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N°24 – Juin/Septembre 2015
MEDIA LAW NEWSLETTER
Rr
AJA AVOCATS - 7, avenue de la Bourdonnais - 75007 Paris, France
[email protected] + 33 (0) 1 71 19 71 47
Audiovisuel

Le Conseil d’Etat annule les décisions du CSA
refusant le passage en TNT gratuite des chaînes
LCI et PARIS PREMIERE
Le Conseil d’Etat a annulé pour un motif de procédure, les
décisions du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) qui ont
rejeté les demandes d’autorisation de passage d’un régime
payant à la gratuité, présentées par les éditeurs des chaînes LCI
et PARIS PREMIERE.
Les deux décisions rendues le 29 juillet 2014 par le CSA, avaient
refusé d’accéder aux demandes d’agrément formées pour
obtenir le passage de ces chaînes de la TNT payante à la TNT
gratuite (cf. MEDIA LAW NEWSLETTER n°16). Les sociétés LCI
d’une part, et METROPOLE TELEVISION (M6) et PARIS
PREMIERE d’autre part, ont respectivement saisi pour les
chaînes LCI et PARIS PREMIERE, le Conseil d’Etat d’un recours
en annulation de la décision les concernant.
Les deux arrêts rendus le 17 juin 2015 ont constaté que le CSA
n’avait pas respecté la procédure qui lui impose de réaliser,
préalablement à sa décision, une étude d’impact qui, par
souci de transparence, est rendue publique afin de permettre à
toute personne intéressée de faire valoir ses observations avant
que le CSA ne se prononce. Or, les études relatives à LCI et
PARIS PREMIERE n’ont été publiées que le 29 juillet 2014, soit
en même temps que les deux décisions du CSA. Constatant
l’irrégularité des procédures, le Conseil d’Etat a donc annulé les
deux décisions du CSA.
Ces arrêts ont été l’occasion pour le Conseil d’Etat de
confirmer que la procédure d’agrément spécifique prévue
pour l’examen des demandes de passage de la TNT payante
à la TNT gratuite, était conforme au droit de l’Union
Européenne. Les éditeurs des chaînes BFM TV et NRJ 12
étaient en effet intervenus pour soutenir qu’à défaut de s’inscrire
dans le cadre d’une procédure ouverte, les règles permettant au
CSA de modifier les modalités de financement d’une chaîne de
la TNT (article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la
liberté de communication) étaient contraires aux directives
« Autorisations » (directive 2002/20/CE du 7 mars 2002) et
« Concurrence » (directive 2002/77/CE du 16 septembre
2002). Ils considéraient qu’en l’absence d’appel à candidatures,
le CSA ne pouvait pas donner suite aux demandes des chaînes
LCI et PARIS PREMIERE.
Le Conseil d’Etat a toutefois considéré que la Directive
« Autorisations » permet aux Etats membres, « à titre
exceptionnel, d’octroyer sans recourir à une procédure ouverte
des droits d’utilisation de radiofréquences pour la diffusion de
services de télévision lorsque cela est nécessaire pour atteindre
un objectif d’intérêt général défini dans le respect du droit de
l’Union ». Il appartient ainsi au CSA, « saisi d’une demande
d’agrément, d’apprécier, en tenant compte du risque de
disparition du service exploité par le demandeur, des
risques qu’une modification de ses conditions de
financement ferait peser sur la poursuite de l’exploitation
d’autres services et des contributions respectives de ces
Dans ce numéro :

Le Conseil d’Etat annule les décisions du CSA refusant le
passage en TNT gratuite des chaînes LCI et PARIS PREMIERE

Pas de rupture brutale d’une relation commerciale dans le
remplacement d’un producteur après appel d’offres

Résiliation d’un contrat de coproduction aux torts réciproques
des parties

Résiliation d’un mandat de vente d’œuvres audiovisuelles et
conséquences pour les coproducteurs

Le film « Time Out » n’est pas la contrefaçon du scénario de
« Kronos »

Rappel du CSA sur les conditions de réalisation d’un
reportage

Le CSA rappelle à FRANCE TELEVISIONS qu’elle doit être
exemplaire dans la lutte contre les discriminations

Le CSA encourage FRANCE TELEVISIONS à promouvoir
l’égalité homme/femme

Le CSA invite LCI à éviter les amalgames encourageant à la
discrimination

Affirmation stigmatisant la communauté
intervention du CSA auprès d’Europe 1

Intervention du CSA contre un reportage qui vire à la
promotion

Le CSA intervient contre une exposition complaisante de vin
dans le « Grand Journal »

Contrefaçon sur Internet : l’administrateur du site wawa-mania
condamné à un an de prison ferme et quinze millions de
dommages et intérêts

La loi Sapin s’applique à une prestation de publicité en ligne

La Cour de Cassation confirme la condamnation du hacker
BLUETOUFF pour maintien frauduleux dans un système
informatique et vol de fichiers
musulmane :
services au pluralisme du secteur et à la qualité des
programmes, si, en raison notamment de l’absence de
fréquence disponible, l’impératif de pluralisme et l’intérêt du
public justifient de ne pas recourir à une procédure
ouverte ». Et « lorsque cette condition est remplie, la
modification de l’autorisation doit être regardée comme
nécessaire à la réalisation d’un objectif d’intérêt général et entre
ainsi dans le champ des dispositions du paragraphe 2 de
l’article 5 de la directive du 7 mars 2002 qui permettent à titre
exceptionnel de ne pas recourir à une procédure ouverte ».
Par ailleurs, dans la mesure où elle « permet à tous les acteurs
du secteur de faire valoir leurs observations » et où « l’octroi ou
le refus de l’agrément repose sur des critères objectifs », « la
procédure instituée est objective, transparente, non
discriminatoire et proportionnée ». Le Conseil d’Etat a par
conséquent jugé que les dispositions françaises qui organisent la
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nnnNewsletter
procédure d’agrément spécifique pour les opérateurs de TNT
payante désirant passer en diffusion gratuite restent
conformes aux objectifs poursuivis par les directives
communautaires.
Le CSA a pris acte de l’annulation de ses décisions, basée
sur une « interprétation qui ne se prononce pas sur
l’analyse économique qui a fondé ses décisions de refus ».
Il a annoncé qu’un « nouvel examen aura lieu dans un délai de
six mois, prenant en compte les équilibres du marché
publicitaire ».
 Conseil d’Etat, arrêts n°384826 et 385474 du 17 juin
2015 ; Communiqué du CSA du 17 juin 2015

