Le bien de tous - Semaines Sociales de France

Transcription

Le bien de tous - Semaines Sociales de France
Conférence donnée à Ajaccio
au cours d’une journée de formation sur le bien commun
« Le bien de tous »
Jérôme Vignon
Introduction
Quelle contribution les chrétiens peuvent-ils apporter à la construction d’une société qui soit digne de
l’Homme ?
Dans cette phrase, mise en exergue de l’ensemble des trois journées de formation organisée par le diocèse
d’Ajaccio se trouve contenu le cadre de mon propos. C’est une sorte de feuille de route, à laquelle je tenterai
de répondre au final de mon exposé. Notons les trois dimensions de cette feuille de route :
1.
Contribution ou proposition des chrétiens. Il ne s’agit pas d’imposer un point de vue. Cependant, il y
a l’ambition de dire quelque chose qui puisse être entendu et apprécié de personnes de bonne
volonté. Le propos est d’une certaine façon missionnaire.
2.
Pour construire une société. On sent que cette ambition se situe au niveau de la collectivité. Elle est
donc d’ordre politique au sens le plus général du terme. Des responsables politiques, syndicaux,
associatifs doivent recevoir que quelque chose d’inspirant de ces propositions.
3.
Digne de l’homme. C’est l’idée que l’on se fait de la dignité humaine, de ce qui est vraiment humain
qui donne la mesure qui justifie les propositions. Cette troisième dimension contient un parti e de la
réponse. La métrique des propositions chrétienne en matière politique, c’est une certaine idée de
l’homme. Mais justement, laquelle ? C’est là que l’on repèrera l’originalité des propositions
Un mot sur les trois thèmes abordés par les conférences : bien de tous ; économie ; violence. Si les deux
derniers thèmes sont assez évocateurs des questions actuelles, le premier l’est moins. Il semble abstrait et
vague. C’est parce qu’il englobe les deux autres. Si nous avons une meilleure idée de ce qui correspond au
Bien de tous, cela peut bien sûr orienter l’organisation des relations économiques. De même, si le Bien de
tous est négligé, si certains en sont privés, on voit poindre une source d’injustice qui peut conduire à la
violence. La violence pourrait n’être qu’un symptôme de ce que l’organisation de la société est éloignée de ce
qui assure le bien de tous.
Le plan que je suivrai consistera à :
1.
Par des exemples, montrer les questions que pose aujourd’hui concrètement la notion de « biens pour
tous » même lorsque cette notion semble assez intuitive, correspondre à une réalité sociale. Je
parlerai alors plutôt des « biens pour tous » que d’un Bien pour tous.
2.
Aborder au fond la proposition chrétienne qui consiste à fonder et définir les biens pour tous en
référence au Bien pour tous. Comme ce sera une partie centrale de mon exposé, je la décomposerai
en plusieurs étapes : je donnerai d’abord le fondement théologique de la notion de bien de tous au
sens chrétien. Je développerai ensuite la manière dont ce fondement a été rendu opérationnel dans
le cadre de la doctrine sociale de l’Eglise Catholique.
3.
En troisième lieu, je chercherai par des exemples à montrer ce qu’apporte la vision chrétienne d’un
Bien pour tous, d’un Bien commun, pour répondre à quelques grandes questions contemporaines Puis
je donnerai aussi des exemples tirés de notre actualité où la conception chrétienne du Bien de tous
peut s’illustrer.
1 Questions posées par les « biens pour tous ».
Les biens pour tous, ce sont à priori des biens qui peuvent être partagés entre tous les membres d’une même
communauté, celle-ci pouvant être très large y compris mondiale. Mais ce sont aussi fondamentalement
des biens dont l’utilisation ou le bénéfice procure un mieux-être à chacun, voire sont essentiels à chacun pour
vivre.
Je suis sûr que vous viennent déjà à l’esprit de tels biens. Je vous propose de réfléchir un instant et de tenter
d’en identifier deux. Pour ce qui me concerne, j’ai choisi deux biens pour tous : la langue que nous utilisons
pour entrer en communication avec nos voisins ; l’air que nous respirons. On voit par ces exemples que les
biens en question peuvent être naturels ou culturels. Aujourd’hui, avec les problèmes d’environnement, on
prend conscience de l’importance des biens pour tous de caractère naturel. Mais ils ne sont pas les seuls.
La langue, la culture, la musique et l’ensemble des biens culturels propres à une communauté constituent
effectivement un bien pour tous les membres de cette communauté. Ils peuvent sous certaines conditions
d’apprentissage, être partagés avec des nouveaux membres qui grâce à ces biens culturels peuvent non
seulement communiquer, mais aussi se sentir un peu membres de la communauté. A travers cet exemple, on
voit que les biens pour tous produisent deux effets : un effet de développement personnel, de qualité de
vie ; mais aussi un effet pour l’ensemble des communautés : ils l’aident à se constituer, à se reconnaître, à
s’identifier comme originale. Ainsi de la langue Corse qui est un des biens communs partagés par les Corses.
