Club Adalia – Lettre d`information n°69 – Septembre 2013

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Club Adalia – Lettre d`information n°69 – Septembre 2013
Club Adalia – Lettre d’information n°69 – Septembre 2013
Edito
Les produits de biocontrôle indispensables à la Protection intégrée des cultures.
Selon un sondage (rapporté par la revue La France Agricole) 50% des agriculteurs français utilisent des produits de
bioncontrôle ou sont, en principe, prêts à les utiliser. Cet intérêt a pour origine : la diminution drastique des produits
phytopharmaceutiques chimiques disponibles sur le marché et certaines limites apparues dans leur utilisation, l’augmentation des surfaces en agriculture biologique, les politiques publiques qui visent à favoriser les produits de biocontrôle
et à diminuer l’usage des pesticides en vue de protéger l’environnement et la santé. Il s’agit évidemment en France de
la mise en œuvre du plan Ecophyto 2018, avec la formation « Certiphyto » de centaine de milliers d’agriculteurs, la
surveillance biologique territorialisée, la feuille de route du biocontrôle… Par ailleurs, bien que le marché du biocontrôle ne représente que 3% du marché mondial de la protection des plantes, sa progression bénéficie d’une dynamique
soutenue. Cela, grâce aux innovations de la recherche publique et de la recherche privée de beaucoup de sociétés spécialisées. Les grandes sociétés agrochimiques, se sont intéressées récemment à ce marché en investissant dans ce segment
par des accords et des acquisitions importantes de sociétés, ce qui est un gage de leur développement.
Alors, tout va pour le mieux pour l’utilisation de ces produits en protection des plantes ? Pas tout à fait car, la réglementation n’est pas encore bien adaptée aux produits de biocontrôle et manque cruellement d’harmonisation au plan mondial
et même européen. Cela freine les mises sur le marché de ces produits. L’offre en Amérique est infiniment plus riche
qu’en Europe et comme en France on est expert en matière de complication réglementaire, des produits commercialisés
dans les pays voisins ne sont pas encore disponibles sur le marché français, les agriculteurs biologiques se plaignent
beaucoup de cette distorsion de concurrence. Par ailleurs, il importe que la mise en œuvre dans le cadre d’une protection intégrée des cultures (PIC), qui sera obligatoire dans l’Union européenne début 2014, soit comprise et assimilée
par les agriculteurs. Les produits de biocontrôle ont en général une action spécifique, qui nécessite un savoir-faire pour
leur mise en œuvre (surveillance, efficacité sur des populations ou innoculats modérés, compatibilité avec des solutions
chimiques…). Il est clair qu’une des conditions à leur développement est l’amélioration généralisée des connaissances
et de la formation des conseillers des chambres d’agriculture et des techniciens de la distribution en la matière. Il semble
que beaucoup d’agriculteurs considèrent les produits de biocontrôle comme des substituts aux pesticides chimiques
qu’ils appliqueraient ainsi selon la même approche. La PIC est fondée sur une démarche agronomique préventive et
globale et l’utilisation des produits de biocontrôle de manière curative s’inscrit comme une solution de lutte spécifique
qui n’est pas complémentaire à la lutte chimique (comme écrit dans le média précité) laquelle peut venir alors, selon le
cas, en dernier recours. Certains mettront en avant la nécessité de démontrer la faisabilité économique de cette évolution
dans la protection des plantes particulièrement pour les grandes cultures puisque, par exemple, pour l’arboriculture fruitière et les tomates et concombre sous abri cette faisabilité est déjà une réalité avec une application des produits de biocontrôle dans 50% des vergers et dans 75% des serres dans le cadre d’une PIC. L’utilisation des produits de biocontrôle,
traduite par le Nodu vert (nombre de doses unité) et suivie dans le cadre du plan Ecophyto, devrait avoir un effet favorable sur la diminution de l’Indice de fréquence de traitement (IFT) avec des pesticides chimiques. Les potentialités de
développement des produits de biocontrôle dans l’avenir sont considérables et devraient apporter « un second souffle »
aux sociétés agrochimiques et à la Protection intégrée des cultures. Mais, il faudra veiller à gérer les risques d’apparition de résistance des bioagresseurs aux produits de biocontrôle, à la fois en les évaluant lors du criblage des nouveaux
agents et par l’appropriation et la conduite d’une Protection agroécologique et intégrée des cultures par les agriculteurs.
Henri Audemard
Articles en rapport avec l’édito :
Un contexte favorable aux produits de biocontrôle.
Evaluer le risque de perte d’efficacité des produits de biocontrôle.
Sommaire de la Lettre n° 69
(cliquer sur la rubrique pour accéder à l’article qu’elle contient)
Agriculture durable
-FarmPath, un projet de recherche européen sur la durabilité régionale de l’agriculture en Europe.
-Le raisonnement de la fertilisation en phosphore et potassium.
-Des systèmes de production visant la double performance économique et environnementale.
Alimentation
-L’étiquetage nutritionnel face à l’arbitrage goût-santé.
Environnement
-Réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture française.
-Conférence environnementale : économie circulaire et politique de l’eau concernent l’agriculture.
Filière
-Les perspectives d’évolution pour les biocarburants.
Lu pour vous
-Comment gérer la résistance des insectes aux cultures transgéniques ?
Organismes et institutions
-Agro-Ecologie : Arvalis-Institut du végétal, le Cetiom et In-Vivo AgroSolutions associent leur expertise pour aider les
agriculteurs dans le changement de leurs pratiques.
Politique agricole
-Concertation autour du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Protection intégrée
-Un contexte favorable aux produits de biocontrôle.
-Essais de toiles végétales biodégradables contre les adventices en viticulture.
-Evaluer le risque de perte d’efficacité des produits de biocontrôle.
Agriculture durable
FarmPath, un projet de recherche européen sur la durabilité régionale de l’agriculture en Europe. « FarmPath » (Farming Transitions: Pathways towards regional sustainability of agriculture in Europe = Transitions de l’agriculture : voies vers la durabilité régionale de l’agriculture en Europe) est un projet de recherche collaboratif financé
par la 7e Directive Cadre de la Commission Européenne. Ce projet se déroule sur 3 ans, de mars 2011 à février 2014 et
rassemble des chercheurs de 7 centres de recherches pluridisciplinaires européens L’objectif global de FarmPath est
d’identifier et évaluer les voies de transition futures vers la durabilité régionale de l’agriculture en Europe, et les besoins
en innovations sociales et technologiques pour initier et progresser le long de ces voies, avec un intérêt spécifiques aux
jeunes agriculteurs installés. Des scénarios de développement sont élaborés, les chercheurs estimant qu’une combinaison de modèles d’exploitations agricoles est mieux à même de développer la durabilité de l’agriculture qu’un système
unique, en s’adaptant à l’éventail des opportunités spécifiques issues de la culture régionale, de la capacité agricole, du
potentiel de diversification, de l’écologie, du régime historique de propriété et des structures de gouvernance.
>Les motivations de cette étude de la « Durabilité régionale de l’agriculture ».
Durant les 10 dernières années, la transition vers la durabilité de l’agriculture a été un thème de travail central pour les
gouvernements, les ONG et les instituts de recherches. De nombreuses publications, dont le Livre blanc de la Commission Européenne sur l’adaptation au changement climatique, soulignent l’importance de développer la durabilité de
l’agriculture pour faire face aux défis futurs. Cependant, malgré l’adoption de la notion de développement durable de
l’agriculture comme principe de base de la politique européenne, un changement doit se produire afin que l’agriculture
européenne puisse répondre aux attentes des consommateurs et des citoyens européens (sécurité et qualité des aliments,
énergies renouvelables et production de fibres, préservation de l’environnement, communautés rurales viables, paysages
de loisirs et d’agrément…).
En parallèle, les agriculteurs européens doivent gérer la fluctuation du prix des matières premières, le changement du
régime des subventions, les risques et les crises sanitaires, les évènements climatiques extrêmes, les problèmes de transmission des exploitations liés au manque de candidats à la reprise.
Dans FarmPath, les chercheurs considèrent que l’on ne peut espérer qu’une ferme seule ou un système d’exploitation
donné réponde à toutes les demandes adressées à l’agriculture par le public et l’industrie. Par contre une combinaison de
modèles d’exploitations agricoles est mieux à même de développer la durabilité de l’agriculture en s’adaptant à l’éventail des opportunités spécifiques issues de la culture régionale, de la capacité agricole, du potentiel de diversification, de
l’écologie, du régime historique de propriété et des structures de gouvernance. Les approches d’exploitation qui attirent
les jeunes agriculteurs intéressent particulièrement – les chercheurs pensent que cela est un élément clé de la durabilité
sociale et économique des systèmes agricoles.
>Définir la transition vers la durabilité.
Dans FarmPath, la durabilité des systèmes agricoles est définie comme un processus d’adaptation continue permettant
aux différents maillons du système alimentaire de répondre à l’évolution des besoins et des préférences des citoyens,
grâce à des combinaisons flexibles de modèles d’exploitation et la fourniture d’un ensemble de biens et services publics
au niveau régional. Pour progresser vers plus de durabilité, une transition doit se produire. Dans FarmPath, le terme de
« transitions » signifie des changements importants dans les systèmes fonctionnels. Elles impliquent plusieurs secteurs
et sous-secteurs ainsi que différents acteurs sociaux à différents niveaux d’échelle. Grâce à l’interdépendance et la coévolution de ces derniers, la société ou un sous-système sociétal important se modifie fondamentalement. Une transition
est donc qualitativement différente d’un changement progressif qui est de portée limitée (dans lequel il n’a par exemple
aucune incidence sur tout un secteur de l’économie), dans le temps (il s’agit seulement d’une mode passagère qui ne se
stabilise pas) ou dans l’espace (il n’a lieu que dans certaines régions). Les transitions sont le résultat de processus de
changement fondamental à long terme qui incorporent des procédés de coévolution sociétale, écologique, économique,
culturelle, technologique et institutionnelle. Pour qu’une transition ait lieu, des évolutions concomitantes au niveau
local, régional et national doivent se produire, créant ainsi une voie de développement basée sur de nouvelles pratiques,
technologies, connaissances, institutions, organisations sociales et sur des principes directeurs et des valeurs différents.
Face à la complexité et au caractère multidimensionnel des choix, l’évaluation des alternatives doit être un processus
participatif. En effet, le système qui est considéré comme souhaitable et donc qui est l’objectif de la transition, devra
englober différentes échelles (du temps et l’espace), des dynamiques et des acteurs multiples.
Ce n’est que par des processus participatifs qu’il est possible de répondre de façon adéquate aux multiples points de
vue légitimes ainsi qu’à l’incertitude inhérente aux systèmes alternatifs et aux voies alternatives vers ces systèmes. Une
étape importante est donc d’identifier et d’évaluer les voies de transition à venir, c›est à dire d’envisager de futures
trajectoires durables. Le projet aborde cela en utilisant la recherche transdisciplinaire, associant les parties prenantes
directement dans le processus de recherche.
>Participants au projet et méthodologie d’étude.
-FarmPath rassemble les chercheurs de 7 Centres de recherches pluridisciplinaires européens : Ecosse, République
Tchèque, Angleterre, Allemagne, Portugal, Bulgarie, Grèce et France, avec l’Agrocampus Ouest pour notre pays. Le
budget total du projet de recherche est de 2 078 072 millions d’euros, dont 1 498 893 provenant de l’Union européenne,
soit 72% du coût qualifiable. Le projet est prévu de mars 2011 à février 2014. Des recommandations au niveau régional,
national et européen seront présentées à la conclusion de cette étude et l’édition de différentes publications est prévue.
-Les chercheurs (sociologue, géographe et économiste) participants au projet étudient les transitions possibles au niveau
de 8 à 10 types d’initiatives. Il s’agit d’établir un scénario de développement dans 2 régions de chacun des pays étudiés
en apportant une attention plus particulière aux jeunes agriculteurs installés. Sept points principaux, et 3 sous-ensemble
pour chacun de ces points, lesquels portent sur : production d’énergie, consommation du paysage, nouvelles formes
de gouvernance, collaboration entre exploitants agricoles, canaux alternatifs de marketing, agriculture de haute valeur
environnementale (HVE), réduction de l’impact de l’agriculture sur l’environnement. En ce qui concerne la France il
s’agit des canaux alternatifs de commercialisation (Rennes métropole) et de l’agriculture HVE dans le parc régional du
ballon des Vosges.
-En 2013, le projet FarmPath vise à construire sur ce qui a été appris au sujet de «processus de transition» en 2012, et à
identifier les situations d’avenir idéal et les étapes nécessaires pour faire progresser l’agriculture à travers l’Europe. Il
s’agira d’une série de groupes de discussion avec les acteurs locaux qui ont été sélectionnés pour représenter l’éventail
complet des personnes ayant des intérêts ruraux, et ceux qui sont impliqués dans la gestion des terres et de l’agriculture
dans les régions européennes concernées par l’étude de FarmPath. Ce processus sera reproduit dans tous les pays partenaires.
Sources : Commission européenne « FarmPath » Appel à projet de la 7ème Directive cadre sur l’alimentation, l’agriculture, la pêche
et la Biotechnologie (FP7-KBBE-201-4), site internet dédié à FarmPath http://www.farmpath.eu
DR « Vers la durabilité de l’agriculture en Europe », Campagnes et environnement, 06/08/2013
http://www.campagnesetenvironnement.fr/vers-la-durabilité-de-l-agriculture-en-europe-6131.html
Le raisonnement de la fertilisation en phosphore et potassium.
Le Comifer (Comité français d’étude et de développement de la fertilisation raisonnée) a établi les bases du raisonnement de la fertilisation en phosphore et potassium (P-K) qui reposent sur 4 critères : l’exigence des espèces cultivées,
l’analyse de terre, le passé récent de la fertilisation, la restitution ou non des résidus de la culture précédente. ArvalisInstitut du végétal, dans deux articles du 18 juillet 2013, explicite ces bases et publie les teneurs seuils des sols de 16
grandes régions de France, qu’il faut connaître pour interpréter les résultats d’analyse de terre en P2O5 et K2O, afin d’aider les agriculteurs dans le raisonnement conduisant à ajuster les apports en P-K.
>Le phosphore et le potassium dans les sols cultivés.
Les réserves contenues dans ces sols sous diverses formes peuvent être souvent importantes, mais pas totalement et
immédiatement disponibles pour les plantes. La partie de P-K présente dans la solution du sol à un instant donné est
très faible. Cependant, la diffusion à partir de la phase solide réalimente en permanence la solution au niveau de la
rizosphère. Si la disponibilité de P-K dans le sol est trop faible, il ne réalimente pas assez vite la solution et il est alors
nécessaire d’apporter des engrais pour que les besoins des plantes soient satisfaits ; en particulier durant la phase juvénile durant laquelle elles sont les plus sensibles à la carence.
>Ne pas confondre exigences et besoins.
Les espèces cultivées ont des sensibilités différentes à la carence en phosphore et/ou potassium, qui se traduisent par des
pertes de production d’autant plus importantes que l’espèce est sensible. Cette caractéristique, qui est dépendante de leur
système radiculaire ou du rôle de P et K dans l’élaboration de leur production, est exprimée par la notion d’exigence.
Cela ne veut pas dire que les cultures exigeantes absorbent ou exportent plus de P ou de K que celles qui le sont moins.
Un tableau montre les niveaux d’exigence pour P et K de différentes cultures (lien).
>L’analyse de terre et sa lecture.
