Etude de la propagation des ondes ultrasonores dans les enrobés

Transcription

Etude de la propagation des ondes ultrasonores dans les enrobés
Etude de la propagation d’ondes
ultrasonores
dans
les
matériaux
bitumineux : détermination du module
complexe
Larcher Nicolas, Takarli Mokhfi, Angellier Nicolas, Sebbah
Hamidou, Petit Christophe
Université de Limoges, Laboratoire GEMH-GCD, Centre Universitaire de
Génie Civil, Bd Jacques Derche, 19300 Egletons ([email protected],
[email protected], [email protected], [email protected],
[email protected])
RÉSUMÉ. Ce travail est basé sur une étude expérimentale de la propagation d’onde de
compression dans un enrobé bitumineux. Les fréquences d’excitations sont dans la gamme
des ultrasons avec une variation de la température d’essai de -20°C à 40°C. La pertinence
des paramètres de propagation (vitesse et atténuation) est discutée. Pour une
caractérisation du module de l’enrobé à haute fréquence, une approche élastique est
largement suffisante et seule la détermination de la vitesse est nécessaire. Cependant, pour
une analyse plus approfondie du comportement mécanique, la détermination de la courbe
maitresse et des paramètres rhéologiques correspondants, nécessite une approche
viscoélastique de la propagation de l’onde dans le matériau notamment par l’introduction
du paramètre d’atténuation. Les résultats obtenus montrent une complémentarité entre les
trois approches (mécanique, rhéologique et ultrasonore)
ABSTRACT. This work is an experimental investigation of compressive wave propagation
in asphalt concrete. Ultrasonic frequencies are considered for temperature ranging from 20°C to 40°C. The importance of wave propagation parameters as velocity and attenuation
is discussed. Elastic approach of wave propagation, with P-wave velocity measurement, is
widely sufficient for determining asphalt modulus at high frequency. However, for the
mastercurve determination and its rheological parameters, viscoelastic approach of wave
propagation must be used by introducing attenuation parameters. The results obtained show
a complementarily with the studied approaches (mechanical, rheological, ultrasonic)
MOTS-CLÉS : Enrobés bitumineux, onde de compression, viscoélasticité, vitesse de
propagation, atténuation.
KEY WORDS:
Asphalt concrete, P- wave, viscoelasticity, wave velocity, attenuation.
XXXe Rencontres AUGC-IBPSA
1.
Chambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012
2
Introduction
L’utilisation des méthodes de caractérisation et de contrôle non destructifs est
en pleine expansion dans le domaine du génie civil. Parmi ces méthodes,
l’utilisation des techniques basées sur la propagation des ondes ultrasonores a déjà
fait ses preuves sur divers matériaux, notamment le béton. Ainsi, il est possible
d’identifier certaines caractéristiques mécaniques et d’établir des critères
quantitatifs et qualitatifs pour le suivi de la dégradation du matériau. L’usage de
ces techniques n’est pas autant répandu dans le domaine des chaussées, toutefois
leur potentiel est clairement démontré dans l’étude des matériaux bitumineux.
Utilisées en conditions in-situ sur des structures de chaussées, les ondes
ultrasonores permettent de mettre en évidence, la présence de fissures verticales
dans les couches supérieures et de déterminer leurs profondeurs [KHA 05] [KIM
03] ; évaluer la rigidité de ces couches [BAR 09] ; évaluer l’endommagement des
joints de chaussées [JIA 08] ; caractériser les performances acoustiques de la
couche de revêtement [BIL 09].
Par ailleurs, des mesures de la vitesse de propagation et de l’atténuation en
laboratoire permettent : d’aboutir à une bonne corrélation avec certaines
caractéristiques micro-structurelles du matériau (densité, volume des vides [JIA
06], teneur en eau [BIR 03], optimum de bitume [ARA 09]) ; de mettre en évidence
l’anisotropie [JUR 08] induite par le mode de mise en œuvre et le phénomène de
ségrégation [IN 09] ; fournir, par association à des essais mécaniques, une
estimation de la durée de vie en fatigue [TIG 04] ; plus récemment, on note un
grand intérêt de recherche pour la détermination des propriétés mécaniques des
enrobés bitumineux notamment le module complexe [DIB 09] [RYD 09] [NOR 10].
