Bibliothèque et Musée Arbaud - Lettre d`information des patrimoines
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Bibliothèque et Musée Arbaud - Lettre d`information des patrimoines
Bibliothèque et Musée Arbaud Bernard Mille, président de l’Académie L’Académie des Sciences, Agriculture, Arts et Belles-Lettres d’Aix a le privilège d’exercer une mission de conservation concernant d’une part une bibliothèque et d’autre part un musée, l’un et l’autre situés dans l’hôtel Arbaud au cœur du quartier Mazarin d’Aix-en-Provence. Celles et ceux qui ont franchi le seuil de ce cabinet de curiosités savent quelle atmosphère particulière se dégage des lieux que cette présentation essaiera d’évoquer. La Bibliothèque L’Académie, au temps où elle n’était pas encore installée au 2A rue du 4 septembre, à Aix disposait d’une bibliothèque. Les diverses délibérations dont se font écho les comptes-rendus de séances évoquaient parfois le délicat problème de son implantation jusqu’au jour où, après de nombreuses sollicitations, elle put être hébergée dans un appartement du Musée de la ville. Les Académiciens s’étaient constitué, comme on peut l’imaginer, une petite collection d’ouvrages susceptibles d’enrichir leurs connaissances et de faciliter leurs recherches. Il fut donc absolument providentiel que Paul Arbaud leur léguât non seulement sa propre bibliothèque mais aussi un lieu où installer définitivement la leur. Le généreux donateur s’étant privé d’acheter des ouvrages, dans sa jeunesse pour des raisons budgétaires, avait rattrapé son retard lorsqu’il bénéficia de l’héritage paternel et cet apport fut précieux à tous les sens du terme. C’est cette heureuse évolution dans le temps, prolongée par des donations diverses qui nous vaut aujourd’hui la grande satisfaction de pouvoir offrir à un public cultivé une aussi riche documentation. Mais de quoi se compose donc cette collection ? Pour ce qui est de notre région des manuscrits reliés du XII° au XX° siècle émanent du Parlement, de la Cour des Comptes d’Aix, d’institutions nombreuses et variées, provençales ou plus généralement méridionales, de familles, de communautés, de confréries. Bulle du pape Clément III - 1188 au chapitre de N.D. de la Major Marseille Cl. B. Mille Article de paix 1257 entre Béatrix et recteurs de Marseille Cl. B. Mille N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 1 S’ajoutent à cela des monographies de localités ou d’édifices, des biographies, des manuscrits littéraires et scientifiques et d’importants documents maçonniques qui sont une ressource de première qualité pour les chercheurs. Plus de six mille documents sont rassemblés dans des dossiers. Les informations qu’ils comportent donnent de précieux éclairages sur les familles, les communes et communautés, les diverses institutions, les arts et les métiers, souvent ces articles sont d’ailleurs annotés. Des fonds d’archives privées et des notes d’érudits ont été légués à l’Académie enrichissant encore la collection dans son orientation régionale. Lucas de Montigny a par exemple fait don d’une grande partie des archives de la famille Mirabeau. Sont venus en suite les legs, d’importance variable, de Garcin de Tassy, Cabantous, Pontier, Maurin, du chanoine Mille, de Robineau, Lenfant, Albertas, Ruffi et Augustin Fabre. On ne compte plus les brochures sur divers sujets et les pièces rares. Une impressionnante quantité d’ouvrages imprimés dont la richesse s’étend, au-delà du contenu, aux reliures de provenances variées portent des armes royales ou de grandes familles provençales comme étrangères. Il convient de rappeler que la passion de Paul Arbaud s’étendait aussi aux reliures de livres et qu’il en a fait réaliser par les meilleurs maîtres parisiens. On peut citer de superbes réalisations de Lortic, père et fils. Il Gran Tamerlano1746 Cl. B. Mille Frédéric Mistral - La Reine Jeanne 1890 Cl. B. Mille Commentaires de l’œuvre de Jules César aux Armes d’Henri III – 1560 Cl. B. Mille D’ailleurs, dans le numéro de mars 1888 de la revue Felibrige, Mistral décrivait ainsi la collection de livres de Paul Arbaud qu’il nommait « Galarié Arbaudenco » : « dans son hôtel princier, à Aix, au quartier des nobles, M. Arbaud réunit depuis de longues années tout ce qui s’est imprimé en langue provençale depuis l’invention