Pas de rupture brutale d’une relation commerciale
dans le remplacement d’un producteur après appel
d’offres
La Cour d’Appel de Paris a confirmé le 12 juin 2015 que le fait
pour une chaîne de télévision, de mettre un terme à la
coproduction de l’une de ses émissions avec un producteur pour
en confier la production à une autre société choisie au terme
d’un appel d’offres, ne caractérise pas une faute imputable au
diffuseur.
La chaîne de télévision PARIS PREMIERE est propriétaire du
format et du titre du programme audiovisuel intitulé « Ça
balance à Paris ». A compter de 2005, cette société a conclu,
pour chaque saison audiovisuelle, un contrat de coproduction de
cette émission avec la société BELLEVILLE PRODUCTIONS.
Le 19 avril 2010, PARIS PREMIERE a invité BELLEVILLE
PRODUCTIONS à participer à l’appel d’offres qu’elle organisait
pour faire évoluer « Ça balance à Paris », en vue de pouvoir
maintenir cette émission dans sa grille de programmes. Le 12
juillet suivant, la chaîne a informé le producteur que sa
proposition n’était pas choisie pour la production de l’émission
pour la saison 2010/2011 à venir.
BELLEVILLE PRODUCTIONS a contesté devant le Tribunal de
Commerce de Paris son éviction au profit d’une autre société,
survenue au terme de sept ans de collaboration. Le jugement
rendu l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et la Cour a
confirmé le raisonnement suivi par les premiers juges pour
écarter les moyens fondés sur la rupture brutale de relations
commerciales établies, l’exécution déloyale des contrats et le
parasitisme.
S’agissant de la rupture brutale de relations commerciales
établies prévue par l’article L.442-6, I du Code de Commerce,
l’arrêt relève que l’ensemble des contrats passés entre les
parties prévoyaient une durée déterminée correspondant à une
saison audiovisuelle de 10 mois courant de septembre à juin. Ils
étaient de surcroît assortis d’une clause aux termes de laquelle
les parties « en leur qualité de professionnels avertis de
l’audiovisuel » reconnaissaient notamment « le principe de
saisonnalité des grilles de programmes d’un service de
télévision, l’acquisition des droits de l’exploitation des
programmes étant strictement liée à l’évolution de la grille de
programmes » et écartaient en conséquence toute reconduction
tacite. Il ressortait ainsi des contrats que « les parties ont
entendu signer un contrat d’une durée déterminée de 10
mois, non renouvelable, que chacun des contrats
successivement conclus excluait donc expressément toute
reconduction tacite ».
Pour la Cour, ces contrats mettaient en exergue le principe de
saisonnalité et la précarité de la collaboration entre le
producteur et le diffuseur, « inhérente à toute production
audiovisuelle » : « en effet, dès lors que l’économie d’une
chaîne de télévision dépend essentiellement des recettes
générées par l’audience de sa programmation, il est nécessaire
que l’éditeur de la chaîne puisse bénéficier de la liberté
d’apporter des changements aux émissions composant sa grille
ou même de les supprimer en cas de chute de leur audience, de
sorte que les relations entre producteur et diffuseur ne peuvent
s’inscrire que dans le cadre de contrats portant sur une saison
audiovisuelle ».
La constatation du vieillissement du programme, l’organisation
d’un appel d’offres et le fait que la chaîne était propriétaire de
l’émission en cause, ne permettaient pas davantage au
producteur de s’attendre à la stabilité de ses relations
commerciales avec PARIS PREMIERE. La Cour a donc
confirmé que la relation entre les parties « revêtait un caractère
précaire exclusif de l’application » des dispositions sanctionnant
la rupture brutale des relations commerciales établies.
BELLEVILLE PRODUCTIONS reprochait également au
diffuseur d’avoir organisé un appel d’offres fictif, ce qui
constituait un manquement à son obligation de loyauté dans
l’exécution de leur contrat. La Cour lui a répondu qu’elle
n’établissait pas « l’existence d’un stratagème pour procéder
à son éviction ou des vices affectant la procédure d’appel
d’offres ». L’arrêt retient pour cela, que la chaîne justifiait de la
réalité de cette mise en concurrence à laquelle le producteur
avait répondu dans le délai imparti. Il relève en outre que
« PARIS PREMIERE était libre d’organiser ou non un appel
d’offres pour mettre en concurrence diverses sociétés de
production en vue d’organiser l’évolution de l’émission
« Ça balance à Paris », et ce, sans obligation de forme
spécifique ou de publicité particulière, cet appel d’offres ne
relevant d’aucun secteur réglementé, de sorte qu’il ne pesait sur
elle aucune obligation de transparence sur la forme de
soumission des projets des concurrents ou sur le mécanisme de
choix des candidats ayant soumissionné ou sur la composition
de la commission d’appel d’offres, comme voudrait le faire
accroire l’appelante ».
La Cour a également jugé qu’il ne pouvait être fait grief à
PARIS PREMIERE « d’agissements parasitaires pour avoir
poursuivi avec un autre producteur la même émission, alors
qu’elle est seule propriétaire du format et du titre de
l’émission ». Il était par ailleurs « acquis que le changement de
producteur a permis l’arrivée d’un nouveau présentateur et donc
d’une nouvelle ligne éditoriale ». BELLEVILLE PRODUCTIONS
ne rapportait pas davantage la preuve du préjudice allégué dès
lors qu’elle ne démontrait pas « les financements dont aurait
profité la société PARIS PREMIERE sans bourse délier ou en
quoi a consisté son investissement intellectuel qui procurerait un
avantage concurrentiel à cette dernière ».
 Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, arrêt du 12 juin
2015