Quant à l’air que nous respirons, sa qualité de bien pour tous est aussi indéniable. Il est vraiment
indispensable, où que nous soyons et qui que nous soyons, à une vie de bien-être. On voit moins bien
cependant comment l’air contribue à souder une communauté. On voit très bien qu’il peut contribuer à la
déconstruire lorsqu’il devient pollué. C’est l’expérience que font les Pékinois. Pour rester soudés, pouvoir
travailler et vivre ensemble sur ce lieu, ils sont obligés de veiller ensemble à la qualité de l’air y compris au
prix de très grandes contraintes qu’ils acceptent de s’imposer.
Ainsi les deux biens de tous que sont la langue et l’air produisent-ils bien une relation entre nous. Si elle n’est
pas directe, elle est indirecte. La préservation ou la promotion de ce bien pour tous est indispensable à la vie
de chacun. Mais elle requiert l’effort, la solidarité de tous. Les deux biens pour tous sont facteurs
d’unification de la communauté. A tout le moins, ils obligent à penser et à vouloir l’unité de la communauté.
Promouvoir ou préserver les biens communs, c’est donc à la fois travailler au bien et au développement de
chacun et travailler au développement et à l’unité de la communauté. On voit qu’il y a là des enjeux collectifs
très forts qui ont à voir avec les sujets des conférences à venir : économie et violence.
Cependant, il y a 100 ans, qui aurait posé la question de l’air comme bien commun puisque ce bien ne
semblait en aucune façon menacée? D’une façon générale, les biens naturels n’étaient pas l’enjeu
économique et politique qu’ils sont devenus aujourd’hui. Les biens pour tous ne sont donc pas faciles à définir
de façon absolue.
Quant à la langue, il n’est pas sûr qu’elle serve seulement à assurer l’unification de la communauté. Sans
remonter à la Tour de Babel, on sait que les frontières linguistiques servent aussi à alimenter des rivalités
symboliques entre des communautés. En Belgique, les langues servent souvent à confirmer la division de la
nation Belge. De la même façon les rivalités autour des biens environnementaux peuvent devenir le
prétexte de guerres et de violence. L’existence de biens pour tous ne garantit aucunement l’harmonie entre
et dans les communautés.
La notion de biens pour tous s'avère à la fois essentielle et fragile. On pressent que leur identification est un
enjeu pour constituer une communauté sociale apaisée. Mais alors quels sont les critères qui peuvent guider
la ou les communautés en question ? C’est la question proprement politique liée aux biens communs. Mais
cette question a-t-elle encore une réponse lorsque l’on considère des communautés très hétérogènes
sous l’angle de leurs cultures et de leurs intérêts ? Autrement dit, en dehors des biens naturels, existe-t-il des
biens pour tous véritablement universels ? Cette question philosophique nous renvoie à cet aspect du
cadrage quand nous parlions de ce qui « est digne de l’homme », nous pensions de façon universelle.
Quelles est
la contribution chrétienne à ces questions philosophiques et politiques ?
2. Le « Bien commune » réponse chrétienne aux questions sur « les biens pour tous » ou les
« biens communs »
Peut-il y avoir un Bien de tous, à partir duquel répondre aux interrogations sur les biens pour tous?
Dans ce qui suit désormais, plutôt que de parler de Bien de tous, je parlerai de Bien commun, car c’est le
langage habituellement utilisé par la tradition chrétienne. Ce sera une commodité pour ne pas m’embrouiller
en permanence. Mais nous admettrons que cela vise la même chose.
2.1 Fondement théologique du « Bien commun ».
La tradition chrétienne s’est construite dans une expérience historique de très longue haleine. Elle traverse
les époques dès avant la naissance du Christ et en ce sens elle n’est pas attachée à des biens communs
précis. Mais elle va peu à peu mettre en lumière au fondement des biens communs l’existence d’un Bien
commun qui permet de les relier les uns aux autres et d’aider à les identifier.
Pour exprimer ce fondement, je fais appel à vos convictions élémentaires de croyants nourris de la prière et
de la connaissance des écritures. Je propose ce résumé en quatre points
1.
L’humanité chemine dans une histoire dont nous ne connaissons ni les commencements ni le terme.
mais nous sommes assurés que la vocation, la finalité ultime de cette histoire est l’unification, l’unité
du genre humain qui sera récapitulé en quelque sorte dans la personne du Christ. Nous sommes
animés, face à toutes les divisions et les fragmentations, de l’espérance d’une Unité finale accomplie
dans un état de fraternité. Cette unité fraternelle est en quelque sorte le Bien commun promis et
recherché par l’humanité. Cette perspective correspond à l’état originel de l’humanité avant que le
péché ne la fissure. Elle est donc à reconstruire et cette reconstruction s’accomplira.
2.
Nous percevons aussi dans les Ecritures et particulièrement dans la vie du Christ le moteur de cette
unité, ce qui en assure le progrès, ce dont le défaut est aussi l’indice d’un manque de Bien commun.