Les teneurs en P et K, indiquées par l’analyse de terre, constituent des indicateurs de leur niveau de disponibilité dans le
sol. Ces teneurs s’interprètent différemment selon le niveau d’exigence des cultures. La grille du Comifer indique pour
des cultures, très exigeantes, moyennement exigeantes et peu exigeantes en P2O5 et K2O, selon le nombre d’années
sans apport et la teneur du sol, les valeurs seuils T. T impasse : teneur au-dessus de laquelle il est possible de réaliser une
impasse de fumure et T renforcé : teneur au-dessous de laquelle il faut renforcer la fumure au-delà de la stricte compensation des exportations. La grille a été réactualisée en 2010, pour tenir compte des évolutions variétales qui ont abouti
à une baisse des exigences souvent très importantes (par exemple pour la betterave, la quantité de phosphore contenue
dans les racines a été réduite de 50%, de même que le potassium dans les grains de blé)
Les valeurs de teneurs-seuils PK par type de sol et par classe d’exigence, c’est à dire T impasse et T renforcées ont été
déclinées par Arvalis-Institut du végétal pour 16 grandes régions de France. Ces valeurs sont nécessaires à la mise en
œuvre de la méthode de raisonnement du Comifer. Cela permet d’interpréter les résultats des analyses de terre en P2O5
et K2O, et ce pour les principaux types de sol de la région. Pour le phosphore, elles sont données pour les 3 méthodes
d’analyse, Dyer, Joret-Hébert et Olsen. Pour chacune d’elle, les valeurs sont issues de valeurs guides indicatives proposées par le Comifer, puis régionalisées. Seuls les seuils correspondant à la méthode Olsen proviennent actuellement
d’expertise Arvalis - Institut du Végétal.
>Gérer les résidus de récolte.
Lorsqu’une espèce est cultivée pour ses graines (blé, maïs, colza, tournesol…), l’essentiel du phosphore est prélevé par
la culture est présent dans le grain et ainsi exporté. Par contre, la majorité du potassium (80 à 90%) est présent dans les
tiges et les feuilles, sous une forme très soluble. Ce potassium est libéré sous une forme identique à celle d’un engrais
potassique lors des premières phases de décomposition. La restitution des résidus de récolte du précédent est équivalente à un apport important de K2O (par exemple un blé de 80 q/ha restitue plus de 100 unités K2O/ha par les pailles et
les chaumes). Le potassium nécessaire pour une culture est donc le complément de ce qu’ont restitué les résidus de la
récolte précédente. Bien entendu, en l’absence de restitution de résidus de récolte, faire une impasse sur la fertilisation
potassique est plus risquée et la dose de nécessaire est en général plus importante.
Sources : Lesouder C., « Le raisonnement de la fertilisation P-K repose sur quatre critères », Arvalis-infos, Articles, 18 juillet 2013.
http://www.arvalis-infos.fr/view-240-article.html?identifiant=E17FC-7826-arvarticle.html?region=&theme10,62,96,123,178
Arvalis-Institut du végétal, « Connaître les teneurs dans sa région selon son sol », Arvalis-infos, Articles, 18 juillet 2013 http://
www.arvalis-http://www.arvalis-infos.fr/view.jspz;jsessionid=35AC3D9D58038C7972B35A73B144B713tomcatobj=arvarticle&id
=7826&syndtype=null&hasCookie=false&hasRedirected=true
Comifer http://www.comifer.asso.fr/index.php/groupe-de-travailpk-etmg.html
Gloria C. « La grille Comifer se paie un toilettage », Plein champ23/08/10 http://www.pleinchamp.com/grandes-cultures/actualites/
fertilisation-la-grille-comifer-se-paie-un-toilettage
http://www.arvalis-infos.fr/view-240-article.html?identifiant=E17FC-7826-arvarticle.html
Des systèmes de production visant la double performance économique et environnementale.
Dans le cadre de la mission confiée par le ministre de l’Agriculture de l’agroalimentaire et de la forêt (MAAF) à Marion
Guillou sur les systèmes agricoles innovants, le Centre d’études et de prospective (CEP) a analysé (Analyse n°60 juillet
2013) de nombreuses initiatives de terrain visant la double performance économique et environnementale. Parmi ces
initiatives, portées par les acteurs institutionnels et les réseaux d’agriculteurs, six systèmes de production en rupture
avec les systèmes agricoles conventionnels ont été plus particulièrement analysés : deux en élevage et quatre en pro-
duction végétale. L’étude du CEP vise à essayer d’apporter des réponses à une série d’interrogations : Quelles sont les
caractéristiques communes à ces systèmes ? Quels sont leurs niveaux de performances économiques et environnementales ? Et quelles pourraient être les conditions de leur généralisation ?
>Caractéristiques et méthodes d’étude et d’analyse.
Le développement et l’accompagnement de systèmes de production agricole à la fois productifs, compétitifs, économes
en ressources (eau, énergie, engrais, etc.) et respectueux de l’environnement représente aujourd’hui un défi majeur.
Pour favoriser la généralisation de tels systèmes, le ministre de l’Agriculture a confié une mission à Marion Guillou,
visant à identifier les pratiques et systèmes performants au niveau économique et environnemental, et les outils incitatifs permettant de les promouvoir. Parmi les nombreux travaux menés dans le cadre de cette mission, l’approche que
le Centre d’études et de prospective du MAAF vient de publier a consisté à explorer les initiatives de terrain visant la
double performance et à identifier puis analyser de façon détaillée des systèmes innovants, existants ou en cours d’expérimentation. Les approches « système » et les projets en rupture avec les systèmes agricoles conventionnels, apportant
potentiellement un gain significatif en termes de performances économiques et environnementales ont été privilégiés.
Ces systèmes ont été identifiés à partir de la consultation d’une vingtaine d’acteurs institutionnels et de réseaux d’agriculteurs œuvrant en matière de développement agricole. Plus d’une trentaine de projets, portés par ces différents partenaires (instituts techniques, réseaux d’agriculteurs, associations, chercheurs, etc.) ont ainsi été
recensés, (dont la moitié de projets Casdar). Ces projets couvrent une diversité de filières et de régions françaises. La
collecte de données sur ces expériences, émanant le plus souvent du suivi d’un panel de fermes sur plusieurs années,
a permis de renseigner des indicateurs technico-économiques et environnementaux, caractérisant ces systèmes de production.
Sur cette base, six types de systèmes de production visant la double performance économique et environnementale ont
été identifiés et analysés. Deux concernent l’élevage : systèmes de polyculture-élevage
bovin laitier autonome et système de production de porcs sur paille. Les quatre autres concernent les productions végétales: systèmes de grandes cultures à bas niveaux d’intrants ; systèmes de grandes cultures avec réduction du travail
du sol ; systèmes de cultures pérennes en protection intégrée ; et systèmes agroforestiers. Cette étude présente les
caractéristiques, communes ou spécifiques à chacun de ces systèmes (en termes de leviers techniques utilisés), cela afin
d’essayer de qualifier leurs niveaux de performances, avant de discuter des possibilités de leur généralisation.
>Principales caractéristiques techniques des systèmes visant la double performance.
-Le principe général, commun aux six systèmes de production analysés, est de s’appuyer sur les fonctionnalités des
agro-écosystèmes pour réduire l’utilisation des ressources naturelles et les pressions sur l’environnement. Il s’agit de
remplacer un levier unique (le plus souvent le recours aux intrants) par la combinaison de plusieurs leviers à effet
partiel, comportant éventuellement des effets non intentionnels mais qui, mis en œuvre simultanément et de façon cohérente, minimisent les risques sanitaires et doivent permettre d’améliorer les performances. En production végétale, ce
principe suppose des observations accrues des parcelles pour surveiller la progression des bio-agresseurs et n’intervenir
qu’en cas de besoin (davantage de prévention, pas de pratique systématique). En production animale, il s’agit en général
de tirer le meilleur parti des ressources disponibles au niveau de l’exploitation pour atteindre l’autonomie alimentaire
du troupeau. La combinaison des différents leviers doit être adaptée à chaque contexte : pédoclimatique, type de production, contraintes des agriculteurs. Certains leviers peuvent être les mêmes, mais utilisés de manière différente selon
la stratégie.
-Plusieurs caractéristiques communes aux systèmes de grandes cultures visant la double performance se dégagent nettement : assolements diversifiés et rotations longues des cultures (alternance cultures d’hiver et de printemps et présence
de légumineuses) ; fertilisation azotée modérée ; couverture du sol au moins en interculture avant le printemps ; adaptation des dates et densité de semis ; réduction ou suppression du travail du sol avec impérativement d’autres leviers
(couverture du sol, allongement des rotations pour la maîtrise des adventices…).
-Les leviers communs aux grandes cultures et aux cultures pérennes (arboriculture, viticulture), concernent la protection
des cultures vis-à-vis des bio-agresseurs, assurée par des itinéraires techniques en protection intégrée : utilisation de
variétés résistantes aux bio-agresseurs, mélanges variétaux voire mélanges d’espèces, gestion adaptée de l’architecture
du couvert (ex : conduite des arbres), recours accru au désherbage mécanique, etc. En cultures pérennes, d’autres leviers
peuvent être utilisés conjointement : confusion sexuelle, lutte biologique (=utilisation des auxiliaires des cultures pour
lutter contre les bio-agresseurs, y compris par le biais des infrastructures agro-écologiques telles que des bandes enherbées, des haies, des arbres…).
-Les systèmes agroforestiers, qui associent dans les mêmes parcelles arbres (fruitiers ou forestiers) et cultures (y compris
prairies), s’appuient sur les complémentarités entre arbres et cultures concernant l’accès et l’utilisation de l’eau, de la
lumière et de l’azote, pour améliorer les performances productives, économiques et environnementales. La performance
productive s’entend ici au sens de production totale de biomasse (cultures et arbres), ces deux sources de biomasse étant
par ailleurs sources de deux revenus relativement indépendants. La présence d’arbres dans les parcelles cultivées contribue aussi à diversifier le système et à fournir des habitats propices à une lutte biologique plus efficace.
-Dans les systèmes de polyculture-élevage bovin laitier autonome et la production de porcs sur paille, la double performance est recherchée à travers l’utilisation de deux leviers communs : d’une part la maximisation des synergies entre
atelier de cultures et atelier d’élevage et, d’autre part, et de façon liée, la recherche de l’autonomie en intrants achetés
à l’extérieur de l’exploitation, qu’ils soient à destination des cultures (engrais de synthèse, produits phytosanitaires) ou
du troupeau (fourrages, aliments concentrés, paille). Ces systèmes valorisent les effluents d’élevage sur les cultures et/
ou les prairies et réduisent les niveaux de fertilisation par le recyclage de l’azote organique et la recherche d’autonomie
en engrais de synthèse. Ils produisent au maximum la litière, les fourrages et les aliments nécessaires au troupeau, la
qualité de cette alimentation est améliorée par l’introduction de légumineuses. La diversification des espèces cultivées
et l’allongement des rotations participent à la réduction de la dépendance aux produits phytosanitaires. Le chargement
des animaux à l’hectare et le niveau de production sont également adaptés.
-En définitive, les 3 principaux points communs aux 6 systèmes étudiés sont : la recherche de la diversification, d’un
certain degré d’autonomie et d’une plus grande complémentarité entre les différentes productions, avec l’objectif d’une
amélioration de l’efficience globale du système, ce qui peut les rendre moins vulnérables aux aléas.
>Performances économiques et environnementales de ces 6 systèmes.
-Elles sont été analysées à partir des connaissances disponibles, qui sont parfois moins bien documentées pour certains
systèmes pérennes demandant un recul temporaire important (agroforesterie, arboriculture, viticulture). L’analyse des
données remontées du terrain dépend souvent du contexte, de l’engagement des acteurs et ces données peuvent donc
être difficilement comparables entre elles. Elles ont donc été, dans la mesure du possible, mises en parallèle avec les
résultats de publications scientifiques pour une analyse plus objective.
-Il apparaît que les systèmes étudiés peuvent légèrement dégrader les conditions de travail, non pas toujours en raison
d’un accroissement de la pénibilité, mais à cause de la complexité de gestion de ces systèmes innovants, des connaissances et compétences qu’ils requièrent et de potentielles difficultés d’organisation du travail. L’augmentation du temps
de travail (nombre accru d’opérations spécifiques, observation des parcelles…) peut être contrebalancée par une meilleure répartition du travail dans l’année, et entraîner même une forte réduction dans le cas des systèmes de culture avec
une forte réduction du travail du sol.
-Au niveau économique, en production végétale, les performances peuvent être soit maintenues, soit légèrement dégradées, en raison de la variabilité des rendements et de la qualité des produits, et du rapport entre prix des intrants et prix
de vente des récoltes. En grandes cultures avec réduction du travail du sol, les rendements sont améliorés ou dégradés
selon le contexte. Avec un bas niveau d’intrants, on estime la baisse à environ 10% avec une forte variabilité selon la
culture, la région et l’année. Cette baisse peut être plus ou moins compensée par une réduction des charges opérationnelles, l’écart éventuel de marge brute, par rapport aux systèmes conventionnels, sera d’autant plus élevée que les prix
de vente seront hauts. Si les systèmes très diversifiés peuvent être plus résilients aux aléas, ils peuvent dégrader les performances économiques, à cause de la difficulté à trouver des débouchés pour les cultures de diversification, ce qui est
une difficulté majeure, surtout dans les territoires fortement spécialisés dans lesquels la polyculture-élevage et donc le
débouché en alimentation animale a régressé voire disparu. En agroforesterie, les premières études disponibles montrent
que la productivité (physique) peut être entre 20 et 60 % supérieure à celle des systèmes agricoles et forestiers pris séparément, davantage de biomasse étant produite pour une même unité de surface. La rentabilité des systèmes étudiés peut
être améliorée par rapport aux systèmes conventionnels à productions agricole et forestière disjointes.
En polyculture-élevage laitier autonome, certains agriculteurs parviennent à produire entre 6 500 et 7 500 kg de lait par
vache avec un chargement modéré (1,6 UGB/ha). Dans ce cas, il n’y a pas d’achat d’aliment (autre que du complément
minéral), ni d’engrais minéral et d’amendement (autre que l’amendement calcique). Les factures de carburant sont
réduites en raison de l’importance des prairies pluriannuelles et du pâturage, qui occasionnent moins de travail. Ces systèmes autonomes peuvent obtenir de meilleurs résultats économiques : les exploitations du Réseau agriculture durable
(RAD) présentent ainsi un meilleur excédent brut d’exploitation (+ 11% par litre de lait vendu), un résultat courant
supérieur (+ 37 % par litre de lait vendu) et de plus faibles coûts liés à l’alimentation (– 41 % par litre de lait vendu).
(Ndlr : on retrouve la formule d’une agriculture plus économe et plus autonome, prônée il y a plusieurs dizaine d’année
par J. Poly, Directeur général de l’INRA !). Une étude réalisée en 2011 par l’institut de l’élevage pour le compte du
ministère de l’Agriculture a montré que les exploitations de polyculture- élevage laitier n’optimisaient pas, en général,
le potentiel d’économie de gamme de leur exploitation, les exploitants optant plutôt pour des logiques de spécialisation
multiples. L’étude a toutefois montré que certaines exploitations laitières ont suivi des trajectoires différentes, dans le
cadre de stratégies autonomes voire économes, avec optimisation des effets de gamme, leur conférant des avantages
tant sur les plans économiques qu’environnementaux. Du fait d’un moindre capital d’exploitation, les exploitations de
polyculture-élevage autonome sont en outre plus facilement transmissibles. Par contre les systèmes de production de
porcs sur paille obtiennent des performances économiques plus modestes en raison d’un surcoût important (surcroît de
travail et de litière ne compensant pas les réductions de charges liées aux frais vétérinaires). La valorisation commerciale
(circuits courts, labels) devient alors indispensable.