Résiliation d’un contrat de coproduction aux torts
réciproques des parties
La Cour d’Appel de Paris a renvoyé dos à dos deux producteurs
en résiliant à leurs torts réciproques, le contrat qu’ils
s’accusaient mutuellement de ne pas avoir respecté.
Les sociétés MAYBE MOVIES et ART’MELL ont conclu un
contrat de coproduction audiovisuelle pour la production de la
série d’animation intitulée BANJA. En cours d’exécution de ce
contrat, la première de ces sociétés a reproché à la seconde de
ne pas avoir satisfait son engagement financier qui portait sur
un apport en numéraire de 530.000 euros. ART’MELL soutenait
en réponse que les défaillances de son partenaire, qui n’avait
pas rendu compte de sa gestion de la comptabilité de la
coproduction, l’avait conduite à supporter un investissement
supplémentaire à hauteur de près d’un million et demi d’euros.
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Le Tribunal de Commerce de Paris a prononcé la résiliation du
contrat aux torts d’ART’MELL et l’a condamnée à verser la
somme de 90.000 euros de dommages et intérêts à son
coproducteur. L’arrêt rendu le 12 juin 2015 a maintenu le
principe de la résiliation du contrat mais en a attribué la
responsabilité aux deux parties.
Cette décision relève qu’ART’MELL n’avait versé que
171.232,95 euros sur le total de 530.000 euros qu’elle s’était
contractuellement engagée à apporter à la coproduction, de
sorte qu’il était établi qu’elle n’avait pas rempli ses
engagements. Cette société expliquait en défense que les
erreurs de sa partenaire l’avait conduite à devoir engager des
frais supplémentaires pour le compte de la coproduction à
hauteur de 260.942,74 euros et qu’une partie des recettes
avaient dû être utilisée à titre de trésorerie. Ces difficultés
financières n’avaient plus permis de respecter les conditions
initiales du contrat.
La Cour a rejeté cet argument au motif qu’il n’incombait pas à
ART’MELL de prendre une telle initiative : ce producteur « ne
justifie nullement d’un accord exprès de la société MAYBE
MOVIE tenant à une modification des termes du contrat de
production ; en effet aux termes de l’article IX, la société
MAYBE MOVIES a seule la responsabilité de producteur
délégué et doit en conséquence prendre seule les décisions
relatives à la réalisation de la série au mieux des intérêts
communs, prendre en charge seule la gestion financière de la
production, l’administration et l’exploitation de la série, supporte
seule les dépassements de budget ». Le contrat prévoyait par
ailleurs que l’apport d’ART’MELL était forfaitaire et définitif, de
sorte que sa responsabilité était strictement limitée au montant
de son apport. L’arrêt retient par conséquent qu’en dépit des
frais engagés, le coproducteur n’avait pas exécuté son
obligation d’apport initial en numéraire : « ART’MELL n’est pas
fondée à revendiquer l’accomplissement de son obligation
d’apport en numéraire par le paiement de frais qui ne lui
incombe pas et surtout par une simple privation de recettes
postérieures, ce qui est contraire à la lettre du contrat de
production et à son économie, l’apport en numéraire au moment
de la production étant essentielle au succès du financement de
l’opération, et ce, faute de démontrer l’existence d’un accord
postérieur au contrat entre les parties ».
MAYBE MOVIE n’a pas pour autant été épargnée par cette
décision. La Cour a constaté qu’en dépit des termes du contrat,
cette société « n’a pas ouvert un compte spécial « BANJA » au
nom de la production, fonctionnant sous sa signature et sa
responsabilité dans les livres de la banque OBC, non seulement
pour recueillir l’apport en numéraire de la société ART’MELL
mais aussi toutes les contributions financières prévues au plan
de financement, les apports des producteurs, les versements
des établissements financiers ; elle n’a pas davantage déféré à
la mise en demeure de sa partenaire de communication des
comptes ». La faute de ce coproducteur était donc tout
autant caractérisée.
Chaque partie réclamait la condamnation de l’autre à
indemniser le préjudice qu’elle estimait avoir subi. Du fait des
modifications incessantes de l’équilibre économique de
l’opération au cours du contrat, le tribunal avait ordonné une
expertise permettant de faire les comptes entre les
coproducteurs. Cependant, faute d’avoir consigné les sommes
nécessaires au paiement de l’expert désigné, les parties n’ont
pas permis à la Cour d’être pleinement informée de la
comptabilité réelle de la production. Considérant qu’aucune
pièce ne permettait d’étayer les prétentions financières en
présence, la Cour a finalement débouté les deux parties de
leurs demandes en paiement.
 Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, arrêt du 12 juin
2015

Résiliation d’un mandat de vente d’œuvres
audiovisuelles
et
conséquences
pour
les
coproducteurs
La Cour d’Appel de Paris a résilié le 9 juillet 2015, le mandat de
vente confié à l’un des coproducteurs de trois films
cinématographiques, tout en organisant les conséquences de
cette résiliation pour les coproducteurs.
La société Les Productions du Daunou a coproduit trois films
avec la société NAJA FILMS, aux droits de laquelle est venue la
société OB FILMS. Cette dernière détenait ainsi une quote-part
de copropriété de chacune de ces œuvres. Les coproducteurs
avaient confié aux Productions du Daunou le mandat de
commercialiser ces films, à charge pour elle de justifier et de
reverser à OB FILMS sa part de recettes nettes.
N’ayant pas obtenu la reddition des comptes et le versement
des sommes lui revenant au titre de l’exploitation des films, OB
FILMS a saisi le Tribunal de Commerce de Paris qui a
condamné Les Productions du Daunou à payer à son
coproducteur les parts de recettes qui lui étaient dues et
prononcé la résiliation de ses mandats de vente.
Saisie par Les Productions du Daunou, la Cour d’Appel de Paris
a constaté les ventes réalisées par cette société et l’a
condamnée en conséquence à verser à OB FILMS les
pourcentages lui revenant au titre de l’exploitation des films.
L’arrêt rendu le 9 juillet 2015 a surtout rappelé que les trois
mandats de vente contenaient une clause résolutoire permettant
à chaque partie de résilier le contrat en cas d’inexécution du
contrat par l’autre partie. Or, il était établi que Les Productions
du Daunou « ont manqué à leurs obligations contractuelles
en s’abstenant durablement de verser au coproducteur des
trois films en cause les droits d’exploitation qui lui
revenaient ». Pour la Cour, « la gravité de ce manquement
justifie la résiliation des contrats aux torts des Productions du
Daunou » à compter de la date du jugement de première
instance.
La résiliation étant approuvée, la Cour a également confirmé
que « faute de nouvelles conventions entre elles et
postérieurement à la date de résiliation des mandats, la
société Les Productions du Daunou et la société OB FILMS
pourront chacune, dans le strict respect des contrats de
coproduction, commercialiser les films en cause,
appréhender leurs parts respectives de recettes et devront
chacune reverser à leur cocontractant la part lui revenant,
sous réserve des droits acquis et régulièrement opposables
des tiers ». Il a de surcroît été ordonné que la décision ainsi
rendue soit inscrite au Registre du Cinéma et de l’Audiovisuel,
de manière à la rendre opposable à tous.
 Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 5, arrêt du 9 juillet
2015