Dans ce travail, nous proposons, par une analyse temporelle de la propagation
d’onde de compression, une détermination du module complexe d’un enrobé BBC
0/6. Cette analyse conduit à l’identification de deux paramètres de la propagation,
la vitesse de groupe et l’atténuation. Dans un premier temps, ces deux paramètres
permettent de déterminer le module de l’enrobé à haute fréquence par deux
approches (élastique et viscoélastique) qui sont ensuite discutées. La suite du travail
montre l’intérêt de prendre une hypothèse viscoélastique dans le calcul du module
complexe. En effet, en s’appuyant sur cette dernière, les parties réelle et imaginaire
du module ainsi que la phase, sont exprimées à haute fréquence. Une confrontation
entre les résultats obtenus par l’essai ultrasonore et par un essai de module
complexe mécanique dans le plan de Cole-Cole et l’espace de Black montre le
potentiel complémentaire des essais ultrasonores notamment dans la détermination
des paramètres de calage des modèles rhéologiques en particulier le module vitreux
E0. Tous ces résultats sont confortés par le modèle rhéologique 2S2P1D [DIB 09].
2.
Matériau et protocole expérimental
Etude de la propagation d’ondes ultrasonores dans les matériaux bitumineux
3
L’enrobé étudié dans ce travail est un enrobé de type classique formulé par le
LRPC d’AUTUN (71) nouvellement IFSTAR depuis 2011. Sa courbe
granulométrique est continue et de granulométrie 0/6 mm. Le liant utilisé est un
bitume 35/50 dont la teneur dans le matériau est de 6,85 ppc.
Le dispositif de mesures ultrasonores est constitué : d’une carte de génération de
formes d’onde arbitraires (sinus, dirac, sweep) avec réglage de la fréquence ; un
couple de transducteurs piézoélectriques résonnant entre 100 et 400 kHz (émetteur /
récepteur) ; un préamplificateur analogique 40 dB ; une carte d’acquisition et de
numérisation (40 MHz) ; un logiciel de traitement et d’analyse des signaux.
Les essais ultrasonores peuvent être réalisés en mode transmission ou réflexion
dans le but de déterminer les paramètres (vitesse, atténuation, …) caractérisant la
propagation de l’onde dans le matériau étudié. Dans le cas des matériaux
bitumineux dont l’atténuation est très importante et augmente sensiblement avec la
température, le mode transmission se montre plus judicieux. Les signaux ainsi
obtenus peuvent être analysés dans le domaine temporel ou fréquentiel. Dans le cas
d’une analyse temporelle, la détermination de la vitesse de groupe est généralement
obtenue par la mesure du temps de vol du paquet d’onde entre l’émetteur et le
récepteur pour une distance de parcours connue. Cependant, une correction par
rapport au temps de retard dans le système de mesure est nécessaire. Par ailleurs, la
prise en compte du signal d’impulsion comme référence ne permet pas une
détermination correcte de l’atténuation, en effet le signal ne prend pas en compte
l’effet de la réflexion émetteur / éprouvette et ne représente pas une réponse du
matériau. Ainsi, pour une détermination judicieuse de la vitesse et de l’atténuation,
il est nécessaire de travailler sur des signaux de réception à différentes distances de
parcours. Le comportement des enrobés bitumineux étant dépendant de la
fréquence, une analyse fréquentielle des signaux se montrerait intéressante. Ainsi,
la détermination des paramètres de propagation donnerait lieu à une vitesse de
phase et une atténuation complexe. L’obtention des ces résultats passe par l’analyse
de deux signaux cohérents ayant traversé le matériau pour deux distances de
propagation différentes.