de l’imprimerie, tout ce qui s’est écrit sur la Provence et son histoire et tout ce qu’ont produit les fils de la Provence en quelque langue que ce soit. Et ce qu’il y a de plus beau, tout cela est revêtu de reliures fines d’un prix inestimable. Chaque année, il faut le dire, le généreux provençaliste emploie un argent fou à acheter tout ce qui concerne la cause provençale et à faire relier richement et dignement les livres rarissimes concernant la Provence qu’il déniche un peu partout ». N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 2 Mistral insistait sur tout ce qui relevait de la région et quand on connaît son combat on comprend mieux cet intérêt local, m ais la collection s’étend aussi à l’histoire générale, ancienne, littéraire, à l’histoire de France aux beaux-arts, à l’archéologie, à la théologie et à la géographie, au droit, au théâtre, à l’art militaire… Paul Arbaud avait acquis la majeure partie de la bibliothèque provençale de Joseph Laurent de Crozet. Après Paul Arbaud les dons qui ont augmenté la collection provenaient : - du Baron Guillibert - de l’abbé Davin - de Duranti de la Calade, éminent spécialiste de la culture hébraïque. Dédicace de Mistral à Paul Arbaud Cl. B. Mille Roger Marx la Loïe Fuller-Estampe modelée Pierre Roche Cl. B. Mille Petite Sirène d’Andersen Cl. B. Mille Il faut encore ajouter le fonds iconographique riche de cartes, de plans, de dessins de gravures qui représentent des monuments, des villes, des scènes historiques, des personnages. C itons encore les cartes postales, les photographies, les albums ! Une édition de la petite Sirène d’Andersen, illustrée par Henri Dobler, se présente dans toutes les étapes de sa création riches de corrections et de bons à tirer. Porte école française du XVII° siècle Cl. B. Terlay Dessin de Cauvet Cl. B. Terlay - projet pour les Thermes d’Aix Nadar - Photo de Zola Cl. B. Terlay Concernant le fonds relatif à la presse locale, Dominique Mazel, conservatrice et membre titulaire de l’Académie d’Aix se livrait à cette analyse des richesses accumulées : «… pour Aix : l’Auréole, le Boa, le Chérubin, le Cygne, le Diablotin d’Aix, l’Escholier, le Grognon provençal (journal satirique…mais honnête) -pour Marseille : la Gueuse parfumée. A noter : l’abondance des journaux et revues en provençal, représentative de l’influence du Félibrige. Les périodiques du Musée-bibliothèque constituent une collection figée, mais patrimoniale, qui témoigne de N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 3 l’abondance et du dynamisme de la presse au XIXème siècle, tant au niveau régional que national. Aussi les revues vivantes n’y sont-elles pas nombreuses : si un titre comme Provence historique est poursuivi, c’est bien évidemment dans le souci de maintenir une information scientifique de qualité sur le territoire déjà représenté. » Comme le déclarait en 1929 M. Raimbault alors conservateur de l’Arbaudienne dans une communication « L’Arbaudenco n’est pas seulement un musée, c’est aussi une bibilothèque, destinée par la volonté de M. Arbaud aux véritables travailleurs et non aux simples lecteurs désireux de parer à l’ennui de leur oisiveté ou de leur retraite. » On savait donc à quoi s’en tenir ! Un tableau récapitulatif donnerait le profil suivant : 148 000 pièces, réparties selon la typologie documentaire suivante : - Manuscrits : 1790 - Livres : 26 000 (dont une réserve précieuse de 1200 exemplaires, de l’incunable aux ouvrages du début du XXème siècle) - Pièces : 23 000 - Dossiers d’archives (familles-communes-thèmes) : 53 000 - Patrimoine iconographique (gravures, photographies, cartes postales, cartes et plans, albums) : 15 000 - Publications académiques : Aix et autres académies publiant un bulletin : 3600 unités - Périodiques : 24 400 unités La nouvelle disposition des réserves et l’aménagement d’une salle de lecture intégrant les dernières innovations technologies vont permettre de faciliter le travail de recherche et de le rendre plus agréable. Les Académiciens sont reconnaissants à la D.R.A.C. (Direction régionale des affaires culturelles) qui a accompagné cette mutation exceptionnelle de ses conseils avisés et d’une aide financière appréciée. Ils associent à l’expression de leur gratitude les collectivités territoriales : région PACA, département