Le film « Time Out » n’est pas la contrefaçon du
scénario de « Kronos »
La Cour d’Appel de Paris a confirmé le 9 juin 2015, le jugement
qui avait rejeté les demandes fondées sur la contrefaçon et le
parasitisme, que l’auteur d’un scénario intitulé « Kronos »
avaient formées à l’encontre du réalisateur et des différentes
sociétés de production et de distribution de l’œuvre
cinématographique « Time Out ».
En 2004, l’auteur de « Kronos », Monsieur Edwin Krüger, a
déposé plusieurs versions de son scénario à la Société des
Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) ainsi qu’au
Bureau des œuvres protégées des Etats-Unis. Il indiquait avoir
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par la suite transmis son manuscrit à des professionnels du
secteur cinématographique parmi lesquels des proches du
réalisateur Andrew Niccol. Lorsque le film « Time Out » réalisé
par ce dernier, est sorti en France en 2011, Monsieur Krüger lui
a reproché l’existence de nombreuses ressemblances avec son
scénario.
Saisi de son action en contrefaçon et concurrence déloyale, le
Tribunal de Grande Instance Paris a notamment retenu que si le
thème et certaines situations présentaient des ressemblances,
ils avaient été traités de façon très différentes, ne reposaient
pas sur les mêmes ressorts et ne s’intégraient pas dans la
même intrigue. Le demandeur a donc été débouté.
En cause d’appel, les intimés affirmaient que le seul point
commun des œuvres opposées « est l’idée selon laquelle la vie
des hommes est conditionnée par un capital temps dont les
individus peuvent se servir pour payer quelqu’un ou quelque
chose en temps ». Ils soutenaient que « l’expression « le temps
est de l’argent » qui peut être attribuée à Benjamin Franklin, a
déjà été exploitée par le passé » et que les idées ne sont pas
protégeables en soi. La Cour précise à cet égard que la
revendication de Monsieur Krüger « ne porte pas sur
l’appropriation de ce thème mais sur l’œuvre qu’il a
formalisée par des écrits exprimant l’agencement des idées
nées de son imagination autour de ce thème central ».
Pour apprécier le bien-fondé de l’action, la Cour a repris la
méthode du Tribunal consistant à « identifier, en les précisant,
les caractéristiques de forme dans la conception des scenarii
revendiqués et de leurs personnages ainsi que dans le
développement de l’action qui ont pu faire l’objet de reprises
dans l’œuvre arguée de contrefaçon, avant de s’attacher à
l’importance des caractéristiques conceptuelles ainsi retenues et
de rechercher si les ressemblances existantes peuvent être
fortuites et tenir, notamment, à des sources d’inspiration
antérieures ou au contraire, résulter de la connaissance de
l’œuvre [que le réalisateur] aurait eue ».
L’arrêt identifie d’abord des « ressemblances spatiotemporelles », d’autres tenant au « traitement du thème du
temps » ou encore à des traits de caractères communs entre les
personnages. Il est en revanche reproché à l’appelant d’avoir
effectué un rapprochement entre des séquences de son
scénario et des scènes du film sans avoir pris la peine de se
livrer à une « analyse précise de leur contenu effectif en regard
de l’histoire prise en son entier, de l’expression globale de
l’œuvre aboutie qu’est le film, de la structuration des intrigues
(éléments-moteur, ressorts dramatiques), du message
véhiculé ».
La Cour s’est ensuite attachée à caractériser des
« dissemblances » tenant au fait que « les récits d’anticipation
opposés, écrit pour l’un filmé pour l’autre, permettent de
découvrir deux types d’organisations sociales ne fonctionnant
pas selon un système et une configuration identiques, par-delà
le fait qu’ils ont en commun de placer le temps au centre de leur
organisation ». Ainsi, alors que le scénario utilise le temps
comme « une extrapolation de la technologie médicale », le film
en fait « un moyen de domination des riches sur les pauvres ».
L’œuvre cinématographique repose aussi sur la « neutralisation
du gène responsable du vieillissement » alors que les individus
y restent soumis dans le scénario. La Cour distingue encore
l’opposition des rythmes de vies des populations et l’absence de
pertinence des rapprochements effectués par l’appelant entre
les caractéristiques des différents personnages. Il est enfin
relevé s’agissant de la comparaison des séquences, que « le
découpage opéré par l’appelant fait abstraction de leur intrigue
et met en relation des faits s’inscrivant dans une chronologie et
un contexte différents, tout en omettant des éléments
fondamentaux de l’action du film, tels la relation sentimentale
entretenue par le couple de héros ou la poursuite dont il fait
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l’objet par le gardien du temps ».
Restait à déterminer si, comme l’affirmait Monsieur Krüger, le
réalisateur avait pu s’inspirer du scénario de « Kronos ». L’arrêt
rappelle qu’il « résulte de la doctrine de la Cour de Cassation
qu’il incombe au contrefacteur prétendu de prouver qu’il
n’a pas eu accès à l’œuvre revendiquée, outre le caractère
fortuit des rencontres entre les œuvres en comparaison,
pour impressionnantes qu’elles soient ».
Pour la Cour, le réalisateur pouvait « se prévaloir de l’absence
d’envoi direct de ce scénario à sa personne » mais aussi « de la
fragilité du faisceau d’éléments réunis par l’appelant pour
prétendre qu’il y a eu accès dès lors que celui-ci n’a été que très
indirect ». L’arrêt se fonde enfin sur les différentes attestations
produites par Monsieur Niccol pour démontrer que ce dernier
n’avait pas eu accès à l’œuvre dont se prévalait Monsieur
Krüger.
Les sources d’inspiration du réalisateur de « Time Out »
étaient également étrangères à l’auteur de « Kronos ». Partant
de l’affirmation de Monsieur Niccol, qui disait s’être inspiré de
son précédent film, « Bienvenus à Gattaca » sorti en 1997,
la Cour admet que cette œuvre « contient des éléments repris
dans le film « Time Out » et qui relèvent des ressemblances ciavant identifiées, tels la présentation d’une société fondée sur la
technologie qui permet d’accéder à la connaissance de la durée
de vie, le clivage entre des groupes d’individus et leur
antagonisme, le désir de lutte d’un personnage placé en
situation d’infériorité, la mort d’un tiers, la traque ». Le
réalisateur pouvait également se prévaloir de l’un de ses projets
intitulé « Time Killer », remontant à 2002 et qui comprenait
« l’essentiel des éléments du film ».
A cela s’ajoutait les « sources d’inspiration commune »
auxquelles le public avait accès et le fait que ne pouvait être
exclue « la rencontre fortuite s’agissant d’œuvres présentant
des ressemblances en petit nombre ne se démarquant pas de
l’existant culturel recensables à leurs date et dont, qui plus est,
les différences se révèlent telles qu’elles ne peuvent qu’être
prises en considération dans l’appréciation de la contrefaçon
pour la rejeter ».
Il a donc été jugé que le film « Time Out » ne portait pas atteinte
aux droits d’auteur attachés à l’œuvre « Kronos ». L’absence
d’accès du réalisateur au scénario revendiqué et d’appropriation
contrefaisante de ce travail, ne permettait pas davantage à
Monsieur Krüger de revendiquer une indemnisation sur le terrain
du parasitisme.
 Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 2, arrêt du 5 juin
2015