Pour étudier la thermo-sensibilité des matériaux bitumineux, il est nécessaire de
déterminer les paramètres de propagation à différentes températures. Ainsi, deux
plans d’expérience sont envisageables dans le cadre d’un essai en transmission. La
première approche consiste à mesurer les signaux sur une éprouvette de longueur
L2 à différentes températures puis recommencer ces mesures en ayant découpé
l’éprouvette à une longueur L1 (L1<L2). L’analyse conjointe des signaux
enregistrés pour chaque température permet de calculer les paramètres de
propagation. L’avantage majeur de cette configuration est de porter l’analyse sur
des signaux ayant traversés la même éprouvette. Cependant, ceci implique
d’éventuels problèmes de reproductibilité des conditions thermiques et double le
temps d’essai. La deuxième approche consiste, quant à elle, à considérer deux
éprouvettes de longueurs différentes issues d’une même éprouvette initiale. Ces
dernières seront soumises simultanément aux paliers de température pour mesurer
XXXe Rencontres AUGC-IBPSA
Chambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012
4
les signaux servant à l’identification des paramètres de propagation en supposant
un chemin de parcours L1 équivalent pour les deux éprouvettes considérées comme
jumelles.
Dans notre expérience, nous avons choisi la longueur L2 comme étant la
distance la plus défavorable pour l’acquisition d’un signal exploitable (température
la plus haute). Nous avons également considéré une éprouvette de longueur L1
inférieure à L2. L’objectif étant de réaliser entièrement l’approche 2 tout en
pouvant ultérieurement vérifier les résultats par l’approche 1 (les signaux
enregistrés pendant l’approche 2 à la longueur L2 la plus grande peuvent servir de
référence une fois l’éprouvette raccourcie pour finaliser l’approche 1). Dans la
présente étude, la longueur L2 est égale à 93 mm et L1 à 44 mm. Les températures
de l’essai varient entre 40°C à -20°C avec un pas de 5°C de 40°C à 0°C puis un pas
de 10°C de 0°C à -20°C.
Figure 1. Schéma de principe de l’essai ultrasonore.
3.
Traitement et analyse des signaux
La vitesse de groupe correspond à la vitesse du paquet d’onde. Pour la calculer,
plusieurs méthodes sont applicables comme (i) la différence temporelle entre le
premier décrochement de zéro de deux signaux différents, cette méthode est
dépendante du rapport signal / bruit (ii) la différence entre les pics des signaux
(positifs ou négatifs). La méthode choisie ici est la différence entre les pics positifs
(figure 2). De plus, une analyse menée avec les pics négatifs a donné des résultats
similaires. La vitesse de groupe de l’onde de compression (Vg,p) exprimée en m/s
correspond au rapport de la différence de parcours (∆L) et de la différence des
temps d’arrivée (∆t).
Dans le cadre d’une détermination des valeurs du module à différentes
températures, il est nécessaire d’attribuer à chaque couple vitesse / atténuation une
fréquence de référence. Pour cela, une transformée de Fourier est appliquée sur le
premier paquet d’onde (figure 2 (b)). Sur l’analyse spectrale des signaux reçus pour
les longueurs L1 et L2, nous observons un effondrement de l’amplitude maximale
Etude de la propagation d’ondes ultrasonores dans les matériaux bitumineux
5
du signal et un décalage du pic fréquentiel vers les basses fréquences. Ces
observations sont caractéristiques du phénomène d’atténuation des ondes qui peut
trouver son origine dans la dissipation thermique (effet visqueux), dans la diffusion
(interaction avec les hétérogénéités) et l’étalement géométrique du signal. Pour la
suite de l’étude, la fréquence considérée sera celle du signal L1 représentant
l’émission fictive.
Amplitude maximale signal L1
10
Amplitude (V)
Amplitude maximale signal L2
5
5
0,18
4
0,16
3
0,14
2
0,12
1
0
0
-1
-5
-2
-3
-10
-15
1,10E-04
∆t
1,20E-04
1,30E-04
-4
1,40E-04
Temps (s)
1,50E-04
1,60E-04
-5
1,70E-04
Amplitude FFT
15
Fréquence centrale
signal L1
Fréquence centrale
signal L2
0,1
0,08
0,06
0,04
0,02
0
0
100000
(a)
200000
300000
Fréquence (Hz)
400000
500000
(b)
Figure 2. Principes de détermination des amplitudes maximales, des temps
d’arrivée (a) et des fréquences centrales de pics positifs des signaux (b).