-Au niveau environnemental, les six systèmes sont performants, d’une part en ce qui concerne l’amélioration du bilan
azoté grâce à une moindre fertilisation et/ou un recyclage de l’azote organique des effluents d’élevage, et d’autre part
en ce qui concerne la réduction des produits phytosanitaires, donc des risques de pollutions diffuses. Les systèmes de
culture à bas niveaux d’intrants, en plus d’améliorer les bilans énergétiques et de gaz à effet de serre, permettent de
réduire l’indice de fréquence de traitement (IFT) de l’ordre de 30 à 40 %. Les systèmes de cultures pérennes en protection intégrée ont également permis de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, mais dans une moindre mesure
jusqu’à présent (de l’ordre de 10 % par an). Les systèmes agroforestiers améliorent les performances environnementales en termes de réduction des lixiviations de nitrates, d’enrichissement des sols en matière organique et de stockage
de carbone. Les systèmes de culture avec réduction poussée du travail du sol sont quant à eux moins consommateurs
d’énergies fossiles, ils améliorent la vie biologique et la biodiversité du sol, permettent une diminution de l’érosion des
sols, un accroissement du taux de matière organique et un stockage de carbone dans l’horizon superficiel du sol (possiblement au détriment des couches plus profondes). En revanche, leurs performances sont davantage variables en ce
qui concerne le bilan de gaz à effet de serre, le bilan azoté et l’utilisation des herbicides : les performances dépendent
fortement de la combinaison de leviers choisie sur l’exploitation ; le rôle des couverts végétaux est alors essentiel. Les
systèmes diversifiés, qu’ils soient en cultures annuelles, pérennes ou en agroforesterie, sont également plus favorables à
la biodiversité (augmentation des populations d’auxiliaires des cultures par exemple).
Pour les systèmes de polyculture-élevage laitier autonome, le stockage de carbone sous prairie et les structures paysagères associées (haies) peuvent compenser entre 6 et 43 % des émissions de gaz à effet de serre des troupeaux, selon
les systèmes utilisés, et abaisser l’empreinte carbone des ruminants. Enfin, ces systèmes, ainsi que ceux de production
de porcs sur pailles, permettent de renforcer le lien au sol et les synergies entre productions animale et végétale, ce qui
peut contribuer à réduire les effets négatifs de la spécialisation et de la concentration géographique des productions. Il
est souligné que la qualification des performances en cultures pérennes et agroforesterie est à ce jour moins bien documentée sur certains aspects
>Potentiel de déploiement des systèmes visant la double performance.
L’amélioration conjointe des performances économiques et environnementales des systèmes de production est donc possible, en adaptant la combinaison des différents leviers techniques à chaque contexte local : conditions pédoclimatiques,
orientation de production, disponibilité en main-d’œuvre et en équipements, contexte économique… La généralisation
des systèmes agricoles doublement performants risque toutefois de se heurter à plusieurs freins : complexité de gestion
de systèmes plus diversifiés, certains surcoûts d’échelle de l’exploitation (investissement en matériel par exemple),
risques en période de transition, baisse potentielle de volume de production. Si ces dernières peuvent être compensées
au niveau des exploitations par une baisse des charges, elles peuvent poser des difficultés aux organismes de stockage et
aux filières en grandes cultures. Les manques à gagner entraînés dans un contexte de prix hauts sont peu incitatifs pour
le changement des systèmes. La question des débouchés est fondamentale pour les cultures de diversification, mais aussi
pour les systèmes innovants utilisant de nouvelles variétés, ne répondant pas aux cahiers des charges des filières. La
question des débouchés se pose également pour les systèmes agroforestiers qui mêlent débouché forestiers et agricoles,
alors que ces deux secteurs sont aujourd’hui assez déconnectés. De plus, pour l’agroforesterie, l’introduction d’arbres
dans le système agricole rend nécessaire la prise en compte du long terme dans l’évaluation des performances : les arbres
plantés dans les parcelles ne « rapporteront » que de nombreuses années après.. La même question du temps long se
pose pour la réorientation des systèmes de cultures pérennes, qui ne peuvent être modifiés en profondeur à court terme
(replantation, etc.).
En définitive, un large développement des systèmes visant la double performance ne peut se concevoir qu’avec des
outils d’accompagnement forts et des incitations pour lever les blocages au niveau individuel, collectif ou au niveau des
filières. Plusieurs pistes en la matière sont proposées dans le rapport de Marion Guillou. La complexité des systèmes
visant la double performance nécessite tout d’abord davantage d’observations, de références techniques et d’outils de
diagnostic. Le besoin est réel de capitalisation, de partage et d’échange sur les données, les références technico-économiques et les expériences. La formation initiale et continue ainsi que le conseil joueront également un rôle majeur
et devront être améliorés de façon à donner aux exploitants les moyens d’apprendre à reconcevoir leurs systèmes, à
mener des raisonnements agronomiques plus complexes et à décliner les principes de l’agroécologie à leur situation
particulière. Au-delà de l’accompagnement individuel ou collectif, des solutions territoriales et sectorielles devront être
trouvées pour répondre à l’enjeu, majeur, des débouchés et de la valorisation économique de ces systèmes.
Les efforts de recherche sur les systèmes doublement performants devront être poursuivis voire amplifiés : le volet
réduction des produits phytosanitaires a été largement investi depuis le lancement du plan Ecophyto, mais il est capital
d’orienter les futures recherches vers l’amélioration conjointe de plusieurs enjeux environnementaux (biodiversité,
énergie, climat, sols, quantité et qualité de l’eau…) Il existe aussi des besoins de recherches spécifiques pour les cultures
pérennes et les systèmes agroforestiers. Dans la perspective du changement climatique, il serait également intéressant
de développer prioritairement des systèmes de production économes en eau et moins émetteurs de gaz à effet de serre.
D’autres leviers peuvent être mobilisés au niveau territorial : le raisonnement de l’agencement spatial et temporel des
cultures au niveau supra-exploitation. Par exemple, cela pourrait favoriser la mise en place de stratégies collectives
de gestion de la durabilité des résistances variétales, de restauration d’habitats favorables à la biodiversité (corridors
écologiques), de préservation de la qualité de l’eau dans un bassin d’alimentation de captage, de gestion quantitative
de l’eau… Pour cela, des outils de mise en commun des assolements ou d’échanges entre exploitations (de fourrages,
d’éléments minéraux, en vue d’un bouclage des cycles) pourraient être développés pour penser les systèmes doublement
performants à l’échelle des territoires.(Ndlr : il est clair que l’on n’en est pas encore là, tant s’en faut !!).
Source : Schaller N., 2013. Des systèmes de production visant la double performance économique et environnementale. Ministère
de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt – Centre d’Etudes et de Prospective, Analyse, n° 60, juillet 2013, 4p http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Analyse_CEP_60_Systeme_double_performance_cle4691cb.pdf
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Alimentation
L’étiquetage nutritionnel face à l’arbitrage goût-santé.
Dans de nombreux pays, l’étiquetage nutritionnel est l’un des outils envisagés, ou déjà mis en place, par les pouvoirs
publics pour essayer de modifier les comportements des consommateurs face aux impacts de santé associés à une alimentation déséquilibrée sur le plan nutritionnel. L’INRA présente dans sa publication Sciences sociales de juin 2013
les résultats synthétisés d’une étude qui vise à identifier l’intérêt et les limites de ces démarches d’étiquetage et à en
évaluer les effets existants ou potentiels tant du côté de la demande que de l’offre alimentaire. Un étiquetage descriptif aurait un impact modeste sur le consommateur et un étiquetage prescriptif, aidant à l’identification des produits «
nutritionnellement sains » et des produits « à limiter », pourrait avoir un impact plus marqué en contribuant à infléchir
les comportements des consommateurs. En revanche, son impact sur l’offre dépend des modalités pratiques de sa mise
en place, le risque étant de voir émerger des équilibres entre l’offre et la demande sans amélioration nutritionnelle
significative.
>Les formes d’étiquetage de la qualité nutritionnelle des produits alimentaires
Instrument de signalement de la qualité nutritionnelle des aliments visant à aider les consommateurs dans leur choix,
l’étiquetage nutritionnel peut prendre deux formes distinctes :
-La première est de nature descriptive : il s’agit du tableau nutritionnel apposé au dos des emballages, souvent complété par des mentions explicitant la contribution de la consommation du produit aux recommandations nutritionnelles
journalières (RNJ), voire par des conseils de consommation. Cette forme est largement répandue en France et concerne
aujourd’hui plus de 80 % des produits du marché. Son usage est néanmoins variable selon les secteurs alimentaires.
-Le second type d’étiquetage, moins répandu, est de nature prescriptive. Il complète l’étiquetage descriptif au-delà d’un
strict objectif d’information en ajoutant en face avant un signal explicitant si la consommation du produit est à privilégier ou, au contraire, à limiter au regard des enjeux de santé. Il génère un effet de saillance en visant non seulement à
attirer l’attention du consommateur, mais aussi à influencer la pondération de ses critères de choix en mettant en relief
l’enjeu de santé. Il vise également à faciliter la comparaison des produits disponibles sur le marché.
>L’étiquetage descriptif.
-L’influence de l’étiquetage nutritionnel sur les consommateurs a largement été étudiée. Des travaux ont porté sur la
compréhension par l’acheteur des informations fournies, leur acceptabilité, les modifications qu’elles induisent dans
les attitudes ou les opinions ainsi que sur les changements potentiels de comportements. Ils montrent que l’utilisation
de l’étiquetage est liée à des variables sociodémographiques (âge, sexe, niveau d’éducation) et que cette utilisation est
d’autant plus fréquente que les individus ou leurs proches ont été confrontés à des événements de santé. Si l’étiquetage
informatif peut parfois contribuer à des régimes alimentaires plus sains, son impact général reste assez modeste
Au-delà de la quantité et de la nature des informations fournies, la question du format de l’étiquetage, c’est-à-dire de la
façon dont cette information est dimensionnée et présentée, est une question importante. Sous quelle forme l’information est-elle utile au consommateur ? Avec quel degré de simplification ? Certains travaux ont cherché à identifier le bon
compromis en mesurant l’efficacité d’une double mention : l’une, simplifiée en face avant du produit et l’autre, plus
complète, en face arrière. Il ressort que cette combinaison améliore l’efficacité de l’étiquetage et sa crédibilité, même si
ce résultat est à nuancer car le signal placé en face avant génère une appréciation d’ensemble pour le produit qui peut
entrer en contradiction avec une partie des caractéristiques précises.
-Les pouvoirs publics attendent de l’étiquetage qu’il modifie le comportement des consommateurs mais aussi les stratégies d’offre des entreprises. Dans les pays où l’étiquetage est obligatoire et suffisamment ancien pour permettre une
prise de recul, il apparaît que l’obligation d’étiquetage des calories, des matières grasses, des sucres et du sel incite les
industriels à reformuler leurs produits dans un sens favorable à la nutrition. Des logos nutritionnels en face avant des
emballages ont encouragé le lancement de nouveaux produits améliorés en sodium et en fibres. Mais ces reformulations
concernent parfois les segments de marché à prix élevés.
En France, les études récentes concluent que la présence d’un étiquetage nutritionnel volontaire détaillé dans une gamme
de produits n’est pas corrélée à la qualité nutritionnelle : la présence d’un étiquetage détaillé ne constitue pas un signal
de qualité nutritionnelle. Le choix par l’entreprise d’étiqueter un produit de façon détaillée n’est pas non plus associé à
un prix du produit plus élevé. Au total, la décision d’étiquetage volontaire paraît plus relever de politique de marques
ou d’enseignes, liée à la réputation et à la responsabilité sociale d’entreprise, que de politiques de différenciation des
produits. L’impact reste donc aussi limité sur les caractéristiques des produits.
>L’impact limité de l’étiquetage descriptif tiendrait en grande partie au difficile arbitrage entre goût et santé
Pourquoi l’étiquetage nutritionnel descriptif n’induit-il pas de changements plus importants des comportements de
consommation ? Un premier élément de réponse réside dans le contenu informatif de l’étiquetage. Ce ne serait pas de
ce type d’informations dont le consommateur aurait besoin pour modifier ses comportements. Un second élément de
réponse réside dans la prédominance des dimensions hédoniques et gustatives sur celles de santé.
-On relève une dimension psychologique. Les psychologues montrent que le changement dans les pratiques alimentaires
est sous la dépendance de mécanismes complexes, au sein desquels la dimension individuelle tient une part importante.
L’information hédonique aurait ainsi une valorisation plus importante au moment de la prise de décision de consommation que l’information santé. Les travaux des économistes comportementaux expliquent l’écart entre la dimension santé
et la dimension hédonique de deux manières complémentaires. Tout d’abord, ils intègrent les apports de la psychologie
cognitive, retenant que les conditions des prises de décision alimentaire pèsent sur les choix. Ensuite, même si la prise de
décision est lente et rationalisée, à cause du biais de la préférence pour le présent (goût perçu) les économistes suggèrent
que les arbitrages intertemporels des consommateurs se font au détriment de la santé.
-Les sociologues montrent que la façon dont chacun fait face aux liens entre alimentation et santé s’inscrit dans des
normes socialement construites qui s’ajoutent à la dimension individuelle vue plus haut. Dans les catégories sociales
aisées et bien informées, les préférences nutritionnelles intuitives sont souvent en cohérence avec les recommandations
de santé publique et elles sont peu éloignées des préférences hédoniques, du moins de celles qui sont culturellement
valorisées au sein de ces catégories. Des produits plus sains sont disponibles dans le répertoire alimentaire si bien que le
changement apparaît accessible et pas trop coûteux. Ce qui est bon pour la santé sera a priori bon au goût, ou du moins
pourrait-on apprendre à l’aimer. Il n’en va pas toujours de même pour les catégories moins favorisées. Dans ces couches
de la population, on observe que l’alimentation est souvent perçue comme un (rare) espace de choix et de liberté au sein
duquel le plaisir arrive en tête. En définitive le choix entre goût et santé est rendu difficile par la dimension psychologique, les préférences intertemporelles et la dimension sociale.
-Des caractéristiques nutritionnelles pas toujours valorisées par le marché sont aussi à considérer. L’hypothèse selon
laquelle les consommateurs chercheraient des produits de meilleure qualité nutritionnelle et les achèteraient s’ils disposaient de l’information pertinente pour les identifier, est loin d’être vérifiée. Des travaux récents montrent que, toutes
choses étant égales par ailleurs et en dehors du marché des produits avec allégations, la présence d’un étiquetage nutritionnel n’augmente pas ou peu la disposition à payer un produit. Plusieurs exemples pris dans le secteur des produits laitiers et celui des céréales et biscuits de petit déjeuner, viennent illustrer et étayer cette constatation. Au total, un faisceau
de résultats suggère que des indications de meilleure qualité nutritionnelle peuvent être reçues comme des indications
négatives sur le plan hédonique et, dès lors, être dévalorisées par une partie des consommateurs.
>L’offre de produits face à la tension entre goût et santé.