Rappel du CSA sur les conditions de réalisation
d’un reportage
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a été saisi par
Monsieur Gérard Larcher, président du Sénat, au sujet du
reportage « Nos très chers sénateurs », diffusé dans
l’émission « Pièces à conviction » sur France 3, le 28 janvier
2015. Monsieur Larcher reprochait, d’une part, l’annonce de
chiffres approximatifs, notamment sur le budget annuel du
Sénat, et, d’autre part, l’utilisation de caméras cachées dans le
reportage.
Même s’il n’a pu relever « aucun manquement caractérisé de la
chaîne à ses obligations », le Conseil a observé que « le ton et
les angles choisis étaient de nature à faire naître le trouble
quant à certaines modalités de la gestion financière en vigueur
au Sénat, sans que ses représentants aient toujours été mis
en mesure d’utilement faire valoir leur point de vue sur les
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questions
abordées
».
Par ailleurs, « si en l’espèce les personnes ont été
correctement floutées, il n’a pas été clairement indiqué
dans le reportage que les images avaient été tournées de
cette façon ». Le CSA a donc demandé à la chaîne de veiller à
ce que les téléspectateurs soient mieux informés des procédés
de caméra cachée ou discrète lorsque ceux-ci sont utilisés pour
recueillir des informations, conformément aux dispositions de
l’article 35 du cahier des missions et des charges de France
Télévisions qui garantit l’honnêteté et le pluralisme de
l’information.
er
 CSA, Assemblée plénière du 8 avril 2015, publiée le 1 juin
2015

Le CSA rappelle à FRANCE TELEVISIONS qu’elle
doit être exemplaire dans la lutte contre les
discriminations
largement sous-représentées et a constaté que les noms de
métiers présentés par les femmes n’étaient pas tous
féminisés. Il déplore que ce programme n’ait pas proposé une
vision équitable de la place des femmes et des hommes dans le
milieu professionnel, au moment où la lutte contre les
discriminations entre les femmes et les hommes dans ce milieu
est un enjeu essentiel ».
Le CSA est donc intervenu auprès de FRANCE TELEVISIONS
afin de lui rappeler les termes de l’article 43-11 de la loi du 30
septembre 1986, qui s'attache notamment à promouvoir l'égalité
entre les femmes et les hommes et à lutter contre les préjugés
sexistes. Il a ainsi invité l’éditeur de chaînes, si cette émission
venait à être rediffusée, à féminiser les noms de métiers lorsque
ceux-ci sont présentés par des femmes.
 CSA, Assemblée plénière du 18 mars 2015, publiée le 13
mai 2015

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est intervenu
auprès de France 2 à la suite d’un reportage, diffusé dans le
journal de 20 heures de France 2 le 13 janvier 2015, consacré
aux actes islamophobes commis depuis les attentats terroristes
survenus en France au début du mois de janvier 2015.
La chaîne avait diffusé le témoignage d’une personne de
confession musulmane qui avait été victime d’un tel acte. Le
lancement de ce sujet faisait référence à «un musulman marié
à une Française ».
Le Conseil considère que « cette présentation, faite d’une
manière qui pouvait sembler dénier sa nationalité française à
l’intervenant, contrevient aux dispositions de l’article 36 du
cahier des missions et des charges de France
Télévisions relatifs à la lutte contre les discriminations et est de
nature à nuire aux efforts substantiels déployés par la société
pour promouvoir les valeurs partagées au sein de la
communauté nationale ».
Le CSA a par conséquent demandé à FRANCE TELEVISIONS
de « veiller tout particulièrement à la nécessité de ne pas
véhiculer de préjugés ou d’amalgames et lui a rappelé
l’exemplarité dont elle doit faire preuve dans la lutte contre les
discriminations ».
 CSA, Assemblée plénière du 4 mars 2015, publiée le 5 mai
2015