Comme pour la vitesse de groupe, plusieurs méthodes sont disponibles pour
calculer l’atténuation : (i) en analyse temporelle, le rapport des pics d’amplitude
positifs ou négatifs (figure 2 (a)), ou le rapport de la différence de ces deux
derniers ; (ii) en analyse fréquentielle, le rapport des amplitudes des transformées
de Fourier pour une fréquence donnée ou le rapport des densités spectrales [JIA
08]. Rapporté sur les différences des distances de parcours des deux signaux,
l’atténuation α s’exprime en Np/m. Ces techniques de calcul d’atténuation donnent
les mêmes valeurs, ici l’atténuation a été calculée, dans le domaine temporel, par
le rapport des pics positifs avec la formule suivante [1].
𝑙𝑛
𝛼𝑈𝑆 =
𝐴𝑚𝑝𝑙𝑖𝑡𝑢𝑑𝑒 𝑚𝑎𝑥𝑖𝑚𝑎𝑙𝑒 𝑆𝑖𝑔𝑛𝑎𝑙 1
𝐴𝑚𝑝𝑙𝑖𝑡𝑢𝑑𝑒 𝑚𝑎𝑥𝑖𝑚𝑎𝑙𝑒 𝑆𝑖𝑔𝑛𝑎𝑙 2
Δ𝐿
[1]
Différentes relations existent pour la représentation de l’atténuation en fonction
des différents phénomènes la composant. L’atténuation due au caractère visqueux
du matériau varie de manière linéaire avec la fréquence tandis que la diffusion peut
prendre différentes formes en fonction de la longueur d’onde considérée. En effet,
XXXe Rencontres AUGC-IBPSA
Chambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012
6
en fonction de cette dernière, différents domaines de diffusion sont possibles
(Rayleigh, stochastique, rétro-diffusion).
4.
4.1.
Détermination du module complexe
Différentes expressions du module
Pour déterminer la valeur du module complexe, deux hypothèses sont possibles.
On peut faire l’hypothèse de la propagation d’onde dans un milieu élastique ou
viscoélastique. Nous allons proposer une confrontation de ces deux hypothèses
utilisées à haute fréquence. Notre étude expérimentale est basée sur la propagation
d’onde de compression. Cependant, il est nécessaire de faire propager une onde de
cisaillement pour remonter au coefficient de Poisson. Pour cela, nous considérons
un coefficient de Poisson constant égal à 0.36.
L’équation générale de la propagation des ondes en deux dimensions dans un
milieu élastique donne l’expression du module en fonction de la vitesse de groupe
[2]. Le module ainsi calculé à haute fréquence fait abstraction du comportement
visqueux de l’enrobé.
𝐸=
2
𝑉𝑔,𝑝
⋅ 𝜌 ⋅ 1 + 𝜈 ⋅ (1 − 2𝜈)
(1 − 𝜈)
[2]
En reprenant l’équation de propagation des ondes en deux dimensions et en
introduisant une solution viscoélastique [3] [BOU 86], il est alors possible de
déterminer l’atténuation visqueuse [4] et la vitesse de propagation des ondes de
compression [5] et ainsi d’exprimer le module complexe [6] en fonction de ces
deux paramètres.
𝑢 𝑥, 𝑡 = 𝑢0 ∙ 𝑒
𝛼𝑣𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒𝑢𝑥
,𝑝
𝑉𝑔 ,𝑝 =
=𝜔∙
𝜌∙
−𝛼 𝑣𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒𝑢𝑥 𝜔 0 𝑥
∙ 𝑒 −𝑖
𝜔 0 𝑡−𝑘𝑥
𝜌 ∙ 𝐸 ∗ − 𝐸1 ∙ 1 + 𝜈 ∙ 1 − 2𝜈
2 𝐸∗ 2 ∙ 1 − 𝜈
𝐸∗
2 ∙ 𝐸∗ 2 ∙ 1 − 𝜈
− 𝐸1 ∙ 1 + 𝜈 ∙ 1 − 2𝜈
[3]
[4]
[5]
Etude de la propagation d’ondes ultrasonores dans les matériaux bitumineux
𝐸∗ =
4.2.