Ce moteur, c’est la justice conçue non de manière relative (la suppression des inégalités), mais de
manière absolue. La justice progresse et avec elle la marche vers l’unité si les maillons faibles de la
communauté reçoivent ce qui leur est dû pour vivre dignement. Dans la Bible, les figures
emblématiques de la justice sont l’orphelin, l’étranger, la veuve. Nous avons aussi que c’est à Dieu
lui-même que justice est rendue lorsque ces figures sont respectées.
3.
Il y ainsi un lien étroit entre Bien commun au sens chrétien et dignité fondamentale de chaque
personne. Dire que même les plus faibles portent une étincelle divine, c’est dire aussi que chaque
être humain la porte. La notion chrétienne de Bien commun établit un lien étroit entre ce qui est
d’ordre collectif: l’unité, la justice et ce qui est d’ordre individuel ; l’épanouissement et la dignité de
chaque personne. On dira que c’est une conception personnaliste. Elle est sociale car elle donne de la
dignité une définition sociale, liée à l’existence de liens de fraternité entre les hommes. Le Père de
Lubac disait déjà que la notion de catholicisme social est redondante : nous sommes sociaux parce
que nous sommes catholiques, disait-il.
4.
Cette harmonie qui fait du Bien commun une conséquence de l’harmonie entre amour de Dieu pour
l’humanité et devenir unifié de cette humanité, ne s’accomplit pas de soi. L’espérance chrétienne ne
s’apparente pas à une sorte de fatalité historique. Elle est au contraire incarnation volontaire, fruit
d’une volonté de coopération humaine avec le projet divin d’unification. On peut dire aussi que la
recherche du Bien commun est un acte politique qui n’a rien de naturel , mais résulte d’un choix libre
, volontaire , fruit d’une conscience sociale. Cette conscience collective, politique éclairée, s’appuie
sur ces notions de justice et de dignité personnelle.
Retenons de la contribution chrétienne, dans son fondement théologique qu’elle affirme l’existence et la
possibilité d’un Bien commun. Déjà ce point est loin d’être partagé, notamment par les philosophies
exclusivement individualistes ou rigoureusement rationaliste positiviste.
Retenons quelle donne aussi un guide pour l’identification des biens communs au travers de ce qu’est juste
pour les pauvres et les faibles, au travers du concept fondamental d’égale dignité. Ce guide n’est arrêté par
aucune frontière linguistique ou géographique. C’est là un point déjà commun avec les philosophies des
Lumières comme celle de Montesquieu.
Retenons enfin l’aspect personnaliste de ce bien commun. Son critère c’est l’accomplissement de la dignité de
tous. En même temps la recherche de cet accomplissement incombe à tous puisque tous sont tenus au devoir
de justice, tous sont invités comme disciple du Christ à faire œuvre de fraternité. Dans la recherche
chrétienne du Bien commun, dans la mise en œuvre DS Biens communs, on va trouver un équilibre entre des
droits et des devoirs.
2.2
Avec Saint Thomas d’Aquin le Bien Commun devient une boussole pour la vie publique
Comment s’assurer, au-delà de préceptes moraux d’usage individuel, qu’une société va vers son bien
commun ? Quelles structures sociales sont favorables à cette recherche ? Mais, question encore plus ardue,
la Bible et les Ecritures suffisent-elles à donner les recettes sociales du Bien commun ? Faut-il mieux vivre en
Royauté ou en Démocratie ? Peut-on faire confiance à la monnaie pour permettre un développement des
échanges conformes à la justice ?
Longtemps ces questions ne se sont pas posées, tant que l’ordre économique et social restait immuable.
Dans cette immobilité on pouvait lire une nature sociale aussi imposée que l’était la nature physique. Le
Bien commun était celui qui résultait d’une chaine d’autorité entre Dieu, le roi et le père de famille. C’est à la
fin du Moyen âge, alors que l’esprit humain, le commerce, la médecine ; les sciences naturelles ou
physiques donnaient à voir des signes multiples d’inventivité et d’émancipation qu’est née la vision thomiste.
Elle a permis de réconcilier le dynamisme de l’intelligence et de la liberté avec la source divine du Bien
commun: d’une part en posant l’existence d’une loi naturelle fondatrice, antérieure au péché ; d’autre part en
manifestant une confiance dans la capacité de l’intelligence, fruit de la création divine, d’explorer les voies
concrètes pour se rapprocher de cette loi naturelle. Ainsi St Thomas a-t-il posé les fondements de ce qui
deviendra beaucoup plus tard la doctrine sociale de l’Eglise. C’est lui qui instaure véritablement le Bien
commun au centre des principes d’éthique sociale. Ce faisant, il prend largement appui sur les apports de la
philosophie grecque aristotélicienne qui avait déjà commencé d’explorer les conditions d’une société juste.