Les entreprises sont pleinement conscientes du dilemme du consommateur face à l’arbitrage entre goût et santé. Ce ne
serait pas un problème si elles étaient en mesure, en concevant des produits nouveaux ou en améliorant les produits
existants, de réduire, voire d’éliminer l’antagonisme, là où il existe, entre qualité hédonique et qualité nutritionnelle. Si
ce découplage était possible dans une ampleur suffisante et sans augmenter significativement les coûts de production, il
ne serait plus nécessaire d’inciter les consommateurs à modifier leur consommation. Mais le risque commercial associé
à toute modification sensorielle des produits domine et oriente largement les stratégies. Trois stratégies non exclusives
sont possibles. La première, dite « stratégie sourde », est celle d’une amélioration implicite de la qualité nutritionnelle, à
l’insu des consommateurs par reformulation « pas à pas » des produits existants. La deuxième, « stratégie d’allégations
», offre ouvertement des produits nouveaux aux qualités nutritionnelles améliorées en différenciant les produits selon
des segments fondés sur la nutrition. La troisième, dite « stratégie de substitution », repose sur le lancement de nouveaux
produits à la qualité nutritionnelle améliorée, se substituant parfois à des références de qualité moindre, mais dont le
critère d’innovation mis en avant auprès du consommateur n’est précisément pas cette dimension nutritionnelle.
En France, les travaux font ressortir plusieurs points. Tout d’abord, les modifications de composition nutritionnelle
engagées par les entreprises dans les dernières années sont souvent ciblées sur des catégories particulières de produits
et sur des nutriments critiques Ces modifications concernent aussi bien les marques de distributeurs que les marques
nationales de producteurs. Ponctuellement ces modifications peuvent être d’ampleur significative pour une entreprise
ou une catégorie donnée de produits. L’impact est d’autant plus fort que les modifications reposent sur des dynamiques
collectives de secteurs notamment parce qu’elles peuvent alors être compatibles avec des changements de goût. Enfin,
l’amélioration est plus fréquemment conduite par des reformulations implicites ou peu signalées au consommateur, et
moins souvent par retrait du marché des produits aux qualités nutritionnelles moins favorables ou lancement de produit.
>Que peut-on attendre d’un étiquetage prescriptif ?
-Un premier enseignement des résultats précédents consiste à reconnaître la place somme toute secondaire qu’occupe la
santé dans les préférences alimentaires des consommateurs. Un changement réussi vers une meilleure nutrition se fera
en maintenant une partie au moins des habitudes collectives pour des préférences hédoniques. Second enseignement, un
régime est issu d’une multitude de microchoix. Chaque choix, pris individuellement, a un effet hédonique immédiat fort
et un impact nutritionnel faible. Chaque microdécision est prise rapidement, le plus souvent de façon quasi automatique.
S’il paraît illusoire de chercher à ralentir ces choix afin de les rationaliser, un étiquetage efficace ne pourrait-il pas guider les choix en suggérant de petites substitutions, soutenables au plan hédonique et sans trop d’effets connexes sur les
autres attributs des produits (prix, normes sociales, marques, etc.) ?
-La légitimité scientifique d’un étiquetage prescriptif est-elle suffisante ?
Avant de traiter de la pertinence d’un indicateur nutritionnel prescriptif apposé sur chaque produit, il convient de s’interroger sur la faisabilité d’un tel indicateur. Dispose-t-on des instruments permettant d’agréger les qualités nutritionnelles
d’un produit face aux autres, de telle manière que l’on puisse valablement orienter les choix des consommateurs en
leur suggérant de réduire certaines consommations, d’en augmenter d’autres, de substituer tel produit à tel autre ? Ceci
suppose d’établir sur des bases scientifiques solides, avec un « classement » des produits au regard des enjeux nutritionnels. Les bases d’un tel classement existent-elles ? Un exemple d’une telle base est le système de profilage SAIN-LIM
qui permet de classer les produits selon leurs qualités nutritionnelles intrinsèques. Sur la base des teneurs en 5 nutriments essentiels (score SAIN), en 3 nutriments à limiter (score LIM), et de la définition d’un seuil pour chaque score,
les aliments sont répartis en 4 classes de qualités nutritionnelles. La pertinence du système a été mise en évidence par
modélisation en montrant notamment que les aliments de la meilleure classe (fort SAIN, faible LIM) sont strictement
indispensables au respect des recommandations nutritionnelles. Cette base peut être mobilisée pour comparer entre elles
des catégories d’aliments ou pour comparer des produits entre eux au sein d’une même catégorie. Les paniers ainsi
modélisés sont préférentiellement constitués d’aliments de très bon rapport qualité nutritionnelle/prix que le profilage
nutritionnel permet d’identifier. Des régimes nutritionnellement sains à faible budget sont effectivement possibles, sous
réserve que ces aliments soient choisis de façon préférentielle.
-L’étiquetage prescriptif : ses effets possibles sur les consommateurs. Un étiquetage prescriptif consiste en un logo apposé en face avant des produits qui, par un jeu de couleurs permet une identification rapide de la qualité nutritionnelle des
produits par le consommateur. En pratique, divers formats de tels logos ont été envisagés et des travaux ont étudié dans
quelle mesure ces logos peuvent contribuer à une meilleure compréhension nutritionnelle et ont des impacts significatifs
sur les choix de consommation. L’exemple de la compréhension et de l’acceptation de tels logos par le consommateur
qui a fait l’objet d’une étude réalisée sur les soupes est présenté. Les logos sont plus facilement acceptés par les populations favorisées. Une étude sur la comparaison de 6 logos prescriptifs indiquent une hiérarchie claire des performances
relatives des logos et permettent de dégager le rôle des critères. Un message synthétique est préférable, l’amélioration de
la qualité nutritionnelle étant deux fois plus importante avec une qualification agrégée plutôt que pour chaque nutriment
séparé. Un étiquetage tricolore est préférable à un étiquetage limité au vert, mais l’étiquetage tricolore génère des effets
pervers pour une proportion significative de consommateurs pour qui la qualité nutritionnelle du panier se détériore avec
l’étiquetage tricolore. Enfin un référentiel transversal n’est pas significativement plus efficace qu’un référentiel intracatégorie, mais les changements induits par ces deux options sont différents. A un référentiel transversal, le consommateur
répond plutôt par des substitutions intercatégories, relativement peu nombreuses mais induisant chacune des gains
nutritionnels importants. A un référentiel par catégorie, le consommateur répond par des substitutions plus nombreuses
à l’intérieur des catégories mais qui induisent des gains nutritionnels moins importants. Il serait intéressant de concevoir
un modèle d’étiquetage permettant de cumuler ces deux effets
-Tenir compte des ajustements entre l’offre et la demande. L’évaluation d’une politique nutritionnelle doit tenir compte
non seulement de ses effets sur les comportements de consommation mais aussi de son impact sur les stratégies d’entreprises. C’est à l’équilibre du marché tenant compte simultanément des comportements des entreprises et des consommateurs que doivent être évalués les effets d’une politique d’étiquetage. Sur un marché spécifique, celui des fromages
blancs et spécialités laitières « nature », une étude a porté sur la question d’un éventuel étiquetage obligatoire du contenu
en matière grasse comme moyen d’en réduire la consommation par les individus et les ménages. Les résultats montrent
que les entreprises baissent en effet les prix pour contrecarrer les baisses de parts de marché provoquées par l’affichage
de la teneur en gras des spécialités laitières. Les effets de l’information sont ainsi largement amoindris par les effets prix.
Concernant l’étiquetage prescriptif, les résultats sont encore insuffisants pour en anticiper tous les effets combinés de
l’offre et la demande. Il est néanmoins clair que les effets sur les stratégies des entreprises et les équilibres offre et
demande devraient varier en fonction du format d’étiquetage retenu puisqu’on sait qu’il influe sur les comportements
des consommateurs. Au final, le bilan, positif ou négatif, dépendrait du degré de relâchement de la concurrence en prix
(plus ou moins fort selon les impacts de l’étiquetage sur le niveau de différenciation des produits) et de la baisse ou de
la hausse de la qualité des produits selon les segments de marché.
>Conclusion des auteurs.
« On peut sans doute poser comme acquis le fait que les consommateurs savent plutôt bien distinguer les catégories
nutritionnellement saines ou moins saines de produits. Mais, l’amélioration effective de la qualité nutritionnelle d’un
régime ne viendra pas, au moins à court terme, de substitutions massives entre catégories, en tout cas pour un consommateur sain et sous la seule impulsion d’un étiquetage nutritionnel. L’affichage nutritionnel doit donc soutenir des
arbitrages plus fins de la part du consommateur, permettant de réaliser des substitutions de produits qui soient raisonnables pour lui sur le plan hédonique (c’est-à-dire qui ne diminuent pas trop le plaisir qu’il a de manger) et sur le plan
économique (c’est-à-dire qui ne modifient pas trop son budget alimentation), tout en lui garantissant une amélioration
nutritionnelle significative.
Ce n’est pas par un accroissement de la précision analytique de l’information nutritionnelle fournie au consommateur,
c’est-à-dire en le rendant plus expert, que l’on réussira à infléchir des choix qui doivent rester autant que possible
simples, rapides et intuitifs. Les substitutions à favoriser doivent en outre être compatibles avec les incitations des entreprises et leurs effets sur les choix de qualité et de prix, sous peine de générer des effets non intentionnels qui réduisent
les bénéfices attendus de l’étiquetage. Des instruments intelligents et légers d’aide à la décision doivent être conçus,
dont l’étiquetage n’est sans doute qu’un élément. Mais la mise au point de tels instruments n’est pas simple. Elle pose
des questions qui ne sont pas classiquement évoquées dans le débat sur l’étiquetage nutritionnel : quels sont les sentiers
d’amélioration nutritionnelle les plus aisés et les moins coûteux (en prix, en qualité hédonique, en changement des habitudes) pour les consommateurs ? Quels sont les étiquetages les plus utiles pour indiquer le chemin et inciter à le suivre
? Quel impact nutritionnel peut-on attendre de chaque format d’étiquetage lorsqu’on combine les réactions des consommateurs et des entreprises ? Les travaux en cours en psychologie, en sociologie et en économie comportementale et
industrielle, autant que les travaux en nutrition, en science du goût et en génie industriel, devraient permettre d’éclairer
la démarche à suivre pour répondre à ces questions.
Source : Ruffieux B. et Soler L. G, 2013. L’étiquetage nutritionnel face à l’arbitrage goût-santé. INRA Sciences sociales (résultats
de recherche), N° 5-6 2012 – juin 2013, 6p. http://ageconsearch.umn.edu/bitstream/151302/2/iss12-5-6.pdf
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Environnement
Réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture française.
Maintenant reconnue comme un des enjeux décisifs de l’évolution du climat, la réduction des émissions nettes de gaz à
effet de serre (GES) est devenue un objectif d’importance majeure. L’agriculture est appelée à y contribuer, comme les
autres secteurs économiques. Les spécificités des émissions de GES d’origine agricole rendent cependant leur quantification et leur limitation difficiles. L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), le Ministère de
l’agriculture et le Ministère de l’écologie, ont demandé à l’INRA de réaliser une étude sur l’atténuation des émissions
de GES du secteur agricole français métropolitain. Il s›agissait de déterminer et d’analyser une dizaine d’actions portant sur des pratiques agricoles susceptibles de contribuer à la réduction des émissions de GES et/ou à l’accroissement
du stockage de carbone dans les sols et la biomasse. L’analyse a consisté à estimer le potentiel d’atténuation de chacune
de ces actions et les coûts et gains économiques associés. Cette étude devrait contribuer à faciliter la définition des
politiques publiques destinées à réduire les émissions de GES dans le secteur agricole.
>L’étude sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’agriculture.
L’inventaire national 2010 des émissions françaises de GES attribue à l’agriculture 17% de ces émissions dont 9,8%
dus au protoxyde d’azote et 8% au méthane. Si l’on tient compte des émissions liées aux consommations d’énergie,
l’agriculture française contribue à hauteur de 20% aux émissions nationales. L’étude avait pour objectif de déterminer
comment l’agriculture peut participer à l’amélioration du bilan des émissions de GES. Le cahier des charges de l’étude
précisait que les actions éligibles devraient être basées sur des pratiques agricoles relevant d’une décision de l’agriculteur, induire une atténuation se situant au moins en partie sur l’exploitation agricole, ne pas remettre en cause le système
de production de manière importante ni réduire le niveau de production de plus de 10 %. Pour chacune des actions retenues le potentiel d’atténuation des émissions des émissions de GES et les coûts/gains pour l’agriculteur de la mise en
œuvre de l’action devrient être précisés.
>Les résultats de l’étude : 10 actions identifiées, leur potentiel et leur bilan économique coût/bénéfice.
-L’agriculture peut participer à l’amélioration du bilan net des émissions de GES sur 4 plans :
--la réduction des émissions de protoxyde d’azote (N2O, puissant gaz à effet de serre produit par la transformation des
engrais ou des déjections animales dans les sols cultivés) et de méthane (CH4, gaz à effet de serre provenant notamment
des élevages) ;
--le stockage de carbone dans les sols et dans la biomasse ;
--l’économie et la production d’énergie à partir de biomasse (agrocarburants, biogaz qui réduisent les émissions en se
substituant aux énergies fossiles) ;
--la production de matériaux à partir de la biomasse.
-Les 22 experts mobilisés ont déterminé et analysés 10 actions décomposées en 22, sous actions. Ces actions portaient
sur la gestion de l’azote (fertilisation azotée, légumineuses), des pratiques susceptibles de favoriser le stockage de carbone dans les sols et la biomasse (non-labour, agroforesterie, cultures intermédiaires et intercalaires, gestion des prairies), l’alimentation animale (rations réduisant les rejets azotés ou la production de méthane) et la production d’énergie
sur l’exploitation (méthanisation, économies d’énergies fossiles.
-Le potentiel d’atténuation des actions identifiées.
--Un tiers des actions donne lieu à un gain financier pour l’agriculteur : il s’agit principalement d’ajustements techniques
avec économies d’intrants, sans perte de production. Il est, par exemple, cité la conduite des prairies (allongement de
la durée des pâturages, accroissement de la part des légumineuses…) ou l’ajustement de la fertilisation azotée ou de
l’alimentation des bovins et des porcs.
--Un deuxième tiers des actions sont à coût modéré : elles nécessitent des investissements spécifiques (exemple de la
méthanisation) et peuvent modifier le système de culture (réduction du labour, agroforesterie).
--Dans le dernier tiers les actions sont à coût plus élevé : elles nécessitent un investissement sans retour financier direct,
des achats d’intrants spécifiques, du temps de travail dédié (cultures intermédiaires, haies) et peuvent impliquer des
pertes de production plus importantes (bandes enherbées réduisant la surface cultivée). Certaines de ces actions ont
cependant un effet positif sur des objectifs agri-environnementaux comme la biodiversité, la lutte contre l’érosion ou
l’esthétique des paysages… ce qui n’a pas été quantifié dans cette étude.
-Un important potentiel d’atténuation global.
L’ensemble des actions analysées conduirait à l’horizon 2030 à une atténuation annuelle cumulée des émissions de GES
du secteur agricole représentant 32 millions de tonnes équivalent CO2 selon la méthodologie utilisée par les experts.
Toutefois, seule une partie de cette atténuation serait reflétée dans l’inventaire national des émissions de gaz à effet de
serre. En effet, l’inventaire national 2010 ne permet pas de rendre compte de l’atténuation liée à certaines actions (par
exemple aux émissions de méthane par les bovins suite aux modifications des rations alimentaires, ou au stockage du
carbone lié au non-labour ou l’agroforesterie).
Cette étude, dont la restitution publique a eu lieu le 2 juillet 2013, devrait contribuer à faciliter la conception ou la réorientation des politiques publiques destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.