7
2 ⋅ 𝜌 ⋅ 1 + 𝜈 ⋅ (1 − 2𝜈)
2 ⋅ 𝛼𝑣𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒𝑢𝑥 2
2
+ 2 ⋅ 1−𝜈
𝜔2
𝑉𝑔,𝑝
[6]
Courbes maitresse de l’enrobé
Un essai de module complexe par flexion sinusoïdale a été réalisé par le LRPC
d’Autun sur des éprouvettes trapézoïdales de notre matériau [NF 93]. Cet essai a
fourni toutes les caractéristiques mécaniques permettant de faire les représentations
courantes d’un essai de module complexe. Le matériau étant thermorhéologiquement simple, sa courbe maitresse a pu être tracée après la détermination
des coefficients C1 et C2 permettant de calculer les coefficients de translation aT
[CHA 06]. La température de référence choisie pour cette représentation est 15°C.
Le modèle rhéologique 2S2P1D a également été ajusté sur la courbe maitresse
expérimentale prédisant ainsi les valeurs de module à des fréquences non
accessibles avec la courbe maitresse expérimentale. Ainsi, nous disposons, pour les
fréquences ultrasonores, des informations (E*, E* = E1 + iE2) nécessaires pour
calculer les valeurs théoriques de la vitesse et de l’atténuation visqueuse par
l’utilisation des équations de propagation dans un milieu viscoélastique [4,5].
Comme attendu, on voit une augmentation de l’atténuation avec la température
(figure 3 (a)). La comparaison des résultats expérimentaux US avec ceux obtenus
par le modèle 2S2P1D montre une allure générale similaire. Cependant, les
valeurs de l’atténuation expérimentale US prennent en compte tous les facteurs
impliquant de l’atténuation alors que la formule théorique considère uniquement en
compte l’atténuation visqueuse. En effet, en procédant à une soustraction entre les
deux courbes, on constate que cette différence est sensiblement la même pour les
différentes températures (20 Np/m). De ce fait, on peut affecter cette part
d’atténuation à l’effet de l’interaction onde / hétérogénéités (granulats) qui ne varie
pas dans le cas présent en fonction de la température. En effet, les calculs montrent
que la longueur d’onde est constante aux alentours de 15 mm. Celle-ci nous place
dans une atténuation dite de Rayleigh avec λ supérieur au diamètre caractéristique
des grains [CHE 08]. Pour la suite de l’étude, les valeurs expérimentales de
l’atténuation obtenues par l’essai ultrasonore seront toutes corrigées par cette
constante dans le but d’exprimer une atténuation purement visqueuse.
Dans ce paragraphe, on se propose de confronter les résultats de modules
obtenus avec les deux hypothèses (élastique et viscoélastique). La figure 3 (b)
montre une très bonne concordance entre ces dernières. En effet, à haute fréquence
le matériau devient très rigide, il perd ainsi de son caractère visqueux ce qui
explique les faibles différences entre les deux hypothèses. Par ailleurs, en analysant
l’équation [4], on remarque que les faibles valeurs d’atténuation rapportées aux
valeurs élevées de la fréquence tendent vers un rapport zéro ce qui entraine une
simplification vers une écriture purement élastique.
XXXe Rencontres AUGC-IBPSA
40
Atténuation
expérimentale US
Atténuation modèle
2S2P1D
Longueur d'onde
30
25
30
20
15
20
10
10
Longueur d'onde (mm)
Atténuation (Np/m)
40
35000
35
5
0
-20
0
20
Température (°C)
40
30000
y = 0,9991x
R² = 1
25000
20000
15000
15000
0
-40
Module visco-élastique (MPa)
60
50
8
Chambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012
60
20000
(a)
25000
30000
Module élastique (MPa)
35000
(b)
Figure 3. (a) Evolution de l’atténuation théorique et expérimentale, de la
longueur d’onde expérimentale en fonction de la température (b) Comparaison
entre approche élastique et viscoélastique.
Inspiré par la littérature [DIB 09] [NOR 10], les modules complexes calculés
par l’essai ultrasonore aux différentes températures ont été placés sur la courbe
maitresse expérimentale à leur fréquence d’essai. Puis en appliquant le principe de
superposition temps-température en utilisant le coefficient de translation aT
déterminé avec l’essai mécanique de module complexe, une translation des
modules obtenus à hautes fréquences a été réalisée. On obtient donc des modules
complexes équivalents qui viennent se placer sur la courbe maitresse expérimentale
(figure 4). Le graphique montre un bon agrément des modules équivalents avec la
courbe maitresse expérimentale ainsi qu’avec le modèle 2S2P1D.
