contre la copie illicite. Il importe donc peu que les applications informatiques aient été directement chargées sur le site ou que celui-ci ne contienne que des liens de redirection vers les serveurs hébergeant l’application. Dès lors, comme en l’espèce, qu’il n’y avait aucune ambiguïté sur la nature de l’application proposée, la fourniture de moyens est caractérisée même s’il ne s’agit que d’un lien de redirection ». S’agissant de la contrefaçon des droits d’auteur et des droits voisins attachés aux différentes œuvres téléchargeables, le Tribunal relève en premier lieu qu’« il n’est pas contesté, ni d’ailleurs contestable que les liens hébergés sur les sites wawa-mania renvoyaient vers de nombreuses œuvres musicales ou cinématographiques ou des logiciels dont la reproduction, la représentation, la diffusion et la mise à disposition étaient protégées par le Code de la Propriété Intellectuelle et avaient été stockés en fraude des droits d’auteurs. Les uploaders et les downloaders sont donc bien auteurs de contrefaçons selon les différents moyens prévus par le Code de la Propriété Intellectuelle. Il n’est pas, non plus, contesté que lesdites œuvres contrefaites étaient effectivement hébergées sur des serveurs autres que celui hébergeant les sites successifs wawa-mania ». Le jugement s’est ensuite attaché à analyser si les agissements reprochés à l’administrateur du site constituaient ou non des faits de contrefaçon, dès lors que wawa-mania ne faisait qu’héberger des liens de redirection vers des œuvres frauduleusement stockées sur des serveurs tiers. Le Tribunal a considéré que si une première analyse pouvait conduire à ne retenir qu’une simple complicité, en réalité « ces liens constituent également des liens de téléchargement et conduisent non pas aux sites de stockage mais directement à l’œuvre incriminée. En cliquant sur le lien, le downloader a donc non seulement un accès direct à l’œuvre mais procède à son téléchargement sur son propre ordinateur. Le lien constitue donc bien une « diffusion » et une « mise à disposition » de l’œuvre contrefaite au sens du Code de la Propriété Intellectuelle ». Le fondateur du site a finalement été qualifié d’« auteur direct de contrefaçons par diffusion et mise à disposition » et non pas de simple complice par fourniture de moyens. Le juge correctionnel a également distingué cette affaire de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 21 octobre 2014 que lui opposait la défense (cf. MEDIA LAW NEWSLETTER n°18). En l’espèce, il était « clairement établi que la plupart des liens litigieux renvoyaient sur des œuvres téléchargées en fraude des-titulaires du droit d’auteur ». Faute d’avoir été autorisée par les titulaires de droits, la communication litigieuse était donc illicite. Le créateur de wawa-mania a enfin été reconnu coupable des délits d’importation et d’exportation de phonogrammes et de vidéogrammes sans autorisation des ayants droit, dès lors que « la mise à disposition de tels fichiers, impliquant dans un premier temps de les copier de leur support initial vers un ordinateur, puis de les mettre en ligne sur des sites hébergeurs, domiciliés pour certains à l’étranger, et enfin de partager sur wawa-mania le lien de téléchargement de ces fichiers », caractérisait effectivement ces délits. Les peines prononcées tiennent compte de la spécificité des infractions et du comportement du prévenu : « l’infraction qui lui est reprochée est d’une nature particulière puisqu’elle présente à la fois un caractère très virtuel et implique la participation de toute une communauté. Elle se prête donc très facilement à un discours tendant à la fois à en minore la gravité et à la présenter comme un moyen d’accès à la culture pour tous […] Cependant, il ressort du dossier que D. M. a non seulement continué son activité, en la revendiquant, alors même qu’il était mis en examen, mais également pris la fuite à l’étranger ». L’administrateur a en définitive été condamné au paiement d’une amende de 20.000 euros et à une peine d’emprisonnement d’un an, assortie de la levée de son mandat d’arrêt, de manière à permettre au prévenu de rentrer en France « pour exécuter une peine qui est aménageable ». Le Tribunal a néanmoins prononcé des peines complémentaires de fermeture de l’établissement exploitant le site, de retrait des liens litigieux et de publication judiciaire, « dont la bonne exécution permettra de vérifier la bonne ou mauvaise foi » du prévenu. Compte tenu de leur importance, l’examen des demandes formées par les parties civiles a donné lieu à une seconde audience au terme de laquelle l’administrateur de wawa-mania a été condamné à verser plus de quinze millions d’euros aux quatorze parties civiles représentées (jugement du 2 juillet 2015). Tribunal de Grande Instance de Paris, 31 Correctionnelle, jugement du 2 avril 2015 ème Chambre La loi Sapin s’applique à une prestation de publicité en ligne La Cour d’Appel de Paris a jugé le 17 avril 2015, que les dispositions de la loi du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin », relatives aux prestations de publicité, devaient s’appliquer à un contrat organisant la diffusion de campagnes publicitaires sur internet. Les