Le CSA encourage FRANCE TELEVISIONS à
promouvoir l’égalité homme/femme
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a été saisi par
l’association Supplément Dame au sujet du programme court
intitulé « Beau travail », diffusé sur les chaînes France 2 et
France 3 de mai à décembre 2014 et parrainé par le MEDEF.
L’association regrettait que ce programme, qui mettait en
lumière des métiers porteurs d’avenir et présentait par le biais
d’un salarié ou d’une salariée, le parcours pour y accéder, les
qualités requises, le salaire moyen perçu et le nombre d’emplois
à pourvoir par an, n’ait pas proposé un équilibre des
interventions entre les femmes et les hommes exerçant les
métiers présentés. Par ailleurs, l’association a signalé que le
programme ne féminisait pas systématiquement les noms des
métiers lorsque ceux-ci étaient représentés par une femme,
renforçant ainsi des stéréotypes de sexe dans la sphère
professionnelle.
Le Conseil a considéré « qu’en effet, les femmes y étaient
Le CSA invite LCI à éviter
encourageant à la discrimination
les
amalgames
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est intervenu
auprès de LCI au sujet de plusieurs éditions d’information
diffusées le 9 février 2015 concernant le scandale de la banque
HSBC. Un journaliste, intervenant en qualité de témoin, avait
tenu à l’égard des personnes impliquées les propos suivants : «
… à côté d’eux, dans cette banque-là, il y avait des trafiquants
d’armes internationaux, des trafiquants de drogue. Il y avait des
gens qui ont financé Al-Qaïda. Il y a des diamantaires juifs
d’Anvers qui avaient des comptes très importants à Genève
».
L’article 2-3-3 de la convention conclue entre le Conseil et LCI
prévoit que « l’éditeur veille dans son programme (…) à
respecter les différentes sensibilités politiques, culturelles et
religieuses du public ; à ne pas encourager des
comportements discriminatoires en raison de la race, du
sexe, de la religion ou de la nationalité ; à promouvoir les
valeurs d’intégration et de solidarité qui sont celles de la
République (…) ».
Le CSA a « regretté l’emploi des termes qualifiant les
diamantaires belges qui seraient impliquées dans cette affaire.
Si leur utilisation semble être une maladresse de la part de cet
intervenant, faire état de la judéité des personnes mises en
cause, dans une énumération faisant référence à des trafiquants
d’armes, de drogue et des personnes ayant financé Al Qaïda,
peut contribuer à alimenter les amalgames et à encourager les
discriminations ».
Le Conseil a par conséquent demandé aux responsables de la
chaîne de veiller à mieux respecter les dispositions de l’article 23-3 de sa convention.
 CSA, Assemblée plénière du 4 mars 2015, publiée le 5 mai
2015

Affirmation
stigmatisant
la
communauté
musulmane : intervention du CSA auprès d’Europe
1
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a été saisi de
plaintes au sujet des propos tenus par le président du Conseil
représentatif des institutions juives de France (CRIF), dans le
cadre de l’émission « Europe 1 matin » du 23 février 2015.
Monsieur Roger Cukierman y a notamment déclaré que «
Toutes les violences aujourd’hui sont commises par des
jeunes musulmans et, bien sûr, c’est une toute petite
minorité de la communauté musulmane ». Il lui avait été
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seulement répondu que ces violences étaient préjudiciables à
l’ensemble des musulmans.
« Regrettant l’insuffisance de cette réaction face à une telle
affirmation stigmatisante », le Conseil est intervenu auprès de
l’éditeur d’EUROPE 1, la société Lagardère Active Broadcast,
afin de lui rappeler le respect des obligations qui lui incombent
et en particulier les stipulations prévues à l’article 2-4 de sa
convention selon lequel « le titulaire veille dans son
programme à ne pas encourager de comportements
discriminatoires à l’égard des personnes ».
 CSA, Assemblée plénière du 20 mai 2015, publiée le 26
juin 2015

Intervention du CSA contre un reportage qui vire à
la promotion
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est intervenu
auprès de M6 à la suite de la diffusion, dans l’émission « 66
Minutes Grand format » du 14 décembre 2014, d’un reportage
portant sur les coulisses d’un grand magasin parisien.
Le Conseil a estimé que « plusieurs éléments de ce
reportage mettaient en valeur l’enseigne au point de lui
conférer une dimension promotionnelle », en contradiction
avec les dispositions de l’article 9 du décret du 27 mars
1992 qui prohibe notamment la publicité clandestine.
Le CSA « a pris en considération la présentation valorisant
successivement les différents rayons et services de ce grand
magasin, ainsi que la visualisation répétée de la marque ». Il a
par ailleurs « relevé des propos laudatifs tenus par le
présentateur de l’émission au lancement du reportage, et par les
clients interrogés dont certains jouissent d’une forte notoriété
ainsi que par la voix hors champ ».
Le Conseil a donc demandé à la chaîne de veiller à l’avenir, au
respect des dispositions du décret du 27 mars 1992 concernant
le régime applicable à la publicité et au parrainage à la
télévision.
 CSA, Assemblée plénière du 27 mai 2015, publiée le 9
juillet 2015

Le CSA intervient contre une exposition
complaisante de vin dans le « Grand Journal »
Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est intervenu
auprès de CANAL+ en raison de la présence d’alcool sur le
plateau du « Grand Journal » diffusé le 23 mars 2015. Le
présentateur avait en effet offert deux magnums de vin à
ses invités, qui ont ensuite été servis aux personnes
présentes sur le plateau.
Le CSA considère que cette séquence contrevient à l’article
L.3323-2 du Code la santé publique qui interdit toute publicité ou
propagande, directe ou indirecte, en faveur de boissons
alcooliques, que ce soit dans les écrans publicitaires ou en
dehors.
S’il a « noté certaines précautions prises, notamment les
messages de prévention et l’absence de plan appuyé, il a
constaté la présence de vin et sa consommation injustifiée
sur le plateau d’une émission de divertissement, la grande
taille des bouteilles, la visualisation des bouteilles et verres
remplis pendant tout le débat, ainsi que certains propos de
l’animateur qui tendaient à renforcer l’aspect complaisant de
cette séquence ».
Le Conseil a donc demandé à la chaîne de « faire preuve, dans
un souci de protection des téléspectateurs, d’une plus grande
vigilance dès lors que la thématique de l’alcool est abordée ».
 CSA, Assemblée plénière du 3 juin 2015, publiée le 9 juillet
2015
Internet