1,E+05
E0 - E00
k
h

E00
Module Complexe (MPa)
Modèle 2S2P1D
1,E+04
Courbe maitresse expérimentale
Modèle 2S2P1D
1,E+03
Module complexe US
Module US équivalent
1,E+02
1,E-04
1,E-02
1,E+00
1,E+02
1,E+04
1,E+06
Fréquence équivalente (Hz)
1,E+08
1,E+10
Etude de la propagation d’ondes ultrasonores dans les matériaux bitumineux
9
Figure 4. Courbes maitresses du matériau à la température de référence de
15°C obtenues par : essais mécaniques, modélisation rhéologique 2S2P1D et
mesures ultrasonores.
A ce stade de l’étude, nous avons démontré la viabilité des mesures ultrasonores
pour la détermination du module complexe à haute fréquence. Ce module ne peut
être utilisé dans le cadre d’un dimensionnement des chaussées mais peut être
considéré comme paramètre indicateur de l’endommagement du matériau sous
sollicitations mécaniques et / ou physicochimiques.
Pour une température de référence de 15°C (température de dimensionnement
des structures de chaussées), la translation des modules ultrasonores atteint des
fréquences aux alentours d’une centaine de Hertz. En réalisant des mesures
supplémentaires pour des températures supérieures à 40°C, il est tout à fait
imaginable d’atteindre la gamme de fréquence de l’essai mécanique de module
complexe.
Deux perspectives d’utilisation des données ultrasonores dans le cadre de
l’étude des courbes maitresses sont envisageables :
- une détermination des paramètres de calage des modèles rhéologiques à haute
fréquence ce qui réduirait le nombre d’essais mécaniques à réaliser et permettrait
d’associer une analyse physique à ces paramètres, c’est cette perspective qui va être
réalisée dans la suite de l’étude.
- une détermination de la courbe maitresse comme montré précédemment. Pour
l’analyse temporelle, cette translation est réalisée avec le coefficient de translation
aT déterminés par l’essai mécanique notamment grâce à la phase. Une analyse
fréquentielle des signaux permettrait d’obtenir des isothermes de vitesse et
d’atténuation qui induirait des isothermes de E* à haute fréquence. Si le principe
d’équivalence temps température est applicable pour ces isothermes sa mise en
œuvre reste tributaire de la bonne détermination de la phase. Cette dernière peut
être déterminée par association de la vitesse et de l’atténuation permettant
d’exprimer les parties réelle et imaginaire du module complexe aux différentes
fréquences [7].
𝐸1 =
8 ∙ 𝜌 2 ∙ 1 + 𝜈 ∙ (1 − 2𝜈)
− 𝐸∗
2 ∙ 𝛼𝑣𝑖𝑠𝑞𝑢𝑒𝑢𝑥 ,𝑝 2
2
2
𝑉𝑔 ∙ 𝜌 ∙
+ 2 ∙ 1−𝜈
𝜔2
𝑉𝑔,𝑝
[7]
𝐸2 =
𝐸∗
2
− 𝐸12
XXXe Rencontres AUGC-IBPSA
4.3.
10
Chambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012
Détermination des paramètres des modèles rhéologiques
La représentation dans le plan de Cole-Cole (figure 6) sert au calage des
paramètres des modèles rhéologiques dont 2S2P1D comme h et k ainsi que les
valeurs de E0 et E00 (figure 5). Cependant, leur détermination n’est pas précise
parce qu’elle nécessite une extrapolation des résultats de l’essai mécanique, sur la
figure 6 l’apport des mesures ultrasonores est présenté.
Les valeurs obtenues avec l’essai ultrasonore montrent une tendance similaire
aux résultats expérimentaux mécaniques ainsi qu’au modèle malgré une dispersion
des résultats plus importante. Cette dispersion peut être expliquée par le fait que le
coefficient de Poisson choisi est constant et égal à 0,36. Des études récentes ont
démontré la variabilité de ce dernier en fonction de la température et de la
fréquence [CLE 10]. Par ailleurs, cette dispersion peut être réduite en optant pour
l’approche 1 en utilisant une éprouvette unique.