Jusqu’au XIXe siècle, la pensée thomiste est reléguée à l’arrière-plan. La crainte en effet était d’ouvrir trop
grand la porte à des avancées non maîtrisées des sciences sociales en lieu et place de la théologie
directement inspirée des Ecritures. La capacité de l’Eglise catholique à se saisir des questions politiques et
sociales en a été très amoindrie et on peut dire que la révolution industrielle, culturelle et sociale du XIX
Emme siècle a d’abord pris l’Eglise au dépourvu.
Imprégnée de principes thomistes la première encyclique sociale Rerum Novarum constitue de ce point de
vue une innovation doctrinale dans le monde catholique. L’ordre de la morale et de la justice ne s’y limite
plus aux attitudes individuelles ni à la question de la préséance entre ordre politique et religieux. Le Pape
montre en réalité que sans la lumière religieuse qui doit ordonner et réguler l’ordre social, l’ordre politique,
en particulier les démocraties libérales de l’époque, courent à l’échec.
2.3 La conception dialectique du bien commun au centre de l’éthique sociale chrétienne
La définition du concept de Bien commun, comme vision sociale opératoire pour guider l’organisation de la
vie publique et tout particulièrement la vie économique à partir d’une inspiration chrétienne ne s’affirme
vraiment qu’après la seconde moitié du XX eme siècle. Celle-ci manifeste le double essor de la socialisation
promue par un progrès économique inégalé dans les pays occidentaux et celui de la mondialisation issue de
la libéralisation des échanges commerciaux qui transforme la planète en monde d’interdépendance
hiérarchisée entre pays développés et en développement.
Avec Mater et Magistra et plus encore Pacem in Terris et Gaudium et Spes, la doctrine du Bien commun
comme source d’organisation
politique, sociale et économique s’affirme
selon deux formulations
réciproques :
1
La formulation descendante rappelle que la dignité et l’épanouissement de chaque personne
constituent l’enjeu du Bien commun que doivent servir tant les régimes politiques que les institution
sociales et économiques : « Les responsables politiques doivent avoir une claire notion du Bien
commun , c’est à-dire de l’ensemble des conditions sociales permettant à la personne d’atteindre
mieux et plus facilement son plein épanouissement. « (Mater et Magistra 65).De là découle en
particulier que l’effort des pouvoirs publics doit tendre à servir les intérêts de tous sans favoritisme à
l’égard de tel particulier ou de telle classe de la société ». (Pacem in terris 56). On voit alors, dans
cette définition ascendante une parenté avec le concept politique d’intérêt général.
2
La formulation ascendante met plutôt l’accent sur le devoir de chacun, à la mesure de ses
responsabilités, de concourir à ce que la communauté à laquelle il appartient soit en mesure de faire
appliquer les dispositions nécessaires au Bien commun : « Tous les individus et tous les corps
intermédiaires sont tenus de concourir, chacun dans sa sphère, au bien de l’ensemble ». (Pacem in
Terris 53).
Cette dernière formule de Pacem in terris met en lumière un acteur essentiel dans la pensée chrétienne, pour
la réalisation du Bien commun, à savoir les « corps intermédiaires ». Cette notion a été mise en avant
systématiquement par l’encyclique Rerum Novarum en 1891 sur la recommandation des chrétiens sociaux
de base qui voyaient dans les syndicats patronaux et ouvriers la principale institution sociale susceptible à la
fois d’équilibrer les rapports sociaux dans le monde industriel et d’éviter que les pouvoirs confiés à l’Etat dans
les sociétés complexes ne mettent en danger le primat de la personne humaine . Les corps intermédiaires ont
désormais une définition beaucoup plus large, englobant tous les rassemblements volontaires de citoyens
qui en démocratie s’organisent pour faire entendre leur point de vue par les pouvoirs publics au-delà des
partis politiques. Dans une communauté politique, les « corps intermédiaires
dimensions descendante et ascendante du Bien commun :
incarnent ces deux
1
Ils contribuent à la réalisation ascendante du bien commun en ce qu’ils permettent une libre
expression des besoins essentiels et de la dignité de leurs mandants. Pour cette raison le Pape Léon
XIII s’était prononcé pour un syndicalise ouvrier autonome.
2
Ils manifestent la nature ascendante du Bien commun, en ce qu’ils ont eux aussi pour vocation de
contribuer à la formulation et à la mise en œuvre du Bien commun. Ils sont eux aussi au service du
Bien commun, comme les pouvoirs politiques.
En résumé, au risque d’une immense simplification, nous dirons que le Bien Commun proposé par le
Christianisme c’est l’intérêt général plus l’obligation faite à chacun d’y apporter toute sa contribution.
Nous mesurons alors en quoi le Bien commun exprimé ainsi comme une conception générale de la vie
personnelle en société et de la société comme communauté de personnes nous offre un fondement pour les
biens communs au sens concrets. Les biens communs, ce sons ces biens qui appartiennent à tous, comme en
effet la langue, les aménités naturelles ou le droit à un logement décent au travers desquels peut se
réaliser le Bien commun. Les biens communs, ce sont les outils contingents, relatifs à une époque et à une
société par lesquels s’accomplit le Bien commun pour cette époque, pour cette société.