Contrefaçon sur Internet : l’administrateur du site
wawa-mania condamné à un an de prison ferme et
quinze millions de dommages et intérêts
Le Tribunal Correctionnel de Paris a condamné l’administrateur
du forum wawa-mania pour contrefaçon par fourniture de liens
vers des fichiers illicites, fourniture de moyens pour contourner
les mesures de protection d’un logiciel et travail dissimulé.
La brigade d’enquêtes sur les fraudes aux technologies de
l’information (BEFTI) a découvert en 2009 l’existence du site
internet http://www.wawa-mania.eu. Il s’agissait d’un forum de
discussion organisé en sections dont une partie permettait la
mise à disposition, pour ses membres, de liens internet
permettant d’accéder à des sites de stockage et de
téléchargements gratuits qui hébergeaient des œuvres
audiovisuelles ou musicales, et des logiciels de systèmes
d’exploitation, dont la plupart avaient été obtenus en fraude des
droits d’auteur des titulaires.
L’accès au site était libre et son fonctionnement classait ses
utilisateurs entre « uploaders » et « downloaders ». Les
premiers étaient détenteurs de films, de vidéos ou de musiques
qu’ils téléchargeaient sur des serveurs mis à disposition à
l’étranger et en France. Ils postaient ensuite sur le site wawamania les liens permettant d’accéder à ces œuvres. Les
seconds sélectionnaient les liens et procédaient au
téléchargement sur leurs ordinateurs, des œuvres choisies. Le
site créé en 2007 proposait notamment près de 4.000
œuvres cinématographiques à plus d’un million de
membres.
Le site était administré par une seule personne âgée de 26 ans.
Son financement provenait des recettes publicitaires
engrangées et des versements que les « membres VIP »
pouvaient effectuer sur un compte Paypal dédié. Après sa mise
en garde à vue, le fondateur de wawa-mania s’était finalement
installé aux Philippines et faisait l’objet d’un mandat d’arrêt. Son
site avait continué de fonctionner sous un autre nom de
domaine et avec un hébergement situé à l’étranger.
Plusieurs ayants droit - producteurs, distributeurs, sociétés de
gestion collective et éditeur de logiciels - se sont constitués
parties civiles pour demander l’indemnisation de leur préjudice.
Le jugement rendu le 2 avril 2015 s’est prononcé sur les trois
délits reprochés à l’administrateur de wawa-mania.
Il a d’abord été condamné pour travail dissimulé tenant au fait
qu’il avait vendu des espaces publicitaires, « et donc exercé une
activité de prestation de service et accompli des actes de
commerce sans requérir son immatriculation au répertoire des
métiers ou des entreprises ou au registre du commerce et des
sociétés, et en s’abstenant intentionnellement de procéder aux
déclarations devant être faites aux organismes de protection
sociale et à l’administration fiscale ».
Il lui était également reproché d’avoir fourni des moyens
pour altérer les mesures de protection d’un programme
contre la copie illicite. Wawa-mania proposait en effet des
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applications informatiques permettant de contourner les
protections des systèmes d’exploitation Windows XP et
Windows Vista appartenant à la société MICROSOFT. Le
jugement précise à ce titre que « l’infraction reprochée est celle
de la fourniture de moyens pour altérer les mesures de
protection d’un programme contre la copie illicite. Il importe
donc peu que les applications informatiques aient été
directement chargées sur le site ou que celui-ci ne
contienne que des liens de redirection vers les serveurs
hébergeant l’application. Dès lors, comme en l’espèce, qu’il
n’y avait aucune ambiguïté sur la nature de l’application
proposée, la fourniture de moyens est caractérisée même s’il ne
s’agit que d’un lien de redirection ».
S’agissant de la contrefaçon des droits d’auteur et des
droits
voisins
attachés
aux
différentes
œuvres
téléchargeables, le Tribunal relève en premier lieu qu’« il
n’est pas contesté, ni d’ailleurs contestable que les liens
hébergés sur les sites wawa-mania renvoyaient vers de
nombreuses œuvres musicales ou cinématographiques ou des
logiciels dont la reproduction, la représentation, la diffusion et la
mise à disposition étaient protégées par le Code de la Propriété
Intellectuelle et avaient été stockés en fraude des droits
d’auteurs. Les uploaders et les downloaders sont donc bien
auteurs de contrefaçons selon les différents moyens prévus par
le Code de la Propriété Intellectuelle. Il n’est pas, non plus,
contesté que lesdites œuvres contrefaites étaient effectivement
hébergées sur des serveurs autres que celui hébergeant les
sites successifs wawa-mania ».
Le jugement s’est ensuite attaché à analyser si les agissements
reprochés à l’administrateur du site constituaient ou non des
faits de contrefaçon, dès lors que wawa-mania ne faisait
qu’héberger des liens de redirection vers des œuvres
frauduleusement stockées sur des serveurs tiers. Le Tribunal a
considéré que si une première analyse pouvait conduire à ne
retenir qu’une simple complicité, en réalité « ces liens
constituent également des liens de téléchargement et
conduisent non pas aux sites de stockage mais directement à
l’œuvre incriminée. En cliquant sur le lien, le downloader a
donc non seulement un accès direct à l’œuvre mais
procède à son téléchargement sur son propre ordinateur.
Le lien constitue donc bien une « diffusion » et une « mise à
disposition » de l’œuvre contrefaite au sens du Code de la
Propriété Intellectuelle ». Le fondateur du site a finalement été
qualifié d’« auteur direct de contrefaçons par diffusion et mise à
disposition » et non pas de simple complice par fourniture de
moyens. Le juge correctionnel a également distingué cette
affaire de la décision de la Cour de Justice de l’Union
Européenne du 21 octobre 2014 que lui opposait la défense (cf.
MEDIA LAW NEWSLETTER n°18).
En l’espèce, il était
« clairement établi que la plupart des liens litigieux renvoyaient
sur des œuvres téléchargées en fraude des-titulaires du droit
d’auteur ». Faute d’avoir été autorisée par les titulaires de droits,
la communication litigieuse était donc illicite.
Le créateur de wawa-mania a enfin été reconnu coupable des
délits d’importation et d’exportation de phonogrammes et
de vidéogrammes sans autorisation des ayants droit, dès lors
que « la mise à disposition de tels fichiers, impliquant dans un
premier temps de les copier de leur support initial vers un
ordinateur, puis de les mettre en ligne sur des sites hébergeurs,
domiciliés pour certains à l’étranger, et enfin de partager sur
wawa-mania le lien de téléchargement de ces fichiers »,
caractérisait effectivement ces délits.
Les peines prononcées tiennent compte de la spécificité
des
infractions
et
du
comportement
du
prévenu : « l’infraction qui lui est reprochée est d’une nature
particulière puisqu’elle présente à la fois un caractère très virtuel
et implique la participation de toute une communauté. Elle se
prête donc très facilement à un discours tendant à la fois à en
minore la gravité et à la présenter comme un moyen d’accès à
la culture pour tous […] Cependant, il ressort du dossier que D.
M. a non seulement continué son activité, en la revendiquant,
alors même qu’il était mis en examen, mais également pris la
fuite à l’étranger ».
L’administrateur a en définitive été condamné au paiement
d’une amende de 20.000 euros et à une peine
d’emprisonnement d’un an, assortie de la levée de son mandat
d’arrêt, de manière à permettre au prévenu de rentrer en France
« pour exécuter une peine qui est aménageable ». Le Tribunal a
néanmoins prononcé des peines complémentaires de fermeture
de l’établissement exploitant le site, de retrait des liens litigieux
et de publication judiciaire, « dont la bonne exécution permettra
de vérifier la bonne ou mauvaise foi » du prévenu.
Compte tenu de leur importance, l’examen des demandes
formées par les parties civiles a donné lieu à une seconde
audience au terme de laquelle l’administrateur de wawa-mania a
été condamné à verser plus de quinze millions d’euros aux
quatorze parties civiles représentées (jugement du 2 juillet
2015).
 Tribunal de Grande Instance de Paris, 31
Correctionnelle, jugement du 2 avril 2015