3000
Partie imaginaire du module complexe E2 (MPa)
Modèle 2S2P1D
Données mécaniques
2500
Données US
2000
E0
1500
1000
k/2
500
0
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
Partie réelle du module complexe E1 (MPa)
Figure 6. Représentation dans le plan de Cole-Cole des résultats ultrasonores.
La tangente à la courbe des données mécaniques à haute fréquence dans le plan
de Cole-Cole permettant de définir le paramètre k passe par le nuage de points
formé par les données ultrasonores. De plus, les points expérimentaux ultrasonores
atteignent des valeurs du couple E1 / E2 difficilement accessibles par les essais
mécaniques. Ces valeurs permettent ainsi d’identifier une valeur expérimentale du
paramètre E0 (module vitreux). Ce paramètre décrit la qualité de la formulation (en
termes de module) notamment de l’arrangement granulaire. Il peut aussi être
identifié sur la représentation de l’espace de Black. En effet, pour une phase
tendant vers zéro, la part imaginaire tend également vers zéro et le module
complexe se rapproche du module vitreux (figure 7). Par ailleurs, l’enjeu du calcul
de la phase ultrasonore offre la possibilité de déterminer les coefficients de
translation C1 et C2 sans passer par l’essai mécanique.
Etude de la propagation d’ondes ultrasonores dans les matériaux bitumineux
11
30
Modèle 2S2P1D
25
Données US
Données expérimentales
Angle de phase (°)
20
15
E0,US
10
5
0
2000
7000
12000
17000
22000
Module complexe (MPa)
27000
32000
37000
Figure 7. Représentation de l’espace de Black à haute fréquence.
5.
Conclusions et perspectives
A travers cette étude, nous avons proposé, par le biais de mesures ultrasonores,
une caractérisation des propriétés mécaniques d’un enrobé bitumineux qui
dépendent à la fois de la température et de la fréquence. Deux paramètres sont ainsi
mesurés, la vitesse de propagation et l’atténuation avec deux possibilités d’analyse
(domaines temporel et fréquentiel). L’analyse temporelle des résultats obtenus par
les essais ultrasonores nous conduit aux conclusions suivantes :
-
Il est possible de faire une bonne détermination des modules à haute
fréquence. Pour les gammes de fréquences ultrasonores, l’effet visqueux est
négligeable ainsi l’écriture viscoélastique tend vers une écriture purement
élastique. Pour une simple détermination de module, la mesure de
l’atténuation n’est pas nécessaire. Ces valeurs de modules peuvent être
considérées comme un indicateur de suivi de l’endommagement.
-
La reconstruction de la courbe maitresse avec les données ultrasonores, par
une analyse temporelle des signaux, nécessite néanmoins toujours
l’utilisation du coefficient de translation a T obtenu par les essais
mécaniques.
-
Les représentations des résultats dans le plan de Cole-Cole et l’espace de
Black montrent un bon agrément entre valeurs expérimentales mécaniques,
modèle rhéologique 2S2P1D et valeurs expérimentales ultrasonores. Ces
dernières permettraient à une amélioration de l’identification du module
vitreux E0. La détermination des parties réelles et imaginaires du module
complexe passe par l’introduction du paramètre d’atténuation. Ce dernier
XXXe Rencontres AUGC-IBPSA
Chambéry, Savoie, 6 au 8 juin 2012
12
nécessite cependant une correction vis-à-vis du phénomène de diffusion de
l’onde. Cette correction peut être quantifiée en multipliant les essais sur des
compositions granulométriques différentes et / ou par une analyse
numérique.
Ce travail préliminaire ouvre plusieurs perspectives intéressantes à conforter
avec des mesures supplémentaires notamment la propagation des ondes de
cisaillement pour l’étude de la variabilité du coefficient de Poisson en fonction de la
température et de la fréquence. Par ailleurs, pour une utilisation indépendante des
données ultrasonores pour la reconstruction de la courbe maitresse, nous
envisageons de porter l’analyse dans le domaine fréquentiel dont le défi majeur est
l’applicabilité du principe d’équivalence temps température avec une identification
précise de la phase. Dans le cadre d’une future campagne expérimentale, les deux
approches (1 et 2) seront menées en parallèles dans le but de vérifier l’origine des
dispersions observées.
Nous remercions les membres du LRPC d’Autun pour la réalisation des essais
de module complexe et la mise à disposition des résultats ainsi que du matériau
d’étude.