2. 4 Un apôtre du Bien commun, le Père
Louis Joseph Lebret
Au stade très général où nous en sommes encore , il est utile de méditer sur l’apport considérable encore
aujourd’hui d’une très grande figure du christianisme social que fut le Dominicain , ancien officier de marine
, breton , Louis Joseph Lebret .
Le père Lebret d’abord acquis une conscience aigüe de la dignité de la communauté humaine au contact des
pauvres de la région maritime de Brest au service desquels il s’était mis. Il constatait que ce qui préservait
en définitive de la déchéance ces hommes et femmes démunis et humiliés, c’était un esprit indestructible
d’entre aide et de fraternité, esprit où il décelait cette étincelle divine commune devenue visible chez ces
personnes dénuées de tout.
Les premiers ouvrages de ce penseur acteur du social sont donc imprégnés de cette dimension ascendante
qui subordonne le bien de chacun au bien de la communauté : « Le bien commun est le bien d’une
communauté humaine. C’est un bien commun à des frères qui communient en lui, le recherchant ensemble,
le réalisant ensemble, le recevant ensemble. C’est un bien que l’on choisit et désire en commun, que l’on se
procure en commun, qui se reverse communément sur chacun. « « La réalisation du bien commun est
affaire de vertu, affaire de la vertu de justice sociale."
Mais il était aussi conscient qu’une approche aussi communautariste pouvait conduire à l’effacement de la
liberté de la personne elle-même. Comment concilier cette obligation de parage et de fraternité avec sa
finalité, celle de la dignité de chaque personne. Cette tension le conduit à apporter une dimension dynamique
à la notion de dignité. Celle-ci se construit dans une relation à autrui. Son fondement, c’est bien l’amour que
Dieu porte à chacun et qui fait de lui un être unique. Mais sa réalisation, son accomplissement, c’est la
recherche du bien d’autrui, du prochain :
« Mon enrichissement vrai, mon épanouissement, ma béatitude, c’est l’acquisition de mon bien,
l’établissement de ma vie d’as le bien. Mais je suis incapable à moi seul de trouver mon bien. A chaque
instant je dois être aidé ». « La nature des hommes est d’avoir besoin les uns des autres pour s’exhausser,
pour se parfaire. Chacun doit s’achever en achevant autrui : c’est un devoir qui répond au plan même du
Créateur, à l’intention divine sur l’humanité. »
Ou encore « Toute supériorité est pour le Bien commun. Le riche doit mettre de quelque manière sa richesse
au service de tous, le savant doit communiquer sa vérité, le génie aider ses frères et l’on ne peut imaginer un
saint qui soit resté égoïste. »
A quoi l’on pourrait ajouter que le pauvre lui-même n’est pas si pauvre qu’il n’ait rien à apporter et que le Bien
commun exige non seulement que le pauvre soit mis en situation de pouvoir faire cette contribution , mais
aussi qu’il s’estime responsable de la donner .
Avec le Père Lebret nous comprenons mieux la nature réciproque, dialectique de la proposition chrétienne du
Bien commun. Cela tient à la définition que le christianisme donne concrètement de la dignité humaine : une
définition relationnelle qui s’accomplit dans la recherche du bien d’autrui ; une définition dynamique qui
postule le grandissement constant, toujours possible de l’humain vers un plus, qui se réalise justement
dans une ouverture toujours élargie à autrui. Le Père Lebret consacrera son existence à donner un contenu
économique et politique à cette vision où le développement à partir des capacités des pauvres tient une place
centrale (« Manifeste pour une civilisation solidaire « ) et qui deviendra l’encyclique Populéum Progressio
en 1967.
2.5
Le Bien commun pilier central d’une l’éthique sociale
La recherche du Père Lebret à partir du principe de bien commun va le conduire à poser les principes d’une
architecture mondiale du développement des peuples, architecture que l’on retrouve dans l’encyclique
Caritas in veritate.
Cependant, pour nous qui sommes à Corte, en Corse mais aussi en France, c’est moins d’architecture
mondiale que nous avons besoin que de principes généraux d’architecture pour nos communautés concrètes.
Comment va-t-on passer avec une telle proposition à la conception et à la mise en œuvre du bien
commun ?
C’est ici que le Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise peut nous aider. En rassemblant dans un texte
unique l’ensemble des enseignements issus de la sagesse de l’Eglise, il fait ressortir que le Principe de Bien
commun est la matrice de quatre autres grands principes d’éthique sociale concrète qui en sont en quelque
sorte les applications :
1.
Principe de destination universelle des biens et son corollaire, la préférence universelle pour les
pauvres.
2.
Principe
3.
Principe de participation.
4.
Principe de solidarité.
de subsidiarité.
Ces quatre principes vont nous aider à faire un diagnostic sur la situation des communautés où nous vivons :
sont-elles bien inspirées, animées par le principe du Bien commun ? Ou bien pourraient-elles progresser ?
Puisque le Bien Commun s’appuie sur une conception relationnelle de la dignité des personnes, ces principes
vont explorer la qualité des relations au sein de la communauté.