Sources : INRA, communiqué de presse « Réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture française : l’inra identifie
dix actions », 02/27/2013.
http://presse.inra.fr/Ressources-Communiques-de-presse/Réduire-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-de-l-agriculture-française-l-Inra-identifie-dix-actions
Pellerin S. et al, 2013. « Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? », INRA,
Science Impact Délégation à l’Expertise scientifique à la Prospective et aux Etudes (DEPE), Synthèse du rapport d’Etude, 94p
http://institut-inra/Mission/Eclairer-les-decisions/Etudes/Toutes-les-actualites/Etude-Reduction-des-GES-en-agriculture
Conférence environnementale : économie circulaire et politique de l’eau concernent l’agriculture.
La « Conférence environnementale de la transition écologique » est, dans la continuité du Grenelle de l’environnement,
un lieu de débat dont l’objectif est de faire remonter des propositions et d’identifier les leviers d’action pour engager
une transition écologique. Elle se centre sur quelques thèmes particuliers chaque année. Celle qui va avoir lieu les 20
et 21 septembre 2013 va aborder, parmi les cinq thèmes des tables rondes, deux thèmes majeurs pour l’agriculture :
l’économie circulaire avec le recyclage des déchets et le retour au sol de certains déchets organiques, la politique de
l’eau, qui a fait l’objet de deux missions parlementaires de réflexion, sur la gestion quantitative de l’eau et sur la politique de l’eau. Dans ce dernier domaine un plan d’action serait lancé à l’automne, il s’agit de réformer la gouvernance
partenariale, de prévenir et réduire les pollutions diffuses et d’atteindre les objectifs de bon état des masses d’eau en
2015 fixés par la Directive-cadre de la Commission européenne.
>Préparation de la Conférence des 20-21 septembre 2013.
Les 5 thèmes particuliers, qui sont inscrits à l’ordre du jour portent sur : Economie circulaire ; Emplois et transition
écologique ; Politique de l’eau ; Biodiversité marine, mers et océans ; Education à l’environnement et au développement
durable. Un Comité national de la transition écologique (CNTE) doit être mis en place et un « groupe de préfiguration »
a été installé. Ce Comité, selon la gouvernance instituée par le Grenelle de l’environnement, devrait réunir les acteurs
économiques, sociaux et environnementaux, les organisations syndicales, les organisations d’employeurs, les collectivités territoriales, l’Etat avec une participation importante de parlementaires. En ce qui concerne le secteur agricole, il
est représenté par la FNSEA et l’APCA = Assemblée permanente des chambres d’agriculture (en l’état actuel en alternance avec les autres assemblées consulaires : Chambre de commerce et d’industrie, Chambre des métiers et artisanat).
Des Comités particuliers existants sont mis à contribution, comme le comité national des déchets, le comité national de
l’eau… (Ndlr : nous n’abordons ici que les aspects relatifs aux déchets et à l’eau intéressant au premier chef l’agriculture).
>Economie circulaire et recyclage et valorisation des déchets au niveau de l’agriculture.
-L’évolution des modes de consommation et de production pour économiser les ressources, le développement des filières
industrielles, notamment de recyclage des déchets ou encore le développement des projets de territoire et des circuits
localisés, avec les collectivités locales et les entreprises, seront des enjeux abordés et sur lesquels de nouvelles orientations sont attendues dans le thème « économie circulaire ». L’agriculture est concernée, comme activité économique
génératrice de déchets et spécifiquement en tant qu’activité de recyclage et de traitements de certains flux de produits et
de déchets organiques par le retour au sol ou la valorisation énergétique par la méthanisation.
-Dès 2001 une filière volontaire de gestion des déchets de l’activité agricole (bidons, plastiques, sac, ficelles…) a été
mis en place, avec la création d’ADIVALOR (Organisme privé regroupant :Agriculteurs, distributeurs, industriels pour
la valorisation des déchets) avec l’engagement du secteur agricole de contribuer à une agriculture durable respectueuse
de l’environnement, auquel participe l’APCA (Assemblée permanente des chambres d’agriculture) comme membre fondateur et actionnaire. Selon le rapport d’activité d’ADIVALOR 2012, le taux de collecte et de recyclage de cctte filière
volontaire est élevé et excellent.
-L’utilisation du sol agricole comme moyen de recyclage des déchets organiques intéresse particulièrement les Pouvoirs publics. Ces derniers y voient une possibilité d’importantes perspectives pour de tels déchets ne provenant pas de
l’exploitation : déchets des industries agroalimentaires, déchets ménagers, déchets verts, boues urbaines qui peuvent être
épandues, soit directement soit après transformation en compost ou méthanisées. Si ces produits sont sûrs et de bonne
qualité, ils représentent pour l’agriculteur une source de matière organique et d’éléments fertilisants pour la fertilité des
sols. Mais, les chambres d’agriculture se veulent particulièrement vigilantes sur cette pratique car, toutes les sources de
matière organique ne présentent pas le même degré de risque pour les sols et l’environnement, ni le même intérêt agronomique. Il s’agit que l’objectif quantitatif du recyclage ne se fasse pas au détriment de la préservation de la qualité des
sols. Il s’agira donc de parvenir à une meilleure définition des conditions acceptables, en termes de qualité et de suivi,
pour une meilleure traçabilité de l’ensemble des flux recyclés.
Le Comité National de déchets a été chargé, avant la Conférence environnementale, de parvenir à des propositions
faisant consensus sur la politique « économie circulaire – déchets » à l’horizon 2020. En l’état actuel, les orientations
avancées portent sur : une loi-cadre « économie circulaire », pour encadrer les politiques de gestion des déchets ; des
exigences accrues pour le tri des déchets ; l’encadrement de la dimension territoriale de proximité du recyclage.
>Politique de l’eau et agriculture.
-Les trois axes de travail de la table ronde concernant la politique de l’eau devraient être : 1-L’atteinte des objectifs fixés
au titre de la Directive cadre sur l’eau (DCE) et des objectifs de révision des SDAGE (Schéma directeur d’aménagement
et de gestion des eaux) pour la période 2016-2021, 2-La prévention et la réduction des pollutions diffuses, 3-La gouvernance partenariale de l’eau (responsabilités et moyens des différents acteurs).
-Dans le cadre de la Modernisation de l’Action Publique (MAP), lancée par le Premier Ministre, une cellule opérationnelle réalise un diagnostic de l’actuelle politique de l’eau menée sur le terrain et devrait présenter à la Conférence environnementale plusieurs scénarios d’évolution qui seront discutés. Deux missions parlementaires, au cours desquelles
l’APCA a été consultée, contribueront à ces propositions et au débat de la Conférence. Il s’agit des missions de :
..Philippe Martin, député du Gers, qui a remis le 5 juin 2013 son rapport sur « La gestion quantitative de l’eau en
agriculture » à Jean Marc Ayrault, Premier ministre, qui l’avait chargé de cette mission le 23 novembre 2012. Philippe
Marin s’est rendu sur 4 territoires particulièrement concernés par les questions d’irrigation et a également consulté de
nombreuses parties prenantes dans ce domaine. Le rapport fait le point sur les enjeux liés au partage de l’eau, les modes
d’irrigation et la mise en œuvre de la réforme des volumes prélevables (loi du 30 décembre 2006). Il rappelle la nécessité
d’anticiper les changements climatiques. Il préconise de s’appuyer sur une vision partagée au plus près des territoires
pour conjuguer l’alimentation en eau potable des populations humaines, la préservation des milieux aquatiques et les
usages économiques de l’eau dans une logique territoriale et aussi de finaliser la réforme engagée depuis la loi sur l’eau
du 30 décembre 2006. (Ndlr : son rapport a été présenté dans Adalia n°68 de juillet, rubrique « Lu pour vous »).
..Michel Lesage, député des Côtes d’Armor, qui a remis le 10 juillet son volumineux rapport au Premier ministre sur
« L’évaluation de la politique de l’eau en France ». Après avoir dressé le tableau d’une situation inquiétante face aux
défis et nouveau enjeux liés à l’eau, avec un modèle de gestion obsolète datant de plus d’un demi-siècle, il préconise un
« big-bang territorial » pour un nouvel élan, s’appuyant sur une implication forte de l’Etat avec une Autorité nationale de
l’eau et sur une nouvelle gouvernance territoriale à partir des collectivités locales pour atteindre des objectifs de qualité.
Il propose des outils pour l’action, avec une réorganisation des multiples structures traditionnelles opérant en la matière
et une nouvelle fiscalité de l’eau. L’eau est l’affaire de tous et a besoin de démocratie. Il considère aussi la lutte contre
les pollutions diffuses d’origine agricole comme une des priorités.
-Les dixièmes programmes d’intervention des Agences de l’eau avaient déjà traduit fin 2012 les recommandations de la
Commission européenne pour atteindre les objectifs de bon état des masses d’eau, notamment par l’augmentation de la
part accordée à la prévention et à la réduction des pollutions diffuses, notamment agricoles. Les Chambres d’agriculture
souhaitent, en vue de la révision des SDAGE pour la période 2016-2021, que des états des lieux objectifs et des diagnostics socio-économiques soient réalisés. Elles demandent une amélioration des connaissances scientifiques sur les
transferts de pollution vers les milieux aquatiques, les lacunes en la matière justifiant actuellement la lenteur des mesures
prévues par les SDAGE (2009-2013) contre ces pollutions diffuses.
-Les Chambres d’agriculture s’engagent et participent fortement à la mise en œuvre de la politique de l’eau. Elles
soulignent cependant que les objectifs que se fixe la France pour la transposition des directives européennes sur l’eau
doivent être économiquement tenables. Concernant les demandes de protection des captages, les Chambres d’agriculture sont fortement impliquées dans la mise en œuvre de la politique de l’eau au côté des agriculteurs. Elles participent
activement à l’ensemble des débats dans les Commissions locales de l’eau (CLE), les Comités de bassin et le Comité
national de l’eau.
Les Chambres d’agriculture sont présentes dans l’ensemble des comités de pilotage. Elles réalisent la moitié des diagnostics de pression et animent les deux tiers des plans d’action et sur 44% des Aires d’alimentation de captage (AAC),
ainsi que des Mesures agro-environnementales. Elles souhaitent que le nouveau système de gouvernance continue à
permettre à chacun des acteurs de l’eau de s’exprimer sur les différents volets de la protection de la ressource et que la
représentativité et la légitimité du secteur agricole ne soit plus remise en question. Une meilleure concertation des secteurs économiques concernés favoriserait une meilleure appropriation des enjeux et des objectifs du secteur agricole, en
rapport avec la politique de l’eau et les politiques environnementales d’une manière plus générale.
Sources : Aubrat J. et al, 2013. Conférence environnementale de septembre 2013 ; Deux thèmes majeurs pour l’agriculture. Revue
Chambres d’agriculture n° 1025, août-septembre 2013, pp3-5
http://www.chambres-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/RevueArticle/Revue_1025/1025_conference.pdf
Philippe Martin « La gestion quantitative de l’eau en agriculture » Une nouvelle vision, pour un meilleur partage, Rapport de mission au Premier Ministre, juin 2013, 87p
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/rapport_de_m._philippe_martin_sur_la_gestion_quantitative_de_l_
eau_en_agriculture.pdf
Michel Lesage, Rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France : « Mobiliser les territoires pour inventer le nouveau service
public de l’eau et atteindre nos objectifs de qualité », Rapport de mission au Premier Ministre, juin 2013, 219 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/dossier_de=presse/13138_rapport_leage.pdf
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Filière
Les perspectives d’évolution pour les biocarburants.
L’Agence européenne de l’environnement (AEE) a diffusé le 3 juillet 2013 un rapport sur le potentiel de bioénergie de
l’Union européenne dans la perspective d’une utilisation efficace des ressources et de la diminution des émissions de
gaz à effet de serre (GES). Il met en évidence l’influence des différents mélanges de cultures énergétiques. Le scénario
préconisé, qui tient compte des changements d’affectation des sols indirects (CASI), et qui aboutirait à diminuer la part
des oléagineux, de la betterave, du maïs et à augmenter celle des céréales, des taillis à courte rotation et des prairies
permanentes se heurte au marché. La Commission de l’environnement du Parlement de l’UE a adopté le 11 juillet des
mesures pour soutenir le plafonnement des biocarburants classiques et accélérer le passage à une nouvelle génération
de produits fabriqués à partir d’autres sources (certains déchets, algues). De son côté, Sofiprotéol a présenté le 4 juillet
un projet de restructuration des activités de biodiesel, qui prévoit la fermeture ou la reconversion de 3 usines.
>Le défi de la production de bioénergie, selon l’Agence européenne de l’environnement (AEE).
-Les objectifs et motivations. L’Union européenne a défini elle-même l’objectif ambitieux d’accroître la répartition des
sources renouvelables dans la consommation finale d’énergie à 20% en 2020. Cela est motivé par la reconnaissance
largement admise que l’utilisation du pétrole pour générer de l’énergie est préjudiciable à l’environnement et au bienêtre humain. Les technologies d’énergies renouvelables offrent une voie pour accroître significativement l’efficacité des
ressources, permettant à la société de se procurer l’énergie nécessaire à un coût environnemental beaucoup plus bas.
-Le rapport produit en 2013 par l’AEE (EEA - European Topic Centre on Spatial Integration and analysis), réévalue le
potentiel en bioénergie de l’Union européenne et apporte un nouvel aperçu sur :
--le potentiel de diminution de GES de différentes options technologiques de conversion de la biomasse en énergie
(voies de bioénergie) ;
--comment apporter une perspective sur l’efficacité de la ressource dans la conception d’un développement de la bioénergie ;
--au sujet des bénéfices dans l’utilisation de la biomasse forestière pour produire de l’énergie en matière de GES
(« dette » en carbone) ;
--la tendance souhaitable pour les cultures bioénergétiques actuelles dans une perspective environnementale.
-Les résultats clés.
--Changement d’affectation des sols indirects (CASI). La comparaison du potentiel de bioénergie dans les 3 scénarios,
avec l’estimation du potentiel en bioénergie des précédents rapports de l’AAE, démontre l’importance d’incorporer le
CASI. Cette prise en compte diminue la quantité de bioénergie qui peut être produite, mais plus encore elle altère le
mélange de source de bioénergie. En particulier la plupart des voies de production de biofuel de première génération
sont exclues si on inclue le CASI qui rend la balance négative.
--Les politiques contraignantes contrastées apportent peu de variation dans le potentiel total de bioénergie, mais de
plus grandes différences dans le mélange des cultures pour l’énergie. Bien que les contraintes environnementales plus
étroites dans les scénarios « Effet climatique » et « Efficacité des ressources » réduisent le potentiel de biomasse, ceci
est compensé par des politiques de soutien des prix et des voies de bioénergie plus efficaces, qui sont absentes du scénario « Le Marché d’abord ». Il en résulte que le potentiel de bioénergie global est semblable dans les trois scénarios.
Cependant, les scénarios avancés impliquent de grandes différences dans le mélange des cultures et les voies de conversion d’énergie. Les scénarios « Effet climatique » et « Efficacité des ressources », aboutissent à un changement dans les
biocarburants de première génération vers des cultures pérennes, avec une production de relativement plus de chaleur,
d’électricité et de biogaz.
--Les voies de bioénergie alternative varient significativement dans leur efficacité de GES (de gaz à effet de serre) :
l’absence de contraintes environnementales dans le scénario « le Marché d’abord » implique que les objectifs de bioénergie NREAP seraient réalisés aux dépens de la production de 44 kg de CO2-équivalent par GJ. C’est 62 % de moins
d’émission de gaz à effet de serre que si l’énergie avait été produite en utilisant des combustibles fossiles. Au contraire,
les contraintes environnementales strictes dans le scénario « Efficacité des Ressources » impliquent un poids considérablement inférieur de 25Kg CO2-équivalent par Gj, ce qui représente une réduction de 80% comparé aux carburants
d’origine fossile.