des Bouches du Rhône, communauté du pays d’Aix et Commune d’Aix-en-Provence pour les subventions accordées sans lesquelles ce remarquable outil de travail qui va prochainement être mis en service n’aurait jamais pu être réalisé. Le Musée Arbaud L’Académie d’Aix, grâce à de généreux amis, s’était enrichie au cours de son histoire, de quelques œuvres d’art comme l’Allégorie de la fondation de l’Académie par Clerian. Elle a bénéficié ensuite de dons d’une importance variable que l’on situe au début du XX° siècle, legs de personnalités comme Melle Dosne, Henri Pontier ou le docteur Michel. Cependant, on imagine assez bien que, faute d’être implantée géographiquement de manière permanente dans la ville, elle n’eut pas l’ambition de se constituer une collection. Le testament de Paul Arbaud est venu modifier cette situation car il lui offrait, sur un plateau, en 1912, un véritable musée, parallèlement à la bibliothèque dont il a été question précédemment. A cela se sont donc ajoutés, après l’installation au 2 A rue du 4 septembre, d’autres legs comme ceux de la comtesse de Martel (la galerie de portraits de la famille Mirabeau) ceux du Dr Grobert (pièces en grès de Decoeur, de Simmen), de Mme Houillon (Faïences de Varages, Moustiers, Marseille) Ces apports successifs augmentés régulièrement grâce à la générosité d’académiciens ou d’amis de l’Institution ont constitué un fonds assez considérable. N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 4 L’hôtel particulier se présente comme un cabinet de curiosités tel qu’il en existait un certain nombre, autrefois, dans la ville. Malheureusement, ils ont tous disparu aussi l’hôtel Arbaud, témoin unique de ce riche passé, suscite l’intérêt des amateurs d’art. Dès l’entrée, la cage d’escalier donne le ton en raison de sa riche décoration et de la variété de ce qu’elle offre au regard. Les récents travaux accomplis pour consolider le bâtiment ont aussi permis de rénover la décoration du lanternon mettant en lumière les belles peintures qui le décorent et les verres teintés qui l’éclairent. Cl. B. Mille Cl. B. Mille Cl. B. Mille Le visiteur qui parcourt le musée sur les deux niveaux qu’occupe la collection exposée sera surpris par sa richesse. Si deux grandes salles du rez-de-chaussée ont été affectées aux séances de l’Académie et ne conservent d’éléments décoratifs que sur leur paroi ; au premier étage les chambres de Monsieur et de Madame et leurs antichambres, le bureau et le fumoir permettent de revivre l’époque faste de cette demeure où les invités étaient éblouis par la richesse et la diversité de ce qui leur était donné à voir. Les bibliothèques ayant gravi un étage, il est dans les intentions des Académiciens de rendre aux autres pièces leur lustre d’antan, ce qui est l’objectif de la deuxième phase de travaux envisagée si l’Académie trouve les moyens de réaliser cet objectif ambitieux. Ce qui pourra alors être découvert est très varié : Des sculptures que l’on évalue à 170 pièces. On peut citer à titre d’exemples : - pour le marbre, un buste de Mirabeau ou celui de Paul Arbaud par Henri Pontier. - pour la pierre, un saint Bernard, en pied, du Moyen-âge, et pour des périodes plus récentes un frontispice pour la maison de Gras, exécuté par Chastel (XVIII°). Saint Bernard Cl. B. Mille Chastel., Frontispice de Gras Cl. B. Mille N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 5 - en plâtre peint, le musée bénéficie d’une autre œuvre de Chastel, l’homme assassiné qui a été récemment restaurée. De nombreuses moulures en plâtre font partie du fonds du musée. - Pour le bronze, un bas-relief représentant l’Etude décore la cheminée monumentale du bureau de Paul Arbaud. Un grand nombre de statues dont certaines d’une grande finesse, constituent une très belle collection. Des reproductions de monuments de la ville d’Aix surprennent par leur précision. - Pour le bois, on mentionnera parmi d’autres, une statue de sainte Consorce, ex-voto de 1466 comportant l’écusson de la ville d’Aix, ou La mission de saint Dominique de J.C. Rambot (XVII° siècle). Sainte Consorce Cl. B. Terlay Rambot mission de St Dominique Cl. B. Terlay Tête de Christ Cl. B. Terlay Des objets mobiliers (peintures, meubles, objets d’art décoratif, archéologie, orfèvrerie, objets divers et exotiques) au