La destination universelle des biens est le principe qui va caractériser les relations des personnes aux biens
et aux richesses, en vue du Bien commun. Si la possibilité de s’approprier personnellement un bien, d’en être
responsable en propre, fait bien partie des droits naturels de la personne , cette propriété ne peut être un
obstacle à sa recherche du bien d’autrui . Autrement dit, cette propriété et sa jouissance sont aussi
orientées vers la recherche du bien d’autrui. Le droit de propriété n’est pas un droit absolu. Il est subordonné
au souci, à la responsabilité des propriétaires que l’usage qu’ils font de ce bien contribue autant qu’il est
possible au bien d’autrui. Autrement dit encore, si l’appropriation du bien peut être privée, sa destination
est universelle. Elle exclue l’accaparement.
Mais quand y a-t-il présomption d’accaparement dans une communauté donnée ? C’est lorsque la dignité
élémentaire de certains de ses membres n’est plus respectée, lorsqu’ils sont dépourvus de biens essentiels à
leur vie. Prenons un exemple simple, celui du logement. En France, il existe, malgré le service public du
logement social des zones tendues, où une part importante des familles est logée dans des conditions
indignes, voire sont à la rue. Ce bien pour tous qu’est le droit à un logement décent n’est pas applicable. Les
propriétaires de logements qui restent inoccupés ou largement sous occupés doivent alors s’interroger en
conscience sur les conséquences pour eux du principe de destination universelle du logement (vacant) qu’ils
détiennent. Les responsables publics, selon le même principe, sont tenus de créer les incitations qui
permettent aux propriétaires de prendre les risques de faire les investissements nécessaires à une
occupation sociale de leur bien.
Cet exemple nous rappelle que selon la proposition chrétienne, la boussole de la justice et donc du bien
commun, ce sont les pauvres, les plus pauvres. Il nous montre aussi que cette boussole n’est pas paupériste,
car elle conduit à des solutions de portée universelle, bonnes pour tous. Les logements vacants à la longue
se dégradent et plus on attend, plus les coûts s’accroissent. Très souvent, ce qui améliore l’accès effectif des
plus pauvres aux biens essentiels est aussi une amélioration pour tous.
En 1989, dans une déclaration faite à Puebla, le Pape Jean Paul II soulignera fortement cette boussole en
parlant non pas de la destination universelle des biens, mais d’option préférentielle pour les pauvres.
Le principe de subsidiarité vient en droite ligne de Saint Thomas qui le tenait d’Aristote. Il éclaire non plus les
relations entre les personnes et les biens qu’elles possèdent, mais les relations entre les communautés de
personne. C’est un principe qui transpose dans l’ordre politique du gouvernement des hommes la dimension
verticale descendante du principe de bien commun. Selon la subsidiarité, les communautés politiques de
rang supérieur, celles qui ont autorité sur les règles qui s’appliquent dans les communautés qui leur sont
soumises, ne peuvent user de ce pouvoir qu’au service de la dignité des communautés et des personnes
subordonnées. Ce pouvoir doit donc s’abstenir de légiférer dans les matières où les communautés de base
sont capables de s’administrer elles-mêmes.
La complexité de ce principe est qu’il s’applique dans les deux sens. Il est le plus souvent invoqué pour
justifier plus de décentralisation et condamner les abus d’autorité. Ainsi l’entend on beaucoup invoqué par les
« souverainistes « français pour dénoncer les pouvoirs abusifs de l’Union européenne, comme il est aussi
utilisé par les séparatistes flamands pour demander leur autonomie et l’éclatement de l’Etat belge.
Cependant ce même principe peut aussi être évoqué pour justifier au contraire l’édification d'une
communauté de rang supérieur et la dévolution de compétence. C’est ce qu’ont fait récemment les Evêques
de l’Etat de New York, après la chute de Lehman Brothers, en demandant que l’Etat fédéral et la Banque
centrale américaine reçoivent le pouvoir de réguler d’avantage les marchés financier.
Considérant la finance comme une communauté d’emprunteurs et de préteurs, considérant particulièrement
la vulnérabilité des petits préteurs et emprunteurs, ils ont estimé que cette communauté n’était pas en
mesure d’assurer par elle-même le bien de tous.
Là encore, il me semble que la conception chrétienne avec sa boussole du bien des plus vulnérables, devrait
éclairer les débats d’actualité, hautement politiques, sur l’organisation des pouvoirs publics, y compris sur le
bon degré d’autonomie et de subordination.
Le principe de participation est le symétrique du principe de subsidiarité. Il concerne lui aussi les relations
entre les communautés, mais cette fois selon a logique ascendante du Bien commun. Chaque personne,
chaque corps intermédiaire, chaque communauté politique est tenue de coopérer à la mesure de ses
possibilités à la réalisation du bien de tous.