--Les voies de production de bioénergie varient aussi énormément dans leurs impacts sur l’écosystème : les scénarios
diffèrent significativement dans des impacts sur la quantité d›eau, l’érosion et la diversité des oiseaux dans les terres
agricoles. Le scénario « Le Marché d’abord » amène des impacts sur l’environnement négatifs dans ces domaines). Le
scénario « Effet climatique » montre que le fait de donner la priorité à la réduction d’émissions de gaz à effet de serre
peut toujours mener aux augmentations négatives dans le domaine de l’eau et de la perte de diversité d’oiseau des terres
agricoles. Le scénario « Efficacité des ressources » est plus proche d’une approche écologiquement avantageuse favorable, car il fonctionne mieux que les deux autres scénarios tant dans l’économie d’eau que les effets d’oiseau de terres
agricole et en réalisant toujours l’objectif actuel de l’UE pour la bioénergie.
--L’énergie actuelle coupant les tendances n’est pas « écologiquement compatible » : la Comparaison des tendances des
cultures énergétiques actuelles avec le scénario de cultures « écologiquement compatibles » ; développé par l›EEA en
2006 ; révèle des différences substantielles. Tandis que la récolte annuelle des cultures arables domine actuellement et
que les pérennes représente une proportion minuscule du mélange de cultures (mix de cultures), le mélange de cultures
énergétiques écologiquement compatibles proposé en 2006 a prévu un changement de cultures pérennes et de prairies
en 2020.
-Conclusions, préconisations.
--Comme l’analyse des scénarios l’illustre clairement l’efficacité sur les GES de la bioénergie et les impacts sur l’écosystème peuvent varier significativement sous l’influence des contraintes économiques et politiques en place et des
résultats des voies de la bioénergie. Si l’alimentation provient des déchets ou résidus de l’agriculture, cela implique
zéro changement dans l’affectation des terres et un substantiel avantage sur les énergies fossiles en terme à la fois de
gaz à effet de serre et impacts sur l’écosystème. Au contraire quand la biomasse est dérivée de cultures énergétiques,
certaines voies amènent des émissions additionnelles de GES et d’autres impacts environnementaux. Les changements
d’affectation indirects des sols sont particulièrement importants à cet effet et doivent être pris en compte dans la politique bioénergétique de l’UE.
Dans la perspective d’une efficacité de la ressource, le cœur du message de cette étude est clair : la bioénergie peut
jouer un rôle valable en rejoignant les nécessités énergétiques de la société tout en préservant notre capital naturel. Mais
seulement si cela est centré sur un usage plus efficace de la ressource de biomasse, à travers l’ensemble de la chaîne de
la biomasse à la production. Le but des politiques doit être d’y contribuer en rendant la chaîne de bioénergie environnementalement compatible, au niveau de la source de biomasse, mais aussi par des mesures qui stimulent les améliorations
des autres parties de la chaîne, incluant les aspects logistiques et la consommation finale de cette énergie.
Des effets environnementaux potentiellement défavorables connectés avec des CASI, y compris des changements dans
la gestion des terres, sont actuellement à l’extérieur du cadre législatif de l’UE sur la bioénergie. Des mesures politiques
d’aides supplémentaires et de protection sont nécessaires au sujet de tels impacts sur l’environnement, particulièrement
en ce qui concerne la biodiversité des terres agricoles et des ressources en eau. L’utilisation de biomasse superflue et des
résidus de la sylviculture et l’agriculture est très favorable dans une perspective d’efficacité de ressource. Cependant,
la question du stockage carbonique associé à l’utilisation de biomasse forestière présente une préoccupation environnementale. Cette question nécessite une recherche ultérieure afin d’établir les gains potentiel de réduction de GES pouvant
résulter d’une partie substantielle du potentiel de bioénergie forestier actuellement évalué.
-Cette étude, destinée à éclairer les autorités de l’UE, à prendre des décisions politiques en matière de bioénergie. Le
scénario privilégié pour l’efficacité des ressources et la nette diminution des émissions de GES d’ici 2020, tient compte
des CASI. Il préconise un changement dans le « mix de cultures énergétiques » : il s’agirait de diminuer très fortement
la part des oléagineux en faisant passer la part de l’huile de colza, qui représente actuellement 59% de la production
européenne de bioénergie à 5%, celle du tournesol de 20 à 1% et celle de la betterave de 1% à 0%. Mais la part des céréales pour les biocarburants progresserait de 11 à 26% d’ici 2020, sauf pour le maïs dont la part passerait de 7 à 2%. Les
taillis à courte rotation, qui actuellement contribuent à 1% de la bioénergie dans l’UE devraient parvenir à 17%. A l’horizon 2020, 49% de la bioénergie de l’UE devrait provenir des prairies permanentes et 26% d’autres cultures annuelles. Il
est clair qu’il s’agit de pousser à l’émergence des biocarburants de deuxième génération et de réduire la part de ceux de
première. Le scénario, basé sur une orientation environnementale, ne va pas dans le sens des marchés car, aujourd’hui
l’utilisation d’une partie des grandes cultures pour les bioénergies contribue à la régulation des surplus sur les marchés
et, grâce aux coproduits, à une meilleure indépendance fourragère aux pays de l’UE, de plus il ne faut pas oublier que
les pouvoirs publics ont poussé à investir dans les usines de production de biocarburants de première génération. Par
ailleurs il est clair que l’UE ne peut être vertueuse en matière de lutte contre le changement climatique que jusqu’à un
certain point dans un contexte mondial où beaucoup de pays, en particulier les émergents, ne s’en soucient guère.
>La Commission de l’environnement du Parlement européen soutient la promotion des biocarburants avancés.
-Les députés ont adopté le 11 juillet des mesures pour soutenir le plafonnement des biocarburants classiques et accélérer
le passage à une nouvelle génération de produits fabriqués à partir d’autres sources (certains déchets, algues). Ces mesures visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) générés par l’utilisation croissante des terres agricoles
pour la production de biocarburants.
-La production d’émissions de gaz à effet de serre (GES) résultant de l’utilisation croissante des terres agricoles pour la
production des biocarburants constitue ce que l’on appelle le changement d’affectation des sols indirects (CASI). Des
modèles scientifiques ont montré que ce phénomène, s’il est pris en compte dans le bilan du cycle de vie d’un carburant,
peut annuler une partie des effets positifs des biocarburants. Dès 2008, le Parlement européen avait appelé à la prise en
compte du facteur CASI dans la politique européenne des biocarburants.
-Les Etats membres doivent faire en sorte que la part d’énergie renouvelable dans les transports compte pour au moins
10% de leur consommation finale en 2020. D’après la Commission de l’environnement, la part de biocarburants de
première génération produit à partir des cultures alimentaires et énergétiques, ne doit pas dépasser 5,5% de l’énergie
finale consommée dans les transports en 2020, sachant que la Commission européenne avait initialement proposé un
plafonnement à 5%.
-Les biocarburants avancés, produits à partir d’autre sources, comme les algues ou certains déchets, devront représenter
pas moins de 2% de la consommation en 2020 selon les députés européens. Cependant, ce développement ne devra pas
priver d’autres secteurs de matières premières, déstabiliser la politique européenne en matière de déchet, de forêt, ou
avoir un impact sur la biodiversité. Afin d’assurer une meilleure présence des véhicules électriques sur le marché, l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables devra également compter pour 2% de la consommation globale d’énergie dans les transports en 2020. Ces propositions devraient être adoptées en séance plénière à Strasbourg en septembre.
>Sofiprotéol va restructurer ses activités en biodiesel.
La surcapacité des outils industriels est illustrée par les chiffres cités par Yves Delaine (Directeur général adjoint de
Sofiproteol en charge du pôle végétal), dans sa conférence de presse du 4 juillet 2013 « capacité de production de Diester
de 2 millions de tonnes (Mt) en France, activité 1,6 Mt, soit 400 000 t de surcapacité ». Par ailleurs la France a décidé
de marquer une pause en fixant à 7% le taux d’incorporation de biocarburants de première génération, le taux européen
étant encore plus bas à 5%, ce qui ne permet pas d’envisager la croissance des sites industriels. IL faut aussi mentionner
la concurrence forte des producteurs de Diester du nord de l’Europe. Face à cette situation un projet de restructuration
des activités de biodiesel du groupe Sofiproteol a été présenté au comité « pôle végétal ». Il implique la fermeture, d’ici
à la fin de 2013, de 2 unités d’estérification, d’une unité de trituration et la fusion de Saipol et Diester Industrie en juin
2014. Les principales usines affectées sont : Diester Industrie Flandres (arrêt), Saipol à Venette (fermeture), Unité de
Novance à Venette (reconversion). Ces fermetures devraient permettre aux activités de biodiesel de Sofiproteol d’améliorer leur compétitivité, et de dégager des capacités d’investissement sur les biocarburants de « nouvelles génération ».
Cependant, malgré la restructuration, l’utilisation de graines de colza par Sofiproteol devrait se maintenir autour des 3
Mt par an.
Sources : European Environment Agency (EEA, European Topic Centre on Spatial Integration and analysis), « EU bioenergy
potential from a ressource-efficiency perspective », EEA Report / N° 6/2013, 64p (en anglais) http://www.eea.european.eu/publications/eu-bioenergy-potential
FG, « Biocarburants : le choix des cultures appelé à évoluer (rapport) », La France agricole / Actualités, 03 juillet 2013 http://
www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/biocarburants-le-choix-des-cultures-appele-a-evoluer-rapport-74633.html
Parlement européen, « La commission de l’environnement soutient la promotion des biocarburants avancés », communiqué de
presse, 11/07/2013 http://www.newspress.fr/Communique_FR_268480_650_aspx
Guion F., « Biocarburants : Sofiprotéol va restructurer ses activités en biodiesel », La France Agricole / Actualités, 05/07/2013 http://www.lafranceagricole.fr/actualite-agricole/biocarburants-sofiproteol-va-restructurer-ses-activites-en-biodiesel-74732.html
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Lu pour vous
Comment gérer la résistance des insectes aux cultures transgéniques ?
Avec l’augmentation des surfaces cultivées avec des plantes transgéniques produisant des protéines insecticides, les
insectes développent toujours plus de résistances dans le monde. Un chercheur du Cirad (Centre de coopération
internationale en recherche agronomique pour le développement) et ses collègues de l’université de l’Arizona dans une
synthèse de la littérature scientifique publiée récemment ont dressé ce constat. Mais pourquoi, dans certains cas, les
insectes s’adaptent-ils en moins de deux ans et, dans d’autres, n’y parviennent-ils toujours pas au bout de quinze ans ?
Tout est question de gestion de la résistance, car les agriculteurs ont les moyens de retarder son apparition, notamment
en créant des « zones refuges », encore faut-il qu’ils les mettent en œuvre. Les semenciers de leur côté proposent une
autre solution : des OGM contenant au moins 2 protéines différentes de Bacillus thuringiensis.
>Les plantes transgéniques résistantes aux insectes.
Depuis 1996, les agriculteurs du monde entier ont semé plus de 400 millions d’hectares de maïs et de cotonniers génétiquement modifiés (comme, par exemple Maïs MON 810, maïs Bt, coton Bollgard). Les cultures de plantes génétiquement modifiées se situent principalement aux Etats-Unis, avec près de la moitié des superficies mondiales, mais
aussi en Amérique du sud, en Afrique, en Asie et… en Europe (Espagne, Portugal, République Tchèque, Slovaquie et
Roumanie). Ces plantes sont génétiquement modifiées afin de produire des protéines insecticides de la bactérie Bacillus
thuringiensis (Bt). Ces plantes, dites Bt, ont permis de réduire l’utilisation des insecticides chimiques, mais elles ont
aussi entraîné l’apparition d’insectes résistants, comme cela était prévisible selon la théorie de l’évolution. Il est maintenant possible d’évaluer la rapidité avec laquelle les insectes deviennent résistants et, surtout de comprendre pourquoi.
>Situation actuelle de la résistance.
-L’analyse de la littérature scientifique sur cette question a porté sur 77 études de suivi au champ de la résistance aux
cultures Bt. Les auteurs sont partis du principe qu’une population était résistante quand 50% de ses individus étaient devenus résistants, c’est à dire capables de résister à l’ingestion des toxines Bt. Leur étude a porté sur 13 espèces d’insectes
nuisibles (lépidoptères et coléoptères), ciblés par 6 toxines Bt.
Ils ont recensé 1 cas de résistance au cultures Bt en 2005 et 5 cas en 2010. Trois des 5 cas (la chrysomèle du maïs
Diabrotica virgifera virgifera et la noctuelle Sporoptera frugiperda sur le maïs, et la noctuelle Helicoverpa zea sur le
cotonnier) se situent aux USA, les autres (Busseola fusca sur maïs et ver rose du cotonnier Pectinophora gossypiella)
sont apparus en Afrique du sud et en Inde.
-L’augmentation des cas de résistance s’explique par l’extension des surfaces cultivées en plantes Bt et donc de la durée
d’exposition des ravageurs aux toxines, mais il y a des disparités dans la rapidité d’apparition de ces résistances. Dans
certains cas, la résistance est apparue en 2 ans et dans d’autres, elle n’est toujours pas mise en évidence au bout de 15
ans. Une analyse des conditions qui retardent l’apparition de cette résistance a été réalisée par les auteurs. Ils soulignent
d’abord qu’en accord avec la théorie de l’évolution, l’efficacité des cultures Bt a plus de chance de durer si les gènes de
résistance sont initialement rares dans la population d’insectes, et si l’hérédité de cette résistance est récessive, c’est-àdire si seuls les insectes qui possèdent deux copies du gène de résistance survivent sur les plantes Bt.
>La création de zones « refuges : une mesure pour retarder l’apparition de résistances.
-L’efficacité des cultures Bt se maintient d’autant plus que l’on prend des mesures pour gérer l’apparition des résistances.
C’est ainsi que l’on met en place des zones « refuges » comme un élément clé de la lutte contre les insectes nuisibles à
base de plantes Bt. Ces zones, localisées à proximité des cultures Bt, sont cultivées avec des plantes non modifiées sans
gènes Bt et donc qui ne produisent pas de toxines. Les insectes sensibles aux toxines peuvent ainsi survivre et s’accoupler avec les insectes résistants pour donner des descendances sensibles. Le nombre de ces zones doit être précisément
calculé en fonction de la dose de toxine produite par la culture Bt et de la fréquence initiale des gènes de résistance dans
la population d’insectes, ce qui permettra de retarder l’apparition de la résistance.
-Cette stratégie est préconisé par les semenciers, Monsanto conseillant sur son site d’une manière générale une superficie de 20%. Elle fait même l’objet de réglementations plus ou moins contraignantes. Pour favoriser le travail de semis
d’OGM et de non OGM des agriculteurs, Monsanto a obtenu aux Etats-Unis l’autorisation de l’Agence américaine de
l’environnement (EPA) de commercialiser des sacs contenants les 2 types de semences, ce qui permet de semer le champ
en une seule opération. Mais les agriculteurs ne suivent pas toujours les recommandations et n’installent pas ces zones
refuges en nombre suffisant, afin de ne pas restreindre l’espace consacré aux cultures Bt. Les auteurs citent le cas du sud
des Etats-Unis où plus de 50% d’individus résistants ont été constatés pour certaines populations d’Heliothis zea. sur
cotonnier, A contrario, en Australie, où la réglementation est strictement appliquée, on a relevé moins de 1% d’individus
résistants dans les populations de H. armigera et de H. punctigera sur le cotonnier
>Les plantes transgéniques Bt de deuxième génération développées par les semenciers.