6.
Bibiographie
[ARA 09] ARABANI M., KHEIRY P.T., FERDOSI B., Laboratory evaluation of the effect of HMA
mixt parameters on ultrasonic pulse wave velocity, RMPD, vol. 10, n°1, 2009, p. 223232
[BAR 09] BARNES C.L., TROTTIER J.F., Evaluating in-service asphalt concrete damage using
surface waves, International Journal of Pavement Engineering, 2009
[BIL 09] BILIGIRI K.P., KALOUSH K.E., Prediction of pavement material’s impedance using
pulse velocity, RMPD, vol. 10, n°4, 2009, p. 767-787
[BIR 03] BIRGISSON B., ROQUE R., PAGE G.C., Ultrasonic pulse wave velocity test as tool for
monitoring changes in HMA mixture integrity due to exposure to moisture,
Transportation Research Board Meeting, 2003
[BOU 86] BOURBIE T., COUSSY O., ZINSZNER B., Acoustique des milieux poreux, Editions
Technip, 1986, p. 107
[CHA 06] CHAILLEUX E., RAMOND G., SUCH C., DE LA ROCHE C., A mathematical-based
master-curve construction method applied to complex modulus of bituminous materials,
RMPD, 2006, p. 75-92
[CHE 08] CHEKROUN M., Caractérisation mécanique des premiers centimètres du béton avec
des ondes de surface, Thèse de Doctorat, 2008
Etude de la propagation d’ondes ultrasonores dans les matériaux bitumineux
13
[CLE 10] CLEC’H P., SAUZÉAT C., DI BENEDETTO H., Linear viscoelastic behavior and
anisotropy of bituminous mixture compacted with a French Wheel compactor, Second
GeoShanghai International Conference, p. 10, 2010
[DIB 09] DI BENEDETTO H., SAUZÉAT C., SOHM J., Stiffness of bituminous mixtures using
ultrasonic wave propagation, RMPD, vol. 10, n°4, 2009, p. 789-814
[IN 09] IN C.W., KIM J.Y., KURTIS K. E., JACOBS L.J., Characterization of ultrasonic Rayleigh
surfaces waves in asphaltic concrete, NDT&E International, n°42, 2009, p. 610-617
[JIA 06] JIANG Z.Y., PONNIAH J., CASCANTE G., Improved ultrasonic pulse velocity technique
for bituminous material characterization, Annual Conference of the transportation
Association of Canada, 2006
[JIA 08] JIANG Z.Y., PONNIAH J. CASCANTE G., Field condition assessment of longitudinal
joints in asphalt pavements using seismic wave technology, Annual Conferecne of the
Transportation Association of Canada, 2008
[JUR 08] Jurado M., Quantifying anisotropy in asphalt concrete pavements using an
ultrasonic method, Ph.D, University of Texas, 2008
[KHA 05] KHAZANOVICH L., VELASQUEZ R., NESVIJSKI E. G., Evaluation of top down cracks
in asphalt pavements by using a self-calibrating ultrasonic technique, Journal of
Transportation Research Board, n° 1940, 2005, pp. 63-68
[KIM 03] KIM Y.R, UNDERWOOD S., Determination of depth surface cracks in asphalt
pavements, Transportation Research Board Annual meeting, 2003
[NF 92] NF P98-260-2, Essais relatives aux chaussées – Mesures des caractéristiques
rhéologiques des mélanges hydrocarbonés – Partie 2 : Détermination du module
complexe par flexion sinusoïdale, 1992
[NOR 10] NORAMBUENA-CONTRERAS J., CASTRO-FRESNO D., VEGA-ZAMANILLO A., CELAYA
C., LOMBILLO-VOZMEDIANO I., Dynamic modulus of asphalt mixture by ultrasonic direct
test, NDT&E International, n°43, 2010, 629-634
[RYD 09] RYDEN N., Determining the asphalt mastercurve from free-free resonant testing
on cylindrical samples, NDTCE, 2009
[TIG 04] TIGDEMIR M., KALYONCUOGLU S.F., KALYONCUOGLU U.Y., Application of
ultrasonic method in asphalt concrete testing for fatigue life estimation, NDT&E
International, n°37, 2004, p. 597-602