D’un point de vue de l’organisation des démocraties, cela signifie qu’il ne suffit pas que les lois soient
légitimes. Encore faut-il que des médiations soient en place , des délibérations et des structures de
coopération qui permettent au point de vue des citoyens de se faire entendre , charge à ceux-ci , qu’ils aient
ou non été complètement entendu , de contribuer par eux-mêmes au bon accomplissement des règles qui
établissent le bien d tous .
Grâce sans doute aux questions clefs de l’environnement, on voit revenir en force le principe de participation.
Il ne sert à rien d’établir des règles pour le recyclage des déchets, si les familles elles-mêmes ne s’organisent
pas pour faire réussir le tri. Plus largement, mes règles de modération seront sans doute très insuffisantes
pour faire reculer l’usage abusif de la nature et des biens communs si les consommateurs ne coopèrent pas
par de attitudes responsables. L’utilisation de l’énergie, l’organisation des transports publics et privés pour
les déplacements obligatoires font bien ressortir que la recherche d’un bien commun, la limitation des
émissions de gaz à effet de serre, passe par la coopération de tous.
Le dernier des quatre principes constitutifs du bien commun peut apparaître comme allant de soi. Il s’agit
du principe de solidarité. Il s’agit en fait d’un faux ami, car il ne parle pas de ce à quoi l’on s’attend
généralement.
Ce principe gouverne les relations entre les communautés, entre les personnes, mais cette fois sur un plan
horizontal, là où il n’ya pas de lien de subordination politique. Dans nombre de situations sociales en effet, on
constate ce qu’on nomme une interdépendance de fait. Sans l’avoir choisi ou voulu, les personnes, les
groupes, les peuples sont dépendants des actes commis par d’autres, ou omis par d’autres. L’extension
mondiale des interdépendances, la multiplication des liens d’inter relation dans nos sociétés est devenue du
fait des technologies, multiples et complexe.
Le principe de solidarité invite chaque personne, chaque communauté, à ouvrir les yeux sur ces liens
invisibles, à en prendre conscience, pour endosser la responsabilité qui lui incombe au nom du bien
commun.
De tous les principes que nous avons examinés, c’est le plus créatif. C’est celui qui incite à humaniser les
relations à priori techniques, économiques ou naturelles, à mettre de l’humain, où il n’y en avait pas, même
en l’absence d’une nécessité concrète de défendre des intérêts communs. Il s’agit de se montrer solidaire,
pas seulement à cause d’une oppression ou d’une adversité, mais sous l’effet d’une prise de conscience du
bien de l’autre. C’est ce principe qui fut évoqué au cours des débuts de la 3eme république, mais aussi par
Bismarck en Allemagne, par Beveridge en Angleterre, pour instituer une protection sociale universelle.
C’est à l’état pur, ce principe de solidarité que pouvait évoquer Robert Schuman lorsqu’il proposa la mise en
commun des ressources nationales d’acier et de charbon. C’est encore ce principe qui permet d’imaginer des
constructions juridiques très originales pour la gestion de l’eau entre les communes d’un même bassin
versant. C’est lui qui devrait inspirer bien d’avantage les négociations mondiales qui découlent du Protocole
de Kyoto.
3. Actualité du principe de Bien commun
Le principe chrétien du bien commun propose donc un fondement, une boussole et des principes concrets de
mise en œuvre à tous ceux qui cherchent la justice et la paix au moyen de l’accès de tous aux biens
essentiels.
J’aimerais maintenant évoquer brièvement trois débats d’actualité qui me semblent illustre la fécondité de la
contribution chrétienne.
3.1 Jusqu’où peut aller la primauté des droits individuels pour accomplir la dignité des
personnes ou l’égalité entre les personnes?
Depuis une vingtaine d’années, la question de l’égale dignité de toutes les personnes, le droit à un
traitement égal en opposition à toute forme de discrimination à priori, ont fait dans la conscience collective,
dans l’opinion publique de grands progrès. On a cependant aussi le sentiment que l’émancipation ainsi
gagnée ouvre la porte à une société individualiste incapable de résoudre les problèmes qui résultent aussi
de l’interdépendance croissante. On se trouve devant une contradiction qui rend la société malheureuse :
d’un côté une demande de plus de droits, de plus de libertés, de plus de respect ; et de l’autre moins de
solidarité, plus de solitude, moins de capacité pour l’Etat providence d’honorer toutes ces demandes.
La conception chrétienne du Bien commun aide à comprendre cette contradiction et aiguille vers de solutions.
Cette conception nous enseigne qu’au fondement des droits individuels, de l’accès aux "biens pour tous", il y
a d’abord une communauté capable d’honorer ces droits. La communauté existe avant les droits. C’est du
progrès de la communauté, de sa capacité à susciter le dévouement de tous comme disait le Père Lebret, que
naît aussi la possibilité d’honorer les requêtes de dignité. Pour susciter ce dévouement de tous au bien de
tous, il faut miser sur l’idée que chacun ne devient vraiment humain qu’en s’ouvrant à autrui. Les requêtes
de liberté lorsqu'elles ne sont que des requêtes de s’affranchir de tout lien social, tarissent la source de ce
qui pourrait les satisfaire : la rencontre entre deux regards, entre deux libertés qui s’accueillent. On
constate d’ailleurs que cette conception détachée de tout lien social n’est pas la seule à émerger de nos
débats sociaux. Une autre rigoureusement opposée est en train de voir le jour, celle du « prendre soin ».