sociétés PUBLIC-IDEES et ASSURLAND ont conclu un « contrat de service » par lequel la première permettait à la seconde de diffuser ses campagnes publicitaires sur Internet au travers de son « réseau d’affiliés ». Les clauses de tarification de cette prestation prévoyaient que PUBLIC-IDEES percevait sa commission lorsqu’un internaute s’inscrivait dans une base de données dédiée ou s’il effectuait postérieurement un post-clic directement sur le site d’ASSURLAND. Les parties se sont opposées sur l’interprétation de ces clauses, au point qu’ASSURLAND a saisi le Tribunal de Commerce de Paris d’une demande de remboursement de sommes correspondant selon elle à une surfacturation, tandis que PUBLIC-IDEES réclamait le paiement de ses factures. Les premiers juges ont prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs d’ASSURLAND et l’ont condamnée à payer l’intégralité des sommes demandées par PUBLIC-IDEES. La Cour d’Appel a au contraire prononcé la résiliation aux torts exclusifs de PUBLIC-IDEES, constaté la surfacturation appliquée et procédé à une compensation entre les sommes indûment facturées et celles effectivement dues. Son arrêt constate que lorsqu’un internaute visitait un site affilié à PUBLIC-IDEES, une page concernant l’annonceur ASSURLAND s’ouvrait automatiquement et déclenchait le dépôt d’un« cookie » sans action de la part de l’internaute. Le processus de visites organisé par PUBLIC-IDEES lui permettait ainsi de valider l’ouverture de la page de l’annonceur sans aucune action volontaire de la part de l’internaute. La Cour a jugé que le fait d’établir « la facturation dès l’ouverture automatique de la page ASSURLAND sans intervention active de l’internaute » n’était pas conforme aux stipulations contractuelles « qui prévoient que la rémunération n’est acquise que pour l’inscription d’un internaute dans une base de données ou effectuant ultérieurement un post-clic directement sur le site ASSURLAND ». PUBLIC-IDEES « n’ayant pas correctement appliqué la tarification contractuelle Page 8 Media Law Newsletter Media Law Newsletter et n’ayant pas spontanément accepté de la corriger », ASSURLAND était fondée à suspendre les prestations. La résiliation du contrat a donc été confirmée mais aux torts exclusifs de PUBLIC-IDEES. La Cour s’est également prononcée sur l’application de la loi Sapin aux prestations proposées par PUBLIC-IDEES. ASSURLAND soutenait qu’en l’absence de mandat écrit pris en application des dispositions de cette loi, leur contrat était nul et que par voie de conséquence, les factures réclamées n’étaient pas dues. L’arrêt rendu a jugé que le contrat était conforme à la loi Sapin qui était effectivement applicable. Il retient que « finalement, l’opération s’analyse en un achat d’espace publicitaire par la société ASSURLAND auprès des affiliés, par l’intermédiaire de la société PUBLIC-IDEES exploitante de la plate-forme regroupant les affiliés » et qu’« une telle opération entre dans les prévisions de l’article 20 de la loi n° 93122 du 29 janvier 1993 imposant un mandat écrit entre l’annonceur (ASSURLAND) et l’intermédiaire (PUBLIC-IDEES), fixant les conditions de rémunération du mandataire ». Cependant, en fixant les conditions de rémunération évoquées précédemment, le contrat existant entre ces sociétés remplissait les conditions imposées par la loi Sapin, de sorte que la demande de nullité du contrat a été écartée. Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, arrêt du 17 avril 2015 La Cour de Cassation confirme la condamnation du hacker BLUETOUFF pour maintien frauduleux dans un système informatique et vol de fichiers La Cour de Cassation a confirmé l’arrêt du 5 février 2014 par lequel la Cour d’Appel de Paris avait condamné le hacker BLUETOUFF pour s’être introduit sans autorisation dans un extranet sécurisé et en avoir publié des données (cf. Media Law Newsletter n°11). A la suite d’une défaillance technique, le hacker s’était introduit dans le site extranet de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), un opérateur classifié d’importance vitale (OIV), et s’y était maintenu alors qu’il avait constaté l’existence d’un contrôle d’accès. Il avait ainsi téléchargé des données qu’il avait fixées sur différents supports et diffusées à des tiers. L’arrêt rendu le 20 mai 2015, confirme le raisonnement suivi par la Cour d’Appel. Le prévenu s’est « maintenu dans un système de traitement automatisé après avoir découvert que celui-ci était protégé et a soustrait des données qu’il a utilisées sans le consentement de leur propriétaire ». Les délits de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et de vol de documents étaient donc caractérisés. Cour de Cassation, Chambre Criminelle, arrêt du 20 mai 2015 Media Law Newsletter est éditée par la société d’avocats AJA-AVOCATS. Elle est réservée à l’usage personnel de ses destinataires. Son objet est de présenter une information non exhaustive dans le domaine du droit des médias. AJA-AVOCATS ne saurait être tenue pour responsable de tout dommage, direct ou indirect, résultant de tout usage que ses destinataires pourraient faire des informations contenues dans Media Law Newsletter. 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