nombre de 700 pièces. De l’Art graphique : Huiles, aquarelles, fusains (900 pièces) - La peinture est bien représentée avec une crucifixion du XVème siècle et une adoration des mages du XVIème siècle. Crucifixion Cl. B. Mille Adoration des mages Cl. B. Mille N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 6 A la faveur des travaux évoqués précédemment a été redécouverte une toile du XVII° siècle représentant la multiplication des pains. Et toujours dans le domaine religieux, on dénombre une Madeleine de Finsonius . Dans un genre plus profane on peut citer le portrait de Peiresc, attribué lui-aussi à Finsonius et des autoportraits de Granet, Arnulphy, Constantin, un portrait de la Mère de Puget par son fils, et pour un passé moins lointain deux tableaux d’Henri Rousseau dont le portrait du chef des Beni Sassem. Le musée détient aussi quelques peintures sur support de verre. Cl. B. Mille Cl. B. Mille - Pour les dessins ou esquisses la collection comporte des œuvres de Daret, Routier, Van Loo, Granet, Fragonard… Esquisse de Daret Cl. B. Mille Esquisse de Daret Cl. B. Mille Esquisse de Routier père Cl. B. Mille N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 7 Des meubles qui se déclinent dans de nombreuses versions comme une armoire provençale de mariage, un guéridon à trois pieds en noyer marqueté ou encore une crédence et les nombreux miroirs ; sans compter les belles bibliothèques dites traversiers, incrustées de pierres. Cl. B. Terlay Cl. B. Terlay Cl. B. Terlay Les murs sont habillés de tentures de bourre de soie tissées spécialement ; les patrons ont d’ailleurs ensuite été détruits. Des faïences et céramiques (500 pièces). Paul Arbaud découvrit la faïence que l’on négligeait alors au profit de la porcelaine lors de ses séjours dans le château que sa famille possédait dans les Alpes de Haute Provence. Il collectionna donc des Moustiers de grand feu aux décors en camaïeu bleu de cobalt à thèmes de chasse inspirés de Tempesta. Il y ajouta des pièces plus tardives dites au petit feu car le décor aux couleurs plus variées y était fixé par cuisson sur un émail déjà cuit. Son intérêt se porta aussi sur la faïence de Marseille aux teintes délicates et aux formes assez souvent festonnées correspondant à des commandes effectuées jadis par des nobles ou bourgeois enrichis par le commerce. Les influences sont variées pour la décoration, empruntées aux faïenciers du nord, à Bérain ou Pillement, à la culture antique ou à la Chine. Il faut y ajouter des pièces provenant de Varages, d’Allemagne, du Castelet, d’Apt, de Strasbourg, de Savone… Cl. B. Mille Cl. B. Terlay Cl. B. Mille N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 8 En matière d’orfèvrerie, on peut citer une bague des otages avec médaillon de Louis XVI et celle commémorative du retour des Bourbon, représentant Louis XVIII. Cl. B. Mille Cl. B. Mille Des médailles et sceaux divers. Des coffrets : Parfois le contenant demeure alors que le contenu a disparu. Le musée conserve par exemple un petit coffret revêtu de cuir sur lequel on peut lire « MDCXXII - ce petit coffre est très auguste parce qu’il porte avecques soy le bauldrier que Louys le juste portoit lors qu’il fut sacré roy a Remy» mais point de baudrier ! Cette présentation n’a évidemment aucun caractère exhaustif, elle a seulement pour but de donner un aperçu des collections de nature à susciter la curiosité pour le jour où les travaux de rénovation espérés seront réalisés et permettront d’accueillir les visiteurs selon le souhait de Paul Arbaud. Bibliothèque, Musée… Académie d’Aix, l’hôtel Arbaud est le témoin d’une époque, d’un mode de vie, d’un raffinement qui mérite d’être transmis aux générations à venir. C’est à cette belle mission que se sont attachés les Académiciens qui se succèdent dans cette belle demeure depuis 1912. Que soit remerciée la Direction Régionale des Affaires Culturelles de la Région Provence Alpes Côte d’Azur pour l’intérêt manifesté à cette cause et pour le soutien apporté. Un grand merci à Mesdames Falavard-Arondet, Neuser et Janton qui pour la bibliothèque concernant les deux premières et pour le musée en ce qui concerne la troisième ont prêté leur concours à la préparation de ce document. N°33 - Juillet 2016 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET 9