C’est cette sorte de message que le Bien commun au sens chrétien doit faire entendre à la requête du droit
de mourir dans la dignité. Si l’on devait attendre d'une Loi qu'elle décide de ce qu’est une vie digne, on devrait
le payer d’une rupture très lourde du lien de responsabilité et de solidarité sociale qui unit les soignants et les
souffrants. On devrait sans doute consentir à ce que de proche en proche, les membres d’une société
prononcent pour certains d’entre eux une exclusion, une déchéance irrémédiable. La solidarité nationale se
rétrécirait comme peau de chagrin car on trouverait sans cesses de nouvelles raisons d’en réduire le cout.
Un autre exemple de ces tensions modernes qui travaillent et rendent malheureuses nos démocratie, vient
de l’hétérogénéité de notre corps social. Cela vient avec la mondialisation, l’accroissement des migrations,
les conséquences aussi de notre histoire qui a conduit à ce que dans les années soixante, notre pays a eu
recours massivement à un apport extérieur de populations venues notamment d’Afrique du Nord. Cette
nouvelle mixité démographique, culturelle et religieuse est souvent mal vécue dans un contexte de précarité
et d’incertitude. Les nouveaux venus ne menacent ils pas notre avenir, n’abusent ils pas des largesses de
notre Etat social qui va mal par ailleurs?
La laïcité française est en difficulté pour bien répondre à ces tensions. Elle hésite entre une dévalorisation
des différences identitaires et religieuses en s’efforçant d’en réduire au maximum la visibilité et la portée, et
une autre attitude qui serait d’avantage tolérante conformément
à la volonté d’ouverture et de
non-discrimination. Sans doute la laïcité se prive-t-elle de ce qui pourrait aider à mieux gérer ces tensions et
qui est de l’ordre de la relation. Les différences ne sont plus des provocations ou des menaces si elles peuvent
être vécues dans une relation de solidarité. Les communautés nécessaires pour nourrir une appartenance et
une dignité personnelle ne deviennent des ghettos que si on ne les mobilise pas au service d’u bien commun
qui transcende les différences de race et de religion. Le bien commun vu par le christianisme fait par principe
de la diversité une richesse, puisqu’il postule qu’au travers d’un autre, on peut aussi mieux se connaître soi.
Le bien commun chrétien invite à une laïcité de projets qui amène les diverses communautés à coopérer sur
des biens communs : la protection des familles, l’éducation des jeunes, la lutte contre la pauvreté.
C’est par cet exemple de la lutte contre la pauvreté que je terminerai. Je me bornerai à remarquer que
malgré des efforts très substantiels de la collectivité publique et du monde associatif, la lutte contre la
pauvreté marque le pas ou s’affaiblit.
Ici l’approche par le bien commun postule que la lutte contre la pauvreté est l’affaire de tous. Ce sont
l’ensemble des forces économiques , sociales , culturelles qui sont conviées à mettre en œuvre des biens
communs dont la première vertu est d’être accessible à ceux qui en ont le plus besoin . C’est ce point de vue
qui avait fait dire au Pape Benoit XVI dans l’encyclique Caritas in Veritate que les économies sociales
européennes étaient allées beaucoup trop loin dans la spécialisation des fonctions , le thème de la générosité
étant devenu l’exclusivité du monde associatif .
Je suis tout à fait convaincu que la bonne direction pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion en France et
en Europe consiste à faire de la lutte contre la pauvreté une dimension générale qui concerne l’ensemble de
l’économie.
Conclusion
La vision chrétienne du Bien commun offre un fondement (la recherche inlassable de l'Unité), un moteur
(l'attention privilégiée aux maillons faibles du tissu social), des principes de discernement (pour évaluer la
qualité des relations aux richesses et entre les communautés) qui constituent une véritable ressource sociale
et politique. Pour la partager, il faut commencer par en vivre, en éprouver la force dans un engagement au
service du bien d'une communauté concrète.
C'est pourquoi, je vous suggère d'accomplir pour vous-mêmes ou en petit groupe, l'exercice consistant à
vous poser les questions suivantes :

Quels sont aujourd'hui des biens pour tous dont l'accès et la disponibilité sont essentiels au
développement de chacun comme à l'unité de la communauté ?

Que se passe-t-il du point de vue des "maillons faibles" de notre communauté pour l'accès à ces
biens?

Si quelque chose ne va pas, pourquoi? Cela peut-il s'expliquer au travers d'un défaut d'application des
principes d'éthique sociale qui découlent de la recherche du Bien commun?

Pouvons-nous partager avec des responsables ou avec d'autres membres de la communauté ce
diagnostic?
Jérôme Vignon
Président des Semaines sociales de France