Pour ne pas réduire l’espace de cultures OGM à 80% du champ, les semenciers proposent une autre solution : des OGM
contenant au moins 2 toxines Bt. C’est ainsi que depuis 10 ans les agriculteurs sont passés de la culture de plantes de
première génération, qui produisent une seule toxine Bt, à celle de plantes, dites « pyramides » qui en produisent deux
(OGM de deuxième génération). Mais pour garantir l’efficacité de ces OGM de deuxième génération il faut prendre
quelques précautions, car elles fonctionnent mieux si elles ne sont pas cultivées en même temps que les plantes produisant une seule toxine comme c’est le cas en Australie et si la résistance à l’une des toxines ne s’est pas déjà installée,
leurs avantages étant alors considérablement réduits, comme en témoigne la résistance de H. zea à une des toxines du
cotonnier Bt aux Etats-Unis. (Cela amène à considérer avec prudence l’affirmation de Monsanto selon laquelle « si une
population d’insectes résistants à une des toxines Bt apparait, il y a de grandes chances qu’elle soit sensible à l’autre »).
>Conclusion des auteurs de l’étude.
« Même avec cet arsenal de moyens, la gestion de la résistance reste la pierre angulaire de la lutte contre les ravageurs.
L’adaptation des insectes aux cultures Bt est inéluctable et ces cultures verront leur efficacité anéantie, à plus ou moins
brève échéance, par les résistances développées par les insectes. Il s’agit donc de retarder l’apparition de ces résistances
en mettant en œuvre une gestion intégrée des ravageurs, qui associe plantes transgéniques et dispositifs de maîtrise de
la résistance des populations d’insectes ».
Sources : Cirad, « 400 millions d’hectares de cultures transgéniques : comment gérer la résistance aux insectes ?, site Cirad,
rubrique résultats de recherche, 07/2013, 3p http://www.cirad.fr/nos-recherches/resultats-de-recherche/2013/400-millions-d-hectares-de-cultures-transgeniques-comment-gerer-la-resistance-des-insectes
Actu Environnement, « OGM insecticides : face aux résistances des ravageurs, les semenciers innovent », 06/08/2013
http://www.actu-environnement.com/ae/news/ogm-bt-resistance-insectes-deuxieme-generation-19322.php4#xtor=EPR-1
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Organismes et institutions
Agro-Ecologie : Arvalis-Institut du végétal, le Cetiom et In-Vivo AgroSolutions associent leur expertise pour
aider les agriculteurs dans le changement de leurs pratiques.
InVivo AgroSolutions, filiale de la plus importante Union de coopératives agricoles et les Instituts techniques agricoles
de grandes cultures Arvalis-Institut du végétal et le Cetiom (Centre technique des oléagineux et du chanvre) ont signé le
1er juillet 2013 un accord cadre de collaboration pour accompagner, outiller et former les ingénieurs et techniciens en
charge du conseil stratégique auprès des agriculteurs avec pour objectif de les aider à produire plus et mieux, avec des
systèmes de production « vertueux ». Cette collaboration porte sur 4 axes de progrès : Production et mise en commun
de données et de références économiques agro-environnementales ; Formation et suivi de conseillers dédiés et certifiés ;
Mise à disposition d’outils et de conseils d’aide à la décision ; Certification des résultats environnementaux issus de ce
conseil stratégique. Les premiers déploiements opérationnels sont prévus pour cet automne.
>Une majorité d’agriculteurs seraient prêt à s’engager dans des changements vers des pratiques et des systèmes de production, qualifiés de « vertueux ».
Les expériences d’agriculteurs pionniers, les expérimentations effectuées par les coopératives et les Instituts techniques
et de recherche ont permis d’identifier des pratiques et systèmes de production qui sont à la fois productifs, compétitifs,
économes en ressources et respectueux de l’environnement. Les enquêtes effectuées auprès des agriculteurs montrent
qu’une majorité d’entre eux sont prêts à s’engager individuellement ou collectivement dans une dynamique de changement créatrice de valeur s’ils sont accompagnés.
>La collaboration entre les 3 organismes porte sur quatre axes de progrès :
1-Production et mise en commun de données et de références économiques et agro-environnementales. Certaines problématiques telles que l’amélioration de la qualité de l’eau, l’enrichissement de la biodiversité, la réduction de l’impact
des pratiques sur le climat, requièrent des approches territoriales qui dépassent le cadre de l’exploitation. Elles nécessitent des diagnostics et des plans d’action à l’échelle des territoires qui s’inscrivent sur la durée.
2-Formation et suivi des conseillers. L’accompagnement des agriculteurs sera assuré par des conseillers dédiés et certifiés, capables de prendre en compte l’ensemble des dimensions agronomiques, économiques, environnementales et
sociales de chaque exploitation. Un programme de formation continue sera créé à cet effet. Cette nouvelle fonction de
conseil stratégique (approche globale du système d’exploitation) est complémentaire de la préconisation (choix variétal,
nutrition et protection des cultures). Cette organisation est déjà en place dans certaines coopératives.
3-Mise à disposition d’outils de conseil et d’aide à la décision : outils de pilotage de la nutrition et de la protection des
cultures, de gestion des objectifs et des performances économiques de l’exploitation.
4-Certification des résultats environnementaux issus de ce conseil stratégique.
>Mutualiser les compétences des 3 organismes.
Leurs représentants ont explicité leurs objectifs et engagements.
Pour Bertrand de Launay, directeur général d’InVivo AgroSolutions (spécialisée dans le R&D), « Le réseau des coopératives agricoles InVivo est mobilisé depuis plusieurs années autour du double défi économique et écologique avec la
mise au point d’outils d’aide à la décision, d’indicateurs agro-environnementaux, la diffusion des pratiques innovantes
en agriculture et la formation des conseillers agricoles. La complexité des défis à relever pour construire une agriculture
doublement performante au niveau de la compétitivité des exploitations agricoles et du respect de l’environnement,
comme le préconise le rapport de Marion Guillou sur l’Agro-écologie, impose une mobilisation et une mutualisation des
compétences. Nous avons déjà à notre actif plusieurs collaborations importantes en agro-écologie avec la mise en place
du réseau des coopératives FERMEcophyto et du Club Colza 20g. »
« Les trois organisations sont toutes l’émanation des agriculteurs. Elles s’engagent logiquement dans un partenariat
équilibré visant une plus grande cohérence de leurs actions et une meilleure efficacité des moyens de chacun, confirme
Jacques Mathieu, directeur général d’Arvalis-Institut du Végétal. Il s’agit d’un enjeu majeur au moment où les coûts de
recherche et développement augmentent, face à des questions techniques de plus en plus complexes ».
« Nous partageons la même vision stratégique. L’agriculture française a la capacité à produire plus pour satisfaire la
demande des marchés, assurer le revenu des producteurs et contribuer à la croissance économique du pays, tout en
contribuant positivement aux enjeux environnementaux et en fournissant des produits de qualité répondant aux attentes
des différentes filières et des consommateurs. Cette ambition nécessite un accompagnement des agriculteurs par des
conseillers de plus en plus performants et formés aux approches globales. Ce nouveau partenariat s’inscrit dans cette
logique et prolonge une collaboration ancienne et structurée entre Arvalis et le Cetiom. Elle est par ailleurs ouverte à
d’autres compétences » déclarent Jacques Mathieu et André Pouzet, directeur du Cetiom.
Cet accord pourrait préfigurer la création d’une structure commune à terme. Les premiers déploiements opérationnels
sont prévus pour cet automne.
Source : de Launay B., Mathieu J.J., Pouzet A., « Agro-écologie : InVivo Agro-Solutions, Arvalis et le Cetiom associent leurs expertises pour mieux accompagner les agriculteurs dans le changement de leurs pratiques pour produire plus et mieux ». Communiqué
de presse Arvalis-Institut du végétal, Cetiom, InVivo AgroSolutions, 2 juillet 2013, 2p.
http://www.invivo-group/uploads/communique/136_communique.pdf
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Politique agricole
Concertation autour du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture de l’agroalimentaire et de la forêt a lancé en avril 2013 une large concertation autour du projet de loi d’avenir de ces secteurs, dont la discussion au Parlement est prévue au début de 2014. Suite
à la séance du Conseil supérieur de l’économie agricole et agroalimentaire (CSO) de mai dernier, des groupes de travail
se sont réunis en juin et le projet de loi sera finalisé avant le prochain CSO qui se tiendra en septembre, puis présenté en
Conseil des ministres fin octobre. Ce projet de loi s’articule autour de 6 axes, une de ses mesures phare est la création
de groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), afin de s’appuyer sur des collectifs d’agriculteurs
pour promouvoir des démarches économiquement et écologiquement performantes, autour du projet agro-écologique
présenté fin 2012. D’autres démarches sont aussi développées destinées à moderniser l’agriculture française, comme
par exemple un meilleur accompagnement de la lutte intégrée et du biocontrôle, une protection renforcée du foncier
agricole, une optimisation de l’enseignement agricole et du modèle coopératif…
>Le projet de loi comprend les 6 axes suivants :
1-Performance économique et environnementale des filières agricoles et agroalimentaires.
Au-delà de la création des GIEE (Groupement d’intérêt économique et environnemental), il est notamment prévu de
rénover la gouvernance du modèle coopératif, de renforcer le rôle du médiateur des relations commerciales agricoles,
de moderniser le système de contractualisation dans la filière agricole et de mieux reconnaître les interprofessions afin
de légitimer leur action.
2-Protection des terres agricoles et renouvellement des générations
S’agissant du foncier et de l’installation en agriculture, le projet de loi prévoit une protection renforcée du foncier
agricole et un meilleur encadrement de sa consommation. Le contrôle des structures sera réorienté pour mieux prendre
en compte la diversité des productions et les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. La gouvernance
des Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) sera également revue pour y intégrer davantage de
pluralisme et de transparence et la politique de l’installation sera réorientée pour mieux prendre en compte la diversité
agricole et les installations progressives, notamment hors cadre familial.
3-Politique de l’alimentation et performance sanitaire.
Il s’agit de simplifier la politique nationale pour l’alimentation et de la réorienter en faveur de la jeunesse et de la justice sociale, en prenant davantage en compte les acteurs territoriaux.
La performance sanitaire des exploitations est un des objectifs prioritaires. Dans la continuité du plan Ecophyto,
les pratiques telles que la lutte intégrée et le bio-contrôle seront également mieux prises en compte, et l’évaluation
des produits phytosanitaires sera renforcée, par un suivi après la délivrance des autorisations de mise sur le marché
(AMM). Les médicaments vétérinaires et notamment les antibiotiques seront soumis à un encadrement plus étroit du
fait de l’impact de leur utilisation sur la santé humaine.
4-Enseignement agricole.
L’enseignement agricole devra progressivement rapprocher ses missions de l’objectif défini dans la démarche « produisons autrement » d’une agriculture doublement performante économiquement et écologiquement. Les exploitations
agricoles des établissements devront également mettre en application ces pratiques agricoles sur le terrain.
Plus globalement, le projet de loi vise à améliorer la réussite scolaire, l’insertion professionnelle et la promotion sociale
dans l’enseignement agricole, par exemple en favorisant l’accès des élèves de l’enseignement agricole vers les établissements d’enseignement supérieur.
5-Forêt et bois
La forêt française est globalement sous-exploitée et le renforcement de la filière passe par une meilleure mise en cohérence entre la politique forestière et celle relative au bois. Un fonds stratégique bois-forêt (FSBF) sera créé et le principe
de GIEE sera adapté pour la filière forêt-bois avec la création de groupements d’intérêts économiques et environnementaux forestiers (GIEEF).
6-Outre-Mer
Le projet de loi a pour objectif de renforcer et de diversifier la production agricole Outre-Mer, de façon à ce que les
filières de production participent davantage à l’approvisionnement du marché local. La réussite en la matière passera par
une meilleure coordination des actions des régions, de l’Etat et des structures professionnelles.
>Il s’agit en définitive de préparer l’agriculture française au double défi de la compétitivité économique et de la transition écologique, portée par le projet agro-écologique, tout en conciliant les attentes des agriculteurs, des consommateurs
et des citoyens. L’agriculture, l’agroalimentaire et l’exploitation forestière ont un rôle stratégique à jouer dans le redressement productif, en termes d’investissement et d’emploi.
Sources : Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (MMAF), « Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation
et la forêt : mode d’emploi », actualités, 29/07/2013. http://agriculture.gouv.fr/Loi-d-avenir-pour-l-agriculture-1
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Protection intégrée
Un contexte favorable aux produits de biocontrôle.
Le biocontrôle englobe l’ensemble des méthodes de protection des végétaux qui utilisent des mécanismes et interactions
naturelles pour contrôler les bioagresseurs. On distingue schématiquement 4 familles de produits de biocontrôle fabriqués et mis sur le marché surtout par des sociétés spécialisées. Ils sont mis en œuvre dans les systèmes d’agriculture
biologique mais, selon un sondage, plus de la moitié des agriculteurs sont intéressés par leur utilisation. Les politiques
publiques encouragent leur usage (Ecophyto, feuille de route du biocontrôle) dans le cadre d’une Protection intégrée
des cultures (PIC) obligatoire pour laquelle ils constituent des outils essentiels, cela afin de diminuer le recours aux
pesticides chimiques. Les sociétés agrochimiques investissent dans les sociétés spécialisées fabriquant ces produits.
Mais si le marché progresse fortement, il est freiné par une réglementation inadaptée et non harmonisée entre les pays,
ce qui limite l’offre. Le développement de ces produits, est aussi conditionné par l’amélioration des connaissances et de
la formation des conseillers des chambres d’agriculture et de la distribution en matière de PIC.
>Les familles de produits de biocontrôle.
Le biocontrôle est l’ensemble des méthodes de protection des végétaux qui utilisent des mécanismes naturels. Il vise
à la protection des plantes en privilégiant l’utilisation de mécanismes et d’interactions qui régissent les relations entre
espèces dans le milieu naturel. Ainsi, le principe du biocontrôle est fondé sur la gestion des équilibres des populations
d’agresseurs plutôt que sur leur éradication. (Ndlr : Cette définition de l’anglicisme Biocontrôle se réfère dans une certaine mesure au concept de protection (lutte) intégrée, défini officiellement et internationalement par la FAO et l’OILB).
Les produits de biocontrôle se classent en 4 familles :
-Les macro-organismes auxiliaires, qui sont des invertébrés, insectes, acariens ou nématodes utilisés pour protéger les
cultures contre les attaques des bio-agresseurs.
-Les micro-organismes, qui regroupent les champignons, bactéries et virus utilisés pour protéger les cultures contre les
ravageurs et les maladies ou stimuler la vitalité des plantes. (La lutte biologique telle que définie par la FAO et l’OILB
est basée sur l’utilisation des agents de ces 2 familles)
-Les médiateurs chimiques qui comprennent les phéromones d’insectes et les kairomones. Ils permettent le suivi des
vols des insectes ravageurs et le contrôle des populations d’insectes par la méthode de confusion sexuelle et le piégeage.
(Leur utilisation a été qualifiée parfois de méthode biotechnique).
-Les substances naturelles utilisées comme produits de biocontrôle qui sont composées de substances présentes dans le
milieu naturel et qui peuvent être d’origine végétale, animale ou minérale.