ème
Chambre
La loi Sapin s’applique à une prestation de
publicité en ligne
La Cour d’Appel de Paris a jugé le 17 avril 2015, que les
dispositions de la loi du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin »,
relatives aux prestations de publicité, devaient s’appliquer à un
contrat organisant la diffusion de campagnes publicitaires sur
internet.
Les sociétés PUBLIC-IDEES et ASSURLAND ont conclu un
« contrat de service » par lequel la première permettait à la
seconde de diffuser ses campagnes publicitaires sur Internet au
travers de son « réseau d’affiliés ». Les clauses de tarification
de cette prestation prévoyaient que PUBLIC-IDEES percevait sa
commission lorsqu’un internaute s’inscrivait dans une base de
données dédiée ou s’il effectuait postérieurement un post-clic
directement sur le site d’ASSURLAND. Les parties se sont
opposées sur l’interprétation de ces clauses, au point
qu’ASSURLAND a saisi le Tribunal de Commerce de Paris
d’une demande de remboursement de sommes correspondant
selon elle à une surfacturation, tandis que PUBLIC-IDEES
réclamait le paiement de ses factures. Les premiers juges ont
prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs
d’ASSURLAND et l’ont condamnée à payer l’intégralité des
sommes demandées par PUBLIC-IDEES.
La Cour d’Appel a au contraire prononcé la résiliation aux torts
exclusifs de PUBLIC-IDEES, constaté la surfacturation
appliquée et procédé à une compensation entre les sommes
indûment facturées et celles effectivement dues. Son arrêt
constate que lorsqu’un internaute visitait un site affilié à
PUBLIC-IDEES,
une
page
concernant
l’annonceur
ASSURLAND s’ouvrait automatiquement et déclenchait le dépôt
d’un« cookie » sans action de la part de l’internaute. Le
processus de visites organisé par PUBLIC-IDEES lui permettait
ainsi de valider l’ouverture de la page de l’annonceur sans
aucune action volontaire de la part de l’internaute. La Cour a
jugé que le fait d’établir « la facturation dès l’ouverture
automatique de la page ASSURLAND sans intervention
active de l’internaute » n’était pas conforme aux
stipulations contractuelles
« qui prévoient que la
rémunération n’est acquise que pour l’inscription d’un internaute
dans une base de données ou effectuant ultérieurement un
post-clic directement sur le site ASSURLAND ». PUBLIC-IDEES
« n’ayant pas correctement appliqué la tarification contractuelle
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et n’ayant pas spontanément accepté de la corriger »,
ASSURLAND était fondée à suspendre les prestations. La
résiliation du contrat a donc été confirmée mais aux torts
exclusifs de PUBLIC-IDEES.
La Cour s’est également prononcée sur l’application de la
loi Sapin aux prestations proposées par PUBLIC-IDEES.
ASSURLAND soutenait qu’en l’absence de mandat écrit pris en
application des dispositions de cette loi, leur contrat était nul et
que par voie de conséquence, les factures réclamées n’étaient
pas dues. L’arrêt rendu a jugé que le contrat était conforme à la
loi Sapin qui était effectivement applicable. Il retient que
« finalement, l’opération s’analyse en un achat d’espace
publicitaire par la société ASSURLAND auprès des affiliés,
par l’intermédiaire de la société PUBLIC-IDEES exploitante
de la plate-forme regroupant les affiliés » et qu’« une telle
opération entre dans les prévisions de l’article 20 de la loi n° 93122 du 29 janvier 1993 imposant un mandat écrit entre
l’annonceur (ASSURLAND) et l’intermédiaire (PUBLIC-IDEES),
fixant les conditions de rémunération du mandataire ».
Cependant, en fixant les conditions de rémunération évoquées
précédemment, le contrat existant entre ces sociétés remplissait
les conditions imposées par la loi Sapin, de sorte que la
demande de nullité du contrat a été écartée.
 Cour d’Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, arrêt du 17
avril 2015

La Cour de Cassation confirme la condamnation du
hacker BLUETOUFF pour maintien frauduleux dans
un système informatique et vol de fichiers
La Cour de Cassation a confirmé l’arrêt du 5 février 2014 par
lequel la Cour d’Appel de Paris avait condamné le hacker
BLUETOUFF pour s’être introduit sans autorisation dans un
extranet sécurisé et en avoir publié des données (cf. Media Law
Newsletter n°11).
A la suite d’une défaillance technique, le hacker s’était introduit
dans le site extranet de l’Agence nationale de sécurité sanitaire
de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), un
opérateur classifié d’importance vitale (OIV), et s’y était
maintenu alors qu’il avait constaté l’existence d’un contrôle
d’accès. Il avait ainsi téléchargé des données qu’il avait fixées
sur différents supports et diffusées à des tiers.
L’arrêt rendu le 20 mai 2015, confirme le raisonnement suivi par
la Cour d’Appel. Le prévenu s’est « maintenu dans un
système de traitement automatisé après avoir découvert
que celui-ci était protégé et a soustrait des données qu’il a
utilisées sans le consentement de leur propriétaire ». Les
délits de maintien frauduleux dans un système de traitement
automatisé de données et de vol de documents étaient donc
caractérisés.
 Cour de Cassation, Chambre Criminelle, arrêt du 20 mai
2015
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