Cette classification de l’IBMA (International Biocontrol Manufacturers Association = Association des fabricants de produits de biocontrôle) n’est pas figée et peut être amenée à évoluer dans le temps. L’industrie internationale des produits
de biocontrôle ne pouvant se référer à une lutte biologique, définie internationalement et recouvrant un champ plus restreint d’agents de lutte, a inventé ce terme pour toutes ses spécialités. Certains produits dits de biocontrôle, par exemple
d’origine minérale, sont cependant des substances chimiques.
>Le marché des produits de biocontrôle en forte progression
-Il est alimenté par de nombreuses sociétés spécialisées PME dans le monde. C’est ainsi que les représentants de 240 de
ces sociétés venant de 50 pays ont participé à la 7ème rencontre annuelle de l’industrie du biocontrôle (ABIM) organisée
par l’IBMA en octobre 2012 à Lucerne (Suisse). Le marché des produits de biocontrôle ne représente encore qu’environ
3% du marché mondial de la protection des plantes, mais il devrait connaître une forte progression et doubler d’ici 2017
(selon FAO, USDA, EPA). Cette croissance mondiale s’explique par plusieurs raisons : les innovations de la recherche
publique et privée qui ont accru fortement le nombre de produits autorisés ; les politiques publiques (UE, Canada…) qui
visent à réduire le recours aux pesticides chimiques en favorisant les solutions alternatives durables ; l’augmentation des
surfaces cultivées en agriculture biologique (37 millions d’hectares cultivés dans le monde en 2010 dont 10 millions en
Europe) ; les investissements récents des grandes sociétés internationales de l’agrochimie pour intensifier la recherche
et le développement de produits de biocontrôle et proposer des solutions compatibles avec la protection intégrée. C’est
ainsi qu’en 2012, BASF a acquis Becker Underwood pour 1,2 milliards de dollars ; Bayer a racheté Agraquest pour 425
millions de dollars et récemment Prophyta ; Syngenta a racheté Pasteuria Bioscience et lancé une offre publique d’achat
de Devgen une société Belge et s’est rapproché du Danois Novozymes. En France des PME sont aussi présentes dans ce
secteur comme Goëmar, Philagro, De Sangosse
-De très nombreux produits de biocontrôle sont mis sur le marché en Amérique par rapport à la situation qui prévaut
en Europe. Il y a des réglementations différentes à l’échelle mondiale et aussi des interprétations différentes d’une
même réglementation à l’intérieur de zones différentes, notamment au sein de l’Union européenne (UE). Cela freine la
diffusion de produits déjà commercialisés et une harmonisation internationale est souhaitée. On constate en comparant
la situation en France avec celle de pays voisins de l’UE (ou d’Israël par exemple) que le nombre de produits mis en
marché dans notre pays est souvent inférieur alors qu’il y a une vraie demande, notamment pour couvrir des « usages
non pourvus ». Cela créé une distorsion de concurrence entre producteurs.
>Les politiques publiques au sein de l’UE et en France favorisent le développement des produits de biocontrôle.
-La Directive européenne dite « paquet pesticide » a pour objectif de réduire l’utilisation des pesticides chimiques pour
des raisons environnementales et sanitaires. Elle a eu d’abord pour effet de réviser drastiquement le nombre de matières
active et spécialités de produits phytopharmaceutiques chimiques sur le marché, amenant à repenser la protection de
certaines cultures et à rechercher des solutions alternatives pour lutter contre certains bioagresseurs. Elle a imposé la
mise en œuvre de la « protection intégrée des cultures » (PIC), au plus tard le 1er janvier 2014.
-En France le plan Ecophyto 2018 vise à réduire de moitié, si possible l’usage des pesticides chimiques d’ici 2018, en
se mettant en œuvre un ensemble de mesures : sensibilisation et formation des agriculteurs et de la chaîne de conseil et
de distribution (Certiphyto), épidémiosurveillance territorialisée des bioagresseurs, fermes de démonstration et d’expérimentation de systèmes de protection intégrée (Dephy)…
Dès fin 2011, un rapport sur « Le biocontrôle pour la protection des cultures », commandé par le ministre de l’Agriculture, a été remis par le député Antoine Herth. Sur la base de ses propositions, une feuille de route Biocontrôle a
été officiellement adoptée par les pouvoirs publics à l’occasion du Comité national d’orientation et de suivi du plan
Ecophyto (CNOS) et intégrée à ce dernier. Quatre priorités ont été retenues : --Encourager les agriculteurs à utiliser
les pratiques de biocontrôle pour la protection de leurs cultures. Dans ce volet d’indéniables progrès ont été accomplis
(Plusieurs centaines de milliers de Certiphyto délivrés, mise en place des fermes de démonstration et du réseau des
Lycées agricoles, « Bulletins de santé du végétal », utilisation des MAE pour les démarches collectives et l’utilisation
des produits de biocontrôle). On peut aussi citer l’accord-cadre entre le ministère de l’Agriculture et 22 partenaires pour
le développement des stratégies de biocontrôle en agriculture
--Promouvoir l’innovation pour le développement de nouvelles techniques sûres et efficaces (décret sur les macro-organismes non indigènes utiles aux végétaux, appels à projet de recherche, celles sur les stimulateurs de défense des plants
sont particulièrement prometteuses pour l’avenir).
--Favoriser la mise sur le marché des produits de biocontrôle en : facilitant la préparation des dossiers d’évaluation et de
demande d’autorisation, accélérant la mise sur le marché de nouvelles techniques (substances naturelles peu préoccupantes, reconnaissance mutuelle), proposition des méthodes d’évaluation adoptée aux produits de biocontrôle. On peut
dire que sur cette priorité les choses traînent et ne sont pas à la hauteur des attentes des professionnels et des agriculteurs.
--Mieux informer les professionnels et suivre le développement des usages. Il s’agit d’assurer la promotion des bonnes
pratiques Ecophyto 2018 et de distinguer les différents usages de protection des cultures selon le mode pédagogique du
feu bicolore et valoriser ceux liés à des techniques de biocontrôle (Nodu vert Biocontrôle).
>Les succès dans l’utilisation des produits de biocontrôle dans certains secteurs et l’intérêt des agriculteurs.
-Les cultures protégées avec des produits de biocontrôle en France sont surtout des productions spécialisées : 50% des
vergers de pommiers et de poiriers en ce qui concerne la confusion sexuelle avec les phéromones, 75% des tomates
et concombres sous abri grâce aux insectes auxiliaires (macroorganismes). Mais on note aussi une amorce en grandes
cultures avec l’application d’un fongicide biologique sur 5% des surfaces de colza et l’emploi de trichogrammes pour
lutter contre la pyrale du maïs sur 2% des surfaces.
-Une enquête réalisée par ADquation fin 2012 pour le mensuel « Agrodistribution » (rapportée par la revue La France
Agricole) indique que 18% des agriculteurs déclarent utiliser des produits de biocontrôle, c’est le cas particulièrement
des exploitations à orientation grandes cultures du Nord-Est (25%). De plus 32% des autres agriculteurs seraient prêt
à utiliser des produits de biocontrôle sur le principe, indépendamment du prix. Ce sont donc 50% des agriculteurs qui
les utilisent ou sont prêt à les utiliser. On peut considérer, soit qu’il y a un potentiel de progression considérable, soit
qu’il reste encore beaucoup à faire. En particulier il parait indispensable de mettre l’accent sur leur intégration dans un
système de protection intégrée, moyen de contrer l’argument de difficultés logistique avec l’utilisation des produits de
biocontrôle à action spécifique. Cela montre bien que pour le développement des produits de biocontrôle l’innovation
ne suffit pas et qu’il faut aussi un soutien des conseillers de chambres d’agriculture et de la distribution, lesquels devront
améliorer leurs connaissances sur la protection intégrée et le biocontrôle et que la pratique de la séparation entre conseil
et prescription imposée par la réglementation en France devra être rodée.
En tout cas les potentialités de développement des produits de biocontrôle dans l’avenir sont considérables et devraient
apporter « un second souffle » aux sociétés agrochimiques et à la Protection intégrée des cultures.
Sources : Lacordaire A-M et damoiseau L., 2013. ABIM, les adieux à Lucerne avant d’investir Bâle. Phytoma n°662, mars 2013,
(dossier, 10-13.
Escoffier I. et Magnard A., 2013. Les produits de biocontrôle creusent leur sillon. La France Agricole (Dossier), n°3477, 8 mars
201, 37-43.
Ministère de l’Agriculture, « Feuille de route Biocontrôle », 3p
http://agriculture.gouv.fr/Feuille-de-route-Biocontrole-3.pdf
Essais de toiles végétales biodégradables contre les adventices en viticulture.
L’Institut Français de la Vigne et du Vin, l’INRA et le Lycée agricole Edgar Pisani conduisent dans le Maine et Loire une
étude sur l’intérêt technique et économique des feutres biodégradables à base de fibres végétales en viticulture, fournis
par la société Effiréal de Chemillé (49). Les essais, d’une durée de 4 ans, qui ont démarré en 2012, sont conduits dans
le cadre de la Plateforme Régionale d’innovation de Montreuil Bellay, sur vigne en place et sur plantation. L’objectif
est de définir les modalités pratiques d’utilisation et de déterminer : l’efficacité du procédé pour empêcher le développement des adventices, l’évolution du matériau dans le temps et notamment sa durée de vie, le comportement de la
vigne et l’impact sur le sol. Les premiers résultats ont permis de confirmer l’intérêt de ces feutres dans la lutte contre
les adventices.
Les toiles étaient disposées sur les rangs de vigne. Les résultats de la première année d’essai ont montré que le procédé
avait permis d’empêcher la pousse des adventices durant la période d’avril à octobre, sans modification du comportement de la vigne, qu’il s’agisse du cycle phénologique, de la composition de la vendange, et des contraintes hydriques,
malgré quelques différences observées dans l’horizon de surface du sol dans la température et la dynamique hydrique.
La durée de vie dite « efficace » des feutres varie selon les modalités appliquées. En particulier l’état de dégradation fluctue en fonction de l’épaisseur du feutre et de la matière utilisée. Le type de pose semble aussi être à l’origine de quelques
dégradations précoces qui ne permettent pas de continuer les essais de certains feutres utilisés en 2012. En 2013, tous
les feutres sont donc remplacés et positionnés différemment, car il s’agit d’obtenir une durée de vie de plusieurs années,
sous réserve qu’il n’y ait pas d’impacts négatifs sur la vigne et le fonctionnement du sol. De prochaines analyses permettront d’évaluer l’impact de la dégradation de ces feutres sur l’évolution de la matière organique et de déterminer si
en se décomposant ils pourraient jouer le rôle d’amendement organique. La mécanisation de la pose est aussi étudiée par
la société Effireal en collaboration avec la pépinière.
Ces essais bénéficient d’un financement par plusieurs organismes ; InterLoire, France AgriMer, Conseil Régional des
Pays de Loire.
Sources : Etienne Goulet, « Toiles végétales biodégradables : Un intérêt pour la viriculture ? » Institut Français de la Vigne et du
Vin, OMT Vinifera, Lettre d’info Vigne et vin, juillet 2013. http://www.vignevin.com/fileadmin/users/actualites/lettre_avril_2013/
Lettre_juillet3/Feutres_fibres_vegetales.pdf
Guillaume Billerach, « L’IFV et l’INRA testent des toiles biodégradables pour désherber les vignes » Référence Environnement,
22/07/2013
http://www.reference-environnement.com/2013/07/22/1%e2%80%99ifv-et-1%e2%80%99inra-testent-des-toiles-biodegradablespour-desherber-les-vignes/
Evaluer le risque de perte d’efficacité des produits de biocontrôle.
Dans le cadre du projet PURE (Protection des cultures innovante pour une agriculture durable), soutenu par la Commission européenne (CE), une recherche est conduite sur l’évolution des bioagresseurs et l’augmentation de la durabilité des solutions de Protection intégrée des cultures. Une des études concerne l’analyse du développement de la
résistance aux produits spécifiques de biocontrôle. L’objectif général est d’estimer le risque de perte d’efficacité du
biocontrôle contre les ravageurs et maladies. Le travail porte sur une revue de la littérature scientifique s’y rapportant,
des études de laboratoire sur l’évolution de la sensibilité des bioagresseurs et sur les divers mécanismes de résistance
sur 2 organismes modèles (carpocapse Cydia pomonella et pourriture grise Botrytis cinerea). Pour anticiper les pertes
d’efficacité potentielles et intégrer l’objectif de durabilité des produits mis en marché, il faudra agir à la fois lors du
criblage des agents de biocontrôle et sur leur gestion prudente dans le cadre d’une Protection intégrée des cultures.
>Revue de la littérature scientifique qui évalue le potentiel des phytopathogènes et des ravageurs à devenir résistants
aux agents de biocontrôle.
Cette revue montre que la résistance aux agents de biocontrôle peut apparaître. Cependant, ce phénomène de résistance
est encore rarement observé dans la nature, à l’exception de quelques bioagresseurs (Ndlr : c’est le cas pour la résistance
du Carpocapse Cydia pomonella aux préparations de «première génération » de virus de la granulose). Quelques-unes
des raisons possibles à cette rareté sont les suivantes :
-Les agents de biocontrôle ne sont pas employés très fréquemment et le sont principalement sur de petites surfaces.
Ainsi, les pathogènes et les ravageurs sont exposés à ces agents sur des superficies petites et fragmentées, ce qui réduit
le risque de pression de sélection et la propagation des individus résistants.
-Les mécanismes d’action des agents de biocontrôle sont très divers. La résistance est ainsi moins susceptible d’apparaître.
Cependant, un nombre significatif de mécanismes de résistance spécifique et non-spécifique ont été identifiés. Cela
met en avant la nécessité d’une gestion appropriée de ces nouveaux produits dans le but d’éviter les erreurs faites avec
les pesticides chimiques. L’utilisation des agents de biocontrôle nécessite une bonne connaissance de leur mode
d’action pour être capable d’alterner les cibles et ainsi les associer avec d’autres traitements. L’acquisition de
ces connaissances devrait permettre de les utiliser de manière optimale dans un schéma de protection intégrée.
>Les études de laboratoire.
Ces études procurent des données factuelles sur la sensibilité des phytopathogènes et des ravageurs des plantes (bioagresseurs) aux agents spécifiques de biocontrôle. Ces études de laboratoire sont menées sur le champignon pathogène Botrytis cinerea, agent causal de la pourriture grise sur diverses cultures et sur le carpocapse Cydia pomonella ravageur du
pommier (Ndlr : et d’autres fruits). Ces études révèlent l’importance qu’il y a à prendre en considération les différentes
souches / populations lors du criblage des agents de biocontrôle, afin d’obtenir une bonne représentation de la population
et prendre ainsi en compte la durabilité potentielle du biocontrôle.
>Conclusion des auteurs.
« Des efforts significatifs de recherche sont encore nécessaires pour anticiper la potentialité d’échec du biocontrôle et
d’intégrer la question de la durabilité, à la fois dans la procédure de criblage des nouveaux agents de biocontrôle et dans
la gestion prudente de leur emploi lorsqu’ils deviennent commercialement disponibles », (pour plus de détail sur le
projet de recherche PURE, voir : « Pesticide Use-and-risk Reduction in European farming systems with Integrated Pest
Management » http://www.pure-ipm.eu/publication/5
Contact : [email protected]
Source : Pure, « Pest evolution and enhancement of the durability of IPM solutions » Pure, 2nd Annual Newsletter, Innovative research activities, july 2013. (Traduction du texte Audemard)
http://www.pure-ipm.eu/sites/default/files/content/files/Annual%20Newsletter_nb2.pdf
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